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Éditorial

décembre 2020

Index   

1Ce nouveau numéro de la revue est double. Il a été peaufiné dans la lenteur et au gré du confinement de l’année 2020. L’appel invitait les compositeurs, interprètes, performeurs, improvisateurs, développeurs et codeurs à s’exprimer sur le potentiel de la culture du code en informatique musicale.

2Dans ce domaine, la culture du code concerne l’appropriation des langages de programmation par les praticiens du domaine musical, comme une nouvelle forme d’expression et d’écriture dans les mains des musiciens, compositeurs, chercheurs, makers, développeurs… Elle privilégie un accès libre, dans la perspective de l’open source et des sciences ouvertes. Elle relève du faire, de l’expérimentation, du partage et de la mise en commun des savoirs.

3Les contributions répondant à l’appel ont complété un ensemble de textes de jeunes chercheurs prépubliés à l’occasion des Journées d’informatique musicale 2018 et 2019 organisées par l’Afim, ainsi que par les écrits de conférenciers invités par cette dernière au fil de ses activités récentes.

4À l’occasion d’une conférence invitée aux Journées d’informatique musicale à Bayonne en 2019, Alain Bonardi nous a présenté ses manières de composer l’espace sonore à travers trois approches en recherche-création : Fil de soi 1 et 2 pour guitare et électronique en temps réel, Pianotronics 2 pour piano et électronique en temps réel et Les Songes de la nef, installation in situ et suite acousmatique en progrès. Au fil de ces projets, il recourt aux environnements de travail s’appuyant sur Max, sur la bibliothèque HOA du CICM et sur des traitements qu’il a programmés avec Faust. Le cœur de ces trois projets concerne la composition de l’espace sonore, à l’instar d’un John Chowning, pour qui l’on ne peut séparer le son de l’espace.

5Une telle pensée de l’espace du son ne peut se développer sans un accès aux formalismes et aux équations de la spatialisation audionumérique du son. C’est ce que nous propose Sylvain Marchand au fil d’un texte, également fruit d’une conférence invitée aux JIM 2019, qui concerne une approche perceptive de la spatialisation du son. L’auteur rappelle quelques notions de physique pour la propagation du son, décrit des mécanismes du système auditif humain pour la localisation des sources sonores, et présente des méthodes de spatialisation actuelles : binaurale, transaurale, ambisonie, holophonie, dans la perspective d’une approche perceptive.

6L’Afim, à travers ses Journées d’informatique musicale, sa revue et l’ensemble de ses activités de recherche, donne l’opportunité de tels échanges entre arts, sciences et technologies, à des fins de partage et de circulation des savoirs entre informatique et musique.

7Les articles suivants sont signés par de jeunes chercheurs, dont les spécialités relèvent en quelque sorte de l’indisciplinarité de la composition musicale, des sciences de l’ingénieur, des sciences de l’éducation, de la programmation ou de la musicologie.

8Sébastien Clara présente la programmation comme un outil créatif. Il montre comment, au fil de son travail de compositeur, la programmation est devenue pour lui un outil de conceptualisation. Le jeune compositeur-chercheur relate, dans sa pratique, la manière dont la fonction informatique et la programmation orientée objet font place à la création orientée objet, en milieu rhizomatique, ce qui tient autant de l’héritage conceptuel de Horacio Vaggione que des propositions deleuziennes.

9Réinvestissant à leur façon la création orientée objet, Joseph et Gabriel Larralde présentent leur manière de faire une pédale d’effet open source pour guitare. Les technologies open source convoquées ici pour la réalisation d’un prototype matériel de pédale sont ainsi rendues accessibles au grand public, aux musiciens et aux développeurs. Sont documentés le choix des composantes, le design d’interface de contrôle et l’architecture matérielle et logicielle. Nous voici dans un cadre de sciences ouvertes et de connaissances conçues comme partageables, pouvant être appréhendées comme du commun.

10Maxence Larrieu examine quant à lui le potentiel du code de la « computer Music » et de ses utilisations en analyse musicale. Il relève qu’au-delà des paradigmes traditionnels de l’analyse de la musique sur ordinateur basés sur l’écoute ou bien sur l’analyse technique ou génétique, à la suite de l’Interactive aural analysis de Michael Clarke, il est possible de concevoir des méthodes favorisant la circulation entre le code et l’écoute, pour une « écoute musicale du code ».

11Jean-Michaël Celerier présente une vue d’ensemble de l’architecture logicielle du projet ossia, suite d’outils pour la création artistique numérique interactive, pour répondre aux attentes des créateurs et réalisateurs en informatique musicale, théâtrale et intermédiale. Le texte propose un compte-rendu des choix opérés lors du développement du projet, en particulier concernant la bibliothèque en C++ libossia ainsi que score, logiciel de création et d’exécution des partitions interactives basées sur libossia pour partage avec la communauté des praticiens.

12Pierre Guillot revient sur les enjeux et développements du plugin audio Camomille embarquant Pure Data. Camomille consiste à intégrer un traitement quelconque réalisé avec Pure Data en tant que plugin dans une station de travail audionumérique. Au-delà de pouvoir tirer parti du potentiel modulaire d’un tel outil dans des situations musicales diverses, l’auteur expose avec finesse le contexte, l’état de l’art et les orientations techniques qui ont guidé ses choix pour la production d’un livrable d’une grande utilité, aussi bien en pédagogie qu’en création.

13Dans une perspective relevant en partie des sciences de l’éducation, Philippe Galleron, Eric Maestri, Jean Millot, Alain Bonardi et Elliot Paris reviennent sur cette véritable prise de risques qui a consisté à enseigner le patching de manière collective avec le logiciel Kiwi au département de musique de l’université de Paris 8, le temps du projet ANR Musicoll, dans un cadre méthodologique de recherche-action visant à repenser le design de l’enseignement du patching dans une perspective collaborative au sein d’une classe.

14Jonathan Bell, pour sa part, relate son appropriation créative et post-spectrale des partitions distribuées en réseau dans le cycle In memoriam Jean-Claude Risset grâce au dispositif SmartVox, originellement outil d’apprentissage et de performance que le jeune compositeur adapte à des contextes de création musicale toujours plus diversifiés.

15Nathan Libermann, Frédéric Bimbot et Emmanuel Vincent présentent une étude pour la génération automatique de mélodie structurée par le moyen de l’apprentissage profond en intelligence artificielle qui passe par l’exploration de dépendances structurelles mélodiques par réseaux de neurones récurrents. Comme tant d’autres domaines, l’informatique et la musique investissent l’intelligence artificielle. Là encore l’accessibilité aux notions et aux concepts doit être effective, afin que les communautés concernées puissent prendre la mesure ou plutôt la main sur les mutations d’ordre musical à venir.

16Ce numéro s’achève avec la remarquable contribution de Gérard Assayag qui traite de la co-créativité humains-machines, une réflexion sur les indisciplines symboliques, et dont une première lecture avait été effectuée par l’auteur à l’occasion de l’intervention de l’Afim lors du symposium « les sciences de la musique : de nouveaux défis dans une société en mutation », qui s’est déroulé en janvier 2019 à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord. Plutôt que d’évoquer une musique mécanisée par l’intelligence artificielle, Gérard Assayag fait valoir son expérience de concepteur de systèmes d’une informatique avancée pour la création musicale expérimentant l’improvisation libre entre humain et machine, comme ce fut le cas avec Bernard Lubat et le système OMax. La co-créativité entre humains et machines fait émerger la forme et sa musicalité ; elle interroge la création, dans le champ des pratiques et des savoirs qui émergent de l’indiscipline entre arts et sciences.

Éloge de l’indiscipline ?

Celle-ci est peut-être en effet une des propriétés du champ de l’informatique musicale et des développements d’une culture du code… à vous de vous l’approprier !

Citation   

, «Éditorial», Revue Francophone d'Informatique et Musique [En ligne], Numéros, n° 7-8 - Culture du code, mis à  jour le : 09/03/2021, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/rfim/index.php?id=649.