Mycelium Garden " href="index.php?page=backend&format=rss&ident=788" />

Logo du site de la Revue Informatique et musique - RFIM - MSH Paris Nord

Mycelium Garden

Diane Schuh et David Fierro
mai 2024

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/rfim.788

Résumés   

Résumé

Ce projet, développé dans le cadre de l’appel à projet de recherche « Symbiose » de l’EUR ArTec, se concentre sur l’interaction entre l’humain et un réseau de mycélium. Il cherche à comprendre et utiliser les expressions électriques du mycélium dans une perspective musicale. La méthodologie repose sur une recherche de « connaissance objective » (Popper, 1985), étudiant les interactions avec le mycélium par un processus expérimental. Le projet explore la création d’assemblages pour rendre cette interaction sensible et audible. Il interroge les interfaces et les transductions dans des interactions interspécifiques, mettant en lumière l’importance de reconnaître l’altérité des êtres non-humains. L’installation souligne la nécessité de développer des protocoles de recherche guidés par un principe de « verisimilitude » dans le contexte d’un projet écologique d’attention au vivant.

Abstract

This project, developed under the « Symbiosis » call for research projects by EUR ArTec, aims to explore the unique characteristics of a mycelium network in a human interaction mode focused on listening. We describe the construction of setups that facilitate sensitive interactions with the mycelium, an organism that supports symbiosis, by interpreting its electrical signals in interaction with our human music world. To establish this interaction, we adopted a methodology seeking « objective knowledge » (Popper, 1985). Our experimental approach aimed to foster a relationship with this non-human organism, observing its behavior and adapting our own in a collaborative human/AI/mycelium process. We contemplated the protocols needed to access mycelium signals and how to create assemblies to make this interaction both audible and perceptible. This project delves into and challenges the interfaces and transductions involved in interspecies interaction initiatives. Moreover, the installation highlights the significance of acknowledging the distinctiveness of non-human entities and the necessity of developing research protocols that adhere to a principle of « verisimilitude » in our ecological attentiveness to living beings.

Index   

Index de mots-clés : Mycélium, Écosystème, Informatique musicale, Intelligence artificielle, Composition, Ambisonie.
Index by keyword : Composition, Mycelium, Ecosystem, Computer music, Artificial intelligence, Ambisonics.

Texte intégral   

1. Construire des interactions interspécifiques

1.1. Écouter la « musique » des cellules vivantes

1Depuis 1873, nous savons que les cellules des plantes conduisent des signaux électriques. Burdon-Sanderson a été le premier à identifier le potentiel d’action (PA) dans les végétaux, dont certains mouvements s’activent par stimulation mécano-induite, comme chez les Dionæa (Fromm et Silke, 2007).

2Des musiciens et artistes sonores ont utilisé ces propriétés électriques pour construire des dispositifs à partir de systèmes de transduction du signal électrique (Agapea, 2021 ; Moore et. al., 2016 ; Garcia, 2016).

1.2. Mycelium et fungi, signaux et réseaux symbiotiques

3Le mycélium est un organisme souterrain végétatif dont les fructifications sont les champignons. Dans le cas des champignons mycorhiziens, le réseau peut alors connecter plusieurs systèmes racinaires de végétaux parfois différents (Miyauchi et. al., 2020 ; Selosse, 2000). On observe alors une symbiose : une coexistence durable entre deux organismes dont les interactions sont à bénéfices mutuels (Selosse, 2000).

4Des scientifiques ont mis en évidence des potentiels d’action chez les champignons. En 1995 Olsson et Hansson ont mesuré des signaux électriques dans le mycélium de Neurospora crassa (Olsson et Hansson, 1995). Dehshibi et Adamatzky ont découvert par une analyse multicanale la complexité de systèmes de transmission du signal dans un réseau de mycélium de Pleurotus ostreatus (Adamatzky, 2018). Cette extrême diversité étant alors comparée par les auteurs à la complexité de langages humains, en la surpassant (Dehshibi et Adamatzky, 2021).

5L’état de l’art de la recherche étudiant les signaux électriques et les potentiels d’action probablement émis par les fungi montre une grande diversité de protocoles et de représentations pour ces signaux. Il faut aussi noter les biais et les problèmes méthodologiques de certaines de ces études (Blatt, 2024). Nous avons pris en considération ces éléments dans l’élaboration de notre protocole de recherche.

1.3 Reconnaître l’altérité du vivant : inventer des modalités d’interactions avec des êtres organiques non-humains

1.3.1. Au-delà de l’anthropomorphisme

6Dans le domaine de la composition musicale, il existe des expériences centrées sur la connexion de synthétiseurs modulaires au moyen de modules de sonification de biodata connectés par des pinces électrodes à des sacs de mycélium (Seraiah, 2023) voire aux sporocarpes de fungi (Hissong, 2021). Cependant, ces expériences ne semblent pas rendre compte de la complexité des signaux que l’on peut monitorer au sein d’un même mycélium. De plus, elles participent de la simplification d’une approche qui se veut interactionniste. En effaçant de leurs communications les incertitudes (Blatt et. al., 2023) liées à la source du signal utilisé pour ces sonifications1, ces artistes diffusent un discours simplificateur voire faux sur les possibilités d’entendre « la musique des champignons2 ». Ces démarches relèvent de l’anthropomorphisme, voire de l’anthropocentrisme, d’une personnification du vivant non-humain. C’est une approche qui peut se révéler contre-productive3 dans un projet écologique d’attention au vivant (Castro et Selosse, 2019).

7Notre projet cherche à développer un dispositif pour des modalités d’interactions sensibles et spécifiques avec le mycélium et ses fructifications, en passant par une interprétation de la singularité de leurs expressions électriques (Berbara, 1995 ; Adamatzky, 2018).

1.3.2. Rendre compte des altérités

8Ce projet vise à prendre en compte l’altérité, la singularité et la multiplicité d’un réseau de mycélium dans un mode d’interaction avec les humains qui se base sur l’écoute et l’attention. Il s’agit de rendre audibles les dimensions complexes et invisibles de ces êtres organiques souvent perçus comme inertes et d’inventer un modèle d’interaction qui facilite chez l’humain la sensibilité pour autre que lui. Ce modèle ne cherche pas à induire une réaction d’empathie anthropomorphique mais tente de maintenir la dimension d’altérité dans l’interaction non-verbale, créant ainsi un nouvel espace sonore. Cet espace sera compris comme un processus de construction d’interactions, de symbioses par ajustement de différences (Guillo, 2019), convoquant la notion d’anthropomorphisme critique.

2. Méthodologie, à la recherche d’un « processus objectif de connaissance »

9Le projet consiste à construire les conditions d’émergence d’un réseau de mycélium à partir d’une souche récoltée dans le jardin de la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord (MSH PN), à adapter une technologie conçue pour l'humain à un organisme vivant non animal et non végétal, et à tenter de révéler ce qui pourrait constituer son potentiel d’action, afin de produire une composition musicale qui entre en interaction avec les temporalités du mycélium et invite à l’écoute et à l’attention pour le vivant.

10Notre méthodologie s’est construite au fur et à mesure des expérimentations effectuées. Au cours de nos essais pour entrer « en contact » avec le mycélium et lors de la construction de nos énoncés expérimentaux, nous nous sommes attachés à une méthode d’essai et d’élimination des erreurs en suivant un principe de « degré de corroboration » (Popper, 1985) des théories étudiées. Nous nous plaçons ici dans une recherche suivant un « processus objectif de connaissance ». Nous nous appuyons sur le principe de « vérisimilitude » (Popper, 1985), afin de tenter de s’approcher de la vérité (s’approcher au plus près du signal du mycélium notamment) tout en mettant au jour les contraintes et difficultés rencontrées dans ce processus.

2.1. Porter attention au vivant dans un « jardin de mycélium »

11Le cœur du projet est la création d’une installation sonore interactive en co-création avec un réseau de mycélium dont l’émergence, le développement et les conditions de vie ont été organisés par l’humain.

12Le développement du jardin de mycélium avait été planifié sur une période de huit mois. Les travaux réalisés devaient s’effectuer en trois phases. La phase de recherche comprenait le recueil du mycélium dans le jardin de la MSH PN, l’extraction de la souche et le clonage dans des boîtes de Pétri stériles. La deuxième phase comprenait la culture en bocaux stériles et la première multiplication du mycélium. Enfin, la dernière phase comprenait la multiplication du mycélium en 3 étapes (de 0,1 m3 à 1m3 selon la taille de l’installation) ainsi que le transport du mycélium du laboratoire à la salle d’exposition, le montage du substrat et de la structure scénographique. Pour la culture du mycélium, nous avons été accompagnés par Spora Studio.

13Deux dispositifs ont été conçus au final et le suivi s’est fait sur une période de 10 mois compte tenu des difficultés de culture rencontrées. Une première installation a été conçue à partir de souches issues du jardin de la MSH PN pour une présentation lors des JIM23 (25 mai 2023) et des Rendez-vous aux jardins 2023 (2 juin 2023) à la MSH PN. Une seconde installation, présentée aux Rencontres ArTec (les 15 et 16 novembre 2023) a été développée à partir de souches de Agaricus arvensis et Pleurotus eryngii produites par Spora, ainsi que des boîtes de mycélium d’Agaricus bisporus et Pleurotus ostreatus cultivée par nos soins au CICM.

14Dans un premier temps, nous avons identifié et collecté différents champignons présents dans le jardin de la MSH Paris Nord. Le champignon Agaricus que nous avons nommé sp. « Hortus Annae4 » semblait adéquat pour notre projet.

Figure 1. Agaricus sp. « Hortus Annae », champignon que nous avons cloné.

img-1-small450.jpg

© Diane Schuh

15Nous l’avons cloné dans des boîtes de Pétri. À ce stade, l’identification avait été reportée à plus tard.

Figure 2. Les 16 boîtes de Pétri du clone d’Agaricus sp. « Hortus Annae ».

img-2-small450.png

© Stephen Whitmarsh.

16Depuis, et avec l’aide de Roberto Dell’Orco (Spora) et Aurélie Sanchez, mycologue, nous avons pu identifier la souche que nous avions clonée. Grâce à une analyse multi-sensorielle5 nous avons pu déterminer qu’il s’agissait d’un Agaricus xanthodermus.

17Pendant plusieurs mois6, nous avons pris soin de ce mycélium. Nous avons appris à connaître sa constitution fragile : une structure presque éphémère. Nous l’avons vu disparaître du jour au lendemain des lieux de culture où il semblait pourtant bien se développer. Cette constitution particulière, alors même que nous ne connaissions pas encore son espèce, nous a demandé de nous adapter et d’adapter la scénographie de l’installation aux possibilités de développement et de viabilité de cette souche.

2.2. Enregistrer le signal du mycélium : essais et protocoles

2.2.1. Adapter un dispositif conçu pour l’humain

18Pour faciliter la création d’un environnement de co-composition entre les trois agents (mycélium/IA/humain) il est indispensable d’établir un protocole de captation et de traitement des signaux qui puisse nous permettre de mesurer les variations électriques intrinsèques du mycélium en évitant les bruits instrumentaux. Les signaux électriques du mycélium peuvent varier en amplitude et en dynamique. Cependant, ces signaux ont une intensité assez faible et une évolution lente dans le temps (Slayman et. al., 1976).

19L’état de l’art a montré, en fonction des souches étudiées et des protocoles utilisés, des plages d’activité électrique du mycélium qui se trouvent dans de très petites échelles, de l’ordre du millivolt7 et dans une gamme de fréquence comprise entre 0,004 Hz et 0,6 Hz8.

20Les caractéristiques de ces signaux impliquent un grand défi technique lors de sa captation. Pour répondre à ce défi, nous nous approprions des technologies de captation de signaux EEG et EMG9. Ces dispositifs partagent une très bonne relation signal/bruit, une grande capacité d’amplification et la capacité à éviter ou filtrer des bruits instrumentaux (Metting et. al., 1994).

21Dans le cadre de l’ANR BBDMI10, des prototypes permettant de mesurer les signaux électriques du muscle et du cerveau (EMG et EEG) ont été développés en 2022. Nous nous appuyons sur ces technologies et l’expertise testée et éprouvée du projet BBDMI pour développer la cartographie sonore de l’activité du mycélium de l’installation. En utilisant la carte EAVI (Di Donato Balandino et al., 2019) et des électrodes à aiguilles subdermiques, nous avons testé la faisabilité de ces techniques avec le réseau de mycélium (Klejchova et. al., 2021).

22La carte EAVI possède quatre entrées analogiques bipolaires qui sont traitées par un convertisseur analogique-numérique (ADS129411) avec un bon rapport signal/bruit (S/N) et une forte amplification. La carte transmet le signal d’entrée brut à un taux d’échantillonnage de 8kHz par USB avec un module d’isolation optique entre la carte et l’ordinateur. Le circuit intégré (CI) ADS1294 nous est spécialement pertinent, car il présente un bruit interne de 4 microvolts pic-à-pic, ce qui est considérablement inférieur aux signaux du mycélium. Ce CI nous offre aussi une réjection au mode commun de -115dB ce qui est aussi important compte tenu des très basses fréquences mesurées, presque de l’ordre du signal continu (DC). En rejetant le mode commun, nous pouvons donc isoler l’activité électrique entre les électrodes.

23Pour notre projet, nous utilisons deux cartes EAVI, ce qui nous permet de surveiller huit intersections du réseau de mycélium et donc de rendre compte de la diversité de ses expressions électriques.

24Il est à noter que, compte tenu du matériel disponible, nous ne mesurons pas de véritables potentiels d’action transmembranaires, intra et extracellulaires12, mais des changements de tensions locaux, des « potentiels de champs » (Bodis-Wollner, 1982) qui reflètent le comportement de plusieurs cellules. Il s’agit donc d’une mesure indirecte de l’activité cellulaire dont les variations de tension peuvent refléter des potentiels d’action proches (Blatt et al., 2024). Les signaux que nous mesurons sont donc le résultat d’une interaction complexe entre le mycélium et son environnement, au sein duquel les signaux du mycélium sont une composante active.

2.2.2. Enregistrer les signaux du mycélium, protocoles

25Lorsque nous effectuons des mesures pour détecter les signaux émis par le mycélium, il est important de mener des analyses approfondies pour nous assurer que les signaux détectés proviennent effectivement du mycélium et ne sont pas simplement du bruit ou des signaux électromagnétiques étrangers. Si nous ne faisons pas suffisamment d’analyses pour distinguer les signaux du mycélium des autres sources possibles, nous risquons de détecter des variations qui ne sont pas réellement liées à l’activité du mycélium.

26Il existe plusieurs méthodes pour s’assurer que les signaux détectés proviennent effectivement du mycélium. Par exemple, nous pouvons utiliser des techniques de filtrage pour éliminer les signaux indésirables, ou encore réaliser des mesures de contrôle pour nous assurer que les variations que nous détectons sont bien spécifiques au mycélium.

27Lors de cette première phase13, nous avons décidé de deux protocoles de test pour mesurer les signaux électriques du mycélium en essayant d’éliminer au maximum les possibles sources de bruit externes. Dans notre premier protocole nous avons utilisé des électrodes-aiguilles sous-cutanées14 et des électrodes en cuivre pour comparer les résultats.

Figure 3. Monitoring du mycélium de la boîte à champignon au moyen de deux types d’électrodes.

img-3-small450.jpg

28Ces mesures ont été prises sur le mycélium de Pleurotus ostreatus, notre organisme modèle15. Nous avons sélectionné ce type d’électrodes car elles sont stériles ce qui nous permettra de réduire les risques de contamination dans les boîtes de Pétri. De plus, elles sont assez fines et rigides pour pouvoir s’introduire précisément dans le réseau de mycélium.

29Pour le deuxième protocole de test nous avons placé le mycélium et un objet de contrôle dans une cage de Faraday pour minimiser les bruits électromagnétiques près des aiguilles. Nous avons utilisé les électrodes-aiguilles sous-cutanées avec protection contre les bruits.

30Les aiguilles ont tendance à être plus sensibles aux bruits électromagnétiques car elles n’ont pas de blindage électromagnétique contrairement aux câbles des électrodes.

31Les trois électrodes ont été connectées sur la surface du mycélium à deux millimètres de profondeur approximativement en essayant de ne pas toucher le substrat car cela pourrait nuire à la qualité du signal et avoir pour conséquence la réduction de l’impédance entre les électrodes.

32En parallèle des électrodes connectées au mycélium, nous avons placé une éponge humide utilisée comme objet-contrôle. Les câbles ont été placés l’un à côté de l’autre afin d’avoir le même bruit électromagnétique dans les deux électrodes. Cette configuration nous permet de déterminer a posteriori la quantité et le spectre du bruit électromagnétique aux alentours du mycélium. Bien que l’éponge et le mycélium n’ont pas la même impédance, le signal perçu par les électrodes placées sur l’éponge peut nous donner assez d’informations pour éliminer de possibles perturbations futures en temps réel. Nous comptons implémenter cette étape de filtrage en utilisant des techniques d’apprentissage machine. L’éponge humide a été choisie comme objet de test car elle n’est pas vivante et peut être utilisée comme référence pour les comparaisons avec les signaux électriques du champignon. On pourrait donc déduire que les perturbations présentes dans les deux électrodes font partie du bruit instrumental. La figure 4 montre la boîte de Pétri à côté de l’éponge avec les trois électrodes-aiguilles sous-cutanées.

Figure 4. Monitoring du mycélium cloné depuis le champignon Agaricus « Hortus Annae » du jardin de la MSH PN et monitoring d’un organisme contrôle (éponge). Le 16 janvier 2023.

img-4-small450.png

2.2.3. Les signaux enregistrés, première phase

Figure 5a. Visualisation de l’enregistrement du signal de Pleurotus ostreatus (boîte à champignon) enregistré le 21 décembre 202216

img-5-small450.png

33La figure 5a montre le signal enregistré au moyen des électrodes placées sur le mycélium Pleurotus ostreatus. Nous pouvons apercevoir des perturbations sporadiques en même temps que la forte présence d’un signal qui, à première vue, ressemble à du bruit électromagnétique. Il est possible que les données collectées présentent un signal complexe qui comprend à la fois des informations utiles provenant du mycélium ainsi que des perturbations ou des interférences causées par le bruit instrumental. Ce bruit instrumental est composé de tout type d’interférences ou de perturbations introduites dans les données par les instruments de mesure utilisés pour les collecter. Dans le cadre de notre recherche, l’utilisation de la carte EAVI implique l’introduction d’un courant électrique faible dans le système, une conséquence directe des propriétés intrinsèques du circuit intégré ADS1294, notamment son courant de polarisation d’entrée fixé à 200 picoampères. Cette caractéristique, bien que minime, peut influencer les mesures effectuées, notamment dans le contexte des signaux électriques délicats du mycélium. En conséquence, nous prenons soigneusement en compte cette particularité lors de l’analyse de nos données, en ajustant nos méthodes et nos interprétations pour compenser l’impact potentiel de ce courant de polarisation sur les résultats obtenus.

Figure 5b. Visualisation de l’enregistrement du signal d’Agaricus « Hortus Annae » (clone du jardin de la MSH), le 16 janvier 2023.

img-6-small450.jpg

34La figure 5b montre le signal enregistré sur les électrodes placées sur le mycélium Agaricus « Hortus Annae ». Nous remarquons un signal similaire à celui du mycélium Pleurotus ostreatus mais avec l’absence des piques de voltage. À ce stade de l’expérience, il restait à déterminer si ces grandes différences de potentiel proviennent du mycélium. Il est important de noter que la figure 5a montre le signal enregistré lors de la phase de fructification du mycélium Pleurotus ostreatus, tandis que la figure 5b montre le signal du mycélium Agaricus « Hortus Annae » encore en développement en boîte de pétri.

35Dû à la nature des possibles signaux électriques générés par le mycélium, il peut être difficile de distinguer les composantes du signal qui proviennent du mycélium de celles qui sont causées par le bruit instrumental, car elles peuvent se chevaucher et avoir des caractéristiques similaires. Cependant, il existe des méthodes d’analyse de données avancées qui peuvent aider à séparer les différentes composantes du signal et à identifier celles qui sont les plus importantes ou les plus représentatives du mycélium.

2.3. Filtrer et classifier l’expression électrique du mycélium

36À partir de ces premiers enregistrements et afin d’essayer d’accéder à l’activité électrique très lente et faible du mycélium enregistrée lors de cette première phase17, nous nous sommes associés à Hugo Scurto, ingénieur de recherche en Machine Learning. L’objectif de son travail était de développer une forme d’écoute automatique du mycélium à travers l’électricité enregistrée. Pour ce faire, nous avons décidé d’utiliser des techniques d’apprentissage automatique. Il faut noter que travailler avec l’apprentissage automatique ajoute une couche d’incertitude à notre pratique avec le mycélium. Nous avons décidé d’inclure cette incertitude en la considérant comme une forme d’intermédiaire computationnel (agissant), qui s’ajoute aux microperformativités autres qu’humaines du mycélium et de son appareillage technique.

37Hugo Scurto a décidé de mettre au point une forme d’écoute automatique, basée sur l’analyse du domaine des fréquences, en effectuant une analyse par ondelettes. Ce type d’analyse est plus sensible qu’une transformée de Fourier standard aux composantes de basse fréquence typiques de l’activité électrique du mycélium.

38L’analyse en ondelettes a révélé des composantes spectrales constantes, sans doute dues aux outils de mesure, ainsi que des amplitudes élevées à des fréquences plus basses que celles de l’instrumentation. Sur la base de l’état de l’art, nous avons émis l’hypothèse que ces variations pourraient provenir du mycélium. Cependant, il est très probable que ces singularités soient en fait des artefacts informatiques causées par le modèle et le logiciel d’analyse.

39Hugo Scurto a ensuite utilisé un modèle appelé shallow Gaussian Mixture Model (GMM) pour classifier la distribution des fréquences filtrées par l’analyse en ondelettes. Scurto a ensuite construit une base de données avec deux classes : une classe avec des composantes de basse fréquence appelée « mycélium », et une autre classe sans ces composantes appelée « bruit ». Ce protocole pour l’écoute du mycélium ajoute deux types d’incertitude : une incertitude liée au filtrage, provenant de l’analyse en ondelettes, ainsi qu’une incertitude de la classification, provenant du cadre probabiliste de l’apprentissage automatique.

2.4. Les signaux enregistrés, deuxième phase

40Lors de la seconde phase du projet18 nous avons modifié le protocole d’enregistrement de la carte EAVI. Nous avons désactivé tous les filtres qui avaient été réglés sur la carte et nous avons pris le signal directement sans traitement ni filtres.

41Conformément aux observations détaillées dans la section 2.2.3 de notre étude, il a été identifié que le circuit intégré responsable de la capture des signaux du mycélium introduit un courant électrique dans le système. Bien que ce courant soit de faible (200pA), il a des effets notables sur les mesures réalisées sur le long terme. Cette influence se manifeste particulièrement lors de l’exclusion des filtres de la carte EAVI, révélant la présence de composantes de tension continue (DC) dans nos données. Cette découverte a nécessité une adaptation de notre méthodologie d’analyse pour tenir compte de ces altérations induites par le circuit intégré.

42Avec cette nouvelle configuration nous avons découvert un signal beaucoup plus proche de l’état de l’art : avec une évolution très lente et une gamme de fréquences très basse. Ces variations peuvent provenir du champignon/mycélium lui-même ou de signaux parasites externes. Mais nous avons pu constater qu’il est différent du signal provenant de l’éponge synthétique, notre organisme contrôle.

Figure 6. Visualisation de l’enregistrement du signal de Pleurotus ostreatus (boîte à champignon) enregistré le 25 septembre 2023, canal 1 : mycélium, on peut observer un effet de polarisation au début (4 premières minutes) puis des variations de tension intrinsèque au système, canal 2 : éponge synthétique légèrement humidifiée, on peut observer un léger effet de polarisation également, puis une stabilisation de la tension entre les électrodes.

img-7-small450.png

43Pour l’instant, nous devons tenir compte de la façon dont la carte EAVI « interprète » et convertit ces signaux. Nous ferons des recherches plus approfondies sur le modèle choisi par le constructeur pour la conversion analogique/numérique, notamment sur les caractéristiques du convertisseur analogique/numérique (ADS1294) de la carte EAVI.

3. Co-composer avec le mycélium, agents humains et non-humains

44Une fois le signal enregistré, analysé et monitoré, nous nous sommes demandés comment connecter le signal du mycélium à notre monde musical humain ; quelles médiations sensibles et quels choix compositionnels pouvons-nous proposer ?

3.1. Composer avec le signal du mycélium, synthèse et « archéologie » sonore

45Lors de la première étape de composition par recherche-création, nous avons utilisé l’enregistrement du bruit (le mycélium et son milieu) comme matériau. À partir d’une analyse FFT effectuée dans le logiciel SPEAR nous avons cherché des singularités fréquentielles. Au sein du bruit nous avons pu identifier des intensités rares mais remarquables dans les bandes de fréquences inférieures à 50 Hz

Figure 7. Analyse FFT du signal du mycélium au moyen du logiciel SPEAR, recherche de singularités (entourée en rouge).

img-8-small450.png

46À partir de cette analyse nous avons développé une poétique sonore inspirée par le mycélium et son milieu : le sous-sol. En utilisant la technique de synthèse par transformation sonographique (Roads, 2015)

Figure 8. Synthèse par transformation sonographique, par réorganisation des partiels dans le logiciel SPEAR.

img-9-small450.png

47Nous avons cherché à mettre en valeur les basses fréquences. Pour cela nous avons travaillé à la composition de contrastes par effacement et réorganisation, en agissant sur la représentation graphique du son. Nous avons testé la composition de pédales faites de basses fréquences mises en contraste avec des textures granulaires et pointillistes dans les hautes fréquences.

Audio 1. Deux échantillons sonores composés à partir du bruit du mycélium. https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q#8e286dfadf52bd99f2e09882d0492b53754b24ba, https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q#892e19eb622dd24c5fca6f6a54be2a4815135dd7

48Ces premiers essais font entendre des types de timbres caractéristiques du modèle de resynthèse du logiciel SPEAR. C’est pourquoi dans un second temps nous nous sommes éloignés d’une sonorité trop reconnaissable en considérant cette première étape comme une sorte de substrat sonore initial, une matière première à composer.

49Ce matériau a ensuite été transformé dans le logiciel Max à l’aide des bibliothèques BBDMI19 et abclib20 afin de composer de longues séquences harmoniques et inharmoniques (cf. Audio 2) ainsi qu’une multitude de courts objets sonores granulés et bruissants21.

Audio 2. Exemple d'une piste composée pour « Mycelium Garden ». https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q#c56cd3dc7a9369c7d70cee7489c18d026e135444

50Ce travail est une exploration de ce que pourrait être la poétique d’une polyphonie du sous-sol ainsi que le développement d’une composition par ce que nous définissons comme une « archéologie sonore22 ». Ces échantillons composés servent alors de substrat sonore à un patch Max dont les variables sont modulées en temps réel par l’activité enregistrée depuis les électrodes fixées sur le mycélium.

3.2. Rendre audible, assemblages et dispositifs adaptatifs

51L’installation produite est l’assemblage de plusieurs technologies, d’expertises humaines et du mycélium vivant. Deux systèmes de diffusion ont été testé. Chacun d’eux nous a permis d’expérimenter des manières de composer l’espace sonore ainsi que l’adaptabilité du modèle.

3.2.1. Un système hybride

52La première diffusion des bandes sonores composées et modulées par l’activité électrique enregistrée depuis des sacs de mycélium23 s’est faite sur un système hybride Wave field synthesis/Ambisonic composé de 11 Haut-parleurs en ligne, 4 caissons de basses et 4 haut-parleurs en demi-cercle.

Figure 9. Schéma de l’installation du système hybride WFS/Ambisonie.

img-10-small450.png

53Pour ce dispositif, le travail de composition des basses fréquences s’inscrivait dans l’hypothèse de l’établissement d’un « contact » avec le mycélium. Nous travaillions ici sur la possibilité d’une réaction de cet organisme aux vibrations des basses fréquences, établissant alors une première boucle de rétroaction par réaction du mycélium à la composition alors modulée différemment par de nouveaux pics d’activité électrique.

3.2.2. Composer un milieu

54Pour la deuxième itération de l’installation « Mycelium Garden », nous avons eu la possibilité de composer pour un espace sonore en ambisonie 3d à l’ordre 2.

Figure 10. Schéma du dispositif de diffusion en ambisonie 3d, un icosaèdre tronqué formé par deux couronnes de 5 haut-parleurs et un haut-parleur suspendu.

img-11-small450.png

55Ce dispositif de diffusion a été construit sur la base géométrique d’un icosaèdre tronqué, constitué de 11 haut-parleurs et d’un caisson de basse. Pour ce dispositif nous avons recomposé certains sons et composé un espace sonore tridimensionnel. Nous avons travaillé sur des manières de mettre à l’échelle les dimensions temporelles du signal capté afin de composer une musique hybride : une musique humaine transformée par des processus non-humains : mycéliums et machines24. La possibilité de composer par couronne de haut-parleurs nous a permis de tester la composition d’un espace sonore diversifié pensé comme un milieu.

3.2.3. Composer l’espace sonore par ajustement des temporalités

56Le contrôle de ces synthèses sonores et l’activation de certains échantillons sont modulés en temps réel par l’activité électrique monitorée depuis les sacs de mycélium.

57Nous avons pensé ce dispositif comme une relation de composition mixte entre des temps linéaires déterminés et composés par l’humain et les temporalités indéterminées d’un mycélium qui active et transforme les sons de manière inattendue, à sa propre échelle temporelle. De plus, les micro-variations de tension mesurées depuis les huit points de monitoring du mycélium, et remises à l’échelle, modulent en temps réel les facteurs de décorrélation et de feedback de différents modules de décorrélation ainsi que des modules de trajectoire25, construisant ainsi un espace sonore diversifié et en mouvement.

3.3. Intelligence artificielle, l’introduction d’un nouvel agent

58Pour la deuxième itération du dispositif nous avons souhaité proposer une installation qui inclut une projection générée à partir du signal enregistré depuis le mycélium26.

59Nous avons souhaité utiliser le signal du mycélium comme générateur d’images figurant la morphogenèse de sa propre transformation, du stade de mycélium au stade de champignon. Ce processus se construit à l’aide d’un agent d’intelligence artificielle qui agirait en tant que co-créateur de la morphogénèse.

60Salim Aissi, ingénieur en IA et informaticien, a travaillé pour ce projet sur un Generative Adversarial Network (GAN) appelé « Vector to pix ».

61Dans ce modèle, les fichiers .wav enregistrés à partir du mycélium sont transformés en vecteurs. Les vecteurs sont transmis à un générateur qui génère une image à partir des vecteurs. Les vecteurs représentent un espace latent, une représentation abstraite du modèle. À partir de cette représentation vectorielle, le modèle effectue des opérations de déconvolution pour reconstruire une image. Le générateur génère une image, ensuite le discriminateur classifie : c’est-à-dire détermine si l’image est vraie ou fausse en comparaison avec une base de données. Le signal enregistré au format .wav est transformé en vecteurs qui contribuent lentement à la formation d’une image sur la base d’un modèle - la photothèque - que nous avons donné à l’IA.

62L’objectif du générateur est de générer des images qui sont proches des images de champignons de la base de données que nous avons recueillies. Dans la phase d’apprentissage, le générateur essaie de générer des images qui trompent le discriminateur et s’approchent de plus en plus d’images probables. Cependant, dans notre travail, nous n’avons pas cherché à produire une image réaliste. Le but est de montrer lors de la projection le processus de morphogenèse plutôt qu’un état final qui tendrait à ressembler à un mycélium. C’est pourquoi l’image n’est pas réaliste ; nous cherchons à garder une représentation assez abstraite, une image non reconnaissable, qui garde ce caractère « d’altérité » que nous tentons de transmettre au moyen de cette installation.

63Ce modèle d’IA est une construction qui provient d’un processus dynamique d’expériences, d’une construction par essai-erreurs. Dans un premier temps nous avions testé un modèle « Pix to Pix » en proposant à l’IA des images fréquentielles du signal, des spectrogrammes. Cependant ce type de représentation n’était pas propice à la mise en valeur des micro-variations temporelles du signal.

64Le choix du modèle « Vector to pix » nous permet de travailler avec une image temporelle du signal qui met au jour les micro-variations qui étaient invisibles sur les représentations fréquentielles. Nous avons ainsi un modèle qui décrit des états dynamiques en transformation et non un état stable ; un modèle approprié pour l’illustration d’une morphogenèse dynamique.

65Dans un premier temps, ce modèle a été entraîné sur une base de données issue du web. Il nous semblait cependant important d’expérimenter une véritable co-création entre le collectif d’humains du projet, l’IA et le mycélium. C’est pourquoi nous avons construit notre propre base de données photographiques. Ainsi, grâce à un collectif d’humains photographes volontaires27 nous avons pu collecter des milliers de photos et quelques vidéos dont nous avons extrait les frames. Le réentraînement du modèle à partir de cette nouvelle bibliothèque fonctionne : les images générées montrent le processus de génération par l’IA, le passage du bruit par des filtres de déconvolutions jusqu’à la formation d’images de pseudo-champignons, pseudo-mycélium : une morphogénèse hybride.

Vidéo 1. Génération d’images à partir des enregistrements de mycélium pendant la phase de réentraînement de l’IA à partir de la base de données construite par l’équipe du projet. Vidéo produite par Salim Aissi. https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q#b2339040560e101e2ba51543349b10937d8b6325

66La vidéo 1 illustre le processus d’évolution de l’apprentissage du modèle au fil du temps. Chaque cellule de cette image représente un fragment du signal audio, qui est ensuite converti en une représentation visuelle grâce à notre modèle d’IA. L’évolution temporelle des représentations visuelles dans la vidéo reflète l’amélioration progressive de la capacité du modèle à interpréter le signal audio.

67Cette expérience avec l’IA a été présentée sous forme de maquette lors des Rencontres d’ArTec. Il s’agissait d’une première prise en main de ces technologies. Nous espérons pouvoir tester ce modèle et cette configuration pour le développement d’une synthèse sonore et la génération de sons dans des développements futurs.

Conclusion

Construire des symbioses par « ajustement des différences »

68Les objets et les installations développés dans ce projet sont construits comme des bases de réflexion pour repenser la question de la communication inter-espèces, conçue non pas comme un processus basé sur une culture et une intentionnalité communes, mais comme une forme de coproduction de sens par « ajustement des différences », selon le concept de Dominique Guillo (Guillo, 2019).

69Dans ce projet, le rythme du mycélium (son développement, son cycle de croissance, le signal que nous avons pu extraire) a guidé chacune de nos actions. Cela a nécessité une adaptation et une capacité à s’adapter, à réajuster nos attentes, à réajuster le projet lui-même. Le résultat de ces recherches constitue la mise au jour d’un processus plutôt que la production d’un objet. L’isolement de l’activité électrique du mycélium au sein du signal enregistré demanderait de nouveaux moyens, de nouvelles expériences en milieux contrôlés.

70Les assemblages multispécifiques construits lors de ces expériences, nous ont conduit à développer une méthodologie de l’attention qui tend à la recherche d’une connaissance objective, construite au fil des expérimentations. Cette expérience de recherche nous a fait réfléchir sur les notions d’interface, de traduction, de transduction et de mise à l’échelle de données entre différents systèmes/écosystèmes : entre vivant humain, non-humain, machines et IA. Dans ce travail, nous avons souhaité mettre en évidence toutes les étapes de cette traduction qui nous permettent d’accéder à une dimension auditive d’une relation mycélium/humain. La mise au jour de ces processus et le partage de cette démarche auprès du public (Figure 12) nous a permis de communiquer sur le mycélium et d’engager un dialogue critique sur les interfaces. Ainsi, l’étude de la notion de symbiose et son application dans ce projet nous a servi d’outil pour apporter un éclairage à la notion de complexité, et produire des médiations sur cette notion auprès de divers publics.

71Aussi, ce dispositif nous invite à questionner les enjeux esthétiques de formes générées automatiquement ou, dans ce cas, guidées par des processus non humains, en montrant la fragmentation et la dissolution de l’intentionnalité dans ce type de productions qui synthétisent et explorent des niches inexplorées de nos espaces culturels.

Figure 12. Présentation de l’installation « Mycelium Garden » lors des Rendez-vous aux jardin, le 2 juin 2023.

img-12-small450.png

© Roberto Dell’Orco

Remerciements

72Nous remercions les organismes de financement du projet de recherche « Mycelium Garden » : l’EUR ArTec et la MSH Paris Nord, ainsi que l’équipe réunie autour de ce projet : Anne Sèdes, Alain Bonardi, David Fierro du CICM ; Charlotte Janis et Roberto Dell’Orco de Spora ; Guillaume Peureux et Julien Schuh du CSLF Nanterre ; Stephen Whitmarsh de l’ICM ; Hugo Scurto d’ArTec ; Salim Mohamed Aissi de l’Équipe MLIA - Institut des systèmes intelligents et robotique (ISIR) - CNRS - INSERM - Sorbonne Université. Nous remercions également Adrien Zanni (CICM/MUSIDANSE, Université Paris 8) pour la conception du dispositif ambisonie 2d/WFS et Paul Goutmann (ArTec, CICM/ MUSIDANSE, Université Paris 8) pour la conception du dispositif d’ambisonie 3d.

Ce projet a été conçu avec les outils de l’ANR BBDMI (ANR-21-CE38-0018).

Données audio et vidéo

Schuh, Diane; Fierro, David (2024) « Fichiers audio et vidéo utilisés dans l'article Mycelium Garden (2024) publié par la Revue Francophone Informatique et Musique » [Dataset] NAKALA. https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q

Bibliographie   

Adamatzky Andrew (2018), « On spiking behaviour of oyster fungi Pleurotus djamor », Nature, Scientific Reports, vol. 8, no 1, article no 7873. https://doi.org/10.1038/s41598-018-26007-1

Agapea Saša Spačal (2021), Infrastructures for Each Other [en ligne] URL : https://www.agapea.si/en/projects/infrastructures-for-each-other (consulté le 29 novembre 2022)

Berbara Ricardo (1995), « Electrical currents associated with arbuscular mycorrhizal interactions », New Phytologist, vol. 129, no3, p. 433-438. https://doi.org/10.1111/j.1469-8137.1995.tb04314.x

Blatt Michael R., Draguhn Andreas, Taiz Lincoln et Robinson David G. (2023), « A challenge to claims for mycorrhizal-transmitted wound signaling », Plant Signaling & Behavior. https://doi.org/10.1080/15592324.2023.2222957

Blatt Michael R. et al. (2024), « Does electrical activity in fungi function as a language? », Fungal Ecology, vol. 68, no 101326. https://doi.org/10.1016/j.funeco.2023.101326

Bodis-Wollner Ivan, (1982), Evoked Potentials, New York, New York Academy of Sciences.

Darren Moore, Guy Ben-Ary, Andrew Fitch, Nathan Thompson, Douglas Bakkum, Stuart Hodgetts et Amanda Morris (2016), « cellF: a neuron-driven music synthesizer for real-time performance », International Journal of Performance Arts and Digital Media, p. 31-43. https://doi.org/10.1080/14794713.2016.1161954

Castro Teresa, Selosse Marc-André (12 octobre 2019), Les Imaginaires de l’intelligence végétale, Rencontre autour de la sensibilité végétale [en ligne], Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, URL : https://youtu.be/RolO3GhMaLg (consulté le 9 janvier 2023).

Dehshibi Mohammad Mahdi, Adamatzky Andrew (2021), « Electrical activity of fungi: Spikes detection and complexity analysis », Biosystems, vol. 203, article no 104373. https://doi.org/10.1016/j.biosystems.2021.104373

Di Donato Balandino et al. (2019), « EAVI EMG board », in New Interfaces for Musical Expression, Porto Alegre, Brésil, 3-6 Juin 2019. https://doi.org/ 10.13140/RG.2.2.36173.28646

Fromm Jörg, Lautner Silke (2007), « Electrical signals and their physiological significance in plants », Plant, Cell & Environment, vol. 30, no 3 p. 249-257. https://doi.org/10.1111/j.1365-3040.2006.01614.x

Garcia Leslie et al. (2016-2023), INTERSPECIFICS [en ligne], URL : https://github.com/interspecifics (consulté le 29 novembre 2022).

Guillo Dominique (2019), Les fondements oubliés de la culture : une approche écologique, Paris, France, Éditions du Seuil.

Hissong Samantha (2021), The Mycology TikToker Embracing the Sound of Shrooms [En ligne], https://www.rollingstone.com/culture/culture-features/mushrooms-tiktok-mushtok-mycolyco-1256112/ (Consulté le 9 janvier 2024).

Klejchova Martina, Silva-Alvim Fernanda A. L., Blatt Michael R., Alvim Jonas Chaves (2021), « Membrane voltage as a dynamic platform for spatiotemporal signaling, physiological, and developmental regulation », Plant Physiology, Volume 185, Issue 4, p. 1523–1541. https://doi.org/10.1093/plphys/kiab032

Les plantes sont-elles des animaux comme les autres  ? [En ligne], URL : https://youtu.be/y2qrvfMIqLg (consulté le 10 janvier 2023).

Metting Van Rijn A.C., Peper Abraham et Grimbergen Cornelis A. (1994), « Amplifiers for bioelectric events: A design with a minimal number of parts », Medical and Biological Engineering and Computing, vol. 32, no 3, p. 305-310. https://doi.org/10.1007/BF02512527

Miyauchi Shingo et al. (2020), « Large-scale genome sequencing of mycorrhizal fungi provides insights into the early evolution of symbiotic traits », Nature Communications, vol. 11, no 1, article no 5125. https://doi.org/10.1038/s41467-020-18795-w

Olsson Stefan, Hansson Bill (1995), « Action Potential-Like Activity Found in Fungal Mycelia Is Sensitive to Stimulation », Naturwissenschaften, vol. 82, p. 30-31. https://doi.org/10.1007/BF01167867

Popper Karl Raimund (1985), La connaissance objective, Paris, France, Flammarion.

Roads Curtis (2015), Composing electronic music: a new aesthetic, New York, États-Unis d’Amérique, Oxford University Press.

Selosse Marc-André (2000), La symbiose : structures et fonctions, rôle écologique et évolutif, Paris, France, Vuibert.

Seraiah Alexander (2023), Viral Mushroom Music Helps Listeners Tune into Nature [En ligne]. https://www.shroomer.com/mushroom-synth-music/ (Consulté le 9 janvier 2024).

Slayman Clifford L., Long W. Scott, Gradmann Dietrich (1976), « “Action potentials” in Neurospora crassa, a mycelial fungus », Biochimica et Biophysica, Acta 426, p. 732–44. https://doi.org/10.1016/0005-2736(76)90138-3

Notes   

1 L’artiste Noa Kalos utilise par exemple le module SCÍON d’Instruo qui est un générateur de tension aléatoire, connecté à un système modulaire Eurorack.

2 Noa Kalos présente son travail comme une musique de médiation utilisant des dispositifs de sonification de biodata (source : https://www.patreon.com/mycolyco), l’artiste décrit son dispositif comme « principalement des champignons parlants connectés à des synthétiseurs » (This is mostly just mushrooms talking connected to synthesizer : https://www.youtube.com/channel/UCsmw-u-2kzPQPO5n9sTpcyA, consulté le 2 mai 2024)

3 Voir l’intervention de Marc-André Selosse dans Les plantes sont-elles des animaux comme les autres ? https://youtu.be/y2qrvfMIqLg (consulté le 10 janvier 2023).

4 Au moment de l’écriture de cet article nous attendions la fructification du clone afin d’effectuer une analyse ADN pour déterminer l’espèce Agaric que nous avons trouvé au jardin. « Hortus Annae » est le nom que nous lui avons donné. Le mycélium Hortus Annae possède des caractéristiques propres qui le distinguent des autres mycéliums de la même espèce et de la même variété, caractéristiques qui en font un ou des individus uniques.

5 Pour reconnaître un champignon, il faut convoquer plusieurs sens : la vue, le toucher, l’odorat et le goût. Agaricus xanthodermus se reconnaît à son aspect bulbeux, un chapeau plat (dit tronqué), un jaunissement fort du pied lorsqu’on le frotte et une forte odeur de phénol. Ce sont ces caractéristiques qui nous ont permis de l’identifier lors de la seconde fructification au jardin, en novembre 2023, un an après la récolte du premier spécimen en octobre 2022.

6 Ce paragraphe est une reprise traduite de la communication « Mycelium Garden : Listening to and composing with the infra-world » par Diane Schuh, Roberto Dell’Orco, Hugo Scurto, donnée au colloque « Soundstainability, making future from listening », XI FKL International Symposium on aspects of the soundscape, FKL; SUPSI-DFA; RSI ; UNIL ; PHSZ, Suisse, Lugano, 4 - 7 octobre 2023.

7 « [...] des oscillations de voltage spontanées ressemblant à des potentiels d'action dans un champignon, l'ascomycète Neurospora crassa. Ce comportement semblable à un potentiel d'action est lent, dure jusqu'à 1 minute ou plus, est associé à une forte augmentation de la conductance membranaire et peut avoir une amplitude de plus de 175 mV. Jusqu'à présent, aucune fonction n'a été identifiée pour les changements de tension ou les changements de conductance associés. » in Slayman Clifford L., Long W. Scott, Gradmann Dietrich (1976), « “Action potentials” in Neurospora crassa, a mycelial fungus », Biochimica et Biophysica, Acta 426, p. 732–44. https://doi.org/10.1016/0005-2736(76)90138-3

8 L’état de l’art montre des échelles variées : un flux spontané mesuré entre 10 mV et 20 mV toutes les 3 à 4 minutes, c'est-à-dire à une fréquence comprise entre 0,004 Hz et 0,005 Hz dans Slayman et. al. (1976) ; un potentiel d’action au repos mesuré entre -70 mV et -100 mV avec des pics entre 5 et 50 mV à des fréquences entre 0,5 et 5 Hz dans Olsson et Hansson (1995) ; Adamatzky (2018) décrit « des périodes de 130 secondes avec une vitesse de dépolarisation de 0,05 mV/sec et une vitesse de repolarisation de 0,02 mV/sec, avec une période réfractaire d’environ 360 secondes » c’est à dire une fréquence entre 0,007 Hz et 0,002 Hz.

9 Électroencéphalogramme/Électromyogramme

10 ANR-21-CE38-0018, https://bbdmi.nakala.fr/

11 https://www.ti.com/lit/ds/symlink/ads1296r.pdf

12 Le potentiel d’action transmembranaire requiert l'utilisation de microélectrodes en verre. Il s’agit d’un matériel très peu abordable et fragile, réservé à l’utilisation en laboratoire et impossible à utiliser dans le cadre d’un projet artistique.

13 34 heures d’enregistrements effectués entre le 21 décembre 2022 et le 15 juin 2023.

14 « Disposable Subdermal EEG needle electrode » 13 x 0.40mm (27gauge), Stainless Steel, 1.5m (60inch), PVC wire, DIN42802 connector.

15 En attendant le développement de la souche clonée du jardin, nous avons utilisé une « boîte à champignon » avec du mycélium de Pleurotus ostreatus pour tester les protocoles d'enregistrement des potentiels de champs.

16 Le canal 1 est enregistré avec les électrodes en cuivre et le canal 2 avec les électrodes-aiguilles sous-cutanées. Lors de cette expérience, nous avons pu identifier quelques pics dans la forme d’onde.

17 Ce paragraphe est une reprise traduite de la communication « Mycelium Garden : Listening to and composing with the infra-world » par Diane Schuh, Roberto Dell’Orco, Hugo Scurto, donnée au colloque « Soundstainability, making future from listening », XI FKL International Symposium on aspects of the soundscape, FKL; SUPSI-DFA; RSI ; UNIL ; PHSZ, Suisse, Lugano, 4 - 7 octobre 2023.

18 11 heures d’enregistrements effectués en septembre 2023.

19 https://gitlab.huma-num.fr/bbdmi/bbdmi

20 https://github.com/alainbonardi/abclib

21 43 objets sonores pointillistes composés pour l’installation « Mycelium Garden » : https://nakala.fr/10.34847/nkl.d5bba83q#4c2b3fdc75750ef20addc1dcf079dad251455027

22 Nous définissons ici l’archéologie sonore non pas comme une reconstruction de paysages sonores du passé mais comme une manière d’extraire au sein du bruit les singularités de ce que nous imaginons (à ce stade de nos recherches) être l’expression fréquentielle du signal du mycélium. L’extraction des singularités fréquentielles est le point de départ d’une démarche de réorganisation compositionnelle qui se base sur une poétique du sous-sol.

23 Mix binaural d’une itération de l’installation « Mycelium Garden » diffusée sur le système hybride WFS/Ambisonie : https://soundcloud.com/user-796735567/mycelium-garden-one-iteration-of-the-sound-installation

24 Mix binaural d’une itération de l’installation « Mycelium Garden » diffusée sur le système d’ambisonie 3d : https://soundcloud.com/user-796735567/mycelium-garden-one-iteration-of-the-sound-installation-phase-2

25 Cinq modules de décorrélation en parallèle et deux modules de trajectoires pour le système hybride WFS/Ambisonie 2d ; quatre modules de décorrélation (un par couronne de haut-parleurs et un pour l’ensemble des haut-parleurs), quatre modules de trajectoire et un contrôle de diffusion dans l’espace 3d (élévation et azimut) pour le système en ambisonie 3d.

26 Ce paragraphe est une reprise traduite de la communication « Mycelium Garden : Listening to and composing with the infra-world » par Diane Schuh, Roberto Dell’Orco, Hugo Scurto, donnée au colloque « Soundstainability, making future from listening », XI FKL International Symposium on aspects of the soundscape, FKL; SUPSI-DFA; RSI ; UNIL ; PHSZ, Suisse, Lugano, 4 - 7 octobre 2023.

27 Bibliothèque collective de photos et de vidéos de champignons et de mycéliums construite par Stephen Whitmarsh, Roberto Dell'Orco, David Fierro, Paul Goutmann, Cassandre Siebert, Alain Bonardi, Julien Schuh et N. Schuh.

Citation   

Diane Schuh et David Fierro, «Mycelium Garden », Revue Francophone d'Informatique et Musique [En ligne], Numéros, n° 10 - Informatique et musique : recherches en cours, mis à  jour le : 08/10/2024, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/rfim/index.php?id=788.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Diane Schuh et David Fierro

CICM/MUSIDANSE/EDESTA, MSH Paris Nord, https://orcid.org/0000-0003-4155-6868, schuh.diane@gmail.com ; CICM/MUSIDANSE/EDESTA, MSH Paris Nord, https://orcid.org/0000-0002-1715-8264, davidfierro@gmail.com