Logo du site de la Revue d'informatique musicale - RFIM - MSH Paris Nord

L’art des drones et des nappes synthétiques (synth pads) 
Narrativité musicale et soundscape score dans The Neon Demon (2016)

Jérôme Rossi
décembre 2022

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.1312

Résumés   

Résumé

Troisième long-métrage du binôme formé par le Danois Nicolas Winding Refn et Cliff Martinez après Drive et Only God Forgives, The Neon Demon explore le monde impitoyable de la mode à Los Angeles à travers le parcours de Jesse (Elle Fanning), une jeune femme à la beauté pure et irrésistible. Pour ce film qui marque selon le compositeur l’« aboutissement d’une collaboration », Cliff Martinez continue de proposer des partitions intégralement électroniques, entre beat techno et trance new age, démontrant un art consommé dans le maniement d’un matériau suscitant généralement peu d’intérêt, les synth pads ou « nappes synthétiques ».

En l’absence quasi totale de thèmes mélodiques, la narrativité musicale se fonde sur des motifs sonores et des thèmes harmoniques élaborés à partir de drones et de nappes synthétiques. En pensant sa musique dès sa conception pour s’intégrer au soundscape global du film – « motif du diamant » possédant une version bruitiste et une version musicale, discrétion des points d’entrée musicaux – voire en la concevant elle-même comme un soundscape – renforcement de la composante bruitiste, intégration de drones bruitistes et de bruits dans la composition –, Cliff Martinez s’affirme comme un maître de la « soundscape score ».

Abstract

The Neon Demon is the third feature film by the Danish duo Nicolas Winding Refn and Cliff Martinez after Drive and Only God Forgives. It explores the ruthless world of fashion in Los Angeles through the journey of Jesse (Elle Fanning), a young woman of pure and irresistible beauty. For his third collaboration with the Danish director, in what according to the composer marks the “culmination of a collaboration”, Cliff Martinez continues to create entirely electronic scores, between techno beat and new age trance, demonstrating a consummate art in the handling of a tool that generally arouses little interest: synth pads.

In The Neon Demon, Cliff Martinez abandons melodic themes almost entirely, instead creating musical narrativity based on sound patterns and harmonic themes developed from drones and synth pads. By conceiving his music from the very start to fit into the overall soundscape of the film – the "diamond motif", which has both a noise version and a musical version, unobtrusive musical entries (that is, when his music is not itself conceived as a soundscape) reinforcement of the noise component, integration of noisy drones and noises into the composition –, Cliff Martinez asserts himself as a master of the “soundscape score”.

Index   

Index de mots-clés : Cliff Martinez, Analyse Musicale, Sound Design, Musique de Film, Nicolas Winding Refn.

Texte intégral   

Introduction

1Après avoir été batteur pour The Weirdos, Lydia Lunch, Jim Thirwell, The Dickies, The Red Hot Chili Peppers et Captain Beefheart’s Magic Band, la première musique de Cliff Martinez pour un long-métrage de cinéma est le film Sex, Lies and Videotape (1989) de Steven Soderbergh1 pour lequel le compositeur propose une bande originale minimaliste et synthétique, une conception à laquelle il est resté fidèle depuis, comme il le confie en réfléchissant à propos du succès de Drive :

Pour moi, c’était comme si je faisais la même chose depuis 1989 avec Sex, Lies and Videotape – ce style ambiant, qui est assez sombre mais qui est vraiment, vraiment simple. C’est travaillé au niveau des atmosphères et des textures, mais pas si musical que cela. Il y avait quelque chose dans cette simplicité – un riff, une idée, c’est accrocheur et c’est super répétitif. J’ai toujours aimé les choses simples et répétitives. Je n’ai pas l’impression d’être allé particulièrement loin [avec Drive]. Je pense donc que je suis toujours le musicien électronique et ambiant que j’étais en 1989, je l’ai peut-être juste modifié, développé et j’y ai ajouté quelques dimensions supplémentaires2.

2Fondées sur des notes tenues, soit un matériau peu dynamique du point de vue des hauteurs3, et jouées aux synthétiseurs – un instrument souvent destiné aux films à petit budget4–, les synth pads ou « nappes synthétiques » proposées par Cliff Martinez dans ses bandes originales sont constitutives d’une esthétique peu valorisée à Hollywood dans les années 2000, comme en témoigne le compositeur à l’occasion de la sortie de Traffic (Steven Soderbergh, 2000) :

Si l’Académie souhaite énerver un certain nombre de compositeurs, ils peuvent nominer ma partition. La musique minimaliste est acceptée et tolérée par une petite partie des spectateurs en général mais, parmi les compositeurs, elle génère beaucoup d’hostilité. Elle est très éloignée de la musique traditionnelle. Il n’y a pas énormément de mouvements harmoniques, de rythme et de mélodie, dont l’absence est manifeste dans ma musique ; cette seule raison rend cette nomination impossible5.

3Troisième long-métrage du binôme formé par le Danois Nicolas Winding Refn et Cliff Martinez après Drive (Refn, 2011) et Only God Forgives6 (Refn, 2013), The Neon Demon (2016) explore le monde impitoyable de la mode à Los Angeles7 à travers le parcours de Jesse (Elle Faning), une jeune femme à la beauté pure et irrésistible. Martinez reste fidèle à son approche électronique et minimaliste tout en proposant une narrativité qui répond tout de même aux canons hollywoodiens dont elle n’est pas si éloignée8.

4Dans une première partie, je proposerai des éléments de définition relatifs aux termes employés dans cet article : « nappe synthétique », drone, bed, paramètres ADSR, atmosphère, soundscape. Après avoir replacé The Neon Demon dans la collaboration entre Refn et Martinez et en avoir étudié les influences, je montrerai comment le compositeur se rattache à une conception traditionnelle de la musique de film en l’investissant d’une narrativité, même s’il n’a pas recours à des matériaux mélodiques. Ma dernière partie sera consacrée aux interactions entre la musique originale – essentiellement à base de nappes synthétiques – et les bruits dans le film. J’y proposerai l’expression de soundscape score pour qualifier le courant compositionnel dans lequel s’inscrit Cliff Martinez, une approche qui vise à intégrer des préoccupations de sound design au sein de la composition elle-même. Adoptant une perspective poïétique, j’essaierai de distinguer, dans la construction de la bande-son de The Neon Demon, les parts respectives du compositeur et des sound designers (Eddie Simonsen et Anne Jensen) en comparant les cues telles qu’elles apparaissent dans la musictrack9 et telles qu’elles figurent sur la bande originale10.

1. Prolégomènes terminologiques

5En septembre 1991, la MIDI Manufacturers Association (ou MMA) et le Japan MIDI Standards Committee (JMSC) décident de proposer la norme GM1 (General Midi 1) afin d’assurer une compatibilité minimale entre tous les instruments MIDI. Cette norme définit des possibilités de polyphonie (24 voix sensibles à la vélocité), un ensemble de 16 canaux (pour les instruments multitimbraux), différents types de contrôles (volume, sustain11, modulation12, pitch bend13, etc.), ainsi qu’un ensemble de seize catégories de sons (tableau 1) parmi lesquelles, à côté des pianos, orgues, guitares, bruitages, etc., on trouve trois catégories de sons synthétiques : les synth leads (solos synthétiques), les synth pads (je reviens ci-après sur la traduction de cette expression) et les synth effects (bruits synthétiques).

Tableau 1 : Programmes General Midi, niveau 1, « Familles de sons ».

img-1.png

6Complétant les synth leads, joués monodiquement, et les synth effects, bruits à hauteurs non déterminées, les synth pads correspondent à des sons synthétiques destinés à être joués polyphoniquement. Comme pour les autres catégories, la norme GM propose huit exemples (sons 89 à 96, tableau 2).

Tableau 2 : Programmes General Midi, niveau 2 « Pads ».

img-2.png

7Cette terminologie sera utile dans la désignation ultérieure des synth pads. S’il est généralement traduit dans le jargon professionnel français par le terme « nappe », le mot anglais pad est bien plus riche et évocateur, correspondant à « une masse semblable à un coussin de matériau souple utilisée pour le confort, la protection ou le rembourrage14 ». Il peut aussi désigner diversement un bloc pour prendre des notes (notepad), les coussinets du chat (cat pads) ou une compresse (doctor pad), ces divers sens ayant en commun l’idée d’une matière destinée à amortir le contact. Musicalement, il faut donc comprendre un pad comme un tapis, un amortisseur ; une nappe – c’est la traduction la plus courante – correspond ainsi à des sons que l’on va poser en arrière-plan d’un mixage afin de pouvoir y accueillir d’autres éléments. La sonorité d’une nappe peut être variée de manière infime ou au contraire très substantiellement par le jeu sur les filtres – procédé courant dans les productions musicales électroniques –, c’est-à-dire des manipulations de fréquences spécifiques. Les principaux filtres proposés par les synthétiseurs ou leurs équivalents virtuels sont le filtre passe-bas15 (low-pass filter), le filtre passe-haut16 (high-pass filter), le filtre passe-bande17 (band-pass filter) et le filtre coupe-bande18 (notch filter), le réglage de la fréquence de coupure19 (cut-off) ou de la résonance20 ; il est également possible de jouer sur l’enveloppe même du son en modifiant les paramètres ADSR (Attack, Decay, Sustain et Release – attaque du son, niveau de la chute du son après l’attaque jusqu’au maintien du son, maintien du son, relâchement du son). Cliff Martinez a très abondamment recours à ces manipulations pour ses musiques afin d’inscrire un dynamisme, une instabilité, au cœur même de la sonorité des nappes.

8L’utilisation des synth pads remonte à la drone music de La Monte Young, musique dont la caractéristique principale est d’être arythmique en s’appuyant sur un ensemble de notes maintenues (sustain). Les ramifications ultérieures de la drone music vont du rock expérimental des années soixante-dix (Kraftwerk, Tangerine Dream, Brian Eno) au drone metal et au post-rock21 (Seefeel, Disco Inferno). Un drone désigne un son continu, qu’il s’agisse d’une hauteur déterminée – la terminologie musicale qualifie ce type de drones de « note-pédale » ou de « bourdon » – ou de hauteurs non déterminées – que l’on appellera ici des « drones bruitistes ». Le fait que le terme « drone » englobe à la fois des hauteurs déterminées (notes-pédales) et non déterminées (drones bruitistes) explique que le drone se situe dans une zone frontière entre musique et bruit (figure 1). La « nappe » ou pad, elle, correspond à une superposition de notes-pédales susceptible d’évoluer selon une logique harmonique. Sa particularité réside dans la fusion que les accords forment avec leur timbre : la nappe combine un jeu en accords plaqués – consistant à lier le plus possible les notes lors des déplacements afin d’enchaîner les accords de la manière la plus continue possible – avec une sonorité particulière, les synthetic pads. Issu d’une synthèse sonore, ce type de timbres possède un profil dynamique caractérisé par une longue valeur de sustain parmi les quatre paramètres ADSR de l’enveloppe sonore.

9On constatera combien la différence peut être ténue entre nappes et drones : si plusieurs notes-pédales (notes à hauteurs déterminées) sont superposées et se constituent en accords, on ne parlera plus de drone mais de nappe. En revanche, des superpositions de drones à hauteurs non déterminées ne peuvent s’apparenter à une nappe. Cette proximité entre drones et nappes, due à une même fonction générale de création d’un arrière-plan sonore, explique sans doute le regroupement de ces deux catégories sous l’appellation unique de beds (qu’il vaudrait mieux traduire par « tapis » que par la traduction littérale « lit ») que l’on trouve dans des catalogues de titres musicaux pour l’audiovisuel22.

10Enfin, les notions d’« atmosphère » ou d’« ambiance » correspondent à un mélange de bruits ponctuels – réalistes ou non – et de beds. Une ambiance de campagne, par exemple, mélangera des bruits de coucou, de trains dans le lointain, avec des beds, en l’occurrence un drone aéré et éventuellement une note-pédale en fonction d’un point de vue ; une ambiance apocalyptique amalgamera plutôt des sonneries de camions de pompiers dans le lointain, un drone venteux et des nappes dans un registre grave.

11Ces différentes définitions nous permettent de proposer le schéma théorique suivant (Figure 1) qui fait apparaître la limite d’une conception trop stricte concernant les frontières entre ce qui relève des dialogues, des bruits et de la composition musicale.

Figure 1 : Positionnement des drones et des nappes dans le continuum bruit/musique.

img-3-small450.png

12On observe ainsi que l’ovale central partage une zone commune avec la musique au niveau des beds qui peuvent être conçus soit par le sound designer, soit par le compositeur. Comme je le montrerai, Cliff Martinez empiète sur le domaine du sound design lorsqu’il propose des drones, ceux-ci s’enchâssant naturellement dans sa musique.

13Dans son ouvrage fondateur23, R. Murray Schafer a forgé le terme de « soundscape » pour désigner notre environnement acoustique, soit l’ensemble des sons au milieu desquels nous vivons. Il distingue les sons toniques, sons qui proviennent des caractéristiques environnementales (naturelles et humaines) et climatiques d’un paysage, les sons-signaux, qui occupent le premier plan du paysage sonore (ils sont consciemment écoutés par les auditeurs), « l’empreinte sonore » qui correspond à un son spécifique dont les caractéristiques uniques conduisent une collectivité à lui attribuer une valeur particulière. Le sound designer David Sonnenschein confie qu’« en tant que sound designer, nous reprenons ses principes [ceux de Schafer] et les appliquons de manière créative à la narration filmique24 ». La particularité de la musique de film – et particulièrement ici des nappes synthétiques – consiste à pouvoir passer très facilement d’une catégorie à l’autre, des sons-toniques jusqu’à l’empreinte sonore, en passant par les sons-signaux.

2. Éléments de contextualisation : « L’aboutissement d’une collaboration »

14Selon Cliff Martinez, à propos The Neon Demon : « Nicolas Winding Refn […] pousse la musique de plus en plus loin. Elle est de plus en plus sous les feux des projecteurs. C’est pour cela que The Neon Demon est l’aboutissement de notre collaboration25. » Alors que dans Drive et Only God Forgives, Martinez devait tenir compte de contraintes – soit par l’importance de musiques préexistantes (cinq chansons dans Drive), soit par l’environnement asiatique qui imposait une couleur locale dans Only God Forgives (Martinez a arrangé cinq chansons de karaoké dans des styles différents) –, il a eu les mains tout à fait libres pour The Neon Demon où les seules musiques préexistantes étaient celles de Julian Winding Refn, dans un univers électronique très proche du sien26. De son côté, le réalisateur Nicolas Winding Refn a poursuivi dans The Neon Demon sa quête d’un cinéma où la musique tient une place fondamentale :

Il m’a laissé plus libre sur Demon que sur les films précédents. Ce qui est singulier chez Nicolas, c’est que très peu de réalisateurs laissent une scène dans un état d’incomplétude qui sera complétée par de la musique – une scène, c’est très long, sans dialogue, on a l’impression que ça dure une éternité. Nicolas est l’un des seuls réalisateurs à avoir le courage de laisser un film incomplet, en sachant qu’il sera complété par de la musique. Bien sûr, vous pouvez tout gâcher et ne pas le faire correctement, et parfois cela se produit, mais dans l’ensemble, il se félicite du rôle important qu’il fait jouer à la musique. La plupart des réalisateurs veulent que la chose soit complète sans la musique, et la musique se retrouve être un élément ajouté – mais avec Nicolas, la musique est intégrée27.

15De fait, on est moins frappé par la durée de la musique – importante, puisqu’elle occupe 120 minutes sur les 140 du film – que par le fort volume à laquelle la musique est mixée pendant de longues plages contemplatives sans bruits diégétiques ; il y a d’ailleurs de moins en moins de bruits diégétiques au fur et à mesure que le film se déroule. Cette dédiégétisation progressive est le signe que l’on s’éloigne peu à peu de la normalité et de la réalité. La relative rareté des dialogues travaille dans le même sens, celui, finalement, d’une forme contemporaine de film muet : « Nicolas a donné au département de la musique des rôles de plus en plus excitants. Il n’arrête pas de me dire qu’un jour il fera un film muet dominé par une musique permanente. Après cela, nous ferons peut-être un diaporama tous les deux28. »

16Si l’on pense au fétichisme des jolies jeunes femmes, à l’érotisation des scènes macabres ou encore à l’importance des miroirs dans The Neon Demon, on est finalement peu étonné d’apprendre que le film a d’abord été musicalisé intégralement (temp tracks29) à l’aide de musiques du compositeur hitchcockien Bernard Herrmann30. Martinez fut tout de même déconcerté par ces musiques temporaires et le réalisateur dut le réconforter : « Cliff en a été complètement décontenancé mais je l’ai rassuré en lui expliquant que je ne voulais pas de cette musique, je voulais cette sensation : amour et horreur31. » De son côté, Martinez tendait plutôt vers une influence du groupe de rock progressif italien Goblin, qui a signé les musiques de plusieurs films du réalisateur italien Dario Argento et que lui avait fait connaître Refn sur l’un de ses précédents films32. Maître du giallo, un cinéma mêlant horreur, policier et érotisme, Argento avait, de son côté, tranché entre Herrmann et Goblin : « Hitchcock… est… plus raffiné. Trop raffiné… je ne suis pas avare sur les effets, tandis que lui est plus ascétique et rigoureux. La musique, par exemple, il l’utilise en arrière-plan, un peu comme de la musique de chambre qui, à un certain moment, vient au premier plan, tandis que je l’utilise d’une manière plus vigoureuse33. »

17Entre la finesse du suspense hitchcockien et la démesure de la terreur argentienne, Refn et Martinez choisissent la seconde direction. Si le réalisateur prétend avoir amalgamé fantastique, comédie et mélodrame34, la musique reste, elle, bien ancrée dans le registre de l’horreur, un genre qu’affectionne particulièrement le compositeur :

Eh bien, c’est une sorte de préoccupation musicale du xxie siècle pour le son en soi. Au cours de la période romantique et du xxe siècle, l’harmonie a été explorée et, à présent, les gens investissent le son pour lui-même, car tout est numérique et peut être manipulé comme jamais auparavant. Les musiques les plus aventureuses que j’entends, conçues par des concepteurs sonores, semblent très souvent provenir de partitions pour des films d’horreur. En outre, l’horreur est une matière qui ressemble davantage à de la musique symphonique moderne du xxe siècle – c’est la seule chose qui fasse référence à Stockhausen, Penderecki ou Ligeti. Ce genre de musique ne va pas très loin dans vos comédies romantiques ou ailleurs, mais il a sa place dans les films d’horreur. De plus, vous pouvez vous passer de ces embarrassantes contraintes de mélodie et d’harmonie, ce qui, à mon avis, est plutôt rafraîchissant35.

18The Neon Demon évoque les turpitudes du monde de la mode à Los Angeles, ce néon qui attire tant de jeunes femmes et auprès duquel tant de rêves virent au cauchemar. Les deux mannequins Sarah (Abbey Lee) et Gigi (Bella Heathcote) se rendent rapidement compte du danger que représente Jesse pour leur carrière, tandis que la maquilleuse Ruby (Jena Malone), qui travaille à la fois pour les shootings et à la morgue – une proximité qui, dès le départ, fait de son personnage un passeur entre le monde des vivants et celui des morts –, attise leur ressentiment et leur peur de l’obsolescence. D’abord timide, leur jalousie devient incontrôlable, finissant par virer à la folie et à l’horreur : Sarah suce le sang – allusion aux scènes de vampire – d’une blessure de Jesse, Ruby fait l’amour à une morte en pensant à Jesse, les trois filles Sarah, Ruby et Gigi s’enduisent du sang de Jesse après l’avoir tuée et (en partie) mangée.

19L’influence de Dario Argento transparaît aussi dans le choix des couleurs du film, privilégiant les teintes saturées et les contrastes. La directrice de la photographie, Natasha Braier, compare le film à « une série de tableaux, comme si l’histoire était racontée à travers les pages d’un livre de photos. La caméra ne bouge que pour souligner le mouvement d’un personnage ou pour de subtils déplacements36 ». La violence des couleurs fait écho aux comportements des protagonistes, mais constitue également un moyen sensible puissant pour faire ressentir des sensations physiques au spectateur, tels ces flashs blancs des prises de photographies ou les lumières stroboscopiques de la party du début, difficiles à soutenir visuellement. L’idée de « tableaux » peut être reliée à la musique et au genre opératique : de nombreux passages de pure contemplation (airs) pendant lesquels la musique occupe toute la bande-son, contrastent avec des moments d’action brefs (récitatifs), où la priorité est donnée aux dialogues et dans lesquels la musique est peu, voire pas du tout présente.

3. Narrativité et sémantique musicale : motifs sonores et progressions harmoniques récurrentes

20Dans le sillage tracé tant par ses films pour Soderbergh que pour Refn, la musique de Cliff Martinez pour The Neon Demon est constituée exclusivement de sonorités synthétiques (à l’exception de sons de piano grave), correspondant tout autant à l’univers « branché » de la mode qu’à l’idée d’un univers artificiel – celui de la photographie de mode – où les sentiments humains semblent inexistants37. La proposition de Martinez s’inscrit ainsi dans la lignée de la synthesizer score38, dont la caractéristique principale est d’affaiblir la frontière entre la musique et les bruits en ne recourant pas à des instruments acoustiques identifiables. Comme le constatait Michel Chion à propos de Blade Runner (Scott, 1982) :

Quels moyens nous reste-t-il pour discriminer dans certaines séquences la musique de Vangelis du concert de bips et de souffles électroniques créés par l’équipe des effets sonores du film, et orchestrés par le grand mixeur anglais Graham Heartstone, qui se superpose à elle ? Rien d’autre que l’émergence d’une sorte de logique interne, de nature très banale, dans le déroulement ou la superposition des sons : ligne mélodique soudant des notes, continuum rythmique conservant une relative indépendance par rapport aux rythmes lumineux visibles dans l’image, etc.39.

21Ce parti pris du « tout électronique » n’empêche pas Martinez de s’inscrire tout de même dans la tradition de la musique de film hollywoodienne tant d’un point de vue sémantique que narratif. Il a ainsi recours à des codes musicaux traditionnellement liés aux films d’horreur : notes de piano isolées dans le grave à distance de triton, bruitage très cristallin du « motif du diamant » et des touches de célesta du « motif du démon » à rapprocher de l’« effet boîte à musique40 » ou encore stingers41 pour marquer des moments effrayants. Martinez compte également sur une narration musicale très cohérente, portée par les récurrences de drones et de progressions harmoniques associées à des timbres synthétiques. Ces matériaux interviennent tout au long film, générant un réseau de significations proprement musicales.

22Construit selon une forme tripartite ABA’ précédée d’une brève introduction, le générique de début du film expose la plupart des éléments développés par la suite. La courte introduction consiste en un drone bruitiste à base de souffle, imposant une ambiance venteuse et glaciale. Ce « drone venteux » revient de manière récurrente : il est associé à la solitude liée aux relations humaines tendues que la beauté attire, qu’il s’agisse des relations entre Jesse et le gérant de l’hôtel (55:48 et 01:15:35), entre Jesse et Ruby (01:24:47), ou lorsqu’une mannequin se fait renvoyer (01:44:45).

23Un autre motif sonore récurrent est entendu dès le générique, unifiant les parties A et B : il s’agit d’un symbolisme musical synesthésique de type visuel42, la sonorité lumineuse du motif évoquant le scintillement d’un diamant – que l’anglais diamond rapproche d’ailleurs phoniquement de « demon » – à partir de sons synthétiques de carillons. Ce « motif du diamant » est explicitement relié à la phrase du couturier qui déclare que Jesse est « un diamant dans un océan de verre » (01:07:23), réplique immédiatement suivie de ce motif (01:07:28). Le « motif du diamant » vient régulièrement souligner la beauté cristalline et menacée de Jesse (20:15 ; 28:23 et 01:16:08) et ce y compris à la fin du film en un rappel fantomatique de sa présence. L’imagerie du diamant est convoquée à deux reprises dans le film : pendant le malaise de Jesse (53:08-53 :13) et lors de son défilé (01:00:39-01:04:21). Ce motif sonore, constitué de hauteurs non déterminées, possède un pendant musical qui prend la forme d’une strate scintillante constituée d’arpèges joués au célesta venant « décorer » le « motif de la beauté » (voir infra). On entend pour la première fois cette version à la fin de l’entretien avec la directrice de casting (Jamie Clayton) qui complimente Jesse (17:26) et on la retrouve plus tard quand Ruby rejoint Jesse pour son premier shooting professionnel (30:43), lorsque Jesse bascule dans les visions oniriques de diamants pendant le défilé (01:00:28) et enfin pendant sa séance de maquillage chez Ruby (01:29:36). Cette double facette du « motif du diamant » – bruitiste et musical – participe de l’effacement de la frontière entre bruit et musique dans la conception du compositeur.

24Les parties A et B du générique de début présentent chacune des accords et des progressions harmoniques caractéristiques qui, par leurs récurrences, vont fonctionner comme des motifs ou des thèmes harmoniques. Pour pouvoir isoler ce type de matériaux – moins identifiables que des thèmes mélodiques –, ceux-ci doivent se détacher clairement du contexte musical environnant par l’aspect atypique de leur progression, lorsque deux accords « ne rentrent pas dans une progression diatonique43 » ou lorsque ces accords oscillent entre eux sans participer au parcours harmonique général dans une forme d’« encapsulation44 ». Les autres paramètres du discours musical peuvent diversement participer à mettre en valeur un motif harmonique par une simplicité contrapuntique et mélodique, l’uniformité texturale, les durées longues, la segmentation des phrases et leur accentuation, la coïncidence avec un important événement visuel ou narratif ; selon Frank Lehman, « la capacité unificatrice de ces éléments compositionnels permet d’éliminer des processus musicaux gênants, de sorte qu’une progression particulière entre accords puisse bénéficier d’une attention supérieure à la normale45 ».

25La partie A expose un motif harmonique (exemple 1) que l’on relie sans hésitation au « démon du néon » qui donne son titre au film. Il s’agit d’une oscillation de deux accords de quintes augmentées qui réunissent, à eux deux, l’ensemble de la gamme par tons (exemple 2) – une gamme qui, dépourvue de notes attractives, traduit bien l’idée d’un monde sans repère et angoissant46. Cette gamme sera entièrement énoncée sous une forme mélodique à la fin du film (01:45:52) lorsque Gigi se sent nauséeuse : la jeune femme est ainsi musicalement désignée, avant même qu’elle ne hurle « Je veux qu’elle [Jesse] sorte de moi » et ne s’ouvre le ventre, comme la nouvelle victime du « démon du néon ». Les deux accords de quinte augmentée sont séparés par un triton, intervalle dont on connaît les connotations dites démoniaques (diabolus in musica). D’abord énoncés sur la note-pôle mi, ils s’appuient sur une sonorité correspondant à une warm pad avec un trémolo très prononcé. Lors de la reprise A’, dont le début est marqué par le recours à un filtre passe-bas, on retrouve ce motif avec la même sonorité, transposé cette fois un ton au-dessus et énoncé sur la note-pôle fa♯ (exemple 3). Dans cette même partie A’, on peut entendre une version mélodique du triton fa♯-do dans les aigus, avec une sonorité proche de gouttes de pluie (avec utilisation de delay). Ce générique expose enfin un son de synth bass très caractéristique (avec une résonance importante dans les médiums) que l’on retrouve plus tard lorsque Jesse se sent menacée par le gérant du motel (Keanu Reeves, 51:40).

Exemple 1 : Cliff Martinez, motif du « démon du néon » : oscillation entre deux accords de quinte augmentée (orthographiée ici comme sixte mineure).

img-4.jpg

Exemple 2 : Cliff Martinez, construction des accords du motif du « démon du néon » sur la gamme par tons.

img-5-small450.jpg

Exemple 3 : Cliff Martinez, transposition du motif du « démon du néon ».

img-6.jpg

26En passant de mi à fa, le parcours des notes-pédales du motif 1 (affiché dans la dernière ligne du tableau 3) reproduit symboliquement au niveau du générique la courbe émotionnelle du film, consistant en une montée progressive de la violence et de l’horreur. Le réalisateur et sa chef opératrice Natasha Braier ont en effet conçu, sur l’ensemble du film, une « lente courbe dramatique » au niveau des couleurs « qui se développe organiquement avec les autres éléments du langage du film. Au fur et à mesure, à l’instar du récit, le langage et la palette de couleurs évoluent et deviennent de plus en plus extrêmes47 ».

Tableau 3 : Matériaux thématiques et notes-pôles du générique de début48.

img-7-small450.png

27Tout au long du film, le motif du « démon du néon » va accompagner les manifestations de ce démon, cette attirance irraisonnée et mortifère vers ce qui brille qui induit des relations de prédation : l’intrusion du puma dans la chambre de Jesse (28:04), la jalousie de Sarah qui détruit un miroir avec lequel Jesse se coupe49, la mort de Gigi pendant la séance photo finale. À cette dernière occasion, les accords sont d’abord annoncés par un saut de triton mi-si♭ à la basse50 renforcée par le « motif du diamant » avant de remplir tout l’espace sonore alors que Gigi est prise de nausées. Remarquons aussi la forme simplifiée que peut prendre ce motif en se résumant soit à une suite de quatre notes (mi, fa♯, sol♯, la♯) lorsque Jesse arrive chez Ruby51, soit à un seul accord de quinte augmentée (ré, fa♯, la♯) : lors des visions oniriques de Jesse pendant le défilé (01:04:08, voir infra) et lorsque Ruby nettoie ce qu’il reste de Jesse au fond de la piscine (01:38:28).

28Au mode hexatonique des parties A, la partie B oppose le pantriadisme chromatique des progressions « LSP » et « PL ». J’emploie ici la théorie transformationnelle appliquée aux films de Frank Lehman dans son étude sur les mécanismes harmoniques du fantastique et du merveilleux dans la musique de film52. La relation « L » (pour Leittonwechsel ou « échange de sensible ») consiste à tenir la tierce mineure présente au sein de l’accord et à bouger la note restante d’un demi-ton de manière à former un autre accord parfait ; ici, l’accord de fa♯ mineur se transforme ainsi en un accord de majeur. La relation « LSP » est bien plus complexe (de fa mineur à majeur), puisqu’elle consiste à pratiquer trois transformations : une transformation « L » (fa mineur devient ♭ majeur), puis une transformation « S » ou Slide (♭ majeur devient mineur) et enfin une relation « P » ou Parallel ( mineur devient majeur). La transformation « PL » (de la majeur à fa majeur) enchaîne une transformation P (la majeur vers la mineur) et L (la mineur vers fa majeur). Le fait que les deux transformations « LSP » et « PL » contrarient particulièrement le diatonisme (Lehman parle de « harmonic unnaturalness53 ») leur confère un aspect extraordinaire que l’on peut relier à la beauté – car c’est bien la beauté qui est le sujet du film, comme le déclare le couturier : « la beauté ne fait pas tout, elle est tout » (01:08:14).

29Ces deux transformations sont à l’origine de deux thèmes harmoniques qui, quoique apparentés, restent bien distincts dans leur utilisation. S’appuyant sur la transformation LSP, le premier thème est présent dès le générique ; la transformation y est suivie de son inverse, PSL, avec laquelle elle forme une oscillation ; la suite du thème se poursuit par une progression plus courante (deux notes communes), la progression L (exemple 4).

Exemple 4 : Thème harmonique de la beauté version « démoniaque » (partie B du générique), 02:30.

img-8-small450.jpg

30L’oscillation LSP/PSL entre fa mineur et majeur revient par la suite à trois reprises (01:01:15, 01:40:07 et 01:50:47), en s’attachant à l’aspect démoniaque de la beauté : lorsque Jesse devient possédée par le démon du néon lors de son défilé, quand Ruby a ses règles devant la pleine lune – c’est la clôture d’un cycle périodique et l’annonce de nouvelles victimes de leur beauté54 –, et quand Sarah, outrageusement maquillée, prend congé de Gigi qui vient de s’ouvrir le ventre.

31Caractérisant le second thème harmonique, la transformation PL (et son inverse LP avec laquelle elle forme une oscillation) est combinée (exemple 5) à des transpositions au ton (« T2 » soit « Transposition de deux demi-tons ») et des progressions plus classiques de type I-V (« D »). On rencontre ce thème harmonique pour la première fois lorsque la directrice de casting déclare à Jesse qu’elle « va être plus que [jolie] » (17:28). Il est par la suite toujours associé à la beauté naturelle qui irradie de Jesse : lorsqu’elle pénètre dans le studio de Jack – Refn ménage à ce moment un ralenti de l’image pour accentuer l’irréalité de la présence de Jesse – (30:42), pendant la première partie de la séquence du défilé (01:00:29), quand le couturier évoque sa beauté (01:08:42), et quand elle se maquille elle-même face au miroir (01:29:35).

Exemple 5 : Thème harmonique de la beauté dans sa version « angélique », 17:25.

img-9-small450.jpg

32La séquence des visions oniriques de diamants pendant le défilé de Jesse – séquence qui sépare le film en deux durées égales – agit comme un révélateur du changement de mentalité de la jeune femme (cue55 « Runway », 01:00:29). Alors qu’elle offre sa personne au public et aux photographes, Jesse, d’abord intimidée, prend confiance en elle et se met à croire au pouvoir de sa beauté ; ce moment poursuit la transformation de Jesse qui, de biche apeurée, devient prédatrice56. Dans une forme de délire onirique, elle s’imagine à l’intérieur d’un diamant dont les parois en miroir diffractent son reflet de chaque côté d’elle, une trinité qui représente sa perfection – mais préfigure aussi ses trois tueuses à la fin du film. Cette séquence est constituée de deux parties se caractérisant chacune par une dominante de couleur : le bleu puis le rouge, cette dernière couleur représentant le danger57. Renforçant cette construction bipartite, on trouve dans la première partie les deux thèmes de la beauté qui s’enchaînent (les six premiers accords du « thème de la beauté angélique », transposés une tierce majeure au-dessous, précèdent le « thème de la beauté démoniaque » orné du « motif du diamant » dans sa version musicale) et, dans la seconde partie (01:01:59), le « motif du démon » (juste l’accord de quinte augmentée). La frontière entre ces deux parties est marquée par un moment d’une grande intensité musicale : l’harmonie se bloque sur l’oscillation LSP/PSL, un effet wah-wah saturé se met en place58 tandis qu’on entend une mélodie très acide en synth lead qui cite brièvement une mélodie entendue peu de temps auparavant59. Le visage éclairé de rouge de Jesse ne laisse pas de doute : après le défilé, Jesse est désormais possédée par le démon du néon. Sûre d’elle-même et de sa vocation, elle arbore dans la séquence suivante une tenue en pantalon de cuir et un tee-shirt pailleté or qui remplacent la fragile robe des débuts.

33Deux autres thèmes harmoniques peuvent encore être cités. Le premier, une suite d’accords parfaits de sonorité warm pad animée par de rapides cut-off, précède le sourire de Jesse devant le miroir après sa rencontre avec Gigi et Sarah (12:10) ; très brève à ce moment, cette série d’accords parfaits est développée ensuite pendant le shooting photo (cue « Gold Paint Shoot ») avec Jack, événement qui va déchaîner les jalousies des autres mannequins. Le schéma est inverse (« nappe développée –> nappe tronquée ») pour la seconde nappe (cue « Don’t Forget Me When You’re Famous »), de nature plus lumineuse, aérée et granuleuse (proche d’une metal pad), en ce qu’elle est abord présentée développée (21:10-22:34) lors du rendez-vous amoureux entre Jesse et Dean (Karl Glusman), avant de revenir écourtée à la fin de la scène (24:51-25:28). L’évolution de cette seconde nappe laisse entrevoir que cette histoire d’amour n’aura pas de suite60, contrairement à la première nappe dont la succession « nappe tronquée –> nappe développée » préfigure les considérables ennuis à venir pour Jesse.

34Les nappes synthétiques possèdent une certaine inertie qui ne leur permet pas de s’adapter rapidement aux changements à l’image, une caractéristique inhérente au courant minimaliste au cinéma. On remarquera tout de même deux points de synchronisation qui, par la rareté même du phénomène, se détachent avec beaucoup de prégnance. Lorsqu’un puma est identifié dans la chambre de Jesse61, le plan de sa gueule est synchronisé avec un rugissement sonore et un passage à un accord de fa mineur renforcé par l’adjonction d’une note de basse (alors que le cue n’avait proposé jusque-là que des fréquences médium et les notes de la gamme par tons). On retrouve plus tard cet accord majestueux de fa mineur à l’occasion d’un synchronisme avec un changement de plan montrant un travelling avant du corps nu et allongé de Ruby (01:40:08).

35Enfin, pour être tout à fait complet sur les matériaux récurrents du film, il faut encore citer deux motifs de nature mélodique. Un premier motif de neuf notes (cue « Who Wants Sour Milk ») est associé au destin qui entraîne irrésistiblement Jesse dans sa carrière ; il intervient à trois reprises : lorsque Jesse signe son contrat de travail (20:03), lorsque Ruby dit à ses deux amies que tout le monde est certain que Jesse « va monter très, très haut » (42:05) et après que le couturier a déclaré que Jesse était « un diamant dans un océan de verre » (01:07:54). Un second motif de quatre notes, la do ré mi, fait le lien entre les deux scènes de Ruby à la morgue (51:40 et 01:28:20, respectivement « Ruby at the Morgue » et « Kinky »), la seconde itération étant diminuée rythmiquement.

4. Musique et sound design : vers la soundscape score

36À bien des égards, The Neon Demon est un film musical : abondance de la musique, mixage de celle-ci très en avant quand elle n’est pas seule à occuper la bande-son, existence de moments poétiques musicalisés qui suspendent momentanément la narration (« effet-clip62 »). Le film aboutit logiquement, à la toute fin, à un clip où l’on voit Sarah marcher dans le désert, telle une mutante, sur la voix de la chanteuse Sia. En dehors de deux morceaux diégétiques – titres entendus au début du film composés par le neveu du réalisateur, Julian Winding Refn, en solo (« The Demon Dance ») ou avec son groupe Sweet Tempest (« Mine ») –, la présence musicale reste majoritairement extradiégétique63. Le matériau compositionnel de Martinez repose presque exclusivement sur des nappes synthétiques64 dont les caractéristiques sont les suivantes :

37prédominance du paramètre harmonique ;

38composante continue (drone) ;

39amélodicité ;

40contrôle précis du timbre et manipulations de type cut-off et resonance ;

41enchaînement d’accords en fondu sonore.

42Ces spécificités permettent aux nappes de s’inscrire avec beaucoup de facilité dans un continuum entre bruit et musique, estompant les frontières entre le rêve et la réalité, le fantastique et le prosaïque, en écho au personnage de Jesse dont le rêve de devenir mannequin se heurte aux turpitudes humaines les plus atroces, le néon se révélant être le néant. Comme l’a bien observé Kevin Donelly dans nombre de films contemporains :

Plus que jamais, les créateurs de musique sont conscients de ce que l’on considérait traditionnellement comme des sons « non musicaux » et les exploitent, tandis que les techniciens du son du film ont une conception des bandes sonores de plus en plus « musicale » ou qui reconnaissent au moins la malléabilité du son enregistré et organisé plutôt qu’aspirant à des notions telles que la fidélité à un son original qui serait dupliquée65.

43Le rapprochement des compositeurs vers les sons « non musicaux » est particulièrement bien illustré par le travail de Martinez autour des nappes synthétiques, dont je vais étudier quatre aspects : la discrétion des points d’entrée musicaux ; le renforcement de la composante bruitiste des nappes ; l’intégration de drone bruitiste dans la musique et l’accueil ponctuel de bruits dans la musique. Associée à un parti pris amélodique et à une relative rareté des dialogues dans le film, cette préoccupation du compositeur pour la bande-son du film dans sa globalité – et pas seulement dans le cadre d’interventions musicales ponctuelles – m’amène à avancer la notion de soundscape score (« partition atmosphérique »). Ma conception de la soundscape score, œuvre d’un compositeur qui intègre tout ou partie du sound design d’un film, se distingue de ce que Danijela Kulezic-Wilson nomme la « sound design score » dont la confection relève du réalisateur66. L’ouvrage de Kulezic-Wilson s’ouvre d’ailleurs par l’anecdote selon laquelle Jóhann Jóhannsson s’est retiré du film Mother (Darren Aronofsky, 2017) au seul bénéfice du sound design67, et se clôt sur l’argument qu’« une approche musicale de la bande-son n’est pas limitée à ceux qui sont crédités comme “compositeurs” au générique, car ils ont produit des partitions qui sont écoutées comme de la musique (qu’elles soient écrites ou électroniques) et peuvent être vendues sur disque en tant que bandes originales ; elle désigne une démarche de n’importe quelle personne impliquée dans la création d’une bande sonore qui l’aborde avec une sensibilité musicale68 ».

4.1 Discrétion des points d’entrée musicaux

44L’attaque des nappes synthétiques, généralement douce, permet au compositeur de masquer ou, en tout cas, de rendre quasi imperceptible, leur arrivée dans la bande-son. Une fois installées de manière discrète, les nappes peuvent ensuite se développer de manière purement musicale.

45Dans la scène du shooting de Jesse, on voit le photographe Jack (Desmond Harrington), se détachant d’un fond noir, marcher face à la caméra ; sur ses pas naît une note-pédale synthétique tenue, un fa, de sonorité polysynth, qui s’affirme de plus en plus (filtre cut off). La note bascule sur un do une quarte en dessous, puis sur la quarte inférieure sol, et enfin un fa, à une distance d’une octave du fa initial. Peu après, ce fa sert d’appui au premier accord de la nappe (fa mineur), alors que tous les bruits ont disparu et que la musique règne seule sur la bande-son69.

46De même, dans le cue « Ruby at the Morgue », Martinez présente d’abord une note-pédale synthétique (la) dans le registre médium aigu, doublée par un son sifflant de même hauteur dans le suraigu. Sur cette note-pédale prennent place successivement les notes do♯, , mi, etc., toujours doublées par un son sifflant dans l’extrême l’aigu.

47On peut remarquer que les sound designers ont également recours à des notes pédales synthétiques isolées avec une attaque très douce pour leurs soundscape, par exemple lorsqu’ils soulignent le scintillement de la pleine lune par un son de nappe clair et aigu (sur la) ou quand ils construisent une tension (01:13:52), mais ces pédales ne se constituent pas en accords susceptibles d’évoluer musicalement.

4.2 Renforcement de la composante bruitiste des nappes

48Dans l’extrait précédent (« Ruby at the Morgue »), le brouillage entre musique et bruit réside certes dans l’arrivée progressive des notes, mais également dans le choix de la sonorité extrêmement aérée de la nappe qui nimbe l’ensemble d’un voile gris en un syntonisme de couleur70. « Ruby’s Close up  », cue qui accompagne Ruby le lendemain du crime, commence par les entrées progressives des notes mi, do, si, mi, la ; le spectrogramme de la musique des vingt-cinq premières secondes met en valeur la forte présence de bruit blanc avec une occupation de l’ensemble des fréquences jusqu’à 16 000 Hz. On observe aussi sur le sonagramme le profil « en soufflet » caractéristique des nappes avec une attaque et une release particulièrement longues.

49D’autres nappes synthétiques possèdent une forte composante d’air : le son de la nappe du cue « Don’t Forget Me When You’re Famous  » est à la fois venté et granuleux. La note tenue au milieu du cue « Lipstick Drawing  », sur laquelle prennent place le « motif du diamant » et divers stingers, contient également beaucoup d’air.

4.3 Intégration de drone bruitiste dans la musique

50La proximité de nature – tous deux sont des drones – des drones bruitistes et des notes-pédales permet un tuilage en fondu des uns avec les autres. En intégrant le motif du « drone venteux » (présent dès l’introduction du générique – voir supra) à ses compositions, Martinez prend en charge la « dimension pivot71 » entre musique et bruit, plutôt que de laisser ce travail aux monteurs sons ou aux sound designers comme le voulait la traditionnelle séparation des tâches.

51Alors que Dean prend congé du gérant et qu’il part soigner Jesse blessée, le drone venteux (c’est le début du cue « Messenger Walks Among Us72 ») prend le relais d’une atmosphère déjà chargée d’air pour dominer complètement la bande-son sur un plan large du motel la nuit (55:48). Ayant accompli sa fonction de transition – on est passé de la chambre du motel aux préparatifs pour le défilé –, le drone venteux s’efface peu à peu pour laisser place à des notes de musique cristallines (version musicale du « motif du diamant »).

52Après son cauchemar, Jesse est terrorisée ; entendant des bruits dans la chambre voisine, elle colle sa tête au mur et entend sa voisine se faire violer par le gérant du motel. L’atmosphère chargée d’air de la chambre laisse progressivement la place au « drone venteux » de Martinez qui aboutit sur le « motif du diamant » (version bruitiste cette fois) et l’intervalle mélodique mi-si (triton) joué très lentement dans le piano grave73.

53On retrouve cette même stratégie à la fin du film lorsque le démon s’apprête à faire une nouvelle victime (Gigi). L’atmosphère maritime et venteuse des sound designers (Gigi et Sarah font un shooting au bord de la mer) est fondue dans le « drone venteux » de Martinez – c’est le début du cue « Get Her Out of Me » qui accompagne le travelling avant sur Sarah (01:44:46). Cette atmosphère entraîne à sa suite le « motif du diamant » et le triton mi-si dans le grave du piano. Parallèlement, les bruits diégétiques ont été considérablement atténués, libérant la bande-son pour accueillir une warm pad en trémolo du « motif du démon » qui arrive par fondu.

4.4 Accueil ponctuel d’un bruit dans la musique

54Le caractère amélodique et peu rythmique des nappes leur permet d’accueillir à tout moment un bruit ponctuel, ici généralement le « motif du diamant », selon une dialectique fond/figure. Ce motif n’est pas un bruit brut, mais un bruit travaillé et varié musicalement tout au long de la partition (longueur, vitesse, effets d’échos). Après que Jesse a apposé sa signature sur son contrat, une nappe émerge doucement (cue « Who Wants Sour Milk  ») à partir d’une note, venant bercer la jeune femme dans la rêverie d’une carrière qui s’offre à elle tandis que résonne le « motif du diamant ». La nappe finit par être recouverte des sonorités cristallines, comme si le diamant se décomposait en une multitude d’éclats – dont la parenté avec des bris de verre préfigure le dur prix à payer de cette carrière naissante.

55Peu de temps après (29:42), on réentend le « motif du diamant » pendant la chasse du puma dans la chambre de Jesse (en même temps que le rugissement), un puma bien réel mais qui semble sorti tout droit d’un cauchemar. Ce rôle de médiation entre réalité et cauchemar dévolu au « motif du diamant » se retrouve plus clairement encore un peu plus tard, alors que Jesse soigne sa blessure à la main – une blessure justement causée par l’éclat d’un miroir brisé. Entendant frapper à sa porte, elle découvre Dean qui lui apporte un bouquet de fleurs. Attrapant le bouquet d’une main, elle s’évanouit sur le sol. En lieu et place du bruit de son affaissement, la bande-son fait uniquement entendre en synchronisme le « motif du diamant » en une « dissonance audiovisuelle74 » inattendue et poétique (53:01) ; ce « bruit » – « motif du diamant » dans sa version musicalisée – a bien été prévu par le compositeur dans le cue « Jesse Sneaks Into Her Room ». Pendant son évanouissement, Jesse a des visions de diamants qui annoncent celles du défilé. C’est finalement dans un bruit de scintillement grouillant que Jesse revient à elle.

56On retrouve le « motif du diamant » à plusieurs reprises pendant le cue « Lipstick Drawing » lorsque Jesse se réveille chez Ruby (01:23:02). Humiliée d’avoir été repoussée par Jesse, Ruby dessine une sorte de masque mortuaire au rouge à lèvres sur un miroir ; son regard menaçant est d’abord accompagné par des sonorités de percussions traitées en delay et l’introduction d’une note-pédale aiguë (do) qui s’efface peu à peu. Le « motif du diamant » retentit plusieurs fois, bientôt rejoint par le « drone venteux » et des touches de nappes synthétiques de plus en plus agressives obtenues par une manipulation de la fréquence de coupure ; dans la tradition du film d’horreur, Martinez souligne en « points de synchronisation de montage75 » les visions de Jesse en caméra subjective – la pièce où Ruby a crayonné sur le miroir76 et la chambre à coucher où Ruby a dormi.

Conclusion

57Les nappes synthétiques de Cliff Martinez s’inscrivent dans une conception musicale de la bande-son pensée dans sa globalité que je propose d’appeler « soundscape score ». Cette conception, essentiellement amélodique, n’en reste pas moins narrative en proposant des progressions récurrentes et signifiantes fondées sur des motifs sonores et des thèmes harmoniques élaborés à partir de drones et de nappes synthétiques. La musique est pensée dès le départ pour s’intégrer au soundscape global du film – « motif du diamant » possédant une version bruitiste et une version musicale, discrétion des points d’entrée musicaux – quand elle n’est pas elle-même conçue comme la totalité du soundscape – renforcement de la composante bruitiste, intégration de drones bruitistes et de bruits dans la composition. En s’unissant à la musique dans un même geste compositionnel, les bruits deviennent eux-mêmes musicaux, affectant la perception du monde narratif et provoquant ce que Barthes nomme la « terreur des signes incertains77 ». Associée à la rareté des dialogues du film de Refn – et les plages de silence parfois très longues entre les répliques –, cette conception musicale de la bande-son a des conséquences pour l’image dont la matérialité se trouve remise en question : l’histoire tend alors vers la fable et les personnages perdent un peu de leur chair, devenant des archétypes – Ruby représente l’esprit du démon, Gigi et Sarah les instruments de sa vengeance, Jesse la victime sacrificielle.

58Ce courant de la soundscape score, qui trouve ses premières réalisations avec les bandes originales de Ry Cooder (Paris Texas, 1984), Éric Serra (Le Grand Bleu, 1988) ou Marco Beltrami (Scream, 1996) semble de plus en plus plébiscitée par les réalisateurs, comme en attestent les musiques de Jóhann Jóhannsson pour Denis Villeneuve (Sicario, 2015 ; Arrival, 2016), Hans Zimmer pour Christopher Nolan (trilogie The Dark Knight, 2005-2012 ; Dunkerque, 2017) ou Denis Villeneuve (Dune, 2021), le duo formé par Trent Reznor et Atticus Ross pour David Fincher (The Social Network, 2010 ; Gone Girl, 2014), Mica Levi (Under the Skin, Jonathan Glazer, 2013 ; Jackie, Pablo Larraín, 2016), Max Richter (Hostiles, Scott Cooper, 2016), Steven Price (Gravity, Alfonso Cuarón, 2013). On remarquera que cette conception concerne souvent des collaborations suivies entre réalisateur et compositeur – c’est le cas de Martinez et Refn – car ce type de proposition musicale s’inscrit presque nécessairement dans le cadre d’une écriture cinématographique impliquant, pour le réalisateur, de connaître suffisamment son partenaire musicien pour lui faire confiance en lui laissant de larges plages à sonoriser.

59En s’inscrivant dans un continuum avec les bruits, la musique de Cliff Martinez brouille la frontière entre la réalité et le rêve, l’histoire et le mythe, ce qui constitue finalement l’essence même du projet de Refn : à travers le parcours de Jesse, une jeune femme à peine sortie de l’enfance dont la perfection physique déchaîne les convoitises et les plus vils desseins, le réalisateur interroge l’inconscient collectif autour de la beauté, question qui obsède l’humanité depuis Narcisse.

Notes   

1 Martinez avait précédemment travaillé sur un épisode de la série Pee-wee’s Playhouse en 1987.

2 Entretien de Nara Shin avec Cliff Martinez, « A Conversation with composer Cliff Martinez », mai 2014, https://coolhunting.com/culture/interview-cliff-martinez-film-score-composer/, consulté en juin 2021.

3 Mario Litwin parle par exemple à ce propos de « musique minimale » pour désigner ce « type d’architecture musicale qui, par ses caractéristiques, est sans intérêt en écoute ordinaire, en dehors du contexte dramatique. Sa valeur esthétique est inexistante et ne trouve sa véritable fonction artistique qu’en présence de l’image. […] Une note ou un accord tenu longtemps, permet un soulignement de l’action avec un “gel” dramatique impossible à obtenir avec une musique mouvante ou même un silence. » Mario Litwin, Le Film et sa musique, création et montage, Paris, Romillat, 1992, p. 56-57.

4 « Certains puristes regardent avec mépris l’utilisation du synthétiseur pour la création de musique vouée auparavant à des instruments acoustiques. Pourtant, des signatures prestigieuses de la musique de film (Jerry Goldsmith, Ennio Morricone, etc.) l’utilisent d’une manière exemplaire tout en reconnaissant l’allègement du budget de la production. » Mario Litwin, Le Film et sa musique, création et montage, Paris, Romillat, 1992, p. 79.

5 « If the academy wants to upset more than a few composers, they could nominate my score. Minimalist music is accepted and tolerated by a small amount of the general listening public, but among composers, it creates a lot of hostility. It’s very far away from traditional music. This doesn’t have an abundance of harmonic movements, rhythm, and melody, of which there is a conspicuous absence in my music; so for that reason alone, it would be a long shot. » Entretien de Charles K. Bouley avec Cliff Martinez, « Soundtracks and Film Score News », Billboard, 10 janvier 2001.

6 Depuis The Neon Demon, Refn a de nouveau fait appel à Cliff Martinez pour sa série Too Old to Die Young (2019).

7 Refn revient sur le choix de la ville : « À l’origine il y a eu un mélange de deux choses : après le tournage d’Only God Forgives à Bangkok, je voulais tourner un film à Tokyo, mais Liv a dit : “Je ne veux pas aller vivre à Tokyo”. Alors je lui ai demandé quel serait le compromis et elle a répondu : Los Angeles. L’adaptation de l’histoire à Los Angeles a été légitimée par les nombreuses expériences professionnelles que j’y avais connues dans l’univers de la mode. Et même si les maisons de luxe sont basées à New York et Paris, tous les composants de l’industrie de l’entertainment mènent à Los Angeles. En quelque sorte on peut dire que L.A. fait le lien entre toute l’industrie de l’entertainment et le reste du monde. » Dossier de presse du film, http://pro.wildside.fr/USER/pack/TheNeonDemon-CP.pdf, consulté en janvier 2021.

8 Cette approche, qui s’inscrit majoritairement dans les codes hollywoodiens traditionnels de la narrativité musicale, a été qualifiée par Nicholas Reyland de « corporate classicism ». Nicholas Reyland, « Corporate Classicism and the Metaphysical Style: Affects, Effects, and Contexts of Two Recent Trends in Screen Scoring », Music, Sound, and the Moving Image, vol. 9, no 2, p. 115-130.

9 Suivant les préconisations de Sergio Miceli, j’utilise le terme musictrack pour désigner la musique telle qu’elle est entendue dans le film. Cela permet d’éviter la confusion entretenue par le terme soundtrack qui signifie littéralement « bande-son » et qui, en tant que tel, désigne l’ensemble formé par la musique, les bruits et les voix dans le film. Sergio Miceli, Film Music, History, Aesthetic-Analysis, Typologies, Milan, Ricordi/LIM, 2013, p. 484.

10 La bande-son est éditée chez Milan Records en 2016 (elle est disponible sur YouTube – voir les hyperliens dans le présent article). Le DVD, auquel font référence les timecodes est paru chez Wild Side Videos (2016).

11 La « pédale sustain » permet de contrôler la tenue d’une note.

12 La molette de modulation contrôle le trémolo d’un son.

13 La molette de pitch bend contrôle la hauteur du son.

14 « A cushionlike mass of soft material used for comfort, protection, or stuffing »

15 Le filtre passe-bas laisse prioritairement passer les basses fréquences, les hautes s’en trouvant fortement réduites voire coupées, ce qui a pour effet d’adoucir la sonorité.

16 Le filtre passe-haut est l’inverse du filtre passe-bas : les hautes fréquences sont prioritaires par rapport aux basses, ce qui a pour effet de rendre le son plus clair et brillant, parfois aussi plus acide.

17 Le filtre passe-bande laisse seulement passer une certaine bande de fréquences, comprise entre une fréquence de coupure basse et une fréquence de coupure haute du filtre.

18 Le filtre coupe-bande est l’inverse du filtre passe-bande, c’est-à-dire qu’il coupe une certaine bande de fréquences comprise entre une fréquence de coupure basse et une fréquence de coupure haute du filtre.

19 La fréquence de coupure définit la fréquence à laquelle les fréquences sont coupées.

20 Le paramètre de résonance permet d’amplifier les harmoniques situées au-dessus de la limite de coupure définie par la fréquence de coupure.

21 https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/186537/1/levaux.pdf, consulté en novembre 2020.

22 Voir par exemple le titre de la compilation « Drones and tension beds » de Kapagama (FCD242, 2014).

23 Raymond M. Schaffer, The Tuning of the World, New York, A. A. Knopf, 1977.

24 « As sound designers, we can take this information and creatively apply it to the film narrative. » David Sonnenschien, Sound design: The Expressive Power of Music, Voice and Sound Effects in Cinema, Saline, Michael Wiese productions, 2001, p. 182.

25 Entretien de Cliff Martinez avec Thierry Méranger, « La musique au premier plan », art. cit., p. 8-11.

26 « Waving goodbye » de Sia est arrivé beaucoup plus tardivement dans le processus de composition.

27 « He was probably more hands-off with me on Demon than he was on previous films. What’s unusual about Nicolas is that very few directors will cut a scene that’s in a state of incompletion that’ll be completed with music – (a scene) that’s really long, with no dialogue, that feels like it’s going on forever. Nicolas is one of the only directors that’s courageous enough to leave a film in a state of incompletion knowing that it’ll be completed by music. Of course, you could screw it up and not do it right, and sometimes that happens, but for the most part he welcomes the large role that he affords to music. Most directors want the thing to be complete without the music, and the music is something that’s added on – but with Nicolas, the music is integral. » Entretien de Cliff Martinez avec Selim Bulut, « Soundtracking Nicolas Winding Refn’s new supermodel horror » [en ligne], Dazed, juin 2016,

28 « Nicolas has given the music department increasingly juicy roles in his films. He keeps telling me that one day, he will make a silent film dominated by wall-to-wall music. After that, maybe we’ll do a slide show together. » Entretien de Cliff Martinez avec Spike Carter, « Indie Soundtrack Master Cliff Martinez Talks Scoring The Neon Demon and More » [en ligne], Vanity Fair, juin 2016, https://www.vanityfair.com/hollywood/2016/06/cliff-martinez-talks-scoring-neon-demon-and-red-hot-chili-peppers, consulté en juin 2020.

29 L’expression « temp tracks » désigne les musiques préexistantes utilisées temporairement pendant le montage du film et destinées à être remplacées par de la musique originale.

30 Le film est par ailleurs truffé de références à Hitchcock, en particulier à Psycho : blondes incendiaires, le motel où habite Jesse, le guépard empaillé (goût pour la taxidermie), etc.

31 Dossier de presse du film [en ligne] : http://www.thejokersfilms.com/wp-content/uploads/2016/05/DP-THE-NEON-DEMON-FR-WEB.pdf, consulté en juin 2020.

32 Refn avait posé des musiques temporaires de Goblin sur Only God Forgives.

33 « Hitchcock… is… more refined. Too refined… I’m not stingy with effects, whereas he’s lean and rigorous. With music, for example, he uses it as a background, almost like a chamber music concert, which at a certain point comes to the fore, whereas I use it in a much more robust way. » Enrico Ghezzi et Marco Giusti, « Dario Argento : La paura la music il cinema », Filmcritica, vol. 32, no 312, p. 91.

34 Bonus du DVD : « […] Je voulais faire un film sur la beauté mais je voulais le faire en tant que film d’horreur parce que ça devait être un film fantastique mais aussi une comédie, un mélodrame et un film existentialiste ; il devait aussi y avoir de la science-fiction et beaucoup de couleurs. Avec tous ces ingrédients, le film devait avoir une sorte de flux le parcourant. » ; « […] I want to make a film about beauty but I wanted to make it as a horror movie because it had to be a fantasy movie but it also had to be a comedy and a melodrama and an existentialistic those had to had science fiction and a lot of colors so all those ingredients what was the film was gonna have a kind of flowing through it. »

35 « Well, it’s sort of a 21st century preoccupation in music of sound for its own sake. In the Romantic period and the 20th century harmony got explored, and now people are just exploring sound for its own sake because everything is digital and it can be manipulated in ways it never could before. So I hear some of the most adventurous, sound designer-ly music that seems to be happening a lot more in horror-type scores. Also, horror is the stuff that sounds more like modern 20th century symphonic music – it’s the only stuff that references Stockhausen or Penderecki or Ligeti. That stuff doesn’t go a long way in your romantic comedies or any place else, but it has a home in horror movies. Plus you can dispense with those pesky restraints of melody and harmony, which I think is kind of refreshing. »

36 « We conceived the film more as a series of tableaux, as if the story was told through the pages of a photography book. The camera moves only when it’s motivated by the movement of a character, or with very subtle push-ins. » Jim Hempfill, « Whatever it Takes: Nicolas Winding Refn’s The Neon Demon Presents Hollywood Corruption with a Pop Twist », juin 2016, https://www.moviemaker.com/archives/moviemaking/directing/whatever-it-takes-nicolas-winding-refn-the-neon-demon/, consulté en juin 2020.

37 Dans le film, le sentiment amoureux sincère est seulement représenté par le petit ami de Jesse (Karl Glusman) qui défend l’idée que le plus important est ce que l’on a à l’intérieur de soi… mais il est alors aussitôt moqué par le couturier Roberto Sarno (Alessandro Nivola).

38 La synthesizer score a trouvé un terrain de prédilection dans les films de science-fiction : « Le lien du synthétiseur avec les films de genre a été forgé grâce à sa capacité à évoquer les sons futuristes de la science-fiction et à l’association de sa texture électronique inouïe avec des manifestations surnaturelles dans les films d’horreur. » ; « The connection of the synthesizer to genre films was forged through its ability to evoke the futuristic sounds germane to science-fiction, and the association of its unfamiliar electronic texture with supernatural occurrences in horror films. » Jay Beck et Vanessa Theme Ament, « The New Hollywood, 1981-1999 », Kalinak, Katherine (dir.), Sound: Dialogue, Music and Effects, Rutgers University Press, 2015, p. 118.

39 Michel Chion, La Musique au cinéma, Paris, Fayard, 1995, p. 199.

40 L’« effet boîte à musique » consiste en « l’association de voix féminines ou enfantines, éthérées et sans paroles, avec une orchestration cristalline combinée à des timbres particuliers comme le glockenspiel, les wind chimes, le vibraphone, le xylophone, la harpe, la flûte, le piano et le célesta ». Cécile Carayol, « L’effet boîte à musique dans les films de Tim Burton », in Mélanie Boissonneau, Bérénice Bonhomme et Adrienne Boutang (dir.), Tim Burton : horreurs enfantines, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 56.

41 La traduction littérale par « piqûre » ou « dard » de stinger ne rend pas vraiment justice à ce procédé extrêmement répandu consistant à souligner par une intensité musicale élevée (de type sforzando) un événement de manière brève et isolée : ce peut être un accord (généralement dissonant), une cellule de deux ou trois notes, voire un court trémolo.

42 Un symbolisme musical synesthésique visuel désigne une figure proposant un équivalent musical d’un phénomène ou d’un objet avec lesquels elle entretient une relation visuelle isomorphique. Voir Cristina Cano, La Musique au cinéma : Musique, images, récit, Rome, Gremese, 2010, p. 58 ; Jérôme Rossi, L’Analyse de la musique de film : histoire, concepts et méthodes, Lyon, Symétrie, 2021, p. 168-170.

43 « The two triads cannot fit within a diatonic collection » Scott Murphy, « Transformational Theory and Film Music », in David Neumeyer (dir.), The Oxford Music Handbook of Film Music, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 484.

44 « [...] quand la juxtaposition d’accords évite de participer à une trajectoire harmonique plus vaste mais, en quelque sorte, s’auto-encapsule, souvent par le biais d’une ondulation. » ; « [...] when the juxtaposition avoids participating in a larger harmonic trajectory but self-encapsulates somehow, often trough undulation. » Ibid., p. 484.

45 « The unifying feature of these compositional choices is that they siphon interest away from distracting musical processes so that the particular progression between triads is flagged for greater than normal attention. » Frank Lehman, Hollywood Harmonies: Musical Wonder and the Sounds of Cinema, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 76.

46 Cette gamme était déjà utilisée dans l’harmonisation de la première citation du motif de Golaud dans Pelléas et Mélisande alors que celui-ci s’est perdu dans la forêt.

47 « A slow dramatic curve which develops organically with the rest of the elements of the film language. As the story evolves and becomes more extreme, so does the language and the color palette. » Jim Hempfill, « Whatever it Takes » Natasha Braier, « Inside the weird world of The Neon Demon » [en ligne], The Guardian, juillet 2016, https://www.theguardian.com/global/2016/jul/04/inside-the-weird-world-of-the-neon-demon, consulté en mai 2020.

48 Les motifs bruitistes sont indiqués en caractères gras.

49 La progression s’incarne en un mouvement d’arpégiation mélodique. Timecode dans le film : 46:29.

50 Martinez a aussi recours à ce seul intervalle de triton lorsque Jesse écoute sa jeune voisine se faire violer dans la chambre voisine de la sienne (01:16:08).

51 Le plan de l’entrée de la maison de Ruby (01:16:53) ressemble étrangement à celui de l’entrée de la morgue (50:04), prémonition que cette maison sera le tombeau de Jesse.

52 Frank Lehman, Hollywood Harmonies: Musical Wonder and the Sounds of Cinema, op. cit.

53 Ibid., p. 101.

54 C’est en effet Ruby qui est l’instigatrice de la jalousie des deux mannequins envers Jesse (dès le début, à 09:56, elle lance à ses deux amies mannequins : « Vous trouvez pas qu’elle est juste parfaite ? » en montrant Jesse) et qui lui donnera le coup fatal en la précipitant dans la piscine. À la fin du film, on voit Ruby dans une baignoire (en symétrie avec le shooting du début dans lequel Jesse posait ensanglantée dans une baignoire) remplie du sang de Jesse, vraisemblable allusion à Elisabeth Bathory, une comtesse du xvie siècle qui utilisait le sang des jeunes femmes qu’elle avait tuées pour s’y baigner et conserver ainsi sa jeunesse.

55 Le cue correspond à une séquence du film musicalisée, comprise entre un point d’entrée et un point de sortie.

56 Lors du shooting avec Jack, elle avait déjà été quasiment érigée en véritable déesse grecque, bardée de peinture dorée.

57 « J’ai défini une base de couleurs pour représenter des émotions spécifiques. Le rouge signifiait le danger et était présent dans chaque scène avec Ruby jouée par Jena Malone. Nous avons pensé cela bien à l’avance. Néanmoins, certaines choses changeaient ; Nic disait : “Il fait sombre, mais pourquoi tu ne fais pas plus sombre encore ?” C’est une sensibilité que Nic et moi partageons ; la dernière chose que nous voulons faire est de jouer la carte de la sécurité… Le bleu étant associé au mythe grec de Narcisse, nous y avons pensé pour refléter le moment narcissique culminant d’Elle Fanning ; nous avons représenté de manière abstraite l’épisode du reflet dans le lac par un reflet dans le triangle. C’est alors qu’elle va se transformer en rouge et passer de la fille d’Alice au pays des merveilles à une puissante reine de beauté. C’est très subtil ; c’est fait avec juste de la lumière et des miroirs. Si nous avions eu cinq millions de dollars supplémentaires, cela aurait pu se dérouler sous l’eau, mais nous devions le faire sans argent, donc c’était une réalisation minimaliste de l’histoire de Narcisse. » ; « I set a base of colours to represent specific emotions. Red meant danger and was in every scene with Jena Malone’s Ruby. We planned this well in advance. At times plans would change though; Nic would say: “It’s dark, but why don’t you go darker?” That’s a sensibility that Nic and I share; the last thing we want to do is to play it safe… The blue had a lot to do with the Greek myth Narcissus, and to reflect Elle Fanning’s climactic narcissistic moment, so we did an abstract representation of going to the pond and looking at her reflection in the triangle. That’s when she’s going to transform into red and go from the Alice In Wonderland girl to the empowered beauty queen. It’s very subtle; it’s done with just light and mirrors. If we’d had another $5 million it could have been underwater but we had to do it with no money, so it was a minimalist realisation of the Narcissus story. » Natasha Braier, « Inside the weird world of The Neon Demon » [en ligne], The Guardian, juillet 2016, https://www.theguardian.com/global/2016/jul/04/inside-the-weird-world-of-the-neon-demon, consulté en mai 2020.

58 Ce son proprement affolant, qui fait penser au tournoiement d’un boomerang, évoque l’idée de l’arrivée du démon. On le trouve à la fin du film (01:46:20) peu avant que Gigi ne vomisse.

59 Ce motif a été ébauché à 59:04.

60 La brièveté de la troisième et dernière reprise du cue « Don’t Forget Me When You’re Famous » (01:04:46-01:04:58), qui marquait la rencontre amoureuse de Dean et Jesse, entérine leur rupture, Jesse appartenant désormais au monde de la mode.

61 On retrouve par deux fois une allusion au puma dans le film : une première sous forme visuelle – un puma empaillé dans la maison que garde Jesse – et une seconde sous forme sonore, avec le rugissement du moteur de la voiture à la fin du film. Le puma représente la prédation : Hank le gérant de l’hôtel et les autres top-modèles, mais également Jesse. À la fin du film, la jeune femme rappelle que sa mère lui disait qu’elle était « dangereuse ».

62 « L’effet-clip est provoqué par un facteur de présence [musicale] excessif et par l’absence de bruitage et de décor sonore. Il peut être accentué par l’intervention de la voix humaine et, parfois, par l’abondance de la percussion » Mario Litwin, Le Film et sa musique, Paris, Romillat, 1992, p. 64.

63 Il peut exister une ambiguïté entre musique métadiégétique et musique diégétique pendant la séquence du défilé (à partir de 01:00:29).

64 Les exceptions sont deux morceaux (cues « Messenger Walks Among Us » et « Are We Having a Party ») dont le principe structurant est d’ordre rythmique.

65 « More than ever before, music makers are aware of and exploiting what traditionally were thought of as ‘non-musical’ sounds, while film sound technicians increasingly approach soundtracks in a manner that might be termed ‘musical’, or at least that acknowledges the malleability of organized recorded sound rather that aspiring to notions such as fidelity to an original as a duplicate. » Kevin Donelly, « Extending Film Aesthetics: Audio Beyond Visuals », in John Richardson, Claudia Gorbman et Carol Vernallis (dir.), The Oxford Handbook of New Audiovisual Aesthetics, Oxford, Oxford University Press, p. 370.

66 La conception de Danijela Kulezic-Wilson s’accompagne par ailleurs de critères comme la recherche de décalages entre l’image et les sons (bruits mais aussi voix), la réticence à utiliser de la musique (ce qui n’est pas du tout le cas de la proposition de Martinez ici) et d’une « érotique » du film passant par une hyper attention à la matérialité des textures sonores. Voir Danijela Kulezic-Wilson, Sound Design Is the New Score, Oxford, Oxford Université Press, 2020.

67 Ibid., p. 1.

68 « […] a musical approach to the soundtrack is not limited to those who are named ‘composers’ in the credits because they create scores that are heard as music (whether they are notated or electronically produced) and can be sold as soundtrack albums; it is part of a process of anyone involved in the creation of a soundtrack who approaches it with a musical sensibility. » Ibid., p. 155.

69 De manière conventionnelle, c’est un bruit de porte vers l’extérieur qui marque la disparition de la nappe en même temps que le retour au réel (Ruby attend Jesse devant le studio).

70 Un syntonisme de couleur désigne une correspondance de la musique avec les couleurs à l’écran. Le terme de « syntonisme » est dérivé de « syntonie », mot employé par Pierre Schaeffer dans « L’élément non visuel au cinéma », La Revue du cinéma, série nouvelle no 3, 1er décembre 1946. Voir Jérôme Rossi, L’Analyse de la musique de film : histoire, concepts et méthodes, op. cit. p. 347-348.

71 Expression de Michel Chion, la « dimension pivot » désigne « un aspect commun appartenant à des éléments sonores considérés comme différents de nature (parole, musique, bruit), et permettant soit de passer progressivement de l’un à l’autre, soit de les faire ressembler l’un à l’autre ». Michel Chion, Un art sonore, Paris, Cahiers du cinéma, 2003, p. 418.

72 Le morceau de la bande-son est raccourci par rapport au morceau figurant sur la B.O. avec une suture qui coupe le passage entre 00:25 et 01:45.

73 Cet évènement conduit Jesse à appeler Ruby ; cette dernière décroche son téléphone et propose à Jesse de venir la rejoindre. La préfiguration de la mort imminente de Jesse – victime du démon – se fait à l’aide de la gamme jouée par un synth lead qui décrit à ce moment-là la progression suivante par tons : mi-fa-sol-la♯. Le cue « Thanks God You’re Awake » présentait en outre le retour du « motif du démon » qui se superposait à la gamme, mais ce passage a été coupé au mixage.

74 Michel Chion, La Musique au cinéma, op. cit., p. 206-207.

75 Le point de synchronisation de montage (PDSM) concerne la synchronisation d’un geste musical avec un changement de plan. Voir Jérôme Rossi, L’Analyse de la musique de film : histoire, concepts et méthodes, op. cit. p. 335-336.

76 Le miroir nous montre le visage de Jesse superposé au masque mortuaire dessiné par Ruby au rouge à lèvres.

77 Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communications, no 4, 1964, p. 44.

Citation   

Jérôme Rossi, «L’art des drones et des nappes synthétiques (synth pads) », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et design sonore dans les productions audiovisuelles contemporaines, Terreurs du surnaturel contemporain : à l’écoute des productions audiovisuelles horrifiques, mis à  jour le : 12/12/2022, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=1312.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Jérôme Rossi

Professeur des universités en musicologie à l’Université de Tours, Jérôme Rossi est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à la musique postromantique – analyse musicale et esthétique – et aux rapports entre musique et cinéma. Sur ce dernier sujet, il a publié les ouvrages suivants : Musiques de séries télévisées (co-éd. avec C. Carayol, PUR, 2015), La Musique de film en France (Symétrie, 2016), Du concert à l’écran : la musique classique au cinéma (co-éd. avec S. Etcharry, PUR, 2019), Les Musiciens du cinéma populaire français (co-éd. avec P. Gonin, EUD, 2020) et Compositeurs et réalisateurs en duo : Dix-sept études musico-filmiques (co-éd. avec C. Carayol, PUV, 2022). Il vient de sortir un livre consacré à l’analyse de la musique de film (L’Analyse de la musique de film : histoire, concepts et méthodes, Symétrie, 2021). Il est également compositeur de musique pour la télévision et le cinéma. Professeur des universités ICD, Université de Tours, France. Je.rossi@wanadoo.fr.