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Le continuum sonore dans Arrival comme pratique exemplaire du montage sonore : la différenciation et l’invention de l’écoute au cinéma

Frédéric Dallaire et Simon Gervais
novembre 2022

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.1228

Résumés   

Résumé

Le film de science-fiction Arrival (Premier Contact, 2016), du cinéaste Denis Villeneuve, est un cas de figure exemplaire des échanges entre musique et design sonore puisqu’il fait du brouillage des frontières, qui délimitent bruit, musique et paroles, le moteur de sa réflexion philosophique et esthétique.

Ces échanges tracent une continuité conceptuelle qui influence les gestes de création, le choix des matériaux sonores et les rapports de composition entre les sons. Dans le contexte du film Arrival, la notion de continuum sonore permet aux artisans du design sonore d’explorer leur « sensibilité musicale » et au compositeur de musique de mettre en œuvre sa « sensibilité cinématographique ».

Mises en relation, ces sensibilités s’enrichissent, se relancent et permettent de décrire la complexité de l’expérience du son au cinéma.

À l’aide d’entretiens avec les artisans du film et d’analyses des composantes de la bande sonore, cet article étudie la circulation des écoutes qui caractérise le processus de création sonore cinématographique.

Abstract

The science-fiction film Arrival, by filmmaker Denis Villeneuve, is a case study in the possibilities for interaction between music and sound design: it blurs the lines between sound, music and words, and this blurring becomes the driving force of the film’s philosophy and aesthetics.

This interaction reveals a conceptual continuity that influences the creative process, the choice of sound materials, and the compositional relationship between sounds. In the context of the film Arrival, the notion of a sound continuum allows the sound designers to explore their ‘musical sensibility’, and allows the composer of the music to deploy a ‘cinematographic sensibility’.

When they interact, these sensibilities enrich and revitalise one another, encompassing the complexity of the cinematic sound experience.

Using interviews with people who worked on the film, and analysis of elements of the soundtrack, this article studies the circulatory process of listening that characterises the process of cinematic sound creation.

Index   

Index de mots-clés : Montage et mixage sonore, Musique, Continuum sonore, Écoute, Création, Collaboration.

Texte intégral   

1Le film de science-fiction Arrival (Premier Contact, 20161), réalisé par le cinéaste québécois Denis Villeneuve, est un cas de figure exemplaire des échanges entre musique et design sonore puisqu’il fait du brouillage des frontières le moteur de sa réflexion philosophique et esthétique. Le récit alterne entre des sauts dans le passé, la rencontre avec des extraterrestres, le déchiffrement de leur langue, et d’étranges « souvenirs » de l’avenir. Ce film compose ainsi une expérience de la non-linéarité temporelle et spatiale.

2Le traitement sonore est influencé par cette non-linéarité : par exemple, des sons musicaux sont amputés de leur attaque et de leur décadence (decay). La superposition de plusieurs strates de piano produit des amalgames dont la modulation continue ne permet pas de percevoir clairement le début ou la fin des phénomènes : la persistance des sons est un élément qui s’allie avec les ellipses du montage et les compositions visuelles aux figures incertaines afin de brouiller les repères temporels et spatiaux.

3Pour le monteur sonore du film, Sylvain Bellemare, cette démarche de conception doit entrer en résonance avec les thèmes du film. Et il s’inspire alors de l’idée du continuum sonore pour décrire ses gestes de création :

4Le principe de continuum sonore a été fondamental pour moi dans Arrival. Peut-être encore plus que d’autres films. Il y avait une attitude claire, un comportement évident, de créer de telle sorte qu’il y ait un continuum sonore, c’est-à-dire qu’il y ait une pensée qui accompagne le film au complet, comme une musique permanente… qui, de toute façon, à l’intérieur du concept de l’intrigue, fonctionne complètement2.

5Sylvain Bellemare considère avant tout que le continuum désigne une « idée » qui traverse tout le film. Cette continuité conceptuelle influence les gestes de création, le choix des matériaux sonores et les rapports de composition entre les sons. Dans le contexte du film Arrival, la notion de continuum sonore permet aux artisans du son d’explorer les frontières, les relations et les passages entre la musique, le bruit et la parole.

6La résonance, la fusion, les voix, les bruits et les musiques : la résonance, c’est le montage son. […] Ce qui me fascine personnellement là-dedans, c’est la création d’une autre musique. Pour moi, ce n’est pas de la musique. […] Je ne suis pas un musicien. C’est relié à des rythmes, à des contre-temps… à des contre-musiques… à des absences de linéarité, comme le thème du film3.

7À l’aide d’entretiens avec les artisans du film et d’analyses des composantes de la bande sonore, nous étudierons le processus de circulation des écoutes qui caractérise le processus de création sonore cinématographique. Le concepteur sonore doit négocier et composer avec ces diverses perceptions, des écoutes qui s’inscrivent dans le tissu technique et esthétique lors du tournage, au partage de ces écoutes lors de la projection du film, en passant par les voies empruntées par le monteur sonore. En tant que figure poétique et pratique, recourir au continuum sonore devient ici un moyen de privilégier des gestes de composition pour produire des figures sonores essentielles au discours du film et de convoquer ces écoutes (musicales, paysagistes, fonctionnelles) qui rejouent cette imbrication des détails et de l’espace global présentée dans le film Arrival comme les dimensions d’un même continuum entre le corps et l’esprit. Nous verrons que cette continuité et ces échanges nous permettent de penser les liens entre la théorie et la pratique de la création sonore4.

Exemple 1 : Photogramme (à 66’ 39”) du film Arrival

img-1-small450.png

1. Brouiller les frontières : le continuum sonore

8Quand Sylvain Bellemare convoque le continuum pour décrire son travail de conception sonore, il s’inscrit dans une tradition esthétique de créateurs qui pensent la cohabitation des matières de l’expression sonore et/ou audiovisuelle (Rudolf Arnheim, Edgar Varèse, Michel Fano, Pierre Schaeffer, Maurice Blackburn, Claude Beaugrand, Walter Murch5). Avant de plonger dans les territoires stratifiés du film Arrival, il nous faudra tout d’abord déterminer l’actualité de cette idée pour les créateurs et analystes contemporains, et ce, au-delà d’une utopie moderniste d’unification de la parole, de la musique et des bruits6. En tant qu’artisans du son et théoriciens, nous affirmons que l’idée du continuum a une véritable force pratique.

9Premièrement, elle nous permet d’aborder la notion de geste de composition. La pratique du continuum est étonnamment une pratique de la coupe, de la dispersion, de la répartition. Ainsi, pour s’inscrire dans l’ordre musical ou cinématographique, l’espace sonore a besoin d’être découpé, divisé, organisé.

10Le « continuum » se manifeste par la possibilité de couper l’espace suivant certaines lois ; la dialectique entre continu et discontinu passe […] par la notion de coupure ; […] le continuum est cette possibilité même car il contient, à la fois, le continu et le discontinu7.

11Le continuum acquiert ses qualités par ses coupures, c’est-à-dire par le choix des matériaux et leurs modes d’organisation. Ces gestes inscrivent le moment de la composition sonore et celui de l’écoute de l’œuvre dans un système de relais et de transmission d’une expérience8.

12Ensuite, elle nous permet d’aborder la relativité des espaces – cohabitation, fusion, discrimination, interaction. À la fois condition de possibilité et actualisation esthétique des idées et des affects, le continuum « substitue à un système stable le contexte d’un espace à organiser9 ». Au lieu d’un ensemble de règles programmatiques, on présume ici que les processus de conception sonore, de composition musicale et audiovisuelle peuvent se modifier selon les projets de film.

13Le rapport visuel-auditif change constamment et c’est ce qui rend la démarche si fascinante : une sonorité grave, un accord de ré majeur, de la mineur, un quatuor à cordes peuvent produire différents effets selon le contexte. Cette fragilité, cette polyvalence, cette polysémie des matériaux renouvellent toujours le processus de composition. Le rapport est ouvert et le compositeur se doit d’être sensible à chaque nouvelle image. Chaque contexte étant unique, nous ne pouvons appliquer de règles, nous sommes condamnés à reprendre le processus à chaque nouveau projet… il faut écouter les images si nous voulons qu’elles fassent bifurquer notre perception et notre manière de composer la musique10.

14Selon cette logique, la tripartition parole-musique-bruit n’est pas une donnée préalable qui détermine tout découpage singulier, c’est une configuration aux frontières mouvantes qui traduit la singularité perceptive et idéelle d’une œuvre. Le continuum installe ainsi une dynamique relationnelle permettant de penser les rapports de simultanéité et de succession entre les sons. Même si ces rapports sont parfois remis en question au niveau théorique11, il semble que les relations entre les voix, les musiques et les bruits soient une donnée concrète inévitable pour le concepteur sonore.

15Ainsi, parce que cette force pratique est liée à un contexte poétique, le continuum nous permet troisièmement d’aborder et de caractériser la notion d’écoute au cinéma : les pratiques du montage et du mixage sonore sont un travail de médiation et d’articulation de différentes écoutes – qu’il s’agisse de formes ou parcours d’écoutes à l’œuvre dans un film, fruits des variations des configurations audio-visuelles, ou d’écoutes « déjà à l’œuvre ». La conception d’une bande sonore de cinéma reposerait non pas sur le simple génie de l’assemblage de sons, mais plutôt sur un réseau de facteurs qui agissent : a) en amont de la conception : il y aurait des écoutes inscrites dans le tissu technique, esthétique et social du film ; b) en aval, ces écoutes se partagent lors de la projection ; c) tout autour, les écoutes circulent entre les différents artisans du cinéma ; d) et au centre de ce réseau, l’artisan sonore, sensible aux multiples parcours d’écoute.

2. Les gestes de composition du continuum : diminution, densification, stratification, altération

16Des matériaux circulent et se transforment. Des écoutes circulent et se partagent. Pour comprendre cette dynamique, nous analyserons la séquence de l’arrivée en hélicoptère où les personnages et les spectateurs découvrent pour la première fois le vaisseau extraterrestre. Pour cette première écoute, nous audio-visionnerons le continuum tel qu’il se présente dans le film et nous porterons attention aux gestes qui transforment ou modulent le sonore.

Exemple audio-visuel #1 : Séquence de « L’arrivée en hélicoptère » du film Arrival

17https://vimeo.com/558204565/43319bca89

18Le premier geste de cette séquence en est un de mixage : il y a une diminution graduelle des effets sonores et de la voix au profit d’une entrée graduelle de la musique. La conséquence technique de ce geste est le maintien uniforme du niveau dynamique de la bande sonore. Une ligne continue se trace et masque pendant quelques secondes la transformation graduelle de la bande sonore. Or, l’effet esthétique lié à ce geste n’adhère pas à cette logique : on constate un basculement dans la perception de Louise Banks. Ce n’est pas une reconstitution de l’expérience acoustique en hélicoptère, mais plutôt celle de l’expérience d’un premier contact avec les entités « extraterrestres » (on présente une nouvelle forme d’humanité, ainsi que l’étrangeté de cette rencontre). La musique participe à ce changement graduel d’état du personnage ; elle ne devient perceptible comme composition instrumentale qu’au moment où le visage de Louise Banks apparaît. Cette dernière regarde, appréhende et, d’une certaine manière, écoute.

19Le deuxième geste qui nous apparaît capital est le geste de densification et de stratification réalisé par le compositeur Jóhann Jóhannsson. Avec son traitement sonore, il compose des volumes et des densités plutôt que des intervalles ou des harmonies entre des voix distinctes. Faite de multiples couches de piano sans attaque et ponctuée par des nuées de voix humaines déformées, cette stratification de l’instrumentation crée un effet de masse et d’accumulation qui occupe graduellement le champ des basses et des moyennes fréquences révélant progressivement la gravité de cette scène aérienne. De plus, l’oscillation itérative des masses musicales (provoquée par le ralentissement analogique et l’étirement des sons) entre en résonance avec les formes altérées des sons des pales d’hélicoptère. Cette rencontre de deux matières aux caractéristiques sonores semblables facilite la circulation des hélicoptères dans l’espace musical12.

20Le troisième geste de composition qui nous intéresse en est un de montage et est également un rappel du premier geste de mixage. Après la disparition des sons dits concrets, après l’arrivée des masses musicales, il y a retour progressif de matériaux maintenant altérés. Les sons des pales d’hélicoptère se déforment, s’étirent et deviennent une pulsation musicale. Malgré leur transformation, ces sons conservent leur fonction indicielle. Il y a là une volonté du monteur et du mixeur de se greffer à la musique sans jamais lui nuire :

21Est-ce qu’on décroche de la musique ou pas ? Comment peut-on, ensuite, introduire les éléments sans briser cette continuité-là aussi – par exemple, avec des lents fade in (fondus entrants) – qui viennent et qui se transforment graduellement, tout devait être très graduel. On avait fait beaucoup de travail sur les avions jets qu’on voit passer, qu’on veut entendre parce qu’ils sont là… mais on ne veut tellement pas les entendre non plus ! On les avait pitch shiftés – j’avais beaucoup fait des varispeeds parce qu’un passage de jet c’est très court. Puis là, tu prends cet élément [sonore] et tu le ralentis, le ralentis, le ralentis, pour que ça suive l’élément doppler qui correspond à la vitesse à laquelle [l’avion jet] passe à l’image et, qu’au final, ce soit juste un élément discret qui ne nuise pas au fil continu13.

22Par ces gestes de diminution, de densification, de stratification et d’altération, les créateurs favorisent cinq types de circulation :

23Une circulation dans l’espace thématique du film : ces sons altérés oscillent entre l’espace musical et l’espace concret militaire.

24Une circulation dans l’espace fréquentiel : divers types de sons occupent divers spectres des fréquences pour éviter ou favoriser le brouillage auditif.

25Une circulation dans l’espace de diffusion : grâce au système 5.1, le haut-parleur central est l’espace du concret et l’espace musical se déploie autour de ce centre (voir la capture d’écran #1).

26Une circulation dans les divers arrimages entre le son et la mise en scène visuelle (les mouvements circulaires, les nuages et l’horizon ciel et terre, la petitesse du camp militaire et des jets vs. l’immensité). Les sons concrets pointent ce qui est petit, mais l’altération soutient la dimension monumentale, dans un mouvement ininterrompu.

27Une circulation poétique : entre le réel et l’irréel, entre le désarroi et la fascination, entre le connu et l’inconnu.

Exemple 2 : Capture d’écran #1. Visualisation graphique des formes d’onde des stems 5.1 mixés de la musique et des effets sonores de la séquence « L’arrivée en hélicoptère » du film Arrival.

img-2-small450.png

28Dans ce film, ce sont le montage et le mixage des composantes qui soulignent les qualités musicales, signifiantes ou matérielles des figures sonores. Par exemple, la modulation du son d’hélicoptère permet de densifier le tissu musical, les masses continues de piano transmettent l’idée du vertige temporel (dimension sémantique), la médiatisation radioélectrique des voix humaines provenant du complexe militaire brouille les distances entre les espaces. Cela démontre à la fois qu’un même geste de composition – faire cohabiter deux matériaux sonores au point qu’ils n’en deviennent qu’un – peut inscrire ou révéler plusieurs écoutes différenciées dans le tissu audio-visuel : l’écoute affective de la linguiste Louise Banks, les troubles acoustiques d’une écoute tendue et anxiogène, l’écoute d’un paysage à la limite de l’incompréhension, etc. Le continuum désigne dans ce contexte un « système de contiguïté des substances, de glissement, de contamination des substances sonores les unes sur les autres14 ». L’écoute filmique indique ici une exploration orientée par des configurations audio-visuelles stratifiées. Ces configurations deviennent audibles grâce aux gestes de composition des artisans du son.

3. Conditions sonores du dialogue entre musique et conception sonore : circulation des écoutes et relativité des espaces de création

29Pour pratiquer ces gestes, l’équipe de conception sonore, composée de Sylvain Bellemare et du mixeur Bernard Gariépy Strobl, a développé une sensibilité musicale des bruits, tandis que le compositeur Jóhann Jóhannsson a construit des paysages sonores stratifiés « sur lequel l’oreille prend appui pour constituer le seuil […] au-dessus duquel émergent les autres sons15 ». Ainsi, dans ce film, le dialogue entre musique et sound design – la « continuité » idéelle entre musique et conception sonore – se fait à même la matière sonore. Il est alors surprenant, mais surtout révélateur de savoir que le concepteur sonore et le compositeur ne se sont jamais parlé lors du processus de création de la bande sonore. Parler de la création en cours sert habituellement à cristalliser une idée, structurer une pensée poétique, révéler et échanger sur les moyens d’intervention sonore respectifs. Ces échanges entre créateurs sont faits de rencontres humaines, sociales et professionnelles. Celles-ci sont tantôt normalisées, voire publicisées – nous pensons ici à ces fameuses rencontres entre un compositeur célèbre et un cinéaste renommé (Hans Zimmer et Christopher Nolan ou Trent Reznor et David Fincher16).

30Or, dans le cas présent, ce sont les configurations sonore et musicale qui rendent possible la circulation des écoutes :

Pour certaines portions de la partition musicale de Arrival, Jóhannsson a capturé des sons acoustiques de violoncelle, de piano, d’instruments à vent ainsi que des voix et les a enregistrés sur des boucles de bandes magnétiques 16-pistes pour obtenir une qualité vaguement analogique. « Ce que vous entendez est très “démodé”, d’une certaine manière », dit Jóhannsson. « Ce sont des couches et des couches et des couches de piano – mais sans l’attaque. C’est comme un fil de piano. Vous n’entendez que le sustain du piano17. »

31Ce matériau musical singulier amplifie cette impression d’étrangeté (nouvelle forme d’humanité) et de mystère (indécidabilité) qui entoure le film. Mais surtout, il est un matériau configuré qui communique aux artisans de la conception sonore ses puissances de modulation (malléabilité des composantes et variabilité des relations audiovisuelles).

Extrait sonore #1 : « Arrival », pièce musicale de Jóhannsson

32https://www.youtube.com/watch?v=mdZjJacozBc

33Premièrement, cette accumulation et cette superposition de couches de piano permettent de créer des masses sonores qui sont capables d’opérer discrètement ou de manière tonitruante. Ainsi, un mixeur aura le choix de placer la matière musicale à l’avant-plan ou de la fondre dans le tissu sonore général18. Deuxièmement, ces masses peuvent se renouveler sans cesse, par de savants fondus enchaînés ou en laissant libre cours à la lente progression harmonique du « sustain » pianistique. La musique affirme son essence indéterminée – durée indéterminée, champ des hauteurs indéterminé, etc. Cela multiplie les possibilités d’intervention interne (sur la musique même, qu’il est possible de re-monter et de re-mixer) et externe (ajouts de sons par le monteur ou manipulations des stems19 instrumentaux par le mixeur). C’est d’ailleurs cette caractéristique qui permet aux autres éléments sonores de venir s’y greffer avec autant d’aise. Conceptuellement, la musique de Jóhannsson est la ligne de basse dans « l’orchestration » qu’est la bande sonore du film20.

34Cependant, cette stratification musicale à la persistance quasi infinie ne signifie pas une absence de rythme. De l’aveu même des artisans sonores du film, cette musique possède un pouls : « [La musique de Jóhannsson] a des pulsations. Entre ces impulsions, vous pouvez faire ce que vous voulez. Cela laisse la place à tout le monde pour se faire entendre21. » Pas tout à fait un tempo, ni tout à fait une structure, ce pouls affirme, plus que tout, la force énergétique de la musique qui demande qu’on l’écoute pour ses puissances de modulation de la vitesse et de l’espace filmique. Elle est à la fois occupation et libération (de la durée, de l’espace, du spectre sonore, etc.). Et par là, elle crée des zones de cohabitation.

La structure musicale apportait de l’espace. Parce qu’il y a ce rythme, qui rappelle un peu le temps, ce petit rythme très doux suivi par ces énormes clusters sonores musicaux. Entre les deux dynamiques, il y a ce silence partout. Et c’est le génie derrière toute cette scène-là parce qu’on a les deux : on a la puissance énorme qui appelle une rencontre avec un extraterrestre – et l’impact que cela peut apporter à une scène – et le silence qui nous permet d’entendre tous les personnages et tout ce qui les entoure22.

35En écoutant Bernard Gariépy Strobl, nous comprenons que Jóhannsson pense la création musicale comme une forme de correspondance avec un partenaire. C’est dans la bande sonore que l’on dialogue. La circulation des écoutes à travers le continuum est ici une façon d’aménager des configurations sonores qui parlent à l’autre : ici la musique dit son existence et déclare ses zones d’opération aux autres matériaux par sa propre configuration musico-audio-visuelle.

36Le concepteur sonore Martin Allard décrit très bien les enjeux de la cohabitation des espaces concrets et musicaux au cinéma :

Le musicien va composer à l’intérieur d’un espace de fréquences que vous occuperez aussi […]. Si le musicien travaille dans les mids et que vous êtes en train de travailler exactement dans les mêmes régions pour rythmer une séquence, vous allez avoir de la difficulté. Quand vous travaillez un montage sonore en sachant où sont les rapports de rythme et les rapports d’intensité de la musique, vous êtes capable de placer des éléments de ponctuation qui vont venir répondre à la musique ou qui vont prendre le relais. C’est un travail magnifique. Au terme duquel on a l’impression que les choses ont été faites ensemble, et c’est ce qu’on cherche à faire en général quand on fait le montage sonore et la musique d’un film23.

37Retenons de cette réflexion du concepteur Martin Allard trois éléments : premièrement, tous les sons entretiennent entre eux des rapports de rythme et d’intensité ; dans Arrival, nous pensons à ces agrégats sonores massifs et aux pulsations délicates qui dynamisent la trame musicale lors de la première rencontre avec les Heptapodes. Deuxièmement, la voix, la musique et le bruitage étant des forces agissantes, ils peuvent prendre le relais l’un de l’autre pour prolonger ou faire bifurquer la ponctuation des images ; par exemple, ces mêmes agrégats anticipent les sonorités vocales des Heptapodes. Troisièmement, les sons occupant une même zone dans le champ des fréquences ont tendance à se masquer mutuellement ; c’est ce qui explique en partie le brouillage et l’indistinction entre les bruits des Heptapodes et certains éléments musicaux de Jóhannsson.

38Écoutons ces effets dynamiques, cette ponctuation audio-visuelle et cette résonance des matériaux, dans cette séquence de la première rencontre.

Exemple audio-visuel #2 : Séquence de la « rencontre des Heptapodes » du film Arrival

39https://vimeo.com/558629032/c9648fbb4c

40Cette séquence implique des gestes de réduction, d’élagage. Le complexe audiovisuel est ici composé d’une sélection réduite de quelques éléments. Malgré la présence visuelle de quatre personnages, seule la respiration du docteur Banks est audible. Le son monotone de l’oiseau (à la dynamique constante) contraste avec les grands écarts dynamiques de la musique et l’imprévisibilité des bruits des Heptapodes. Au niveau visuel, cette séquence se tient au seuil du visible : les extraterrestres restent flous, indistincts, partiellement vus. Cette sélection d’éléments visuels parcellaires crée un espace pour le son – c’est-à-dire un espace de composition où les différentes configurations sonores produisent leurs effets, de la grande amplitude dynamique jusqu’au mouvement ténu et répétitif. Ainsi, le silence apparent agit tout autant que les masses sonores imposantes.

41Le montage en champ/contrechamp nous présente des personnages en situation d’écoute – les sons produisent de petits déplacements sur les visages, sur les corps des scientifiques, qui réagissent aux stimuli sonores et visuels. Dans ce contexte, les personnages n’attendent pas, ils anticipent : ils n’ont encore rien vu, mais ils ont tout entendu. La musique et les effets sonores précèdent les mouvements visuels. Cette anticipation témoigne de mouvements affectifs qui modifient notre perception de l’image.

42Dans cette situation d’anticipation, les motifs répétitifs de la musique (notamment les glissandi vers les graves), sans progression harmonique ou mélodique, forment ce point d’appui, cette basse constante. Ainsi, cet arrangement musical joue le même jeu : il anticipe un espace de composition qui laisse place aux différentes configurations sonores, il appelle une attitude de création, il rend possibles certains gestes de composition qui font de l’anticipation un principe d’écoute et de création. Dans cette séquence, ce sont plutôt les effets sonores et les respirations du continuum qui progressent (voir la capture d’écran #2).

Exemple 3 : Capture d’écran #2. Visualisation graphique des formes d’onde des stems 5.1 mixés de la musique et des effets sonores de la séquence « Rencontre des Heptapodes » du film Arrival.

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43Finalement, cette séquence fait cohabiter trois échelles spatiales différentes : la respiration crée une proximité entre les personnages et les spectateurs ; les bruits des Heptapodes résonnent dans l’espace du « vaisseau » ; et la musique enveloppe ce milieu. C’est cette cohabitation des espaces qui produit la possibilité d’un échange entre les différentes échelles : le musical crée des mouvements entre l’intime et l’infini, et rend audible un espace de rencontre (entre les sons, entre les personnages). La mise en relation est perçue dans ce rapport volumétrique qui fait cohabiter les corps humains et extraterrestres. Les clusters de voix déformées dans la musique de Jóhannsson évoquent alors un esprit, une parenté acoustique entre les formes de vie (animale, humaine, extraterrestre).

44La composition musicale, créée bien avant l’étape du montage des images, a inscrit cette possibilité d’anticipation dans le tissu musical. Elle a prévu que d’autres matières de l’expression, notamment le son (mais aussi le montage en champ/contrechamp 180 degrés, le jeu des acteurs), viendraient poursuivre cette dramatisation de l’anticipation. Anticiper, c’est tenir compte des autres gestes qui s’ajouteront au processus de fabrication du film pour composer une forme cinématographique dans laquelle tous les éléments auront la capacité d’interagir.

45La composition du continuum rend compte de ce processus de résonance entre les gestes d’écoute des artisans du son et l’inscription dans le tissu sonore d’espace de rencontre entre les sons et les images. Le continuum existe à travers cette trame d’interactions, puisque toute écoute se forge au confluent d’un sujet et d’un milieu.

Exemple 4 : Photogramme (à 18’ 19”) du film Arrival.

img-4-small450.jpg

4. Du musical au cinématographique : échanges entre les matériaux du complexe audiovisuel

46Dans Arrival, la musique acquiert des qualités d’environnement sonore par des gestes de composition. Elle participe, tel un son concret, à la construction du paysage sonore : par exemple, elle est un souffle qui donne de l’ampleur aux machines militaires, elle est la voix (et le spectacle) des Heptapodes avant même leur apparition à l’image. Par-là, nous voulons aussi dire que le paysage sonore acquiert des qualités musicales : par exemple, l’effet sonore « rotor de l’hélicoptère » est une pulsation rythmique mouvante, l’effet sonore « oiseau dans la cage » est un leitmotiv qui répète la même note tonale. Il en va de même pour le matériau qu’est la voix. Rendues audibles par l’entremise d’un personnage radiophonique militaire imaginé et créé à l’étape du montage sonore, les qualités rythmiques et timbrales de cette voix médiatisée sont employées exclusivement pour habiter l’espace sonore et amplifier les moments de silence.

47Ainsi, un monteur sonore peut percevoir une proximité matérielle dans la pièce musicale et dans l’environnement sonore à construire et les faire cohabiter – superposition et juxtaposition, anticipations, décalages et transformations des éléments sonores. Un mixeur peut peaufiner cette co-présence – équilibre fréquentiel, primauté d’un nombre restreint d’éléments sonores, etc. – au point de confondre le tout en une seule et même unité sonore.

48Nous nommons « sensibilité musicale » l’organisation des composantes sonores entre elles et le contrôle des énergies et des flux de la matière sonore. Cette sensibilité se caractérise par une relativisation du sens au profit des dimensions énergétique, rythmique et matérielle. Nous avons tenté de décrire cette sensibilité musicale dans le travail des concepteurs sonores Sylvain Bellemare et Bernard Gariépy Strobl.

49De même, nous définissons la « sensibilité cinématographique » de la musique comme une attention aux composantes spatiales et visuelles des sons. Dans le travail du compositeur Jóhann Jóhannsson pour le film Arrival, cette sensibilité se caractérise par la composition de matériaux stratifiés qui offrent une liberté de modulation sonore (tel le stem scoring) et par des possibilités de recomposition selon les caractéristiques de l’image en mouvement et par l’aménagement d’un espace de résonance avec les bruits et les paroles.

50Rappelons que pour Sylvain Bellemare, le continuum désigne une idée qui traverse tout le film. Ce travail sur les coupures permet de redéfinir les frontières entre les idées, les sons et les images. Ainsi, tous les sons du film cohabitent dans un même espace matériel et conceptuel. Le sonore se déploie et agit sur deux plans : en tant que matière énergétique, il provoque des affects de vitesse et de lenteur, des variations de densité et d’intensité qui font vibrer les corps et s’adresse à la sensibilité ; en tant que substrat et support d’informations non sonores, il matérialise un code langagier, musical ou indiciel. Ces deux plans s’influencent mutuellement et cohabitent dans le processus d’organisation des sons : par exemple, le filtrage des fréquences rend plus ou moins intelligibles certaines paroles humaines, les bruits musicaux des Heptapodes modifient la temporalité du plan visuel. En somme, la dimension plastique interfère avec la dimension cognitive, inscrivant des parcours d’écoute dans le complexe audio-visuel.

51En tant que figure poïétique et théorique, recourir au continuum sonore « permet d’entendre le “système multiplan” [c’est-à-dire ce parcours/réseau d’écoutes] tel que le conçoit le concepteur, tel que le conçoit le mixeur et tel que le public l’entend : comme un ensemble délicatement équilibré d’éléments sonores soigneusement entrelacés, chacun contribuant au récit général, tout en le faisant de manière cumulative et intégrée24 ». En définitive, ces échanges entre conception sonore et musique se rejouent dans notre manière d’analyser un film : les discours des créateurs, les formes audiovisuelles, la sensibilité cinématographique et musicale s’enrichissent et se relancent afin de décrire la complexité de l’expérience du son au cinéma. Arrival nous invite à adopter la posture de Louise Banks, qui demeure attentive aux échanges entre les signes discursifs et leur manifestation concrète, à la résonance entre les sons et le sens. Il y a dans ce phénomène un brouillage des frontières entre la théorie et la pratique : l’écoute est autant une manière de renouveler nos gestes de création qu’une façon de raffiner notre analyse du complexe audiovisuel.

Exemple 5 : Photogramme (à 32’ 36”) du film Arrival.

img-5-small450.jpg

Notes   

1 La traduction française du titre de ce film est « L’Arrivée » au Québec et « Premier contact » en France. Nous conserverons le titre original dans cet article puisque l’écoute du mixage original en anglais fut importante pour notre analyse du film.

2 Entretien avec Sylvain Bellemare réalisé en octobre 2019. Nous avons conservé les traces de l’oralité de la voix du monteur sonore, comme une incitation à lire le rythme et la musicalité de l’enregistrement sonore.

3 Ibid.

4 Il nous semble important de souligner ici quelques éléments méthodologiques. Tout d’abord, nous remercions Sylvain Bellemare et Bernard Gariépy Strobl pour nous avoir donné accès aux différentes pistes du montage sonore. L’écoute séparée des différentes composantes de leur travail nous a permis de transformer le logiciel de montage sonore en outil d’analyse. Ce fut l’occasion pour nous de postuler que des gestes pratiques peuvent déplacer nos concepts théoriques et que l’inverse est tout aussi vrai. Cette façon de réfléchir à la conception sonore avec les outils des créateurs est une démarche qui caractérise les recherches effectuées dans notre laboratoire sur la création sonore qui regroupe des chercheurs et des artisans du son (creationsonore.ca). De plus, la rencontre d’un film et de la parole des créateurs est un mode de raccordement qui enrichit notre réflexion. Nous citerons à quelques reprises cette parole, mais le dialogue va au-delà de ces citations : c’est au final une manière singulière de penser et de réaliser le son et la musique qui est en jeu dans cette recherche.

5 Sur l’intégration de tous les sons sur un même « plan de consistance sonore » chez Arnheim, voir Serge Cardinal, Profondeurs de l’écoute et espaces du son. Cinéma, radio, musique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2018, p. 133-168 ; sur la partition sonore comme outil de composition audiovisuelle, voir Frédéric Dallaire, « Son organisé, partition sonore, ordre musical : la pensée et la pratique cinématographiques d’Edgard Varèse et de Michel Fano », in Intersections : revue canadienne de musique, vol. 33, no 2, 2012, p. 65-81 ; sur une typologie des relations audiovisuelles, voir Pierre Schaeffer, « Dialogue du son et de l’image », in Protée, vol. 13, no 2, 1985, p. 30-33 ; sur la bande sonore totale chez Blackburn, voir Solenn Hellégouarch, Musique, cinéma, processus créateur. Norman McLaren et Maurice Blackburn, David Cronenberg et Howard Shore. Paris, Vrin, 2020 ; sur les interactions entre les bruits et les musiques, voir « Atelier de maître : Claude Beaugrand, concepteur sonore », 2009 in https://www.creationsonore.ca/wp-content/uploads/2014/11/ateliers_claude-beaugrand.pdf, consulté en mai 2021 ; sur les interactions entre les continuums sonores et visuels, voir Simon Gervais, « Walter Murch et l’OMF : penser l’interopérabilité pour une ambiguïté fructueuse », in CINéMAS, vol. 28, no 2-3, printemps 2018.

6 À ce sujet, voir Michel Chion, Un art sonore, le cinéma. Histoire, esthétique, poétique, Paris, Cahiers du cinéma, 2003, p. 182-184

7 Pierre Boulez, Penser la musique aujourd’hui, Paris, Ghontier, 1965, p. 95-96.

8 Yves Citton, Gestes d’humanités. Anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps des idées », 2012, p. 15 et p. 30 : « Parce qu’ils se situent à l’interface entre nous et les autres, [les gestes] font émerger – à travers nous – des processus constituants qui dépassent nos intentions et notre rationalité conscientes. [Le geste] est un moyen d’affecter autrui par l’intermédiaire d’une transformation de notre corps. »

9 Pascale Criton, « Continuum sonore et schème de structuration », in François Schmitz, Jan Sebestik et Antonia Soulez (éd.), Musique, rationalité, langage. L’harmonie : du monde au matériau, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 74.

10 Robert Marcel Lepage in Frédéric Dallaire, « Les résonances de l’image et de l’imaginaire dans la composition musicale : une enquête polyphonique », in Circuit, vol. 26, no 3, 2016, p. 68.

11 Michel Chion, Un art sonore, le cinéma, op. cit., p. 203 : « Il reste que les éléments sonores qui se retrouvent et se superposent au stade final, après mixage, sur la piste sonore, n’ont pas été choisis et composés les uns par rapport aux autres (et pourquoi le seraient-ils ?), mais en relation avec le montage de l’image, et avec la diégèse. La piste sonore voit donc, dès la projection du film, chacun de ses éléments se réorganiser en fonction de l’image et faire cavaliers seuls. »

12 Ce geste de densification et de stratification s’apparente aux méthodes utilisées par les compositeurs du studio « Remote Control » fondé par Hans Zimmer. L’intégration des bruits dans le tissu musical et la modulation continue des plans sonores rendues possibles par les multiples pistes musicales sont deux caractéristiques des productions hollywoodiennes des dernières années (voir à ce sujet Chloé Huvet (éd.), « Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control », Revue musicale OICRM, vol. 5, no 2, novembre 2018).

13 Entretien avec Bernard Gariépy Stobl, mixeur, réalisé en octobre 2019. Le pitch shift désigne la modification de la hauteur harmonique du son. Le varispeed désigne la modification graduelle de la vitesse de lecture de l’enregistrement sonore.

14 Michel Fano, « L’ordre musical chez Alain Robbe-Grillet. Le discours sonore dans ses films », in Jean Ricardou (éd.), Robbe-Grillet : analyse, théorie, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (29 juin-8 juillet 1975). Paris : U.G.É., coll. « 10/18 », tome I, 1976, p. 186.

15 Claude Bailblé, « Programmation de l’écoute », Cahiers du cinéma, no 292-293-297-299, 1979, p. 23.

16 Pour une étude approfondie des échanges entre un compositeur et un cinéaste, voir Solenn Hellégouarch, Musique, cinéma, processus créateur. Op. cit. Arrival est un contre-exemple qui partage malgré tout l’une des thèses de ce livre : au-delà des personnalités, la rencontre musico-filmique se situe au niveau du complexe audiovisuel et de ses composantes.

17 Notre traduction de : « In some parts of the score for “Arrival,” Jóhannsson recorded to a 16-track tape loop for a vaguely analog quality, capturing acoustic sounds from cello, piano, and wind instruments, along with vocals. […] “What you’re hearing is very old-fashioned, in a way,” Jóhannsson says. “It’s layers and layers and layers of piano — but without the attack. It’s like piano wire. You’re hearing just the sustain of the piano.” » Kristopher Tapley, ‘Arrival,’ ‘Jackie’ Composers Push Boundaries of Music and Sound Design, 2016 in https://variety.com/2016/artisans/in-contention/music-sound-arrival-jackie-1201892755/, consulté en mai 2021.

18 Voir à ce sujet la notion de stem scoring étudiée par le musicologue Jérôme Rossi, c’est-à-dire « une composition musicale conçue en plusieurs strates que le compositeur ou le mixeur peut à loisir déclencher ou taire en fonction de l’image ». Jérôme Rossi, « Essai de caractérisation de l’évolution des musiques super-héroïques de Batman (1989) à The Dark Knight Rises (2012) », in Chloé Huvet (éd.), « Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control », Revue musicale OICRM, vol. 5, no 2, novembre 2018, p. 15-47, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol5-n2/musiques-super-heroiques/, consulté en mai 2021.

19 En post-production sonore, les stems sont des « sous-mix », divisés en catégories, du mix total du film. Par exemple, les stems que l’on retrouve le plus fréquemment dans le travail de post-production sonore de cinéma sont les « sous-mix » des dialogues (D), des effets et ambiances sonores (E) et de la musique (M), que l’on appelle les stems DME.

20 Entretien du podcast Tonebenders (épisode 83 à 5’ 30”) avec Sylvain Bellemare et Bernard Gariépy Strobl, « 083 – Sound of Arrival w/Sylvain Bellemare & Bernard Gariépy Strobl » in https://tonebenderspodcast.com/083-sound-of-arrival-w-sylvain-bellemare-bernard-gariepy-strobl/, consulté en mai 2021.

21 Entretien du podcast Tonebenders (épisode 83 à 28’ 45”) avec Sylvain Bellemare et Bernard Gariépy Strobl, « 083 – Sound of Arrival w/Sylvain Bellemare & Bernard Gariépy Strobl » in https://tonebenderspodcast.com/083-sound-of-arrival-w-sylvain-bellemare-bernard-gariepy-strobl/, consulté en mai 2021 : « [Jóhannsson’s music] has pulses. In between those pulses, you can do whatever you wanted. It gives room for everybody to speak. »

22 Entretien avec Bernard Gariépy Strobl, mixeur, réalisé en octobre 2019.

23 Martin Allard, « Atelier de maître. Martin Allard, concepteur sonore », 2008, p. 8 in https://www.creationsonore.ca/wp-content/uploads/2014/09/ateliers_martin-allard.pdf, consulté en mai 2021.

24 Notre traduction de : « A framework that allows us to hear the “multiplane system” as the sound designer conceives it, as the mix engineer realizes it, and as the audience hears it : as a delicately balanced, elaborately interwoven set of sonic elements, each of which contributes to the overall narrative but does so in a cumulative and integrated fashion. » Paul Théberge, « Almost Silent », in Jay Beck et Tony Granada. (éd.), Lowering the Boom: Critical Studies of Film Sound, Chicago, University of Illinois Press, 2008, p. 66.

Citation   

Frédéric Dallaire et Simon Gervais, «Le continuum sonore dans Arrival comme pratique exemplaire du montage sonore : la différenciation et l’invention de l’écoute au cinéma», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Musique et design sonore dans les productions audiovisuelles contemporaines, Numéros de la revue, Hybridités musico-sonores : repenser l’écoute cinématographique, mis à  jour le : 25/11/2022, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=1228.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Frédéric Dallaire

Frédéric Dallaire est professeur de cinéma en recherche-création à l’Université de Montréal. Codirecteur du laboratoire « La création sonore : cinéma, arts médiatiques, arts du son » et membre du réseau Hexagram, il enseigne la pratique du son, de la vidéo et du montage, le cinéma expérimental et la philosophie du cinéma. Il réalise des films, des œuvres sonores et des projets musicaux, dont Dynamique de la pénombre (avec Félix Dufour-Laperrière, 2012), Le Souffle court (avec Chantal Dumas, 2017) et Le Rêve d’Ida (2019). Ses recherches portent sur la pensée et la pratique du mixage ainsi que sur les liens entre l’improvisation et le cinéma. Laboratoire La Création Sonore, Université de Montréal, Canada frederic.dallaire-tremblay@umontreal.ca https://www.creationsonore.ca/

Quelques mots à propos de :  Simon Gervais

Simon Gervais est chargé de cours au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques à l’Université de Montréal. Il est également concepteur et monteur sonore au studio Bande à part audio depuis 2006, où il a signé la bande sonore de plusieurs films (de Sophie Goyette, François Delisle, Jean-François Caissy…). C’est pourquoi il consacre ses recherches au montage sonore comme geste permettant de penser l’expérience de l’écoute au cinéma. Il est membre du laboratoire « La création sonore : cinéma, arts médiatiques, arts du son ». Laboratoire La Création Sonore, Université de Montréal, Canada simon.gervais@umontreal.ca https://www.creationsonore.ca/