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Le corps féminin en performance
Une étude de cas des mouvements #elenão et #elesim
Juliana Coelho De Souza Ladeira
Octobre 2020
DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.646
Résumés↑
Au cours de la campagne électorale brésilienne de 2018, les manifestations #elenão et #elesim ont mis en évidence dans les rues et sur les réseaux sociaux les revendications politiques et sociales de deux groupes hétérogènes de femmes. Les stratégies performatives utilisées par ces mouvements n’étaient guère nouvelles, néanmoins, elles ont trouvé une visibilité inédite. Au cours de ces manifestations, le corps féminin a parfois été un véhicule et un sujet de protestation, en plus d’être employé comme outil d’attaque, collaborant avec l’agencement des récits électoraux de chaque groupe. Qu’expriment ces corps performatifs et quels modèles de femme(s) sont défendus dans la sphère publique des réseaux et des rues ? Ces questions seront analysées en essayant de comprendre le territoire du performatif de manière élargie, alors qu’il s’avère impossible de le dissocier de l’instance du virtuel et d’une logique « plateformative ».
In 2018, during the Brazilian presidential campaign, the #elenão and #elesim movements performed, on the streets and on social networks, political and social demands from two diverse groups of women. These movements have not used new performance strategies, but they found unprecedented visibility. During these events, the female body was sometimes a vehicle and subject of protestation, in addition of being used as a firearm, collaborating with the agency of the electoral narratives of each group. What did these performing bodies express and what models of women were defended in the public sphere of the networks and the streets? These questions will be analysed by trying to understand the performatif territory in an enlarged way, impossible to be separated from the virtual instance and from a plateformative logic.
Index↑
Mots-clés : Performance, Politique, Corps, Religion, Féminisme
Keywords : Body, Religion, Performance, Politics, Feminism
Plan↑
Texte intégral↑
1Depuis les manifestations de 2013, appelées les « Journées de juin », la société brésilienne peut être perçue et identifiée comme étant extrêmement fragmentée et surtout politiquement polarisée1. Depuis lors, la rue est devenue un territoire performatif privilégié pour les différents camps politiques, un lieu où les notions de théâtralité et de performativité s’enchevêtrent2. En 2018, un grand mouvement de femmes, déclenché par la page Facebook : « Mulheres Unidas Contra Bolsonaro » [Les Femmes unies contre Bolsonaro]3, a gagné les réseaux sociaux et ensuite, les rues. Ce mouvement s’opposait explicitement au candidat Jair Bolsonaro et appelait à lui faire blocage. Une semaine avant le premier tour des élections de 2018, des manifestations de femmes, partisanes du mouvement #elenão, ont eu lieu dans tous les états de la fédération et dans des villes d’au moins cinquante pays. Les réactions sur les réseaux sociaux furent nombreuses, ainsi que les manipulations d’images des manifestations. Une bataille à propos du corps des femmes s’est déroulée dans les rues et, spécialement et surtout, sur les réseaux sociaux. Sur ces derniers, ont afflué des photos des manifestations #elenão réinventées et détournées en mèmes et des vidéos éditées. Plus précisément, des corps de femmes dénudées sont devenus des « armes » d’une guerre électorale, fabriquant des récits divers sur les usages de ces corps. Des manifestations de soutien à Jair Bolsonaro furent promptement organisées le lendemain des manifestations #elenão, en employant le mot-dièse4 #elesim comme slogan unificateur5.
2Ainsi, deux camps ouvertement opposés se sont projetés dans la sphère publique : les « féministes » et leurs opposantes, les « pro-Bolsonaro ». Les manifestations #elenão et #elesim ainsi que leur répercussion dans les réseaux sociaux ont véritablement exprimé un ensemble de valeurs revendiquées par ces groupes. Les discours performés de ces deux ensembles de femmes, certes hétérogènes, nous amènent à réfléchir sur les rapports entre les discours de revendication identitaire et politique portés par ces performances et leurs moyens d’expression. Lors du débat électoral en question, le corps féminin était tout à la fois sujet de revendication et moyen de protestation, se transformant en outil d’attaque, collaborant aux agencements des récits électoraux de chaque groupe. Qu’exprimaient ces corps performés et quels modèles de femmes ont été mis en avant et défendus dans les rues et sur les réseaux ? Ainsi, il s’agira, dans cet article, d’analyser les différents regards portés sur le corps des femmes dans le contexte politique en question, en employant la notion de performance en tant que cadre épistémologique principal, tout en reprenant la notion de rassemblement telle qu’elle apparaît chez Butler6.
3Par conséquent, quelques exemples de stratégies performatives à l’occasion des défilés dans les rues, lors de ces deux ensembles de manifestations, seront analysés, pour tenter d’identifier les éléments les plus flagrants et récurrents et de comprendre ensuite les valeurs rattachées à ces éléments, en proposant une interprétation de leur usage. Nous entendons par stratégie performative les formes d’expression, leurs moyens et les revendications, valeurs ou symboles liés à elles. Ces manifestations dans les rues et sur les réseaux n’ont pas vraiment mis en place de nouvelles stratégies performatives. Elles se sont configurées comme des lieux de leur renforcement. Leur visibilité inédite est certes tributaire de leur emploi en tant qu’outils de confrontation électorale. De même, les discours et les revendications de ces deux groupes, ainsi que les tensions existant entre eux, ont été en germe depuis le début des années 2000. Finalement, ces événements et les questions soulevées par eux seront analysés en appréhendant le territoire de la performance de manière amplifiée, qu’il s’avère impossible de détacher de l’instance virtuelle et de sa logique plateformative, pour reprendre le terme créé par Olivier Ertzscheid7. Il sera également question de démontrer le mécanisme d’utilisation de ces « plateformatives » puisqu’il éclaire l’agencement des contenus lors de cette campagne électorale : ce qui est performé dans les rues est ensuite à nouveau performé dans les réseaux sociaux. Le plus souvent, ce qui est performé dans les rues sert à de nouvelles plateformes, en tant que source primaire, comme des rushs pour un autre montage. Compte tenu de la proximité temporelle entre ces événements et l’écriture de cet article, nous disposons de très peu d’analyses, la plupart d’entre elles circonscrites à la presse8. En outre, cet article tente de proposer une interprétation des enjeux présents dans le mouvement #elenão et le contre-mouvement #elesim sous l’angle des études théâtrales et de la performance9 et il n’est guère conclusif. Des évènements et des faits clés de cette campagne sont encore en cours d’analyse, par exemple, l’usage massif de la plateforme WhatsApp. Tenant compte des présidentielles américaines de 2016 et de la campagne du Brexit, le TSE, Tribunal Supérieur Électoral brésilien, avait pris quelques mesures pour empêcher la diffusion des infox sur Facebook, sans pour autant réussir à réguler des dysfonctionnements liés à la plateforme WhatsApp10.
#Elenão : la plus grande manifestation de femmes de l’histoire du Brésil
4Les élections présidentielles brésiliennes de 2018 ont été marquées par une différence considérable entre les intentions de vote des hommes et celles des femmes. Pour la première fois depuis 1989, année des premières élections directes après vingt ans de dictature militaire, un candidat a fait l’objet d’un rejet inédit auprès de l’électorat féminin. Juste avant le premier tour des élections, Jair Bolsonaro avait 32% des intentions de vote chez les femmes dont les familles avaient un revenu égal ou supérieur à cinq salaires minimaux et au moins égal à 14% d’un salaire chez les plus pauvres. Cependant ces dernières correspondent à 28% des électeurs contre 6% de l’autre segment11. Déjà, dans ces travaux portant sur la banlieue de Porto Alegre, Rosana Pinheiro-Machado et Lucia Mury Scalco12, a été observé la progression de la candidature de Jair Bolsonaro chez les jeunes hommes, à l’inverse des jeunes femmes. Il est nationalement et intentionnellement notoire que Jair Bolsonaro s’est distingué, au cours de ses vingt-huit ans de carrière politique, par l’éloge de la torture et ses déclarations machistes, racistes et homophobes.
5Ainsi, c’est dans ce climat extrêmement clivé et hostile que s’est déroulée la campagne. Quand la page Facebook : « Mulheres Unidas Contra Bolsonaro » fut créée, elle a reçu des milliers d’adhésions en quelques jours. Rapidement, les organisatrices/modératrices ont convoqué une manifestation à l’échelle nationale13, pour le 29 septembre 2018, ayant comme mot-dièse, #elenão. Une estimation réalisée par le site G1, faite à partir d’images aériennes, a comptabilisé cent mille personnes au Largo do Batata à São Paulo, et environ vingt-cinq mille personnes à la Cinelândia, à Rio de Janeiro - deux lieux traditionnels de rassemblements populaires de ces deux villes. Étant donné que la Police militaire brésilienne a volontairement décidé de ne pas procéder au comptage des personnes présentes, il n’existe donc pas de données officielles du nombre de participants, même dans les capitales des états brésiliens. La Mídia Ninja14 aurait reçu et vérifié des photos de manifestations #elenão dans 358 villes au Brésil. À l’étranger, le collectif a recensé des événements semblables dans 73 villes de 33 pays15.
6Faiblement couvertes dans les médias télévisés16, ces actions ont été considérées comme la plus grande manifestation de femmes de l’histoire du pays, selon plusieurs observateurs, dont la professeure des universités et chercheuse de l’histoire du féminisme brésilien Céli Regina Jardim Pinto. Elle identifie dans ces manifestations le reflet de l’émergence d’une nouvelle vague du féminisme au Brésil, fort différente de la vague précédente, circonscrite aux milieux académiques et au cœur des mouvements sociaux :
Il s’agit de la popularisation du féminisme. Il s’est étalé dans la société. Personne ne peut oser dire qu’il est contre les droits des femmes. #EleNão s’est transformé en signifiant rempli de signifiés. C’est un évènement très important dans la lutte politique et il a commencé avec les femmes, car Bolsonaro a eu des propos extrêmement rabaissants concernant la femme. Puis, c’est un mouvement qui a peu à peu englobé une grande diversité de choses, comme la défense de la démocratie et des droits de l’homme.17
7Alors, ces manifestations d’une grande ampleur ont réuni femmes et hommes, certains groupes déjà décidés à voter pour un autre candidat, mais également des électeurs indécis18.
Chez les « féministes » de #elenão
8Les manifestations d’#elenão19 ont employé des stratégies performatives réactualisées, provenant d’autres mouvements féministes et sociaux : les Marchas das Vadias du Brésil, la Marcha Internacional das Mulheres et la Marcha das Margaridas20. Ces stratégies performatives peuvent être perçues comme l’expression de diverses revendications, en tant que symbole d’unification identitaire et sociale, mais également de tensions sociétaires. L’importance de la « performativité corporelle », autrement dit la présence humaine dans des rassemblements, est soulignée par Butler21, puisqu’il existe une tendance à survaloriser la « performativité linguistique », de caractère forcément discursif. Dans le cas du #elenão, à cette « performativité corporelle » se conjugue une préparation consciente de stratégies performatives collectives, comme le port de certaines couleurs, l’emploi de certains slogans — écrits sur les corps et les pancartes — la présence de corps dénudés et d’éléments de la culture populaire. Ces stratégies constituent une manière d’afficher une ou plusieurs appartenance(s), tout en exprimant des revendications et par conséquent, en délimitant et identifiant les différents groupes opposants à l’élection et à l’agenda de Jair Bolsonaro.
9En analysant les images des rassemblements du 29 septembre 2018, on observe l’omniprésence de certaines couleurs : le violet, le rose, le blanc, le noir et le rouge. Le violet est présent sur les t-shirts, les écharpes qui entourent les cous et poignets, les ballons, les rouges à lèvres, les pancartes, les drapeaux. Sur les corps, des messages sont écrits de cette couleur. En portant cette couleur, principal symbole des mouvements féministes à partir des années 1960/1970, ces personnes semblent vouloir inscrire ces actes dans une continuité et une lignée féministes mondiales. En portant de manière ostensible du violet lors de ces actes éphémères, l’opposition à Jair Bolsonaro devient une affaire qui concerne tout le mouvement féministe d’hier et d’aujourd’hui22.
10Également présent, le rouge était essentiellement porté par les partisanes du Parti des Travailleurs et de son candidat Fernando Haddad, ainsi que par les sympathisants des mouvements sociaux organisés comme le MST – le Mouvement des Travailleurs sans Terre et de syndicats, tels que la CUT – la Centrale Unifiée des Travailleurs. On a pu remarquer la présence de drapeaux aux couleurs d’autres partis politiques, comme le PSOL et le PDT, des ligues des Femmes, ainsi que des drapeaux affichant « Lula Libre »23. L’arc-en-ciel multicolore caractéristique du mouvement LGBTQ+ est à l’origine de la pièce graphique icône du mouvement #elenão, et sa présence dans ces actes met également en évidence l’adhésion considérable de cette communauté aux manifestations.
[Fig. 1] La pièce graphique du mouvement #elenão qui a été spontanément adoptée sur les réseaux sociaux.
L’étudiant Militão Queiroz en est le créateur.
11En outre, plusieurs consignes ont été données sur les réseaux sociaux, encourageant le port de vêtements violets, roses, blancs et noirs, dans le but de distinguer ces manifestations en montrant qu’elles n’avaient aucun lien avec des partis politiques. Une autre consigne très répandue sur les réseaux sociaux appelait à une extrême discrétion concernant le port de certaines pièces vestimentaires, comme des t-shirts et des pins, qui feraient mention aux actes et au mouvement #elenão : « (...) portez-les dans les lieux des manifs, faites attention dans les stations de métro, dans des lieux fermés et méfiez-vous des personnes en groupe » :
[Fig. 2] Publication relayée sur la page Facebook Mulheres Unidas Contra Bolsonaro
12Un autre message recommandait aux participants de porter ces tenues uniquement au moment de l’action. Plusieurs groupes d’avocats se sont mis à disposition de manière bénévole pour orienter juridiquement les manifestants en cas de violation de droits. De telles consignes trouvaient leur raison d’être étant donné la violence du débat électoral et plusieurs cas d’agression physique envers des électeurs, candidats et journalistes24, ainsi plusieurs personnes craignaient des actes de violence contre les manifestants ou une violente répression policière.
13Les actions du 29 septembre ont également accueilli un nombre important de cortèges de la culture populaire : des batteries de samba, des ensembles de percussions féminines et des « blocos de Carnaval de rue » portant leurs étendards. La participation du groupe Ilú Obá De Min, qui signifie « les mains des femmes qui jouent du tambour pour le roi Xangô », s’avère en quelque sorte emblématique, puisque les femmes du candomblé n’ont pas l’autorisation de jouer du tambour. Dans cet exemple, deux revendications sociales convergent : d’un côté, les pratiquantes des religions afro-brésiliennes, persécutées par les secteurs évangéliques, se sentent très menacées par la possibilité de l’élection de Jair Bolsonaro ; de l’autre, au sein de ces mêmes instances, les femmes revendiquent un protagonisme d’action et d’expression. Les « blocos de Carnaval » sont présents sans leurs cortèges et déguisements, sans qu’effectivement leurs actions performatives subversives aient lieu, ce comme pour manifester leur soutien. On attendra le Carnaval brésilien de 2019 pour assister aux premières critiques performées en parodies et en vue de détrôner des symboles et du discours du bolsonarisme au pouvoir. Dans certaines villes, quelques supporteurs des clubs de football organisés sont également présents. Il convient de signaler un autre point significatif, à savoir la présence massive de femmes aux cheveux naturels frisés — acte qui affiche l’acceptation joyeuse et fière de l’origine africaine.
[Fig. 3] Manifestation #elenão à Rio de Janeiro (RJ)
Aline Brant / Mídia NINJA
[Fig. 4] Manifestation #elenão à Rio de Janeiro (RJ)
Aline Brant / Mídia NINJA
[Fig. 5] Manifestation #elenão à Recife (PE)
Maíra Acioli
[Fig. 6] Manifestation #elenão à Carazinho (RS)
Diane Arend
[Fig. 7] Manifestation #elenão à Rio de Janeiro (RJ)
Cecília Marrachi
[Fig. 8] Manifestation #elenão à Rio de Janeiro (RJ)
Aline Brant
[Fig. 9] Manifestation #EleNão à Florianopólis (SC)
Alessandra Farias Sliva
14Ces messages et revendications ont trouvé dans les corps, les t-shirts et les pancartes leurs véhicules d’expression. Parmi ces trois supports, l’écriture sur les corps des femmes est le plus caractéristique et celui qui est le plus souvent associé aux manifestations féministes. Quels messages portent-elles ? Les slogans #elenão ou du #elenunca sont omniprésents sur les pancartes, t-shirts et écrits corporels, suivis par les #nothim ou #paslui, lors des manifestations ayant lieu dans les villes étrangères. Les slogans « Lutte comme une fille », « La révolution sera féministe / au féminin », « Les femmes contre le fascisme », The Future is Female sont abondamment affichés, ainsi que celui qui a été très répandu après les élections : Se Fere minha existência, serei resistência, « Si cela blesse mon existence, je ferai partie de la résistance ». Le corps des femmes est montré et le dénudement des seins apparaît, même si cette façon de manifester s’avère assez rare. Néanmoins, ce sont des images de ces corps, associées à celles des corps féminins dénudés dans d’autres manifestations au Brésil, ainsi qu’à des actions menées par des groupes étrangers, surtout le Femen, qui seront évoquées et partagées dans les réseaux sociaux, lors des réactions aux manifestations #elenão. De telles images serviront surtout de caution morale pour le contre-mouvement #elesim.
La dispute dans les rues et sur les réseaux : changement de plateforme performative
15Deux jours avant les manifestations d’#elenão, j’ai reçu par message de groupe WhatsApp25 un lien du site internet e-farsas sous le titre suivant : « [e]st-ce que des féministes ont déféqué et ont fait l’amour dans une église ? »26. Après avoir envoyé d’autres liens27 et identifié tous les participants comme féministes, la personne a quitté le groupe en posant la question suivante : « [p]ourquoi ne pas relayer les scandales féministes qui déprécient et qui manquent de respect vis-à-vis des églises et d’autres institutions ? ». Ce même lien internet a été exhaustivement distribué dans d’autres groupes WhatsApp et pages Facebook28. Les messages qui l’accompagnaient nous prévenaient qu’il s’agissait d’actes de féministes et de partisans du Parti des Travailleurs (appelés au Brésil, les petistas). Le lien montrait deux actions : dans la première nous apercevons un couple qui, après avoir pénétré dans une église et interrompu une messe, simule un rapport sexuel sur l’autel et dans la seconde, des femmes déféquaient devant une église. Ainsi, une lecture rapide du lien débouchait sur un raccourci simpliste : les féministes et les petistas seraient des profanateurs d’églises, ne respectant pas les religions. Or, le lien en question provenait du site brésilien e-farsas, consacré à la vérification des contenus sur internet. Alors, à la fin du reportage de ce site, la conclusion suivante est annoncée : « [l]es images attribuées à un groupe de féministes qui auraient envahi une église lors d’une protestation sont des événements ayant lieu en des occasions et dans des lieux différents et ne sont pas directement liés à des groupes féministes ». Ainsi, en toute évidence, personne ne lisait la totalité du reportage du site e-farsas, s’arrêtant à l’association rapide entre ces photos et les « féministes » et les petistas.
16Ces images de « féministes » utilisées pendant la course électorale provenaient de photographies de mouvements tels que les Marcha das Vadias et d’actes des Femen, de performances artistiques isolées de leur contexte originel, ou même d'images transformées et vandalisées. Toute la gauche, et par conséquent, tout le mouvement féministe a été ainsi résumé dans des mèmes et des messages Facebook.
[Fig. 10] « C’est à vous de choisir »
Publication du 01 octobre 2018 de la page Facebook Mulheres unidas a favor do Bolsonaro
[Fig. 11] « Deux mouvements tellement différents. À gauche elenão, à droite elesim, faites votre choix »
Publication du 1er octobre 2018 de la page Facebook Mulheres unidas a favor do Bolsonaro
17Ainsi, il est possible d’observer clairement un mouvement de migration du territoire performatif des rues vers les réseaux sociaux, au point de nous interroger sur la puissance performative de ces derniers. Dans cette économie des plateformes performatives, entre la rue et les téléphones portables, les contenus sont cadrés, édités, commentés, décontextualisés. Ce qui se passe dans la rue devient la « source primaire » de la création des gif, mèmes et vidéos courtes, encadrés dans des posts Facebook ou apparaissant au fil des discussions des groupes WhatsApp. C’est la présence de cette « source primaire » appartenant à l’instance du réel, du concret, qui légitimerait, malgré elle, les discours contraires à elle-même.
18Dans le cas du mouvement #elenão, les réseaux sociaux ont opéré en tant que seconde plateforme performative où les contenus ont acquis une dimension plus importante et radicale que celle des rues. Chez Facebook, par exemple, l’on participe à une structure où nous nous trouvons dans l’impossibilité de ne pas surveiller les autres, étant en même temps irrémédiablement surveillés en retour :
Autre exemple, au regard de la nature et de la fonction des interactions dans cette même plateforme, il n’est pas possible de ne pas être surexposé à de la désinformation ou à des discours stigmatisants (et parfois haineux) puisque ce sont eux qui génèrent le plus d'interactions dans la plateforme. Logique plateformative donc29.
19Selon Olivier Ertzscheid, les contenus haineux et polémiques sont loin d’être interdits par les architectures toxiques de ces plateformes, car en réalité ils leur permettent de « tenir leurs enjeux d’audience » et de monnayer nos interactions avec ces contenus. De même, plusieurs études ont démontré l’utilisation massive de robots, de bots responsables de messages automatiques, et de cyborgs30, des utilisateurs employant un certain niveau d’automatisme, dans la campagne de Jair Bolsonaro. L’analyse quantitative des contenus distribués par ces « utilisateurs hyperactifs » n’indique pas une grande dissémination des messages d’opinion, mais plutôt des images et des vidéos. Il est alors fort probable que les contenus générés à partir des manifestations #elenão aient permis l’accroissement des récits antiféministes en ligne, caractéristiques de la « nouvelle droite brésilienne ». En analysant brièvement cette hypothèse, l’anthropologue Isabel Kalil souligne que l’augmentation de l’adhésion féminine à la candidature de Jair Bolsonaro pourrait également être expliquée par le changement de stratégie de campagne, le soutien expressif d’importants leadeurs évangéliques, et même sa sortie de l’hôpital, le 29 septembre 2018, un jour après les manifestations #elenão31. Ghiraldelli Jr.32 souligne l’emploi radical des images en faveur du spectacle dans la campagne de Jair Bolsonaro : des images vides, sans discours, qui peuvent exister uniquement grâce à des imageries précédentes auxquelles elles se réfèrent sans cesse :
Bolsonaro a fait le buzz (le show). Il a donné un coup de pied à Lula (à une poupée, gonflable). Il a mitraillé. Il a osé prendre un enfant dans ses bras en lui montrant à mimer une arme avec les doigts. Il a cassé la pudeur. Ce n’est pas un hasard, s’il s’est laissé photographier avec un acteur porno qui a confessé un viol à la télé (...). Puisque l’image par l’image est l’obscénité complète33.
20Ce qui est montré sur les réseaux sociaux est encore dépendant de la réalité, du concret, de la chair humaine, pour exister. Cependant, ce qui émane du domaine du réel a servi de source primaire ou fait office de rush de cinéma de ce qui est projeté virtuellement. Cette projection est un arrangement complexe qui engendre une stratégie performative et spectaculaire virtuelle et idéologique, puisque l’autre réalité créée (la virtuelle) doit servir à prouver un argumentaire de campagne. Dans le cas de Bolsonaro, les images véhiculées dans les pages Facebook ont façonné son image, tout en l’associant à une imagerie militaire du présent et du passé, en enchevêtrant des références du domaine du réel et du fictionnel, tout en servant à vider le débat électoral. Étant donné son passé d’ancien capitaine de l’armée brésilienne, des mèmes divers l’associent à des super-héros, au protagoniste du film « Die Hard 4 : Retour en enfer », et aux templiers. Sur la publication suivante, le candidat-personnage porte le drapeau du Brésil à l’époque de l’Empire :
[Fig. 12] « Bonjour soldats ! Êtes-vous en forme pour lutter ? »
Publication publique du 04 octobre 2018 de la page Facebook Sou mulher sou Bolsonaro
[Fig. 13] « Jair Messias Bolsonaro Die Hard 4.0 »
Publication publique du 12 septembre issue d’un profil privé.
[Fig. 14] « Votez pour le Défenseur de la Famille et de la Patrie ! Le Brésil au-dessus tout et Dieu au-dessus de tous »
Publication publique du 20 septembre 2018 de la page Facebook Mulheres Unidas A FAVOR do Bolsonaro
21De ces personnages/images de Bolsonaro, se dégage la certitude qu’il est un messager de Dieu, envoyé pour sauver le Brésil du diable, des communistes, des petistas et également des féministes. Des stratégies narratives multiples et concomitantes ont été lancées, en contribuant à la fragmentation de la société brésilienne, tout en faisant une distinction entre ceux qui sont du côté du Bien et ceux qui sont du côté du Mal. Cette conclusion peut paraître simpliste, mais c’est ainsi que s’organise cette logique : « Le secret des temps : il existe une imagerie qui dénote du primitivisme, pour être au service de l’adhésion — c’est le mot — à donner aux images lancées par les mèmes de Bolsonaro »34. En accord avec l’imagerie militaire liée à cette candidature, l’on va observer dans les pages des femmes soutenant ce candidat tout un ensemble de mèmes où figurent des personnages féminins. Ainsi, les militantes du candidat sont tout à la fois associées à des super-héroïnes comme Wonder Woman ou au personnage d’X-Men Kitty Pryde, à des « soldats », à des « guerrières ». Les militantes sont ainsi nombreuses à s’afficher sur les réseaux sociaux, portant le t-shirt du candidat et s’exerçant au maniement des armes à feu :
[Fig. 15] Publication du 10 octobre 2018 de la page Facebook Mulheres Unidas A FAVOR do Bolsonaro
[Fig. 16] Publication du 21 septembre 2018 de la page Facebook Mulheres unidas a favor do Bolsonaro
22Ces associations sont en convergence avec l’agenda de la « guerre culturelle »35 présent au Brésil depuis quelques années, donnant lieu à une polarisation politique et affective36 de la société. De plus, cette imagerie de la « femme guerrière », bénéficie tout particulièrement de l’adhésion des Brésiliennes des couches défavorisées de la société, qui sont confrontées à de nombreuses difficultés financières.
Le contre-mouvement : #elesim
23Quinze jours après sa création, la page Mulheres Unidas Contra Bolsonaro devint la cible d’une attaque de hackers et fut temporairement rebaptisée Mulheres Unidas Com Bolsonaro. Ce fut l’occasion pour Eduardo Bolsonaro, l’un des fils du candidat, de se prononcer et de véritablement inventer une version de l’incident : « une page quelconque avait un milliard de followers lorsqu’elle a été vendue à la gauche. Alors, elle changea son nom en “Les Femmes unies contre Bolsonaro” (...) ». Ce commentaire a été relayé par Twitter et Facebook et a généré seize mille réactions, presque neuf mille commentaires, en plus d’être partagé deux mille neuf cents fois. Le week-end même de l’attaque citée, une série de pages pro-Bolsonaro ont été créées sur Facebook : Mulheres Com Bolsonaro #17, Mulheres unidas a favor de Bolsonaro, Mulheres e Homens com Bolsonaro, Soldadas do Capitão Bolsonaro, Sou Mulher sou Bolsonaro37. Étant donné l’emploi exhaustif des robots et des cyborgs dans la campagne en question, il est difficile de définir le #elesim, ou #luioui, comme un mouvement spontanément créé par des femmes.
24Le lendemain des actions d’#elenão, des manifestations soutenant Jair Bolsonaro, identifiées par le mot-dièse #elesim, furent organisées dans le pays. Moins nombreuses que celles de la veille, ces manifestations ont réuni un certain nombre de personnes, hommes et femmes, majoritairement habillées en vert-jaune-bleu, les couleurs du drapeau brésilien — également celles symbolisant la droite brésilienne depuis 201638. Le plus important regroupement de personnes se trouvait dans l’Avenue Paulista, à São Paulo39. L’invité d’honneur de ce rassemblement, Eduardo Bolsonaro, invitait les femmes à voter pour son père, en employant l’argumentaire suivant : « les femmes de la droite sont beaucoup plus belles que celles de la gauche. Elles ne montrent pas leurs seins dans les rues et ne défèquent pas pour protester. Donc, les femmes de la droite sont plus hygiéniques que celles de la gauche »40. Une semaine plus tôt, lors d’une « Marche pour la Famille » à Recife, une chanson diffusée par un haut-parleur comparait les « féministes » à des animaux : « [l]es filles de la droite sont les plus belles, tandis que celles de la gauche sont plus poilues que les chiennes »41. Il convient de noter que cette chanson avait déjà été publiée sur le compte d’un autre fils du candidat, Flávio Bolsonaro, le 11 avril 2018. Les comptes Facebook d’Eduardo et de Flávio Bolsonaro furent suivis par respectivement 2.387.122 et 1.355.001 personnes, ce qui donnait une visibilité considérable à ces publications.
25Il est très difficile d’identifier les organisateurs de la mobilisation du #elesim et également de savoir s’il s’agissait de femmes. Il s’avère, néanmoins, important de souligner que l’adhésion féminine à Bolsonaro demeurait considérable. Si les partisanes du #elesim étaient associées à une imagerie militaire, comme nous l’avons souligné précédemment, la préservation de la beauté physique en tant que l’une des valeurs majeures du féminin était l’un des points observés dans les mèmes et sur des publications Facebook des pages supra citées. En observant un groupe WhatsApp pro-Bolsonaro formé par des habitants d’un très chic quartier de Rio de Janeiro, le Leblon, l’anthropologue et sociologue brésilienne Rosana Pinheiro Machado, observe : « (...) l’une des choses qui ont le plus attiré mon attention c’était ce mélange de peur du communisme et de peur du féminisme. “Mon drapeau ne sera jamais rouge”, a dit une participante. En réalité, il me semble qu’elle voulait dire “mon vagin ne sera jamais poilu” »42. L’anthropologue identifie une certaine « obsession » concernant les corps des femmes grosses et noires, cisgenre ou transgenre, comme « s’ils étaient synonymes de quelque chose d’abject, de sale et de pervers ». Au sein de ce groupe, la parole est totalement libérée et les préjugés sont normalisés.
26Les valeurs chrétiennes, comme l’importance de la famille hétéro-normative, l’interdiction de l’avortement, du mariage pour tous et surtout l’interdiction de l’enseignement de « l’idéologie de genre », promues par les secteurs évangéliques du pays étaient présentes derrière les discours de cette « nouvelle droite brésilienne » :
Les propositions concernant l’ordre des coutumes ne viennent pas uniquement d’un traditionalisme réfractaire à des changements, comme le font quelques secteurs de l’Église Catholique. Les évangéliques pentecôtistes sont activement conservateurs, pas uniquement réactifs. La dispute pour la moralité dans le domaine public les intéresse (…). C’est-à-dire, que non seulement ils se sentent concernés par la protection de la moralité des évangéliques, mais ils luttent également pour que cette moralité soit inscrite dans l’ordre légal du pays43.
27Ainsi, depuis quelques années, un fort sentiment antiféministe a favorisé la convergence entre des communautés religieuses — prioritairement évangéliques, mais également catholiques — et des secteurs conservateurs, autour du blocage des revendications des secteurs progressistes, identifiés comme féministes44. Alors, malgré un rejet féminin important, Jair Bolsonaro a réussi à se transformer en politicien centralisateur des insatisfactions des groupes significatifs de la société brésilienne45 : les anti-petistas, de la classe moyenne et moyenne élevée, ainsi que des secteurs évangéliques du pays. Finalement, la polarisation de la société brésilienne observée dans les mouvements #elenão et #elesim, alimentée et amplifiée par les réseaux sociaux, démontre une tendance à la recrudescence de la distance idéologique entre ces groupes. Ces deux pôles ont tendance à se percevoir l’un et l’autre comme de plus en plus distants moralement, politiquement et religieusement, ce qui sera susceptible de déboucher sur des jugements réciproques encore plus hostiles.
Benevenuto Fabrício, Ortellado Pablo, Tardáguila Cristina, « Fake News Is Poisoning Brazilian Politics. WhatsApp Can Stop It. ». En ligne, consulté le 13 mars 2019.
Kalil Isabela Oliveira, « How women can decide the Brazilian election ». En ligne, consulté le 30 mai 2019.
Kalil Isabela Oliveira, « #EleNão e #EleSim: uma perspectiva feminista sobre os protestos em São Paulo e sua repercussão ». En ligne, consulté le 13 mars 2019.
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Notes↑
1 Cette polarisation a été amplement analysée par des chercheurs brésiliens. Ici, nous faisons référence aux travaux d’Esther Solano, de Rosana Pinheiro-Machado et Lucia Mury Sclaco, chercheuses qui ont consacré, ces dernières années, leurs recherches à l’avancée du « bolsonarismo », ainsi qu’à Paulo Ortellado, chercheur, et l’un des coordinateurs du Monitor do Debate Político no Meio Digital (Moniteur du débat politique dans le domaine digital), dont les travaux s’orientent sur l’entrecroisement de l’infox et des réseaux sociaux : Solano Esther, Ortellado Paulo, Moretto Marcio, 2016: o ano da polarização? (Rapport de recherche), São Paulo, Fundação Friederich Erbert, 2017. En ligne, consulté le 13 février 2019.
2 Sanchez José Antônio, « Teatralidad y Disidencia », in Sánchez José, Belvis Esther, No hay más poesia que la acción: teatralidades expandidas y repertorios disidentes, México D.F., Paso de Gato, 2015.
3 La page Facebook Mulheres Unidas Contra Bolsonaro a été créée le 30 août 2018. Le Brésil est le troisième pays en nombre d’utilisateurs sur Facebook. En juillet 2018, cette plateforme comptabilisait 127 milliards d’utilisateurs brésiliens en ligne. La même année, la population du Brésil était de 208 milliards de personnes. « Facebook chega à 128 milhões de usuários no Brasil ». En ligne, consulté le 10 mai 2019.
4 Le « Mot dièse » est la traduction française pour le mot anglais hashtag.
5 L’anthropologue Isabela Kalil a également analysé les mouvements #elenão et #elesim dans l’article « #EleNão e #EleSim: uma perspectiva feminista sobre os protestos em São Paulo e sua repercussão ». En ligne, consulté le 13 mars 2019.
6 Butler Judith, Rassemblement, Paris, Fayard, 2016.
7 Ertzscheid Olivier, « La guerre des tétons. From (censoring) tits to (freedom of) speech ». En ligne, consulté le 13 janvier 2019.
8 Il est également important de souligner la proximité de l’auteure avec les événements décrits. J’ai participé de manière intense et active à la campagne électorale de 2018 au Brésil, après avoir vécu douze ans en France.
9 Une telle démarche s’inscrit dans l’axe de recherche Performatividades e teatralidades políticas (Performativités et théâtralités politiques), du Laboratoire CRIA — Arts et Transdisciplinarité de l’École des Beaux-Arts de l’Université Fédérale de Minas Gerais, au Brésil.
10 Cette plateforme a été officiellement et publiquement signalée par des chercheurs de l’Université Fédérale du Minas Gerais et de l’Université de São Paulo, respectivement responsables des laboratoires de recherche Eleição Sem Fake (Élections Sans Infox) et Monitor do Debate Político no Meio Digital et de la coordinatrice de l’Agência Lupa, agence de presse responsable de la vérification des contenus en ligne. Benevenuto Fabrício, Ortellado Pablo, Tardáguila Cristina, « Fake News Is Poisoning Brazilian Politics. WhatsApp Can Stop It ». En ligne, consulté le 13 mars 2019.
11 « Mulheres de menor renda contêm alta de Bolsonaro, mas são menos decididas ». En ligne, consulté le 04 décembre 2018.
12 Pinheiro-Machado Rosana, Scalco Lucia Mury, Loc. cit.
13 L’organisation des actions dans les villes s’est faite de manière spontanée par la création d’événements sur Facebook et dans des groupes WhatsApp.
14 Formée lors des « Journées de juin 2013 », la Midia Ninja – Narrativas Independentes, Jornalismo e Ação (Récits Indépendants, Journalisme et Action) travaille dans 250 villes brésiliennes. Les contenus sont signés collectivement et ne possèdent pas de droits d’auteur.
15 Les commentaires de la publication font comprendre que le nombre de villes dans lesquelles ont eu lieu des manifestations était encore plus important, puisque les commentateurs ajoutent d’autres villes à la liste publiée par Mídia Ninja. « #EleNão aconteceu em mais de 400 cidades em 34 países - Balanço NINJA ». En ligne, consulté le 04 décembre 2018.
16 Les manifestations #elesnão et #elesim se sont déroulées durant le week-end des 29 et 30 septembre. Le manque de couverture télévisée des événements #elenão a été sévèrement critiqué dans la presse écrite spécialisée : « Une manifestation historique, sauf à la Télé ». En ligne, consulté le 07 décembre 2018.
17 O que aconteceu agora foi uma popularização do feminismo. Está espraiado na sociedade. Ninguém mais pode dizer que é contra os direitos das mulheres. (…) #EleNão virou um significante cheio de significados. Isso é muito importante na luta política. Começou pelas mulheres, porque Bolsonaro disse frases de baixo nível em relação a mulher, e foi englobando muita coisa, como a defesa da democracia e dos direitos humanos. « #EleNão: A manifestação histórica liderada por mulheres no Brasil vista por quatro ângulos ». En ligne, consulté le 07 décembre 2018.
18 Le rapport du Medidor do Debate Político no Meio Digital, réalisé auprès des manifestants du Largo do Batata, à São Paulo, a identifié la présence prédominante des femmes de couleur blanche (62%), d’un niveau scolaire élevé (86%), se positionnant dans le spectre politique de la gauche (80%). Moretto Marcio Moretto, Ortellado Pablo, Pesquisa sobre caracterização demográfica, identidade política, motivação e adesão a boatos na manifestação “Mulheres contra Bolsonaro” (Rapport de recherche), São Paulo, Universidade de São Paulo, 2018. En ligne, consulté le 13 février 2019.
19 En ce qui concerne le champ d’#elenão, les fonds photographiques de la Mídia Ninja ont été analysés, ainsi que les photos et vidéos publiées sur la page Facebook du mouvement Mulheres Unidas Contra Bolsonaro, actuellement rebaptisé Mulheres Unidas pelo Brasil et sur les sites suivants de la presse écrite brésilienne : El País, BBC Brasil, Ponte.org et Folha de São Paulo. En ce qui concerne #elesim, les mêmes véhicules de presse ont été analysés, ainsi que les comptes Facebook des pages féminines favorables à Jair Bolsonaro. Les fonds de deux albums photos de la Mídia Ninja réunissent un total de 677 photos : Archives photos : Mídia Ninja. « Arquivo #EleNão », en ligne, consulté le 15 janvier 2019 ; Mídia Ninja. « Mulheres Contra Bolsonaro #EleNão 29/09/2018 Belo Horizonte », en ligne, consulté le 15 janvier 2019.
20 La Marche des Salopes, Marche Internationale des Femmes et Marche des Margaridas.
21 Butler Judith, Op. cit., p. 24.
22 Il convient de constater que cette couleur symbolique est née avec les suffragettes anglaises et a été récupérée par les mouvements féministes des années 1960/1970.
23 « Lula Libre » est actuellement un slogan majeur d’une partie de la gauche brésilienne, demandant la libération de l’ancien président Luis Inácio Lula da Silva.
24 « Em campanha polarizada, país registra agressões ligadas à discurso eleitoral ». En ligne, consulté le 15 mai 2019.
25 Ce message a été envoyé au groupe SomosSofia, un réseau d’activistes soutenant le système public de santé brésilien (le S.U.S). « Feministas defecaram e fizeram sexo dentro de uma igreja? ». En ligne, consulté le 04 décembre 2018.
26 Feministas defecaram e fizeram sexo dentro de uma igreja?
27 Les liens envoyés ont été les suivants : https://goo.gl/images/mRNt5G, https://goo.gl/images/eg3dqX, https://goo.gl/images/ecnzW1, https://goo.gl/images/vWzCnw.
28 À titre d’exemple, j’ai reçu ce même lien à trois autres reprises.
29 Ertzscheid Olivier, Loc. cit.
30 « Estudo aponta para automação no envio de mensagens e orquestração entre grupos de WhatsApp pró-Bolsonaro ». En ligne, consulté le 07 décembre 2018.
31 Kalil Isabela Oliveira, « How women can decide the Brazilian election ». En ligne, consulté le 30 mai 2019.
32 Ghiraldelli JR. Paulo, « O domínio da imagem obscena ou o esvaziamento da comunicação política no Brasil » in Matos Heloiza, Gil Patrícia (org.), Comunicação, Políticas Públicas e Discursos em Conflito, São Paulo : ECA-USP, 2019, p. 26. En ligne, consulté le 30 mai 2019.
33 Bolsonaro fez o show. Chutou Lula. Metralhou. Ousou pegar a criança e ensiná-la a fazer arma com os dedos. Quebrou o pudor. Não à toa, deixou-se fotografar junto com um ator pornô que confessou estupro, em plena TV (Alexandre Frota no programa de Rafinha Bastos, na Band). Pois a imagem pela imagem é a obscenidade completa. Ghiraldelli JR. Paulo, Loc. cit., p. 30.
34 Ghiraldelli JR. Paulo, Loc. cit. p. 26. O segredo dos tempos : que exista um imaginário que denota primitividade, para servir de aderência – esta é a palavra – para as imagens lançadas pelos memes de Bolsonaro.
35 Solano Esther, Ortellado Paulo, Moretto, Ibid.
36 Abranches Sérgio, « Polarização radicalizada e ruptura eleitoral », Democracia em risco ? 22 ensaios sobre o Brasil de hoje, São Paulo, Companhia das Letras, 2019.
37 Les titres de ces pages peuvent être respectivement traduits par « Les Femmes avec Bolsonaro #17 », « Les Femmes unies en faveur de Bolsonaro », « Hommes et Femmes avec Bolsonaro », « Les soldats de Bolsonaro », « Je suis Femme, je suis Bolsonaro ».
38 « Nove capitais e 16 cidades registram atos pró-bolsonaro ». En ligne, consulté le 1er décembre 2018.
39 Idem.
40 As mulheres de direita são muito mais bonitas do que as de esquerda. Não mostram o peito na rua e não defecam para protestar. Ou seja, as mulheres de direita são muito mais higiênicas que as da esquerda. Malgré sa répercussion dans la presse, nous n’avons pas trouvé la déclaration en question dans le lien Youtube de la manifestation. Effectivement, on aperçoit un montage discret dans cette vidéo. « Em ato, filho de Bolsonaro diz que mulheres de direita são ‘mais bonitas’ e ‘higiênicas’ ». En ligne, consulté le 04 décembre 2018.
41 As mina de direita são as top mais bela/ Enquanto as de esquerda tem mais pelo que cadela. La chanson, appelée Proibidão do Bolsonaro, a été écrite par MC Reaça (MC Reac): « Filho de Bolsonaro compartilhou funk que compara feministas à cadelas ». En ligne, consulté le 04 décembre 2018.
42 Pinheiro-Machado Rosana, « Mulheres pró-Bolonaro et o medo da ditadura da baranga ». En ligne, consulté le 1er décembre 2018.
43 As proposições da ordem dos costumes não advêm somente de u m tradicionalismo resistente a mudanças, como as fazem setores da Igreja católica. Os evangélicos pentecostais têm um conservadorismo ativo, e nã o apenas reativo. A eles interessa a disputa pela moralidade pública, (....) Isto é, não somente a proteção da moralidade do s evangélicos, mas a luta para que seja inscrita na ordem legal do país. Almeida Ronaldo, « Deus acima de todos », Democracia em risco ? 22 ensaios sobre o Brasil de hoje, São Paulo, Companhia das Letras, 2019.
44 Vital Christina, Leite Lopes Paulo Victor, Religião e política: uma análise da atuação de parlamentares evangélicos sobre direitos das mulheres e de LGBTs no Brasil, Rio de Janeiro, Fundação Heinrich Boell, 2012.
45 Solano Esther, Ortellado Paulo, Moretto, Op. cit.
Pour citer cet article↑
Juliana Coelho De Souza Ladeira, « Le corps féminin en performance », L'ethnographie, 3-4 | 2020, mis en ligne le 26 octobre 2020, consulté le 05 novembre 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=646Juliana Coelho De Souza Ladeira
Juliana Coelho est actuellement en contrat postdoctoral au Département d’Anthropologie de l’Université de São Paulo, financée par la FAPESP – São Paulo Research Fondation (grant #2019/14491-2) où elle travaille sur la participation balinaise à l’Exposition Coloniale de 1931 et les dispositifs de mise en scène de cet événement. En 2019, elle a effectué une recherche post-doctorale à l’Université Fédérale de Minas Gerais, financée par la CAPES/ Brésil, où elle a analysé la performativité et la théâtralité de la « nouvelle droite brésilienne ». Maître de langue et docteure de l’Université Paris 8, elle a enseigné à l’Université Fédérale de Minas Gerais (2006) et à l’Université de Rennes 2 (2014-2015).