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L'Ethnographie

Yoga, méditation et techniques spirituelles

Corps libéré ou confisqué ?

Lionel Obadia

Octobre 2020

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.628

Résumés

Cet article entend dresser un panorama de vaste ampleur de l’expansion géographique et culturelle des techniques d’ascèse d’origine asiatique regroupées sous les catégories de yoga et de méditation – deux termes qui admettent une grande plasticité qu’il s’agit de comprendre au regard de la grande variété des formes que l’un et l’autre assument, et des transformations dont elles font l’objet. L’article examine non seulement les causes et processus de diffusion du yoga et de la méditation, mais également les modalités de réception de ces pratiques, à échelle de l’Occident et de la planète entière. Une attention particulière est apportée à la question de l’Orient et son pendant imaginaire, l’Orientalisme, comme facteurs de diffusion et de transformation du yoga et de la méditation, en Occident. Il interroge également le rôle du corps comme site d’expérience spirituelle moderne, comme instrument pour l’expression de nouveaux rapports à Soi et à l’Autre, tiraillé entre un pôle libertaire, qui s’incarne dans la figure du sujet « chercheur de vérité » et « consommateur » de techniques spirituelles, et un pôle normatif, qui prend la forme inverse d’un cadre fortement institutionnalisé, communautaire, où les corps individuels sont contraints. Entre les deux pôles, c’est toute l’ambiguïté du rapport contemporain du Soi à la corporéité qui est soulevé à travers des techniques ascétiques qui sont des promesses d’émancipation et de bien-être personnel, mais sur lesquelles plane encore et toujours un soupçon d’enrôlement sectaire.

This paper aims at outlining a wide-scale sketch of the geographic and cross-cultural expansion of expansion of ascetic techniques from Asian origin, those that fall under the all-embracing categories of yoga and meditation. These two words are allocated a wide range of meanings to be understood in terms of forms they assume and transformations they are subjected to. This paper explores the causes and processes of the diffusion of yoga and meditation, as well as the conditions of reception of these practices, in the West and at a world-wide scale. A particular attention is paid to the issue of “the East” and its imaginary form, Orientalism, as agents of diffusions and of transformation of yoga and meditation in the West. It also questions the role of the Body as site for modern spiritual experience, as tool for the expression of new relationships between the Self and the Other, torn between a libertarian pole, which is embodied in the figure of the “truth seeker” or “spiritual consumer”, and a normative pole, which is assuming the reverse form of a highly institutionalized and community framework, in which individual bodies are under constraint. In between these two poles, is emerging the ambiguous contemporary relationship to the Self and the Body when they touch upon ascetic techniques that are promises of emancipation and well-being, but as well suspected of sectarianism.

Texte intégral

1D’un bout à l’autre de la planète, dans des grandes villes ou des petits villages, des individus ou des groupes entiers, pour des motifs de bien-être ou plus spirituels, de manière régulière ou sporadique, dans des lieux dédiés ou dans des espaces communs, se livrent à des contorsions du corps, enchainant posture sur posture, ou se trouvent en position assise, immobiles, les yeux clos ou mi-clos, plongés dans une introspection silencieuse : yoga et méditation sont devenus, en moins d’un siècle, des pratiques mondialement répandues et acceptées au-delà des frontières sociales, culturelles, religieuses et évidemment géographiques. Certains y voient la preuve que se déploie à échelle globale une « révolution spirituelle » née en Occident, celle de la revanche de l’introspection et d’un « travail sur le Soi » et « le corps », d’une quête de sens et d’expérience intime, face à la normativité liturgique et à l’orthodoxie des grandes religions (Heelas & Woodhead, 2005), voire d’une réintégration du corps dans le spirituel (Huss, 2014). D’autres, encore, amènent la réflexion du côté d’une autre révolution, copernicienne, cette fois, celle d’un « retour du corps » dans la modernité (Le Breton, 2008) parallèle d’un « retour du religieux » dont les déclinaisons (spiritualistes, fondamentalistes, individualistes, post-sécularistes…) ne cessent d’être discutées (Willaime, 2008). D’autres, enfin, pointent du doigt un autre mouvement, celui d’un souci généralisé pour le physique, de plus en plus impérieux dans les sociétés modernes (Vigarello, 2003) parallèle d’un « souci de soi » (Liogier, 2012) et d’une attention particulière au corps, à la santé et de manière plus générale, comme producteur d’un bien-être, valeur et idéal de modernité depuis quelques années déjà (McGuire, 1993).

2Dans l’offre toujours plus large des techniques corporelles, nombre d’entre elles proposent des pratiques d’ascèse d’origine asiatique (Yoga indien, Qi Cong chinois, etc.) ou inspirées par elles dans une galaxie de techniques « néo-orientales » (Borup & Fibiger, 2017). Les techniques de « méditation » (un terme qui a connu de récents et massifs développements lexicaux ces dernières décennies) ont aussi envahi l’ensemble des sociétés contemporaines, de plus en plus répandues dans de toujours plus nombreux secteurs de la vie ordinaire, loin des monastères d’Asie, reculés, clos et silencieux, espaces propices à la contemplation pour des communautés de cénobites tout entier absorbés dans une activité spirituelle. Partout sur la surface de la planète des individus s’adonnent à l’introspection dans des contextes très différents : espaces profanes, qu’ils soient domestiques, professionnels, éducatifs ou sportifs, ou plus chargés de sens symbolique ou « spirituel », comme les cercles et centres de méditation, les stages ou « retraites » de « recentrement sur soi » ou de « développement personnel », et pour les plus traditionnels, dans des temples.

3Ce qui fait le lien dans toutes ces analyses et observations, c’est le corps, encore et toujours : en mouvement (dans les traditions ou les pratiques du yoga) ou immobile (dans celles de méditation), à rectifier ou à dépasser, à dresser ou à enjoliver, qu’il soit instrument pour produire des sensations de bien-être au raz du charnel, ou support d’idéaux plus éthérés ou spirituels, il constitue un objet tout autant qu’un espace de questionnement sur la tension hypermoderne entre les nouvelles expressions de la subjectivité et la redéfinition des normativités. Méditer ou pratiquer le yoga peut tour à tour et selon le contexte relever d’un rapport entièrement libre et délibéré à Soi, ou, au contraire traduire une dépendance physique et psychique à une instance de contrôle (un « maître », un groupe, une tradition, etc.). Les vagues actuelles du yoga et de la méditation, qui se déploient à échelle mondiale, sont en outre concomitantes de l’expansion des traditions religieuses de l’Asie mais ne sauraient s’y réduire, tant les techniques de l’ascèse, gymnique ou introspective, ont aussi fait la preuve de leur capacité à déborder des cadres de référence traditionnels dans lesquels elles prenaient sens : une très large part des pratiquants du yoga ou des adeptes des méditations asiatiques ou d’inspiration bouddhiste/hindouiste n’est désormais plus solidaire d’une quelconque tradition mais s’inscrit dans cette mondialisation des techniques du corps à vocation spirituelle qui affluent notamment d’Asie (Van der Veer, 2007) et irriguent la planète entière (Borup & Fibiger, 2017).

4Dans ce sens, le corps engagé physiquement dans les asanas d’une tradition indienne ou figé dans la posture du lotus d’une tradition bouddhiste ou de ce qui en fut une à l’origine, se trouve au confluent de plusieurs processus de diffusion, de réinterprétation et d’absorption culturelle, d’émergence d’un « yoga business » au sein d’un marché du bien-être, d’une économie matérielle et symbolique des techniques du corps qui se « consomment » un peu partout (Jain, 2014), d’assignation de significations esthétiques, thérapeutiques, curatives ou prophylactiques via les médias (Puustinen & Rautaniemi, 2015)… L’idée de traiter le corps à la fois locus et topos des changements socioreligieux est déjà bien éprouvée (Obadia, 2019) : elle sera ici reprise pour mener la réflexion à l’échelle de la subjectivité des individus et de la normativité des collectifs. Ce sont précisément ces tensions entre l’illusion de la liberté, adossé à un idéal d’épanouissement, et la normativité de la pratique ascétique (déterminée et déterminante à échelle des communautés de pratique ou des incitations à l’impératif du bien-être de la société globale) que cet article va s’efforcer de mettre en relief.

Aspects méthodologiques

5Parce que cette contribution entend soulever des questions assez générales, il ne se fonde pas sur un terrain particulier, mais sur une présentation et une comparaison de travaux actuels sur les deux domaines du yoga et de la méditation, dans des champs théoriques et empiriques variés. Ce n’est toutefois pas parce qu’elle se déploie à large échelle que l’analyse ne repose pas sur un fondement ethnographique. Car ma relation à ces techniques ascétiques est ancienne, continue et multiforme : elle a débuté lors d’une enquête sur le bouddhisme de France (de traditions tibétaines et japonaises) de la fin des années 1990 au début des années 2000. Ethnographe engagé dans les communautés de pratiquants, je m’étais investi dans l’ensemble des pratiques et me livrais régulièrement à la méditation introspective, associée à des visualisations de symboles et inscrites dans des rituels, telle qu’elle est prônée et mise en œuvre au sein des communautés de pratique tibétaine en France, de tradition Ka-gyu-pa principalement, mais aussi d’autres lignées ou écoles du bouddhisme tibétain. Quelques incursions dans d’autres écoles (Zen japonais, Theravada cinghalais) m’avaient alors familiarisé avec d’autres aspects d’une gamme variée de techniques ascétiques, toutes au service d’une même finalité sotériologique, celle de la « vacuité » mentale bouddhiste (shunyata). Elle s’est poursuivie à partir des années 2000 lorsque je conduisais des recherches dans le Nord du Népal dans les communautés tibétaines, avec une même méthode ethnographique d’immersion et de pratique : si les pratiques ascétiques n’étaient exactement pas au cœur d’une étude qui était consacrée aux systèmes thérapeutiques locaux, l’enquête s’est toutefois déployée dans les villages sherpas (bouddhistes et chamaniques) et en milieu monastique (un monastère de tibétains exilés de tradition Nying-ma-pa), je les enregistrais in situ au quotidien, dans la vie des moines de villages et de monastères.

6À la fin des années 2000, c’est une autre tradition, hindouiste, cette fois, que j’ai pu explorer lors de deux voyages consécutifs au Sri Lanka. Ils m’ont permis d’être formé au Hatha Yoga sous la direction d’un professeur dans la ville d’Unnawatuna, qui organisait ses séances sur un modèle immuable, les positions (asana) s’enchainant chaque séance dans le même ordre pour les faire adopter par les pratiquants d’un cours visiblement bien rodé sur le plan physique, mais dénué de contenu spirituel : ce yoga encore traditionnel sous sa forme d’actes et de gestes, était destiné aux voyageurs et touristes, et la transmission des postures par imitation du professeur n’était nullement assortie d’informations sur les croyances associées. D’un contexte à l’autre, en effet, la méthode ethnographique, n’en déplaise à ceux / celles qui la réduisent à la seule expérience directe d’une réalité sociale, suppose un apprentissage « par corps », selon la formule bien tournée de Loïc Wacquant (Wacquant, 2000), qui implique de verser dans les pratiques pour qu’à l’enregistrement de discours et l’observation de pratiques s’ajoute une connaissance intime des effets de la gestuelle corporelle, qu’il est ensuite possible de comparer avec l’expérience d’autres individus.

7Depuis 2013, un nouveau terrain ouvert en Inde m’a amené à étudier la communauté spirituelle d’Auroville : on y pratique une forme très épurée des traditions ascétiques d’un hindouisme modernisé et universalisé, sous l’impulsion du premier gourou, Sri Aurobindo Ghose, et de sa compagne, Mira Alfassa dite « La Mère ». Aurobindo fut le promoteur d’un « yoga intégral » qui s’inscrit dans une théorie sophistiquée de la nature spirituelle de l’humanité et des moyens de la réaliser, sous la forme d’un « surhomme » en devenir. Si les 2500 résidents actuels d’Auroville s’intéressent aux différents aspects de l’ascèse dans les traditions hindoues, ils ont pour unique pratique une introspection contemplative menée dans une salle fermée, avec pour support une sphère de cristal, au cœur d’un édifice sphérique couvert d’or (le Matrimandir) qui s’apparente à de la méditation, sans en avoir le nom. D’une ascèse à l’autre, donc, ce parcours ethnographique centré sur l’Asie ne pouvait que m’amener à porter une attention particulière à ces techniques que je rencontre perpétuellement depuis trois décennies déjà.

8Ainsi, depuis de longues années, en sus d’être un pratiquant je suis également observateur des circulations de pratiques et de pratiquants entre les continents, qu’ils soient croisés au fond de la campagne française, des hautes vallées de l’Himalaya ou sous le climat tropical de l’Inde du Sud. Parallèlement à des observations de très près, et des participations à des études de terrain, la méthodologie comprend une veille sur d’autres sources de données que l’empiricité ethnographique (sites Internet, réseaux sociaux journaux, livres) qui a permis de recueillir des informations qualitatives (telles que des analyses ou des témoignages) dans une presse ou une littérature spécialisée, et des données quantitatives, trop rarement convoquées dans ce genre d’analyse, mais dont les sources nécessitent aussi une mise en perspective critique. Ce sont tous ces éléments qui servent de base à l’analyse ici présentée.

Une vague mondiale… mais de quoi ?

9Par souci de précision terminologique, il faut revenir encore sur les notions de yoga et de méditation : les termes, qui font l’objet de longues discussions, seront considérés ici du point de vue de leurs usages, et pas uniquement par référence à un corpus religieux particulier ou une langue dans laquelle ils sont nés (le yug sanskrit, et le meditatio latin). Ce qui est en effet intéressant, c’est moins la fixation d’un sens aux deux termes, conforme à une certaine orthodoxie traditionnelle, que la prise en compte de leur labilité et des multiples réinterprétations dont les termes font l’objet. Car si le vocable yoga réfère initialement au terme sanskrit perpétuellement discuté depuis les techniques du Yoga (du Yoga Sutra de Patanjali) par Mircea Eliade (Eliade, 1948), le terme a connu de substantiels développements au point désormais de représenter une catégorie englobante dans laquelle se retrouvent toutes sortes de pratiques fondées sur des enchainements de gestes et postures physiques, plus nécessairement en lien avec le cadre philosophique et culturel dans lequel elles prenaient sens préalablement, de la même manière que depuis les réflexions méditatives des ordres monastiques chrétiens, jusqu’à la relaxation silencieuse actuelle, toute pratique d’introspection immobile peut se voir attribuer le nom de « méditation ». De l’Asie au monde, yoga et méditation, initialement forgés dans le contexte des formes ascétiques de traditions cosmiques, sont désormais devenues des pratiques réinventées, qui se parent des couleurs idéologiques ou culturelles des milieux sociaux et des pays dans lesquels elles s’installent.

10Les travaux consacrés au Yoga et à la méditation à échelle mondiale ne sont à ce jour pas encore très développés mais se déploient déjà dans de plusieurs directions : Eliade avait ouvert la voie sans le savoir (Eliade, 1954) à ce qui deviendra une perspective d’histoire à échelle locale et régionale (Tardan-Masquelier, 2002), ou plus globale (Singleton & Goldberg, 2013), sous l’angle de la géographie (Hoyez, 2014), du politique (Newcombe, 2009) ou de l’anthropologie culturelle (Van der Veer, 2007), alors que des premières reconstitutions globales sont désormais oubliées (Kock, 2019). Le déferlement de la vague yoga à échelle mondiale se mesure en des chiffres particulièrement impressionnants qui montrent le très fort taux de pénétration des pratiques ascétiques du yoga dans les différentes régions du monde. Plusieurs dizaines de sites Internet relayent des statistiques qui, si leur fiabilité était établie, donnerait une assise supplémentaire à ce que l’approche qualitative apporte à l’analyse (statista.com, eventbrite.com, thegoodboy.com, forbes.com) ; selon les statistiques, le yoga connait une croissance très rapide à travers le monde, avec depuis 2015, près de 15.000 nouveaux « enseignants » enregistrés dans les pays qui comptent des institutions officielles qui recensent les pratiquants. Selon d’autres sources, les États-Unis compteraient 36 millions de yogis « actifs », un chiffre qui a plus que doublé entre 2012 et 2016, et en 2019 un Américain (du Nord) sur trois se serait déjà essayé au yoga1. Ces techniques ascétiques, fondées sur le corps et sur le souffle, en provenance d’Inde, de Chine ou d’ailleurs, qui participent de ce que Peter Van Der Veer a qualifié de « respiration spirituelle » d’ampleur mondiale (2007) sur un arrière-plan de mondialisation des traditions asiatiques et un mouvement global du « bien-être ».

11Si la catégorie de yoga est unifiée et englobante, la pratique elle-même se présente en Occident sous des formes très diverses. D’un côté, on trouve des traditions transposées qui ont conservé leur ancrage dans leurs racines culturelles et un mode d’organisation fondé sur une relation de transmission basée sur la figure du maitre ou guru dépositaire d’une autorité spirituelle, et celle du disciple, en déficit et donc demande de connaissance théorique et pratique. Il se place alors sous la tutelle du premier dans une relation caractérisée par la confiance. Un schème de ce type se retrouve dans de nombreuses traditions en Asie : bouddhisme et hindouisme, mais aussi taoïsme et confucianisme, au sein desquelles le profil du sage (saint) versé dans l’ascèse est une figure exemplaire et identificatoire (Weber, 1958). En tant qu’acteurs spirituels modernisés et mondialisés les gurus asiatiques sont de puissants vecteurs de diffusion des traditions qu’ils trans/portent avec eux (Singleton & Goldberg, 2013) : c’est grâce à leur action missionnaire (quelque peu contradictoire en apparence avec l’idéal de contemplation) que se constituent des communautés et groupes de pratiques. Ils sont dans le même mouvement des agents de changement en introduisant des innovations doctrinales et pratiques (Lucia, 2014). Dans certaines mouvances, s’opèrent même de significatives ruptures dans la transmission au point d’isoler la pratique yogique ou méditative de son background culturel pour la constituer en mouvement autonome : le cas le plus connu du début du 21e siècle, dont l’expansion a été à la fois rapide et spectaculaire, est celui du mouvement de la mindfullness, marqué par un tournant « psychologique » (Garnoussi, 2009) qui purge en grande partie la méditation de son background culturel et religieux, dont le très médiatique leader Ron Kabat-Zinn a d’ailleurs fait le signe distinctif d’autres pratiques (Kabat-Zinn, 2010). C’est notamment en vertu de cette rupture avec ses bases religieuses que le yoga et la méditation peuvent dépasser les frontières et s’installer dans des régions bien loin de leurs terres de naissance…

12C’est pourquoi d’un autre côté, ce sont aussi sous des formes sécularisées que yoga et méditation se déploient dans des secteurs très différents : le monde éducatif, puisqu’il existe désormais des livres s’adressant spécifiquement aux enfants (par dizaines, intitulés « Yoga pour les enfants ») et que des pratiques de relaxation sont introduites dans les classes élémentaires, en France (Flack et de Coulon, 2008), alors que d’autres pays semblent plus circonspects : aux États-Unis, le yoga est interdit dans certaines écoles pour des raisons religieuses2 ; le milieu médical et des soins, en particulier le secteur paramédical sont plus réceptifs à ces techniques, et tentent de les amener, au titre de « médecines alternatives » ou « complémentaires » dans le domaine, dans le giron d’une médecine officielle encore largement dominée par le paradigme biomédical.

13Certains suggèrent qu’il s’agit d’une « modernisation » d’une ancienne tradition qui se serait moulée dans les valeurs et les pratiques d’une idéologie ultramoderne globalisée, en ne conservant plus d’asiatiques que leurs racines (Fish, 2006). Mais d’un autre côté, bien des traditions ascétiques ont au contraire apprivoisé les conditions de la modernité (Singleton & Goldberg, 2014 ; Lucia, 2014 ; Jain, 2014), et la mondialisation a entrainé une « touristification » du yoga avec des vagues de voyageurs qui parcourent l’Asie du Nord au Sud à destination d’un centre de méditation ou d’un ashram, pour y rejoindre temporairement une communauté de pratique qui propose principalement des techniques du corps, du yoga ou de la méditation, mais souvent disjointes d’autres éléments (croyances, mythes, rituels) (Schedneck 2014), mais satisfaisant d’un autre côté le goût pour l’exotisme d’un Orient plus ou moins fantasmé – ce en quoi il s’agit bien ici de mondialisation (au sens géographique du terme) au-delà d’une modernisation (au sens historique, cette fois). La trajectoire des techniques ascétiques est loin d’être simple, et la mesure de leurs impacts l’est d’autant. Il faut néanmoins s’y essayer.

Une trajectoire ramifiée et complexe

14La trajectoire des techniques ascétiques est toujours mieux connue, du moins dans le monde occidental, grâce à un accroissement significatif de travaux scientifiques ces dernières décennies, qui est loin de se résumer, comme le relaye encore trop souvent la presse et les médias en ligne, au point de départ du mouvement contreculturel des sociétés occidentales, dans les années 1960 (voir la critique de Kock, 2019). L’appropriation des techniques ascétiques asiatiques par l’Occident, et leur « digestion culturelle », est liée à deux mouvements paradoxalement opposés : en premier lieu, la découverte de ces pratiques par les voyageurs occidentaux en Asie, dès le 13e siècle, est d’emblée marquée par le sentiment d’une différence fondamentale entre les formes de liturgie et de ritualité occidentales (monothéistes) et asiatiques (polythéistes, cosmiques), avec toutefois la reconnaissance d’une base commune (l’ascèse introspective) mais des différences de liturgies (cf. Obadia, 2007, pour le bouddhisme). Au fil des siècles, ces techniques, telles qu’elles sont décrites dans les textes sacrés, sont mieux connues mais restent fondamentalement étrangères sur le plan pratique à leurs observateurs occidentaux, qui ne voient pas l’intérêt d’y verser. Il faudra attendre la fin du 19e siècle pour voir les premiers Occidentaux s’adonner à des pratiques ascétiques bouddhistes et hindouistes, moins par curiosité culturelle (ce qui fut longtemps le cas) que par adhésion, et s’en faire les relais, à l’image des croyances auxquelles elles sont associées puisqu’elles circulaient conjointement (sur l’exemple du bouddhisme, encore, Baumann, 1995, pour l’hindouisme, Altglas, 2005 ; Singh & Aktor, 2015).

15Si le mouvement d’expansion débute doucement dans la première moitié du 20e siècle, ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’il connait ses premiers fulgurants progrès, à la faveur d’un engouement massif pour les traditions orientales. Avec l’accélération de la mondialisation, le mouvement gagne en surface et en diversité, et début du 21e siècle, yoga et méditation ont largement débordé l’espace des interactions entre Asie et Occident, pour être pratiqués sur les cinq continents, et ont trouvé des prolongements sous la forme de technologies digitales, les applications sur téléphonie mobile pouvant être chargées plusieurs millions de fois par an3.

16Sur le plan sociologique, les ascèses asiatiques ont pourtant d’abord eu besoin d’abord de traducteurs, qui les ont rendues intelligibles et acceptables, en vertu de la « capacité » des premières à combler un « vide » spirituel dont aurait été affecté les sociétés modernes (occidentales). Derrière la traduction, c’est ainsi une véritable promotion qui se met en place, car l’intérêt pour les traditions asiatiques et leurs « étranges » croyances et pratiques (Droit, 1997) va se transformer, au tournant des 19e et 20e siècles, en une fascination d’abord confinée à quelques élites intellectuelles qui se démocratisera rapidement. René Guénon fait partie des premiers thuriféraires des traditions « orientales » (hindouisme, puis islam) censées irriguer un occident vidé de sa substance spirituelle. Un siècle plus tard, les techniques de l’Est ont largement colonisé les sociétés de l’Ouest, ce que Colin Campbell a décrit sous la métaphore d’un « Gange irrigant l’Occident » (Campbell, 1999). Ce qui justifie l’idée récurrente d’une « orientalisation » de l’Occident, via ses techniques spirituelles asiatiques qui en auraient été l’un des principaux vecteurs, celle-ci semble incontestable, tant les influences spirituelles paraissent marquer de leur empreinte les références culturelles, les modes, la musique, la littérature, le cinéma, la médecine et les conceptions du corps…

17Mais considérer les ascèses asiatiques comme participant d’une influence culturelle à échelle mondiale réduit quelque peu la complexité de l’analyse et omet tout ce qui procède d’une acculturation en retour, ce qui fait que l’on observe aussi une « occidentalisation de l’Orient » (Dawson, 2006). Car à l’image des traditions asiatiques qui se sont teintées aux couleurs des différents systèmes idéologiques ou cadres de référence culturel (scientisme, humanisme, psychologisme, féminisme, écologisme…) le yoga et la méditation ont été d’un côté remaniés au prisme d’idéologies universalisées qui ont rayonné à partir de l’Occident, les deux pratiques sont parallèlement réinventées (Newcombe, 2017), réinvesties de sens pour nourrir un sens de la fierté culturelle et ethnique en Asie, aux colorations nationalistes (Puri, 2019) voire sectaires (Lespinasse & Voix, 2014) en Inde. Ainsi, la journée mondiale du yoga, instaurée depuis 2015, reflète-elle cette ambivalence d’être au service d’idéaux universels et nationalistes (l’Inde ayant par ailleurs revendiqué un droit de propriété sur le Yoga alors qu’il se répand de manière rapide aux États-Unis).

18En France, les relais intellectuels, techno-communicationnels et médiatiques ont été massivement mobilisés : des auteurs grand public comme Frédéric Lenoir ou Christophe André, ne revendiquent aucun rattachement à une tradition mais proposent des prestations méditatives prêtes à penser et à consommer pour le grand public. D’autres défenseurs des ascèses introspectives, tout aussi rompus à la communication hypermédiatique, situent au contraire leur propos du côté de la tradition, comme Matthieu Ricard, Fabrice Vidal, Éric Rommeluère, ou à plus vaste échelle, Deepak Chokpra, Suzanne Newcombe ou Elisabeth de Michelis qui sont des maitres de yoga, comme autant de nouveaux visages d’un mouvement déjà ancien, celui de la promotion par des figures médiatisées, des techniques de l’ascèse mais aussi de leurs traditions ancestrales, dans un langage intelligible pour une large audience, en multipliant les contextes et supports de diffusion. Ces nouveaux acteurs perpétuent ainsi, mutatis mutandis, ce que leurs prédécesseurs avaient accompli avant eux, en l’occurrence de traduire et de vulgariser les techniques ascétiques à destination d’un large public, alors que d’autres relais, figures tout aussi médiatisées du monde économique et politique, cette fois, prolongent cette promotion en lui assurant une justification plus institutionnelle : l’ancienne ministre d’État Delphine Batho affirme par exemple dans les colonnes du journal Le Monde (édition du 23 juin 2019) être une pratiquante régulière de yoga et avoir « un combat à mener pour la méditation ».

19Le Yoga et la méditation empruntent les circuits du capitalisme mondialisé, qui leur impriment en retour certaines logiques économiques. On en veut pour preuve, ce qui s’impose sur l’ensemble des terrains d’observation, en l’occurrence la démultiplication d’une offre de prestations qui en suscitent l’appropriation pratique des techniques : cours, stages, ou formations fleurissent partout sur la planète, alors que dans le même temps, des communautés bouddhistes et hindouistes proposent des curricula de formation spirituelle sur la même base praxéologique, mais dans un cadre dit traditionnel. Dans les deux cas, yoga et méditation s’acquièrent et se pratiquent par petits groupes volontaires, ou d’individus mus par des motifs personnels ou plus socialement déterminés, qui peuvent se les approprier soit selon des modalités de formation « classiques » (enseignement direct, en contexte collectif, avec référence à une lignée de transmission spirituelle) soit en répondant à l’offre de prestations de la multitude des organismes privés, non confessionnels, qui les proposent. C’est néanmoins là encore toute une économie de l’ascèse qui s’est constituée, sur la base, notamment, de circuits de production, distribution et de consommation spécifiques de produits nécessaires à la pratique (pour la méditation bouddhiste, Padgett, 2002). En outre, le yoga se positionne désormais au cœur d’une industrie touristique spécialisée qui charrie un public captif vers les lieux et les instances de pratiques, aux États-Unis (Letho et al., 2006), en Grande-Bretagne (Ali-Knight & Ensor, 2017), en Inde (Hoyez, 2012) ou ailleurs. C’est dans le cadre d’une « recherche d’authenticité » (Maddox, 2015), que les amateurs de ces techniques du corps se lancent dans une quête de nature « émotionnelle », qui se teinte d’accents différents en fonction des destinations (un « yoga studio » à New York n’ayant pas le même registre de justification qu’un « temple en Asie »), et traduit une fascination occidentale pour l’Orient quand elle retourne aux sources géographiques des techniques en question, l’Inde (Pramod & Jogendra 2019).

20Yoga et méditation doivent leur circulation à des acteurs (« yoga-travellers » diffuseurs, « yoga tourists » usagers, cf. Dilette et al., 2019). Du point de vue de la pratique et des pratiquants, du ressenti et des émotions, les pratiques ascétiques sont aussi inscrites dans des dispositifs de transmission qui se reconstituent mutatis mutandis tout en s’adaptant à de nouvelles modalités de communication, avec une offre médiatisée qui, depuis le célèbre livre « J’apprends le Yoga » d’André Van Lysbeth (1968, maintes fois réédité), l’offre et les supports se sont démultipliés aussi pour la méditation (avec des CDs, cours en ligne, applications de smartphones : Yogam©, Daily Yoga© Do you Yoga©, 5 minutes de Yoga©…) et leur appropriation massive en a été facilitée. Il en résulte une transformation des techniques du corps qui suit d’autant plus les lignes de fuite de la modernité (culturelles, idéologiques, sociologiques) et les voies de la modernisation (communicationnelle, technologique, économique) que les premières ont été pensées en correspondance avec les secondes, selon deux modalités : soit que le yoga et la méditation sont des ressources pour résister à la pression induite sur les individus et les sociétés par le mouvement de la modernisation et de la mondialisation, soit, à l’inverse qu’ils se moulent dans une économie de marché en participant d’une « marchandisation » des biens spirituels offerts à tous sous une forme récréative.

21L’ambiguïté de la situation tient à ce que les deux théories, pourtant antagonistes, sont toutes deux pertinentes. Il en va de même pour celles qui ont été avancées à propos des impacts que cette diffusion mondiale sur le yoga et la méditation. Dans un pays comme la France, et plus généralement en Occident, les traditions ascétiques originaires d’Asie s’apparentent à une galaxie de traditions diversifiées (Ceccomori, 2001), qui se moulent dans des cadres institutionnels (associations, clubs) pour s’aligner sur les cadres légaux. Plusieurs instances en France se partagent une École française de yoga, de nombreuses fédérations (comme la Fédération Nationale du Yoga, Fédération Nationale des professeurs de Yoga, Fédération de Yoga, Fédération Nationale des Enseignants de Yoga, Fédération des Écoles de Yoga) ou Unions (Union Nationale du Yoga) qui englobent quantité de traditions et d’enseignements… Du point de vue d’un indianisme classique, le yoga tel qu’il se présente sous cette forme sécularisée et apparemment vidé de son contenu religieux, semble avoir été réinventé par et pour l’Occident (Tardan-Masquelier, 2002). Mais les choses sont en fait plus complexes que cette théorie passe-partout, car l’adoption des techniques orientales s’inscrit parallèlement dans un réveil des techniques gymniques ou introspectives d’origine occidentale, dont certaines revendiquent explicitement une continuité avec celles d’Orient (Yoga, Qi Cong) dans des « techniques de conscience du corps » (Chenault, Malprad, Gibron, 2013) depuis que la vague du New Age a entériné un mouvement de fécondation entre les traditions spirituelles alternatives d’Orient et d’Occident (Ferguson, 1980). Difficile donc, là aussi, d’avoir une position théorique tranchée. C’est encore le cas lorsque l’analyse s’intéresse aux espaces de circulation du yoga et de la méditation qui s’étend à échelle mondiale, en transcendant les frontières, dans un mouvement de circulation d’abord circonscrit entre l’Asie et l’Occident, puis étendu au reste du monde et dans cette circulation globale, le corps n’est pas qu’un site de réalisation d’objectifs de bien-être : il est aussi un vecteur de ces techniques (Hoyez, 2014). À l’évidence, donc un phénomène tel que l’expansion du yoga et de la méditation en appellent à une théorie ambitieuse et intégrative, apte à rendre compte de sa complexité, et ne pas se laisser enfermer dans une analyse trop simpliste de l’« attrait » pour la méditation ou de la « commercialisation » du yoga.

Les mille vertus du yoga : esprit, corps, société

22Dans ce vaste mouvement vers l’intériorité qu’est la fameuse « révolution spirituelle » que les sociologues Paul Heelas et Linda Woodhead avaient décrit en 2005, le retranchement vers le Soi et l’intime n’est nullement une fuite de la société, comme l’avait été un temps ces techniques réservées aux anachorètes en Asie, mais la pleine acceptation du monde, par soi et pour le Soi. Là encore, s’il y bien un trait commun à l’ensemble des contextes d’expansion, d’adaptation et d’appropriation du yoga et de la méditation de l’Asie à l’Occident, c’est de voir parer ces techniques de multiples vertus et de souligner les bienfaits que l’un et l’autre entrainent chez leurs pratiquants, réguliers ou pas : le numéro hors-série de L’Obs « Méditation, les pouvoirs de l’esprit » (juillet/aout 2015) est un exemple significatif de cette promotion médiatique mêlant fascination pour la tradition et promotion de vertus apaisantes et prophylactiques de la méditation et du yoga. Au yoga reviendrait la capacité de prévenir ou même de soulager à peu près tous les maux à toutes les échelles, de la psyché individuelle à la moralité collective, du corps biologique au corps social, des « petits bobos » aux affections plus sévères : il réduirait l’anxiété (Aurelus, 2020), agirait sur l’autisme (Milton et al., 2019), aurait des effets sur le diabète (Singh & Reddy, 2018), garantirait le bien-être des femmes enceintes (Singh, Reddy, Singh, 2019), régulerait les troubles cognitifs, l’hypertension (Wadikar et al., 2019), assurerait un bon vieillissement (Ofuebe et al, 2017), aurait des effets orthopédiques (Kaustubh et al., 2019), régulerait les désordres menstruels (Julaecha et al., 2020) l’anorexie mentale (Moscone, Leconte Pascale, Le Scanff, 2015), et évidemment serait une excellente technique de fitness : en bref, il serait la solution idéale pour accroitre la qualité de vie (Woodyard, 2011). Les arguments sont connus et émanent d’ailleurs souvent des mêmes chercheurs, issus pour la plupart du monde indien et/ou eux-mêmes enseignants de yoga, très actifs dans la promotion de ses traditions ou ses pratiques.

23Instrument de libération des corps, mais seulement centré sur le charnel et le subjectif, le yoga et son pendant introspectif, la méditation, sont encore lourds de leurs racines asiatiques et de leur potentiel symbolique mais ces ressources ne sont pas automatiquement retransmises dans l’activité : selon le contexte, l’enchainement d’asanas ou une posture du lotus peuvent alternativement avoir une signification spirituelle ou pas. En fonction des contextes, toutefois, yoga et méditation font l’objet de justifications d’usage en des termes très différents : si le répertoire actuellement dominant est celui, séculier, des bienfaits organiques, psychologiques et sociaux qui en sont retirés, ceux de la tradition (de l’ancienneté des techniques justifiant leur efficacité) ou de la sacralité (des pratiques et de leurs fruits) n’ont pas disparu et peuvent à loisir être activés en fonction du contexte (Nizard, 2017). Toutes sécularisées qu’elles soient, les techniques ascétiques conservent de leur racines asiatiques cette volonté de transformation du corps via le « mental », et par extension, la société, ce qu’on trouve par exemple de manière explicite dans le bouddhisme de la Soka Gakkai japonaise (Hourmant, 1999). Dans ces techniques de yoga, comme dans l’école Hatha Yoga, qui sont elles aussi centrées sur l’expérience, mais dans ses usages occidentaux, le physique a pourtant évacué le spirituel, et la pratique s’en trouve réduite à sa seule dimension d’activité ludique et délassante (Ferrero, 2013).

24D’un autre côté, en effet, yoga et méditation se diffusent principalement sous la forme de pratiques physiques, rangées, dans l’offre de bien-être corporel, au même niveau que la gymnastique douce ou les « pilates » (pratiques libellées ainsi d’après le nom de leur créateur, Joseph Pilates), et l’ensemble des techniques relevant des nouvelles écologies du corps : méthodes spirituelles à l’origine, elles se fondent aussi (jusqu’à un certain point seulement) dans la vague de sportivisation de la société et d’une globalisation de la « culture fitness » (Andreasson & Johansson, 2017) qui répond aux exigences de modèles culturels établis sur l’idée d’un corps performant, fort, en pleine santé et assurant sa longévité (Braunstein & Pépin, 1999) correspondant également aux idéaux d’une société moderne en quête de dépassement de soi (Ehrenberg, 1991), mais aussi de nouveaux idéaux du « management ».

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Séance de « Yoga-Pilates » sur les bords de Seine, à Paris, 2018

25Dans la multitude de petits ou grands organismes et/ou compagnies qui proposent des services ou prestations de yoga et de méditation, beaucoup n’ont ainsi plus de rapport avec le religieux ou le sacré. Dans le cas du Yoga, si la pratique conserve des aspects traditionnels (enchainement et intitulé des postures), les pratiquants peuvent à loisir l’associer à d’autres pratiques, plus prosaïquement sportives, dans le cadre d’une « hygiène de vie » qui comprend toutefois aussi des références au spirituel (médecines alternatives, par ex.), mais assez discrètes, ce que montre le recensement de 2018 du « Baromètre Spa et Wellness »©4 pour lequel les motifs de la pratique sont l’hygiène de vie (50%), la forme (38%), la santé (30%), la réduction du stress (29%). L’enquête approfondie de 2017 du site https://www.jedebuteleyoga.fr sur un échantillon de pratiquants français estime qu’ils seraient 2,5 millions en France (sur 300 millions à échelle du monde), une majorité de femmes (70%) d’environ 40 ans. Une nouvelle « infographie » de 2018 réévalue ces données pour un taux de 84% de femmes d’un âge moyen de 44 ans et des motivations qui se divisent entre l’entretien de son « apparence » (71% des réponses), de la « santé » (53%) ou la surveillance de son poids (39%). L’échantillon des usagers en ligne qui ont répondu à l’enquête constituent ce groupe qui verse régulièrement dans une pratique (84%) que le reste de la population (54%). De manière assez significative, toutefois, les pratiquants qualifient les pratiques yogiques de « spirituelles » (à 34% contre 23% pour l’ensemble de la population). Dans le même ordre d’idées, l’étude Ole be/l’Union sport et cycles de 20195 montre une croissance démographique en cours (de 2,5 à 2,6 millions de pratiquants et un potentiel de 1,5 millions de candidats à la pratique) avec un taux élevé de pratique dans un lieu dédié (93%) mais aussi associé à un autre sport (pour 93% également) et des motivations centrées autour de la réduction du stress (83%), le soin du corps (65%) ou la santé (37%). Il y a donc quelque chose de profondément ambivalent dans le yoga et la méditation qui se voient donc concrètement assignés de similaires fonctions de gestion du stress, de contrôle du Soi, d’hygiène de vie, d’équilibre psychoaffectif, tout en conservant une base de spiritualité, motif de pratique inégalement mobilisé.

26Les deux techniques sont constituées sur le modèle d’économies symboliques ambiguës du corps qui touche aussi aux conditions sociales et à leur dépassement : auparavant réservées aux élites des ascètes, elles se sont démocratisées avec leur modernisation et leur mondialisation, et sont devenues pratiques de masses, réinventées au prisme des valeurs modernes d’individualisme et de bien-être Le yoga sort d’ailleurs des cercles de pratiquants et des espaces domestiques pour s’installer dans les entreprises et les grands organismes nationaux et internationaux, où il est largement pratiqué, là encore, comme pratique de bien-être ou de relaxation, d’entretien du corps. Même au cour de la commission européenne, qui, en dépit de son statut, est après tout une organisation qui propose à ses agents des prestations de bien-être et de relaxation, comme bien d’autres.

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Offre de « classes de yoga » dans les locaux de la Commission Européenne à Bruxelles, 2020

27Le yoga se répand aussi dans des milieux radicalement différents, comme l’univers carcéral en Europe où il est proposé aux détenus qui semblent apprécier cette ressource différente des traditions religieuses proposées dans le cadre d’une aumônerie monothéiste (Griera, 2016) et a apparemment un impact sur l’équilibre psychologique des détenus, et, partant, sur leur réinsertion sociale (Kovalsky, Hasisi, Haviva, Elisha, 2020).

Aliénation ou épanouissement ?

28En dépit de la propension généralisée à qualifier de manière exclusivement et excessivement positive les conséquences psychiques, physiques et sociales, certains, comme Pascal Bruckner, qui ne les désigne pas explicitement mais évoque les nombreuses recettes du bien-être (Bruckner, 2000), parmi d’autres, ont pris le contrepied des discours de légitimation qui confinent à trois registres parallèles, ceux du corporel, du thérapeutique et du psychique, en examinant de manière critique l’affirmation généralisée d’un « pouvoir » thérapeutique et prophylactique du yoga et de la méditation. Ces voix (minoritaires, mais dont l’écho est significatif) ont fait entendre des visions contrastées, donnant une image bien moins positive des dites techniques. Une première salve de critiques contre les techniques introspectives a été adressée (et continue de l’être) aux prétendus bienfaits retirés de la pratique : au niveau physique, de manière très prosaïque, ces techniques sont loin d’être sans effets sur les corps, et il a été noté plus d’une fois les dommages qu’elles ont causés (Cramer et al., 2019) sans pour autant que cela remette totalement en cause leur utilité. Sur un plan plus psychologique, la recherche s’est aussi penchée sur les ambivalences de pratiques entrainant des effets secondaires parfois intenses, alors qu’elles sont supposées être source bien-être (Matsushita & Oka, 2015).

29Une autre grande critique assénée à la mondialisation des pratiques de yoga et de méditation est plutôt d’ordre macroscopique, à échelle des systèmes économiques, avant que d’être rapatriée vers l’échelle microscopique du corps : entre les deux s’intercalent des débats qui replacent le politique au cœur de la réflexion. Car le yoga et la méditation apparaissent paradoxalement comme des pratiques inscrites dans le mouvement du capitalisme mondial, se moulant sur ses logiques consuméristes, « aliénantes » pour les spiritualités : c’est en effet bien une offre de prestations (pratiques, cours, stages, etc.) et de biens (fournitures directement nécessaires à l’activité ou l’entourant) qui rencontre une demande de la part d’usagers qui sont aussi, dans le contexte de l’hypermodernité et de la mondialisation, des consommateurs de yoga (Puri, 2019). À l’image des traditions asiatiques elles-mêmes contraintes dans leur expansion par les logiques d’un marché symbolique ouvert (pour l’hindouisme, Altglas, 2005, le bouddhisme, Obadia, 2011), les techniques ascétiques d’Asie s’inscrivent dans une économie mondialisée qui garantit leur expansion mais d’un autre côté les repeint aux couleurs culturelles du capitalisme moderne (Jain, 2014).

30Yoga et méditation se constituent donc comme des ressources au cœur d’une économie mondialisée dédiée à des pratiques qui sont justement nées, du moins sous nos latitudes, sur le terreau d’une contestation de l’ordre culturel, religieux et économique. Or, la « marchandisation du corps » et toute l’économie du bien-être attestent, plutôt qu’elles ne contestent, ces désirs « narcissiques » qui s’expriment à travers ce soin excessif porté à soi et à son corps6. Par ailleurs, et en miroir inversé de cette focale subjective et individualiste, yoga et méditation intègrent le monde professionnel au service des organisations et du contrôle managérial (Vignon et Jaotombo, 2018). Et si pour les promoteurs et laudateurs de ce mouvement, ce sont d’efficaces dispositifs pour lutter contre les maux de l’hyperproductivité et le surmenage ou pour faire de l’entreprise un lieu « signifiant » pour les travailleurs (Sertelet, 2014), pour d’autres il est un instrument de contrôle des corps (et, partant, des esprits) au service du système capitaliste mondialisé, dont il assoit la légitimité7.

31Il pèse enfin et surtout, et depuis quelques décennies déjà, un péril en qualification « sectaire » sur ces techniques qui, dès leur origine, sont caractérisées par un mode de transmission qui place le « maître » ou le guru en position d’influence sur l’apprenant-disciple (Eliade, 1954), un élément structurel qui fut à l’origine de nombreuses « affaires » depuis la vague du yoga hippie dans les années 1960. En France, l’UNADFI, organe de veille sur les « dérives sectaires » a récemment (2017) pointé du doigt des « dévoiements » du Yoga et de la méditation, et des courants comme le yoga Bikram, Sivananda, Shaja ou Kundalini sont suspectés de dérive sectaire. L’UNADFI fait le lien entre trois caractéristiques qui situent certains courants du mouvement du yoga et de la méditation du côté de la dénégation de leur caractère religieux, du prosélytisme et du caractère lucratif d’un « business » spirituel (selon le rapport de 2018), une accusation qui concerne un ensemble de traditions qui ont le yoga en commun, mais qui avaient déjà été listées sur les rapports parlementaires sur les sectes, notamment dans les mouvances orientalistes ou néo-orientalistes, recensées par la récemment disparue Mission Interministérielle sur les sectes (MIVILUDES) depuis le premier rapport parlementaire dit « Gest-Guyard » (1995). Nombre de groupements spirituels versés dans les pratiques orientales ou les promouvant se sont retrouvés en position d’accusé dans des affaires d’abus de confiance, de manipulation mentale, d’escroquerie… ce qui a amené le terme « gourou » à se confondre, depuis quelques décennies déjà, avec l’idée « manipulation mentale » (Mayer, 1985 ; Luca 2016).

32Yoga et méditation sont également mis au service des nouvelles industries et économies de la communication, de l’information et de la connaissance, l’une et l’autre sont largement mobilisés par les grandes entreprises électroniques (les GAFA, la Silicon Valley) en vertu notamment d’une « rationalité » qui s’appuie sur la scientificité affichée de très nombreuses études (dont certaines seulement ont été citées dans ce texte) qui entendent prouver « objectivement » leurs bienfaits, trouvent un écho avec les milieux de l’économie électronique deeptech, au sein desquels les pratiques dites de relaxation mais aussi chargées d’une symbolique spirituelle s’installent dans l’ordinaire professionnel des entreprises de ce secteur, et s’alignent sur les formes culturelles dominantes (Jain, 2014). Pourtant, la nouvelle idéologie de la « disruption » sociotechnique qui affiche son goût pour les pratiques d’introspection asiatique, se présente aussi une culture portée à la contestation de l’ordre social et politique établi (Mallard, 2018). C’est dans ce cas un nouveau paradoxe non résolu pour le yoga et la méditation de se situer en même temps aux pôles opposés de l’attestation de l’ordre socio-technologique, et de son contraire, sa contestation. Mais qu’elle soit le fait d’ingénieurs technologues ou de simples usagers technophiles, yoga et méditation sont encore et toujours au service de corps à (re)dresser, à délasser ou à apaiser dans un contexte bien différent de ceux de leur naissance, celui de sociétés capitalistes postindustrielles hypertechnicisées, qui, elles aussi, sont désignées comme sources d’épanouissement mais aussi d’aliénation pour les individus (Lau, 2000).

Conclusion

33Que faut-il retenir de ce tour panoramique, aux ambitions théoriques et descriptives limitées par l’ampleur du phénomène traité, et à l’approche qui ne rend forcément pas justice à la complexité et à l’extension des phénomènes décrits ? Dans un contexte de flux culturels généralisés à échelle de la planète, et d’extension globale des idées et de pratiques religieuses, yoga et méditation sont entrés dans ces logiques d’expansion géographique au-delà des frontières géographiques, politiques et culturelles, se moulant, pour le meilleur ou pour le pire, estiment respectivement les laudateurs ou les critiques de ce mouvement, sur les logiques de la mondialisation capitaliste, et les nouvelles économies du sensible, les techniques ascétiques ont cheminé à travers le temps, les espaces et les cultures, s’incarnant dans des millions de corps. Évidemment, cette trajectoire historique et géographique est marquée par des mutations de sens et d’usages, des continuités et des ruptures, mais qui sont toutefois loin d’être simples à interpréter.

34Plusieurs paradoxes marquent l’expansion de la méditation et du yoga, depuis leur naissance dans le creuset des traditions contemplatives et cosmiques d’Asie jusqu’à leur mondialisation actuelle. En premier lieu, leur très rapide expansion tient à la fois à ce qu’elles présentent des affinités avec les conditions sociologiques et technologiques qui en facilitent la diffusion, mais yoga et méditation se positionnent en opposition à ces derniers. Dans le même ordre d’idée, elles sont soumises à une acclimatation différentielle aux conditions globales, et révèlent une tension entre les logiques de décontextualisation (universalisation) et de recontextualisation culturelle (particularisation), ce que Robertson avait décrit comme la dynamique de la mondialisation (1992), avec d’un côté, la diffusion, au point limite de la dilution dans des pratiques récréatives ou sportives, et de l’autre, leur réarticulation avec un fond spirituel qu’elles véhiculent mais qu’elles injectent aussi dans les milieux qu’elles irriguent. Après s’être moulés dans une multitude de formes et de significations, Yoga et méditation, brouillent finalement les pistes des fonctions qui leur sont associées à échelle des corps individuels et sociaux, en présentant le faciès Janus de pratiques de plénitude qui plus est, effectivement épanouissantes ou curatives, mais qui sont aussi des techniques aliénantes ou d’aliénation, soit en raison d’une « dérive sectaire » pas toujours facile à qualifier, soit parce qu’elles sont mises au service d’un contrôle psychique et social des corps biologiques, en travestissant des logiques de domination économique et technologique sous les atours du bien-être privé et professionnel.

35C’est précisément l’un des grands défis da la connaissance scientifique de s’affronter à la complexité de ce phénomène et de reprendre la problématique du corps, qui est centrale dans les questionnements de la modernité (Varga, 2005) en ce qu’il figure le site de nouvelles expériences spirituelles, après avoir été longtemps neutralisé par les religions et demeuré sous contrôle social. Ce que signale aussi le succès du yoga et de la méditation, c’est la revanche du corps dans l’hypermodernité, profitant de la révolution copernicienne du sacré dans nombre de sociétés (sans toutefois en faire un mouvement universel et téléologique), caractérisé par un retour sur Soi, une privatisation du religieux, le glissement de systèmes théistes transcendants à des systèmes cosmiques ou naturalistes immanents, qui ont permis au corps de se replacer au centre du rapport entre la subjectivité et le monde. Au prix, toutefois, d’une perpétuelle tentation à glisser vers le contrôle des corps et des esprits, et de tendances au sectarisme qui sont éloignées de l’image idéalisée que l’Occident et le monde moderne se sont faits de techniques corporelles et spirituelles apparemment affranchies du politique et de la tradition.

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Notes

Pour citer cet article

Lionel Obadia, « Yoga, méditation et techniques spirituelles », L'ethnographie, 3-4 | 2020, mis en ligne le 26 octobre 2020, consulté le 27 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=628

Lionel Obadia

Professeur en anthropologie / Université Lyon 2, LARHRA UMR 5190. Lionel.obadia@univ-lyon2.fr