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L'Ethnographie

Jean-Pierre Richard, Shakespeare pornographe – un théâtre à double fond, Paris, Éditions rue d’Ulm, 2019, 244p.

Jean-Marie Pradier

Mars 2020

Index

Mots-clés : Théâtre, Traduction, Shakespeare

1Après quelques décennies de traduction, un shakespearien érudit, passeur de langues, publie son déversoir en un ouvrage destiné à recevoir le trop plein de sens d’une œuvre dramatique follement joueuse avec elle-même, les spectateurs et ses lecteurs. Revanche savante également d’un traducteur à qui l’on retire parfois l’autorisation de restituer à un texte, devenu auguste emblème national, ses épices aphrodisiaques plus rabelaisiennes que raciniennes : « aujourd’hui comme hier, les résistances sont fortes, soit qu’un refoulement opère de manière inconsciente, soit qu’une censure vienne châtrer le texte. »1 Au départ, avoue l’auteur, la stupéfaction « derrière le Shakespeare que je traduisais en français tant bien que mal, celle d’en trouver un autre, pour moi franchement intraduisible. Pas parce que la morale réprouve tout ce qu’il produit, mais à cause de sa présence perpétuelle, en farceur mal embouché, sous la surface du texte. »2 Et que trouve-t-on sous cette surface ? Le sexe, la sexualité en tous ses états, la paillardise, les double sens, le calembour, la contrepèterie, l’allusion, l’ellipse, l’obscénité, la grivoiserie, bref les ressources entières du langage, ce qu’il a de plus cru et ce qu’il possède de plus cuit par héritage pour évoquer les pratiques pour lesquelles le Dr. Magnus Hirschfeld (1868-1935) avait conçu à Berlin un institut, mis à sac par les nazis en 19333. « […] sur la scène shakespearienne, il ne manque pas non plus grand-chose, qu’il s’agisse de voyeurisme ou d’exhibitionnisme, d’inceste ou de pédophilie, de cunnilingus ou de coitus interruptus, du pénis qui déconne ou du sperme que l’on avale, et même des godemichés ou des poils postiches pour le pubis des femmes. »4

2Il est évident que l’expression « jeux de mots » ne convient pas à telle écriture qui se situe bien au-delà des mots et des jeux non de l’amour courtois en usage dans les salons mais dans les lupanars. Raison pour laquelle Jean-Pierre Richard choisit délibérément un titre qu’il convient de prendre au pied de la lettre – Shakespeare pornographe –, indissociable du sous-titre – un théâtre à double fond – car il s’agit bien de l’œuvre d’un dramaturge destinée à être incarnée par des hommes et des adolescents – les play-boys – lors de rencontres avec un public qui va au théâtre pour son plaisir dans l’attente d’émotions fortes, emporté vers un dénouement par des personnages de fiction au gré de péripéties aussi bien verbales que physiques, agencées de telle sorte que l’attention ne retombe pas. Le double fond s’apparente dans ce cas à la technique musicale de la basse continue jouée par les instruments de la sexualité5. En peinture, il devient anamorphose qui se déchiffre en fonction de la position du spectateur. À l’œil de choisir devant un tableau. À l’oreille du spectateur de sélectionner lors de l’écoute, puisque la pornographie est ici verbale plutôt que de situation. La révéler dans ses subtilités exige beaucoup de science et de patience. Le but poursuivi par Jean-Pierre Richard, écrit-il « est de montrer tout ce que le théâtre de Shakespeare doit à la gaudriole et comment le but de l’obscénité se fait sous sa plume art dramatique. »6

Porno

3La désignation pornographe s’est altérée par un contresens moralisateur, pour s’avérer de nos jours plus normative que descriptive. Bon étymologiste, Nicolas-Edme Restif de La Bretonne se l’était attribuée, en signant un essai destiné à proposer un projet de règlement en faveur des prostituées7. Le suffixe graphe ne fait guère problème, puisqu’il se réfère à l’art de l’écriture et flanque nombre de mots spécifiés par l’objet de l’acte – ethnographie, biographie, bibliographie… En revanche le formant porno est au cœur de malentendus et de débats, de partialité, d’imprécisions et de nouveaux horizons dans lesquels s’ébattent les porn studies8. Oubli ou mépris de ses origines : le grec avait formé une famille de termes autour du verbe porneuô πορνευω – forniquer, se prostituer, prostituer. Nous y trouvons porneia πορνεια la fornication, porneïon πορνειon mauvais lieu, tenu par la pornoboskia πορνοβοςκια mère maquerelle, tenancière de ces bordels cousins de ceux qui devaient pulluler dans le quartier mal famé de Southwark sur la rive sud de la Tamise, où fut érigé le Globe, le nouveau théâtre de Shakespeare. La pornê πορνη d’un statut parfois très élevé, n’était pas à confondre avec un(e) pornidiov πορνιδιον prostitué(e) de bas étage.

4À la différence de l’occupation génésique ordinaire destinée à assurer la survie de l’espèce humaine, la fornication toute insouciamment dévolue au plaisir et ses excès fait appel aux stimulations de l’imaginaire, images, verbe, gestuelle, mise en scène, intrigue qui reposent sur des artisans spécialisés – pornodidaskalos/lê πορνιδιδασκαλοσ/η, qui donne des leçons de débauche et pornographos/ê πορνογραφος/η qui écrit le sexe pour le pornophilas πορνοφιλας amoureux des femmes vénales. Monde d’une sexualité qui n’est pas sans tragique puisque s’y rencontrent pornoktonos πορνοκτονος et pornophonos πορνοφονος assassins de filles de joie.

Graphe

5Jean-Pierre Richard le démontre, l’art de l’écriture shakespearienne est bien celle d’un pornographe virtuose, habile à jouer du contrepoint avec les langues et leurs matériaux, figures et homophonie, double langage, obscénités masquées, crudité esquissée, polissonneries de potache, grivoiseries triviales et gravelures savantes. Le traducteur a procédé à la façon des premiers usagers du microscope qui découvrirent éberlués un monde grouillant de créatures dans les gouttelettes d’eau limpide et se vouèrent à leur décryptage. Shakespeare exerce dans un temps volcanique, dont la peinture vient bellement au dernier chapitre, intitulé circonstances. À la différence des ouvrages d’anthropologie qui commencent par poser le contexte, le lecteur est ainsi invité d’emblée à se plonger dans le texte avant que de considérer l’écosystème auquel il appartient. Ancien élève de la rue d’Ulm, longtemps directeur du master professionnel de traduction littéraire de l’université Denis-Diderot Paris 7, vice-président de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF), co-responsable du comité de langue anglaise de la Maison Antoine Vitez – Centre international de la traduction théâtrale –, lauréat de plusieurs prix, collaborateur de la nouvelle édition des Œuvres complètes de Shakespeare dans la Bibliothèque de la Pléiade, collaborateur d’une dizaine de metteurs en scène Jean-Pierre Richard privilégie l’examen micro-philologique des textes. Le métier, l’empathie, l’érudition qui lui permet d’embrasser la langue anglaise dans son histoire, sa texture et le latin dans ses avatars, le conduisent à anatomiser l’art d’un double langage alliant noblesse canonique du sublime dramatique, et joyeusetés ironiques de l’ébriété érotique. Considération remarquable de la part d’un textophile, il se soucie des spectateurs de l’époque venus au Globe non pour y lire du théâtre mais l’écouter. Ce ne sont pas des spectateurs de nos salles contemporaines, mais des brassées de mixité sociale où se rencontrent rustres et aristocrates, bourgeois et voyous en quête de rigolade et surtout des étudiants en tous genres – bien qu’essentiellement de sexe masculin – , braillards et fêtards, l’esprit vif, pour qui le latin plus bas que haut – c’est-à-dire de cuisine, d’amphithéâtre ou d’église – est aussi familier que leur anglais maternel. Étranger au puritanisme qui ne s’impose pas encore, amateur des plaisirs de la chair en action comme en diction, ce public jouit des jeux de langue et des tournures ambiguës, des double sens quand sur la scène les amantes étaient incarnées par de jolis éphèbes. Le texte du First Folio9 – au plus près de ce que les spectateurs avaient pu entendre – une fois anatomisé mot à mot et phonétiquement restitué à l’oreille, fait apparaître des couches de sens dont chacun des spectateurs pouvait se saisir en fonction de son éducation, ses études, ses penchants de toute nature et ses attentes : jeux de mots sur le latin, argot ordurier, plaisanterie salace, contrepet, équivoques, homophonie tout y passe ! Les ruses de l’athlète scénique épatent son monde en acrobaties linguistiques, sans que ne se perde la maîtrise dramaturgique.

6En cinq chapitres, Jean-Pierre Richard compose un ensemble cohérent, accompli, qui a le mérite d’associer démonstration et commentaire sans que celui-ci ne s’égare pas au-delà des matériaux apportés par celle-là. Il est rappelé combien fut précoce la qualité d’indécence et de double langage du théâtre de Shakespeare au service de situations dramatiques qui s’en trouvaient démultipliées, quand un personnage en toute innocence formulait des obscénités perceptibles au sein d’un noble discours. Le principe d’obscénité est bien agent dramatique original. L’examen détaillé des lexèmes et des techniques de leur manipulation révèle une passion chirurgicale du langage et des langues qui génère de multiples effets sémantiques contradictoires en apparence : faire rire, peut-être, mais également brutaliser la tentation du sublime, de l’emphase et du sérieux. Les « hommes-livres », les précieux, le courtisan français, les dévots, le tragique, l’héroïsme sont rendus à la vanité dérisoire comme en écho à la formule de Sénèque dans une de ses lettres à Lucilius : cibus, somnus, libido per hunc circulum curritur10. L’inspiration paillarde porte d’autant plus qu’elle ne provient ni d’insultes, encore moins d’une dramaturgie inquisitoire. Passant du texte – l’intérieur – au contexte, Jean-Pierre Richard fait appel aux « biographes, historiens, médecins, autres plumes de l’époque » pour dessiner ce qui a pu impacter la création de l’extérieur (ch. 5). En quelques pages le lecteur est introduit dans une époque d’une grande effervescence politique, commerciale, intellectuelle, sexuelle et de duperie : « [o]n a pu écrire qu’à l’époque les Anglais étaient obsédés par la cryptographie et par le décodage. Et en la matière le sous-texte shakespearien offre d’infinies opportunités. »11 Double jeu, conclut l’auteur : « En un sens, tout le théâtre de Shakespeare a donc été écrit en collaboration : celle du dramaturge avec le pornographe, toujours prête à exploiter les situations créées par son collègue comme à lui imposer celles de son invention. (…) Le théâtre de Shakespeare doit se recevoir texte et sous-texte conjoints. »12 Une question se pose aux contemporains : si le spectateur, avait droit à deux spectacles simultanés, ce théâtre est-il réservé à un public de syméliens à deux têtes – chacune capable de rire de l’autre –, et n’est-il réalisable que par des metteurs en scène de même composition ?

Dessus et dessous

7Tout amateur du théâtre élisabéthain a déjà croisé l’érotisme explicite des textes et leur fourmillement d’euphémismes éloquents – les bed sports ou activités physiques et sportives (EPS) sur matelas. Il a été d’entrée introduit au plus chaud des coïts contre-nature ou supposés tels, comme dans la scène 1 de l’acte I d’Othello quand Iago furieux tente de provoquer la colère d’un père en lui décrivant le vieux bélier noir qu’est le More, montant sa blanche brebis, étalon de Barbarie couvrant sa fille.13 La métaphore que lance alors le jeune homme est passé dans notre langue : « je suis venu vous dire, Monsieur, que votre fille et le More sont en train de faire la bête à deux dos » – making the beast with two backs .

8Les fouilles curieuses des shakespeariens ont mis à nu le sous-texte croustillant de paillardise sous la surface littéraire retenue par les professeurs et les metteurs en scène célébrants les intrigues canoniques. Le dramaturge s’avère un virtuose du « double entendre », dans une culture qui a entretenu cette souplesse de l’esprit jusqu’au XXe siècle non sans guérilla avec les censeurs.14 L’histoire éditoriale porte la marque des purifications du vocabulaire efficaces au point d’effacer de la mémoire sa verdeur originelle. De jeunes chercheurs s’étaient interrogés sur les corrections apportées aux diverses éditions des œuvres. Exemple entre dix, en 1955, Arthur John Harris jeune doctorant à l'Institut Shakespeare de Mason Croft, à Stratford-on-Avon interpelle son professeur, John Russell Brown (1923-2015), responsable de l’édition New Arden du Merchant of Venice : pour quelle raison a-t-il conservé dans la réplique de Jessica à la scène 5 de l’acte III le mot merit qu’Alexander Pope avait substitué au substantif mean des premiers documents ? Le professeur surpris toisa l’étudiant et répondit : – « Rien à voir. » Mal aimée des réalisateurs qui n’hésitent pas à la supprimer, cette brève séquence est un pétillant dialogue entre la fille de Shylock, son amoureux Lorenzo et Lancelot le serviteur clownesque du marchand. Après un échange à double entendre entre les deux garçons sur les plaisirs de la chair (meat) à table et au lit conjugal, Jessica réplique sur le même ton déluré :

For having such a Blessing in his Lady,

He finds the joy of heaven here on earth :

And if on earth he do not merit it,

In reason he should never come to heav’n.15

9Cent ans après l'impression du First Folio de Shakespeare, Alexander Pope (1688-1744) poète, personnalité intellectuelle et mondaine du Siècle des Lumières, essayiste et traducteur-adaptateur, catholique, avait-il volontairement corrigé le piquant d’un dialogue fourni en allusions paillardes tout à l’honneur d’une jeune femme juive qui ne s’en laissait pas compter ? En effet si « mérite » conforte la conception chrétienne du paradis (qui se mérite), le mean shakespearien laisse penser que le sexe conduit au septième ciel, comme le découvrit Arthur John Harris en consultant les épreuves du nouveau Middle English Dictionnary, ultérieurement publié par l’université du Michigan16 : au temps du Globe, mean fornique, en anglais vivant et peu châtié. Le doctorant poursuivit ses recherches tout en restant fidèle aux surprises érotiques de la scène 5 de l’acte III dont, bien plus tard, retraité et en dépit d’un AVC il publia une analyse érudite17, avec le concours d’une autre chercheure américaine dont nous reparlerons, Frankie Ruda Rubinstein à qui Jean-Pierre Richard rend hommage.

10À mille lieux du mean Shakespearien, la traduction que fit de la même scène François-Victor Hugo (1828-1873) est d’une sage platitude :

Jessica :

Au-dessus de toute expression. Il est bien nécessaire — que le seigneur Bassanio vive d’une vie exemplaire, — car, ayant dans sa femme une telle félicité, — il trouvera sur cette terre les joies du ciel ; — et, s’il ne les apprécie pas sur terre, il est — bien juste qu’il n’aille pas les recueillir au ciel.18

De l’ argot à l’exégèse

11Les sentiers de la gloire, boueux, mènent parfois aux découvertes littéraires les plus délicates. Originaire de Nouvelle-Zélande, Eric Honeywood Partridge (1894 –1979) est un lexicographe britannique célébré pour ses travaux sur l’argot qu’il avait rencontré en partageant la vie des fantassins australiens de 1915 à 1918 au cours de la première guerre mondiale. Il les avait entendus chanter, râler, s’exprimer sur plusieurs fronts, en Égypte, à Gallipoli, en Europe où il avait même été blessé. Libéré après avoir servi l’Empire, il reprit ses études universitaires en Grande Bretagne, écrivit des fictions, enseigna et se prit de passion pour le vaste territoire des chants et de la langue parlée non orthodoxe, inventive, poivrée de sexualité, suggestive, obscène, transgressive de ses compagnons d’armes puis des marginaux. Ses explorations le conduisirent tout naturellement à Shakespeare et aux arcanes peu académiques de sa langue, révélatrices d’une personnalité complexe qui ne se déchiffre pas aisément. En 1947, paru chez Routledge une étude devenue un classique : Shakespeare's Bawdy, que l’on pourrait traduire par Shakespeare licencieux19. Dans sa préface, Partridge remarque : «  Au XVIIIe siècle, ce livre ou un semblable aurait pu être publié ; dans la période Victorienne, non ; il aurait été critiqué jusque dans les années 30 ; de nos jours, il sera comme il se doit être pris comme matière de cours. » À propos du titre, il s’explique : « le titre apparemment provocateur est simplement une abréviation utile pour « Sexualité, Homosexualité et paillardise (bawdiness).20 » Sans nul doute que l’expérience personnelle de l’auteur l’incite à considérer l’entièreté labyrinthique de l’homme Shakespeare, tolérant, non sans prendre parti à l’occasion, comme au sujet de son homosexualité supposée et ses hardiesses de vocabulaire. Dans une préface additionnelle de l’édition 1968, Stanley Wells situe l’ouvrage dans le contexte évolutif des études shakespeariennes, notant au passage que Patridge recourt encore pour signaler certaines pratiques sexuelles à leur formulation latine destinée à couvrir des choses que l’on ne peut pas dire en langue claire.

12Parmi les travaux qui ont suivi se distinguent les recherches de Frankie Ruda Rubinstein, dont le dictionnaire des jeux de mots sexuels de Shakespeare connaît une diffusion particulière21. Enrichie du corpus des sonnets, corrigée, la seconde édition de 395 pages, remerciements, préface et introduction incluses, précisait les intentions de l’auteur : « The puns are discussed in their contexts to stress the point that they are intrinsic, not accessory, to Shakespeare's thought processes and (un)consciously influence the choice of subsequent words…22 » L’introduction fixe la méthode et la limite du travail qui s’annonce distinct de la perspective d’Eric Partridge dans son classique Shakespeare's Bawdy :

This dictionary is intended as a contribution to the understanding and enjoyment of Shakespeare. It is not a study of ‘bawdy’ if by that word one means pointless obscenity (…). One purpose of this dictionary is to identify the hundreds upon hundreds of still unnoted puns and to indicate their enrichment of the plays (…). A second purpose is to reawaken us to the value of reading and hearing Shakespeare word by word, giving full weight to each one and asking why the line was so and not otherwise.23

Jean-Pierre Richard restaurateur

13Introduisant son propre ouvrage Jean-Pierre Richard reconnaît ce qu’il doit aux pionniers que j’ai cité, notant qu’« il n’existait rien de comparable à ce jour en français. » Pourtant, les colloques ayant pour objet Shakespeare et le corps à la Renaissance qui associent universitaires et praticiens ne sont pas rares en francophonie. Ce disant, la méconnaissance par le plus grand nombre du double fond enfin dévoilé met en évidence la transfiguration des œuvres par le temps, les traductions et l’évolution des mœurs. Quand les metteurs en scène français évoquent leur travail à partir de la traduction Hugo, ils sont en grande majorité dans un monde – le leur – qui de Shakespeare n’a qu’une étiquette empruntée à un objet fictif, travesti par l’héritage classique français auquel leur imaginaire doit un certain goût, une logique implicite, une esthétique confortée par l’appropriation quasi mondialisée des « grands hommes » occidentaux24. Est-il légitime de se dispenser de ce fonds secret d’obscénité, apparemment illimité que Shakespeare mobilise pour écrire ? Pour Jean-Pierre Richard : « [o]n peut s’en lamenter, s’en offusquer mais, dans son cas, le dramaturge sans le pornographe, c’est comme Sodome sans sodomie, le marquis de Sade sans trace de foutre. Aucun tabou, aucune censure ne doivent venir amputer de cette composante sa création, que ce soit au nom d’un dieu, d’une morale ou du beau. 25»

Le marché des légendes

14La scolarisation du théâtre et la fabrique de l’écrivain national26 ont contribué à la composition d’un paysage littéraire sagement ordonnancé, doté des attraits européocentrés du « génie » et de l’universalité de l’œuvre. Des publications récentes dérangent les apparences. Georges Forestier nettoie, illumine et anime en une décapante biographie de Molière27 un mythe attifé de légendes, engraissé, colporté par des générations de biographes, entretenu sur les planches par les metteurs en scène, à l’école chez les écoliers et dans le monde entier avec l’entregent des centres culturels, Instituts, Alliances et leurs troupes d’amateurs. Toutefois, l’étagère des légendes du dramaturge français est peu encombrée en comparaison de celles qui de l’autre côté du channel visent William Shakespeare. Quatre siècles de glose, de soupçons et d’enquêtes ont accumulé une collection de dissertations qui vont du romanesque à la filature policière d’un homme invisible ou plutôt polymorphe. Non que ses concitoyens seuls exercent leur imagination à tenter de dévoiler la vérité d’une identité mise en doute. Depuis deux siècles les étrangers en sont friands. Après Franz Maximilian Saalbach (1954) et Martino Iuvara (2002)28 l’écrivain italo-canadien, philosophe et essayiste Lamberto Tassinari29, co-fondateur à Montréal de la revue transculturelle Vice Versa (1983-1996) a récemment provoqué une certaine agitation médiatique en publiant ce qui, pour certains, serait une révélation : Shakespeare ne serait que le nom d’emprunt de John Florio (1553-1625) fils d’un père italien – dit juif converti – réfugié en Angleterre après quelques déboires avec l’inquisition. Si les biographies de John Florio semblent s’infléchir en fonction des thèses de leurs auteurs, en revanche tous s’accordent pour reconnaître en lui un humaniste lexicographe, polyglotte connu pour sa traduction anglaise des Essais de Montaigne et de passages du Décaméron de Boccace. En France, le philosophe et médiologue Daniel Bougnoux, préfacier de Tassinari ne se risque pas à démontrer mais propose un récit. Spécialiste d’Aragon, il laisse l’imaginaire du lecteur vaguer sur un Janus qu’il esquisse en admettant ne pas avoir encore percé l’énigme du Barde avec absolue certitude30. Usurpation d’identité ou fatalité patronymique ? Au long catalogue des hypothèses cultivées par plus d’amateurs31 que d’experts, à moins qu’elles ne soient que métaphores militantes32, Jean-Pierre Richard ajoute une cocasserie : « [d]’aucuns ont cru pouvoir déceler sous les nom de William Shakespeare le signe d’une prédestination à l’obscénité, puisque le prénom renvoie aux génitoires (will) et le patronyme à l’exhibitionnisme ou à l’onanisme de celui qui secoue ou branle (shake) sa lance (spear) – des associations perfidement glissées par Thomas Dekker dans Satiromastix, une pièce publiée en 1601 où il nomme un personnage de dramaturge libidineux Sir Adam Prickshaft ou Double-Bite (prick, shaft).33 »

15En estimant que Shakespeare est « le plus salace des dramaturges de son temps », Peter Ackroyd, l’un de ses meilleurs biographes34, partage le jugement porté au XVIIe par ses lecteurs français. Selon une ancienne fiche de catalogue de la Bibliothèque Nationale que M. Jusserand son découvreur estime antérieure à 1684, le dramaturge anglais choquait le bon goût du Grand Siècle. En note de l’enregistrement de l’exemplaire original de 1623 des Œuvres de Shakespeare acquis par la Bibliothèque du Roy, figure un jugement sévère : « Shakespear (sic) a l’imagination assez belle, il pense naturellement, il s’exprime avec finesse; mais ces belles qualités sont obscurcies par les ordures qu’il mêle dans ses comédies. »35 Phrase souvent citée qui exprime la double contrainte qu’exerce sur les lecteurs et traducteurs la puissance d’un imaginaire et l’érotisme explicite d’une langue qu’ils ont peine à considérer. Voltaire, l’un des premiers Français à découvrir sur place ce théâtre au hasard de l’exil en 1726, encore débutant en langue anglaise, n’en retient que Julius Caesar pour s’en inspirer dans une adaptation toute personnelle et châtiée. C’est un ancien élève du collège jésuite anglais de Saint-Omer, Pierre-Antoine de La Place, qui le premier publie en 1745 le premier tome d’une étude sur le théâtre anglais comprenant la traduction de dix pièces de Shakespeare et le résumé de vingt-six autres. Trois décennies plus tard, arrivent chez les libraires les vingt volumes de Pierre-Prime-Félicien Le Tourneur qui feront référence jusqu’au XIXe siècle après avoir provoqué la critique de Voltaire agacé par l’enthousiasme du traducteur que partageront les nouvelles générations de dramaturges. La luxuriance Shakespearienne est une forêt primaire toujours vierge qui ne cesse d’être arpentée, explorée, fouillée en Francophonie par les anglicistes, traducteurs professionnels, metteurs en scène, écrivains qui ne cessent de s’y engager comme pour la première fois. L’équipée a donné lieu à des néologismes. Au Québec, Marie-Christine Hellot, invente « tradaptation » pour exprimer une évidence : traduire, c’est adapter Shakespeare36. Comment faire autrement ? Et de citer Victor Hugo qui préfaçant la traduction des Œuvres complètes de Shakespeare par son fils cadet François-Victor écrit : « Shakespeare est un des poètes qui se défendent le plus contre le traducteur [...] l’anglais se dérobe le plus qu’il peut au français. »

16Adapter revient à trier, éliminer, rajouter, distordre, masquer, écrémer, interpréter et en définitive parler de soi. Toute œuvre adaptée est un détournement de sens d’autant plus radical qu’elle est devenue « classique » par le choix d’une nation au prix d’un facétieux quiproquo. Anglophone, Jorge Luis Borges avait évoqué l’étrangeté de cette langue apprise auprès d’une gouvernante anglaise et qu’il avait enseignée. Il s’étonnait du double registre des mots saxons et des mots latins qui dans le texte de Shakespeare se livrait un réciproque duel, avec des nuances difficiles à percevoir de nos jours alors qu’à l’époque la langue anglaise offrait hospitalité à d’autres systèmes linguistiques avec une fluidité étonnante qui permettait de prendre des substantifs et d’en faire des verbes37. En 1979 à Buenos Aires, la Editorial Sudamericana avait publié une édition bilingue de Macbeth. Pour l’occasion, elle avait demandé un prologue à l’écrivain. La perplexité amusée de sa conclusion exprime un paradoxe bien borgésien :

Shakespeare es el menos inglés de los poetas de Inglaterra. Comparado con Robert Frost, con Wordsworth, con Samuel Johnson, con Chaucer y con los desconocidos que escribieron o cantaron, las elegías, es casi un extranjero. Inglaterra es la patria del understatement, de la reticencia bien educada; el hipérbole, el exceso y el esplendor son típicos de Shakespeare. Tampoco el indulgente Cervantes parece un español de los tribunales y de la vanagloria sonora38.

17S’étonnant un jour que Shakespeare soit pour l’Angleterre le « symbole éternel » de la nation alors qu’il lui ressemblait fort peu, Borges avait commenté : « Comme si chaque pays cherchait une compensation, ce qui le corrige un peu. » Cependant, avait-il ajouté, Shakespeare a pensé avec conscience que le langage est le propre de l’écrivain. La lecture du Shakespeare pornographe de Jean-Pierre Richard en est la preuve, en apportant une précision : génial dramaturge et comédien.

Une logique de la concomitance

18L’illustration de couverture de l’ouvrage est empruntée à la Scottish National Gallery d’Edimbourg, propriétaire d’un tableau du Titien Les Trois Âges de l’homme (1512-1514). Non sans malice. N’a été retenu que le couple qui figure en premier plan sur la moitié gauche. Un jeune homme assis jambes allongées sur un sol champêtre, vêtu d’un seul pagne qui se défait regarde avec tendresse une jeune femme accroupie et penchée devant lui, épaules nues. Elle tient dans chaque main deux flûtiaux dont l’un a le bec près de ses lèvres, tandis que l’autre par des doigts déployés sur l’instrument se dirige vers le sexe du garçon en un angle conforme à la position que son membre adopterait en érection. Un œil roué ne manquera pas d’y voir l’expectance d’une fellation (du latin fello ou fellito sucer, têter) ; l’innocent goûtera le charme pastoral d’un plaisir musical. À moins que l’exercice de la logique de la concomitance – chère à Héraclite, Niels Bohr et les théologiens catholiques39 – n’ait appris à distinguer la complémentarité des contraires. En ce sens, ce que démontre Jean-Pierre Richard est le puissant stimulant que constitue l’intelligence unitaire du double fond shakespearien, alors que par cagnardise nous tendons à choisir entre l’esprit et le sexe.

Notes

1 p. 13. Jean-Pierre Richard ne revient pas dans son ouvrage sur ces multiples interventions. Il les livre à l’occasion d’entretiens : « Quand j’ai traduit Les joyeuses commères de Windsor pour la Comédie-Française, une critique s’est élevée contre « le ton indigne » de mon travail. J’ai voulu vérifier dans le détail, et n’ai pu que constater que loin d’équivoques sexuelles occasionnelles, Shakespeare les pratique avec une remarquable constance. » Propos recueilli par Cécile Lecoultre, publié le 11.04.2019 par le journal numérique suisse 24 heures.

2 p. 9.

3 Rapprochement qui n’est pas gratuit. Si Shakespeare fait verbalement revivre la diversité des pratiques sexuelles, il ne porte pas de jugement. Le Dr. Magnus Hirschfeld fut le premier expert à considérer l’homosexualité comme une forme naturelle de la sexualité, et non comme une perversion qu’il faudrait punir, ou une maladie à guérir. Liliane Crips, « Magnus Hirschfeld (1868-1935), un eugéniste social-démocrate », L’Homme, 87, 1988, p. 104-114. En 1997, Mel Gordon Professeur à l’université de Berkeley et metteur en scène, a réalisé à San Francisco trois mois de manifestations en l’honneur du sexologue.

4 p. 15.

5 p. 237.

6 p. 16.

7 Nicolas-Edme Restif de La Bretonne, Le Pornographe, ou Idées d'un honnête homme sur un projet de règlement pour les prostituées, propre à prévenir les malheurs qu'occasionne le publicisme des femmes, avec des notes historiques et justificatives, Paris, Hachette Livre – BnF, 2018 (1769).

8 Pour une brève introduction en langue française, voir François-Ronan Dubois, Introduction aux Porn Studies, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, « Réflexions faites », 2014, 128p.

9 Connu sous le nom de First Folio, ce premier recueil intitulé Mr. William Shakespeare’s Comedies, Histories and Tragedies a été imprimé par William et Isaac Jaggard à la demande d’un groupe de libraires et diffusé en 1623, soit sept ans après la mort du dramaturge.

10 Sénèque, Lettres à Lucilius, [9,77] LXXVII. Mort de Marcellinus. Formule qui en résume le manège de l’existence dans lequel nous tournons en rond : nourrir, dormir et faire l’amour.

11 p. 232.

12 p. 235.

13 Hamlet, Othello, Macbeth, Traduction de F.-V. Hugo, révisée sur les textes originaux par Yves Florenne et Elizabeth Duret. Édition présentée et commentée par Yves Florenne, Paris, LGF, Le Livre de Poche, 1984, p. 158.

14 Ce n’est qu’en 1968 qu’a été supprimé le service jadis mis en place par Lord Chamberlain pour censurer les obscénités dans les divertissements.

15 Selon la version de Pope, Jessica déclare : « Béni de telle sorte avec sa Dame / Il trouve la joie du ciel ici sur terre : / Et si sur terre il ne la mérite pas, / Il ne devrait jamais venir au paradis. » avec mean (faire l’amour), le sens est tout autre : on ne sait pas ce qu’est le ciel si l’on n’a pas sexuellement joui sur terre.

16 Entrepris dans les années 1920 dans un vaste projet de recherche, le dictionnaire, après édition papier est en libre accès sur internet depuis 2007.

17 Dr. Arthur John Harris and Frankie Rubinstein,"The Merit of 'Mean' in Shakespeare's Merchant of Venice", The Explicator, 62:2, p. 70-74 (Winter 04). "Jessica's Bawdy 'Interlude' in The Merchant of Venice". English Language Notes, Volume XLII Number 2, p. 11-28, December 2004.

18 Le Marchand de Venise, Traduction Hugo, Pagnerre, 1872, 8, Scène XVII, p.246.

19 Eric Partridge, Shakespeare's Bawdy: A Literary & Psychological Essay and a Comprehensive Glossary, London, Routledge & Kegan Paul, 1947/New York, E. P. Dutton & Co., 1948, Reprint: Routledge, 1991/ Routledge Classics 2001.

20 RC. 2001, préface p. xi.

21 Frankie Ruda Rubinstein, A Dictionary of Shakespeare’s Sexual Puns and Their Significance, Londres, Edition Palgrave Macmillan, 1984 (2nd ed. 1989).

22 2nd ed. 1989. « Les jeux de mots sont étudiés dans leur contexte pour souligner le fait qu'ils sont intrinsèques, et non accessoires, aux processus de pensée de Shakespeare et qu'ils influencent (un)consciemment le choix des mots suivants » Préface, p.vii.

23 « Ce dictionnaire se veut une contribution à la compréhension et à l'appréciation de Shakespeare. Il ne s'agit pas d'une étude du "paillard", si ce mot signifie une obscénité inutile (...) Un des buts de ce dictionnaire est d'identifier les centaines et centaines de jeux de mots encore non repérés et d'indiquer ce qu’ils apportent aux pièces (...). Un deuxième but est de réveiller notre attention à l’importance qu’il convient d’accorder à la lecture et à l'écoute de Shakespeare mot par mot, en accordant à chacun une valeur entière et en demandant pourquoi le texte était ainsi et non autrement. » Introduction, préface de la seconde édition, p. ix

24 Un exemple significatif du traitement à la française de Shakespeare montre combien la traduction de Hugo a pu jouer un rôle dans la reconstruction d’une œuvre hypostasiée par ignorance des métamorphoses éditoriales et académiques subies au cours du temps : « Rencontre avec Daniel Mesguich traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus, animée par Jean-Michel Déprats ». M.T. Jones-Davies (dir.), Shakespeare et le corps à la Renaissance, Société Française Shakespeare, Actes du Congrès (1990), Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 189-203.

25 p. 15.

26 Anne-Marie Thiesse, La fabrique de l’écrivain national. Entre littérature et politique, Paris, Gallimard « Bibliothèque des écrivains », 2019.

27 Georges Forestier, Molière, Paris, Gallimard, « Biographies », 2018. Pour l’ethnoscénologue, cet ouvrage d’anthropologie historique est une contribution majeure à l’étude des fondements culturels du théâtre, en tant que sous-ensemble historique et local du spectacle vivant.

28 Paul Edmondson, Stanley Wells (eds.), Shakespeare Beyond Doubt: Evidence, Argument, Controversy, Cambridge University Press, 2013.

29 Lamberto Tassinari, Shakespeare? È il nome d’arte di John Florio, Montréal, Giano Books, 2008 ; John Florio: The Man Who Was Shakespeare, traduction William McGuaig, Montréal, Giano Books, 2009 ; John Florio, Alias Shakespeare, l’identité de Shakespeare enfin révélée, Préface de Daniel Bougnoux, Traduction de Michel Vaïs, Lormont, Le Bord de l’Eau, 2016. Pour la polémique qui s’ensuivit en France, consulter : Dominique Goy-Blanquet (article publié sur le site : En attendant Nadeau : http://www.en-attendant-nadeau.fr/).

30 Daniel Bougnoux, Shakespeare. Le choix du spectre, Bruxelles, Les impressions nouvelles, « Bâtons rompus », 2016.

31 Mentionnons le physicien-poète Jean Patrick Connerade (1943-), professeur émérite de l’Imperial College de Londres. La presse ne manque pas d’animer l’agora comme l’illustre l’article du Monde Magazine n°429 du 7 décembre 2019. Isabelle Mayault, « Une italienne nommée Shakespeare », p. 59-62. L’auteur mentionne la thèse d’une journaliste – Elizabeth Winkler – qui met en cause l’identité nationale et sexuelle de Shakespeare.

32 « Shakespeare must be a black girl » - Shakespeare devait être une petite fille noire -, avait déclaré à plusieurs reprises Maya Angelou (1928-2014) dans ses conférences aux étudiants. De son vrai nom Marguerite Johnson, poétesse, écrivaine, actrice et militante afro-américaine faisait référence à son enfance.

33 p. 208

34 Cité par J.-P. Richard, Ibid. Peter Ackroyd, Shakespeare. La biographie, Traduit de l'anglais par Bernard Turle, Points, Points documents, 2008 (Shakespeare. The biography, Londres, Chatto & Windus, 2005).

35 Hans Mattauch, « À propos du premier jugement sur Shakespeare en France », Modern Language Note, Johns Hopkins University Press, Vol. 78, No. 3, French Issue (May, 1963), p. 288-300.

36 Marie-Christine Hellot, « La tradaptation : quand traduire, c’est adapter Shakespeare », Jeu, n°133, 2009, p.78-82.

37 « Shakespeare et nous », allocution de Jorge Luis Borges pendant le symposium Shakespeare et la littérature de notre temps, le 13 novembre 1964. Le symposium fut l'un de quatre événements organisés par l'UNESCO pour célébrer le quatrième centenaire de Shakespeare, du 13 au 15 novembre 1964. (Audition en ligne)

38 Shakespeare, Macbeth, edición bilingüe, Traducción de Guillermo Whitelow. Prólogo de Jorge Luis Borges, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, Colección obras maestras Fondo nacional de las Artes, 1970. « Shakespeare est le moins anglais des poètes anglais. Comparé à Robert Frost, Wordsworth, Samuel Johnson, Chaucer et aux étrangers qui ont écrit ou chanté des élégies, il est presque un étranger. L'Angleterre est la patrie de l’understatement, de la réticence bien éduquée ; l'hyperbole, l'excès et la splendeur sont typiques de Shakespeare. De même que l'indulgent Cervantès ne ressemble pas non plus à un Espagnol de la cour et de la vanité sonore. »

39 Héraclite propose une philosophie de l’énantiodromie, Bohr le concept de complémentarité qui inspirent la création d’Eugenio Barba et de l’Odin Teatret. Pour les théologiens catholiques, le sang de Jésus-Christ, dans l’eucharistie, est sous l’espèce du pain par concomitance. Le corps de Jésus-Christ est sous l'espèce du vin par concomitance.

Pour citer cet article

Jean-Marie Pradier, « Jean-Pierre Richard, Shakespeare pornographe – un théâtre à double fond, Paris, Éditions rue d’Ulm, 2019, 244p. », L'ethnographie, 2 | 2020, mis en ligne le 20 mars 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=434

Jean-Marie Pradier

Professeur émérite de l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Chercheur à la Maison des sciences de l’homme Paris Nord (USR 3258 CNRS Paris 8-Paris 13), membre de la Société française d’ethnoscénologie (SOFETH).