Petites chimères japonisantes
Françoise Champault
Mars 2020
DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.408
Résumés↑
Alors que les sciences humaines reconnaissent ce qu'elles doivent à la littérature et prennent soin de l'écriture, il nous parait utile d'inviter les auteurs savants à faire oeuvre esthétique. Le formant "ethno" est ici un clin d'oeil au divers. Quant à la fiction, créatrice de réel, elle introduit dans la subtilité des imaginaires. Cette rubrique est destinée à nourrir la curiosité hédonique du lecteur, en lui faisant goûter la singularité des existences.
Notes de l'auteur
Enfant, un de mes grands plaisirs était de faire des cabanes. J'en ai construit avec passion, et abandonné sans état d'âme, beaucoup. Ces histoires minuscules ont été pour moi comme des maisons en paille. Puissent-elles un instant abriter un lecteur et servir à le distraire, avant qu'un vent léger ne les disperse. F. Champault
Texte intégral↑
Incompréhension entre les peuples
1Yû et moi attendions avec un plaisir anticipé le repas que nous avait promis de nous concocter le patron du Nylon Hotel. Ce nom qui semble tiré d’une histoire de Tenessee Williams pourrait inciter à croire que mon histoire se passe dans les années 40 à la Nouvelle-Orléans, mais nous étions dans l’est de la Birmanie au bord du Lac Inle et c’était la fin du XXème siècle. L’hôtel consistait en trois bicoques au toit de tôle ondulée. Deux d’entre elles servaient à loger les touristes, la troisième, où vivait la famille du patron, faisait aussi office de restaurant.
2Notre lune de miel avait commencé une quinzaine de jours auparavant. Nous n’avions pas régularisé par une procédure administrative 婚姻届 notre nouvelle vie commune, c’est la raison pour laquelle l’expression lune de miel convient mieux que voyage de noces. Cette question avait été l’objet d’un léger différend entre nous. Yû qui venait de divorcer aurait voulu faire enregistrer légalement notre couple, moi je n’en voyais pas l’intérêt. Je me serais pliée à son désir s’il avait accepté que l’on fête notre union en allant passer avec quelques amis un ou deux jours au fond d’une montagne, dans une auberge avec une source d’eau chaude 温泉. Cette idée ne le séduisait pas et nous en étions restés là. Nous avions emménagé ensemble six mois après nous être rencontrés. À peine installés, nous avions tout de suite pris nos sacs à dos, plus exactement j’avais pris mon sac à dos et Yû un sac à bandouillère, pour atterrir à Rangoon. J’avais depuis longtemps envie d’aller en Birmanie et il avait été d’accord pour m’y suivre. Si nous étions un jeune couple, nous étions censés avoir une certaine expérience de la vie. Yû avait 48 ans, moi 38. J’avais de nombreux voyages à mon actif et parlais couramment le globish, mais Yû n’était jamais sorti du Japon.
3Nous ne nous connaissions guère quand nous nous étions retrouvés à Rangoon et j’avais été un peu surprise par son incapacité totale à prononcer le moindre mot en anglais. Pas un « thank-you » pas un « hello ». Il se taisait. Avec moi non plus il ne parlait pas beaucoup, mais je plongeais avec volupté dans son regard mouillé ombré par de longs cils. Pas la moindre querelle n’était venir assombrir la découverte de ce pays, nouveau pour l’un comme pour l’autre. La pagode de Shwedagon m’évoquait Loti que Yû ne connaissait pas mais il avait lu autre chose. Et puis une telle beauté n’a pas besoin de références littéraires pour qu’on puisse en jouir. Nous avions aussi ressenti la même horreur lors d’une longue balade au cours de laquelle nous nous étions égarés, quand nous étions tombés sur des prisonniers enchaînés, forcés à des travaux de terrassement par des hommes qui les surveillaient mitraillettes aux poings. Mais comme nous étions des touristes, en pleine lune de miel qui plus est, le sentiment de révolte que nous éprouvions vis-à-vis de la dictature militaire ne nous empêchait pas de nous réveiller chaque matin éreintés et de bonne humeur ルンルン気分, dans des draps délicieusement froissés.
4Enfin… chaque matin des dix premiers jours. Le temps passant, l’énergie de Yû diminuait à vue d’oeil. Le onzième jour, il s’était mis à traîner des pieds. Le douzième, il ne me donnait son avis sur rien. Un soir nous n’avons pas fait l’amour. Il ne touchait presque plus au contenu de son assiette. Depuis le début de notre voyage, nous mangions du curry, du riz frit ou des nouilles sautées. J’avais essayé une fois une succulente salade de feuilles de thé, accompagnée de bonnes rasades de rhum-jus de litchis en boîte. Cette soirée sous le ciel tissé d’étoiles de Bagan m’avait enchantée, mais comme le jour d’après je m’étais retrouvée dans une situation de tourista aussi pathétique qu’incommodante, il m’avait semblé plus prudent de ne pas renouveler l’expérience. Yû s’était sagement abstenu, comme il ne m’avait pas suivi dans la dégustation d’abats frits sur un marché. La confrontation avec une cuisine différente de celle qu’il avait toujours mangée constituait une épreuve sévère. Sa soupe de miso 味噌汁 quotidienne lui manquait. Il déclinait.
5La situation me préoccupait quand m’est apparu un signe céleste en la personne d’un petit garçon rencontré sur un chemin, qui portait dans un sac plastique rempli d’eau, des anguilles vivantes.
6J’ai tout de suite demandé à Yû s’il serait content d’en manger.
7- Et comment !
8Au Japon, l’anguille ウナギest consommée principalement l’été. Sa haute teneur en calories est supposée compenser le manque d’appétit dû à la chaleur. Ses vertus roboratives en font aussi un plat recommandé pour toutes les personnes en perte de vitesse. J’espérais donc cette réaction enthousiaste.
9À ma requête, le patron du Nylon Hotel m’a répondu que nous aurions sans faute de l’anguille pour le dîner du jour suivant.
10Le lendemain, la journée s’est écoulée dans un sentiment d’euphorie totale. Yû parce qu’il salivait à l’idée de manger de l’anguille et moi parce que j’étais ravie de le trouver content. Nous avons fait un grand tour en pirogue dans le dédale des jardins flottants du lac. Et brusquement, dans la torpeur du clapotis de l’eau, j’ai entendu derrière moi une voix de baryton entonner Dêêêbî Dêbîîî Kuroketto, ぼくの憧れ... Yû, si sérieux, si peu expansif d’habitude, s’était mis à chanter avec conviction la chanson de Davy Crockett.
11- Tu as vu le feuilleton ?
12- Oui, autrefois, quand j’étais petit. Je ne sais pas pourquoi, je viens de m’en souvenir.
13Et nous nous sommes mis à brailler ensemble la chanson, lui en japonais, moi en français. Nous ne nous souvenions guère des paroles qui en plus sont différentes dans les deux langues et au milieu de bribes de texte et de la-la-la-la, nous nous retrouvions pour psalmodier le nom de Davy Crockett auquel Yû ajoutait parfois 「得意の射撃」 et moi « l’homme qui n’a jamais peur ». Mes inquiétudes s’envolaient. Nous allions vivre une vie d’aventures en parfaite harmonie avec le monde. Des Peaux-Rouges nous adressaient des signes amicaux du rivage. Il m’a semblé voir un raton laveur se glisser dans l’eau.
14Au soleil couchant, c’est dans notre nouvelle peau de trappeurs fourbus que nous sommes rentrés au bivouac. Sainte Anguille faisait des miracles. Mais j’avoue qu’à force d’en parler, j’aurais aussi bien mangé des croquettes.
15Le générateur électrique était en panne au Nylon Hotel. Une lampe à pétrole et des bougies nous attendaient dans le restaurant. Juste l’atmosphère qu’il fallait pour terminer la journée.
16Quand le plat d’anguilles est arrivé, je me suis jetée sur lui avec entrain. Quelque chose n’allait pas. Au bout de deux bouchées, je me suis tournée vers Yû.
17Il regardait le plat d’un oeil morne et ne touchait pas à sa cuillère.
18- Qu’est-ce qui se passe ?
19- Rien, je n’ai pas faim.
20- Mais tu avais envie de manger de l’anguille, non ?
21- Oui, mais là, j’ai pas faim.
22- Tu ne veux pas goûter quand même ?
23- Laisse-moi tranquille 放っといて. Je suis fatigué, je vais me coucher.
24La fin de notre séjour s’est passée sans problème notoire, mais sans grande gaité non plus. Pourquoi n’avait-il pas voulu toucher aux anguilles tant attendues ? Je me perdais en supputations diverses. Qu’avais-je dit ? Qu’avais-je fait ?
25Yû avait perdu quatre kilos quand nous sommes rentrés au Japon. De mince, il était devenu maigre.
26Six mois plus tard, un soir, il s’est épanché, la voix étranglée :
27- Les anguilles étaient coupées en tronçons ! En tronçons ! Tu comprends ? Mais pour moi, anguille, ça veut dire kabayaki 蒲焼き...
28Cette évidence ne m’avait pas effleurée. Pour ce plat typiquement japonais, l’anguille est découpée dans sa longueur pour obtenir des bandes d’une douzaine de centimètres. Celles-ci sont grillées et recouvertes d’une sauce de soja sucrée qui leur donne une couleur rousse. Les bandes d’anguille sont ensuite déposées parallèlement sur du riz blanc, la peau du côté du riz, dans une boîte carrée en laque.
29Au Nylon Hotel, des tronçons d’anguille à la peau noire, grillés sans sauce de soja avaient été jetés pêle-mêle dans un grand plat, accompagnés de morceaux de citron qui n’avaient rien à faire là. Le riz avait été servi à part. Il n’y avait pas eu de boîte.
30Une déception cruelle avait submergé Yû. Ce qui se trouvait sur la table offrait un spectacle dégoûtant.
31Les kilos qu’il avait perdus avaient été pour moi un lourd poids à porter. Son aveu soulageait ma conscience, je n’étais donc pas responsable et je me suis mise à rire de bon coeur. Son regard plein de rancune m’a stoppée net. Un malentendu faisait place à un autre : je ne comprenais pas à quel point cela avait été dur pour lui, non seulement les anguilles, mais de se retrouver dans un pays dont il ne comprenait pas la langue, dans un pays où il était allé juste pour me faire plaisir, parce que la Birmanie, franchement.
32Ce soir-là, je me suis fait griller un steak. Il était un peu dur mais j’ai pris un méchant plaisir à le déchiqueter avec mon couteau et ma fourchette, pendant que Yû, impassible, mangeait son riz blanc 白ご飯 avec des baguettes.
33C’est sur le Lac Inle que j’ai chanté pour la dernière fois la chanson de Davy Crockett.
La porte
34Quand j’ai voulu refermer derrière moi la porte de l’entrée, je me suis rendue compte qu’elle avait été fracassée. Enfin, j’ai toujours tendance à l’exagération, comment vous dire, elle n’était pas sortie de ses gonds, mais à environ soixante-dix centimètres du sol un de ses caissons avait été violemment frappé et repoussé vers l’intérieur, il ne tenait plus que par son bord supérieur. Je ne sais pas si le mot « caisson » est exact, c’est une porte en bois composée de rectangles en reliefs agrémentés de losanges (que j’appelle caissons) qui font penser au style Louis XIII, sauf qu’il s’agit d’une porte japonaise, année 1970.
35Je me suis accroupie. Au milieu de la fine couche de poussière qui recouvrait le bois, se dessinait très clairement la marque un peu grasse d’une partie de la plante d’un pied nu et de quatre orteils. Un pied d’homme. Bigre.
36Je dormais au premier étage et n’avais rien entendu. Qui pouvait se promener nu-pieds dans la nuit et éprouver tant d’hostilité envers moi ou envers ma porte ?
37Celle-ci, très grande, a un côté un peu prétentieux par rapport à la maison elle-même qui n’a rien d’un château. Elle est aussi démodée, les autres maisons du quartier ont des portes fabriquées dans des matériaux composites modernes et pas de caissons, mais j’ai du mal à imaginer un esthète obsédé par elle au point de ne pas pouvoir dormir et sortir de chez lui en pyjama pour lui flanquer un bon coup de pied libérateur, pan ドカーン.
38Si ce n’était la porte, c’était donc moi. Mais pourquoi ?
39J’allais être en retard à la fac. J’ai donné un tour de clé à ma porte partiellement éventrée, et suis partie au trot.
40De retour dans mon quartier vers dix-neuf heures, je me suis empressée de passer au poste de police pour que l’on me suive, que le dégât soit constaté et que l’on fasse, si possible, quelque chose. Deux agents m’ont tout de suite suivie, presque enthousiastes. Mon histoire de porte rompait le calme plat habituel.
41Je renâcle à l’avouer, mais ma stupéfaction du matin a fait place à un sentiment d’inquiétude, je suis tenaillée par une peur trouble, moi qui me prenais pour Ivanhoé et Tarzan réunis quand j’étais petite, allons, allons.
42Me voici donc devant la porte avec les deux agents. On suppute, on argumente. Selon eux, c’est un passant saoul qui a donné un coup de pied dans ma porte comme il aurait tapé dans une boite de conserve. Mais pour avoir accès à ma porte, il faut d’abord ouvrir la grille de l’entrée et traverser un jardinet, minuscule certes, mais quand même. Cela ne peut avoir été qu’intentionnel, c’est ma porte qui a été visée et pas n’importe laquelle. Une tentative de cambriolage est à exclure, les voleurs ne s’y prennent pas comme ça, nous sommes d’accord sur ce point.
43Un type ivre, c’est probable. Il portait des sandales et dans l’élan du coup de pied il en a perdu une qu’il a renfilée après.
44Pourquoi pas ? Mais qui ? Est-ce que je me connais des ennemis, quelqu’un qui pourrait m’en vouloir ?
45Cette question m’a agacée comme un mal de dents toute la journée. La seule personne qui me vient à l’esprit est mon ancien concubin qui m’a quitté fort mécontent. Au quotidien c’était un homme sensible et prévenant, mais quand il était ivre, ce qui lui arrivait souvent, j’avais l’impression que ses yeux se retournaient à l’intérieur de son crâne, où je les imaginais prisonniers d’un magma de nerfs, de veines, de sang. Il se transformait alors en une espèce de char d’assaut plein de détestations du monde. Il y avait eu des assiettes cassées, des objets lancés contre les murs et aussi quelques coups à mon endroit. Je ne vois que lui, mais cela fait deux ans que nous ne vivons plus ensemble et que je n’ai plus de ses nouvelles. Un si tardif accès de mauvaise humeur me semble fort peu probable. Je m’abstiens de parler de lui. Si la police le contactait et qu’il n’y est pour rien, il risquerait de ne pas être du tout content, ce serait malin.
46Les flics me déclarent qu’ils vont faire des patrouilles dans le quartier, comme ça je peux être rassurée. Mais je ne veux pas qu’on nous abandonne déjà, moi et ma porte trouée comme s’il lui était poussé une bouche ouverte sur un cri muet. Et cette empreinte de pied, ils ne peuvent pas faire quelque chose ? C’est une preuve ça, non ? On distingue nettement les orteils. Qu’ils prennent une empreinte ! En japonais, il n’y a pas de mot spécifique pour orteil. Il n’y a pas à tergiverser, il s’agit bien d’empreintes digitales 指紋.
47Les flics se concertent, l’un prend son portable, et un quart d’heure après arrive un autre larron avec un matériel pour prendre les empreintes ainsi que son mode d’emploi qu’ils commencent à potasser sous mes yeux, allons bon. Très vite, ils réalisent qu’on ne peut prendre les empreintes que sur un plan horizontal. Comment faire ? J’émets l’idée qu’il n’y a qu’à sortir la porte de ses gonds, mais elle n’a pas l’air de leur plaire. Aguicheuse, j’ajoute qu’un donneur de coups de pied en série n’est pas à exclure. Ils seront auréolés de gloire s’ils le coincent, mais pour cela, il faut prendre une empreinte. Celui qui a l’air d’être le chef me répond sur un ton sévère que la police n’a pas de registre avec les empreintes des doigts de pieds des criminels. J’en avais trop fait.
48C’était la saison des pluies et il pleuviotait シトシト. Nous étions mouillés, pas trempés, mais un peu mouillés malgré les parapluies qui nous encombraient, tous les quatre dans mon jardinet. J’ai entendu un flic grommeler qu’il commençait à se faire tard. Je ne les amusais plus. J’avais faim, je les ai laissés partir avec la promesse qu’ils allaient bien surveiller le quartier et puis je me suis dépêchée de me concocter un copieux frichti. Après avoir dîné, j’ai téléphoné à ma propriétaire qui a envoyé le lendemain son mari pour bricoler ma porte, deux planches, quatre clous.
49J’ai fort mal dormi pendant une semaine, et puis la pluie a tout lavé ou bien l’alcool a tout noyé. Au choix.
50Quatre mois plus tard, le lendemain d’un retour à Tôkyô après un séjour d’un mois en France, je me suis réveillée très tôt et j’en ai profité pour téléphoner à un ami à Paris. Là-bas, il devait être dans les dix heures du soir. À peine ai-je eu le temps de lui dire que les choses avaient l’air d’être restées à leur place de ce côté du monde que boum-boum-crack-boum. Un bruit épouvantable au rez-de- chaussée, accompagné de hurlements répétés : バカヤロウ!殺してしまうぞ! « je vais te faire la peau, salope », quelque chose d’approchant. Après avoir brièvement demandé à mon ami de prier pour moi, j’ai raccroché et dévalé l’escalier. Par la fenêtre du couloir de l’entrée, Shining.
51Un homme, la quarantaine, le visage tordu par la rage. Il tape comme un forcené sur ma porte. Avec les poings, pas avec les pieds, la porte résiste. Lui titube, il a dû boire toute la nuit.
52- Mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous avez ?
53Ignorant mon bredouillement qu’il n’a peut-être même pas entendu, il continue à frapper ma porte et à réitérer avec des accents très convaincants son intention de faire la peau à la salope que je suis.
54Que faire s’il enfonce la porte et qu’on se retrouve face à face ? Je suis en pyjama, complètement ahurie, en plein jet-lag, je ne me sens pas du tout l’envie de vérifier s’il me reste quelque chose de mon entraînement au karaté qui date du XXème siècle.
55La police, il me faut appeler la police.
56Fébrile, je fais le 12, ça ne donne rien. Plus tard, j’ai réalisé qu’il s’agit de l’ancien numéro français des renseignements, mais sur le coup, prise de panique, complètement court-circuitée je suis. Je file au premier étage et je sors sur le balcon pour appeler au secours tout en pensant que la vie réserve bien des surprises, jamais je ne me serais attendue à me retrouver un jour à 5 heures du matin sur un balcon nippon, en train de crier : 助けてください!
57Tout le monde dort encore, pas de réponse. Je manquais un peu de conviction dans mes premiers appels plutôt faiblards, mais comme en bas les coups ne s’arrêtent pas, ma voix prend de l’assurance - appeler au secours, c’est comme en tout domaine, pour bien faire, il faut un minimum d’entraînement -, et bientôt je rugis comme si j’avais fait ça toute ma vie. Une fenêtre s’ouvre, c’est monsieur Tanaka, un vieux monsieur qui est venu s’installer là avec sa femme il y a deux ans. Au moment de son emménagement, il est venu me faire avec sa femme les salutations d’usage. Je ne l’avais pas revu depuis.
58- Le numéro de la police s’il vous plait !
59- Le 110. Est-ce que je peux faire quelque chose ?
60- Non, ça ira.
61Je ne suis pas convaincue de ce que je dis, mais monsieur Tanaka est vieux et tout petit, l’air si fragile. Je ne vois pas ce qu’il pourrait faire face à cet homme dans la force de l’âge et en furie. Il est tout de même sorti dans la rue, et de loin, a incité plusieurs fois mon agresseur à se calmer. Mais quand l’homme s’est avancé vers lui, il s’est esquivé et est retourné dans la profondeur de sa maison. Il ne pouvait rien faire de plus.
62J’ai appelé le 110. Dix minutes après, cinq flics étaient là. L’intervention de Tanaka n’avait peut-être pas été inutile, ou bien mon agresseur s’était un peu fatigué, toujours est-il qu’il criait et tapait moins, mais il restait là, collé contre ma porte qui avait l’air maintenant de lui servir aussi à l’aider à se maintenir debout.
63D’une voix pâteuse et un peu enrouée, il a expliqué qu’il s’appelait Nakabayashi, qu’il était mon voisin de droite et que mes tapages nocturnes répétés étaient insupportables, alors voilà, vous comprenez n’est-ce pas.
64Un agent a sonné à la porte de sa maison. Sa soeur, dans les 45 ans, en est sortie, se confondant en excuses. すみません、すみません、申し訳ありません。
65Il vivait avec elle et leur mère qui ne pouvait pas quitter le lit, d’après ce qu’elle a dit.
66Plus que surprise, elle avait l’air très fatiguée.
67Mais au fait, n’était-ce pas Nakabayashi qui avait cassé ma porte quelques mois auparavant ?
68- Bien sûr que si ! Tu le mérites bien, putain de merde de salope チクショウ! バカヤロウ!
69Comme il faisait mine de se jeter sur moi, deux agents l’ont ceinturé.
70Il m’arrive de faire des fêtes avec des étudiants, une ou deux fois par an. À l’une de ces occasions, il s’était signalé vers 23 heures pour dire qu’on faisait trop de bruit. Je m’étais copieusement excusée, lui avais proposé de venir prendre un verre qu’il avait refusé, et après nous avions mis la sourdine. Cet incident m’était complètement sorti de l’esprit.
71La nuit où ma porte a été défoncée, j’étais seule.
72La soeur de Nakabayashi l’a entraîné chez eux et les flics m’ont dit qu’ils repasseraient le voir bientôt, à un moment où il ne serait pas fin saoul pour lui faire la leçon. Quand j’ai suggéré que je pourrais peut-être porter plainte, quelque chose de ce genre pour qu’il reste une trace, ils m’ont répondu que cela leur semblait exagéré pour ne pas dire franchement déplacé. Nakabayashi avait avoué avoir cassé la porte, mais cette porte appartenait à ma propriétaire, c’est elle qui était concernée. Consternation totale. Jusqu’alors j’avais toujours considéré cette porte comme la mienne, je l’utilisais plusieurs fois par jour, elle ne se faisait jamais prier pour s’ouvrir, jamais le moindre grincement, une relation fusionnelle. Alors, de réaliser que ma porte n’était pas celle que je croyais, qu’elle ne dépendait pas de moi mais de ma propriétaire, ma propriétaire qui n’avait pas touché sa poignée depuis plus de dix ans, j’ai ressenti ça comme une trahison. Mon sang n’a fait qu’un tour. Dès que les flics sont partis, je suis rentrée chez moi, j’ai ouvert les placards de la cuisine, le frigo, j’ai pris tout ce qui me tombait sous la main et me suis fait un petit-déjeuner de tous les diables. J’ai tendance à faire bombance dès que j’éprouve un désagrément.
73Plus tard, ma propriétaire m’a grondée, il ne fallait pas faire de bruit la nuit, et non, elle n’avait pas l’intention de porter plainte, ni même de réclamer à mon voisin de payer une porte neuve. Je pouvais bien me contenter des planches clouées à la hâte par son mari. Mais oui, dans le fond cela me semblait même intéressant de garder une trace de ce qui s’était passé. Par la suite, je ne me suis pas privée, quand des gens venus chez moi remarquaient le rafistolage de la porte, de raconter ma petite histoire.
74Pendant quelque temps, j’ai vu une voiture de police passer très lentement dans la rue le soir.
75Je n’ai recroisé qu’une fois Nakabayashi. Je me suis inclinée légèrement comme c’est l’habitude quand on rencontre quelqu’un que l’on connait, lui est resté raide, et m’a jeté un coup d’oeil oblique et dur. J’ai revu sa soeur un matin, au moment de sortir les poubelles. Je lui ai demandé comment allait son frère, mais elle n’a pas voulu me répondre.
76Parfois j’imagine que leur mère n’est pas grabataire comme elle l’avait annoncé, mais qu’elle est morte, momifiée quelque part dans la maison, et qu’ils vivent tous les deux de sa pension de retraite. Ce genre de fait divers a défrayé la chronique il n’y a pas si longtemps. Autre hypothèse : leur mère est bien vivante, si impitoyable et despotique qu’elle a empêché ses deux enfants de convoler. Ces deux-là s’aiment peut-être aussi d’un amour tendre. Ou encore les trois personnes vivent tout simplement côte à côte, dans un ennui gris.
77J’habite maintenant ailleurs et ne connaitrai jamais la réalité de leur vie.
78Le lendemain de tout ce tapage, je suis allée sonner à la porte de monsieur Tanaka, mon héros, mon sauveur, pour m’excuser de l’avoir dérangé et le remercier. J’avais un dingue comme voisin en la personne de ce Nakabayashi, mais au moins monsieur Tanaka était un homme sur lequel je pouvais compter.
79Il a d’abord eu l’air étonné et puis il a souri, il avait remarqué la petite boite de chocolats que je tenais entre les mains.
80- Vous connaissez bien les coutumes japonaises, c’est comme cela qu’on fait au Japon. Quand on emménage quelque part, on va saluer les voisins avec un petit cadeau手土産. Vous vous appelez comment ? Où habitez-vous ?... La maison avec le toit en tuiles japonaises bleues ? Ah très bien, très bien...
81Derrière lui, sa femme m’a fait une petite courbette avec une expression d’impuissance désolée.
La radio des voisins
82J’étais à Paris au tout début du mois de mai 2011. Au milieu d’une soirée ni sombre ni ombrageuse, alors que je jouissais, seule, de je ne sais quelle volupté, je reçus un appel téléphonique d’une vieille connaissance, M.T., que je n’avais pas vu depuis quelques années. Elle me demandait expressément de venir chez elle un soir, avant que je retourne au Japon. C’est une vieille amie de ma mère, je la connais depuis que je suis toute petite, j’ai accepté. Mais j’avais déjà acheté un billet retour pour Tôkyô trois jours plus tard et je n’avais plus guère comme disponibilité que deux ou trois heures en fin d’après-midi le lendemain.
83- Viens donc prendre l’apéritif.
84Et c’est comme ça que je me suis retrouvée au dix-septième étage d’une tour de grand standing près de l’hôtel Nikko, à boire du gin-tonic.
85M.T. m’avait expliqué en quoi elle pensait que je pouvais lui rendre service, mais j’avais limité mes interventions au strict minimum car la communication téléphonique est toujours ardue avec elle. M.T. est dure de la feuille et même sourde comme un pot. Quand on lui fait face, tout se passe bien. Il y a bien longtemps, avec la volonté et la ténacité dont elle est coutumière, elle a appris à lire sur les lèvres.
86Voici ce dont il était question : depuis deux longues années, ses voisins du dessus mettent leur radio-réveil à 6 heures du matin, 5 heures 59 à son réveil exactement, ça fait un vacarme épouvantable, elle entend juste qu’il s’agit de paroles, de mots qu’elle n’arrive pas à distinguer les uns des autres (ce n’est pas de la musique), et cela dure pendant une heure. Comme beaucoup de vieilles personnes, M.T. a un sommeil fragile. Mais depuis deux ans, hantée par cette foutue radio des voisins, par ce déluge de mots criards et incompréhensibles qui commence à se déverser pile à 5:59, quand elle se réveille dans la nuit elle n’arrive plus à se rendormir et se demande si elle ne va pas devenir folle. Paniquée à l’idée d’être réveillée en sursaut par cette logorrhée informe, elle se réveille de toutes les façons à cinq heures cinquante-cinq. Elle a tout essayé pour faire cesser cette situation, mais les voisins ne veulent rien entendre (si j’ose écrire). Son dernier espoir réside en moi car ils sont de nationalité japonaise et ne parlent pas le français.
87Me voici donc avec un verre de gin-tonic, assise dans un canapé de cuir crème, lui-même posé sur une moquette corail. Je remue un peu les glaçons qui font glin-glinカランjuste pour moi.
88M.T. a toujours été très brillante. Dans les années 70, alors que Meetic n’existait pas, elle s’est inscrite au club Mensa qui n’accepte que ceux qui ont un Q.I. de plus de 130, une idée parmi de nombreuses autres, toutes aussi infructueuses, pour tenter de découvrir l’âme soeur. À 86 ans, ses facultés intellectuelles ne semblent avoir diminué en rien. Pour le reste, le tableau n’est pas gai. Elle ne voit plus que d’un oeil et encore très mal, ne peut plus du tout se servir de son bras droit, sa main gauche fait au mieux office de pince. Les jambes fonctionnent encore, mais pour de courtes distances me précise-t-elle. Enfin, elle est, comme je l’ai déjà écrit, très sourde. Professeur de mathématiques, elle a profité de sa retraite pour entreprendre une analyse, mais elle a aussi vu ses amis, dont ma mère, mourir, ou devenir encore plus abimés qu’elle, complètement impotents quand ce n’est pas gâteux. Elle a toujours été anti-télévision et comme elle a refusé de se mettre à l’ordinateur, elle passe maintenant plus de huit heures par jour à lire, mais pas très vite, car les mots se font de plus en plus difficiles à déchiffrer sur la page. Elle vient de terminer La Porte de Magda Szabó qu’elle me conseille. Sinon, elle me fait l’impression d’avoir gardé l’habitude des ouisekis bien tassés le soir. Depuis la dernière fois que je l’ai vue, elle a maigri, une de ses épaules beaucoup plus haute que l’autre lui donne un air de traviole, elle qui s’est toujours tenue au garde-à-vous. Mais elle garde une vivacité inchangée dans sa façon de parler et même de bouger, aussi incroyable que cela puisse paraître au vu de ses différents handicaps.
89- Vous n’avez pas essayé d’entrer en contact avec vos voisins ?
90- Mais bien sûr que si ! Je leur ai écrit plusieurs lettres recommandées en anglais, pas de réponse.
91- Et directement ?
92- Une fois j’ai sonné chez eux le soir. Le mari n’était pas là, il n’y avait que sa femme avec ses deux petits enfants. Je crois qu’ils vont à l’école japonaise. Elle est sortie sur le palier. Elle ne comprenait rien. Elle m’a passé son portable, j’ai eu son mari, je lui ai parlé en anglais, je ne sais pas s’il a compris ce que je lui disais, moi je n’ai pas compris ce qu’il m’a répondu. En tout cas, rien n’a changé. J’ai cherché dans l’annuaire, ils n’ont pas de ligne fixe. Ces gens-là sont d’extrêmement mauvaise composition, il y a trois ans j’ai eu un dégât des eaux venant de chez eux. Lettres d’assurance, etc., rien n’y a fait, c’est moi qui ai dû envoyer un plombier chez eux et prendre toutes les réparations à ma charge. Mais ce n’est qu’il y a deux ans qu’ils se sont mis à faire beugler leur radio. J’ai contacté leur propriétaire, il s’en fout. Tu comprends, du moment qu’il touche son loyer... Il m’a sorti « ces gens ne sont pas comme nous, il faut les comprendre. » Tu parles ! J’en ai aussi parlé aux flics, j’ai déposé deux mains courantes. Ça ne sert rigoureusement à rien. J’ai même écrit à l’ambassade. J’en ai parlé à toutes les personnes que je connais, la seule idée qu’on m’ait suggérée, c’est de faire venir un huissier tous les matins pendant une semaine. Il n’y aurait que ça qui ait un poids juridique. Non mais tu te rends compte...
93Après une pause, elle ajoute, accablée :
94- Cette radio, j’y pense tout le temps, je n’en peux plus.
95- Vous avez dit une radio...
96- Oui, pourquoi ?
97- Ben, ça m’étonne, les Japonais n’en utilisent pas. D’habitude, ils ont des réveils qui font bip-bip ビービー et après ils allument la télé, je crois.
98- Est-ce que les télés ont des systèmes de mise en marche automatique comme les radio-réveils ? Ça commence pile toujours à la même heure, il faut que cela soit une machine programmée.
99Je ne savais pas. J’ai posé mon verre et je suis montée à l’étage supérieur, contente à vrai dire de mon importance, contente à l’idée de pouvoir, peut-être, être enfin utile à quelque chose sans trop me fatiguer.
100Dring リイン.
101Une jeune femme, l’air complètement paumé et apeuré, m’entrouvre la porte. Je lui fais le topo, avec le maximum de circonvolutions dont je suis capable en Nippon. Elle me répond avec une exquise politesse qu’elle a déjà entendu parler de cette histoire, mais qu’elle est désolée de ne rien pouvoir y comprendre. Et puis malheureusement son mari n’est pas là, il n’est pas là souvent : il a beaucoup de déplacements. Je lui demande avec une encore plus grande courtoisie si elle verrait un obstacle à ce que j’aille vérifier les lieux : jeter un coup d’oeil à sa chambre à coucher, juste au-dessus de celle de M.T. En suivant impeccablement le manuel de bienséance, elle me parle du grand désordre qui règne chez elle, mais me prie d’entrer. 大変散らかっていて申し訳ありませんが、どうぞお上りください。
102Pour le peu que j’en sais, car les Japonais ne reçoivent guère chez eux, leurs intérieurs sont souvent bordéliques. Mais ça...
103Devant moi, le salon. Un canapé, au même endroit que celui de M.T. Sur le canapé, deux petits garçons à moitié habillés qui me regardent un instant, mais qui se retournent tout de suite vers la télé devant eux. Ils ont du pain qu’ils grignotent dans leurs mains. Aucun autre meuble. Par terre, des T-shirts, des paquets de chips vides, des chaussettes, des emballages d’esquimaux, des slips, des boites de nouilles instantanées vides (札幌味噌ラーメン), des baguettes jetables qui ont été jetées par terre, des mouchoirs en papier utilisés, des boites-repas en plastique avec des restes de nourriture recroquevillés dedans, des magazines déchirés, des épluchures de pomme, des sacs en plastique. J’ai ôté mes chaussures dans l’entrée, sous un de mes pieds enchaussettés craque un os de poulet. Et ça continue dans le couloir vers la chambre, emballages vides, fringues, petits sachets de sauce de soja non ouverts, machins indéfinis. Comme si cet appartement n’était depuis longtemps habité que par des enfants abandonnés. Et dans la chambre c’est pareil, sauf qu’il y a des matelas par terre. Mais pas de télé, pas de radio, pas de console vidéo non plus.
104En partant à reculons, je m’excuse platement. J’aurais envie de dire « si je peux faire quelque chose... », mais je prends l’avion deux jours plus tard. Bonne excuse.
105De retour dans l’appartement de M.T., je lui raconte ce que j’ai vu et ma perplexité.
106- La structure des immeubles est parfois surprenante, le bruit que vous entendez vient peut-être d’un autre appartement ? Plus haut ? Plus bas ?
107- Je suis sûre que ce n’est pas plus bas.
108- Un matin, vous devriez aller voir dans l’escalier. Et là où vous entendrez du bruit, sonnez et protestez. Même si la Japonaise ne parle pas français, elle comprendra.
109- Ça ne serait pas facile, me fait M.T. dubitative.
110Je regarde son corps si frêle, si rétréci. Je me rappelle son gros problème d’audition que j’oublie toujours quand on se parle de face. Gênée, je reprends :
111- Il n’y a pas un de vos neveux, un de vos amis auquel vous pourriez demander ça ?
112Elle réfléchit un peu, et me répond sur un ton aussi neutre que catégorique :
113- Personne.
114Et moi ce soir-là, je n’ai vraiment pas envie de rester. Et je l’embrasse. Et je m’en vais. Morveuse. Et je prends l’avion. Et me voici au Japon.
115Et puis, il y a deux jours je reçois un coup de fil de M.T., voix pleine d’entrain.
116- Tu sais, j’ai suivi ton conseil. À 6 heures du matin, je suis même allée jusqu’au 24ème étage. Pas de bruit. Rien. Chez les Japonais, rien non plus. Je ne savais plus quoi penser, quand je me suis retrouvée devant ma porte, et tu sais quoi ? Il y avait un boucan infernal qui venait de l’intérieur. Je suis rentrée et franchement, c’est ridicule, c’était ma radio, ma radio dans ma chambre qui était en marche ! Je ne l’écoute plus depuis au moins dix ans, je n’entends plus rien. Mais j’imagine que c’est moi ou la femme de ménage qui l’a enclenchée par mégarde, en la déplaçant par exemple. Et que par hasard elle était programmée sur 5:59. Quelle bêtise quand même. Deux ans !
117En me rappelant le goût de M.T. pour le whisky, je me suis dit qu’il y avait des chances pour que cela soit elle. Moi qui abuse du saké日本酒, j’ai parfois la main hésitante le soir. Et puis j’ai lancé :
118- Votre histoire, mais c’est La Lettre volée !
119- .... ?
120- Mais-si,-vous-sa-vez, La-Let-tre-vo-lée-de-Poe (ça ne sert à rien de parler plus fort, il faut juste essayer de bien articuler). Tout le monde la cherche, personne ne la trouve, elle est cachée dans un lieu trop évident. La-let-tre-vo-lée !
121- Je ne connais pas La Lettre gelée.
122- ... Bon... vous êtes contente, alors, maintenant ?
123- Euh oui bien sûr, mais je me réveille toujours à 5 heures 55, l’habitude…
124Et moi qui vis dans un autre lieu dans un autre temps, j’imagine M.T., réveillée dans l’aube parisienne terne, à cinq heures cinquante-cinq précises. Je pense à la jeune mère de famille japonaise, perdue aux pieds de la Tour Eiffel. Et je pense aussi qu’il serait bien temps que je fasse le ménage. Allons-y.
Pour citer cet article↑
Françoise Champault, « Petites chimères japonisantes », L'ethnographie, 2 | 2020, mis en ligne le 20 mars 2020, consulté le 12 octobre 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=408Françoise Champault
Docteur en études extrême-orientales, ancienne chercheure à la Maison-franco-japonaise, Françoise Champault a été professeure titulaire de culture française à la faculté des arts libéraux de l'Université de Saitama. Ses recherches ont porté sur les arts martiaux et le changement culturel au Japon.