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L'Ethnographie

Analyse critique et enjeux territoriaux : pour une anthropologie flexible du patrimoine culturel immatériel

Critical analysis and territorial issues: for a flexible anthropology of intangible cultural heritage

Laurent Sébastien Fournier

Janvier 2023

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.1319

Résumés

Les anthropologues traitant du patrimoine culturel immatériel (PCI) doivent de plus en plus naviguer entre expertise territoriale et analyse critique. Ainsi, ils sont pris dans une double contrainte souvent identifiée à une opposition entre recherche «  appliquée  » et recherche «  fondamentale  ». Leur appréhension du PCI doit donc être très flexible. Sur le terrain, ils doivent former les communautés à l’utilisation des outils anthropologiques et à l’autocritique. En collaboration avec les institutions en charge de la valorisation du PCI, ils doivent montrer comment leur discipline sera utile aux politiques culturelles. Discutant de leurs découvertes avec leurs collègues, ils doivent leur faire comprendre les spécificités du terrain étudié. Du matériel empirique lié au cas des géants et dragons processionnels d’Europe occidentale (France, Belgique) sera utilisé ici pour alimenter notre démonstration.

Anthropologists dealing with intangible cultural heritage (ICH) must increasingly navigate between territorial expertise and critical analysis. Thus, they are caught in a double constraint often identified with an opposition between “applied” research and “fundamental” research. Their understanding of ICH must therefore be very flexible. On the field, they must train communities in the use of anthropological tools and in self-criticism. In collaboration with the institutions in charge of promoting ICH, they must show how their discipline will be useful to cultural policies. Discussing their findings with their colleagues, they must make them understand the specificities of the field studied. Empirical material related to the case of the processional giants and dragons of Western Europe (France, Belgium) will be used here to feed our demonstration.

Texte intégral

1Dans cet article, je souhaite démontrer que les anthropologues qui s’occupent du patrimoine culturel immatériel (PCI) sont aujourd’hui pris dans une double exigence : ils doivent à la fois répondre à des enjeux pratiques de recherche appliquée car leurs travaux contribuent à la valorisation des ressources patrimoniales locales, qui est un enjeu politique toujours croissant à l’échelle des territoires observés, mais ils doivent aussi maintenir une posture de recherche fondamentale car le PCI constitue un enjeu épistémologique pour leur discipline. Entre la nécessité pratique de rédiger des «  dossiers de candidature  » destinés à l’UNESCO, et la volonté de produire des «  analyses critiques  » concernant les manières dont les communautés conçoivent et valorisent leur propre patrimoine culturel, il me semble possible de proposer une anthropologie plus flexible que par le passé, c’est-à-dire une anthropologie qui combine recherche appliquée et recherche fondamentale, plutôt que de les opposer. Une telle flexibilité paraît de plus en plus nécessaire dans la perspective collaborative et constructive d’une valorisation et d’une dynamisation de la mémoire des lieux et des territoires par une meilleure connaissance du PCI.

2Cet article fait donc le choix de naviguer entre expertise et analyse critique, en suivant l’idée qu’il n’y a pas de rupture fondamentale entre terrain ethnographique et théorie anthropologique, mais plutôt une continuité dont l’anthropologue peut se servir pour mieux conceptualiser sa propre position d’acteur dans les sociétés qu’il étudie, tout en se rendant utile pour valoriser leur patrimoine. Comme le dit Kristin Kuutma, «  une candidature à l’UNESCO ne tombe pas dans un espace vide, mais dépasse un format de gestion et de représentation déjà existant, bien qu’à une échelle et avec une autorité différentes  »1. Analysant avant tout le travail institutionnel de l’UNESCO, Kuutma ajoute que le PCI peut stimuler les initiatives communautaires  ; elle souligne le «  pouvoir transformationnel du concept de PCI lorsqu’il est rendu opérationnel au niveau organisationnel  »2, et explique que derrière les polémiques autour du concept de PCI se cachent de véritables effets performatifs dans les communautés.

3De telles remarques invitent à regarder le PCI par le bas et à considérer précisément ce qui se passe sur le terrain en termes de développement du patrimoine culturel lorsque les communautés sont confrontées à la nouvelle notion de PCI promue par l’UNESCO depuis 2003. Dans cet article, je m’intéresserai au cas des géants et dragons processionnels d’Europe occidentale, pour identifier les impacts du PCI sur certaines pratiques sociales, sur les rituels festifs en particulier. Cette étude de cas me permettra de préciser, dans un second temps, ce que j’entends par une anthropologie flexible. Je montrerai que cette flexibilité, quand on parle de PCI, doit être à la fois méthodologique et épistémologique. Enfin, je prendrai quelques exemples supplémentaires pour montrer concrètement comment déployer cette flexibilité lors d’enquêtes ethnographiques. Je défendrai donc l’idée selon laquelle la notion de PCI peut être particulièrement utile, non seulement pour affiner les modèles théoriques de l’anthropologie, mais aussi pour aider les acteurs du terrain à valoriser et dynamiser certaines ressources territoriales.

Le patrimoine vu d’en bas : le cas des géants et dragons processionnels

4Cet article s’appuie sur une longue expérience des politiques d’inventaire du PCI en France, et notamment sur l’observation participante d’une candidature particulière, celle des «  géants et dragons processionnels d’Europe occidentale  », qui a été reconnue par l’UNESCO dès 2005. À cette époque, j’avais été appelé comme expert par le Conseil International de la Philosophie et des Sciences Humaines, une ONG fournissant des services à l’UNESCO, afin de rédiger un court rapport scientifique sur cette candidature. L’élément culturel, composé de diverses expressions folkloriques festives réparties sur une douzaine de villes dans le sud et le nord de la France et en Belgique, avait d’abord rejoint la liste des Chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Ensuite, il a été automatiquement placé sur la liste représentative du PCI. En 2008 et 2009, grâce au ministère français de la Culture, j’ai réalisé une première étude d’impact pour comprendre les effets des politiques de valorisation du patrimoine sur les pratiques sociales locales, et plus généralement sur les territoires locaux. J’ai rendu compte de mes constats dans des publications antérieures3, indiquant notamment que la logique de patrimonialisation pourrait modifier profondément le sens des rituels festifs et de leurs éléments constitutifs lorsqu’ils se transforment brutalement en ressources patrimoniales.

5Par exemple, la Tarasque, monstre processionnel de la ville de Tarascon dans le sud de la France, s’est trouvée prise dans une nouvelle logique lorsqu’elle a été classée au patrimoine. Cette nouvelle logique est une logique de visibilité et de valorisation culturelle. Autrefois la Tarasque était un monstre qui faisait peur. Il se cachait toute l’année, et lorsqu’il sortait en cortège une fois par an à la fin juin, il était extrêmement violent. Six jeunes hommes se cachaient sous les jupes du monstre en bois et le déplaçaient dans les rues de la ville. L’effigie pouvait casser les bras ou les jambes des spectateurs et les récits historiques du XIXe siècle montrent que plus la Tarasque était violente pendant la fête et plus la foule était contente, criant rituellement «  À bèn fa  ! À bèn fa  !  » («  C’est bien fait  ! C’est bien fait  !  ») pour encourager ses élans rituels4. Sa longue queue était considérée comme particulièrement puissante. Le monstre suscitait la peur des spectateurs, mais aussi leur envie de le toucher et de s’en approcher, ce qui était considéré comme un exploit et une preuve de courage. Dans la tradition locale, ce monstre représentait clairement le mal et il peut être analysé comme tel : dans la logique traditionnelle, le rituel consistait à laisser le mal courir dans les rues une fois par an afin de l’éliminer magiquement pour le reste de l’année. De plus, le mal était paradoxalement lié à des bienfaits symboliques, ce qui est cohérent avec les perceptions du sacré dans différentes sociétés traditionnelles5.

6Dans la version christianisée de la légende locale, la monstrueuse Tarasque a ensuite été apprivoisée par Sainte-Marthe, selon une perspective chrétienne manichéenne. Il existait un deuxième rituel en juillet après le rituel plus violent de juin. Au cours de ce deuxième rituel, une jeune fille issue de la bonne société de la ville était choisie pour incarner le Saint. Le monstre était attaché par une laisse et, apprivoisé par la petite fille, il était montré au peuple et béni par un prêtre. À la fin du rituel, il était rangé jusqu’à l’année suivante. Ainsi le rituel renforçait l’axiologie  ; le monstre représentait le paganisme et la jeune fille le christianisme. Mais une fois reconnu comme patrimoine culturel, le monstre était «  apprivoisé  » toute l’année pour ainsi dire. À partir de 2008, le monstre processionnel a été exposé dans une vitrine d’un édifice public du centre de la vieille cité médiévale. Dans différents endroits de la ville, il a également été transformé en statue. Il y a donc eu un renversement complet du sens du monstre, qui est devenu bon et paisible, et appartient maintenant au monde séculier. La Tarasque n’était plus animée par ses porteurs et par la foi de ses fidèles, mais elle s’est littéralement objectivée. Ce n’était plus un monstre vivant, mais une simple effigie en bois et toile6.

7Mais la transformation ne s’arrête pas là. Par un curieux processus de syncrétisme, la relation du monstre au saint patron de la ville a été remplacée par une autre relation, qui associe le monstre à un héros de roman du XIXe siècle, Tartarin de Tarascon7. Cette nouvelle relation indique que le monstre est entré dans un nouvel espace imaginaire. Pour les enfants qui assistent aujourd’hui aux rituels festifs, le monstre est symboliquement assimilé à un lion chassé par Tartarin, car ce personnage était connu comme un célèbre chasseur de lions dans l’ancienne Algérie coloniale. Pour tous les spectateurs, et plus encore pour les enfants et les jeunes de la ville issus de l’immigration maghrébine, la Tarasque participe désormais à l’univers du roman, et n’a donc plus de rapport direct avec l’histoire des religions ni avec les valeurs et l’axiologie traditionnelle. Dans un espace méditerranéen français où le racisme et l’intolérance envers les populations immigrées sont devenus un problème social important, le nouveau récit du lion Tarasque construit un nouveau pont symbolique entre l’Europe et l’Afrique, remplaçant les interprétations chrétiennes plus traditionnelles de la légende.

8Ces observations reflètent les transformations importantes des fêtes dans le contexte de la modernité  ; les célébrations du patrimoine ne sont pas «  authentiques  »  ; elles se coordonnent avec les représentations du moment. Les dragons ne renvoient donc plus au même imaginaire qu’autrefois. Pour le grand public, les dragons évoquent aujourd’hui soit les films de Disney, soit le goût du Moyen-Âge, soit l’univers fantastique, s’ils ne sont pas transformés en lions ou autres animaux dangereux. En tout cas, ils ne sont plus liés aux mythes chrétiens.

9De même, les «  géants processionnels  » du nord de la France et de la Belgique ont été patrimonialisés, mais dans le cadre du processus de patrimonialisation, leur sens a changé. Les communautés locales ont créé de nombreux nouveaux géants. Il y a donc dans chaque communauté un rapport ambigu entre le «  type  » idéal du géant local, qui est héréditaire, et la logique pratique des communautés, beaucoup plus libre et créative au présent. Le travail de terrain ethnographique dans les fêtes montre que les communautés adoptent une approche pragmatique des politiques de l’UNESCO et les adaptent à leurs idées et à leurs besoins du moment8. Chaque année, ainsi, de nouvelles créatures sont inventées à des fins d’animation et de dynamisation des localités. C’est le cas des «  géants  » du Nord, mais aussi des «  animaux totémiques  » du Sud-Ouest de la France, qui font partie d’un même groupe de «  géants et dragons processionnels  » reconnu par l’UNESCO. Dans ce contexte, il est impossible de raisonner en termes d’authenticité sur le terrain. La liste représentative de l’UNESCO ne peut se limiter à quelques grandes figures héritées du passé. Elle doit reconnaître la créativité populaire qui est à l’œuvre dans le domaine et accepter les nouvelles effigies qui apparaissent chaque année même si elles semblent parfois bizarres, humoristiques ou décalées9.

10Dans le cadre de débats critiques autour de la notion de «  chef-d’œuvre », des communautés ont réclamé que de nombreux «  géants et dragons » mineurs soient reconnus aux côtés des figures les plus importantes de Tarascon, Pézenas, Douai ou Mons. À vrai dire, des dizaines de figures processionnelles sont concernées. Ce constat permet de dépasser les critiques habituelles que formulent les anthropologues à l’égard des politiques patrimoniales. Là où des critiques externes dénoncent les effets de stéréotypification ou de folklorisation10, l’enquête permet d’observer de nouvelles formes de créativité. Les communautés s’emparent avec pragmatisme des éléments du patrimoine et inventent de nouvelles formes : elles adaptent ainsi les politiques de l’UNESCO à leurs usages, dans un processus impliquant notamment des artistes locaux qui revisitent les traditions dans une perspective dynamique.

11Cette situation, révélée par les enquêtes de terrain, évite de limiter le débat au «  pour  » ou «  contre  » l’action de l’UNESCO. Il ne semble pas suffisant d’opposer les tenants des «  dossiers de candidature  » d’une part, et ceux de «  l’analyse critique  » d’autre part. Cette opposition est trop réductrice. En effet, être exclusivement dans un camp ou dans l’autre ne permet pas de prendre en compte tous les enjeux complexes auxquels sont confrontées les communautés dans le cadre des processus contemporains de valorisations du patrimoine. Les règles qui régissent ces deux postures épistémologiques doivent être nuancées, afin d’aboutir à une anthropologie plus flexible du PCI. C’est ce que je voudrais souligner maintenant.

PCI et flexibilité épistémologique

12Aujourd’hui, les anthropologues traitant du PCI doivent de plus en plus naviguer entre expertise et analyse critique. D’une part, il leur est demandé de renforcer les règles de l’UNESCO en aidant les communautés à rédiger leurs dossiers de candidature. D’autre part, les canons disciplinaires les exhortent à déconstruire le système de l’UNESCO et à souligner de manière critique ses limites quant à l’étude des significations complexes des cultures vivantes. Dès lors, les anthropologues sont pris dans une double contrainte souvent identifiée comme une opposition entre recherche plus «  appliquée » et recherche plus «  fondamentale ». Cependant, les choses ne sont jamais aussi simples que cela.

13Dans cet article, je veux montrer que les règles utilisées par les anthropologues pour considérer le PCI doivent être très flexibles. Lors des travaux de terrain, ils doivent former les communautés à l’utilisation des outils anthropologiques et à l’autocritique. En collaboration avec les institutions en charge de la mise en œuvre du PCI, ils doivent montrer comment leur discipline sera utile aux politiques culturelles. Discutant de leurs découvertes avec leurs collègues, ils doivent leur faire comprendre les spécificités du domaine. Pour assumer ces multiples positions à la fois, il leur faut éventuellement engager une réflexion éthique et épistémologique globale sur leur propre pratique professionnelle. Comment mettre en œuvre la flexibilité épistémologique à laquelle je fais référence ici ? En fait, cette flexibilité peut apparaître à plusieurs niveaux.

14Le premier niveau est celui des enquêtes ethnographiques, car le champ reflète les positions «  pour » et «  contre » et il est intéressant de rapporter les positions tenues par les acteurs interrogés, certains étant résolument favorables à la valorisation du patrimoine, d’autres étant plus mesurés ou plus critiques. Ainsi, les anthropologues n’ont jamais le monopole de la critique. Le débat est largement présent sur le terrain, tout comme les inquiétudes concernant les impacts potentiellement négatifs des politiques patrimoniales. Il est intéressant de noter que ces débats polarisent le champ du patrimoine culturel de manière parfois assez inattendue. Le cas du carnaval d’Alost a été instructif à ce sujet11. Nous avons observé que face aux dérives antisémites de ce carnaval, le camp «  anti-UNESCO  » rassemblait à la fois des militants d’extrême droite qui s’opposaient aux discours politiquement corrects de l’UNESCO, et des anthropologues critiques qui jugeaient dommage que l’UNESCO ait accepté sur la liste représentative un carnaval ouvert aux idées de l’extrême droite. Tous deux revendiquaient la «  souveraineté populaire » contre les règlementations de l’UNESCO. En imposant une logique institutionnelle à des rituels qui relevaient auparavant de la coutume et de l’implicite, l’UNESCO s’attire donc les critiques de tous les radicaux, qu’ils soient traditionalistes ou simplement opposés à l’institutionnalisation culturelle. En même temps, dans le camp «  pro-UNESCO  », on trouve à la fois des gens de bonne volonté qui veulent protéger la diversité culturelle locale et les droits des peuples autochtones, et des partisans du développement économique qui tentent de privilégier une logique de tourisme et de capitalisme dans l’exploitation des ressources culturelles. Dans ce contexte, il y a beaucoup d’ambiguïtés sur le terrain et il est délicat de défendre une position univoque sur le PCI.

15Le deuxième niveau concerne la production de fiches d’inventaire et de dossiers, qui nécessitent un travail conjoint impliquant la communauté et les anthropologues. Chaque rubrique du dossier est l’occasion de réfléchir aux meilleurs moyens de les compléter, afin de ne pas opposer «  rédacteurs de dossiers » non critiques et « chercheurs fondamentaux » critiques. Les capacités critiques des acteurs, celles de la communauté comme des anthropologues, s’expriment en réalité dans l’exercice de la rédaction, que l’on peut critiquer comme un exercice d’écriture et donc de mise en ordre des données, mais qui est en même temps un moment de réflexion et de partage d’informations avec les communautés. La difficulté de l’exercice de rédaction des dossiers réside dans le fait qu’il faut arriver à décrire objectivement les faits, tout en laissant la possibilité à une pluralité d’interprétations. Les fichiers doivent être lisibles par tous, et de ce point de vue ils sont descriptifs plutôt que critiques. Mais ils doivent respecter la diversité des opinions et des valeurs des acteurs qui contribuent aux rituels qu’ils décrivent. Le problème posé ici est propre à la culture écrite, car celle-ci tend à fixer des choses qui en réalité restent flottantes. La liberté interprétative de la performance rituelle devient un sens imposé dans l’exercice linéaire d’une description écrite. C’est dans cette perspective que Jack Goody parle de «  réduction graphique  » pour désigner la trahison opérée par toute écriture qui tente de retranscrire la richesse constitutive des cultures orales et des performances rituelles12.

16Le troisième niveau est lié à la restitution des dossiers produits, qui alimentent un débat et des commentaires de la part des communautés concernées, mais aussi vis-à-vis des opérateurs culturels commanditaires des dossiers. Dans le cadre du processus de restitution du patrimoine, l’anthropologue agit comme médiateur culturel auprès de la communauté qu’il a étudiée et dont il a documenté les pratiques. Il a d’abord décrit ces pratiques dans les termes attendus par les institutions culturelles ; il doit maintenant revenir dans la communauté pour rendre compte du travail qu’il a accompli. Dans cet exercice délicat, l’anthropologue devient traducteur. Il a un rôle de médiateur, entre les lobbies locaux d’une part, et les acteurs institutionnels d’autre part. La relation complexe entre recherche appliquée et recherche fondamentale s’exprime alors dans des formes spécifiques qui favorisent la restitution du processus de valorisation du patrimoine : conférences, débats, projections de films, voire spectacles participatifs... L’analyse critique du patrimoine culturel, qui était à l’origine du processus de documentation anthropologique des pratiques, se transforme en un processus de création vécu collectivement, dans lequel anthropologues et interviewés se retrouvent côte à côte et peuvent, ensemble, commenter les propositions des institutions culturelles. Dès lors, chacun est appelé à participer de manière pragmatique à un travail collectif de redéfinition de la culture locale.

17À travers ces différents niveaux d’accomplissement du processus de patrimonialisation, les anthropologues doivent constamment naviguer entre deux postures qui semblent contradictoires, mais qui en réalité sont complémentaires : d’une part ils doivent témoigner de l’utilité de leur discipline pour l’élaboration d’une politique culturelle locale ; d’autre part, ils ne doivent pas perdre de vue la nécessité d’exercer un regard critique et réflexif sur les réalités qu’ils observent. La notion classique d’« observation participante »13 est tout à fait appropriée pour exprimer l’ambiguïté de la position de l’anthropologue, à la fois critique et participative. De ce point de vue, les processus actuels de patrimonialisation sont intéressants car ils conduisent l’anthropologie à appliquer une méthodologie classique sur des terrains contemporains.

18Un autre aspect important du processus concerne la relation entre les anthropologues et leurs commanditaires, en premier lieu les agents des ministères chargés de réaliser l’inventaire du PCI dans les différents États-parties14. Là encore, la flexibilité apparaît comme une nécessité, afin d’établir un dialogue productif avec les institutions culturelles et de développer des contenus qui reflètent la réalité observée. Les anthropologues doivent ici négocier avec les pouvoirs publics pour traduire les paroles des communautés dans la langue des dossiers d’inventaire.

19La flexibilité épistémologique doit donc concerner la phase de collecte (qui implique un rapport plus ou moins critique aux données recueillies), la phase d’analyse (c’est-à-dire l’utilisation de modèles plus ou moins critiques dans le travail d’analyse anthropologique), mais aussi les phases de rédaction et restitution (dans la rédaction des fichiers et dans les conditions de leur diffusion publique).

La flexibilité dans la pratique

20Comment appliquer concrètement cette flexibilité ? Je prendrai ici tour à tour deux exemples, tous deux liés au dossier des géants et dragons processionnels déjà évoqué dans la première section de cet article.

21Dans le premier exemple, celui de Tarascon, déjà cité, la flexibilité concerne la méthodologie de la recherche. Ainsi, pour organiser mon travail et rédiger mon rapport sur l’impact des politiques patrimoniales, j’ai décidé de multiplier les points de vue de mes recherches. La diversification des outils méthodologiques (avec des entretiens classiques, mais aussi l’utilisation d’un questionnaire sociologique pour les touristes et une approche prospective générale inspirée de l’économie géographique) a été un premier pas vers la flexibilité recherchée. Comme je m’interrogeais sur l’impact d’une politique culturelle publique, il n’y avait aucune raison de limiter mes options méthodologiques à la seule anthropologie critique. Procéder ainsi aurait en effet été un grave parti pris car cela m’aurait positionné en dehors du terrain, en tant qu’observateur extérieur. Au lieu de cela, j’ai décidé que je ferais mieux de demander aux gens sur le terrain de m’aider dans mes recherches. J’ai découvert que l’office de tourisme local pourrait être intéressé par une étude de public, j’ai donc réalisé un court questionnaire sociologique qui a été distribué à environ 400 personnes en quelques semaines. Au lieu d’être «  enrôlé » par les locaux, ce qui est souvent un problème en anthropologie appliquée et en anthropologie du développement15, j’ai pris l’initiative et j’ai moi-même enrôlé les acteurs locaux du patrimoine culturel, dont la plupart se sont intéressés aux chiffres que j’ai pu construire à partir du questionnaire.

22Le questionnaire a été distribué dans des lieux publics tels que le musée communal, le château et la mairie. Les résultats quantitatifs de mon questionnaire ont permis de mieux comprendre les préférences de certains groupes sociaux en matière de patrimoine culturel. J’ai pu constater, par exemple, que les touristes s’intéressaient autant au personnage romanesque de Tartarin qu’à la Tarasque, dont ils ne connaissaient pas très bien la légende. Mais pour moi, la technique du questionnaire n’était qu’un moyen parmi d’autres de me placer «  aux côtés » des fonctionnaires locaux, pour mieux gagner leur confiance. Grâce à cet outil, j’ai pu me mettre à leur service et réfléchir avec eux aux meilleures options pour activer la valorisation du patrimoine local. Ainsi, j’ai fait d’une pierre deux coups : d’une part j’ai collecté des données sociologiques fondamentales pour mon étude, d’autre part je me suis fait de précieux alliés sur le terrain et je les ai gagnés à ma cause. Le travail d’investigation s’est ainsi construit sur un double plan, à la fois critique et pragmatique.

23Un autre moyen d’atteindre la flexibilité a été la construction d’un échantillon d’acteurs variés à interroger. Cela a été particulièrement utile pour confronter les conceptions très diverses du patrimoine culturel local. La posture critique de l’anthropologie classique, en ce sens, est réductrice car elle analyse une situation de manière globale, mais ne distingue pas toujours très bien les points de vue contradictoires ou antagonistes des acteurs locaux. L’expérience du terrain, au contraire, conduit à identifier des positions très diverses. Encore une fois, l’anthropologue n’a pas le monopole de la critique. Certains élus locaux m’ont tout naturellement confié leur scepticisme vis-à-vis de la politique globale de labellisation orchestrée par l’UNESCO. D’autres, au contraire, se sont révélés être de fervents partisans du processus de patrimonialisation. Ce qui est surprenant, c’est que ces positions ne recoupent pas d’autres formes d’engagement politique, ni de statut ou d’appartenance à une classe sociale. Loin de simplifier les choses, l’approche participative a bien montré la complexité des débats locaux et a permis d’expliquer les effets profonds de la création du patrimoine culturel sur la vie de la communauté.

24Enfin, participer à des actions de valorisation du patrimoine et avoir un rôle d’expert auprès des musées locaux m’a également permis de gagner en flexibilité méthodologique. Bien sûr, cette posture participative n’est pas exempte de parti pris. Accepter de jouer le rôle d’un acteur local empêche certainement en partie l’exercice du «  regard éloigné » en anthropologie. Mais gagner la confiance de la communauté se fait à ce prix. Il est important d’être accepté par le terrain, tout en gardant une certaine liberté de critiquer certains choix locaux. Toute l’histoire de l’anthropologie repose sur cette relation ambiguë entre observateurs et observés. Mais dans le cadre des études patrimoniales contemporaines menées par les anthropologues, il me semble nécessaire de s’impliquer dans des initiatives locales de valorisation, car c’est la seule condition pour bien comprendre comment les locaux conceptualisent leur propre patrimoine culturel et ce qu’ils en espèrent.

25C’est, pour résumer, la manière dont j’ai procédé à Tarascon, mais je dois préciser que je suis toujours resté dans mon rôle d’anthropologue universitaire dans ce cas. Simplement, compte tenu de la spécificité de mon objet, j’ai élaboré un protocole souple comprenant à la fois une enquête ethno-historique de terrain et une sociologie pragmatique des institutions culturelles. La flexibilité, dans ce cas, consistait essentiellement à adapter les méthodes d’investigation à la spécificité du processus patrimonial que j’étudiais.

26Dans le deuxième exemple que je voudrais présenter, et dont je n’ai fait l’expérience que très récemment en 2021, j’ai rencontré une autre forme de flexibilité remettant en question ma propre position sur le terrain. Il s’agit de la fête du pois chiche de Montaren, organisée autour d’un pois chiche totem géant dans un petit village non loin d’Avignon. Cette fête correspond à la définition d’une tradition inventée il y a seulement 14 ans. Chaque année au mois de juin, elle mêle concerts, performances et rituels inventés mettant en scène des fanfares, des artistes de cirque et le personnage burlesque d’un super-héros «  Le Pois-Chiche Masqué ». Avant la pandémie de Covid, elle pouvait attirer plus de 10 000 personnes le week-end, bien qu’elle n’ait aucune légitimité historique ou culturelle particulière. Comme beaucoup d’effigies processionnelles nouvellement créées, le pois chiche totem de Montaren a rejoint il y a quelques années la «  Fédération des Animaux Totémiques » et revendique désormais le statut de patrimoine culturel.

27Dans ce festival, j’avais un rôle plus extérieur qu’à Tarascon car le dossier d’inventaire avait déjà été constitué par quelqu’un d’autre. Je n’ai participé qu’à un débat sur la patrimonialisation, qui était aussi une façon de partager le contenu du dossier avec la communauté locale. Cependant, le contenu du dossier s’est avéré utiliser beaucoup de folklore créatif inventé de toutes pièces par la communauté, qui m’a demandé si le ministère de la Culture accepterait ces inventions. Ici, j’ai eu un rôle de médiateur entre la communauté et l’administration, sachant bien que la communauté joue avec les règles en proposant des contenus qui s’inventent au présent plutôt qu’ils ne sont transmis par les générations précédentes. Cet exemple soulève de nombreuses questions, car le dossier de candidature répond aux critères formels demandés par l’UNESCO, mais son contenu est totalement fantaisiste. On peut alors se demander ce que l’UNESCO cherche à protéger sous la catégorie du PCI : s’agit-il des traditions anciennes et «  authentiques », même si elles sont manipulées à des fins économiques ou touristiques  ? Ou est-ce la vraie créativité populaire et la spontanéité d’une communauté qui se reconnaît dans les valeurs de l’UNESCO, mais qui n’a ni l’ancienneté ni la légitimité pour y accéder ?

28Les organisateurs de la fête du pois chiche de Montaren soutiennent qu’il ne faut pas figer les traditions, et que l’UNESCO ne peut limiter son action aux formes les plus légitimes et traditionnelles, en excluant les plus créatives et innovantes. Ils présentent le pois chiche comme un objet humble et populaire, qui correspond bien aux critères valorisés par l’UNESCO. Ils rappellent aussi que le pois chiche est traditionnellement un aliment «  spirituel », ce qui en fait sans aucun doute un bien «  immatériel ». Ainsi, l’ensemble des arguments de la communauté prend au sérieux les critères de définition du PCI et propose le pois chiche et la fête du pois chiche comme candidat sérieux dans le processus de valorisation du patrimoine. Pour l’instant, la réaction des fonctionnaires chargés de vérifier le dossier et de l’inscrire à l’inventaire national officiel français a été positive. Ils se rendent ainsi complices et acceptent le jeu sur les règles que leur propose la communauté. Ainsi les acteurs institutionnels du patrimoine culturel sont capables de prendre en compte la créativité populaire contemporaine et de privilégier la substance du PCI sur sa forme. En retour, cela indique que les acteurs des fêtes populaires peuvent accorder de la confiance aux institutions même lorsqu’ils cherchent à promouvoir des aspects aussi intangibles que l’humour, l’ironie ou la satire. Pour l’anthropologue, en tout cas la question de la flexibilité se pose ici dans des termes nouveaux : doit-il impérativement recourir à une grille de lecture universaliste pour juger des formes indigènes de PCI, ou peut-il prendre en considération les discours locaux au risque de subvertir les catégories institutionnelles du PCI ?

29En conclusion, l’apparition de la catégorie du PCI est importante en ce qu’elle permet de jouer avec les règles admises de l’anthropologie classique. Elle invite à des adaptations méthodologiques et épistémologiques, car elle offre de nouvelles passerelles entre le terrain et la théorie. Que ce soit au niveau de l’enquête, au niveau de l’analyse, ou au niveau de la restitution des données, le PCI révèle de nouveaux débats sur la légitimité que chacun a à définir la culture. Plutôt que d’opposer la vision indigène de la culture et la vision externe de l’anthropologie critique, la flexibilité proposée ici consiste à rapprocher ces deux visions. Dans cette perspective, le PCI peut aider l’anthropologie à mieux connaître les enjeux et les débats publics internes aux communautés locales. C’est pourquoi le PCI peut aujourd’hui être considéré comme incontournable dans les politiques actuelles de redynamisation de la mémoire locale et des territoires.

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MALINOWSKI, Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1989 [1922].

NOYES, Dorothy, Fire in the Plaça, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2003.

TAUSCHEK, Markus, Wertschöpfung aus Tradition : der Karneval von Binche und die Konstituierung kulturellen Erbes. Münster, Lit., 2010.

OLIVIER de SARDAN, Jean-Pierre, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Revue Enquête, 1, 1995, pp. 71-109.

Notes

1 KUUTMA, Kristin, “Inside the UNESCO Apparatus: From Intangible Representations to Tangible Effects”, in N. Akagawa & L. Smith (eds.), Safeguarding Intangible Heritage. Practices and Politics, London & New York, Routledge, 2019, p.77.

2 Ibid., p.69.

3 FOURNIER, Laurent Sébastien, « La Tarasque métamorphosée », in Chiara Bortolotto (dir.), Le patrimoine culturel immatériel. Enjeux d’une nouvelle catégorie. Paris, MSH, 2011, p.149-166 ; FOURNIER, Laurent Sébastien, « Intangible Cultural Heritage in France. From State Culture to Local Development », in Regina Bendix et al. (eds.), Heritage Regimes and the State. Göttingen Studies in Cultural Property, vol. 6, Universitätsverlag Göttingen, 2012a, p.327-340.

4 DUMONT, Louis, La Tarasque, Paris, Gallimard, 1951.

5 CAILLOIS Roger, L’homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1950.

6 Fait intéressant, un groupe d'historiens belges est arrivé à la même conclusion que nous en 2021 au sujet des transformations actuelles du sens des géants d'Ath dans le contexte de la pandémie de Covid. Dans une lettre, ils dénoncent la réification de « leurs » géants et accusent la municipalité d'insensibilité aux personnages traditionnellement aimés des habitants de la ville et qu'il ne faut pas réduire à des « choses inanimées ». Le festival, selon eux, ne doit pas se transformer en un simple spectacle. Voir DUCASTELLE Jean-Pierre & CANNUYER Christian, « Le ‘Plan B’ une atteinte malheureuse au sens et à la tradition de la Ducasse d’Ath », Bulletin du Cercle royal d’Histoire et d’Archéologie d’Ath et de sa région, 309, 2021, p.351.

7 DAUDET Alphonse, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, Paris, Flammarion, 1872.

8 Dans deux contextes nationaux différents, on peut se référer aux études de Noyes sur la Catalogne et à celles de Tauschek sur la Belgique. Ces deux auteurs ont très bien montré comment les politiques de patrimonialisation ont bouleversé les perceptions que les habitants avaient de leurs propres rituels, et ont conduit à les transformer en profondeur. Voir NOYES, Dorothy, Fire in the Plaça, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2003 ; TAUSCHEK, Markus, Wertschöpfung aus Tradition: der Karneval von Binche und die Konstituierung kulturellen Erbes. Münster, Lit., 2010.

9 Dans le nord de la France et en Belgique, les associations de valorisation du patrimoine estiment qu'il existe plusieurs centaines de géants processionnels « traditionnels », même si certains d'entre eux n'ont que deux ou trois ans. Dans le sud de la France, il existe une « Fédération des animaux totémiques » qui accompagne la création de nouvelles effigies processionnelles. Sur les animaux totems du sud de la France, voir FOURNIER, Laurent Sébastien, « Gli animali ‘totemici’ della Francia mediterranea : dalle feste di paese al patrimonio culturale immateriale », Voci, 9, 2012b, p.57-70.

10 BROMBERGER Christian, « Le patrimoine immatériel, entre ambiguïtés et overdose », L’Homme, 209, 2014, p.143-151.

11 Le Carnaval d'Alost a été exclu de la liste représentative de l'UNESCO en 2019 en raison d'une forte protestation contre les stéréotypes antisémites qui étaient devenus de plus en plus présents lors des défilés locaux de la dernière décennie. Voir FOURNIER, Laurent Sébastien, & GIANCRISTOFARO Lia, « Le carnaval d’Alost (Belgique) : anthropologie d’une régression patrimoniale », Journal des Anthropologues, 160-161, 2020, p.191-207.

12 GOODY, Jack, La Raison graphique, Paris, Éditions de Minuit, 1979.

13 MALINOWSKI, Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1989 [1922].

14 La situation peut être très différente d'un pays à l'autre ; elle varie généralement selon les philosophies politiques des différents États-partis, certains étant plus centralistes, d'autres plus fédéralistes. Voir BENDIX Regina, EGGERT, Aditya & PESELMANN, Arnika (eds.), Heritage Regimes and the State, Göttingen Studies in Cultural Property, vol. 6. Universitätsverlag Göttingen, 2012.

15 OLIVIER de SARDAN, Jean-Pierre, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Revue Enquête, 1, 1995, p.71-109.

Pour citer cet article

Laurent Sébastien Fournier, « Analyse critique et enjeux territoriaux : pour une anthropologie flexible du patrimoine culturel immatériel », L'ethnographie, 8 | 2023, mis en ligne le 15 janvier 2023, consulté le 27 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=1319

Laurent Sébastien Fournier

Professeur d’anthropologie à l’UPR 7278 LAPCOS, Université Côte d’Azur, Nice, France. Ses recherches portent d’une part sur l’ethnologie des rites festifs et des jeux traditionnels en Europe, et d’autre part sur les processus de patrimonialisation et de mise en valeur des territoires.