En 1995, le manifeste d’ethnoscénologie1 définit une nouvelle approche des arts vivants à la croisée de l’anthropologie et des arts du spectacle. En effet, jusque dans les années 1990, dans le domaine des études théâtrales, l’analyse des spectacles est souvent décontextualisée, centrée sur le texte selon les normes d’un théâtre de la parole, et relève d’un « spectato-centrisme » que déplore Eugenio Barba dans le Canoë de Papier. Traité d’Anthropologie Théâtrale2. Afin de définir une nouvelle approche des événements spectaculaires, l’ethnoscénologie, dans la lignée de Marcel Mauss, les a considérés comme des « faits sociaux totaux » et elle s’est intéressée à tous les aspects d’une pratique : les contextes de production, de création, de diffusion et de réception ; les apprentissages explicites et implicites ; les comportements et les techniques du corps ; les incarnations de l’imaginaire quelles qu’en soient leurs formes. En se positionnant dans le domaine des ethnosciences, son principal cheval de bataille est sans nul doute la lutte contre l’ethnocentrisme, notamment lorsqu’il s’agit d’étudier des pratiques « d’ailleurs », « exotiques », qui suscitent fascination, fantasme et projection. Ces préjugés et projections ethnocentriques sont notamment entretenus par les programmes de théâtre qui présentent le plus souvent ces spectacles de manière très succincte. Par exemple, en ce qui concerne les spectacles chinois, le recours au champ lexical de l’exotisme (« chatoyant », « mystérieux », « ancestraux », « secret », « populaire », « authentique », « dépaysement », etc.) reste une stratégie récurrente3. Ces présentations ont des objectifs d’abord promotionnels avant d’être pédagogiques, même si on peut souligner le travail considérable qu’effectue de ce point de vue la Maison des Cultures du Monde depuis 19824.
Le problème est d’autant plus complexe que les spectacles « exportés » tentent parfois de correspondre à ces projections sans intention de les déconstruire. Par exemple, en 2014, dans le cadre du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques franco- chinoises, une représentation de « La Légende du Serpent blanc (白蛇传) » de la Compagnie Nationale de Chine d’Opéra de Pékin5 (中国国家京剧院) a été donnée à l’Opéra de Marseille6. La mise en scène se voulait « contemporaine », par opposition à la mise en scène « traditionnelle » qui privilégie un plateau vide, sans décor. Sur le modèle des opéras européens, la compagnie a créé un décor « réaliste » avec, par exemple, la reproduction d’une façade ancienne de pharmacie chinoise. Le chargé de la tournée, qui fait partie de la compagnie, m’a expliqué qu’il leur semblait nécessaire d’illustrer des lieux que le spectateur français ne connaît pas, d’autant plus que celui-ci est habitué aux décors réalistes. Par ailleurs, choisir une pièce acrobatique présentait deux avantages pour la compagnie : d’une part, éviter de trop longs passages chantés que la plupart des Français n’apprécierait pas ; d’autre part, satisfaire le goût du public pour les acrobaties qui ne sont ni chantées ni parlées. On le voit, les préjugés fonctionnent dans les deux sens. Cet argument, je l’ai souvent entendu sur le terrain : s’adapter aux normes et habitudes du public français fait partie des stratégies de promotions des « opéras chinois »7.
Pour déjouer les pièges et les biais d’analyse quand on étudie des spectacles extra-européens, il est nécessaire que le/la chercheur.e possède des compétences linguistiques, culturelles et scéniques. En effet, c’est bien parce que je suivais un double cursus en Arts du spectacle à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 et en Études chinoises à l’Inalco que Jean-Marie Pradier a accepté de me suivre en Master puis en Doctorat à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis pour étudier des pratiques spectaculaires chinoises.
Traductions et catégories de spectacles : déjouer l’ethnocentrisme nominal
Lorsqu’il s’agit d’étudier des pratiques spectaculaires extra-européennes, l’ethnocentrisme commence dès la dénomination française des pratiques. L’appréhension d’une pratique dont il n’existe pas d’équivalent en France entraîne logiquement une transposition vers ce qui est connu. Cette transposition ne peut donc pas éviter l’écueil ethnocentrique, intrinsèque aux intraduisibles8.
Le cas du Jingju (京剧), traduit en général par « opéra de Pékin »9, est exemplaire. Le savoir-faire de l’acteur — ou du performeur — de Jingju est pluridisciplinaire. Il mêle chant, déclamation, mime, danse, arts martiaux et acrobaties. Cette pluridisciplinarité des arts vivants chinois traditionnels pose problème dans leur réception en France et en Europe parce que ces pratiques font partie de plusieurs catégories en même temps. En choisir une, c’est ignorer tout un pan de cette pratique. Par exemple, dire que c’est du « théâtre » conduit à ignorer l’aspect musical et chanté ; mais dire que c’est de « l’opéra » invisibilise la dimension acrobatique. Le Jingju a en effet été traduit de différentes façons selon les époques et les types de discours.
En France, au XIXe siècle, les diplomates et voyageurs qui se rendent en Chine nomment ces spectacles « théâtre traditionnel chinois ». Cette appellation renvoie au jeu mimé de l’acteur, qualifié parfois de « pantomime » – conformément aux catégories françaises de l’époque. Elle possède une connotation péjorative qui sous-entend que ce type de spectacle donne la part belle à la « gesticulation » au détriment du texte. La musique est comparée à du « vacarme » et le chant « à des cris » ou à une « cacophonie »10. C’est après la Seconde Guerre mondiale seulement que la dimension musicale du Jingju est reconnue : ce qui était perçu comme du « bruit assourdissant » devient de l’« opéra ». Ce terme s’installe progressivement puis s’impose dans les traductions à la fin des années cinquante11. Cependant, s’il valorise le Jingju du point de vue de la culture légitime française, le terme « opéra » ignore tout à fait la dimension acrobatique du jeu de l’acteur qui fait pourtant partie intégrante de son apprentissage, quelle que soit la catégorie de rôle étudiée. L’expression « théâtre classique » est principalement utilisée par les sinologues comme Jacques Pimpaneau afin de réhabiliter la dimension littéraire des textes de Jingju et, de manière plus générale, des xiqu (戏曲) ou « opéras chinois »12. Quant à l’expression « théâtre acrobatique »13, elle est parfois utilisée dans les brochures touristiques, pour les spectateurs que l’on va par exemple emmener à La Maison de Thé Laoshe (老舍茶馆) à Beijing. Là, le spectacle est composé de différents « numéros » qui se succèdent : xiangsheng (dialogues comiques), extraits de combats chorégraphiés et d’acrobatie du Jingju, numéros de jonglage, de contorsion, d’équilibre, d’illusion…14 Il est difficile ici de faire la différence entre le Jingju et les zaji (杂技) que l’on traduit par « arts acrobatiques ».
Dans le cadre d’une recherche récente, j’ai mené une enquête dans la presse française de la fin du XIXe siècleet du XXe siècle, grâce aux outils de RetroNews15 et de Numapresse, projet ANR porté par Marie-Ève Thérenty à l’Université Paul-Valéry Montpellier 316. Cette enquête a montré qu’il existe parfois une confusion dans l’appréhension des formes spectaculaires chinoises, souvent mélangées sous forme d’extraits juxtaposés :
D’abord, abus de confiance : l’Opéra de Pékin est un genre bien particulier, et l’on n’en voit guère que trois extraits par les neuf numéros du spectacle. En vérité, il s’agit de « l’Ensemble Artistique de la République de Chine », comprenez : une de ces troupes de « chants et danses » que Moïseiev a mises à la mode et qui ont pour objet de condenser en deux heures les manifestations les plus spectaculaires d’un quelconque folklore.17
Cette confusion est également visible aujourd’hui chez les étudiants en Arts du spectacle, non sinophones, qui ne comprennent pas comment une même pratique, le Jingju, peut s’appeler en français « théâtre traditionnel », « opéra chinois », « théâtre classique » ou encore « théâtre acrobatique ». Chacune de ces appellations montre un aspect du Jingju. Chaque choix de traduction s’inscrit dans un cadre de référence normatif dans lequel les genres sont hiérarchisés et qui connaît des variations selon la période historique considérée. Par exemple, l’« opéra » appartient à la culture savante et ce choix de traduction témoigne d’une volonté de légitimation du spectacle chinois en fonction de la hiérarchie française des genres. S’interroger sur les choix de traduction revient également à questionner la mode d’une époque et nous renseigne sur les perceptions de cette pratique.
Parce que les échanges ne se font pas de manière unilatérale, cela se complique quand l’ethnocentrisme nominal se double de l’intériorisation puis de la revendication par les artistes chinois des dénominations européennes. Pour les artistes chinois, le terme « opéra » désigne un art majeur en Europe, c’est pourquoi ils le revendiquent pour désigner le Jingju18. En revanche, ils ont délaissé le terme « théâtre traditionnel » car selon eux, il désigne plutôt des formes mineures. Ainsi le Jingju est associé au genre opératique, c’est l’opéra de Pékin19, tandis que les formes régionales du genre sont associées à du théâtre traditionnel. Par exemple, le Yuju (豫剧), littéralement « spectacle de Yu »20, un des genres spectaculaires de la région du Henan, n’est pas traduit par « opéra de Yu » mais par « théâtre traditionnel de Yu »21.
Le soft power chinois passe également par les noms. Cela nous rappelle la célèbre formule proverbiale du XIXe siècle : « le savoir chinois comme essence (ou constitution) et le savoir occidental comme application (ou fonction) » (Zhongxue weiti, xixue weiyong 中學為體、西學為用)22 ». Le proverbe pourrait s’appliquer ici de la manière suivante : le Jingju serait l’essence du spectacle qui se vêtirait de l’opéra « à l’occidentale » pour faciliter sa diffusion à l’étranger.
Pratiquer pour mieux observer les arts acrobatiques chinois
L’approche ethnoscénologique permet de saisir une pratique artistique de l’intérieur selon deux modalités : celle du terrain anthropologique ou de la recherche in situ et celle de la pratique du spectacle étudié. La position du chercheur-praticien est dedans/dehors, observateur/participant23. Le fait de pratiquer soi-même possède certains avantages : celui de mieux percevoir les similitudes de formes de mouvements ; de saisir les termes techniques internes à la pratique (« sociolecte ») ; de se confronter à la réalisation technique du mouvement, en veillant toutefois à ne pas universaliser ou essentialiser ses propres sensations, difficultés, facilités, etc. Être praticien permet de mieux négocier sa place sur le terrain où certains artistes peuvent se méfier des théoriciens, parfois considérés comme loin des réalités de la pratique. C’est par un va-et-vient entre ces deux postures que le/la chercheur.e peut (re)connaître les « tours de mains », les processus d’apprentissage et les implicites.
Outre une formation en sinologie qui m’a permis d’acquérir des connaissances linguistiques et culturelles, j’ai suivi plusieurs stages de pratique de Yuju, de Kunqu (昆曲) et de Jingju. Le stage intensif de Jingju a duré neuf mois au Beijing Opera Art’s College (Beijing xiqu yishu zhiye xueyuan北京戏曲艺术职业学院), sorte de conservatoire-lycée spécialisé qui forme les performeurs de Jingju. Je pratique également les arts martiaux, dont le wushu (武术). Ces deux postures (observation/pratique) aiguisent le regard depuis l’intérieur et permettent également de déconstruire des catégories plaquées sur des réalités artistiques autres. Par exemple, quand on apprend le Jingju, on se situe dans un apprentissage du jeu de l’acteur qui est aux antipodes des écoles de théâtre en France. Dans mon cas, cette approche par corps m’a permis de saisir la proximité entre des pratiques que le regard français sépare a priori : les arts martiaux, le Jingju et les acrobaties chinoises dites « zaji ». Si on regarde de près les pratiques acrobatiques (notamment l’acrobatie au sol) en Chine, elles se retrouvent dans plusieurs types de spectacles : cirque et/ou zaji, Jingju, arts martiaux… Le contexte de représentation et la dramaturgie changent mais le geste acrobatique reste identique.
Le jeu du personnage de Sun Wukong (孙悟空) est un exemple particulièrement frappant à cet égard. Qu’il s’agisse du spectacle Le Roi des Singes interprété par les étoiles du Cirque de Pékin24, mis en scène par Alain M. Parcherie au Cirque Phénix en 2018, ou de Da nao Tiangong (大闹天宫) [Désordre au Palais céleste] en Jingju25 ou encore de la technique du singe en wushu26, les trois représentations montrent des similitudes évidentes dans le jeu acrobatique du personnage, bien qu’elles appartiennent à trois genres distincts. Dans les trois exemples, les principales acrobaties utilisées caractérisent le singe : des roulades avant au sol ; des propulsions du corps qui, déployé, passe dans un cerceau et se réceptionne en roulade ; des saltos avant ; des roues et des flips. On observe une alternance entre corps recroquevillé et déploiement du corps le temps d’un saut ainsi qu’une rapidité de l’enchaînement des mouvements qui sont des caractéristiques du déplacement du singe. On le reconnaît également grâce à d’autres mouvements spécifiques : le fait de se gratter, les bras et les mains recroquevillés près du corps, l’utilisation de la quadrupédie et l’usage du bâton, accessoire du singe. Du point de vue acrobatique, et si nous faisons abstraction du contexte de représentation, il est difficile de procéder à une catégorisation nette et stricte du geste. La base commune de ces trois pratiques spécifiques est sans doute les arts martiaux (pratique la plus ancienne des trois) qui construisent une certaine façon de se mouvoir et d’envisager le corps de manière globale dans le monde chinois27. Ces hypothèses se situent au cœur d’une recherche au long cours que je mène actuellement sur les arts acrobatiques.
Un autre point commun entre ces trois pratiques concerne l’entraînement. En effet, à partir des années 1950, à Taiwan mais aussi en Chine continentale, les artistes de cirque, de Jingju28 et les pratiquants de wushu partagent des exercices communs de préparation physique : jibengong (基本功) et tanzigong (毯子功), autrement dit « les exercices de bases » de renforcement musculaire et de souplesse ainsi que les « exercices au tapis » pour la préparation des sauts. On comprend très bien pourquoi Aurélien Bory, dans son spectacle Les sept planches de la ruse (2007) a choisi de travailler avec des acteurs de Jingju plutôt que des acrobates circassiens. Les acteurs de Jingju formés à l’acrobatie depuis leur plus jeune âge mais aussi au chant et au jeu, apportent une dimension supplémentaire à la performance technique et sportive. C’est en tous cas de cette façon que le « metteur en piste » Bory justifie son choix29.
« Cirque culturel », « théâtre acrobatique chinois », « opéra chinois » : de quoi parle-t-on ?
La difficulté à saisir de quoi on parle exactement quand on aborde les arts acrobatiques chinois est perceptible dans la manière dont certains spécialistes des arts du cirque les désignent. Par exemple, dans l’encyclopédie des Arts du cirque de la Bnf et du Cnac, Jean-Michel Guy évoque le « théâtre acrobatique chinois » et « les moines de Shaolin » comme relevant d’une catégorie qu’il nomme le « cirque culturel »30. Avec cette catégorie, l’auteur tente de ne pas céder à l’ethnocentrisme nominal : il s’agit pour lui de ne pas replier les pratiques chinoises sur le cirque au sens européen du terme, d’où l’ajout de l’adjectif « culturel ». Cependant, parler de « cirque culturel » pour ces formes et pratiques est très problématique : Jean-Michel Guy mêle des contorsionnistes mongoles, des jongleuses de Tonga, des moines de Shaolin, etc. Le « cirque culturel » apparaît dès lors comme une catégorie très hétérogène qui ne tient pas compte des contextes spécifiques aux pratiques et qui fait exister une distinction contestable entre l’artistique et le culturel. Tout ce qui n’entre pas, ou pas tout à fait, dans le cadre de ce qu’on appelle les arts du cirque au sens européen ou occidental du terme est en l’occurrence renvoyé au « cirque culturel », sous-entendant une forme de hiérarchie entre les deux.
On se situe ici dans la même problématique que des dénominations comme « cultures du monde » qu’il est nécessaire de déconstruire. Cette catégorie et celles qui lui sont connexes comme « musiques du monde » concernent principalement les aires culturelles hors Europe et hors États-Unis, dans une appréhension binaire du monde : l’Occident et le reste du monde. C’est une manière un peu figée – et datée – d’envisager le rapport entre les cultures et les territoires31.
Sur la plateforme Artcena32, Jean-Michel Guy a proposé en 2019 une approche un peu différente des arts du cirque qu’il déploie en six paradigmes. Le « théâtre acrobatique chinois » en représente un à lui seul, le cinquième. L’auteur y distingue le « théâtre acrobatique » et « l’opéra chinois », deux genres présentés comme hybrides mais différents et qui « rappellent fortement la tradition occidentale du mélange des genres ». Or cette manière de considérer les pratiques artistiques chinoises manque de précision et n’évite pas la définition par comparaison à l’Occident, lequel est toujours posé en référent. Les pratiques mongoles ou coréennes relèvent quant à elles du dernier paradigme intitulé « un archipel hétéroclite ethnique » où l’auteur inclut les moines Shaolin et « pourquoi pas les pêcheurs sénégalais à l’épervier » ou encore « la jonglerie au feu rouge », etc. Là encore, face à la difficulté de classer ces différentes pratiques, l’auteur procède de la même façon qu’avec « le cirque culturel » : il crée une dernière catégorie dite « hétéroclite » qui regroupe les inclassables, lesquels viennent principalement « d’ailleurs ». Leur contexte culturel spécifique est ici aussi gommé. Nous voyons bien quels problèmes méthodologiques et épistémologiques posent l’appréhension, la compréhension et la dénomination des pratiques spectaculaires extra-européennes. L’approche ethnoscénologique offre des outils intéressants et efficaces pour pallier ces difficultés.
En se plaçant à la croisée des études anthropologiques et esthétiques en Arts du spectacle, l’ethnoscénologie favorise une approche décloisonnante des pratiques artistiques. L’objet de recherche en ethnoscénologie est une pratique replacée in situ dans son contexte linguistique, historique, social, économique et culturel. Cette approche et ces outils permettent d’évacuer, voire de contester, des catégories inopérantes et arbitraires en leur substituant les termes et catégories vernaculaires. Les utiliser permet d’évacuer le cadre référentiel des spectacles européens et ainsi d’éviter de nombreuses projections esthétiques, socioculturelles et économiques. Pour reprendre l’exemple du Jingju, il se construit sur l’association entre danse, jeu, acrobatie et musique ; il est très présent dans l’espace du peuple33, dans les foires de temples, et sa dimension rituelle est très importante. Les termes vernaculaires permettent de déplacer le regard du/de la chercheur.e et de mettre distance ses références socioculturelles afin qu’il/elle soit davantage attentif.ve et réceptif.ve aux réalités in situ.
L’ethnoscénologie, une « indiscipline académique » ?
L’approche ethnoscénologique des pratiques spectaculaires chinoises, fondée sur le terrain, la pratique et la contextualisation, relève de plusieurs disciplines. Pour cette raison, et cela est valable pour tout travail ethnoscénologique, il est parfois difficile de se situer dans une discipline dominante d’un point de vue académique : mon objet de recherche relève-t-il plutôt des études théâtrales ? de la sinologie ? de l’anthropologie ? des études culturelles ? de l’ethnopoétique à la manière de Florence Dupont ? Certainement de toutes à la fois puisque l’approche ethnoscénologique est par définition interdisciplinaire et pluridisciplinaire ; à moins qu’elle ne relève de « l’indiscipline académique34 » comme le propose Dominique Wolton. La question mérite en tout cas d’être posée, notamment au regard des différents courants de l’ethnoscénologie qui se sont dessinés ces dernières années, outre les perspectives anthropologiques, linguistiques et culturelles. Je pense notamment aux travaux ethnoscénologiques qui relèvent plutôt du croisement entre esthétique et historiographie, neurosciences, médecine et sport. L’ethnoscénologie offre en tout cas un espace académique à des approches nouvelles en Arts du spectacle.