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L'Ethnographie

L’émersion créatrice

Le spectacle du corps vivant

Bernard Andrieu

Juillet 2021

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.1004

Résumés

L’émersion créatrice surgit dans l’intention esthétique sans toujours être maitrisée par le sujet. Comme l’ethnoscénologie l’a démontré, la dimension inconsciente nourrit la création. Le vivant est activé par ses échanges avec le milieu dans lequel il inter-agit. Par l’activation de ses ressources il fait émerser des capacités inédites et nouvelles, c’est le corps capacitaire qui devient un corps en acte. L’activation permet de modéliser la relation entre l’émersion du corps vivant dans la perception qu’en a la conscience comme corps vécu. Nous démontrons ici que l’émersiologie poursuit le dialogue engagé par l’ethnoscénologie avec les cultures incorporées et les vivacités créatrices.

Texte intégral

« Le geste occidental de s’approprier ce que l’on ne parvient pas à ressentir. »

Julien Coupat 20181

1La connaissance corporelle, depuis la psychologie et la phénoménologie, a été fondée sur la perception du corps vécu. Le corps vécu constitue la pierre de rosette de la phénoménologie sans laquelle une herméneutique du sujet définie par Paul Ricoeur2 ne pourrait pas pouvoir délimiter l’espace et le temps par l’analyse des contenus de conscience. Les archives ont démontré que la question du corps vivant était bien présent dans le moment de la formation de La phénoménologie de la Perception (1945)de Maurice Merleau-Ponty et dans ses conséquences dans la suite de l’œuvre : d’une part les historiens de la philosophie comme Emmanuel de Saint-Aubert3, à partir des archives inédites, ont établi combien la phénoménologie n’était pas le projet initial ni terminal de la philosophie de Merleau-Ponty ; d’autre part, avant la phénoménologie de la conscience du corps vécu, l’activité du corps vivant fut au centre de La structure du comportement (1942) ce qui est aujourd’hui confirmé par la découverte in vivo de l’activation et de l’activité du cerveau et de la sensibilité.

2Le terme de phénoménologie, jusque dans la Phénoménologie de la perception, n’aura été choisi qu’en raison de la nécessité classificatrice de disciplinariser le projet initial sur la conscience perceptive : la psychologie béhavioriste, la Gestalt Psychology et la psychopathologie clinique sont les disciplines de référence dans Le primat de la perception en 1934 car « la phénoménologie et la psychologie qu’elle inspire méritent donc la plus grande attention en ce qu’elles peuvent nous aider à réviser les notions mêmes de conscience et de sensations »4.

3Le vécu n’est pourtant que la perception limitée et subjective du vivant. Nous n’apercevons le vivant de notre corps qu’une fois dépassée l’anesthésie sensorielle que constitue la civilité consciente, le contrôle des émotions (Elias) ou le refoulement et la sublimation des pulsions (Freud). Le vécu est en retard sur son vivant, en raison même du délai nerveux entre la source et la conscience5, et n’en perçoit la qualité qu’à travers les filtres de la subjectivité.

Le spectacle de son corps vivant

4Le corps vivant est l’organisme bio-culturel qui s’est développé dans l’ontogenèse et dans l’épigenèse pour constituer la matière et la forme de notre corps. Jean Marie Pradier6 a démontré avec l’ethnoscénologie comment la fabrique du corps vient modifier le sens du vivant dans le spectacle du vivant. La performativité du vivant vient en effet dépasser la simple performance en engageant l’acteur dans la scène de son propre corps vivant dans le cours même de l’acte créatif. Ainsi par « l’encharnellement de la pensée, le corps créateur en lui-même de formes signifiantes, et opérantes »7 s’écologise depuis sa formation jusqu’à sa décomposition formelle dans la mort pour produire de nouvelles formes adaptées à la vie dans son milieu. Le corps vivant incorpore dans ses réseaux et supports biologiques la culture de son milieu : il est bio-culturel depuis le processus de maturation de l’enfant. Cette idiosyncrasie du corps du chercheur définit les limites de la recherche :

Les limites épistémologiques de la recherche en ethnoscénologie sont tracées par la limite des compétences du chercheur – sa position d’observateur –, et de son objet de recherche, résultat de la perception qu’il a de ses éléments constitutifs, et de leurs relations en tant que système complexe. Par compétence j’entends à la fois ce qu’il perçoit de son objet d’étude, les outils conceptuels et méthodologiques dont il dispose et la qualité de son expérience personnelle.8

5Ainsi Winnicott précise combien la continuité de l’environnement humain et non humain9, la fiabilité prévisible de la mère et l’adaptation progressive aux besoins de l’enfant construisent ce moi corporel. L’interaction corps-monde, ce que nous avons appelé le monde corporel, est une continuité dynamique que ne perçoit pas le sujet conscient. Celui-ci ne peut que percevoir les informations quand elles arrivent à la conscience en ignorant ce qui se passe dans son corps vivant. Le corps vivant produit des insensibles, dont certains deviennent sensibles en éveillant la conscience, par son écologisation avec le monde et avec les autres.

6La difficulté méthodologique de partir du corps vivant plutôt que du corps vécu, surtout dans le monde occidental dominé par le modèle de la maîtrise du corps par l’esprit, est moins de perdre le contrôle en lâchant prise, que d’accepter l’activité et l’activation de son vivant corporel comme produisant des modifications et des mutations, « pourquoi ne pas préférer le compost au post-humain »10 se demande Donna J. Haraway, dont les effets formels et apparents en seront, de manière inédite, la conséquence vécue. Nous ne voyons pas le vivant qui est en nous que nous prétendons pourtant connaître, avec la psychologie et la phénoménologie, par le vécu et par le corps en 3eme personne de l’objectivation scientifique.

7Nous distinguons le corps décrit en troisième personne, du corps vécu en 1er personne, du corps vivant qui agit en dessous de la conscience :

Figure 1 : Les trois corps

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8Il s’agit de s’inscrire dans une philosophie du vivant qui articule la relation du corps vivant et du corps vécu dépassant le seuil d’une phénoménologie et une psychologie du vécu sans réduire totalement au scientisme du vivant. Par une activité perceptuelle, la personne croit pouvoir décrire en 1ère personne ce qui est vivant dans son propre corps uniquement par le langage conscient faute d’un accès à l’activité interne. Elle tient des discours déformés par rapport à la réalité de ses actions motrices en traduisant par ses mots des sensations interne11 par une perception juste, mais cette déformation perceptive est une condition à priori de la connaissance du corps vivant.

Apprendre de son corps

9La nécessité d’apprendre de son corps plutôt qu’apprendre le corps repose sur l’acceptation à être enseigné et éduqué par son corps vivant qui échappe à une synthèse de connaissance par le corps vécu. Apprendre de son et de ses gestes implique ici une écologie corporelle12, par lequel le corps s’informe et s’adapte aux modifications du milieu, qui prenne en compte in situ les partenaires et les réseaux dans la complexité culturelle. Les autres sont toujours déjà là, avant moi et en moi au point de devoir les comprendre dans nos habitudes de santé comme autant de techniques inconscientes.

10Apprendre de son corps met en jeu l’activité inconsciente se retrouvent ici en dialogue autour de trois thèmes :

  • Apprendre de sa santé motrice implique une modélisation de la motricité dans l’expérience même du corps, mais aussi dans l’intercorporéité ludique. L’évolution des techniques, sous la pression de la sélection ou sous celle de l’environnement, influe sur les modes de description du corps vécu et sur la perception des socialisations ludiques. La santé motrice nous apprend, par le relevé des indicateurs psycho-sociaux et praxéologiques13, comment l’apprentissage aura été incorporé dans un geste technique adapté et pertinent. Le niveau de l’engagement corporel est rendu dans celui, technique, du corps qui peut ainsi, dans des milieux différents comme la montagne ou l’eau indiquer son niveau d’adaptation motrice. Mais avec le Tai-chi ou le judo, l’enseignement est confronté à la polysémie impliquant une traduction motrice d’une culture importée, comme dans les chœurs, dans notre propre culture corporelle ;

  • Apprendre du bien-être de son corps vivant étudie non plus la relation de la santé motrice avec le corps vécu, mais la relation au corps vivant. Le bien-être engage un dialogue compréhensif et une recherche d’une communication entre les états inconscients et ceux conscients fournis par la perception corporelle. L’activation du schéma corporel engage une modification esthésiologique et une nouvelle esthétique de l’image du corps. Le geste est le moyen de ressentir son bien-être, mais aussi son mal-être, en fonction des techniques à vivre. Le rôle des conseillers, entraîneurs et éducateurs doit pouvoir éveiller et activer la production du bien-être du corps vivant en étant à l’écoute des effets de l’activité physique, adaptée et artistique. Ici la danse, la musique, le théâtre, le yoga sont des exemples d’expériences émotionnelles qui font découvrir en chacun et chacune, ce qui ne peut se voir immédiatement dans les gestes ;

  • Apprendre de ses gestes est la troisième dimension en complément avec celles, motrices et émersives, mettant l’accent sur la cohésion, la coopération et l’intégration par la ludicité. Les codes gestuels, conduites motrices et capacités sémiotiques proposent une lecture de l’espace créatif et ludique et des expériences de vie : les émotions ludo-motrices, l’agressivité licite et illicite dans le karaté ou la coopération des rôles dans les jeux traditionnels, définissent une santé éco-sociale. Pour Jean-Marie Pradier 

le bios de l’acteur – βιος que la biologie étudie sans être parvenu à le définir – est son corps en tant que pic émergent d’une source originelle qui irrigue la biosphère entière. Les notions nouvelles de cognition incarnée embodied cognition et d’incarnation de l’imaginaire embodied imaginary, soulignent une unité que le dualisme en ses différentes déclinaisons avait rompu. Apparaît alors la difficulté d’accéder à l’imaginaire de l’autre, sinon qu’à partir de pics émergents, tandis que s’exprime le besoin vital de goûter le vivant par le biais d’une présence réelle partagée.14

11Apprendre de son corps exige ainsi un décentrement : ne plus être préoccupé par la maîtrise du geste, fusse-t-elle technique et parfaite, implique une mise à distance avec ce corps conscient de l’action motrice. Comme l’aura établi Edward T. Hall, « des mondes sensoriels différents »15 servent à la perception corporelle pour recevoir des informations produisant, dans le vivant de l’action motrice mais aussi par l’écologisation, des situations et des gestes. Sans toujours le savoir consciemment eux-mêmes, car très préoccupés par l’expertise technique de leur performance, l’analyse de leur corps par le recueil des data du vivant (Go pro, Capteurs, autoconfrontation, dessins de conscience) révèle une richesse considérable pour lier l’expérience corporelle et l’action motrice.

Une connaissance indirecte

12Pourtant le corps propre, comme unité du soi16, parait garantir une conscience corporelle par la maîtrise de soi. Paul Schilder souligne le lien entre le schéma corporel et l’image du corps17 mais par-delà nos sensations,

nous éprouvons de façon directe qu’il y a une unité du corps. Cette unité est perçue, mais, avec la danse capacitaire, elle est plus qu’une perception.18

13Cette proposition est issue de sa thèse de 1923 sur le Körperschema19 et Schilder veut caractériser une image du corps qui n’est déjà plus « une sensation pure et simple » et pas encore « une imagination » : bien que passant par les sens, mais qui n’est pas une pure perception, cet « apparaître à soi-même du corps » est par ces ateliers mise en œuvre par le mouvement créatif.

14Cette base physiologique de cette connaissance que le corps a de nous sans que nous en ayons conscience, nous le désignons, dans l’émersiologie, sous le nom de corps vivant. Schilder précise : « il se peut qu’il y ait dans notre image du corps plus que nous n’en savons consciemment sur notre corps »20. Le corps vivant est actif, selon un monisme matérialiste21, en dessous de notre conscience et possède des structures et des modèles. Schilder interroge « que savons-nous de l’intérieur du corps ? », de ce travail de construction du modèle postural, de la signification interne d’une sensation ? Ce lien entre le corps vivant et le corps vécu, Schilder ne parviendra pas à l’établir par la structure même des trois images du corps qui compose le livre, en physiologique, libidinale et sociale.

15Pourtant dès le sens postural et par la faculté de localisation, et sans supposer un inconscient « organique »22 qui conserverait les traces des images, il faut admettre que des images inconscientes peuvent être activées. Cette part inconnue du fonctionnement physiologique du corps humain qui, pour Georges Canguilhem, « échappe presque entièrement à l’observation simple des actions de la vie sur soi-même ou sur autrui »23. Dans l’état de santé « l’expérience vécue »24 de l’accomplissement des fonctions organiques « nous manque presque toujours » et « quand elle nous est donnée par quelque trouble ou interruption de ces fonctions, dans la maladie, elle ne contient en elle-même aucune indication, aucun enseignement, concernant les phénomènes qui les constituent »25.

16La connaissance du corps humain est ainsi « indirecte, médiate et suppose initialement que les fonctions de la vie ne sont pas exemptes de troubles et d’embarras »26. Une difficulté de la connaissance de l’homme, comme vivant singulier, est d’être « un vivant qui ne peut se contenter de se sentir vivre et qui exige de savoir comment il l’est »27. Sentir le vivant de son corps28 est un désir produit par l’éveil suscité dans la conscience du vécu mais qui reste difficile en raison de l’accès indirect. Cette impropréité29 du vivant du corps, comme difficulté à saisir son corps propre, dans la conscience du corps vécu se traduit par l’impossibilité pour le sujet conscient d’embrasser l’intégralité de son vivant en une connaissance exhaustive.

L’activation du vivant

17Le vivant est activé par ses échanges avec le milieu dans lequel il inter-agit. Par l’activation de ses ressources il fait émerser des capacités inédites et nouvelles, c’est le corps capacitaire30, les ressources potentielles qui peuvent activées, qui devient un corps en acte. L’activation permet de modéliser la relation entre l’émersion du corps vivant dans la perception qu’en a la conscience comme corps vécu. Si l’écologie corporelle pré-motrice décrivait les influences de l’affordance dans le corps vivant, la perception corporelle décrit ici comment ces affordances émersent par le traitement de l’information dans le niveau de la conscience de l’action. Toute la difficulté méthodologique de cette émersiologie est de modéliser l’activation du corps vivant, tant dans son activité cérébrale que dans sa vie émotionnelle, dans ce qu’en perçoit le sujet conscient.

18S’activer est le nouveau modèle scientifique avec ses applications techniques pour le psychisme humain qui met en relation le corps vivant et le corps vécu par et lors de l’activité physique et de la pratique sportive. L’hybridation neuro-technologique active des réseaux capacitaires jusque-là inédits ou inexploitées : le paradoxe est d’activer de manière volontaire son cerveau pour en attendre des effets incontrôlables en espérant qu’ils seraient bénéfiques pour la santé physique et l’amélioration des performances mentales.

  • S’activer est d’abord être actif et non passif en mettant son corps en action par une activité physique qui dépense suffisamment d’énergie au regard des apports énergétiques et des modes de vie face aux « maladies de civilisation » d’un corps de plus en plus urbanisé.

  • S’activer c’est aussi la définition des actifs par rapport au retraité et dans le monde du travail, au point qu’il faille rester actif en externalisant sans cette activité en des actions corporelles et des relations sociales. L’inactif, le chômeur, est qualifié ainsi en comparaison au modèle de la machine toujours performante.

  • Activer en soi des ressources capacitaires jusque-là inédites par des techniques d’attention et de pleine conscience des micro mouvements internes mais aussi par des activations non contrôlables dans ses effets et dont le libre arbitre doit subir les conséquences.

19Mais l’activation n’est pas toujours possible ou souhaitable. Le corps déficitaire la rend impossible sans une suppléance, qu’Alain Berthoz (2013) a décrite dans la vicariance et que Catherine Malabou (2017) a analysée dans la clinique des « nouveaux blessés », par une autre capacité l’incapacité. Devenir incapable ou dépendant d’un aidant, le corps inactuel ne parvient plus activer ce qui serait d’actualité. Est-ce pour autant entièrement inactivable ? Avons-nous suffisamment déconstruit nos processus de normalisation et de normalité pour proposer dans des situations incapacitantes d’autres médiations ? Quand le corps n’a plus de ressources pour se capaciter, son individualité se révèle fatale par une inadaptation.

La percep-action directe du vivant

20Le vivant développe des mouvements automatiques, d’une part réflexes par la perception directe du vivant de ses interactions, la percep-action, avec le monde et d’autre part les techniques du corps si incorporée qu’elle devienne des habitus, au sens de Marcel Mauss, que nous réalisons sans conscience.

21L’exercice physique, au-delà de ses effets à court terme, contribue à la transformation de soi-même : par exemple, l’augmentation de la masse musculaire ou la régulation de l’action motrice. L’exercice physique subit les effets moteurs de la mise en action du corps qui le transforment par l’adaptation et l’habituation : répété régulièrement, l’exercice physique, qui, selon Marcel Mauss constitue depuis 1934 une habitude quotidienne, est le mode d’incorporation privilégié de nouvelles techniques ; c’est moins le corps qui s’exerce que sa psycho-physiologie qui se modifie par l‘action motrice. L’exercice physique n’est donc pas une externalisation des capacités de notre corps mais une internalisation des efforts produits.

22Sans exercice physique, la pratique corporelle n’aurait ni de dimension réelle ni d’impact psycho-physiologique dans la constitution du soi : cette philosophie matérielle du corps trouve dans le corps exercé une habileté et une aptitude à réaliser une action motrice de manière automatique. Cette inconscience motrice facilite la vie quotidienne par la constitution d’habitus moteurs : nous disposons involontairement de notre corps par la mise en action de gestes fonctionnels et efficaces comme ouvrir une porte, se déplacer dans un espace connu, faire une passe aveugle, anticiper une chute…

23Le corps est en acte avant que la conscience en soit consciente. En fonction de la position dans l’espace et de la posture à accomplir, le cerveau est capable de faire des prédictions. Plus le circassien s’entraîne, plus il répète la validité des boucles sensori-motrices en s’habituant aux gestes. La dimension inconsciente de l’incorporation de ces techniques de gestes produit une synthèse psycho-bio-sociale qui pour Marcel Mauss définissait l’habitus. Les ajustements posturaux, qui sont des contrôles sensori-moteurs et non plus de simples réflexes, témoignent de cette réponse appropriée au mouvement exécuté sans que le sujet en soit conscient, bien qu’il l’ait appris en répétant de nombreuses fois à l’entraînement la mise en jeu des muscles, le mouvement des bras ou la rotation.

24Cette appropriation se renouvelle indéfiniment pour autant que l’activité physique vienne modifier les coordonnées habituelles du schéma corporel : l’enjeu de la variété et de la variation des pratiques corporelles, et surtout de l’entrée nouvelle dans une pratique physique, favorise cette déshabituation des postures d’action et implique une recalibration des réseaux neurophysiologiques de notre schéma corporel.

Développer l’attentionalité à sa vivacité

25L’attentionalité, à l’inverse de l’intentionalité, décrit le devenir de la conscience en tant qu’attention à elle-même. Cette processualité du devenir attentif décrit la conscience moins comme la prise de conscience d’un objet que comme une capacité du sujet à se rendre attentif à ce qui se passe en lui pendant le temps de la conscientisation.

26Décrire le vécu et les processus de subjectivation dans le cours de la pratique de la méditation permet de démontrer comment atteindre un autre état de conscience en maîtrisant une technique du corps comme la méditation ordinaire en comparaison, par exemple, du vécu des sportifs de haut-niveau adeptes de préparation mentale et autre haptonomie.

27L’objet est considéré comme un obstacle qui vient remplir le champ de conscience au point que Husserl recommandait, par l’epochê, sa mise entre parenthèses tant d’un point de vue externe que d’un point de vue interne. Nous percevons le corps animé mais souvent conjointement avec les choses  » qui sont perçues » au « moyen du corps, avec leur manière respective d’apparaître »31. Cette perception du corps animé possède bien, une fois séparée de la perception des choses externes, « sa propre couche de localisation des sensations tactiles ». La purification de la conscience, la conscience pure, trouve ainsi dans la couche d’appréhension des sensibilités du corps lui-même :

au point de vue de la conscience pure, les sensations sont bien les soubassements matériels indispensables à l’égard de toutes les espèces fondamentales de noèse.

28Cette délimitation entre somatologie et psychologie est l’espace théorique dans lequel l’attention de la conscience peut se focaliser lors d’un remplissement du contenu de conscience par les sensations. La conscience peut être représentationnelle lorsque son attention est fixée par un contenu de conscience qui peut la distraire de sa puissance de concentration. La respiration, le souffle, les mouvements deviennent inconscients par l’automatisation de la vie quotidienne qui focalise l’attention sur les tâches externes à notre corps vivant. Ce dernier est contrôlé par la conscience pour l’orienter vers une action précise. En délaissant l’objet extérieur, mais aussi l’objet mental qui vient empêcher la conscience d’accueillir l’activité de son corps vivant qui émerge.

29Il faudrait une intention vide de matériau sensoriel pour obtenir une conscience immédiate. L’impression de l’objet récupéré en immanence ne peut se réduire à l’empirisme du sense data car la conscience ne serait plus qu’un épiphénomène. Il faut selon Husserl, traduit ici par Jean-Luc Petit, être intentionnalité orientée sans pré-remplir l’objet de la conscience afin d’accueillir ce qui vient : cette désaturation progressive jusqu’à la limite du vide rend la conscience sensible à une nouvelle réception qui peut émerger, en l’occurrence, de son corps vivant. La primauté de l’action est nécessaire pour décrire cette processualité temporelle.

30La notion de geste, plutôt que celle de prise qui manifeste une saisie, décrit ce mouvement volontaire de la conscience en train de devenir consciente. L’expérience attentionnelle, à la différence de la méditation par scan corporel, refuse l’effort volontaire de la focalisation : car 1) la dimension immédiate d’occupation d’un contenu de conscience dans la conscience ne l’engage pas à s’y maintenir dans une prise volontaire de cet objet. La conscience comme structure ne peut être confondue avec la prise de conscience libérant la spontanéité. Ainsi 2) l’expérience attentionnelle ne vise pas le contrôle lié à un effort volontaire de saisie de l’objet mais s’inscrit dans le flux de ce qui vient à la conscience sans que nous nous en rendions compte. La mobilité automatique dans l’expérience est celle du flux qui nous traverse dans lequel nous pouvons insérer la conscience une fois que celle-ci est déprise de ses habitudes de penser. Une fois écologisée dans le flux de conscience la spontanéité réceptive et la plasticité fournissent un contenu immanent.

31Ainsi l’activité du corps vivant devient une « expérience conscientisable en termes de catégorisation »32. Avec la cardiophénoménologie, Natalie Depraz et Thomas Desmidt, considèrent que « la dynamique de l’émergence émotionnelle est mise en mouvement par la réactivité et le vécu corporel »33. À la congruence des courbes cardiaque, respiratoire et de conductance cutanée est corrélée « la forte réactivité vécue, corporelle, cognitive et émotionnelle »34 : le trouble émotionnel de la dépression peut ainsi être mesuré par des marqueurs de l’activité préconsciente par « une approche croisée de troisième vers première personne à première vers troisième personne »35. Cette activité du corps vivant, inconsciente pour le sujet conscient est complétée par des entretiens d’explicitations focalisés sur les contenus.

32Comment prenons-nous conscience du moi ? Par l'attention. Le plus souvent cette attention est dispersée car nous sommes insensibles à nous-mêmes, à ce qui se passe dans notre corps. Il faut qu'il y ait un arrêt, une coupe dans le flux de conscience pour qu'il y ait attention. William James distingue, dans Principles of Psychology (1909) trois types d'attention :

  1. Une attention sensorielle (quand elle porte sur l'objet des sens) ou intellectuelle (quand elle porte sur les idées, sur les représentations mentales).

  2. Plus l'attention est précise, plus elle est dérivée (i.e elle est le résultat d'un effort).

  3. Elle peut être volontaire et active (i.e lorsqu'on revient vers le corps. Cela témoigne d'un effort) ou involontaire et spontanée (i.e lorsque le corps se manifeste à nous. La qualité sensorielle est subie. Le corps occupe la totalité de l'attention.

33L'attention active commence par une accommodation automatique de l'organe sensorielle. Le corps se modifie pour s'accommoder à l'interaction ; Sentiment d'activité se produit quand je fais attention au fait que je fais attention. Un accroissement de netteté dans la perception est cette attention spécialisée à ce qui est en train de se passer. On développe ici notre capacité à focaliser la perception.

La chair biosubjective créatrice

34La chair biosubjective est décrite par cette attentionalité tant du point de vue d'un vécu du vivant que de celui d'un vivant modifiant le vécu. Le lien avec ce que Jean-Marie Pradier appelle « La chair de l’esprit »36 est établi dans la relation corps-esprit dans les pratiques spirituelle, cognitives et émotionnelle des actes de création. Cette dialectique de la matière corporelle ne prive pas le sujet d'une activité mentale du vécu vivant séparée mais jamais indépendante de l'état et de l'intensité du vivant-vécu. Le vécu-vivant définit une réalité mentale de la chair biosubjective qui ne correspond pas entièrement au vivant-vécu : une telle identité supposerait une réduction du vécu-vivant au vivant-vécu ; or l'incessante mobilité du corps biologique modifie le vivant-vécu, précédant la perception et la conscience que pourrait en avoir le vécu-vivant. Ce nouveau monisme admet à la fois une absence de simultanéité entre le vivant-vécu et le vécu-vivant, une antériorité biologique du vivant vécu et une rétroaction du vécu-vivant sur le vivant-vécu.

35Contre l'identité ou la non identité corporelle, la subjectivité corporelle a mis en avant le vécu psychologique par le moyen de l'introspection de nos états internes : émotions, sentiments, souvenirs, fantaisies et rêves. Le corps révélait, de Maine de Biran à Proust, des contenus mentaux plutôt que affectifs  : l'image, élaborée par la sensation, pouvait en être la rémanence dématérialisée mais agissant dans la perception du sujet de son propre corps et du corps des autres ; la maladie37 atteint le corps tant dans sa dimension somatique que dans sa dimension affective, comme le prouve la maladie d'amour ; la fatigue indique au corps sa pesanteur laborieuse par la relation des rythmes biologiques avec l'investissement psychologique dans la réalisation de la tâche.

36Le corps subjectif ne parvient pas à entièrement s'identifier, ce qui ne conclue pas à l'absence d'identité pour être incarné. En posant la question de l'identité comme centrale, le sujet devrait se réduire à l'être (être homosexuel, être musclé, être malade…), confondant ainsi phénoménologie et ontologie, psychanalyse et psycho-comportementalisme. Le corps subjectif ne parvient jamais à entièrement s'objectiver. Il recèle en lui les constituants incorporés depuis notre formation. L'interaction entre le corps et le monde, commencé in utero, rend biosubjectif toute incorporation : chaque corps se définit une chair composée d'images somatiques, de perceptions sensibles, de représentations organiques. Le paradoxe de notre emersiologie est dès lors de toucher sa chair sans l'être.

37Ce monisme établit une nouvelle relation entre l'image du corps, le schéma corporel, le système nerveux, les appareils sensoriels, la perception, la mémoire et l'inconscient. L'interaction constitutive du corps biosubjectif le rend à la fois particulièrement sensible aux informations incorporées par les appareils sensoriels et soucieux de conserver son identité dans sa mémoire et son inconscient. Cette contradiction quotidienne entre ce qui provient du monde et ce que le corps en retient définit une biosubjectivité dynamique dont l'équilibre n'est pas stabilisé, le sujet pouvant souffrir tant de ce qu'il conserve par devers lui que de ce qu'il ne parvient pas à incorporer. Ce qui a été incorporé fait désormais partie de sa chair, c'est-à-dire ne pourrait lui être retiré sans par là même extraire une partie de lui-même. Car l'incorporation en devenant incarnée spécialise la biosubjectivité dans tel langage, telles techniques corporelles, telle acculturation plutôt que telle autre. Cette accumulation de passé incorporé fait croire au sujet en sa permanence substantielle, en sa durée intangible. En réalité le sujet est toujours biosubjectif : il doit s'adapter non seulement aux changements de son environnement biopsychosocial, mais subir plus ou moins les modifications de sa biosubjectivité interne et intime comme le révèlent les expériences de la maladie et du vieillissement.

38Ainsi le schéma corporel et l'image du corps, la mémoire et la perception, la sensation et l'inconscient communiquent entre eux comme dans des pôles contradictoires et dynamiques qui obligent la biosubjectivité à recomposer sans cesse son identité pour éviter le déséquilibre pathologique ou psychologique. En avançant la thèse de représentation corporelle, A.R. Damasio, V.S. Ramachandran ou A. Berthoz38, se définit comme « l'esprit nourri par le corps et qui pense au corps du cerveau est au service de tout le corps. »39

39L'esprit existe pour le corps, il en est la représentation qui vient le doubler. Le but n'est pas de retrouver le corps mais de partir du corps agissant, du corps pensant, d'un corps utilisant la pensée pour se penser lui-même et non pas d'un corps fournissant à la pensée des informations secondaires pour une conceptualisation plus abstraite.

Nous avons deux corps, le corps physique et le corps mental. Le corps mental est constitué de tous les modèles internes qui constituent les éléments du schéma corporel et permettent au cerveau de simuler, d'émuler la réalité. C'est le corps que nous percevons lorsque nous rêvons.40

40La représentation, dont la conscience nous fait apercevoir la seule dimension mentale, trouve son origine dans un travail matériel du corps pensant.

41Une phénoménologie des sentiments corporels41 voudrait décrire les vécus corporels de peine tels que la souffrance, douleur, dépression, fatigue ou encore lassitude. La corporalité serait porteuse de propriétés d'ensemble qui produiraient des affects, des émotions et des sentiments éprouvés par le sujet. Ainsi, comme le corps mental, le sentiment corporel cherche à décrire la survenance, au sens de D. Davidson, de sentiments à partir du travail corporel des appareils sensoriels et des images du corps : car le sentiment corporel synthétise le contenu physique de la sensation avec l'imaginaire propre à la subjectivité corporelle. S'il existe une mentalisation inconsciente42, elle doit reposer sur une représentation symbolique primaire, la trace mnésique, dont le contenu équivaut à cette réalité malgré son absence et son manque ressenti par la subjectivité corporelle. Les gestes, les mimiques, les odeurs, les sons, les voix, les signes réapparaissent dans les rêves et dans les formes de pensée primitive comme l'intuition, l'association libre d'idées, et la mémoire spontanée.

L’émersion créatrice

42L’émersion est le mouvement involontaire dans notre corps vivant des réseaux, humeurs, émotions et images dont notre conscience ne connaît dans son vécu que la partie émergée.

43L’émersion n’est pas volontaire. La rémanence sensorielle revient dans notre corps, ou la sensation émerse en nous sans que nous puissions la contenir, ou entièrement la contrôler. La performance émersive fait surgir en nous de l’inattendu pour le public mais aussi de l’inédit pour notre sensorialité : c’est une émersion sensorielle dont l’expression corporelle n’est que la traduction phénoménale et imparfaite de ce qui nous traverse. La performance est traversante par la production en nous de sensations, d’émotions et d’images dont l’expression esthétique se nourrit sans parvenir à l’évider.

44Pourtant, cet écart entre ce qui s’émerse en nous et ce qui s’exprime par nous crée de nouvelles formes et invente de nouveaux codes. Ce qui est performatif en nous dépasse dans la performance le sens initialement prévu comme si un surcroit de notre chair se manifestait dans un faire immédiat et instantané. Ce qui m’éprouve au cours de la performance peut-il devenir matière de la manifestation esthétique ou y-a-t-il toujours un décalage entre ce qui est émergeant en moi et ce qui s’exprime par moi-même avec les autres ?

Tableau 1 : De l’énaction à la conscience

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45L’émersion des effets de l’immersion révèle à notre corps des modalités jusque-là implicites : ainsi l’immersion dans la radioactivité engage une émersion à long terme d’effets (la dégradation progressive de la santé dans le bain radioactif ou chimique implique les limites de la plasticité du corps), pouvant recalibrer le corps sans le faire muter en le cancérisant ou en produisant un corps génétiquement modifié. L’émersion est une actualisation involontaire du corps immergé qui mute par l’écologisation de son vivant, comme en témoigne les variants du Covid, faute de quoi il disparaîtrait. Le passage de l’émersion à l’imsertion peut provenir d’une dépendance, au biotope par exemple, comme à Tchernobyl et à Fukushima, où les populations ne peuvent ou ne veulent pas changer de lieu, ou de l’impossibilité du sujet de sortir d’un milieu immersif comme les addictions.

46L'émersion est quelque chose qui arrive sans cause apparente, et est au-delà de l'intention humaine de le contrôler ou de l'utiliser à des fins utilitaires (bien sûr, nous pouvons essayer de le contrôler par la formation, mais le succès n'est pas garanti). Différents niveaux d'émersion éveillent la conscience par des mouvements involontaires, des impulsions réflexes et des sentiments directs.

Tableau 2 : Différents niveaux d’emersion

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47La communication du corps vivant s’effectue directement par une sensibilité qui devient, ensuite par l’émersion, perceptive. Mais la communication activée dans le corps vivant doit encore prendre le temps de la connexion nerveuse pour aller de l’afférence neurosensorielle à la conscience vécue de ce contenu cérébral.

48Le corps est capable de « gesticulation expressive ou d’action et d’avoir un système phonématique comme capacité de construire des signes »43 : un système phonématique du schéma corporel est un système capacitaire qui fait émerger des activations dont la perception traduit dans un langage le rapport signifiant/signifié. Comme « théorie du symbolisme latéral, indirecte »44, le schéma corporel ne possède pas de langue inconsciente dont il faudrait être le Champolion.

49« L’indirect comme constitutif de l’expression »45 a pu faire espérer en une transparence du contact direct avec le corps comme dans les théories linguistiques de l’embodiment. Cette « signification par écarts »46 implique la transcendance du signifié par rapport au signifiant : ainsi le geste émersif du corps vivant, le mouvement involontaire, l’activation des rythmes et fluides biologiques, la respiration, mouvements oculaires, rythme cardiaque, expression du visage, posture corporelle, autant d’activités du corps vivant qui indiquent une émersion du signe qui sera interprétée comme une signification.

Conclusion

50L’émersion créatrice repose ainsi sur l’accueil de ce qui vient de notre vivant mais avec un travail d’interprétation des signes : l’herméneutique doit traverser le voile perceptif tout en tenant compte des modes d’imagination et de symbolisation.

  • Soit de manière symboliste, l’établissement d’une interprétation fixiste, sinon universelle, des signes du corps conduit à une correspondance entre un geste du corps et une signification comportementale et culturelle. Dictionnaire et vocabulaire dans lequel un signifiant est égal à un signifié par une lecture univoque et universelle.

  • Soit de manière émersive, en dépassant la convention arbitraire du signifiant/signifié de De Saussure, pour reconnaître une porosité. Georges Simondon le précise dans son Cours sur la perception (1964-1965) : « la sensibilité peut être très fine sans permettre des perceptions d’objet »47.

51Cet insensible immersif se produit dans le corps vivant sans que la perception du corps vécu puisse en ressentir encore l’intensité sensorielle. La communication activée dans le corps vivant doit encore prendre le temps de la connexion nerveuse pour aller de l’afférence sensorielle à la conscience de ce contenu cérébral.

Notes

1 COUPAT Julien, « Dialogue avec les morts », dans CARCHIA Gianni, Orphisme et tragédie, Bordeaux, Ed La Tempête, 2018.

2 KELKEL, Arion L., « L'herméneutique de Paul Ricoeur – une autre phénoménologie? » Phänomenologische Forschungen Studien zur Philosophie von Jan Patočka (1985), Vol. 17, 1985, pp. 108-142.

3 DE SAINT-AUBERT Emmanuel, Du lien des êtres aux éléments de l'être. Merleau-Ponty au tournant des années 1945-1951, Paris, Vrin, 2004.

4 MERLEAU-PONTY Maurice, Le primat de la perception, Paris, Ed Cynara, 1934, p. 24.

5 LIBET Benjamin, Mind Time – The Temporal Factor in Consciousness, Harvard University Press, 2005.

6 PRADIER Jean-Marie, La scène et la fabrique des corps. Ethnoscènologie du spectacle vivant en Occident, 5e siècle avant J-C - 18e siècle, P.U. Bordeaux, 2000.

7 PRADIER Jean-Marie, PHILIPPE-MEDEN Pierre, BOIN Stéphane, GUIEN Philippe, CERVETTI Jade, BESSONNEAU Romain, CAMPEGGIANI Alessandro, HAUDOIN Anaïs, MARINCOLA Margherita, « Vous avez-dit ethnoscénologie ? Suite de la rencontre avec Jean-Marie Pradier autour des fondements épistémologiques et méthodologiques de l’ethnoscénologie », L’Ethnographie, Octobre 2020, https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=696

8 Idem, p. 14.

9 WINNICOTT Donald, La capacité d'être seul, 1958, La Mère suffisamment bonne, Paris, Payot, 2006.

10 HARAWAY Donna J., , Vivre avec le trouble, trad fr. GARCIA Vivien, Paris, Les Éditions des mondes à faire, 2020, p. 60.

11 ANDRIEU Bernard, « L’intuition originelle de Bergson », Le corps dispersé. Une histoire du corps au XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 51-71.

12 ANDRIEU Bernard, PARRY Jim, POROVECCHIO Alessandro, SIROST Olivier. eds., Body Ecology & Emersive Leisures, Londres, Ed. Routledge, 2018.

13 PARLEBAS Pierre, Jeux, sports et sociétés, Lexique de praxéologie motrice, Paris, INSEP-Publications, 1999.

14 PRADIER Jean-Marie & co, Op. cit., 2020, p. 12.

15 HALL Edward T, La dimension cachée, Paris, Points, 1966, p. 15.

16 LESAGE Benoît, Un corps à construire. Tonus, posture, spatialité, temporalité, Toulouse, Ed Erès, 2021, p. 32.

17 GALLAGHER Shaun, COLE Jonathan, « Body image and body schema in a deafferented subject ». The Journal of Mind and Behavior, 1995, 16: 369-390.

18 SCHILDER Paul, (The image and Appearence of the Human Body : Studies in the Constructive Energies of the Psyche) L’image du corps ; Etudes sur les forces constructives de la Psyché; Paris, Gallimard, [1935] 1968, p. 35.

19 SCHILDER Paul, Das Körperschema. Ein Beitrag Zur Leihre Vom Bewusstsein. Des Engenen Körpers, (Le schéma corporel. Contribution à l’étude de la conscience du corps propre), Berlin, Verlag, 1923.

20 SCHILDER Paul, 1935, p. 37.

21 ANDRIEU Bernard, « Le corps pensant : Mouvement épistémologique de la philosophie dans la biologie 1950-2000 », Revue internationale de philosophie, 2002/4 (n° 222), 2002, pp. 557-582.

22 SCHILDER Paul, 1935, p. 46.

23 CANGUILHEM Georges, « La connaissance physiologique du corps humain », Dans Oeuvres complètes tome V, Histoire des sciences, épistémologie, commémorations, Paris, Vrin, [1967] 2018, p. 169-175, ici p. 169.

24 Op. cit., p. 170.

25 Ibidem.

26 Op. cit., p. 175

27 Ibidem.

28 ANDRIEU Bernard, Sentir son corps vivant, Emersiologie 1, Paris, Vrin, 2016.

29 AGOSTINUCCI Marie, LINE Claire, LACHAL Jonathan, DIETRICH Gilles, HANNETON Sylvain, ANDRIEU Bernard, « L’impropréité du corps vivant. De l’énaction capacitaire à son émersion vécue », Intellectica, 2/n°71, 2019, p. 29-66.

30 ANDRIEU Bernard, Le corps capacitaire. Vers une performativité du vivant, Paris, Ed Inshea, PUnanterre, 2019.

31 HUSSERL Edmund, « La phénoménologie et les fondements des sciences » (1952). Tome 3, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologie pure [trad fr., Dorian Tiffaneau], Paris, PUF, 1993, p. 14.

32 DEPRAZ Natalie, Attention et Vigilance, Paris, PUF, 2014, p. 192.

33 DEPRAZ Natalie, DESMIDT Thomas, « Cardiophénoménologie », Les Cahiers Philosophiques de Strasbourg, 38 : 47-83, 2015, p. 72.

34 Op. cit., p. 71.

35 Op. cit., p. 60.

36 PRADIER Jean-Marie, « Ethnoscenology : the Flesh is Spirit », New Approaches to Theatre Studies and Performance Analysis, Günter Berghaus ed., The Colston Symposium, Bristol, Max Niemeyer Verlag Tübingen, 2001, pp. 61-81.

37 ANDRIEU Bernard, Proust, le corps malade d’amour, Paris, Kimé, 2021.

38 DAMASIO Antonio R., Le sentiment même soi. Corps, émotions, conscience, Paris, O. Jacob, 1999, p. 154-159.

39 DAMASIO Antonio R., Spinoza avait raison. Joie et Tristesse, le cerveau des émotions, Paris, O. Jacob, 2003, p. 207.

40 BERTHOZ Alain, La décision, Paris, O. Jacob, 2003, p. 169-170.

41 CHARBONNEAU Georges, Pour une phénoménologie des sentiments corporels in GRANGER Bernard, CHARBONNEAU Georges (eds.), Phénoménologie des sentiments corporels, Edition Le cercle herméneutique, 2 tomes, Tome 1, 2003, p. 17-23.

42 LUQUET Pierre, Les mentalisations inconscientes, Les niveaux de pensée, Paris, P.U.F., 2002, p. 45-100.

43 MERLEAU-PONTY Maurice, Le monde sensible et le monde de l’expression, Cours du collège de France, Notes., Metis Presses Eds Emmanuel de Saint-Aubert et Stefan Kristensen [1953], 2011, p. 204.

44 Op. cit., p. 205.

45 Ibidem

46 Op. cit., p. 207.

47 SIMONDON Gilbert, Cours sur la perception 1964-1965, Paris, Ed Cynara, 2013, p. 109. 

Pour citer cet article

Bernard Andrieu, « L’émersion créatrice », L'ethnographie, 5-6 | 2021, mis en ligne le 20 juillet 2021, consulté le 25 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=1004

Bernard Andrieu

Bernard Andrieu, philosophe, est professeur des universités en Staps à l’Université de Paris. Il dirige l’URP 3625 I3SP : https://i3sp.recherche.parisdescartes.fr/equipe/bernardandrieu/