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L'Ethnographie

Le Magdalena Project

Un réseau international de femmes artistes de la scène

Selene D’Agostino

Juillet 2021

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.960

Résumés

Cet article explore les modes de diffusion du réseau international de femmes du théâtre contemporain, The Magdalena Project. Il analyse le modèle épistémologique qui a permis le développement des stratégies de survivance du réseau Magdalena. Je mobilise les notions de nomadisme, de figuration chez Rosi Braidotti et de communauté de pratique artistique chez Lave et Wenger analysées à travers la présentation d'un cas exemplaire : le Transit Festival (Holstebro, Dk).

Ce travail repose sur une enquête de terrain constituée par le dépouillement des matériaux inédits conservés dans les archives OTA (Odin Teatrets Archives) et le fond Julia Varley (Odin Teatret, DK). Dans cette optique, une méthode largement quantitative a été adoptée, consistant en une analyse de contenu catégorielle, soutenue par l’analyse de discours. Les résultats obtenus montrent un ethos axé sur la responsabilité des femmes, sur la compétence et sur l’authenticité de leurs discours. Les artistes du réseau Magdalena prennent la responsabilité de parler « assises » dans un statut, un rôle, un corps précis, un lieu donné, pratiquant ainsi ce que la théoricienne Adrienne Rich appelle The Politics of Location (1986), une conscience de sa propre différence, plutôt qu'une égalité absolue fictive. The Magdalena Project et Transit Festival réalisent un cadre hétérogène d'artistes qui parlent de différents corps et de différents lieux géopolitiques ; Cet article tente de dessiner une cartographie des pratiques artistiques étant les artistes porteuses d'une esthétique théâtrale individuelle mais aussi d'une esthétique d'ensemble.

Texte intégral

1Au XXe Siècle, une série de tentatives d'union entre les groupes de théâtre1 et les théâtres montre clairement la volonté de partager les expériences et les réflexions issues du travail produit par les femmes artistes du théâtre. Cela se passe notamment dans le théâtre expérimental et le « tiers-théâtre »2, qui sont tenus à la marge d’un système artistique fortement hiérarchisé. Le Magdalena Project (MP), dont le premier événement a eu lieu en 1986 à Cardiff, au Pays de Galles, est l’un de ces mouvements novateurs. Il régit un vaste réseau international de femmes qui travaillent dans le théâtre professionnel contemporain. Depuis 1986 un nombre impressionnant de festivals indépendants autoproduits, de rencontres, d’ateliers, d’expositions, de conférences ont eu lieu sur plusieurs continents dans plus de trente villes de nombreux pays européens, américains, asiatiques. Pour ma recherche, j'ai commencé à aborder des traits communs aux festivals qui esquissent le profil du réseau Magdalena. Dans cet article je n'en introduirai que trois : la manière dont ils sont organisés, les lieux où ils se déroulent, la dimension collective du quotidien et l'importance accordée à la documentation des festivals.

2Le MP est composé de présentations de spectacles, de work-in-progress, de créations en résidence et d’ateliers. Différents types d'ateliers sont organisés : collectifs le matin, ateliers thématiques en petits groupes animés par des comédiennes, des metteuses en scène et des dramaturges invité.e.s par les organisateurs.trices et destinés aux artistes et aux festivaliers.ères. Il y a également des spectacles, des séances de formation collectives, et des rendez-vous théoriques autour de discussions collectives, des présentations de livres, des expositions et des présentations de magazines.

3La dimension collective du quotidien est un autre aspect particulier : les participants.es et les artistes partagent les lieux d’hébergement, les espaces de restauration et ils.elles sont tenu.e.s de participer à toutes les activités prévues le temps de la rencontre. Le premier et le dernier jour, des assemblées générales se tiennent en grand cercle et le festival se termine par une fête.

4J'ai choisi trois exemples à observer : le Magdalena Sin Fronteras organisé à Cuba en 2008 et en 2011, à Santa Clara, une petite ville à 250 kilomètres de la Havane. Ce festival occupait toute la ville. Les artistes et les participantes étaient hébergées dans des casas particulares qui permettaient d'arriver au théâtre et aux plusieurs lieux du festival en dix minutes. Le Magdalena 2a Generación qui, parmi ses activités, travaille avec les communautés rurales en Argentine. Le Festival Transit qui transforme l'Odin Teatret en une citadelle théâtrale où tout se déroule dans les bâtiments du théâtre. L'organisation logistique des lieux, l'évaluation des déplacements autonomes dans un temps raisonnable révèlent en effet une condition tacite à respecter : les artistes et les participantes sont tenues de participer à toutes les activités au programme.

5La logistique des lieux a des conséquences sur la dimension collective du quotidien. Il est possible de vivre les relations humaines, amicales et artistiques de façon détendue et de cultiver pendant sa propre présence des opportunités de collaborations artistiques. Pour l’édition du festival qui a eu lieu pendant la crise sanitaire, les artistes se sont rencontrées virtuellement pour échanger, créer et diffuser des travaux et des idées.

6Les nouvelles rencontres du MP sont toujours portées par des personnes qui ont fait l’expérience directe de ce projet dans son contexte d’origine (Bassnett 1989 ; Fry 2007). Ce projet s’est inscrit dans la durée grâce à la volonté de ses membres. Il est singulier par les liens très profonds qui se tissent autour d’un principe de compagnonnage entre femmes sur trois générations successives. C’est un témoignage de ce qui peut être atteint dans un esprit collectif d’unité. Toutes ces artistes ont des vies entièrement dédiées au théâtre, à sa pratique, à son enseignement et à sa réflexion théorique. Les branches du MP traversent les frontières et les générations et même si il n'a jamais embrassé explicitement de courant féministe, je situe la naissance du réseau dans l'histoire du mouvement féministe. Il a des traits communs avec la deuxième vague du féminisme ; l'initiative de trouver un langage théâtral féminin a été abandonnée rapidement : c'était un rêve vain parce que cette quête suppose une idée féministe qui repose sur des définitions « essentialistes » de la féminité, de la sexualité et du corps et cela signifiait nier que les femmes sont de plusieurs, ethnies, nationalités, religions, orientation sexuelle et origines culturelles. Contrairement à la première vague de féminisme qui s'est principalement concentrée sur l'abolition des obstacles juridiques pour une égalité des sexes, le MP tente de résoudre, ou du moins de limiter l’exclusion des professionnel.le.s du monde du théâtre des lieux où faire de l’art signifie trouver une appartenance, et ainsi sortir d’une forme de ségrégation (Gale ; Greenhalgh 2013), en relation avec le pouvoir dans l'industrie du théâtre (Su 2015 : 285). Le MP cherche à susciter des situations théâtrales inhabituelles, pour la plupart invisibles et en marge des institutions en créant des espaces et des opportunités d’échanges dans lesquels ce sont les relations qui déterminent la diffusion des spectacles sur le marché de la culture (Naspolini 2011), et non les rapports institutionnels. Dans ce sens, Greenhalgh, fondatrice du MP, avoue elle-même :

I was naïve administratively and artistically. [...] I soon realised it was a nonsense [...]. But what became imperative was to hear these voices, see this work, whether raw or sophisticated. (Gale ; Greenhalgh 2013 : 184)

7Les présupposés de la polyphonie esthétique et méthodologique qui distinguent et caractérisent le réseau se retrouvent ici.

Le festival Transit

8Le festival Transit est conçu et organisé depuis 1992 par Julia Varley, comédienne et pédagogue de l’Odin Teatret, au siège à Holstebro (DK). Régulier et récurrent depuis 1992, le festival est aussi l’occasion pour les participantes de connaître les travaux des comédiennes de l’Odin Teatret, travaux qui sont présentés pendant les trois premiers jours du festival.

9Au départ, Transit est né de la recherche d'autonomie professionnelle de Julia Varley3 vis-à-vis de l’Odin Teatret et en signe d'hommage et de prise de conscience du fait que le travail mené jusque-là dans le projet Magdalena constituait une expérience sans précédent dans l'histoire du théâtre. C’est, en somme, le résultat d'une vision individuelle née au sein d'une vision collective face à une recherche d'autonomie professionnelle. Le festival Transit accueille des artistes invitées par Varley pour présenter leur travail avec des spectacles, des ateliers et des performances. Mais aussi avec des conférences, des présentations de livres, des discussions et des tables rondes sur des sujets proposés par l'organisatrice. D'autres artistes participent de leur propre initiative en payant des frais d'inscription.

10À ce moment de ma recherche, pour ce qui concerne le lien avec le MP, l'aspect le plus intéressant est que le festival explore des thèmes socio-politiques déclinés à travers les travaux des artistes et l'organisation dramaturgique du festival. Depuis la première rencontre, Julia Varley a identifié plusieurs thèmes spécifiques pour les neuf éditions4 et son choix dépend des urgences qui ont émergé lors des rencontres du MP. Nous trouvons par exemple pour thème du 3e festival en 2001 : « Theatre – Women – Generations » axé sur la pédagogie et sur la transmission du travail, ou encore, pour le Transit 6, « Theatre – Women On The Periphery » (2009) qui se concentre sur les réalités marginales du théâtre à partir des lieux où l'on joue le théâtre. Le festival Transit, sur cinq à dix jours, est ponctué de spectacles, de séminaires, de conférences et de débats. Comme tous les festivals Magdalena, le festival Transit conserve la même structure, mais la spécificité est donnée par l'orchestration de Julia Varley de tous les éléments qui composent le festival.

11Les neuf éditions de Transit sont unies par leur complexité dramaturgique. C'est la spécificité qui distingue Transit des autres festivals. En fait, il faut penser Transit comme un spectacle : en paraphrasant Eugenio Barba, je peux dire que Transit est le texte du spectacle - j'entends par texte « tissage ».

[Le tissage] du spectacle peut être défini comme « dramaturgie », c'est-à-dire drame - ergon, travail, travail d'actions. La façon dont les actions fonctionnent est l'entrelacement. (Barba, Savarese 1996 : 46)5

12Le Transit est un entrelacement d'actions reliées entre elles et simultanées. Tout comme dans un spectacle il existe différents niveaux d'actions constituant l'entrelacement, il est également possible dans Transit d'affirmer qu'il existe différents niveaux d'actions entrelacées par simultanéité et cohérence. Par simultané, j'entends tout ce qui se passe au cours d'une seule journée, l'unité de base de cette cohérence. Cela ne signifie pas que les événements ont lieu en même temps car l'un des principes du Festival est que les invitées et les participant.e.s puissent assister à tous les événements programmés. Ce sont des événements simultanés tels que des ateliers, des spectacles, des conférences, des formations collectives, mais aussi des moments conviviaux comme des repas, des équipes de ménage, des transferts ou des moments d'attente dans le foyer avant d'entrer dans les salles de travail. La dimension de l'enchaînement est constituée par la succession de jours uniques pendant le festival, avec leur accumulation progressive de tension émotionnelle, et par le changement progressif de leur composition interne, mais aussi par le rythme interne selon lequel chaque jour est assemblé avec l'alternance de travaux pratiques, de performances et d'interventions théoriques. C'est « l'équilibre entre le pôle de la concaténation et le pôle de la simultanéité » (Barba, Savarese 1996 : 47) qui crée la tension dramatique. Avec un œil et une maîtrise cinématographique, le montage par simultanéité et concaténation permet à Julia Varley de « monter l'attention [des artistes et participants invités], éditer leurs rythmes, induire des tensions sans [pour cela] chercher à leur imposer une interprétation » (Barba, Savarese 1996 : 48), plutôt, les invitant à entreprendre un chemin entre des formes esthétiques hétérogènes, qui font sourire ou pleurer, matures et jeunes, collectifs et individuels. Ils se retrouvent ainsi dans un vortex expérientiel. Leur attention de cette manière est au moins double car

d'une part [leur attention] est attirée par la complexité, par la présence de l'action, [et] d'autre part elle est continuellement appelée à évaluer cette présence et cette action en la lumière de la connaissance de ce qui vient de se passer et de la prévision (ou de la question) sur ce qui va se passer. (Barba, Savarese 1996 : 48)

13C'est le cas, par exemple, des significations inattendues que peut prendre le thème qui encadre le Festival, mais aussi du dialogue entre les spectacles qui se réfèrent les uns aux autres ou qui s'opposent par sujet ou esthétique, ou encore de la relation dialectique qui s'établit entre les différentes interventions théoriques. Cela signifie que plus les artistes invitées et les participant.e.s rencontrent des difficultés dans l'expérience, plus le sens sera fort et inattendu :

plus il devient difficile pour [eux] d'interpréter ou d'évaluer immédiatement le sens de ce qui se passe sous [leurs] yeux et devant [leur] esprit, plus il est fort pour [eux] d'avoir une expérience. […] En effet, ce sera un sens [au sens commun du terme] que plus l'auteur de l'émission aura travaillé avec une logique simple en entrelaçant différents fils, plus il apparaîtra surprenant, motivé et inattendu pour son auteur. (Barba, Savarese 1996 : 48)

14Les deux structures expriment les préoccupations des femmes qui travaillent aujourd'hui dans le théâtre international. Les deux encouragent les femmes à penser leur rôle dans l'histoire à venir du théâtre en présentant des œuvres, en partageant des méthodologies, en analysant les formes et les contenus et en produisant de nouveaux matériaux. Leur objectif est de créer des opportunités pour les femmes d'explorer de nouvelles approches de la pratique théâtrale qui reflètent plus profondément leurs expériences et leurs priorités politiques en tant que femmes. Jill Greenhalgh, fondatrice du MP, écrit dans (Now) I Am Waiting publié dans « The Magdalena@25 Legacy and Challenge » que la naissance du MP :

resisted establishing theoretical or intellectual foundations. Formal discussion or debate was minimal. Instead, instinctively, it created forums where voices could be heard without interruption, argument or opposition. A culture of listening rather than positioning prevailed, a space where silenced stories could be heard and […] these stories and revelations are the foundations upon which [both the Magdalena Project and Transit Festival] stand. (Greenhalgh 2011 : 31)

15Je crois que les échanges théâtraux entre réalités théâtrales non institutionnalisées sont devenues des espaces dans lesquels les artistes créent des événements qui se prolongent dans le temps et où « la contagion de l'isolement artistique des femmes [peut] être vaincue »6. La structure horizontale qui caractérise également le festival Transit est un type particulier de coopération qui ne suit pas et ne se soumet pas aux « vertical hierarchies [which] dominate […] the economic, political, educational and cultural institutions. These institutions determine the funding, commissioning, staging or housing and dissemination of performance work » (Greenhalgh 2011: 31).

16Émue par sa participation aux premières rencontres Magdalena en 1986 à Cardiff, Julia Varley organise en 1987 à Holstebro, au siège de l'Odin Teatret, les deux rencontres qui ont donné l'origine au festival Transit, The Marathon et Siren. Il n’est pas surprenant que ce projet ait pour partenaire l’Odin Teatret, qui a toujours pratiqué une sorte de nomadisme raisonné. Fondée en 1964 en Norvège par Eugenio Barba, un jeune Italien du Sud qui vivait en Norvège, la compagnie a rapidement déménagé à Holstebro, au Danemark, d'où elle a pratiqué une forme de transhumance régulière vers des territoires lointains (Asie, Afrique, Amérique Latine), pour des échanges, des trocs artistiques, des tournées, des permanences d'études, des écoles de formation de jeunes artistes, des performances avec tous types de publics.

17Le Festival Transit transforme l'Odin Teatret en une citadelle théâtrale. Tout se déroule dans les bâtiments du théâtre. Les participant.e.s et les artistes occupent pour dix jours les espaces physiques des acteurs et des actrices de l'Odin Teatret (les vestiaires, les salles de travail, sauf les lieux administratifs). Cependant, l’occupation de trois salles reste constante : il y a une salle blanche, une salle rouge et une salle noire pour la présentation des spectacles, pour les séminaires et pour les moments de réflexion théoriques. L'utilisation des espaces du théâtre a évolué au fil des années en fonction des besoins organisationnels. Par exemple, le Valhalla, entrepôt adjacent au théâtre, est devenu le lieu des repas et des soirées. Le fonctionnement de la cantine bénéficie de l'aide des artistes et des participants invités, mais aussi de l’aide d'un groupe de bénévoles de la municipalité de Holstebro. Les artistes invités dorment dans les chambres d'hôtes et dans certaines des salles de l'Odin Teatret préparées pour cette occasion avec des paniers de fruits et de fleurs. Certain.e.s participant.e.s dorment au contraire dans un centre sportif où ils.elles sont accompagné.e.s tous les soirs en bus. Tous les espaces sont gérés par les artistes qui, à leur tour, s'occupent du ménage. C'est Julia Varley elle-même, à l'occasion de notre rencontre à Codiponte fin juin 2010, qui définit son Festival comme un caravansérail, un lieu d'échanges. Tout comme dans les auberges en bord de route, le Transit, grâce aux espaces de l'Odin Teatret, est un contexte dans lequel les femmes de théâtre arrivent pour dix jours, où voyageuses et voyageurs traversent les océans et les continents pour partager pratiques et connaissances de leur métier. Ce n'est pas un hasard si le titre d'un tableau de Dorthe Kærgaard7, Transit, est également devenu le titre du festival : « Transit ». Du point de vue du partage, Transit constitue un passage métaphorique du savoir horizontal vers les nouvelles générations. C'est, comme le répète Julia Varley, « un temps pour écouter et obtenir des informations, plutôt qu'un temps pour discuter ; c'est un moment pour acquérir de l'expérience à travers l'expérience des autres, plutôt qu'un moment de confrontation ou de conflit. C'est la culture qui se crée au moment de l'échange »8.Depuis le début du festival, l'Odin Teatret et le MP se sont avérés être des environnements dans lesquels un sol fertile peut être semé « de petites actions qui ne semblent pas influencer le cours de l'histoire »9. Pourtant, les neuf éditions du Transit et le tissage des relations et des activités entre les deux environnements conduisent à affirmer le contraire. La transmission des savoirs, les relations professionnelles et humaines laissent des traces durables non seulement chez ceux qui vivent le Festival, mais aussi dans l'histoire du théâtre. Cela s’illustre par des partenariats privilégiés entre des professionnels de différentes cultures et de zones géographiques lointaines. La diversité et la distance ne sont pas des conditions préjudiciables, mais plutôt les ressources brutes du passage des connaissances. Les connaissances pratiques s'échangent à travers une modalité incarnée et partagée par une communauté d’artistes qui se crée et se renouvelle à chaque festival. Chaque rencontre définit un processus d’apprentissage mutuel grâce à la fusion de trois domaines : celui artistique (performance), celui de la recherche scientifique (symposium) et celui pédagogique (pédagogie du théâtre). Ce que je viens de dire me suggère d'analyser le Festival Transit non seulement comme une citadelle théâtrale mais de l'examiner comme communauté de pratique artistique qui s'insère pour un temps donné presque tous le quatre ans dans l'évolution d'un groupe théâtral de longue durée (depuis 57 ans). Une communauté de pratique est un groupe de personnes qui agit au sein d’un paradigme dont elles partagent des valeurs, des méthodes, des intérêts, des pratiques quotidiennes, échangeant des informations de manière informelle, et interagissant régulièrement dans une situation donnée. (Lave 1988, Lave et Wenger 1991, Wenger 1999). À l'intersection des dimensions artistique, scientifique et pédagogique, le Transit Festival peut être considéré comme une communauté de pratique artistique caractérisée par la transmission d'apprentissage tacite et incarnée, organisée selon une structure pédagogique horizontale (Gale Greenhalgh, 2013 ; D’Agostino 2011, 2014).

Nomadisme

18Le MP et le Festival Transit montrent les principales caractéristiques de cette condition d’existence appelée « nomadisme » dans les termes de la philosophe Rosi Braidotti. Le nomadisme de Braidotti ne consiste pas à être en déplacement éternel ou à ne pas avoir de domicile, mais à pouvoir le recréer n'importe où. « Le nomade emporte ses effets personnels partout où il va et peut recréer sa base partout où il va » (Braidotti 1994 :22) Mais ce qui définit le style nomade, ce sont les prédispositions, la résistance aux modes de pensée et de comportement codés, et non l'acte littéral de voyager. Avec la notion de sujet nomade, Braidotti présente une figuration théorique de la subjectivité contemporaine, engagée dans la tâche de subvertir les représentations conventionnelles de l'humain, plus spécifiquement de la subjectivité féminine. Son nomadisme ne se définit pas comme une fluidité illimitée, mais surtout comme la conscience que les limites ne sont pas fixées. C'est le désir de continuer à transgresser :

Il soggetto nomade è un mito, un'invenzione politica che mi permette di riflettere a fondo spaziando attraverso le categorie e i livelli di esperienza dominanti : di rendere indefiniti i confini senza bruciare i ponti. La mia scelta parte implicitamente dalla consapevolezza della forza e dell'importanza dell'immaginazione, della creazione dei miti come via di uscita dalla stasi politica e intellettuale che segna la fase che stiamo vivendo. Le narrazioni politiche possono essere qui e ora, più efficaci di qualsiasi sitema teorico. Scegliere una figura iconoclasta come il soggetto nomade significa quindi andare contro la natura più radicata e convenzionale del pensiero teorico, soprattutto di quello filosofico. (Braidotti 2002 : 14)

19Pour Braidotti, être nomade signifie vivre en transition, ne pas avoir le sentiment de ne pas pouvoir ou ne pas vouloir créer des bases stables et sûres, « des identités qui permettent de se sentir à l'aise au sein d'une communauté », mais ne pas considérer toute identité comme permanente. Le nomade est une entité transgressive dont le caractère transitoire est la raison pour laquelle il peut établir des liens. « La politique nomade est une question de liens, de coalitions, d'interconnexions » (Braidotti 2002 : 55-56). Il met en évidence les caractéristiques de la « transmobilité » et la capacité de se déplacer à travers et entre les frontières de manière interconnectée en tant que générateurs d'un espace interstitiel où de nouvelles formes de subjectivités peuvent être explorées. Les festivals Magdalena, depuis leur naissance, cherchent à créer des espaces que se situent aux marges non seulement géographiques et urbaines mais aussi aux marges du marché de l'économie néolibérale qui domine la plupart de l'industrie théâtrale. Pourquoi MP et Transit Festival sont-ils des exemples de nomadisme ? Parce qu’ils ont décidé de se situer en marge du système de l'industrie théâtrale, ils se placent au/en dehors des logiques binaires et normatives de la pensée. En restant à l'écart, il n'y a pas de volonté de nier ou d'aller contre le système néolibéral mais d'agir comme une altérité, une alternative, un autre pour déstabiliser et saper le phallogocentrisme et sa logique binaire (Su 2015 : 288).

20La théorie nomade propose de nouvelles idées pour redéfinir la subjectivité politique comme terrain de résistance. C'est un aspect important du féminisme du 21e Siècle:

a radical feminist postmodernist practice requires attention to be paid both to identity as a set of identifications and political subjectivity as the quest for sites of resistance. (Braidotti 2011 : 57)

21Pour Braidotti, le sujet nomade est une figuration utopique qui ne consiste pas en un déplacement dans l'espace, mais en une liberté discursive des récits dominants. Autrement dit, ce que Maggie Gale10 dit à propos du MP « Lorsque l'on est en marge, on a la possibilité de se déplacer dans et entre les choses, de les représenter à partir d'une multiplicité de positions » (Gale and Greenhalgh 2013 : 191). La marginalité, qui était au départ une condition subie, se révèle désormais être une forme de résistance active. La « figuration » du nomade élaborée par Braidotti dérive de la définition donnée par Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux :

Le nomade a un territoire, il suit des trajets coutumiers, il va d'un point à un autre, il n'ignore pas les points (point d'eau, d'habitation, d'assemblée, etc.). Mais la question, c'est ce qui est principe ou seulement conséquence dans la vie nomade. En premier lieu, même si les points déterminent les trajets, ils sont strictement subordonnés aux trajets qu'ils déterminent, à l'inverse de ce qui se passe chez le sédentaire. Le point d'eau n'est que pour être quitté, et tout point est un relais et n'existe que comme relais. Un trajet est toujours entre deux points, mais l'entre-deux a pris toute la consistance, et jouit d'une autonomie comme d'une direction propre. La vie du nomade est intermezzo. (Deleuze, Guattari 1980 : 471)

22Braidotti reprend la « figuration » (Braidotti 2002 : 15)11 du nomade décrite de façon visionnaire dans Mille Plateaux et la réélabore en l'insérant dans la théorie féministe. Partant du principe que le nomadisme implique une dissolution totale de la notion de centre (Braidotti 2011 : 26), Braidotti délimite les multiples façons dont la subjectivité nomade se prête à la théorie féministe et éloigne les voies d’une stagnation à travers une subjectivité qui est hétérogène, transgressive, déterritorialisée, performative et affirmative. Braidotti propose une position féministe nomade qui englobe la coexistence de plusieurs représentations du féminin déjà expliquées par d'autres autrices De Lauretis, Butler, Irigaray, Wittig, entre autres. La flexibilité de cette position empêche la naissance de divisions dans la pratique féministe, mais, en même temps, elle réaffirme la différence entre les femmes, en évitant toute réflexion générale et en renforçant l'idée de différenciation au sein de chaque sujet. Une proposition à certains égards similaire est faite par la philosophe féministe Gayatri Spivak, créatrice du terme « essentialisme stratégique »12, qui explique la nécessité pour le mouvement féministe de prendre une forme d'« essentialisme temporaire » pour agir comme une unité, malgré ses différences internes.

23La caractéristique principale du sujet nomade est d'être polyglotte (Braidotti, 2011 : 29) en termes linguistiques et épistémologiques. La.le nomade s'exprime dans plusieurs langues dont il.elle domine les codes. Pour comprendre ce monde, il est capable d'incarner en lui-même successivement ou en co-présence les différents observateurs avec leurs catégories distinctes et hétérogènes. C'est la qualité et l'éventail des possibilités offertes par les catégories trouvées qui constituent l'essence du nomadisme et qui crée cet imaginaire au sein duquel redéfinir le monde en termes non binaires, non phallocentriques et non normatifs, mais plutôt dans une perspective d’inclusion. Si Braidotti applique la théorie nomade à des sujets individuels, ma proposition est de l'appliquer à un mouvement artistique performatif collectif, c'est-à-dire à une entité collective plutôt qu'individuelle qui agit comme un corps collectif constitué par différentes communautés de pratiques artistiques autonomes. Redéfinir la subjectivité féminine selon des critères communautaires pourrait faire l’objet d’analyses ultérieures.

Figuration et paradigmes de pensée

24Si l’on regarde l’histoire du théâtre, le MP est unique en son genre. Dans le premier texte qui en parle (Magdalena : International Women’s Experimental Theatre, 1989) Susan Bassnett, de l'Université de Warwick (UK), écrit qu'il s'agissait d'un réseau complexe de recherches en cours, créé par une génération de comédiennes qui avaient monté leurs propres compagnies sortant de groupes dirigés par des hommes engagés politiquement à gauche. Puis, au cours des années qui suivent, les choses évoluent. Il s’agit surtout de femmes qui désirent s'affranchir de la marque, de la protection et de la souveraineté artistique et didactique de maîtres qui monopolisent l’attention des critiques et des théoriciens, notamment dans le milieu du théâtre expérimental, très souvent avec un caractère fortement didactique. Ces femmes, bien qu'isolées et minimisées dans leur travail, aspirent à la liberté dans leur création, dans leur pratique et dans l’usage de leurs techniques et de leurs méthodes.

25C'est ce maillage de situations et de conditions qui s'épanouit dans ce que Braidotti appelle des « figurations ». Dans leur complexité, les artistes sont porteuses d’un renouveau esthétique poétique et existentiel :

A figuration is a living map, a transformative account of the self ; it's not a metaphor. [...] Figurations attempt to draw a cartography of the power relations [...] they just express different socioeconomic and symbolic locations [...] They are hybrid, contested, multilayered figurations that challenge dichotomous and dialectical oppositions between margins and center. (Braidotti 2011 : 10-12)

26À ce moment de ma recherche je cherche à résoudre ma perplexité à propos de l'idée de figuration. L'une de mes questions est : les figurations, qui sont des instruments très stimulants au niveau intellectuel, comment s'appliquent-elles à un réseau artistique ?

27Dans le MP et le festival Transit, ce sont les artistes qui créent des figurations, des images symboliques, qui, lues toutes ensemble dans leur complexité et leur hétérogénéité, offrent des caractéristiques similaires qui constituent des modèles puissants à suivre et qui peuvent incarner de modèles de subjectivité artistique féminine nomade. Par exemple, la performer Violeta Luna13, interprète mexicaine résidant aux États-Unis, utilise son corps comme un territoire pour questionner et commenter les phénomènes sociaux et politiques. Les performances de Violeta Luna constituent le point de chevauchement du physique, du symbolique et du sociologique (Violi 1992). Elle travaille dans un espace permettant le franchissement des frontières esthétiques et conceptuelles. Apuntes sobre la frontera est un collage d'actions basé sur le Triptyque de la frontière, un projet de Secos & Mojados14, où des séquences corporelles sont développées, entrecoupées de différentes actions et images d'importance politique et sociale. Chaque élément (vidéo, musique, actions et éclairage) est une partie active, qui construit le récit de la performance. Apuntes présente une immigrée qui quitte son pays d'origine pour chercher de meilleures conditions de vie. Dans ses valises - matérielles et poétiques - elle gardera les choses nécessaires pour recommencer une vie. Dans son nouveau pays, son corps deviendra vulnérable, marginalisé, invisible, exposé aux abus, aux détentions et aux déportations. Luna utilise son corps comme un territoire pour questionner et commenter les phénomènes sociaux et politiques. Son corps agissant est à considérer comme une « surface de signification située »15, une valeur qui dépasse la matérialité du corps en tant qu'objet anatomique. Son corps est présenté comme « une notion multiforme qui couvre un large spectre de niveaux d'expérience des contextes d'énonciation »16. Je pourrai aussi parler des créations des figurations collectives de Patricia Ariza, des tableaux performatifs en action de Jill Greenhalgh. L'ébauche de ma réponse pour l'instant est que les figurations aident à esquisser le contour des imaginaires collective qui sur une très longue période peuvent contribuer à changer les paradigmes de la pensée. On l'observe par exemple dans d'autres phénomènes et mouvements sociaux comme la théorie de la décroissance qui cherche à miner le système de l'économie néolibérale. Le MP se situe dans la tentative de démolition de paradigmes économiques, culturels, politiques dans le domaine culturel et théâtral.

Le corps, comme lieu d’existence

28Il est essentiel dans ce processus que chacune de ces artistes travaille indépendamment en pratiquant ce que la théoricienne Adrienne Rich appelle The Politics of Location (1986) : « Begin, though, not with a continent or a country or a house, but with the geography closet in the body. Here at last I exist, that living human individual » (Rich 1986: 212):

[...] the need to begin with female body. Not to trascend this body, but to reclaim it. To reconnect our thinking and speaking with the body of this particular living human individual, a woman (Rich 1986 : 213) [...] let men and women make a conscious act of attention when women speak ; let us get back to earth not as paradigm for « women », but as place of location [...] The politics of location. Even to begin with my body I have to say that from the outset that body had more than one identity. (Rich 1986 : 214-215)

29Parler à partir de la « géographie d'un corps empêche de se placer du point de vue d'un universalisme absolu. Le parti pris est plutôt que pour pouvoir compter, il faut que les femmes prennent la responsabilité de parler « assises » dans un statut, un rôle, un corps précis : à partir d’un lieu donné.

30Le point de départ à partir duquel chaque femme peut parler est son corps ; c’est la seule donnée commune à toutes. Le point de départ de ce raisonnement est la reconnaissance de la matérialité du corps comme lieu d'existence : le corps et ses processus (grossesse, vieillissement, etc.). C’est là que se situent les prémisses premières de toute l’histoire humaine. Je me demande : est-ce que c'est pour cette raison que l'on parle de la structure incarnée du corps ? Est-ce que cela fait ressortir non pas une généralisation universelle sur les femmes mais plutôt la différence entre les femmes ?

31Le corps est une coïncidence physique, symbolique, sociologique, culturelle, c'est-à-dire une subjectivité incarnée dans un corps donné qui est différent pour chaque femme : mais le fait d'être subjectivité incarnée dans un corps donné est identique pour toutes les femmes. Dans ce sens, une politics of location est une politique pour les artistes féminines qui implique à la fois l’identité personnelle et l’identité collective, qui doit revenir à sa fonction politique radicale. Braidotti se réfère à une pratique dialogique dans les différentes généalogies de femmes et utilise location dans le sens géopolitique de Adrienne Rich (Braidotti 2002 : 42).

32Dans ce sens la politics of location est une pratique dialogique dans les différentes généalogies de femmes qui explique la différence entre les femmes plutôt que de revendiquer l'égalité absolue. Les artistes du réseau Magdalena prennent la responsabilité de parler « assises » dans un statut, un rôle, un corps précis et c'est à partir d’un lieu donné qu'elles pratiquent ce que la théoricienne Adrienne Rich appelle The Politics of Location (1986). La politics of location dans un cadre hétérogène d'artistes qui parlent de différents corps et de différents lieux géopolitiques offre-t-elle une clé d'interprétation pertinente pour délimiter/dessiner ? Une cartographie des pratiques artistiques étant les artistes porteuses d'une esthétique théâtrale individuelle mais aussi d'une esthétique d'ensemble utile à l'imagerie des figurations ?

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Notes

1 Le terme «groupe» désigne dans l'histoire du théâtre du XXe Siècle les groupes d'artistes qui se réunissent dans un travail collectif de recherche esthétique, théorique et politique, et qui partageant un même projet culturel.

2 BARBA Eugenio, 1986, p.193. Barba définit le tiers-théâtre: « A theatrical archipelago [third theatre] has been forming during the past few years in several countries. Almost unknown, it is rarely subject to reflection, it is not presented at festivals and critics do not write about it. It seems to constitute the anonymous extreme of the theatres recognized by the world of culture: on the one hand, the institutionalized theatre, protected and subsidized because of the cultural values that it seems to transmit, appearing as a living image of the creative confrontation with the texts of the past and the present – or even as a "noble" version of the entertainment business; on the other hand, the avant-garde theatre, experimenting, researching, arduous or iconoclastic, a theatre of changes, in search of a new originality, defended in the name of necessity to trascend tradition, and open to novelty in the artistic field and within society. The Third Theatre lives in the fringes , often outside or on the outskirts of the centers and capitals of culture. It is a theatre created by people who define themselves as actors, director, theatre workers, although they have seldom undergone a traditional theatrical education and therefore are not recognized as professionals. But they are not amateurs. Their entire day is filled with theatrical experience, sometimes by what they call training, or by the preparation of performances for which they must fight to find an audience ».

3 « Segni lungo il cammino » (Varley 2010: 1-46): « Magdalena è stato il primo progetto a cui ho partecipato alla ricerca della mia autonomia dall’Odin Teatret. Ora con i Festival Transit, con The Open Page, con i contatti intricati fra la rete e le nostre tournée di gruppo posso affermare che Magdalena costituisce anche una parte importante dell’identità dell’Odin Teatret e viceversa ». L'article a été pubblié avec le tître Marcando il cammino in « Per amore del mondo, Diotima Comunità filosofica femminile », autunno 2012, avec une introduction de Chiara Zamboni.

4 Thèmes spécifiques pour les neuf éditions: 1. Transit. Directors and the dynamic patterns of theatre groups. What are women proposing? (1992); 2. Theatre – Women – Politics (1997) ; 3. Theatre – Women – Generations (2001); 4. Roots in Transit (2004); 5. Stories to Be Told (2007); 6. Theatre – Women On The Periphery (2009); 7. Risk, Crisis, Invention (2013); 8. Beauty as a Weapon. Women – Theatre – Conflict (2016); 9. Hope in Action. Women – Theatre – Will (2019).

5 Traduction par l'autrice des toutes les citationes de l'Arte segreta dell'attore.

6 « contagion of feminine artistic isolation [could be] defied » GREENHALGH Jill, 2011: 30. (Traduction par l'autrice).

7 La peinture montre deux des figures récurrentes de KÆRGAARD Dorthe aux traits doux et sinueux. Elles marchent sur leurs mains formant un cercle avec leurs longs cheveux roux fusionnés dans un mouvement circulaire continu.

8 Notes recueillies par l'autrice à Codiponte (Italie), fin juin 2010.

9 VARLEY Julia, « Segni lungo il cammino », manuscript daté 2 octobre 2010, p.18. Version qui précède l'article publié en 2012.

10 Professeure de dramaturgie Université de Manchester. Co-fondadtrice du Magdalena Project.

11 BRAIDOTTI emploie le terme « figuration » au lieu de metaphore. « La figurazione non è una metafora ma uno strumento cartografico. [...] una mappatura politica attuale ». (Braidotti, 2002 :15)

12 SPIVAK décrit sous le nom d’« essentialisme stratégique » l’usage tactique et délibéré de la typologie essentialiste: « un usage stratégique de l’essentialisme positiviste à des fins politiques clairement visibles » (Spivak, 1996: 214).

13 LUNA Violeta (actrice/artiste de performance/activiste) : née à Mexico, Luna a obtenu son diplôme d'études supérieures en théâtre au Centro Universitario de Teatro (CUT - UNAM) et à La Casa del Teatro. Son travail active la relation entre le théâtre, l'art de la performance et l'engagement communautaire.

14 Collectif de performance latino co-fondé par Violeta LUNA (Mexique), Víctor CARTAGENA (El Salvador), David MOLINA (Argelia / El Salvador) et son directeur, Roberto G. VAREA (Argentine). Basé à San Francisco, Californie (USA).

15 BRAIDOTTI Rosi, « superficie di significazione situata » (traduction en français par l'autrice), Nuovi soggetti nomadi, Roma, Luca Sossella Editore, , 2002, p.78.

16 BRAIDOTTI Rosi, «una nozione sfaccettata che copre un ampio spettro di piani di esperienza di contesti di enunciazione» (traduction en français par l'autrice), Nuovi soggetti nomadi, Roma, Luca Sossella Editore, 2002, p.78.

Pour citer cet article

Selene D’Agostino, « Le Magdalena Project », L'ethnographie, 5-6 | 2021, mis en ligne le 20 juillet 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=960

Selene D’Agostino

Selene D'Agostino (Italie / Danemark / France) est doctorante à l'Université d'Artois (France) en Sciences de l'Homme et de la Société, spécialité arts du spectacle. Elle est responsable du fonds d'archives de Julia Varley et des Archives Transit depuis 2009 chez l'Odin Teatret (Dk). En 2011-2012, elle a obtenu une bourse de recherche au Département d'esthétique de l'Université d'Aarhus (Dk). En Italie, elle collabore avec la chaire de sémiotique de l'Université de Gênes. Elle est l'autrice de On Tiptoe a Santa Clara, Bulzoni, Roma 2010. En 2002, elle a obtenu sa maîtrise en langues et littératures étrangères à l'Università degli Studi di Bergamo (Italie). Elle a publié des essais dans Culture Teatrali, Studia UBB Dramatica, El Apuntador, Ateatro, Tablas. La Revista Cubana de Artes Escénicas, Quaderni di Thule, Leggendaria, Appunti di teatro.