Aller à la navigation | Aller au contenu

L'Ethnographie

Sectarisme ou spiritualisme du théâtre russe ?

Stéphane Poliakov

Octobre 2020

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.644

Texte intégral

Au risque de l’enquête

1L’expression « dérives sectaires » pose des questions de définition, le terme de secte renvoyant pêle-mêle aux écoles philosophiques de l’Antiquité, aux sociétés secrètes, aux hérésies1, à toute communauté fermée. Les églises, selon l’adage célèbre, seraient des sectes qui auraient réussi. Il y a cependant des faits sectaires qualifiables juridiquement (escroquerie, aliénation des biens, de la volonté, voire sacrifice de la vie) et une assignation plus floue qui exprime la séparation vis-à-vis d’une composante sociale majoritaire. Il y a aussi une dynamique sociale interne de communauté en devenir en conflit avec les institutions ou les groupements constitués (partis, syndicats, associations). En tout cas, le facteur constitutif d’unité n’est pas juridique. C’est ici que semble parfois se situer l’activité théâtrale – art collectif au modèle artisanal, supposant un long temps de répétition, une dynamique de groupe, des modes de vie partiellement communautaires, un rapport étroit avec un « leader charismatique2 » car l’existence d’un chef de troupe, devenu directeur, puis metteur en scène ou pédagogue en est une condition. Cette autorité fait-elle naître le doute ? De l’assignation vague on passe alors à l’affirmation catégorique. Qui dit secte, dit « gourou », disciples zélés, emprise psychique, abus de pouvoir. L’expression désigne de l’extérieur tout groupe théâtral à modèle hiérarchique et quiconque ressemble à un « Maître », surtout s’il est étranger en lien avec tel ou tel « Orient ». J’ai entendu qualifier ainsi, dans le milieu théâtral, le metteur en scène polonais Jerzy Grotowski et les écoles qui lui sont associées ou Anatoli Vassiliev dont j’ai été l’élève en Russie et en France. Tout récemment, un éminent collègue considérait, sans ironie, que le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine avait « quelque chose d’une secte ». Et que penser de certains aspects de l’activité de Peter Brook, de Jacques Copeau, du Living Theatre ? Le théâtre de recherche au XXe siècle a croisé la théosophie, la ferveur catholique, l’anthroposophie, les théories de Gurdjieff, l’attrait pour l’Inde sans parler des pratiques physiques comme le yoga, le tai chi chuan, liées à des doctrines spirituelles. N’est-il pas commode de parler de secte pour toute marque de religiosité, de singularité non commerciale ou non institutionnelle ? Qu’entend-on par-là ? Une doctrine ésotérique ? Un modèle monastique ? Une structure de pouvoir ? L’usage d’un jargon ? Des pratiques somatiques particulières ? Est-ce une clé pour comprendre la « vocation » ou la « profession » théâtrale, selon les deux significations du concept webérien de Beruf3 ou un vocable aussi commode que mal défini ? Le cas de Vassiliev est pour moi une question personnelle et professionnelle. Ce metteur en scène, né en 1942, a fondé en 1987, avec le soutien de la Mairie de Moscou, un Théâtre-Laboratoire que j’ai fréquenté de 1998 à 2000 avant d’étudier avec lui la mise en scène de 2004 à 2008 à l’ENSATT (Lyon). Décrivant sa pratique4, j’ai eu à cœur de dissiper l’allégation sectaire5. Distinguer les propos provocateurs d’un artiste de sa pratique, ne pas prendre pour excès ce qui n’est qu’exigence me semblait de bon sens esthétique. Je connaissais aussi l’écart entre la France et la Russie dans le rapport à l’autorité pédagogique : « Maître » (master) se dit aussi communément que dans la France d’avant 1950, masterstvo désigne ce que nous appelons « interprétation ». Le sectarisme était une entrée mal venue dans ce travail. Chez Vassiliev, l’affichage tour à tour orthodoxe, taoïste, la pratique des arts martiaux chinois, la déférence pour Grotowski sont autant d’éléments éclectiques. Ces traits vont de pair avec le goût de l’antique, la poésie russe (Pouchkine), le constructivisme, l’opéra de Mozart ou Tchaïkovski, la tradition stanislavskienne, niée et prolongée, le théâtre d’improvisation, le jazz, la culture rock, des éléments soviétiques de contre-culture. Et puis Wilde, Erasme, Thomas Mann, Pirandello, Platon, Homère, Dumas, Molière, Shakespeare, Beckett, abordés dans ce théâtre-école, comptaient plus que la barbe du Maître, ses cheveux longs qu’arboraient certains acteurs, des accès d’autorité dont je voyais ailleurs mille manifestations. Bref, j’avais à cœur de transformer « Mister orthodoxe », titre d’un article de la fin des années 19806, en « Mister paradoxe », de minorer la persona de l’artiste pour rester sur le terrain du savoir-faire théâtral. C’est encore ma position de principe.

2Mais l’assignation est persistante. Pour les nécessités de la réflexion, j’en suis ici le fil ce qui implique d’élargir la question au théâtre de mise en scène, à la naissance du théâtre d’ensemble chez Stanislavski 7. Ne pas en rester à la dénégation, c’est accepter un sens plus positif de la notion. Les approches de Max Weber, né un an après Stanislavski, peuvent l’autoriser. Si Stanislavski a promu une religion de l’art, Weber a exploré, à partir de 1904-1905, les ressources sociales et économiques de la ferveur ascétique calviniste et puritaine. Il n’y a bien sûr jamais eu chez les stanislavskiens un tel rigorisme. Mais leur vocation artistique quasi religieuse a été particulièrement féconde. Si les Lumières ou la Renaissance sont les configurations historiques qui viennent à l’esprit, le type d’organisation collective, les aspects dévotionnels, le charisme des figures fondatrices, l’idéal éthique et esthétique, et même certains points de doctrine peuvent-ils rapprocher ces groupements théâtraux de petites communautés religieuses ? Est-ce un abus de langage – en tant que tel significatif avec une continuité depuis les années 1930 – ou un second plan heuristique ? Il y a bien une structuration collective, voire communautaire, que l’on appelle théâtres, troupes, « Studios », laboratoires, écoles. Aborder ces questions sociales, esthétiques, c’est explorer les sources spirituelles du théâtre russe, en esquisser le contexte culturel, religieux et même sectaire, en prenant garde aux raccourcis trompeurs, aux discours d’artistes sur-interprétés, aux métaphores durcies. Il faut les pondérer par les pratiques, les variations de points de vue. Jusqu’à quel point le modèle sectaire ou religieux est-il une clé de ce théâtre8 ? Il convient de mêler les approches – organisation du travail, modèles d’autorité, pratiques langagières et de transmission, aspirations politiques, communautaires – pour voir sous un jour nouveau quelques figures de ce monde théâtral. La personnalité artistique – pour ne pas dire « l’idéal type », transposant Weber au plan esthétique – pourrait bien en être l’unité de même qu’un esprit d’époque – les années 1900-1910 – ressurgi dans la société soviétique et russe, le bolchévisme ajoutant des strates de complexité. Cette étude relève de l’histoire, mais aussi des plans de projection de ceux qui ont rêvé la pratique au contact de contraintes bien réelles et que d’autres rêvent à leur tour.

Contextes

3La naissance du théâtre de mise en scène s’inscrit dans « l’Âge d’argent9 », sorte de renaissance, après l’âge d’or romantique (Pouchkine, Lermontov, Gogol). Politiquement, autour de 1900, la Russie est une autocratie dont le pilier orthodoxe n’est plus hégémonique. L’absolutisme tsariste a provoqué au XVIIe siècle un schisme avec les Vieux-Croyants, eux-mêmes divisés et ostracisés. Le XVIIIe siècle voit l’européanisation forcée, voulue par Pierre le Grand, une sécularisation. L’Église devient une bureaucratie mais ce christianisme d’origine byzantine comporte ses foyers de spiritualité : monastères, retraites (skit) avec ses ermites, ses starets. Hors de l’Église, on voit fleurir, outre les Vieux-Croyants, une multitude de sectes mystiques dont les principales sont les « flagellants » (hlysty) et les « castrats » (skopcy). Opposés au monde temporel et à l’Église, ces groupes vivent parfois en communautés (korabli ou nefs), avec leurs prophètes, leurs Christs, leurs Mère de Dieu, des rites collectifs nimbés de mystère (radenija) avec danses, girations, transes, divinations et des pratiques semi-légendaires à l’inscription corporelle hors-norme : sexualité de groupe (flagellants) ou castration volontaire. Les noms des sectes sont, à eux seuls, une anthologie exotique qui n’est pas sans rappeler les premiers groupes professionnels de théâtre ou les académies de l’Italie maniériste10 : doukhobors (littéralement, « combattants de l’esprit »), molokany (« buveurs de lait »), beguny (« coureurs »), pryguny (« bondissants »), netovtsy (« ceux qui disent non »), skrytniki (« cachés »), durmanovtsy (« hallucinés »), balabanovtsy, nemoliaki (« ceux qui ne prient pas »), katasonovtsy, kapitonovtsy, vozdyhantsy (« soupirants »), moltchal’niki (« taiseux »), tchemreki, chaloputy (« chenapans »), parfois d’origine occidentale : stundistes, adventistes, baptistes, mormons, quakers, etc.11. Donnés de l’extérieur, ces noms, parfois repris par les intéressés, ne correspondent pas toujours à des pratiques. Ce « christianisme spirituel » contrôlé, pourchassé, forme une nébuleuse12 avec des phénomènes de double appartenance. Il concerne exclusivement le « peuple », c’est-à-dire les paysans, sauf pour les Vieux-Croyants à l’organisation plus structurée. Des sectes protestantes existent en nombre parmi les populations allemandes, sans parler des autres religions de l’Empire – islam, judaïsme, bouddhisme – qui ont leurs courants mystiques (hassidisme, soufisme). Les pratiques shamaniques des marges sibériennes suscitent la curiosité tout comme les rites slaves « païens » dont on traque les survivances (bains, médecine populaire…). La religion du peuple, avec ses pratiques étranges, ses pèlerins, ses fous de dieu, exerce un attrait sur les élites. Tout cela ne rencontre pas directement le théâtre car la culture consacrée se joue au sein de la noblesse, aristocratie de service avec propriété foncière et main d’œuvre servile. Cette élite est parcourue de sectarismes d’autre sorte, issus des Lumières et de sa part ésotérique (franc-maçonnerie, Rose-Croix). Après la réaction autoritaire, qui suit le coup d’État raté des Décembristes en 1825 ou l’assassinat du tsar libérateur Alexandre II en 1881, la contestation politique cherche refuge dans la littérature, la poésie, la philosophie idéaliste (Schelling, Schopenhauer13, avant la vogue de Nietzsche). Elle trouve une expression sociale dans les réformes qui suivent la défaite de Crimée, en particulier l’abolition du servage en 1861 (deux ans avant la naissance de Stanislavski), puis, à la faveur de la Révolution de 1905, avant une nouvelle période de réaction. C’est seulement après 1905 qu’est instaurée la liberté religieuse. Seule la Révolution de février 1917 supprime la mise à l’écart des populations juives. Pouchkine, Lermontov, Tourgueniev, Tolstoï, Dostoïevski sont des aristocrates, propriétaires de terres et de serfs. Bakounine, Kropotkine, Lénine appartiennent à cette classe sociale. L’élite vit une contradiction intérieure qui se manifeste par la relégation, l’exil ou le repli sur la propriété familiale. À la fin des années 1870, le comte Tolstoï, ancien officier, homme de lettres, aspire à se transformer intérieurement (phénomène de l’oproščenie, abaissement de soi) et à devenir extérieurement (costume, langage, travail manuel, de la terre) semblable à un paysan. Sur un modèle rousseauiste, protestant, moral, religieux, il entend instruire les classes agraires, réformer l’éducation, critique le mode de vie occidental urbain, l’égoïsme des classes dirigeantes, le rituel froid de l’orthodoxie, l’institution du mariage. Il exprime cette réforme dans sa Confession, interdite mais circulant sous le manteau. Tolstoï renonce à la littérature, prône le végétarisme, la non-violence, s’oppose à la peine de mort, au service militaire, à l’autorité du tsar, instaure un lien avec la secte des doukhobors. Les tolstoïens sont eux-mêmes considérés comme sectaires. Tout cela mène à son excommunication en 1901. Parallèlement, une partie de l’élite cultivée non noble se définit en opposition aux valeurs dominantes. Des écrivains des années 186014 inventent le terme d’intelligentsia qui à la fin du XIXe siècle englobe l’aristocratie éclairée. Cette classe minoritaire se sépare par ses aspirations, son activisme, son rapport à la littérature, sa faculté à se reconnaître, à voir des allusions politiques dans des récits, des images, des personnages. Elle balance entre progressisme, (les occidentalistes dont le chef de file est Tourgueniev, inventeur du terme « nihiliste » dans son roman Pères et fils) et tendances millénaristes, tentées par le catholicisme, le protestantisme, les pratiques ascétiques de la spiritualité orthodoxe – monachisme, érémitisme, pèlerinage –, transposées littérairement (les slavophiles auxquels Gogol et Dostoïevski sont associés). L’intelligentsia se définit en opposition et complémentarité avec le peuple (la majorité paysanne), se divise en populistes (narodniki), occidentalistes, slavophiles, anarchistes, socialistes, plus tard tolstoïens, marxistes, nouveaux religieux, etc. De vives controverses s’expriment au plan littéraire et artistique. Certains de ces courants (y compris le bolchévisme) sont considérés comme des sectes, comme en attestent Les Démons de Dostoïevski. Les œuvres de Tchekhov, son parcours personnel, qui va du tolstoïsme à un anarchisme individualiste rentré ou une forme de scepticisme engagé témoignent de cette diversité. Ce sera en partie le chemin de Stanislavski, marqué par Tolstoï. Autour de 1900, émerge un courant de philosophes religieux, parfois marxistes, convertis à une orthodoxie qu’ils aspirent à renouveler (Berdiaev, Florenski, S. Boulgakov, Merejkovski…). Ces années voient un intérêt renouvelé pour les sectes populaires comme objet scientifique15 et littéraire (chez Leskov, Gorki, Blok dont Stanislavski refuse de mettre en scène la pièce Le Chant du destin qui retrace ces croyances). Un Nikolaï Fedorov, qui promeut la résurrection des morts, influence jusqu’aux bolchéviques, par le courant des « constructeurs de Dieu » qui compte parmi ses adeptes Bogdanov, futur fondateur du Proletkult, Lounatcharski, dramaturge et futur commissaire du peuple à l’instruction et Gorki16. Comment ce foisonnement s’exprime-t-il pour le théâtre de mise en scène ?

Stanislavski : éthique et discipline de l’ensemble

4La figure de Stanislavski (1863-1938) est emblématique par son rôle dans le théâtre russe, européen et américain, mais aussi son itinéraire de vie. Constantin Alekseïev est issu d’une des plus riches familles de Moscou. Ces industriels textiles sont d’origine servile (XVIIIe siècle), peut-être non sans liens avec les Vieux-Croyants, comme beaucoup de membres de l’élite industrielle, selon des mécanismes analysés par Weber : sens de la communauté, valeurs éthiques prononcées favorisant la solidarité, le prêt, sobriété du mode de vie (dans un pays où l’alcoolisme fait des ravages), procédures internes de règlement des conflits. Stanislavski (nom de scène adopté en 1885 pour préserver la respectabilité de la famille) grandit dans un milieu bourgeois aux valeurs patriarcales mais aussi occidentales (sa grand-mère était une actrice française, son père a le goût des spectacles), ouverte sur la modernité européenne (voyages à l’étranger, surtout en France, éducation des enfants). La famille est liée à des industriels (Mamontov, Trétiakov) qui financent des institutions d’utilité publique (hôpitaux, orphelinats, écoles, bibliothèques, galerie Trétiakov, offerte à la ville de Moscou ou musée Bakhrouchine, devenu Musée Théâtral de Russie, ces deux dernières familles étant issues des Vieux-Croyants). Les valeurs de Stanislavski17 se forgent entre conformisme victorien et goût de l’innovation technique, y compris de l’industrie des loisirs dont le théâtre est le sommet. Il faut y ajouter une éthique de la responsabilité (des riches vis-à-vis des plus pauvres) et ses expressions littéraires : Tourgueniev, Tolstoï, Dostoïevski, ses principales références avant Tchekhov. Il faut comprendre comme une œuvre de rayonnement culturel moscovite la création en 1888 de la Société d’art et de littérature sur sa fortune et plus encore celle du Théâtre d’art de Moscou (société par actions). Le discours, prononcé par Stanislavski le 14 juin 1898, à la suite d’un office religieux, pour le commencement de l’entreprise en témoigne :

N’oubliez pas que nous nous efforçons d’éclairer la vie obscure de la classe pauvre, de leur donner des instants esthétiques de bonheur au milieu des ténèbres qui les ont enveloppés. Nous cherchons à créer le premier théâtre rationnel, moral, accessible à tous et nous consacrons toute notre vie à ce but élevé18.

5L’esthétique de Stanislavski est liée à son éthique. Sans être tolstoïen, il n’est pas insensible, comme toute sa génération, au sage de Iasnaïa Poliana que Lénine, né en 1870, considérait comme le miroir des faiblesses de la paysannerie russe, l’admirant, tout en le trouvant « ridicule, comme un prophète, découvrant de nouvelles recettes pour le salut de l’humanité19 ». Les deux premiers textes que Stanislavski met en scène en 1891 sont Les Fruits de l’instruction de Tolstoï et une adaptation du Village de Stepantchikovo de Dostoïevski. La première pièce, dont le titre initial était la « comédie des spirites », est une satire du spiritisme à la Madame Blavatsky (fondatrice de la Société de théosophie) et de l’hypnose (Charcot et Libeau sont mentionnés). Le roman de Dostoïevski décrit l’emprise d’un Tartuffe russe sur une famille d’aristocrates de province. Ma vie dans l’art témoigne du magnétisme de Tolstoï : figure morale, présence physique, force de concentration, acuité du regard psychologique. Deux mentions de l’intérêt de l’écrivain pour les sectes émaillent le chapitre qui lui est dédié20 : une description minutieuse devant Stanislavski des symboles d’une secte mystique, puis, une lettre de Tolstoï lui demandant son aide en faveur des doukhobors. Stanislavski n’est guère intéressé par la question sectaire, mais fasciné par le végétarisme de Tolstoï, son antimilitarisme, son scepticisme face à l’art, compris comme luxe. En 1898, il lit Qu’est-ce que l’art ? qui exprime l’esthétique la plus proche de la sienne : le critère de l’art est la sincérité de l’artiste, son aptitude à éprouver et compatir. Le perfectionnement indéfini de soi, le sens aigu de l’observation intérieure seront constitutifs de sa pratique théâtrale. On peut tracer un parallèle entre la tenue par Tolstoï, depuis les années 1850, d’un journal à la Benjamin Franklin21, sa volonté de décrire minutieusement une journée de sa vie et l’introspection artistique permanente de Stanislavski. L’acteur doit tenir un journal, observer le monde, en deviner la part cachée, avoir un sens critique aiguisé de son jeu. Les parties de Ma vie dans l’art (« Enfance », « Adolescence », « Jeunesse », « Maturité ») suivent le projet autobiographique de Tolstoï (avec l’ajout de l’adjectif « artistique »). Stanislavski rencontre la dramaturgie de Tchekhov qui fourmille de personnages imprégnés de tolstoïsme. Astrov dans Oncle Vania, médecin, adepte du végétarisme et de la multiplication des arbres, est l’un de ses grands rôles, tout comme Verchinine dans Les Trois sœurs dont l’idéalisme est lié à l’instruction des Lumières. Gaev qu’il joue dans La Cerisaie n’est plus que l’écho du progressisme. C’est à une vieille armoire qu’il parle d’émancipation tandis que l’éternel étudiant Trofimov porte des discours exaltés que l’on retrouve dans des nouvelles comme La Maison à mezzanine ou Ma vie. Dans Les Bas-fonds de Gorki, dans le rôle du miséreux Satine, Stanislavski prononce à l’acte IV un monologue sur l’Homme alors que, dans la même pièce, le pèlerin Luka est un de ces spirituels qui évoquent la croyance en un « pays de justice », une « foi nouvelle », selon l’allégorie de la ville idéale de Kitège, essentielle dans le monde russe.

6La culture de Stanislavski est surtout théâtrale : le jeu français, les acteurs italiens (Salvini, Rossi), l’art de l’acteur russe Mikhaïl Chtchepkine (ancien serf) dont il se veut le continuateur. Le Théâtre d’art vise l’intelligentsia avec le rôle emblématique du Docteur Stockmann dans Un ennemi du peuple d’Ibsen. C’est aussi une entreprise collective. Les acteurs forment une troupe permanente, détachée du marché et des institutions officielles. Ils forment un ensemble avec une communauté de pensée, d’obligations, une modération de leur narcissisme et de leur ambition. Ils doivent se soumettre aux choix des metteurs en scène pour les temps de répétitions, leur progression artistique. Bien vite, ce tolstoïsme latent fait de ce théâtre une école permanente, comme le remarque en 1908 le metteur en scène anglais Gordon Craig22. Stanislavski reconnaît une forme de « despotisme » et de « fanatisme », seuls capables d’unir les acteurs. En 1898, les répétitions à la campagne qui précèdent l’ouverture du Théâtre, sont marquées par un embryon de vie communautaire : répartition des tâches ménagères, discipline, journal de répétitions où sont notés les manquements, attention à l’atmosphère de travail. C’est l’aspect le plus original : la création artistique dépend de l’atmosphère des répétitions, de leur cadre, de l’hygiène, de la ponctualité, de la capacité à accepter les distributions (point douloureux chez les acteurs), les critiques, l’appel à se perfectionner. Tout cela devient dominant quand Stanislavski comprend que la préparation de l’acteur est essentielle à l’art du jeu. C’est l’origine du « système », élaboré après 1906. Sergueï Eisenstein, mi sérieux mi sarcastique, comparera en 1937 cette préparation psychique aux Exercices spirituels de Loyola23. Comment se concentrer, orienter son attention vers la scène et non le public ? Les éléments physiques, comme la « libération des muscles » de toute tension, iront croissant. Dominent le questionnement a posteriori de l’acteur sur son jeu, l’analyse de soi, des sentiments du rôle, des circonstances de la pièce, à l’épreuve scénique du « je suis » (formule biblique). Par la disponibilité à entrer en relation avec le partenaire, la communication se fait par les yeux, d’âme à âme, en silence, au-delà des mots, par les pauses, le langage des regards, des corps qui s’éloignent, se rapprochent. Dans Le Travail de l’acteur sur lui-même, Stanislavski parle de « rayonnement », de « radiation », de « perception du rayonnement ». Ce vocabulaire serait lié à sa découverte du yoga sous l’impulsion du médecin de son fils, le futur pédagogue-théoricien théâtral Nikolaï Demidov24. Comment transmettre l’aura, la volonté, l’intention subconsciente, comment percevoir (ou recevoir) ce qui émane du partenaire ? Ces pratiques corporelles et psychiques peuvent être comprises à l’aune d’une « lumière intérieure » mystique. Le réalisme socialiste les a occultées. L’édition des Œuvres en huit volumes (1954-1961) précise que ces égarements sont antérieurs à la Révolution. Pourtant, concentrer son attention, orienter sa volonté, la diviser, selon les impulsions de la nature humaine et la dynamique intérieure de l’action, réaliser en volume et dans le temps ses pressentiments, ses tribulations semi-conscientes, sont bien l’essence du « système » avec la division minutieuse des morceaux (fragments) du texte dramatique, des intentions, des petites, grandes ou moyennes actions physiques. La discipline psychique devient corporelle, se révélant (au sens photographique) comme image persistante de l’acteur-personnage, que Stanislavski appelle rôle avec son apparence extérieure (costume, démarche, maquillage, caractère) selon les deux moments du « système » : 1. vie éprouvée, 2. incarnation scénique.

7Que cherche à faire le « système » de Stanislavski ? L’idée d’emprise ne lui est pas étrangère. Il évoque pour l’anecdote un échange sur l’autosuggestion avec le Dr. Coué lors de sa traversée de l’Atlantique en 192225. Il a une connaissance, au moins lointaine, de Freud, Théodule Ribot et reprend des termes de psychologie comme « mémoire affective », « attention », « subconscient » en leur donnant le sens qui lui convient. Il a quelques notions sur la motricité, la « plastique » notamment grâce à Isadora Duncan. Les éléments spiritualistes, vitalistes façonnent cette esthétique : primauté de la nature et de l’action, refus du cliché, de la convention. Cela se traduit de façon « psychophysique » : « cercle » d’attention ; continuité du mouvement, « toilette de l’acteur » – passage en revue des « éléments de la sensation de soi scénique » – visualisation, dédoublement. La perception est la condition de l’action, « création de l’esprit humain » et « du corps humain » du rôle. C’est une forme de théurgie par apparition d’un être nouveau – « l’homme-rôle ». Cet acte, à l’origine de la communauté artistique, est aussi individuel : le but des stanislavskiens est de faire émerger une personnalité scénique.

8Nous sommes loin d’une secte. Deux données signalent l’écart : 1. une communauté artistique en construction sur des principes universels ; 2. la rigueur d’une méthode de travail avec son vocabulaire et ses procédures. L’entrée la plus « sectaire » du système serait celle de l’éthique et de la discipline26. Physiquement, cela implique l’aspect militaire de la « muštra » (le drill), terme que Stanislavski adjoint systématiquement au « training » et auquel un volume du « système » devait être consacré27. S’il s’agit de se tenir droit, d’obéir au quart de tour, l’entraînement est, là encore, plus psychologique (attention, imagination) que physique. Il est évoqué avec humour : le pédagogue fictif Tortsov est doublé de Rakhmanov, chargé des exercices d’application. L’un de ses prototypes pourrait être Soulerjistki, proche collaborateur de Stanislavski, dont le parcours permet de creuser l’imprégnation tolstoïenne au croisement du sectarisme et du spiritualisme.

Un tolstoïen au Théâtre d’art

9L’idée de Studio se rapproche d’une séparation communautaire. Le terme, qui renvoie à l’atelier du sculpteur, apparaît en 1905, lors de l’expérience théâtrale, musicale, plastique, promue par Stanislavski et confiée au metteur en scène Vsevolod Meyerhold (1874-1940). Il est repris en 1912 pour le Premier Studio du Théâtre d’art, créé spécifiquement pour mettre en œuvre le « système ». Stanislavski s’appuie sur Léopold Soulerjitski (1872-1916), figure-clé dans la transmission du « système ». Né à Kiev, il est très tôt adepte du tolstoïsme, se rendant l’été sur les bords du Dniepr pour y travailler la terre, peindre, enseigner aux enfants. D’abord apprenti auprès du peintre Vasnetsov, qui décore à fresques la cathédrale Saint-Vladimir à Kiev, il étudie la peinture à Moscou avec la fille de Tolstoï par qui le contact s’établit28. Deux événements vont accentuer son engagement. D’une part, il est arrêté pour refus de service militaire, envoyé en asile psychiatrique avant de céder et servir dans une forteresse reculée d’Asie centrale. Cette objection de conscience est soutenue par Tolstoï. D’autre part, il contribue en 1898-1899, pour le compte de Tolstoï, au transfert de la secte des doukhobors dans les prairies de l’ouest du Canada. Le fils aîné de l’écrivain Sergueï prend part à l’entreprise29 de même que Vladimir Bontch-Brouïevitch, bolchévique proche de Lénine, spécialiste des sectes et futur secrétaire général du gouvernement soviétique, le tout est financé par Tolstoï et soutenu depuis Londres par des quakers et l’anarchiste Piotr Kropotkine. Soulerjitski utilise son expérience de marin, organise la location d’un navire, l’hébergement provisoire des familles à Batoumi en Géorgie, la navigation de milliers de personnes, leur installation au Canada. Il dirige une autre évacuation depuis Chypre. Cette aventure fondatrice, alliée à un activisme militant, un talent d’écrivain, la proximité avec Tolstoï, Gorki, Tchekhov, introduisent Soulerjitski au Théâtre d’art dès 1900. Il devient l’assistant de Stanislavski en 1906 à un moment-charnière où ce dernier expérimente, depuis 1904, la dramaturgie symboliste, et élabore son « système ». Stanislavski et « Souler », comme tout le monde l’appelle, travaillent ensemble sur Le Drame de la vie de Knut Hamsun, La Vie de l’Homme de Léonid Andreïev, L’Oiseau bleu de Maeterlinck, que Souler transpose à Paris au Théâtre Réjane, et Hamlet mis en scène par Gordon Craig – quatre pièces imprégnées d’idéal et de pressentiments mystiques. Mais la grande entreprise est, à partir de 1912, le Premier Studio dont Soulerjitski sera le directeur. Il s’appuie sur Vakhtangov et d’autres jeunes collaborateurs du Théâtre. Le Studio30 se veut une communauté, unie par l’esprit de fraternité d’une jeunesse formée par et pour le « système ». Stanislavski choisit des acteurs peu expérimentés, entièrement dévoués à cette approche du jeu avec son vocabulaire, ses exercices, sa vision du monde. Souler insuffle un esprit de communauté : mélange de discipline et d’esprit potache, de sacrifice à la cause commune et d’autonomie assumée – les « Studistes » fabriquent eux-mêmes décors et costumes, sont appelés à assumer des tâches collectives, à être attentifs aux personnes en charge du ménage, du chauffage. L’élément tolstoïen se retrouve dans le rapport à la terre. Stanislavski acquiert des terrains et des datchas en Crimée : les membres du Studio passent ainsi plusieurs étés à Evpatoria pour cultiver la terre, source d’humilité, de rapprochement avec le peuple. Dans une lettre à Stanislavski de décembre 1915 Soulerjitski exprime son intention de quitter la direction du Studio (ce qu’il ne fera pas) et en formule rétrospectivement le projet :

Mon but est la création d’un théâtre-communauté, doté d’une direction commune, se fixant les tâches élevées d’un théâtre-temple, pourvu de terrains à Evpatoria, avec un travail en commun, une participation égalitaire au profit, une organisation d’un lieu à soi, durant l’été, où l’on puisse aussi se reposer sur une terre que l’on a créée et travaillée soi-même. J’ai particulièrement aimé la nature du terrain que vous avez acheté pour le Studio à Evpatoria – une terre si déserte et stérile que l’on doive la travailler tous ensemble pour fonder un foyer commun.

Je rêvais d’un théâtre dont tout l’art, plein de vérités, réchaufferait les gens d’un amour pour l’humanité tout entière, afin que ce théâtre soutienne la foi en l’homme, dans cette époque terrible et cruelle de sorte que cette troupe […], brûlant pour l’art l’hiver, vivant joyeusement au bord de la mer l’été, […] suscite chez les autres l’admiration par sa vie et son art31.

10Les éléments messianiques se retrouvent dans le répertoire des premiers spectacles : Le Naufrage de « L’Espérance » de Heijermans, Le Festin de la paix de Hauptmann, Le Grillon du foyer de Dickens, Le Déluge de Berger. Communauté artisanale, urbaine, vie des objets, rapprochement entre les êtres, humilité composent le côté intime du Studio qui devient l’embryon d’un théâtre. Les élèves – Richard Boleslavski, Evguéni Vakhtangov, Boris Souchkévitch – assument la mise en scène sous la supervision de Soulerjitski. Plus tard, les acteurs Mikhaïl Tchekhov, Alekseï Popov, Olga Giatsintova, Sérafima Birman deviendront metteurs en scène. Souler, dans la lettre citée, met en regard la perte d’idéal moral et son succès avec la secte des doukhobors :

Je ne réussis que lorsque le matériau est exceptionnel et comprend tout de lui-même, par exemple, les doukhobors.

Il faut bien le reconnaître : je n’ai pu réaliser mon rêve. J’arrive à une limite. Le côté extérieur de mon travail – le succès des spectacles, les recettes – ne m’intéresse pas du tout, ce n’est pas cela qui peut m’inspirer, me donner des ailes, mais bien une troupe-confrérie, un théâtre-prière, un acteur-prêtre. Je n’ai pas été de taille : je dois m’en aller32.

11Le registre religieux est loin d’être exceptionnel. Tous parlent de théâtre-skit. Mais les conflits ne sont pas mis sous le boisseau. On est loin d’une emprise. Stanislavski est contesté, se considère trahi, comme le roi Lear. Les aspirations sont hétérogènes et les destins divers : Boleslavski à New York sera à l’origine de la transmission américaine des Studios (American Laboratory Theatre, Group Theatre, Actors Studio), M. Tchekhov dirigera le Théâtre d’art-2 avant d’immigrer en Occident, Vakhtangov fonde son propre Studio, matrice de son théâtre, où s’expriment espoirs et difficultés semblables, Alexeï Popov dirigera le Théâtre Vakhtangov avant d’être à la tête du Théâtre de l’Armée rouge et d’enseigner à la faculté de mise en scène du GITIS où il fera venir Maria Knebel. Beaucoup se séparent, créent d’autres Studios, dans un contexte troublé. Le Premier Studio devient en 1924 le Théâtre d’art-233 qui accueille l’essentiel des Studistes. Une entreprise théâtrale de cet ordre peut-elle vivre en contexte soviétique ?

Le Théâtre d’art-2

12Mikhaïl Tchekhov (1891-1955), neveu du dramaturge, dirige ce théâtre. Il fait le choix de développer l’aspect ésotérique du système, en le fusionnant avec l’anthroposophie de Rudolf Steiner de concert avec l’écrivain Andreï Biély. Le choix du répertoire, sa méthode de travail, sa théorie créent des tensions au sein du théâtre et avec le pouvoir soviétique. M. Tchekhov est soupçonné de mysticisme. Il ne peut poursuivre sa recherche sur les sources de l’imagination populaire. Malgré son interprétation magistrale de Shakespeare (Hamlet, La Nuit des rois), sa mise en scène de l’adaptation de Pétersbourg de Biély, il doit s’exiler en 1928. La théorie de la pluralité des corps (corps physique, corps éthérique, corps astral), la pratique de l’eurythmie de Steiner (qui consiste chez M. Tchekhov et Biély à trouver un équivalent gestuel à chaque phrase, chaque mot, chaque lettre34), fusionnent avec son goût de l’improvisation, sa pratique du « système », la primauté de l’acteur. Ce dernier doit procéder à partir de puissances extérieures à lui (« l’atmosphère »), de présences fantomatiques pour dépasser la clôture du moi que M. Tchekhov récuse dans le « système ». L’objet d’attention devient aléatoire, libre, extérieur. Hamlet est en contact avec l’au-delà, à travers l’apparition du fantôme. L’acteur vit, dans le rapport au personnage, une expérience spirituelle. Ainsi, les principes de Stanislavski et de Vakhtangov (la « joie ») sont-ils prolongés dans une pédagogie dynamique qui se développe, comme pour Stanislavski, dans la sphère russe et occidentale, notamment aux États-Unis où M. Tchekhov passe les dernières années de sa vie. Certains groupes post-tchekhoviens dans les États baltes, aux États-Unis peuvent être assimilés à des embryons sectaires. Stanislavski ou M. Tchekhov ont pu être compris du côté du développement personnel, comme certaines pratiques somatiques35 (Feldenkrais, yoga, méthode Alexander, etc.), avec parfois un tour commercial. M. Tchekhov, comme Souler, tenaient pour un théâtre spiritualisé.

13C’est sur le Premier Studio et le Théâtre d’art-2, qui prend sa suite, que se concentrent en URSS les désignations sectaires. En 1931, dans un long article, le critique Boris Alpers reproche à ce théâtre son éclectisme, son individualisme forcené, son esprit de prédication, son humanisme messianique, son « exaltation communautaire d’une foi unique », avec un « évident penchant sectaire36 ». La même année, son Théâtre du masque social n’est pas sans notes critiques vis-à-vis de Meyerhold. Le Théâtre d’art-2 sera fermé en février 1936, mettant un terme brutal à l’expérience héritée du Premier Studio. Peu après, Alpers écrit un article intitulé « Écoles et sectes », qui généralise son point de vue aux Studios des années 1910-1920 :

La carte du monde des acteurs était parsemée de « petits cercles » insignifiants et isolés : des communautés monastiques, des sectes théâtrales, fermées sur elles-mêmes et secrètement hostiles entre elles. […] Cette débauche de sectes esthétiques existaient encore il y a peu. […] Il y a encore des théâtres pour s’accrocher au bonheur douteux de posséder sa propre « école » de jeu d’acteur qui n’appartiendrait qu’à ce collectif. Beaucoup encore cherchent à saisir l’ombre évanescente du théâtre sectaire37.

14Alpers a été un proche collaborateur de Meyerhold comme rédacteur de L’amour des trois oranges, revue du Studio de la rue Borodine à Saint-Pétersbourg et conseiller littéraire de son théâtre à Moscou. C’est un défenseur de l’avant-garde. En 1936, parlant des « sectes » du théâtre russe, il est à la lisière de la métaphore, utilisant parfois les guillemets. La pression de la terreur stalinienne est évidente : seul le réalisme, en passe de devenir académique, du Théâtre d’art et du Théâtre Maly de Moscou a droit de cité. Meyerhold est presque renié. Deux ans plus tard, le théâtre de ce dernier sera fermé avant son arrestation et sa condamnation à mort en 1940. Notons toutefois qu’Alpers ne publie son article que dans les années 1970. À cette date, le terme de « secte » rend encore compte pour lui de l’émiettement des groupes théâtraux. Quelques années plus tard, dans ses Mémoires, Sofia Giatsintova, ancienne actrice du Premier Studio et du Théâtre d’art-2, réfute point par point ce jugement38 qui gauchit l’histoire du théâtre. Si Meyerhold a été réhabilité à la fin des années 1950, ses œuvres publiées dans la décennie qui suit, ses anciens élèves réinvestissant la filiation, la fermeture du Théâtre d’art-2 et l’exil de M. Tchekhov ont mis plus de temps à réintégrer la mémoire théâtrale. Ses Œuvres, éditées par Maria Knebel, ont paru en 1986.

Démonisme théâtral

15Une dernière entrée dans ces questions serait celle du démonisme qui vient du romantisme allemand – principalement Hoffmann – et de Gogol. Le diable est une figure littéraire et artistique. On pense à l’œuvre de Lermontov, en particulier son poème « Le Démon », à Dostoïevski. Les symbolistes, les décadents sont marqués par l’occultisme français – Hugo, Baudelaire, Huysmans, Peladan. Des poètes et auteurs comme Merejkovski, Blok, Biély, Brioussov, Sologoub, Balmont témoignent d’impulsions apocalyptiques tirées de Dostoïevski. L’opposition des figures christiques et diaboliques s’exprime en peinture (Le Christ dans le désert de Kramskoï, Le Démon de Vroubel que Stanislavski considère comme un défi pour le jeu de l’acteur39), en musique (Scriabine), en philosophie (V. Soloviev, V. Rozanov)40. Cette opposition se retrouve dans le théâtre de Tchekhov, de Gorki, de Blok. Elle est au cœur de l’œuvre romanesque et théâtrale de Mikhaïl Boulgakov. Le « démonisme théâtral » est surtout présent dans l’esthétique de Meyerhold dont l’un des premiers rôles au Théâtre d’art fut Treplev dans La Mouette, un écrivain symboliste dont la « pièce dans la pièce » oppose « l’âme du monde » et le diable, « père de la matière éternelle ». Ce personnage n’est pas sans rappeler l’écrivain Léonid Andreïev. Comme metteur en scène, Meyerhold se tourne vers le symbolisme. Il réactive la notion de grotesque. Blok dont il met en scène La Baraque de foire devient son auteur-phare. À Saint-Pétersbourg, il croise de grandes figures méphistophéliques (sur scène) comme le chanteur d’opéra Chaliapine avec qui il collabore. En 1907, il commence une mise en scène du Jeu des démons (Besovskoe dejstvie) d’Alexeï Rémizov qu’il a connu dans sa ville natale de Penza. Le démonisme est une image, voire une posture, c’est aussi une philosophie : le monde est un théâtre où Satan mène le bal. Le thème symboliste de la mascarade macabre, comme satire sociale, est récurrent chez Meyerhold. C’est ainsi qu’il voit l’acte III de La Cerisaie. Les personnages sont des masques, parfois des pantins vivants ou sculptés, comme dans le finale du Révizor. Le grotesque est un compromis carnavalesque entre humain et marionnette. Comme pour le spiritualisme humaniste dont il prend le contrepied, cette confrérie ou ordre chevaleresque est d’abord artistique. La vie est un jeu de masques, y compris politiques – Meyerhold et Blok sont parmi les premiers artistes à adhérer au bolchévisme, qui, dès avant la Révolution d’Octobre, a été comparé à un mouvement sectaire avec ses codes linguistiques et vestimentaires, son rapport à l’autorité charismatique, au sacrifice, sa structure militaire. Ce « satanisme » (relatif) revient en force dans les mises en scène des années 1920, par exemple, dans les rôles d’Ens Boot dans D. E. ou de Khlestakov dans le Révizor de Gogol par l’acteur Eraste Garine. Mais la primauté va à la dynamique physique de l’acteur (mouvement, biomécanique) et à la mise en scène (montage, dispositif). Le démonisme n’est qu’une clé dramaturgique.

16La figure théâtrale de Nicolas Evreïnoff (1879-1953) peut aussi se concevoir à cette aune. La « théâtralité » qu’il affirme est vue comme un « jeu », une donnée anthropologique antérieure à la religion41. Dans un article de 1922, consacré au Journal de Satan42 de L. Andreïev et intitulé « Le démon de la théâtralité », Evreïnoff expose sa conception joyeuse du théâtral, par-delà bien et mal, dans une opposition entre esprit et démon pour une théâtralité dépassant le christianisme. Evreïnoff consacre un roman au sectaire Raspoutine dont il fait une figure théâtrale. Ces visions démoniques résonnent avec le goût pour l’occultisme du cinéaste Eisenstein43 qui fut d’abord homme de théâtre et élève de Meyerhold. Elles n’ont pas d’équivalent communautaire.

Spiritualisme et liberté

17L’assignation sectaire peut se prévaloir d’une profondeur historique. Dans le théâtre russe, elle tient au lien entre Stanislavski et le tolstoïsme autour du perfectionnement et de l’observation de soi, d’une implication émotionnelle de l’acteur et du spectateur, plus encore à l’esprit communautaire de Soulerjitski qui instille un idéal humaniste au Premier Studio. Le nœud Théâtre d’art - Stanislavski - Soulerjitski - Vakhtangov - M. Tchekhov est à l’origine du Premier Studio et du Théâtre d’art-2. Il y a là une filiation directe avec le sectarisme supposé d’un Vassiliev. En 1918, Maria Knebel (1898-1985) commence son parcours au Studio de Mikhaïl Tchekhov avant d’être l’élève de Stanislavski. C’est elle qui forme Vassiliev au GITIS à la fin des années 1960. Elle lui fait lire les écrits de M. Tchekhov qui sont une voie vers un théâtre conceptuel. Tolstoï influe sur son apparence et, bien sûr, au plan théorique, Stanislavski même renversé. Tout le théâtre russe se situe dans le sillage des maîtres du premier XXe siècle. Le modèle du Studio, à l’origine purement artistique, a pris avec Soulerjitski une coloration spirituelle. C’est une source du théâtre-laboratoire44. Ce n’est pas un cadre sectaire – le théâtre prime, la fermeture n’est pas complète, le lien avec l’institution jamais rompu. Dans les années 1910-1920, à la fin des années 1950-début des années 1960 (dégel), à partir de 1985 et dans les années 1990 (perestroïka et post-soviétisme), on voit une floraison nouvelle de ces structures. Si l’on reprend la définition de Max Weber de la secte comme « communauté libre d’individus […] qualifiés uniquement au plan religieux et […] admis en son sein en vertu d’une décision libre de part et d’autre45 », en remplaçant « religieux » par « artistique », on peut comprendre le terme en un sens positif, dans ses aspirations et son efficacité comme modèle d’organisation et ferment de mobilisation intérieure. Ce que met en évidence notre enquête, c’est le spiritualisme du théâtre de recherche dans un sens humaniste ou anti-humaniste, progressiste ou socialiste, hoffmannien, anthroposophique, parfois quasi mystique. Ce spiritualisme n’est pas doctrinaire. Jamais total, il est une source d’inspiration scénique. Stanislavski se préoccupe de la vie du corps, de l’incarnation scénique et a pu, avec raison, être considéré comme un réaliste matérialiste (évaluation du fait précis, souci de la construction). Meyerhold, sensible au romantisme, au symbolisme, ancre sa recherche dans le mouvement du corps, sa dynamique, son rythme, en corrélation avec la variété des images, le montage. M. Tchekhov, proche de l’ésotérisme, reste un acteur travaillant avec le dessin, l’improvisation, le « geste psychologique ». Comme pédagogue, il invente de merveilleux exercices (par exemple, avec des balles). L’épreuve se fait toujours sur scène combinant un idéal de maîtrise et de liberté. Ce qu’interroge la notion de secte au théâtre, c’est l’ambiguïté de la position du metteur en scène. Les maîtres-pédagogues suscitent la ferveur, mais aussi la contestation. Le modèle collectif du théâtre implique une figure d’autorité. Il interroge les rapports de pouvoir. Le théâtre d’ensemble est aussi un laboratoire politique du collectif artistique. Dans le contexte russe et soviétique, il est un élément de socialisation46 proprement artistique. Le « despotisme », à l’origine de la mise en scène, comme unité d’une volonté artistique, théorisé par Stanislavski, Craig, Meyerhold, a pour contrepartie la recherche de l’émancipation de l’acteur, sa légèreté, un partage de liberté artistique. De là, une recherche constante de formation de soi et des autres : la pulsion pédagogique qui caractérise ce théâtre. Si Stanislavski a lancé l’idée d’une religion de l’art théâtral, une éthique presque dévotionnelle dont Boulgakov fait la satire dans Le Roman théâtral, il serait fallacieux d’en faire un prophète. Dans La Cabale des dévots (jouée sous le titre Molière au Théâtre d’art en 1936 et très vite interdite), le même Boulgakov présente la confrérie du Saint-Sacrement sous un jour très noir. Ici, la secte met à mort l’artiste. Satire et calomnie sont l’autre face du théâtre russe depuis le XIXe siècle (Gogol, Griboïedov). Le sectarisme est donc une métaphore parfois heuristique, parfois destructrice. Elle met à nu la matrice spirituelle de ce théâtre mais ne saurait masquer la vitalité d’une tradition qui place au cœur de sa pratique la métamorphose et le jeu. Si le terme de secte, avec les réserves nécessaires, est en partie opérant, c’est par la religion de l’art que Stanislavski a entendue au sens fort d’un remplacement de la religion47 avec peut-être des résidus de ses modes d’organisation, de domination et d’effervescence psychique. C’est peut-être dans le type éthique, à comprendre en un sens artistique, qu’il faut rechercher les points de conjonction.

Notes

1 Le terme aírhésis, traduit par secte, renvoie en grec au « choix de vie ».

2 Après ses premiers textes sur le protestantisme, Weber s’est intéressé en 1905 à la Révolution et aux sectes russes.

3 Weber Max, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, trad. J. P. Grossein, Paris, Gallimard, 2003.

4 DEA de l’Université Paris 3 en 2000 dont est tiré : Poliakov Stéphane, Anatoli Vassiliev. L’art de la composition, Arles, Actes sud, 2006. J’ai également participé au dossier « Anatoli Vassiliev. Tradition, Pédagogie, Utopie », Théâtre/Public, n°182, 2006-3.

5 Vassiliev, nullement en marge des institutions, a réalisé trois mises en scène à la Comédie-Française, été invité au Festival d’Avignon, à l’Odéon, au TNS, à la MC 93.

6 Poliakov Stéphane, Op. cit., p. 29. Cf. la présentation du dossier de Théâtre/Public (supra note 4) par la critique Marina Davydova : « Sa ressemblance avec un prophète biblique, un tolstoïen des temps modernes, un sectaire, un fou, un shaman et un gourou, il n’y a que les aveugles pour ne pas la voir […]. Mais il y a un autre Vassiliev ironique, léger, artistique, transformant le théâtre en plaisanterie et la vie en improvisation. » En ligne, consulté le 16 mars 2020 : https://theatrepublic.fr/anatoli-vassiliev-tradition-pedagogie-utopie/.

7 Le Théâtre d’art ouvre en 1898. L’émergence des Studios a lieu entre 1905 et 1912 et se poursuit jusque dans les années 1930.

8 Un excellent point de vue récent : Shevtsova Maria, Rediscovering Stanislavsky, Cambridge, Cambridge University Press, 2020.

9 Nom de la vie artistique de la fin des années 1890 à 1917 : le volume de l’Histoire de la littérature russe, Paris, Fayard, 1987, qui porte ce titre va de Tchekhov aux futuristes.

10 Taviani Fernando, Schino Mirella, Il Segreto della commedia dell’arte. La memoria delle compagnie italiane del XVI, XVII e XVIII secolo, Firenze, La Casa Usher, 1986, p. 91-109 et Pevsner Nikolaus, Les Académies d’art, trad. J.-J. Bretou, Paris, Gérard Monfort, 1999, p. 37.

11 Etkind Aleksandr, Hlyst. Sekty, literatura i revoljucija [Le fléau. Sectes, littérature et révolution], Moscou, NLO, 1995, p. 3. Cet ouvrage de sciences humaines, sans être d’un pur historien, est l’un des plus stimulants des dernières décennies, cf. son Histoire de la psychanalyse en Russie, trad. W. Berelowitch, Paris, PUF, 1995.

12 Ibid., p. 36-37, avec des estimations qui vont du million, selon les autorités, à un tiers de la population d’après Fülöp Miller.

13 L’idéal ascétique est un élément sous-jacent chez Tchekhov. Son neveu, l’acteur Mikhaïl Tchekhov connaît une phase schopenhauerienne dans les années 1910.

14 Piotr Boborykin est l’un des premiers à utiliser le terme en 1866 à propos du public du Théâtre du Châtelet ! Cf. Scherrer Jutta, « L’intelligentsia dans l’historiographie entre religion et spiritualité », La Pensée russe, n°30, 2008, p. 9-32 ; Billington James, « The Intelligentsia and the Religion of Humanity », The American Historical Review, n°4, 1960, p. 807-821.

15 Par exemple : « Le christianisme spirituel et les sectes en Russie » (1916), in Berdjaev Nikolaj, Tipy religioznoj mysli v Rossii, Paris, YMCA-PRESS, 1989.

16 Scherrer Jutta, « La crise de l'intelligentsia marxiste avant 1914 : A. V. Lunačarskij et le bogostroitel´stvo », Revue des études slaves, t. 51, f. 1-2, 1978, p. 207-215.

17 Les deux premiers chapitres de My life in art (Boston, 1924), absents de la première édition soviétique (1926), sont un plaidoyer pour sa classe d’origine. On lit dans une variante : « Notre génération fut celle des enfants de ceux qui avaient construit la vie en Russie. Nous avons tenté d’hériter d’eux l’art de “savoir être riche”. C’est un art très difficile : savoir dépenser son argent à bon escient. », in Stanislavskij Konstantin, Sobranie sočinenij, t. 1 [Ma vie dans l’art], Moscou, Iskusstvo, 1988-1999, p. 511. N. B. Toutes les traductions du russe sont faites par nous.

18 Ibid., t. 5, vol. 1, Moscou, Iskusstvo, 1993, p. 32.

19 Lenin Vladimir, Polnoe sobranie sočinenij, t. 17 [« Lev Tolstoï, comme miroir de la révolution russe », 1908], Moscou, Izd. polit. lit., 1961, p. 210.

20 Stanislavskij Konstantin, Op. cit., t. 1, p. 197-204.

21 Ce type d’examen de conscience consiste à noter ses bons et ses mauvais penchants, parfois de façon cryptée. Tolstoï a été sensible au journal d’Amiel, cité par Soulerjitski. Cf. Weber Max, Op. cit., p. 21-23, où une longue citation de Franklin tient lieu de profession de foi de « l’esprit » du capitalisme. Le « journal religieux » et la « comptabilité » morale de Franklin sont également mentionnés (Ibid., p. 144).

22 « […] leur théâtre est une école. Ils y travaillent du matin au soir durant toute l’année, sauf un bref intervalle de quelques semaines en été », in Gordon Craig Edward, De l’art du théâtre, Paris, Circé, 1999, p. 168. Craig insiste sur le « travail », « l’étude », un « amour passionné pour le théâtre » qu’on peut lire à la lumière de Weber.

23 Èjzenštejn Sergej, « Stanislavskij i Lojola » [« Stanislavski et Loyola », 1937], Kinovedčeskie zapiski, n°47, 2000, p. 107-133.

24 Tcherkasski Sergeï, Stanislavsky and yoga, Abingdon, Routledge, 2016 (édition russe, 2013).

25 Stanislavskij Konstantin, Op. cit., t. 6, p. 210.

26 Ibid., t. 3 [Travail de l’acteur II, ch. IX], p. 271-305.

27 Ibid., p. 383-422.

28 L. A. Suleržickij (éd. Elena Poljakova), Moscou, Iskusstvo, 1970, p. 26-27 et POLJAKOVA Elena, Teatr Suleržickogo. Ètika. Èstetika. Režissura, Moscou, Agraf, 2006.

29 Tolstoj Sergej, Očerki bylogo, Moscou, Hud. Lit., 1956, p. 186-204.

30 Solov’eva Inna, Pervaja Studija. Mhat vtoroj. Iz praktiki teatral’nyh idej XX veka, Moscou, NLO, 2016.

31 L. A. Suleržickij, Op. cit., p. 381. Cf. Mollica Fabio, « Soulerjitski, le disciple tolstoïen », Revue Russe n°29, 2007, p. 73-76.

32 Ibid., p. 383.

33 Mhat vtoroj. Opyt vosstanovlenija biografii, Moscou, MHT, 2010.

34 Čehov Mihail, Literaturnoe nasledie, t. 1, Moscou, Iskusstvo, 1995, p. 18 (préface de Maria Knebel).

35 Corps en scène – la part cachée, Guy Freixe (dir.), Montpellier, Deuxième époque, coll. « À la croisée des arts », 2016.

36 Al’pers Boris, Teatral’nye očerki, t. 2, Moscou, Iskusstvo, 1977, p. 21-22.

37 Ibid., p. 300-301.

38 Giacintova Sofija, S pamjat’ju na edine, Moscou, Iskusstvo, 19892, p. 360-369.

39 Stanislavski Constantin, Ma vie dans l’art, trad. D. Yoccoz, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1980, p. 352-353.

40 Groberg Kristi, « “The Shade of Lucifer’s Dark Wing”: Satanism in Silver Age Russia », in The occult in Russian and Soviet culture, Bernice Glatzer Rosenthal (dir.), Ithaca, Cornell University Press, 1997, p. 99-133.

41 Le théâtre en tant que tel (1912) et Le théâtre pour soi-même (1915-1917), in Evreinov Nikolaj, Demon teatral’nosti, Moscou - Saint-Pétersbourg, Letnij Sad, 2002. Cf. la référence liminaire à Evreinoff et à son concept de « théâtrocratie », in Balandier Georges, Le pouvoir sur scènes, Paris, Fayard, 2006, p. 19.

42 Le Musée Bakhrouchine conserve de magnifiques esquisses de Pétrov-Vodkine pour la mise en scène de 1923 à Pétrograd.

43 Lövgren Håkan, « Sergei Eisenstein’s Gnostic Circle », in The occult…, Op. cit., p. 273-297.

44 Warnet Jean-Manuel, Les Laboratoires : une autre histoire du théâtre, Lavérune, L’Entretemps, coll. « Les Voies de l’acteur », 2014.

45 Weber Max, Op. cit., p. 266 (« “Églises” et “sectes” en Amérique du Nord », texte de 1906).

46 Pour les néologismes de « communautisation » (Vergemeinschaftung) et « sociétisation » (Vergesellschaftung), cf. Weber Max, Les Communautés, trad. C. Colliot-Thélène et E. Kauffmann, Paris, La Découverte, 2019, p. 295.

47 Constantin Stanislavski, trad. S. Poliakov, Arles, Actes sud, 2015, p. 30-31.

Pour citer cet article

Stéphane Poliakov, « Sectarisme ou spiritualisme du théâtre russe ? », L'ethnographie, 3-4 | 2020, mis en ligne le 26 octobre 2020, consulté le 27 avril 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=644

Stéphane Poliakov

Université Paris 8 (EA 1573)