Aller à la navigation | Aller au contenu

L'Ethnographie

Ānandatāṇḍava, danser les métamorphoses de la joie

Ānandatāṇḍava, Dancing the Metamorphoses of Joy

Nadia Vadori-Gauthier

Mars 2020

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.387

Résumés

Suite à une danse devant le bronze du Śiva Naṭarāja, au Musée Guimet, à Paris, la chorégraphe et chercheuse Nadia Vadori-Gauthier fait une étude des attributs du roi de la danse, les mettant en lien à sa pratique de danse-performance et à la genèse d’images dans la création artistique. La danse de Naṭarāja est ānandatāṇḍava : danse de joie. C’est une danse de béatitude sans commencement ni fin qui se soustrait à la fixité des images de la représentation. L’auteur en distingue sept paramètres, tentant d’identifier les clés de cette joie et les croisant avec d’autres sources et références. La joie de la danse de Śiva dissout les images mortes, elle fait danser les différences et faux dualismes : le masculin et le féminin se changent l’un dans l’autre, le dehors prolonge le dedans et réciproquement, l’esprit se couple la matière, les temps s’entrelacent ou s’entrechoquent, l’animal, le végétal et le minéral se composent ensemble, les pétrifications vacillent, le monde est sans cesse renouvelé.

Following a dance by the bronze of Śiva Naṭarāja, at the Guimet Museum in Paris, choreographer and researcher Nadia Vadori-Gauthier studies the attributes of the king of dance, putting them in relation with her dance-performance practice and the genesis of images in artistic creation. The dance of Naṭarāja is ānandatāṇḍava: dance of joy. It is a dance of blessedness without beginning or ending that evades the fixity of the images of the representation. The author distinguishes seven parameters, trying to identify the keys of this joy and crossing them with other sources and references. The joy of the dance of Śiva dissolves the dead images, it makes dance the differences and false dualisms: the masculine and the feminine are changed one inside the other, the outside prolongs the inside and conversely, the spirit couples the Matter, times intertwine or clash, animal, vegetable and mineral are composed together, petrification vacillates, the world is constantly renewed.

Index

Mots-clés : Danse, Nataraja, Joie, Résonance, Vibration

Keywords : Dance, Rhythm, Nataraja, Joy, Resonance, Vibration

Texte intégral

1Le 7 juin 2016, j’ai été invitée à danser au Musée National des Arts Asiatiques Guimet, dans le cadre d’une journée d’étude organisée par Katia Légeret en partenariat avec le Labex Arts - H2H1. Je pouvais danser en relation à l’œuvre de mon choix, qui s’est porté sur le Śiva Naṭarāja.

Fig.1. Śiva Naṭarāja, Tamil Nadu, époque Cola, XIe siècle, Bronze, MNAAG

img-1-small450.jpg

Photo. Katia Légeret

2Cette figure de l’hindouisme est porteuse de principes devenus primordiaux dans mes pratiques de danse-performance et de poésie sonore. Je voudrais tenter ici de rendre compte de la façon dont différents aspects personnifiés par la danse de Naṭarāja sont à l’œuvre dans les processus de recherche et de création que j’investis. L’enjeu est de trouver des moyens de produire des images et des formes connectées à la vie et qui échappent à la fixité mortifère de la représentation.

3Par ma formation de yoga, je suis en contact avec certains concepts de l’hindouisme et c’est assez spontanément, à travers le mouvement et l’expérience somatique2, qu’il m’arrive de faire des liens entre ces principes et la pensée occidentale. La figure de Naṭarāja a pris une place particulière dans mes recherches. Sa danse est une personnification de la vibration de la matière et du rythme primordial, principes de création. Cette figure impulse une connexion à la vie. Elle engage à faire et à défaire, dans un même mouvement, les images produites par l’expression. La danse de Naṭarāja est ānandatāṇḍava, ānanda (joie) - tāṇḍava (danse) : danse de joie. C’est une danse de béatitude, sans commencement ni fin.

Śiva Naṭarāja

4Le danseur cosmique est l’une des formes sous lesquelles Śiva, le créateur-destructeur, apparaît. Lorsque Naṭarāja danse, il frappe le sol de ses pieds. À chaque coup frappé, le monde est entièrement détruit et recréé. Le roi danseur est représenté avec quatre bras et deux jambes, entouré d’un cercle de flammes, alāta-ākāra. Dans l’une de ses mains droites, il tient un damaru, petit tambour à deux faces émettant le son primordial, à l’origine de la création du monde. De l’une de ses mains gauches, il porte une flamme représentant Agni, feu cosmique né des eaux, médiateur entre les dieux et les hommes. De l’autre main droite, il fait un signe de protection, abhaya-mudrā, qui dissipe la peur et l’ignorance et apporte la béatitude. Ce signe nous invite à ne pas craindre l’impermanence qui est la nature même de la vie. La seconde main gauche indique le pied gauche qui danse et la terre qu’il scande. Frapper la terre avec ses pieds est l’une des origines premières de la danse. La pulsation du rythme se propage, elle connecte entre elles des dimensions humaines et non humaines, matérielles et spirituelles, passées, présentes et futures. Śiva est relié aux forces cosmiques mais aussi à celles de la Terre. Il nous invite à frapper le sol de nos pieds pour battre le temps, écrasant ainsi le démon Apasmārapuruṣa, qui croit que les choses sont aussi stables qu'elles nous apparaissent. Sous son pied droit, Śiva écrase ce petit personnage, qui représente l’ignorance de notre nature véritable. Naṭarāja nous rappelle que la vie est transformation permanente et qu’elle traverse plusieurs plans. Sa chevelure accueille les eaux sacrées du Gange. Elle est contenue dans un chignon tressé afin que les eaux ne submergent pas la Terre. Le regard de Śiva est tourné dans deux directions : il regarde en lui-même et il regarde le monde. Il regarde aussi à la fois le passé et l’avenir. Sa vision n’est pas uniquement optique : il voit avec son troisième œil (œil intérieur). Sa danse est entourée d’un cercle de flammes, celles de la matière en fusion.

5Dans l’hindouisme, contrairement à d’autres religions où les représentations de Dieu peuvent s’avérer blasphématoires, les images des dieux sont les dieux eux-mêmes. On trouve ainsi nombre de reproductions de Brahma, Vishnou et Śiva sur des supports multiples (œuvres d’art, statuettes, bijoux… mais aussi sur objets de consommation courante : affiches, T-shirts, autocollants…). Les dieux personnifient des principes pouvant se décliner sur plusieurs plans. Ainsi, la pulsation première, initiée par le Śiva Naṭarāja, peut s'envisager à divers degrés du réel : psychique, elle génère la pensée ; physiologique, elle scande les rythmes du vivant… Selon David Smith, elle est une danse de la matière subatomique3, une danse de l’univers et de l’infinité de ses manifestations. En dansant, Śiva fait vibrer Śakti, l’énergie motrice de manifestation et prâna, réalité à la fois spirituelle et matérielle qu’on peut traduire par : énergie, souffle, vibration ou vie. Śakti est la consort de Śiva. Leur union à la base du Tantra est la réalité même : Śiva le virtuel s’unit à Śakti, la puissance du monde manifesté. Śakti est parfois également représentée sous la forme du serpent Kuṇḍalinī4 qui loge à la base du sacrum, enroulé dans le chakra racine : Mūlādhāra. Elle s’unit à son époux au sommet du crâne dans Sahasrāra, dont la traduction signifie « lotus aux mille pétales ». Ce symbole tantrique nous enseigne que la réalisation ne peut se faire qu’au sein de la matière, car c’est de la boue que le lotus est issu, c’est en elle qu’il prend racine. La conscience combinée à l’énergie motrice de transformation engendre l’univers dans une danse extatique.

6Cette danse combinatoire peut prendre la forme d’Ardhanārīśvara5, énergie androgyne originelle. Cette fluctuation du genre est inhérente à la danse de Naṭarāja. Parfois, c’est Śiva, la part masculine qui danse. Sa danse de création et de destruction fait naître la matière et les éléments. Mais lorsque tāṇḍava devient trop violente, c’est lāsya, une danse plus douce qui prend le relais. C’est alors Śakti qui danse. Leur danse est celle du réel en mouvement perpétuel. La danse de Naṭarāja est danse de joie : joie de la création et du rythme, joie de l’union corps-esprit, joie de la fluctuation du genre. Sa danse se soustrait à la fixité de la représentation. Les images qu’elle génère sont mouvantes, rythmiques. Elles sont forces plutôt que formes. Naṭarāja est une personnification de ce principe : les flammes des métamorphoses de la matière et de la création perpétuelle couronnent sa danse. Ce prodige s’accomplit au son d’une pulsation rythmique originelle de laquelle naissent les éléments. Śiva est également mahākala, « maître du temps » :

Il engendre par chacune de ses formes une fraction de temps toujours différente. Le dieu Çiva montre une danse libre de la narration de l’histoire du monde car, dit le Haravijayam, il n’a rien à imiter, que lui-même, sur le mode d’une pulsation rythmique alternant à chaque instant création/destruction, apparition/disparition.6

7Par ailleurs, lorsqu’il se déplace, Śiva chevauche le taureau blanc Nandi, appelé aussi sous sa forme anthropomorphique Nandikeśvara, « Seigneur de la joie (ou donneur de joie) ». Le Dieu est en lien avec la vie sauvage, tant animale que végétale, personnifiant une interdépendance de l’animal et du divin.

Fig.2. Indra Sharma, Śiva et Nandi, 2010, huile sur toile. Sur l’autorisation de Mandala Publishing

img-2-small450.png

©2015-2019

8Il se manifeste sous des aspects multiples en contact avec des forces infrahumaines et supra-humaines.

Secrets de la joie

9En dansant, le roi danseur nous donne des clés de sa joie. L’étude de la figure de Naṭarāja, par l’intermédiaire de la danse, m’a menée à en distinguer sept aspects, les mettant en lien avec d’autres sources et références :

  1. Vibration

  2. Rythme et danse

  3. Regard

  4. Relation à la Terre et à la nature sauvage

  5. Dépassement de la peur

  6. Agencement des apparemment contraires

  7. Fluctuation permanente des formes

10Ces sept points sont nécessairement partiels. Leur nombre varie : ils fusionnent ou se divisent. Ils sont une tentative de donner des angles de vue singuliers sur un ensemble qui les déborde par nature. Après presque dix années d’expérimentation et de transmission orale de ces principes, je tente ici d’en formuler quelque chose, sachant que le corps en mouvement transmet une matière toujours vivante, qui se transforme et qu’il est impossible de réduire à des mots.

1. Vibration

Investir un vide vibratoire

11Pour commencer, il faut accepter de ne partir de rien, d’investir le vide, un vide plein comme celui du Tao. Cette conception inclut la nature vibratoire oscillatoire de la matière (vide et atomes). Antonin Artaud, dans les textes qu’il écrit lors de son séjour au Mexique, appelle à retrouver le chemin de la vie à partir du vide. Le vide apparaît comme étant le secret de la vie. « La Chine, depuis sept ou huit mille ans, parle du vide et dit que c’est le vide que l’on trouve à l’origine de la vie7. » Le poète évoque « les forces d’un vide sans lequel il n’est pas de réalité8 ». Ce vide semble être en relation étroite avec ce qu’il nomme par ailleurs « vie bruissante des forces nues de l’Univers »9. C’est un vide vibratoire, presque musical. Dans une lettre à Jean Paulhan, il écrit : « Pour les Indiens la vie est un foyer murmurant, c’est-à-dire un feu qui résonne, et la résonance de vivre épouse tous les degrés du diapason10. » La vie est « cette sorte de fragile et remuant foyer auxquels ne touchent pas les formes ». Ainsi, pour faire un art vivant, il faut éviter de s’attacher aux formes dans la production artistique. Evelyne Grossman rapporte la pensée d’Artaud concernant les primitifs italiens : « eux seuls connaissaient encore les secrets magiques des formes ardentes, de la vibration de la matière peinte11 ». Aujourd’hui, on s’attache à l’objet finalisé. Cette « maladie de la forme12 » est « quelque chose d’infernal et de véritablement maudit de ce temps13 ». C’est par un lent apprivoisement du vide et de ses qualités vibratoires qu’il semble possible de commencer à dissoudre quelque chose de la représentation. Dans cette perspective, la forme ou l’image n’ont plus une finalité de beauté, elles ont une utilité : celle de capter des forces. Artaud s’oppose à une idée de la culture qui se distancierait de la nature. Il évoque a contrario une culture qui émanerait des organes ou des nerfs. Il relie cette conception à la notion de vide :

La culture est un mouvement de l’esprit qui va du vide vers les formes et des formes rentre dans le vide, dans le vide comme dans la mort. Être cultivé c’est brûler des formes, brûler des formes pour gagner la vie. C’est apprendre à se tenir droit dans le mouvement incessant des formes qu’on détruit successivement.

Les anciens Mexicains ne connaissaient pas d’autre attitude que ce va-et-vient de la mort à la vie.14

12Cette déclaration entre fortement en résonance avec la danse de Śiva. La matière est traversée d’ondes qui ne s’arrêtent pas à la fixité apparente des choses. Le vide est constitutif de ce plan, car sans vide, écrit Lucrèce, aucun mouvement n’est possible : « Il faut donc refuser le mouvement à tous les corps ou dire qu’il existe du vide dans l’univers, condition première du mouvement des choses15. » Nous sommes ainsi faits principalement de vide et de mouvement.

13En dansant, j’investis le vide comme une matière première, un espace créateur. De là, je me connecte à des dimensions vibratoires et oscillatoires pour entrer en résonance avec ce qui m’entoure. Le vide est une matière commune au corps et au monde ; il vibre.

Vibration et résonance

14La danse de Naṭarāja est avant tout vibratoire. Pour Katia Légeret « La Danse de Çiva ne répond pas à l’idée de mesure rythmique d’un flux mais à celle d’une vibration16. » Selon David Smith, la danse de béatitude se situe dans un espace sans image qui se situe derrière le voile de la représentation17. Elle se génère à un niveau subatomique. En dansant, Śiva donne naissance à la vibration primordiale. Cette vibration se retrouve dans plusieurs traditions, de l’om de la tradition mystique indienne, vibration dont sont issues toutes choses, au houn du vaudou, vibration de la vie18. Chaque particule de l’univers vibre. Cette vibration est subtile, inhérente à la matière : vibration de la vie, vibration de la matière, vibration du vide.

15Ce vide vibratoire est au cœur du travail que je mène sur la résonance :

  1. Résonance cellulaire

  2. Résonance moléculaire avec les matériaux de l’environnement ou les éléments naturels

16Depuis 2007, j’explore par le mouvement et le toucher divers rythmes oscillatoires du vivant, en particulier celui de la respiration cellulaire par lequel je me connecte à la vie. Mon expérience est celle d’un mouvement de vague qui déborde le corps physique et semble infini. Plus il est ample, plus il est calme et lent, presque imperceptible dans son mouvement externe, mais très puissant en termes de sensation. Je m’intéresse à la question de la vibration, non seulement cellulaire (du vivant organique), mais aussi moléculaire de la matière (organique et non organique). C’est devenu un fondement de mes pratiques. La vibration moléculaire connecte toutes choses animées ou inanimées. Elle est une vitalité intrinsèque de la matière, selon la thèse que défend Jane Bennet dans Vibrant Matter19. Elle permet d’agencer des forces organiques et inorganiques dans la perception directe, l’imaginaire ou la pensée : une onde se propage sans tenir compte des limites des corps. Explorer plus spécifiquement cette qualité vibratoire, c’est se confronter physiquement aux pierres, à la terre, à l’eau des rivières, aux arbres. C’est s’accorder aux vents et aux sons de la nature. C’est plonger dans le silence au cœur des choses, dans le vide entre les particules. Cette méditation active dans la nature est une source vive de création.

Fig.3. N. Vadori-Gauthier, Images extraites d’une performance avec le Corps collectif, Ardèche, 29 août 2013

img-3-small450.png

17La résonance est liée à la vibration du vide. Elle est également relative à l’élément liquide dont nos organismes sont principalement composés. Le corps est mu par une dynamique fluidique. C’est une des bases de ma pratique de BMC, qui implique respiration cellulaire et résonance. Bonnie Bainbrige Cohen écrit : « Les expériences et expressions cellulaires internes sont transmises aux cellules correspondantes chez les autres directement par des vibrations compatibles20. » Ces fréquences se situent « en dehors de l’amplitude de la perception auditive, dans le domaine du silence21 ». Pour vibrer en résonance avec quelque chose ou quelqu’un, il est nécessaire d’être sur une même fréquence, de la même façon que vibrent ensemble deux diapasons de la même note. En investissant la matière fluide du corps, on trouve une alliance avec les matériaux : des éléments minéraux (la pierre, l’air, l’eau), des éléments végétaux et animaux. Le corps excède sa forme organique pour s’agencer à son milieu sur un mode vibratoire, formant des accords ou des dissonances.

2. Rythme et danse

Fluements de la matière

18Rythme vient de rythmos, mot grec qui désigne le mouvement des flots. Pour le linguiste Benveniste, son étymologie est liée au mouvement des atomes au sein de la matière et à leur disposition à s’agencer sans cesse selon de nouvelles configurations. Cette notion, pour Démocrite et les atomistes, est présente au sein de la matière elle-même dans les rysmoi « l’ensemble "rythmé" des flux alternatifs des atomes à l’intérieur des choses22 ». Ainsi, rythmos se rapporte à une « manière particulière de fluer23 ». C’est aussi « la forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide, la forme de ce qui n’a pas de consistance organique24 ». Le rythme s’envisage ainsi comme une modalité particulière des formes qui implique leur fluement. La notion de rythme métrique telle que nous la connaissons aujourd’hui est ultérieure.

Pulsation rythmique

19Dans mes danses et ma pratique de poésie sonore, une pulsation rythmique fluide précède le mouvement visible de la danse ou l’énonciation du texte. Naṭarāja danse avant que mes danses commencent, il dansera encore, une fois mes danses finies. Il faut se joindre à cette pulsation toujours active, entrer dans un rythme qui toujours s’écoule.

20Plusieurs images et références viennent nourrir cette étape : Un cheval qui galope, le duende, une lancée rythmique.

Un cheval qui galope

On ne se conforme pas à un modèle, mais on enfourche un cheval25

21Cette phrase merveilleuse de Deleuze-Guattari invite à convoquer des puissances plutôt qu’à produire une forme ; à investir un galop plutôt qu’à tenter de faire du beau. Le cheval qui galope, c’est le battement de la matière, la pulsation du vivant, le devenir continuel des formes, le flux du monde qui court. C’est un appel de la nature sauvage. On veut devenir un loup, un oiseau, un volcan, ou une vague… Le galop est une scansion primordiale. Il engage à s’affranchir des formes fixes, à sortir des territoires usuels, à investir le grand large. Il appelle à faire corps avec l’animal, avec l'environnement et impulse un désir d’ailleurs, de vie. Le cheval galope avant même les formes qu’il produira, avant même le visible. Il galopera longtemps après que les formes et les images qu’il génère se soient dissoutes.

Le duende

22J’expérimente aussi des éléments présentés dans Jeu et théorie du duende26 de García Lorca. La lecture de ce court texte a été de la première importance dans ma pratique de poésie sonore. Le duende est un principe que l’on retrouve dans les arts vivants hispaniques. Il peut traverser tous les arts, mais c’est « dans la musique, dans la danse et dans la poésie parlée qu’il trouve son horizon le plus ouvert, puisque ces trois arts ont besoin d’un corps vivant pour les interpréter ». García Lorca dit qu’on ne peut pas décrire le duende, mais que de lui nous vient « tout ce qui a de la substance en art27. » On peut toujours l’appeler, mais on n’est jamais sûr qu’il vienne...

Le duende... Où est le duende ? À travers l’arche vide passe un vent de la pensée qui souffle avec insistance sur les têtes des morts, à la recherche de nouveaux paysages et d’accents ignorés ; un vent qui fleure la salive d’enfant, l’herbe broyée et le voile de méduse, qui annonce le baptême perpétuel des choses qui viennent d’être créées.28

23Le duende permet de s’adresser à autre chose qu’à l’intelligence. C’est une force de création qui anime les images poétiques, « un pouvoir mystérieux que tous ressentent et qu’aucun philosophe n’explique29 ». Contrairement à l’ange ou à la muse, inspirations externes de l’artiste, le duende vient du dedans. C’est une force de transformation qui remonte depuis la plante des pieds30 et passe par le sang. Il est à l’œuvre lorsque nous tentons de formuler l’indicible. « Le duende il faut l’éveiller dans les dernières demeures du sang31. » Il n’y a pas de moyen ou de discipline particulière pour le trouver.

On sait seulement qu’il brûle le sang comme une pommade d’éclats de verre, qu’il épuise, qu’il rejette toute la douce géométrie apprise, qu’il brise les styles, qu’il s’appuie sur la douleur humaine qui n’a pas de consolation32.

24Les artistes apprennent en effet une douce géométrie : des techniques et outils de mise en forme. Mais lorsque le duende arrive, il défait tout cela. Avec lui, on ne peut se battre qu’à mains nues. Il faut accepter de se voir dépouillé de ses savoir-faire et de ses habitudes. Le corps est retourné, recomposé par le battement. Il devient poreux, lumineux, insondable. Avec le duende « il est plus facile d’aimer, de comprendre, et l’on est sûr d’être aimé, d’être compris, et cette lutte pour l’expression et pour la communication de l’expression acquiert quelquefois en poésie un caractère mortel33 ». Le duende est « dans ce que l’on peut et non dans ce que l’on fait34 ». C’est une puissance propre. Il met en rythme ce qui n’a pas encore de forme, une matière non encore formée, sombre, parce que non visible encore. Gárate-Martinez cite un texte de flamenco :

– Et qu’est-ce que cela veut dire : Que le duende paraisse ?

– Lorsque tu sens que plus rien ne peut être plus important que d’être là.35

25C’est une nécessité viscérale qui active le duende. Il faut une intensité préalable à sa venue : « sentir que plus rien n’est plus important que d’être là ». Les accents à la fois lumineux et sombres s’agencent à des lignes de vie ou à des lignes de mort, « le duende ne vient pas s’il ne voit pas de possibilité de mort36 ». Appeler le duende c’est enfourcher un cheval, laisser passer au travers de soi un battement, la foudre ou des sources fraîches ; c’est accepter un corps à corps dont on sortira déplacé, transparent, dépossédé de ses habitudes. Car la venue du duende dit Lorca, « présuppose un changement radical de toutes les formes37 ». On est prévenu, on ne l’appelle pas sans savoir. Il faut s’attendre à des effets qu’on n’avait pas imaginés.

Lancée rythmique

26Dans Chaosmose38, mot qui évoque les termes chaos, cosmos et osmose, Guattari décrit un plan constellé « d’allers-retours à vitesse infinie entre le chaos et la complexité ». Sur ce plan, des forces génèrent des agencements. Pour Guattari, « Ce qui importe surtout c’est la lancée rythmique mutante capable de faire tenir ensemble les composantes hétérogènes d’un nouvel édifice existentiel39. » Il s’agit d’une lancée et non seulement d’un mouvement. C’est-à-dire qu’il faut impulser quelque chose, un élan (enfourcher un cheval). Cette lancée est mutante : elle se transforme mais aussi elle conjugue ses mutations à ce qu’elle traverse. Elle est transversale : elle met en lien des strates hétérogènes qui ne se rencontreraient pas sans un mouvement oblique qui les interconnecte. Sans lancée rythmique, les différences restent séparées. Il faut une impulsion qui crée de nouvelles lignes par lesquelles ce qui ne se serait pas rencontré se connecte. Le nouvel agencement qui se produit résulte de la friction, du choc, de l’accord entre des éléments hétérogènes. Pour cela, il faut un catalyseur temporel : il est question d’agir le temps et non seulement de le subir. Il faut entrer dans le battement qui nous agence au monde. Ainsi, on passe d’un paradigme scientifique qui part de la fixité et se génère à partir de la séparation entre sujet et objet, à un paradigme que Guattari nomme « éthico-esthétique », ou écosophique. Alors, non séparés du devenir continuel des choses, il est possible de produire des agencements qui impliquent les corps, la matière, la nature et les espèces incorporelles de l’art et de la pensée. C’est le processus qui prévaut sur la forme, le mouvement qui prévaut sur le fixe, la relation qui prévaut sur l’objet. La performance comme la poésie sonore sont pour Guattari des modes artistiques d’expression permettant particulièrement d’investir ces dimensions d’énonciations rythmiques en lien à la vie. Il s’agit de « décentrer le point de vue », de « démultiplier les composantes d’expression » selon de nouvelles topographies, de nouvelles modalités. Guattari déclare : « La seule finalité acceptable des activités humaines est la production d’une subjectivité auto-enrichissant de façon continue son rapport au monde40. » Il s’agit donc de produire, d’actualiser quelque chose, une expression singulière, une expérience, un point de vue. Il est question de « produire » et non « d’être » ou « d’avoir » une subjectivité. Cette subjectivité n’est pas statique, elle est dynamique, autopoïétique. Elle se génère dans sa relation au monde, mais aussi crée le monde.

Lancée rythmique et danse

27Pour Katia Légeret, « l’art et notre relation à l’art peuvent être fondamentalement rythmiques. Il est question d’un monde en apparition, d’un mouvement et non de formes a priori41 ». Lorsque je danse, je cherche davantage à investir un galop et à éveiller des parts inconscientes qu’à produire des formes définies. Je n’utilise pas les codes habituels de certaines techniques (contemporain, classique), même si je peux y avoir recours. Je ne cherche pas en priorité le geste ou l’image. Je me connecte au monde et je déplace mon centre. Je me laisse danser par ce qui me traverse (sensation, rythmes, forces) et qui n’a pas de mots. J’initie le mouvement à partir de foyers encore aveugles. Il peut y avoir ou non de la musique. Le galop, c’est un battement interne indépendant de cela. Commencer à danser, c’est entrer n’importe où dans une vague d’espace-temps et surfer sur sa crête. Pour cela, il faut convoquer une intensité préalable. On ne part pas de rien. Puis, il faut un élan. La lancée rythmique est le catalyseur qui me permet de passer d’un espace quotidien à un milieu fluidique. Elle continue de pulser pendant toute la durée de la danse, un peu avant et un peu après. Convoquer le duende, investir cette lancée, c’est entrer en danse.

Une danse polyrythmique

28La danse de Naṭarāja est polyrythmique : La vibration oscille, le cheval galope, la vie se renouvelle, les formes naissent et meurent, le présent flambe et se verse dans l’avenir… Le rythme engage à franchir des seuils, à investir de nouveaux territoires d’expression. Il s’agit de défaire en même temps que de faire, de détruire en même temps que de produire. En poésie sonore, en écriture automatique ou dans mes improvisations dansées, j’investis ainsi un matériau qui est avant tout vibratoire et rythmique. Il passe par la sensation et l’émotion. Je ne m’attache pas à produire un objet, mais une expérience sensible qui agence des éléments hétérogènes (quelqu’un, une humeur passagère, le bruit de la rue, la lumière, le mouvement du vent dans les branches, un rire, du bleu…), éléments qui ne se seraient pas composés entre eux sans rythme transversal. La danse fait signe. Elle s’actualise dans des formes transitoires nées d’un couplage corps-monde et qui ne cessent pas d’apparaître. « La répétition est impossible. Il est essentiel de le souligner. Le duende ne se répète jamais, pas plus que ne se répètent les formes de la mer dans la bourrasque42 ».

3. Regard

29Les yeux du Naṭarāja sont mi-clos, il dirige son regard dans deux directions : vers son cœur et vers le monde. Il regarde avec Ājñā (troisième œil). Ce chakra est situé au niveau de la glande pinéale. Son kshetram (point de résonance) est situé au niveau de l’hypophyse. Par cette double dynamique de « focalisation interne de la conscience » et de l’expression-créatrice, il nous enseigne la véritable nature du réel. Les deux puissances combinées de Śiva (virtuel) et de Śakti (actuel) sont à la fois centrifuges et centripètes. Il y a une oscillation de l’une à l’autre. Actuelles et virtuelles, matière et pensée effectuent une danse perpétuelle. Cette double spirale hélicoïdale à la fois se resserre et se déploie, dans un double mouvement d’actualisation et de virtualisation. Elle conquiert l’Ouvert tout en investissant une intériorité qui semble plus vaste que le dehors le plus lointain. Les yeux du roi danseur sont mi-clos, il ne focalise pas, il ouvre la vision. Un certain regard, focalisé, peut en effet tendre à surplomber l’expérience sensible et à nous séparer des choses. Il se base sur des formes stables qui peuvent réduire le monde à sa simple apparence. En lisant les œuvres d’Artaud, on trouve l’évocation d’un autre type de regard : « Or, on peut dire qu’il suffit d’un simple regard pour que se décompose le monde des apparences mortes43 ». Il suffit d’un regard, peut-être, mais pas de n’importe lequel. Il faut un regard qui ne prenne pas la fixité ou la mort comme valeur de référence ; un regard qui a une connaissance intrinsèque du vide et des forces de vie, un regard qui embrasse le non-visible et l’indéterminé.

30En dansant, pour être mû par des dimensions non-uniquement-optiques, on peut investir un regard médiateur entre le dedans et le dehors, l’avant et l’après : un regard médiumnique. Ce regard dissout une extériorité de visibilité absolue, ou tout ce qui est vu est consommable. Il permet de reconquérir des bordures incertaines, des images non-optiques, des zones « aveugles » qui fourmillent de potentialités. Naṭarāja, les yeux mi-clos nous livre un secret : Le regard n’est pas seulement optique. Il se tourne vers le cœur, laissant passer entre ses paupières un peu de la lumière du monde.

4. Relation à la Terre et à la nature sauvage

J’ai fait venir parfois, à côté des têtes humaines, des objets, des arbres ou des animaux, parce que je ne suis pas encore sûr des limites auxquelles le corps du moi humain peut s’arrêter.44

31Pour danser, je pars d’une base fluide interne qui me permet d’investir une relation à la gravité. L’eau est volumétrique, tridimensionnelle, elle a un poids. Ce poids se verse vers la terre. Il fait alliance avec elle. La relation au sol est une relation première. Le poids du corps a avec la terre une histoire d’amour. Il s’y verse, s’y repose, s’y berce et prend appui sur elle. La connexion à la terre permet d’être au présent du point de contact, un point d’actualisation qui se renouvelle à chaque instant.

32J’investis non seulement une relation au sol mais aussi à la Terre-mère. Naṭarāja est connecté à la nature sauvage. Il est relié aux dimensions animales, végétales, minérales, non dans un rapport de surplomb hiérarchique, mais par « consanguinité ». Le philosophe écologiste David Abram45 soutient la thèse d’une réciprocité de perception entre humains et nature. Au fil des siècles, avec l’avènement de l’écriture alphabétique, l’homme s’en est distancé et a perdu la faculté d’entendre ses voix. La Terre est devenue muette. Mais il est possible de rétablir cette connexion. En ouvrant l’écoute à partir de résonances vibratoires, cellulaires, mais aussi avec la peau et les fluides, on sort du spécifiquement humain pour trouver des alliances avec d’autres formes vivantes. La danse émerge d’une relation de réciprocité et de solidarité avec ce qui nous entoure, elle témoigne d’une matière commune du corps et du monde. Ainsi je peux dire que le monde me danse. Ma danse est énergétique, vibratoire, traversée d’affects, tissée de vide et d’inconscient. Elle capte des forces qu’elle redirige. Je nomme la technique que j’investis : Composition sismographique. Mon corps, à l’instar d’un sismographe, trace en temps réel les informations qu’il reçoit. Je compose car je sélectionne, au fur et à mesure de la danse, différentes entrées. Je peux changer de canal sensible, comme on changerait une fréquence radio : moléculaire - cellulaire - kinesthésique - tactile - auditif - visuel - olfactif - gustatif…

33Dans un monde de la représentation et du spectacle, où des images idéales, fantasmagoriques, nous séparent de la vie et font de nos corps des objets de consommation courante, nous pouvons nous affranchir des modèles normés, différer d’images identitaires, idéalisées, afin de retrouver des alliances avec des forces vives. Naṭarāja nous invite à fouler la terre et à dissoudre l’illusion du fixe pour nous joindre à la danse du monde. Il nous invite à créer : à nous recréer et à recréer le monde.

5. Convoquer une joie secrète et conjurer la peur

J’ai pour me guérir du jugement des autres toute la distance qui me sépare de moi.46

34Lorsqu’on se présente aux yeux des autres, la peur peut venir de différents facteurs : peur de mal faire / vouloir trop bien faire, peur d’être vu / peur de ne pas être vu, peur d’être jugé, de ne pas être aimé, etc. Lorsqu’on s’aventure hors de territoires balisés, la peur est aussi celle du vide, de l’inconnu, du risque, du ridicule, de la mort ou même de la vie, d’une vie trop intense qu’on ne pourrait pas contenir ou moduler. Le désir de bien faire, par exemple, sentiment courant, engendre un certain esprit de sérieux, qui peut nous mener à faire les choses sans véritablement les vivre, sans les inventer. Cet esprit de sérieux peut être renforcé par le fait de tenir à ce que l’on fait (ce beau texte ou cette belle danse). On serait tenté de dire « regardez ou écoutez comme c’est beau ou formidable ! », on est animé de bonnes intentions et d’un peu trop de « vouloir faire ». Et là, l’écueil est immédiat. La vie s’échappe, tout se fige, se boursoufle, se centre sur le moi. Plus rien ne galope ni ne se partage. L’ennui gagne et la peur aussi.

Ne pas tenir aux formes que l'on produit

35Naṭarāja nous montre qu’il ne faut tenir à rien de ce que l’on fait, tout en s’y engageant entièrement, comme si plus rien n’était plus important que d’être là. Il faut brûler les formes au fur et à mesure qu’on les produit, pour qu’elles voyagent vers d’autres, qu’elles ensemencent des possibles. L’agir brûle l’instant. Il s’accompagne d’un non-faire qui n’a pas d’objectif formel préalablement défini. Le mouvement de création investit la matière, impliquant le hasard. Et ce jeu-là affirme quelque chose qui naît et dont on ne connaît pas encore le sens ou la nature mais dans lequel pourtant on s’engage entièrement. Cette affirmation est joie. C’est une joie de création, celle d’agir au présent, entièrement, se conjuguant à des forces. C’est aussi la joie de ne tenir à rien, d’être entraîné dans des prairies nouvelles ; joie du mélange et de l’inconnu.

Produire le sens à partir du non-sens

36La danse de Śiva engendre un mouvement par lequel le corps et ses images ne cessent d’apparaître et de disparaître. Cette coexistence des principes de vie et de mort produit pour Deleuze « un sens immanent ou la terreur se mêle étroitement au mouvement de la sélection et de la liberté47 ». On peut parler de terreur dans la mesure où il est nécessaire, pour vivre un tel processus, de renoncer à des formes connues, référencées, pour produire quelque chose qui n’a pas encore de visage. La terreur survient lorsque l’on pense se dissoudre en même temps que les images. Parfois on ne sait pas où on va, le chaos menace. Il n’est pas question de faire n’importe quoi. Et pourtant il semble nécessaire d’accepter pour un temps l’incertain, le provisoire, et de renoncer à un sens posé à l’avance ; accepter également d’être mû autant que de mouvoir pour voir jusqu’où les intensités que l’on convoque nous mènent. Cela demande de l’implacabilité, pour s’engager entièrement dans un non-sens duquel, à certains instants remarquables, fulgurants, émerge le sens. Il distribue ses points brillants dans la pénombre des danses, des images, des écritures. « Le mécanisme du non-sens est la plus haute finalité du sens48 » écrit Deleuze, car il produit le sens. Selon le philosophe, produire le sens est notre plus grande tâche aujourd’hui49.

Avoir des billes dans les poches

37Il faut du courage et une puissance d’oubli, pour s’avancer au centre d’un espace ou d’une scène, convoquant des forces avec ses pieds, prêt à se défaire des techniques apprises et à embrasser ce qui vient. On se connecte à une pulsation qui vient du fond de soi, du fond des âges, on entre dans le cercle de flammes. C’est une entreprise téméraire que de commencer par disparaître en apparaissant, par jeter ce qu’on produit tout en le produisant. On ne peut pas savoir d’avance où cela mène, jusqu’où cela mène et cela peut être effrayant. Mais par-dessus tout, avec la pratique, c’est une jubilation secrète, une force de joie et de liberté qui se déploie, qui libère du joug de l’identique. Naṭarāja, de sa main droite nous dit : « Sois sans crainte, épouse le vide et entre dans le rythme ». Cette connaissance intime est comme un jeu d’enfant : on est un enfant du vide, avec lequel on a une secrète et joyeuse connivence. On a des billes de hasard, d’insolence, d’humour, de férocité, de tendresse dans ses poches ; des billes de non-sens, de vide, d’advienne que pourra, des billes de What The Fuck50, des billes de vie. C’est cela la joie secrète : celle de savoir qu’on n’est pas tout seul, relié à des forces, tissé de vide et que tout cela n’est pas si grave. C’est la joie de dynamiter l’esprit de pesanteur, la signification prédéfinie pour faire alliance avec la matière du monde, des rêves et de l’imaginaire. Au besoin, on a des munitions. On s’avance au milieu de l’inconnu, prêt à lancer ses billes ou à jeter les dés à chaque pulsation du temps, on a des dés en or ou des dés invisibles ; on a des billes, des animaux, des mondes…

6. Agencement des apparemment contraires

38Naṭarāja, agence les polarités sans les opposer : dedans / dehors, passé / futur, matériel / spirituel, féminin / masculin, humain / non-humain… Il les tient ensemble, oscille d’un pôle à l’autre. Une dimension contient l’autre. Cette façon de concevoir la polarité sans opposition est induite par la vibration originelle, elle implique une perspective de participation.

Générer un continuum interne-externe

39L’intériorité est relative à une extériorité qui la prolonge et réciproquement. Pour Gilbert Simondon, une relation de l’interne à l’externe fonde l’éthique : « l’éthique […] est le sens selon lequel l’intériorité d’un acte a un sens dans l’extériorité51 ». Lorsque la perception s’ouvre à une dimension vibratoire qui n’établit pas de scissions entre différents éléments d’un ensemble, elle favorise, par résonances mutuelles, une musicalité des agencements. Intérieur et extérieur sont comme deux faces d’un même ruban de Möbius qui les déroule52. La danse émerge de ce couplage. Cette perspective éthique redéfinit le politique, c’est-à-dire la façon de s’agencer aux autres et au monde. Le collectif se pense alors à partir de dimensions d’intériorité et d’extériorité, qui impliquent les puissances conscientes et inconscientes de chacun. Le corps s’ouvre à un champ plus vaste que les individuations particulières, et dont il participe.

7. Danser les fluctuations du monde

40Les forces actives de la danse de Naṭarāja forment un agencement dynamique qui traverse la matière, la pensée et tout ce qui se rapporte à la création et à ses processus. Elles alternent mort et vie, ombre et lumière. Les images produites sont liminales, transitoires. Leur puissance mouvante exprime à la fois des forces souterraines et des floraisons de surface. Vibrantes, elles s’entrelacent d’un battement noir, d’une part obscure. Obscur ne veut pas dire terrible, démoniaque, dangereux ; obscur se rapporte au cœur informulé des choses, des idées, des images. C’est une intensité de vie, un fourmillement de puissances hétérogènes. La danse de Śiva fait osciller le visible. Sous les pieds du roi danseur, les images de la représentation défaillent, elles sont poussées jusqu’à la différence.

Faire battre le cœur de la représentation

Tout est toujours à reprendre au point zéro d’émergence chaosmique, c’est la puissance de l’éternel retour à l’état naissant.53

41Ce processus de production à la fois aléatoire et maîtrisé fait danser les formes. Ainsi, en dissolvant par la pulsation rythmique les images fixes de la représentation au profit d’images mouvantes, une danse de joie investit le cœur de la représentation elle-même, elle dissout ses pétrifications. Le corps sans image, tissé d’obscur, se présente comme image, il ne cesse d’apparaître. Le miroir du déjà existant, se ternit. La représentation se met à battre, elle investit un rythme de vie-mort-vie. Se soustrayant à elle-même, elle se décentre, danse. La pensée et la matière sont portées à incandescence. Elles se reconnectent à des puissances perdues.

Image plasmique

42Cette perspective nous renvoie au texte de Barnett Newman The Plasmic Image54, dans lequel il oppose une peinture abstraite ayant comme finalité ses éléments plastiques de couleur, forme, ligne texture, et la nouvelle abstraction qui est une expression de l’inconscient et qui connecte au mystère du monde et à ses forces. La première est une image plastique, elle est un cosmos géométrique qui vise au beau et qui peut devenir un ornement ou prendre dans le pire des cas un caractère décoratif. Ce sont les éléments plastiques et leur composition qui en sont le matériau premier et la finalité. Nous avons grandi, dit-il dans «  la peau de la beauté55 » et cela nous rend sensibles en Occident à des qualités plastiques. Newman ajoute par ailleurs que l’attitude plastique a été le postulat de l’art moderne et nourri une véritable propagande qui réduisait l’image à ses composants visuels. Les parts spirituelles et intangibles ont été ignorées. Il définit une seconde image qu’il oppose à la précédente : l’image plasmique. Elle a pour sujet et matière de création le chaos. C’est la nature plasmique, mouvante, des éléments plastiques qui est prise en compte. L’artiste ainsi arrache la vérité au vide. Il est un médium qui nous connecte à l’inconnu. Un plasma mental, nous dirions virtuel, s’actualise au travers d’éléments plastiques pour donner naissance à une création nouvelle, porteuse d’une pensée vivante. Le texte de Newman n’est pas sans points de jonction avec la vision d’Artaud lorsqu’il clame que les lignes doivent être utilisées non pas pour leur qualité esthétique mais comme moyens de produire des effets, par exemple dans l’art mexicain :

Dans l’imagerie sculptée ou peinte des Mexicains, l’art n’existe pas. La beauté non plus. C’est une idée européenne et moderne. La jouissance devant la beauté n’existe pas. Les formes les lignes ne sont pas belles ; elles sont utiles, elles servent. Mais elles ne servent ni à manger, ni à boire, ni à favoriser les commodités matérielles de la vie. Elles servent à capter des forces, ou à rendre capable de capter des forces. On ne les sépare pas de la magie.56

43Ainsi, en investissant les formes de la représentation et du spectacle, non pas pour elles-mêmes, mais comme moyens d’aller au-delà du visible et d’investir le vide qui est le secret de la vie, nous avons une piste concrète concernant des moyens de mise en œuvre.

Danser/Être dansée par la danse de Śiva

44Le 7 juin 2016, lorsque je commence à danser, je regarde un instant Naṭarāja en silence.

Fig.4. N. Vadori-Gauthier, Images extraites d’une performance lors de la journée d’étude l’Émotion à l’œuvre, Musée National des Arts Asiatiques Guimet, Paris, 7 juin 2016

img-4-small450.png

45Je me connecte au vide qui nous relie ; au vide qui me relie à la pièce et aux spectateurs, à la ville dehors, à la Terre, au cosmos. Je m’avance au bord de l’inconnu. Je ne sais rien de ce que je vais faire, je m’en remets à l’instant. J’entre dans la roue rythmique, j’appelle le duende. Je suis pieds et mains nues, j’oublie ce que je sais, mon regard se défocalise, il s’oriente vers mon cœur, vers ma perception interne : vibration cellulaire et battements du sang. Je tourne le dos à l’œuvre et fais face aux spectateurs. Leurs images me traversent. Je suis mue par quelque chose d’eux dont j’ignore la nature et que mon mouvement embrasse. Je tisse des fils d’or dans le vide et je leur dis en silence : « Tout cela n’est pas si grave, nous sommes des enfants de l’instant ». C’est une joie secrète : la joie de savoir que quelque chose de nouveau est possible et peut naître ; la joie d’être vivants ensemble sur la crête de l’incertain. Naṭarāja danse, je suis mue par des forces, j’accomplis des gestes dont je ne sais pas ce qu’ils sont, je conjugue des informations qui me proviennent du roi danseur, des spectateurs, de l’espace, de mes sensations, de parts de rêve ou d’inconscient. J’affirme l’inconnu, je l’adresse à mes semblables. Je ne tiens pas à ce que je fais, je le jette, je le brûle, je le donne, je suis transformée par l’agencement qui s’actualise. Je tape le sol de mes pieds, j’appelle les énergies de la Terre-mère. Je suis traversée d’injonctions sombres ou drôles ; tour à tour lignes de galop ou vagues douces. Je berce, je rassure, je convoque, je diffracte. La lancée rythmique me permet de passer d’une strate à l’autre, de composer intériorités et extériorités, passé et futur, matière et pensée. J’intègre des parts informulées : des parts qui n’ont pas encore de mots pour les décrire ou pas encore pris forme. Je suis mue par des dimensions conscientes et inconscientes. Il y a un humour du vide, une joie d’affirmation de la vie, une vie dont on ignore encore les formes qu’elle prendra et que pourtant on scande, par la danse. Naṭarāja danse, le galop de Nandi investit l’espace sans forme... J’ai tout oublié de ce que j’ai fait, ça a été filmé57. Je n’en sais plus rien. Je n’ai la mémoire d’aucune image, d’aucune forme, mais je me souviens en revanche précisément de l’atmosphère du lieu et de la nature de ce qui m’a traversé : la puissance de l’œuvre, les présences des visiteurs, leurs regards qui entraient dans mes pupilles. Je les dansais, je dansais l’instant, avec eux, pour eux. J’ai encore la sensation du lien sensible qui s’est tissé, de la charge d’affect, du feu et de l’eau, du caractère insondable et terriblement joyeux de l’ānandatāṇḍava qui faisait signe à travers moi. Cette danse de joie toujours m’accompagne, même lorsque je ne danse pas. C’est une joie secrète. Elle me permet de composer avec des parts d’incommensurable. Je m’en remets au vide.

Faire et de défaire image

46La danse cosmique du Naṭarāja est une danse de création. Elle cristallise les formes tout en les dissolvant. Elle convoque des forces, investit des puissances et se compose avec ce qui augmente sa joie. Dans cette perspective, il n’y a rien à réussir ou à rater, rien à interpréter. Il n’y a rien à comprendre ni à évaluer. Il n’y a pas à fournir davantage que ce qui s’exprime, il n’y a pas d’obligation de rendement. Rien d’étonnant à ce que de telles énonciations collectives et éthiques soient absentes des marchés. Les sociétés actuelles sont asséchées de telles forces différentielles asignifiantes a priori. Elles en manquent comme un désert manque d’eau. Il s’agit de battre le temps, d’investir des lignes transversales afin de permettre de nouvelles énonciations collectives, qui déjouent le sens unique, font alliance avec le vide et la nature non-humaine et impliquent des parts inconscientes et des billes de non-sens. Pour conjurer la peur et adoucir le vertige d’être temporairement dépossédé de ses certitudes, il faut du soin apporté aux êtres, aux lieux et aux choses. Il est nécessaire de procéder par empathie, résonance solidaire, déjouant au passage les tentations de domination, de hiérarchie ou de pouvoir, diluant les contours des ego et des certitudes, s’autorisant l’improductif au cœur de la production. Il est aujourd’hui important de favoriser des dispositifs qui remettent chacun en contact avec des sources « chaosmiques ». C’est un des rôles de l’art. On comprend qu’un tel projet ne rencontre pas toujours la faveur des pouvoirs en place, car il ne joue pas le pouvoir des uns au détriment de celui des autres. Non rentable d’un point de vue immédiatement financier, il participe pourtant d’une économie plus large qui accorde de la valeur à l’immatériel et à la vie, à chaque fois singulière. Il faut laisser quelque chose se dessiner sans le précéder et ne pas simplement réorganiser l’ancien sous une autre forme. Śiva Naṭarāja, engage à se laisser traverser par une nécessité du cœur et du sang, à investir une ānandatāṇḍava qui agence les éléments sous de nouvelles formes, plus inclusives, moins opaques, plus dansantes. Lorca écrit que les formes de la danse, de la musique et de la poésie « naissent et meurent de façon perpétuelle et dressent leurs contours sur un présent exact58 ». Le battement de la danse de Śiva, est cette exactitude, cette injonction impérieuse de l’instant qui, à chaque pulsation réactualise avec elle toute l’étendue de la matière et des corps. Vie-mort-vie, c’est à chaque fois une nouvelle mort et une nouvelle vie.

47La joie de Naṭarāja est multiple, elle a plusieurs sources : elle est liée au vide et à la vie, provient de l’union de l’esprit et de la matière, du virtuel et de l’actuel. C’est une joie de création, de rythme : scansion de la danse mais aussi galop de Nandi. Cette joie provient également d’un regard qui ne s’arrête pas à la fixité apparente et illusoire des choses. Elle est générée par le battement des pieds sur la Terre. C’est une joie d’alliance avec la nature sauvage, celle d’une circulation entre humain et non-humain. C’est une joie d’affirmation, une joie d’agir au présent, entièrement, se conjuguant à des forces. C’est aussi celle de ne tenir à rien, d’être entraîné dans des naissances nouvelles, une joie de connivence avec le hasard et l’instant. C’est aussi une joie secrète : celle de savoir qu’on n’est pas tout seul, qu’on est relié à des forces et que tout cela n’est pas si grave. C’est la joie d’apprivoiser la peur, de dynamiter l’esprit de pesanteur, de faire alliance avec la matière du monde, des rêves et de l’imaginaire ; la joie d’un lancer de dés, la joie du non-sens. Cette joie dissout les images mortes, elle fait danser entre elles les différences et faux dualismes : le masculin et le féminin se changent l’un dans l’autre, le dehors prolonge le dedans et réciproquement, les temps s’entrelacent ou s’entrechoquent, l’animal, le végétal et le minéral se composent ensemble, les pétrifications vacillent et promettent de nouveaux jours. Nous sommes vivants, ensemble, et le monde oscille. Tout est nouveau maintenant, et maintenant, et encore maintenant… Rien n’est plus important que d’être là.

Notes

1 L’Émotion à l’œuvre, Médiations artistiques entre les publics et les collections muséales Inde/Cambodge/Chine/Japon.

2 Je suis formatrice en Body-Mind Centering®. Le BMC® est une pratique d’éducation somatique créée et développée par Bonnie Bainbridge Cohen par laquelle les perceptions et sensations de soi, des autres, de l’espace et du temps, sont envisagées et senties au travers du mouvement et d’un socle somatique fluide. Cette particularité induit des modes de corporéité et d’interrelations qui impliquent une primauté du mouvement et de l’expérience vécue, en relation aux autres corps et à l’environnement.

3 SMITH David, The Dance of Siva, Religion, Art and Poetry in South of India, Cambridge University Press, 1996, p. 2.

4 Dans l’hindouisme, la Kuṇḍalinī désigne une énergie vitale primordiale présente en chaque être humain.

5 Ardhanārīśvara, seigneur androgyne, a un corps mi-féminin à gauche, mi-masculin à droite.

6 LÉGERET Katia, « La construction du genre dans la danse et le théâtre indiens », dans Gender und Religion, Actes du colloque international de Zürich, 2008.

7 ARTAUD Antonin, Œuvres, présentées et annotées par Évelyne Grossman, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004, p. 737.

8 Ibidem, « Le théâtre et les dieux », p. 704.

9 Ibidem, « La jeune peinture française et la tradition », p. 714.

10 Ibidem, « Lettre du 23 avril 1936 », p. 666.

11 GROSSMAN Evelyne, La Défiguration, Artaud-Beckett-Michaud, Éditions de Minuit, Paris, 2004, p.28.

12 Ibidem, p.30.

13 ARTAUD, Op. cit., « Le Théâtre et la culture », p. 509.

14 Ibidem, « Le Théâtre et les dieux », p. 202.

15 Lucrèce, De la nature, José Kany-Turpin (trad. et présentation), Paris, Flammarion, 1997, p. 73.

16 Légeret Katia, « La construction du genre dans la danse et le théâtre indiens », Op. cit., p. 82.

17 Smith, Op. cit., p. 84.

18 HELL Bertrand, Les Maîtres du désordre, Paris, Musée du Quai Branly, 2012, p. 76.

19 BENETT Jane, Vibrant Matter, Durham/Londres, Duke University Press, 2010.

20 BAINBRIDGE COHEN Bonnie, « La communication cellulaire », Formation en éducation somatique par le mouvement, 1988.

21 Idem.

22 Kany-Turpin José, Introduction à Lucrèce, De la nature, Op. cit., p. 21.

23 BENVENISTE Émile, « La notion de rythme dans son expression linguistique », Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p. 327 à 336.

24 Ibidem, p. 332.

25 DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, Mille Plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1980, p. 350.

26 Garcia Lorca Federico, Jeu et théorie du duende, Paris, Éditions Allia, 2009 (1942).

27 Ibidem, p. 13.

28 Ibidem, p. 63.

29 LORCA, Op. cit., p. 15.

30 Idem.

31 Ibidem, p. 21.

32 Ibidem, p. 23.

33 Ibidem, p. 49.

34 Ibidem, p. 13.

35 Gárate-Martinez Ignacio, Le Duende, jouer sa vie, Paris, Éditions Encre marine, 2005. Cite : SANTAMARINA Cristina et MARINAS José-Miguel, El cuerpo secreto del flamenco, Fundacion andaluza del Flamenco (inédit), p. 49.

36 LORCA, Op. cit., p. 47.

37 Ibidem, p. 31.

38 GUATARI Félix, Chaosmose, Paris, Éditions Galilée, 1992.

39 Ibidem, p. 37.

40 Ibidem, p. 38.

41 LÉGERET Katia, Danse contemporaine et théâtre indien, un nouvel art ?, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2010, p. 190.

42 Ibidem, p. 55.

43 ARTAUD, Op. cit, « Les forces occultes du Mexique », p. 730.

44 Ibidem., « Le visage humain », p. 1535.

45 ABRAM David, Comment la Terre s’est tue, Paris, La Découverte, 2013.

46 ARTAUD Antonin, L’Ombilic des limbes, Paris, Gallimard, 1954, p. 23.

47 DELEUZE Gilles, Différence et répétition, Paris, Presses Universitaires de France, 1968, p. 30.

48 DELEUZE Gilles, Logique du sens, Paris, Les Éditions de Minuit, 1969, p. 209.

49 Ibidem, p. 91.

50 Les billes de « What the Fuck » (What the fuck is this ? - Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? C’est insensé ! ») sont un ressort de jeu et de dé-dramatisation : on joue avec le non-sens. Elles permettent de risquer quelque chose, de se mettre en jeu avec une certaine légèreté, d’inviter des petits désordres, de faire basculer la norme, d’être un chien dans un jeu de quilles, de lancer les dés du hasard… Advienne que pourra ! De cette prise de risque, le sens émerge.

51 SIMONDON Gilbert, L’Individu et sa genèse physico-biologique, Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 1995, p. 245.

52 Voir à ce sujet : Vadori-Gauthier, Danser/Résister, Op. cit.

53 GUATTARI, Op. cit., p. 131.

54 NEWMAN Barnett, The Plasmic Image (1945), dans Barnett Newman, Selected Writings and Interviews, edited by John P. O’Neill, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1992, p. 138.

55 NEWMAN Barnett, « L'image plasmique » dans Écrits, Paris, Éditions Macula, 2011, p. 217.

56 ARTAUD, Op. cit., « Les hiéroglyphes mexicains », p. 674.

57 Site du labex Arts h2h : La Performance théâtrale au musée : une médiation transculturelle ?

58 LORCA, Op. cit., p. 35.

Pour citer cet article

Nadia Vadori-Gauthier, « Ānandatāṇḍava, danser les métamorphoses de la joie », L'ethnographie, 2 | 2020, mis en ligne le 20 mars 2020, consulté le 19 mars 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=387

Nadia Vadori-Gauthier

Artiste, docteure en esthétique de l’Université Paris 8, formatrice en Body-Mind Centering®. Formée à la danse et aux arts plastiques, elle fonde ses recherches sur son expérience somatique. Ses recherches se situent dans une perspective éthique qui place la relation et la résonance au cœur des processus. Sa pratique inclut un travail avec la sensation, l’émotion et l’inconscient, ainsi qu’avec une dimension vibratoire énergétique qui l’engage à investir des états de perception modifiés. Elle mène, depuis 2015, un acte de résistance poétique : Une minute de danse par jour.