Vivre ensemble face à la contagion émotionnelle

DOI : 10.56698/chcp.582

Abstracts

Dans ce texte écrit pendant le premier confinement du printemps 2020, je tente de comparer le stress extrême ressenti par certains individus aux angoisses éprouvées en différents lieux du monde par les patients du chamanisme. Alors que l’on a longtemps cru que cette pratique étudiée par les anthropologues était le seul fait des sociétés dites « exotiques », elle pourrait se révéler de manière inattendue utile aux sociétés « modernes » en leur offrant une aide psychologique inespérée. Tomber en transe ou parvenir à un état de conscience modifié pourrait-il aider à traverser les crises aiguës de nos sociétés contemporaines ? Tandis que certains eurent l’impression de vivre un mauvais rêve éveillé, chez d’autres, la peur du coronavirus s’est accompagnée de l’angoisse d’être marginalisé, hospitalisé, asphyxié, d’une hantise de la mort amplifiée par la litanie quotidienne du nombre de victimes. Ils ont été submergés par leurs angoisses, se sont sentis perdus, furent atteint d’insomnie et multiplièrent les cauchemars. Dans les formes les plus extrêmes, les sujets ont connu des états seconds qui semblent avoir eu in extremis une fonction de régulateur émotionnel. À Palerme (Italie), les jeunes animèrent les quartiers en improvisant depuis leurs balcons des concerts diffusés à l’aide de puissantes enceintes. Ces explosions irrépressibles de spontanéité intervenant au cœur d’un confinement vécu comme particulièrement oppressant, sont à rapprocher des manifestations exubérantes survenant à la fin de rituels chamaniques qui exigent une rigoureuse maîtrise de soi.
Par ailleurs, le début de l’épidémie de Covid-19 fut marqué par une masse considérable d’individus gagnés par une peur irrépressible, au point de se demander si, sans le confinement, la panique qu’il a engendrée ne serait pas devenue aussi dangereuse que le virus lui-même. Après plusieurs semaines, les médias et une partie de la population s’en sont pris aux plus démunis, jeunes ou prolétaires. Leur conviction était que n’ayant rien à perdre, ils ne pouvaient qu’entraver la discipline collective. Des boucs émissaires étaient trouvés. En Sicile, la période de Pâques est traditionnellement un moment festif de grande convivialité. Lors de ce printemps 2020, les autorités avaient cependant décidé de montrer aux yeux de toute l’Italie que les Méridionaux ne se laisseraient pas déborder par leur légendaire indiscipline. Mais les habitants du Sperone, l’un des quartiers les plus déshérités de la ville, voulurent profiter d’une terrasse collective en haut de leur immeuble pour se retrouver autour de quelques grillades. Cet évènement insignifiant eut un retentissement démesuré, au point de devenir un scandale répercuté par tous les médias à l’échelle nationale. Le groupe fut traité comme s’il s’agissait de terroristes. Une cohorte de militaires en armes fut envoyée sur le lieu du délit, appuyée par deux hélicoptères de combat et se déplaçant prudemment en ligne indienne, rasant les murs, pour atteindre les fameux « insurgés »… La joyeuse bande de riverains prit la fuite précipitamment.

Living Together While Facing Emotional Contagion”

This essay, written during the first lockdown in spring 2020, aims to compare the extreme stress experienced by some individuals with the anxiety experienced by patients of shamanism in different places of the world. Although it has been long considered that this practice, investigated by anthropologists, was circumscribed to the so-called “exotic” societies, it may turn out to be useful to “modern” societies by providing unexpected psychological help. May indeed falling into a trance or reaching an altered state of consciousness help us get through our contemporary societies’ acute crises? While some may have had the impression of living a bad daydream, others the fear of the coronavirus led to the anguish of being marginalized, hospitalized, asphyxiated: a fear of death that the grim daily count of victims intensified. They were indeed overwhelmed with anxiety, felt lost, suffered from insomnia and subjects of recurring nightmares. In the most extreme of cases, the subjects experienced a form of trance, which, in extremis, seems to have had an emotional regulating function. In Palermo (Italy), young people organized impromptu concerts from their balconies, with powerful speakers, in various neighborhoods. These irrepressible explosions of spontaneity during lockdown, perceived as particularly oppressive, may well be compared with the exhilarating manifestations occurring at the end of shamanic rituals that require strict self-control.
In addition, the Covid-19 pandemic, at its outset, was marked by a mass of individuals overwhelmed with a terrible scare, to the point that one may wonder if, without the enforcement of the lockdown, their sense of panic would not have proven to be as dangerous as the virus. After several weeks, the media and a part of the population started lashing out at the poorest, the young and the proletarians. The belief was that, since they had nothing to lose, they were liable to undermine collective discipline. They were the perfect scapegoats. In Sicily, the Easter holiday is traditionally a festive moment when families reunite. This spring 2020, however, the authorities wanted to make a point regarding the Southerners’ alleged indiscipline. The residents of Sperone, though – one of the city’s most deprived neighborhoods – took advantage of a shared terrace at the top of their building to meet up around a barbecue. This unimportant event was so widely covered in the media that it was wound up into a national scandal. They were treated as if they were terrorists. Armed soldiers were dispatched to the crime scene, supported by two combat helicopters: they proceeded cautiously in a single file, keeping a low profile to surreptitiously reach the “insurgents”... Presently, the merry gang scurried away.

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Mots-clés

contagion, émotions, Covid-19, peur, chamanisme

Keywords

contagion, emotions, Covid-19, fear, shamanism

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Text

La peur aux trousses

Lorsqu’à la sortie du confinement, la chaîne de télévision française BMF TV demanda son avis au professeur Didier Raoult, un infectiologue star aussi décrié qu’adulé en France (60 % des Marseillais souhaiteraient le voir à la tête du gouvernement), sa réponse étonna. Reprenant l’allégorie de la guerre utilisée par le président de la République française, il rappela les conséquences dramatiques de la terreur qui s’empara de la population au début de la Seconde Guerre mondiale. En mai 1940, la peur de l’ennemi vida la plupart des villes du Nord. Deux millions de Belges, Néerlandais et Luxembourgeois, et autant de Français, voulurent échapper aux envahisseurs allemands en tentant de rejoindre précipitamment le sud de la France dans un indescriptible désordre. Les civils désemparés se jetèrent sur les routes à pied avec des charrettes attelées ou poussées à main. La pagaille fut si énorme qu’on estime que 90 000 enfants ne retrouvèrent plus leurs parents. En ajoutant la population urbaine cherchant à fuir par le train, au total c’est entre huit et dix millions de personnes qui s’exilèrent, soit près du quart de la population française de l’époque. Cette foule immense, qui engorgeait les routes et gênait le déplacement des troupes alliées, fut une proie facile pour l’armée de l’air allemande. Au son de sirènes destinées à semer la panique – les fameuses « trompettes de Jéricho » – elle bombarda les fuyards à basse altitude. Cet exode, qui fut l’un des plus importants mouvements de population du xxe siècle en Europe, provoqua plus de morts (100 000 environ) que les opérations militaires.

L’exemple servit au professeur Raoult pour faire remarquer qu’à côté de l’épidémie de coronavirus, le danger d’une gigantesque panique collective s’était présenté. De fait, de nombreux individus apeurés qui se sont précipités dans les hôpitaux et dans les centres fermés ont été contaminés et en sont morts. Si Raoult fit part de ses doutes concernant l’efficacité sur un plan strictement sanitaire des mesures de confinement, il affirma qu’elles avaient été au moins utiles pour stopper une panique dont les conséquences auraient pu être catastrophiques.

Quel rôle a joué la peur dans les décisions prises par les gouvernants ? Pendant l’épidémie, l’Allemagne et la Corée du Sud ont fait le choix de laisser la liberté aux individus de se confiner ou non. L’Italie et la France ont choisi la méthode autoritaire. Le Premier ministre Giuseppe Conte comme le président Emmanuel Macron se sont montrés hésitants. Une dizaine de jours après l’Italie, la France imposa un confinement général. Bien que l’obligation de rester chez soi représentât une privation de liberté d’une violence inouïe, la population accepta la situation avec une discipline et un calme surprenants.

Je me rappelle avoir ressenti au début de cette période de confinement des poussées d’adrénaline et des palpitations. La sensation de danger était amplifiée par les prescriptions et les interdits : se laver les mains à la manière d’un rituel, prendre des mesures de distanciation sociale, etc. On parlait de ce virus comme d’un être vivant sans savoir vraiment le nommer : coronavirus, virus chinois, Covid-19, SARS-CoV-2... Pendant cette période d’incertitude, les échanges entre ceux qui vivaient sous le même toit, mais aussi sur les réseaux sociaux créèrent une émotion collective intense qui influença les comportements et risqua de produire des effets psychosomatiques dommageables. À partir d’un champ psychique invisible, la peur se transmettait rapidement d’un corps à l’autre.

Le virus inconnu déclencha des angoisses insaisissables et diffuses. L’hypothèse selon laquelle il provenait d’animaux sauvages comme le pangolin ou la chauve-souris fut rapidement associée au fait que l’homme avait indûment empiété sur leurs habitats pour les surexploiter. Le pillage de la nature était la conséquence d’un capitalisme effréné. La dangerosité du virus et sa progression rapide semblèrent un moment rendre l’humanité humble. Des foules se mirent à espérer qu’une forte réaction à l’échelle planétaire pût sauver notre monde mal en point.

Au cours de cette période, les pouvoirs publics et la presse s’allièrent pour présenter le domicile comme l’ultime refuge, tandis que les espaces publics et le plein air étaient les lieux de tous les dangers. Des barrières entre voisins se dressèrent, tandis que les frontières ouvertes dans l’espace Schengen se fermèrent. Acceptant de se déresponsabiliser, la population confinée vécut selon des usages et des rythmes nouveaux. Certains y trouvèrent le moyen d’apaiser leurs angoisses. D’autres déclarèrent que cette suspension du temps leur permettait un « lâcher-prise » bienvenu face à une vie habituellement frénétique. Ils faisaient l’expérience d’un mode de vie plus essentiel et authentique. Isolée du monde, une part de la population s’est paradoxalement sentie plus solidaire que jamais des autres. Pendant cette période, il a été beaucoup question de prise de conscience, de capacité adaptive face à un monde en déshérence, de résistance.

D’un autre côté, une certaine souffrance s’exprima. Alors que quelques-uns avaient pu s’éloigner des centres urbains pour s’établir à la campagne, d’autres durent se contenter de promenades circulaires effectuées dans le respect des règles sanitaires. Pour prendre de la hauteur face aux évènements, les journaux intimes de personnalités furent publiés par épisodes. Le journal Le Monde édita celui de l’écrivaine Leïla Slimani. Celle-ci fit part de l’interruption de ses déplacements, du bouleversement de son agenda et de la suspension de ses activités. Mais alors qu’elle déclarait que riches et pauvres se retrouvaient à égalité devant le virus, elle fut attaquée dans un article paru dans le journal Libération intitulé « Virus, les privilégiés et les autres » (Schneidermann, 29 mars 2020). La critique reposait sur le fait que l’auteure était installée bourgeoisement dans une grande maison secondaire à la campagne alors que le confinement était insupportable aux plus pauvres, restés coincés dans des espaces réduits. Les attaques sur les réseaux sociaux furent si virulentes que Le Monde dut stopper la publication.

Au-delà de ces crispations, le coronavirus s’est accompagné de la peur d’être marginalisé, hospitalisé, asphyxié, la peur d’une mort rappelée quotidiennement par le nombre impressionnant des victimes. Submergés par leurs angoisses, beaucoup se sentirent perdus, dormirent mal, multiplièrent les cauchemars. D’autres eurent l’impression de vivre un rêve éveillé. Perrine Ruby, chercheur en neuroscience travaillant sur le rêve, constata deux tendances : d’un côté des rêves focalisés sur la maladie, l’hôpital et la mort, de l’autre des thèmes liés à un phénomène cathartique de compensation permettant de mieux résister et se référant à la fête, à l’entraide, ou à un érotisme accentué (Houdayer, 12 mai, 2020).

Ces formes d’angoisse peuvent faire accéder les sujets à des états seconds. Par le passé, en travaillant sur le culte cubain du Palo Monte, j’ai pu comparer les transes des initiés avec des états de « rêve éveillé » les poursuivant dans leur vie quotidienne (Pasqualino, 2013 et 2014). Il est intéressant de constater que les prêtres paleros sont capables de passer sans véritable discontinuité d’un état de pleine lucidité à une semi-conscience, leur possession se prolongeant dans la vie quotidienne sous forme de rêves nocturnes ou même de visions diurnes se révélant par des flashes leur permettant de communiquer avec les esprits auxiliaires et les morts. Cet état de semi-conscience a une fonction de régulateur émotionnel, au même titre sans doute que les rêves qui ont peuplé le sommeil de ceux qui ont dû subir la phase la plus aiguë de la crise sanitaire.

Contraints comme nous l’étions de mettre de côté notre rationalité, le phénomène a sans doute été largement partagé. Dans un article, Michael Taussig suggère que l’épidémie mondiale pourrait créer une brèche dans nos sociétés hyper-rationnelles et laisser émerger de nouvelles pratiques chamaniques (Taussig, 2020). Ces dernières seraient une parade efficace pour faire face au climat de paranoïa (qu’on songe à la désignation de coupables fictifs ayant volontairement infecté le monde) suscité aux États-Unis par la chaîne Fox News et le président Trump. Face au cauchemar du confinement, dit Taussig, le chamanisme pourrait devenir une nécessité. Dans un monde où les individus sont isolés de force, il se présente à eux deux alternatives. La première est qu’ils deviennent leur propre chaman, la deuxième est qu’ils parviennent à rompre leur isolement en communiant avec les autres, comme lors des opéras chantés sur les balcons des immeubles.

Tomber en transe ou parvenir à un état de conscience modifié pourrait-il aider nos sociétés contemporaines à traverser les périodes de crise ? Les pratiques chamaniques, qui visent à aider le patient, associent le mal dont il souffre à l’âme, au rêve, à la mort et au surnaturel. La méthode du Palo Monte cubain consiste à raviver les liens avec les morts résidant dans les autels domestiques (calderos). Lors des séances de transe, le possédé est submergé par des émotions violentes et incontrôlées. Il « se perd » au point de devenir une chose inerte. Cette manière de se vider lui permet de se ressourcer en emmagasinant une énergie venant des morts.

En dehors de l’anthropologie, un certain nombre d’études et d’expériences focalisées sur la transe ont montré leur efficacité dans un contexte urbain. Je pense notamment aux domaines de la psychiatrie et du théâtre (Antonin Artaud, 1945 ; Richard Schechner, 1985 ; Jerzy Grotowski, 1998). Dans ce sens, il serait particulièrement judicieux de reprendre les études des techniques corporelles traditionnelles permettant d’atteindre la transe – celles-ci quelque peu délaissées parce que réputées « folkloriques » – ainsi que toutes les autres stratégies des sociétés anciennes permettant de sortir le corps de l’emprise du quotidien.

Peut-on comparer les fortes angoisses éprouvées en différents lieux du monde par les patients du chamanisme au stress extrême qui a assailli certains individus lors de l’épidémie de Covid-19 ? À côté des conséquences négatives, peut-on également rapprocher la sensation de bonheur partagé suivant le dénouement heureux des rituels chamaniques des explosions de joie collectives saluant, pendant l’épidémie, les concerts donnés spontanément sur les balcons des confinés ?

La défiance des pauvres

Certes, même si l’on évolue dans une vaste résidence, rester totalement confiné pendant des semaines peut atteindre sérieusement le moral. Il est cependant indéniable que les plus pauvres, qui, eux, sont restés enfermés dans des espaces exigus, ont souffert plus que les autres. Sur l’échelle de la misère, les SDF et les « sans-papiers » dormant dans la rue et survivant d’expédients ont encore plus fortement aspiré à sortir de la crise de manière urgente. Les journaux et les médias ont pourtant focalisé leurs critiques sur les comportements inconsidérés des jeunes et des classes subalternes. Dans l’imaginaire collectif, ces deux classes d’individus, parce qu’elles n’auraient rien à perdre, ne pouvaient qu’entraver l’effort collectif en ne respectant pas les consignes de sécurité sanitaire. Des boucs émissaires étaient trouvés...

La période a réveillé d’autres clichés. En plus des populations jeunes ou pauvres, l’Europe du Sud a été un moment stigmatisée. Depuis la France par exemple, beaucoup ont prétendu que les Italiens, réputés trop individualistes et indisciplinés, seraient incapables de respecter les mesures de confinement. La célèbre journaliste de TV Christine Ockrent se l’est demandé en direct à l’antenne, narquoise. Mais les commentateurs se sont étonnés par la suite de voir les consignes de distanciation sociale scrupuleusement respectées du nord au sud de la Péninsule. La presse italienne en a rajouté en publiant les points de vue de citoyens ordinaires demandant au gouvernement de faire preuve de la plus grande sévérité envers les récalcitrants. À l’extrême sud de l’Europe, à Palerme, la police fut si présente dans les rues que les chiffres de la petite délinquance s’effondrèrent1.

Si la peur a été massivement relayée par le biais d’un intense climat émotionnel, un autre type de contagion, celle-ci véhiculant cette fois des valeurs foncièrement positives, a visé à rassembler les individus pour faire corps contre le virus. Quelques semaines après l’injonction faite de rester enfermé et de respecter la distanciation sociale, des initiatives sont nées pour tenter de concevoir une nouvelle manière d’être ensemble. Dans plusieurs cités d’Europe, le public se mit quotidiennement et à heure fixe aux fenêtres pour applaudir le personnel soignant et exprimer sa gratitude. En Italie, la volonté de maintenir envers et contre tout une vie collective s’exprima par des concerts organisés depuis de simples balcons d’immeubles. Quelques-uns allèrent jusqu’à transformer ces étroits promontoires de plein air en véritables scènes de spectacle, y pratiquant le chant lyrique et la danse et se faisant applaudir par le voisinage. En Italie méridionale, où les Napolitains et les Palermitains devaient eux aussi lutter contre un enfermement familial névrotique, les jeunes prirent l’initiative de concerts plus bruyants. À l’aide de puissantes enceintes, ils improvisèrent, toujours depuis les balcons, des raves parties endiablées. Par le biais des réseaux sociaux, ces évènements eurent un énorme retentissement. À Palerme, dans le quartier historique et très populaire du marché de Ballarò, un clip a été tourné depuis une fenêtre. On y voit la silhouette d’un DJ manipuler des platines depuis une terrasse. Le volume sonore poussé à fond diffuse du rock et de la salsa. Le public est constitué de voisins que cet animateur d’un soir peut entrevoir, attentifs, derrière les vitres de leurs fenêtres. Tous écoutent, émerveillés. Il s’éclaircit la voix, lance : Tutti quanti (« Tous ensemble ») ! Des cris passionnés lui répondent pour l’encourager, suivis de chaleureux applaudissements. L’évènement restera gravé dans les esprits. La silhouette deviendra une légende dans le quartier et d’autres performances suivront la première. Sur la toile, l’engouement populaire fut manifeste. Suivant en direct le DJ anonyme dressé sur la terrasse, le public réagit avec enthousiasme. Un internaute loua le courage d’une population enfermée depuis un mois mais sachant montrer à la face du monde son esprit de résistance. De nombreux encouragements défilèrent sur la toile : « Prends exemple et ne te laisse pas abattre » (du Royaume Uni) ; « Voilà la vraie fierté italienne » (de Suisse) ; « L’Italie enseigne au monde à être efficace, solidaire, unie, créative, heureuse et attentionnée envers les autres » (de New York) ; « Tout ça va finir, force et courage ! » (de New York) ; « Orgueil sicilien » et « Bravo ! Nous les Méridionaux avons le sang spirituel ! » (d’Italie) ; « Si vous ne vous en sortez pas, vous mourrez de dépression. Cela doit être une quarantaine et pas une décision de justice d’assignation à domicile. Vive Palerme, vive l’Italie ! » (d’Allemagne) ; « Ça, la Chine ne le fait pas ! Seul le peuple italien a le pouvoir de montrer sa vitalité dans tout ce qu’il fait ! » (d’Allemagne). Sur l’écran des téléphones, ce soutien unanime se traduisit par une avalanche d’icônes de cœur et de pouce levé.

Plus stigmatisés, les résidents des quartiers les plus pauvres de l’extrême sud de l’Europe ont sans doute aussi davantage souffert. À Palerme, le quartier du Sperone, par exemple, a fait les gros titres de la presse italienne tant son désespoir pendant l’épidémie a été grand. Ce quartier tire son nom d’une cruelle coutume judiciaire remontant au xviiie siècle. Le Sperone, littéralement « l’Éperon », était une sorte de pyramide de pierre dressée au milieu du quartier. On y suspendait les condamnés qui avaient été écartelés, un spectacle macabre qui visait à terroriser les malfaiteurs. À partir des années 1960, et plus encore dans les années 1970-1980, le quartier a fait l’objet d’une intense activité de construction de logements sociaux et s’est trouvé coupé du reste de la ville. Depuis, la misère s’est installée, aggravée par la mauvaise scolarisation des enfants, un entretien des habitations pitoyable, le manque de services essentiels et le développement de la criminalité liée à la drogue.

Pendant la pandémie, les habitants de ce quartier sans ressources ont exprimé leur exaspération sur Internet. Fabio : « Comment rester à la maison avec le frigo vide ? Les enfants ont faim ! » ; Nunzio : « Je n’ai même pas un euro… Et ma famille doit manger. Arrêtons de faire les moutons. Les moutons ne protestent pas, mais ils font partie intégrante de l’État. Réclamons nos droits… » ; Luigi : « S’il veut que nous restions enfermés, l’État doit nous amener à manger et payer nos loyers. Nous ne sommes pas Cristiano Ronaldo… » Poussés à bout, quelques-uns conçurent des hold-up alimentaires dans les supermarchés. Après avoir rempli des chariots de nourriture, ils les poussèrent tout simplement vers la sortie sans s’arrêter aux caisses. Alberto Losacco, commissaire régional du parti démocrate, dénonça publiquement le fait que cette nouvelle délinquance provenait de groupes s’organisant aux yeux de tous sur Internet2. De leur côté, les protagonistes revendiquèrent leurs actions éclair comme une action politique. Ces évènements firent la une de la presse locale, puis la police commença à patrouiller dans les supermarchés comme s’il s’agissait de banques redoutant des attaques armées. Les actes désespérés contre la faim ne suscitèrent aucune compassion. Au contraire, les journalistes s’allièrent aux politiques et à l’ensemble de la population bien-pensante pour les condamner, tout en saluant les interventions musclées de la police. Nous aurions cependant vu se déclencher un début de guérilla urbaine si de nombreuses associations n’avaient pas créé des chaînes de solidarité venant en aide aux plus pauvres…

Pour les fêtes de Pâques, la population italienne dans son ensemble avait été prévenue : les autorités seraient plus impitoyables que jamais à l’égard des contrevenants. En Sicile, les familles n’ont pourtant jamais manqué le rendez-vous du lundi de Pâques. Chaque année, en cette période, elles se rendent en voiture « à la campagne », s’arrêtent sur le premier coin de verdure rencontré et allument un feu de bois pour des grillades. Cette année 2020, il fallait pourtant montrer au monde que les Méridionaux savaient se tenir sans se laisser submerger par leur prétendue indiscipline. Pour éviter tout rassemblement, les kilomètres de nature qui servent de poumon vert à Palerme (la Favorita) furent fermés et mis sous stricte surveillance policière. Fait encore plus exceptionnel pour cette région très catholique, les processions de la semaine sainte furent interdites. À Palerme, ces mises en scènes religieuses sont prenantes, des acteurs jouant les rôles des personnages bibliques. Elles évoquent ainsi les épisodes du procès fait à Jésus par les Romains, Ponce Pilate se lavant les mains, la marche forcée du Christ ensanglanté et claudicant vers le Golgotha et sa mise en croix aux côtés des deux voleurs. Dans les quartiers les plus pauvres, où le taux de chômage est très élevé et où un nombre conséquent d’hommes restent sous le coup d’un arrêt domiciliaire, ces représentations sont très suivies. Pour cette population qui a le sentiment d’être abandonnée de tous, la représentation du Christ crucifié reste un modèle fort auquel s’identifier et la reconnaissance publique de leurs souffrances.

Privés de sortie de Pâques, les habitants confinés du Sperone redécouvrirent qu’en haut de leurs immeubles se trouvaient des terrasses collectives où ils pouvaient retrouver un peu de convivialité. Délaissées en temps normal, ces surfaces de béton hors sol et à ciel ouvert servirent d’échappatoire salutaire. En avoir une ou pas faisait toute la différence. C’est ainsi que les voisins d’un même immeuble s’y retrouvèrent par petits groupes le fameux lundi de Pâques. Ils ne s’attendaient sûrement pas à ce que ces innocentes apparitions au-dessus de leurs étroits logements fassent scandale. Sans doute n’auraient-ils pas dû diffuser sur les réseaux sociaux les vidéos de leurs réunions autour de barbecues improvisés. Toujours est-il que ces images provoquèrent l’indignation générale. Palermo Today, entre autres journaux, déclara que pendant que l’Italie vivait recluse, des tables et des chaises avaient été installées « par des bandes » venant faire la fête sur les toits, celles-ci festoyant autour de grillades de saucisses et de viande, dansant au son de musiques diffusées à plein volume et, apothéose, se réjouissant en lançant des feux d’artifice3.

Est-il utile de rappeler que la réalité fut très différente ? Les vidéos tournées sur place montrent des regroupements familiaux de cinq à six personnes réunies autour d’un mobilier de fortune pour partager quelques grillades. Quant aux feux d’artifice, ils font partie, tout au long de l’année, de la plupart des évènements festifs des quartiers populaires. Un simple anniversaire, par exemple, est célébré par un feu d’artifice.

J’ouvrirai ici une parenthèse. Alors que l’on a prétendu que ces gens modestes voulaient défier la société, il est intéressant de se demander s’ils ne voulaient pas plutôt défier leurs morts ? Les habitants des quartiers misérables craignent en effet de ne plus respecter leurs ancêtres comme il se doit. Pour la Toussaint, ils ne respectent plus la tradition d’offrir des cadeaux aux enfants de leur part. Ils ont surtout la hantise de négliger leurs défunts les plus récents, d’autant plus que, dans les cimetières bondés, la place manque pour les enterrer dignement... En attendant de pouvoir libérer de nouvelles sépultures, les cercueils restent donc empilés les uns sur les autres pendant des mois. Les morts ne chercheraient-ils pas à se venger de cette humiliation en commençant par tuer les anciens ? En installant sur les terrasses de leurs immeubles de grosses sonos, en recourant à de bruyantes pétarades et à des feux d’artifice, en faisant, en somme, un maximum de bruit, l’intention des habitants du quartier du Sperone n’est-elle pas d’éloigner le coronavirus, un mal invisible, interprété en l’occurrence comme les âmes vengeresses de morts mal lotis ?

Devant la médiatisation de ce modeste évènement des terrasses du Sperone, les forces de l’ordre ne tardèrent pas à réagir. Quelques heures seulement après l’apparition des premières silhouettes sur les terrasses, elles mirent au point une impressionnante opération baptisée « Inter-forces », car elle réunissait l’armée, la police et la gendarmerie. Sur le mode d’un commando passant à l’assaut contre des terroristes, l’opération fut menée par voies terrestre et aérienne, mobilisant par moins de deux hélicoptères. Les images vidéo de mauvaise qualité qui ont été tournées évoquent au choix un film de James Bond ou une scène de guérilla urbaine. On y voit des dizaines de fonctionnaires en tenue de combat, armés, longer l’édifice et monter les escaliers de l’immeuble en file indienne. Après avoir déclenché leurs derniers feux d’artifice contre les hélicoptères venus les survoler sur cette terrasse dépourvue de garde-corps et située à environ 20 mètres du sol, on frôla l’accident quand la joyeuse bande de riverains se mit à fuir précipitamment. Les dernières images montrent la démesure des moyens employés, les autorités une fois sur place ne trouvant personne à arrêter et s’abaissant à séquestrer le mobilier brinquebalant.

Après les médias, pressés de persuader la population de la grande énergie qu’ils employaient à la protéger, les politiques s’employèrent à surenchérir sur ce fait divers qui pour eux, de toute évidence, semblait s’enraciner dans un prolétariat malsain. Les dirigeants de la Ligue, un parti d’extrême droite, firent savoir à la Mairie de Palerme qu’ils n’accepteraient pas que le groupuscule du Sperone ridiculise toute la nation, exigeant du maire et du conseil municipal qu’ils le punissent avec la plus grande sévérité. Orlando, maire de Palerme de centre gauche, déclara à son tour avoir l’intention d’attaquer en justice ces individus non seulement « incivils et inconscients », mais ayant eu l’impudence de se filmer. Il promit de se servir des images diffusées, jugées indécentes, pour les retourner contre eux. Ce à quoi Giuseppe Spagnolo, le modeste retraité ayant organisé le barbecue sur la terrasse de son immeuble, répondit sur La Zanzara Radio : « Nous étions convaincus que nous ne faisions rien de mal... » Le groupe fut malgré tout condamné par la mairie à une amende de 1 500 euros, une somme considérable aux yeux de cette population totalement démunie.

Dès le début de l’épidémie, face au virus, la contagion émotionnelle s’était emballée au point qu’elle avait fini par engendrer une peur généralisée atteignant une masse considérable d’individus. Sans le confinement, cette peur serait peut-être devenue aussi dangereuse que le virus lui-même. Au bout de plusieurs semaines de confinement, elle a fini par évoluer pour se trouver une cible en se retournant contre les plus démunis, jeunes et prolétaires, stigmatisés en tant que classes dangereuses et source potentielle de la pandémie.

Je ne résiste pas à l’envie de rapporter ici l’épilogue malgré tout joyeux de cette mésaventure. La classe prolétaire du Sperone se montra plus solide et rusée que l’on croyait. Elle fit preuve de débrouillardise et d’un esprit malicieux. Pour faire face à l’amende, Giuseppe Spagnolo eût l’idée de charger l’agence Toba Service de s’occuper de faire payer les interviews aux nombreux médias qui accouraient de tout le pays. Les prix furent fixés de la manière suivante : 1 500 euros plus la TVA pour 20 minutes d’interview à la radio ; 800 euros plus la TVA pour 8 minutes… L’argent récupéré permit de payer l’amende de la mairie.

Mais l’affaire n’en resta pas là. Elle fut relayée par un morceau de rap chanté par deux jeunes palermitaines qui, pour en faire un clip, se servirent à la fois de l’histoire et des images vidéo documentant l’événement4.

À mieux y regarder ce morceau n’est que la reprise de Bando, un texte de la rappeuse Anna Pepe qui avait eu un énorme succès public sur les réseaux5. L’ensemble des deux palermitaines est décapant. Sur fond d’images montrant l’assaut de fonctionnaires armés, la chanson prend la forme d’une satire de la société. Une voix féminine commence par se demander si cette fête sur les terrasses va enfin se faire. Une autre lui répond. Je transcris ici in extenso les paroles, qui ne manquent pas d’humour :

« Oh Tani, on va le faire ce barbecue sur la terrasse ? Évidemment, Concetta, sommes-nous ou ne sommes-nous pas au Sperone ? / Nous étions sur la terrasse, avec les sacs, 400 kilos de viande et de saucisses / Je vais tout amener, je vais vider mon congélateur, tu amènes le charbon et un peu de carburant. / Sur la terrasse, avec des sacs de 400 kilos de viande et de saucisses / Je vais tout amener, je vais vider mon congélateur, tu amènes le charbon et un peu de diesel. / Les infâmes retournent faire la queue, je mange du saindoux, pas de la margarine ! / Il ne manquerait plus que ça / Ils arrivent avec les hélicoptères, ils viennent nous voler nos chaises, mais moi ils ne me baisent pas / Ce sont des merdes, ils m’ont donné une amende de 1 500 euros, rien que ça / Nous étions en train de danser, il y avait de la viande et du pain à tremper dans le vin / Nous étions sur la terrasse avec des sacs de 400 kilos de viande et de saucisses / Je vais tout amener, je vais vider mon congélateur, tu amènes le charbon et un peu de carburant / À mourir ! Qu’ils puissent se vider de leur sang ! / On va le faire ce barbecue sur la terrasse ? / Évidemment, Concetta, sommes-nous ou ne sommes-nous pas au Sperone ? »

La chanson se moque de tous les clichés relayés par la presse et les politiques. Ainsi, pour ces derniers « être du Sperone » sous-entend vivre dans un quartier sans foi ni loi, être irresponsable, sans éducation, transporter sur les terrasses une montagne de grillades, des sacs de 400 kilos de viande et de saucisses (le terme italien buste est aussi une allusion au transport de « sacs » de drogue). Les protagonistes s’autoproclament « les infâmes », consommateurs de strutto, une graisse de porc bon marché aujourd’hui bannie de la cuisine bourgeoise mais largement utilisée dans la cuisine populaire. Puis la chanson vise plus ouvertement les autorités, évoquant l’énormité de l’amende infligée. Le groupe cherche à les tourner en ridicule en faisant savoir au monde entier que celles-ci n’ont pas réussi à les attraper, et qu’elles ont dû se rabattre sur leurs pauvres chaises, qu’elles ont séquestrées. Tout le long du clip, les images montrent la quinzaine de jeunes rassemblés sur leur terrasse, surveillés par deux hélicoptères, mais continuant à danser…


  • REMERCIEMENTS

Cet article est la version française d’un texte de Caterina Pasqualino paru en 2020 :
« Vivir juntos frente al contagio emocional »,
in María J. Bruxó Rey y J.A. Gonzáles Alcantud (eds.), Pandemia y Confinamiento. Aportes Antropológicos sobre el malestar en la cultura global, Granada, Editorial Universidad de Granada, colección « Antropología y Estudios Culturales », 2020, p. 179-196.

1 On craint par ailleurs fortement l’intervention de la mafia en période de coronavirus surtout dans les secteurs les plus frappés par la crise comme

2 « Coronavirus, a Palermo tentato assalto al supermarket: “Non abbiamo soldi”. Forze dell’ordine presidiano i centri commerciali », Il Fatto

3 « “Arrustute” proibite allo Sperone, sui tetti spunta la polizia e scatta il fuggi fuggi », Palermo Today [En ligne], 12 avril 2020, URL : https://

4 Younipa, « Ci trovavamo sul tetto con le buste, 400 kg di carne e wustel » [En ligne], 26 avril 2020, disponible sur YouTube, URL : https://www.

5 Disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=rU8MiuK5Y6g.

Bibliography

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HOUDAYER Géraldine, « Coronavirus - Nuits hachées, rêves étranges : des chercheurs étudient le sommeil en temps de confinement » [En ligne], France bleu, 12 mai 2020, URL : https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/coronavirus-nuits-hachees-reves-etranges-des-chercheurs-etudient-le-sommeil-pendant-le-confinement-1589294803.

PASQUALINO Caterina, Une anthropologie de la performance, Habilitation à diriger les recherches, sous le tutorat d’Anne-Christine Taylor, Université de Nanterre, 2013.

PASQUALINO Caterina, « Experimental Film, Trance and Near-death Experiences », in PASQUALINO Caterina et SCHNEIDER Arnd (eds.), Experimental film and Anthropology, London/New York, Bloomsbury, 2014, p. 45-62.

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SCHNEIDERMANN Daniel, « Virus : les privilégiés et les autres », Libération [En ligne], 29 mars 2020, URL : https://www.liberation.fr/debats/2020/03/29/virus-les-privilegies-et-les-autres_1783489.

SLIMANI Leïla, « Le “Journal du confinement” de Leïla Slimani, jour 1 : “J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant” », Le Monde [En ligne], 18 mars 2020, URL : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/18/le-journal-du-confinement-de-leila-slimani-jour-1-j-ai-dit-a-mes-enfants-que-c-etait-un-peu-comme-dans-la-belle-au-bois-dormant_6033596_3232.html.

TAUSSIG Michael, « Would a Shaman Help? » [En ligne], In the moment (Critical Inquiry blog), 30 mars 2020, URL : https://critinq.wordpress.com/2020/03/30/would-a-shaman-help/.

Notes

1 On craint par ailleurs fortement l’intervention de la mafia en période de coronavirus surtout dans les secteurs les plus frappés par la crise comme les voyages, la restauration, le tourisme. Cf. Roberto Saviano, « Coronavirus, perché la mafia vuole prendersi prende cura dei nostri affari », La Repubblica [En ligne], 26 avril 2020, URL : https://www.repubblica.it/cronaca/2020/04/26/news/coronavirus_perche_la_mafia_si_prende_cura_dei_nostri_affari-254946527/ ; Lara Sirignano, « Gli appetiti della mafia ai tempi del coronavirus: le mani sulle attività in lockdown », La Sicilia [En ligne], 2 avril 2020, URL : https://www.lasicilia.it/news/cronaca/333724/gli-appetiti-della-mafia-ai-tempi-del-coronavirus-le-mani-sulle-attivita-in-lockdown.html; Giorgio Ruta, « Coronavirus, “Senza aiuti vince la mafia”, appello di venti aziende e associazioni di Palermo », La Repubblica [En ligne], 6 mai 2020, URL : https://palermo.repubblica.it/cronaca/2020/05/06/news/coronavirus_la_crisi_puo_favorire_la_mafia_venti_aziende_e_associazioni_scrivono_all_antimafia-255831282/.

2 « Coronavirus, a Palermo tentato assalto al supermarket: “Non abbiamo soldi”. Forze dell’ordine presidiano i centri commerciali », Il Fatto Quotidiano [En ligne], 27 mars 2020, URL : https://www.ilfattoquotidiano.it/2020/03/27/coronavirus-a-palermo-tentato-assalto-al-supermarket-non-abbiamo-soldi-forze-dellordine-presidiano-i-centri-commerciali/5751393/.

3 « “Arrustute” proibite allo Sperone, sui tetti spunta la polizia e scatta il fuggi fuggi », Palermo Today [En ligne], 12 avril 2020, URL : https://www.palermotoday.it/cronaca/video-grigliata-tetti-sperone-polizia-fuggi-fuggi.html.

4 Younipa, « Ci trovavamo sul tetto con le buste, 400 kg di carne e wustel » [En ligne], 26 avril 2020, disponible sur YouTube, URL : https://www.youtube.com/watch?v=H1BatZ50TII.

5 Disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=rU8MiuK5Y6g.

References

Electronic reference

Caterina Pasqualino, « Vivre ensemble face à la contagion émotionnelle », Condition humaine / Conditions politiques [Online], 3 | 2022, Online since 25 janvier 2022, connection on 09 octobre 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=582

Author

Caterina Pasqualino

Caterina Pasqualino-Regis est directrice de recherche au CNRS (IIAC/LAIOS) et enseigne à l’EHESS. Elle a d’abord travaillé en Sicile (Milena. Un paese siciliano vent’anni dopo, 1990), puis en Andalousie sur la performance flamenca (Dire le chant : les Gitans flamencos d’Andalousie, Paris, CNRS, MSH, 1998), à Cuba sur des thèmes liés à la matérialité et à l’émergence d’une “contagion émotionnelle” entre les participants aux rituels de possession et à Palerme sur des communautés émergentes. Ses recherches portent sur les rapports entre art, cinéma et anthropologie, notamment sur la performance comme enjeu identitaire et politique. Son travail récent l’amène à concevoir le terrain anthropologique comme un dispositif performatif de collaboration, de mise en scène et de reconstitution (Experimental Film and Anthropology, avec Arnd Schneider, London /New York, Bloomsbury, 2014, et Le terrain comme mise en scène, édité avec Bernard Müller et Arnd Schneider, Paris : Presses Universitaires de Lyon, 2017). Elle a notamment réalisé le film Tierra Inquieta, avec Chiara Ambrosio (2018), projeté au festival de films documentaires d’Athènes, Athens Ethnofest (2018), et au Trento film festival (2018).

Caterina Pasqualino-Regis is Research Professor at CNRS (IIAC/LAIOS) and teaches at EHESS. After carrying out her research in Sicily (Milena. Un paese siciliano vent’anni dopo, 1990), she shifted to Andalusia and investigated the Flamenco Performance (Les Gitans flamencos d’Andalousie, Paris, CNRS, MSH, 1998), then in Cuba on themes related to materiality and the emergence of an “emotional contagion” among participants in possession rituals, and in Palermo (Italy) on emerging communities. She explores the relationship between art, cinema and anthropology, and more specifically performance as an identity and political issue. Her recent work has led her to conceive anthropological field as a performative collaborative device (Experimental film and Anthropology, with Arnd Schneider, London /New York, Bloomsbury, 2014, and Le terrain comme mise en scène, published with Bernard Müller and Arnd Schneider, Paris, Presses Universitaires de Lyon, 2017). Among her films: Tierra Inquieta, with Chiara Ambrosio (2018), projected at the documentary film festivals of Athens, Athènes Ethnofest (2018), and Trento, Trento Film Festival (2018).

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