Déperdition, coupure et déconnexion : les récits contemporains sur l’éolien au prisme du croisement des mémoires industrielles et alternatives

DOI : 10.56698/chcp.1504

Abstracts

Le développement de l’éolien génère des conflits et des oppositions entre les acteurs du monde industriel, d’un côté, et ceux des mouvements alternatifs, néo-nomades ou ancrés localement, de l’autre. Dans le cadre d’enquêtes que nous avons menées sur les modes de vie en habitat mobile, nous nous sommes retrouvés sur un lieu de lutte contre l’implantation d’un mégatransformateur éolien dans l’Aveyron. Si les milieux alternatifs locaux dénonçaient une instrumentalisation du territoire, les néo-travellers, héritiers des luttes anti-nucléaires, défendaient pour leur part un ralentissement des rythmes de production et de consommation énergétiques et une acceptation de la « coupure » qu’eux-mêmes pratiquent du fait de leur mode de vie mobile, qui n’est pas raccordé aux réseaux. Cependant, les travailleurs de l’éolien sont, pour beaucoup d’entre eux, également mobiles et saisonniers. Cette notion d’intermittence est en effet au cœur des controverses à propos de l’éolien suscitées aussi bien par les pro-nucléaire que par les anti-éolien industriel, qui combattent la recherche d’une solution à grande échelle, recourant à des infrastructures gigantesques, à cette discontinuité. Mais pro et anti-éolien ont en commun un discours ventriloque, valorisant l’énergie comme source de passion et d’inspiration. Le vent devient ainsi un élément « chargé » d’agentivités, qui permet à des collectifs d’advenir, que ce soit pour défendre ou pour dénoncer l’implantation de parcs éoliens industriels. L’émergence de l’éolien dans un récit local et national de la transition énergétique entraîne ainsi dans son sillage tout un imaginaire, à la fois vertueux et périlleux, lié à la force du vent telle qu’elle fut employée, notamment, dans le secteur maritime. Face aux risques annoncés de « déperdition », de coupure et d’effondrement, les notions de conquête, de dépassement et de passion sont présentes dans les slogans des promoteurs, recruteurs et techniciens de l’éolien. En identifiant des connexions possibles entre les modèles de la cité industrielle et de la cité inspirée, les acteurs et activistes engagés pour ou contre l’éolien promeuvent la notion de transformation énergétique. La controverse née dans un contexte d’urgence climatique devient elle-même une force susceptible d’enrôler divers réseaux d’acteurs dans un même flux productif, à travers un jeu d’opposition et d’intrication. Cependant ces thématiques communes ne leur permettent pas, ou pas encore, de s’entendre et de négocier. Car ces discours sur les énergies recourent à des métaphores passionnées et sont structurés par l’opposition entre croissance et décroissance.

Loss, Disruption and Disconnection: Contemporary Narratives on Wind-Powered Energy through the Prism of Industrial and Alternative Memories”

The development of wind power provokes conflicts between actors in the industrial sphere on one side, and actors belonging to alternative movements, whether neo-nomads or deeply rooted in the territory in question, on the other side. In the framework of a fieldwork conducted on lifestyles in mobile homes, we found ourselves in the middle of the fight against the installation of a mega-wind transformer in Aveyron. While local alternative militant circles denounced the instrumentalization of the territory, neo-travellers, as heirs to the anti-nuclear struggles, advocated a cutback of energy production and consumption and championed “going off the grid” that echoed their own practice given their highly mobile lifestyle. Yet most wind energy workers themselves are mobile and seasonal too. The notion of intermittence is indeed at the core of the controversies on wind power, put to the fore both by the pro-nuclear and anti-industrial wind power groups who are opposing any solution to discontinuity implying large scale and gigantic infrastructures. However, the pro- and anti-wind-energy proponents share a common ventriloquist rhetoric that values energy as a source passion and inspiration. Wind is thus “turbocharged” with agentivity that gives birth to collectives that either support or oppose the establishment of industrial wind farms. The emergence of wind in a local and national narrative of energy transition thus conjures up an imaginary both, paradoxically, virtuous and perilous related to the force of the wind as it has been evoked in the maritime sector more paticularly. Given the alleged risks of “loss”, outages and collapse, the concepts of conquest, surpassing and passion colour the slogans of the promoters, recruiters and wind turbine workers. By identifying possible connections between the models of the industrial city and that of the inspired city, actors and activists committed to or opposing wind power promote the notion of energy transformation. The controversy, which rages in a context of climate crisis, becomes itself a driving force capable of mobilizing a diversity of networks of actors in the same productive flow, through an interplay of opposition and entanglement. However, these shared themes do not lead those different actors to agree and negotiate given that these energy discourses use impassioned metaphors and are structured along the opposition between growth and de-growth.

Index

Mots-clés

énergie, négociation, mouvement social, habitat mobile, éolien

Keywords

energy, negotiation, social movement, mobile home, wind-powered industry

Outline

Text


À la mémoire de Nelly Didyk, qui fut une fervente militante de la ZAD de l’Amassada et de l’association HALEM

Introduction

Au cours de nos enquêtes de terrain sur le travail et l’habitat mobile, nous avons constaté à plusieurs endroits et sous différentes formes, des croisements avec les questions concernant l’industrie éolienne. Certains itinérants travaillaient dans ce secteur, tandis que d’autres, néo-nomades, participaient aux luttes contre son extension. Tous évoquaient un risque d’effondrement. Pour analyser ce phénomène, nous allons recourir aux deux prismes des processus mémoriels et des visions de l’avenir. Cyprien Tasset (Tasset, 2022), analysant le discours des partisans des théories de l’effondrement, a relevé un recours au style prophétique, articulé à un réexamen du passé énergétique. Alain Touraine avait fait la même observation à propos du mouvement antinucléaire des années 1970 (Touraine, 1980). Mais l’hypothèse d’un effondrement du réseau énergétique est aussi formulée par les partisans de l’industrie éolienne. Les récits d’acteurs impliqués dans la réflexion sur les enjeux de la transition énergétique montrent la force des représentations préexistantes à ces controverses. Elles reposent sur des mémoires différentes : celle des luttes antinucléaires et des oppositions à la société de surconsommation, d’un côté ; celle de la voile pour les acteurs de l’éolien maritime, ou des moulins pour ceux de l’éolien terrestre, de l’autre. L’énergie du vent est « discontinue, turbulente » (Ingold, 2010) et contingente. Elle implique, de ce fait, des stratégies et des techniques d’exploitation exigeantes visant à compenser la déperdition (choix du lieu en fonction de l’orientation des vents, maintenance des systèmes…), mais demeure toujours plus probable que certaine. Ainsi, ces nouvelles énergies dites « alternatives », que l’on tend à présenter uniquement sous l’angle écologique, font naître des débats qui ravivent des angoisses de black-out et donnent du ressort aux défenseurs et aux activistes de la deep ecology (Naess, 1974), comme du nucléaire. Les discours produits portent, d’une part, sur la continuité d’un système à énergies renouvelables comportant un risque de coupure et, d’autre part, sur la transformation radicale de nos modes de vie nécessaire pour ne pas épuiser les ressources. Aussi, dans le cadre de cet article, nous souhaitons analyser les transformations qu’opèrent les figures (Cooren, 2013, p. 117) de « déperdition » ou de « coupure » dans la mobilisation des acteurs.

Nous allons procéder par l’examen de situations et de discours localisés : ceux tenus par des acteurs pro-éoliens industriels, rencontrés lors d’enquêtes sur l’éolien, à Hull au Royaume-Uni et en Normandie ; et ceux d’acteurs qui y sont opposés, rencontrés notamment lors d’une réunion sur la ZAD de l’Amassada1, en août 2018, qui fut l’occasion d’une observation participante. Quoique ces deux groupes soient très éloignés, ils parlent d’une même technique et leurs récits se répondent. Nous les avons collectés au cours d’entretiens semi-directifs, et en lisant des textes critiques ou promotionnels et des inscriptions sur les lieux. Nous les commentons en recourant aux concepts de l’anthropologie, mais aussi de la sociologie des conventions, et en reprenant les distinctions entre le discours de la cité industrielle et celui de la cité inspirée que Boltanski et Thévenot ont analysés (Boltanski et Thévenot, 1991). Ces deux discours cohérents, de justification des appréciations et des actions, diffèrent : la cité industrielle met l’accent sur l’efficacité, la productivité, le rendement, les complémentarités et les hiérarchies claires, alors que la cité inspirée valorise la créativité, l’intuition, l’originalité, l’énergie intérieure et les regroupements spontanés. Or Boltanski et Thévenot ont identifié des hybridations possibles entre les discours. Les tenants de l’industrie et les acteurs « inspirés » sont, initialement, peu portés à la négociation, du fait qu’ils parlent au nom de la science ou d’une vérité « évidente », car ressentie et partagée. Cette caractéristique se retrouve dans l’affrontement des récits autour de l’éolien que nous avons pu étudier. En revanche, notre hypothèse est que, dans ce processus de transition énergétique, la contingence est une modalité opératoire avec laquelle défenseurs et opposants de l’éolien sont amenés à composer. Cette contingence implique des déplacements fréquents d’acteurs, notamment de salariés, d’un site à l’autre. Les nomades, dont les travellers2 et travailleurs en déplacement, se retrouvent alors en position de « faire la différence » dans la mise en œuvre des projets pour ou contre l’éolien industriel. Aussi peuvent-ils contribuer à l’émergence d’un espace de négociation.

Nous avons eu recours, dans une première phase, à l’observation participante, lors d’une réunion sur le site de la ZAD de l’Amassada, en la mettant en relation avec des entretiens menés dans le monde de l’éolien industriel terrestre et maritime. L’usage par les acteurs de métaphores, qui évoquaient entre autres le vent, nous a incité à conduire des entretiens supplémentaires dans ces deux mondes, en élargissant l’enquête aux projets de transport à voile industriel.

1. ZAD et STECAL : des moyens de remaniement de la mémoire des lieux

Maurice Halbwachs, dans ses analyses sur la mémoire collective, met en exergue des logiques de concentration de récits en un même lieu, tout autant que de morcellement, de concurrence et de « remaniement ». Les ZAD3 sont des espaces éphémères d’auto-organisation et de lutte contre l’industrialisation des campagnes, y compris lorsqu’elle se fait au nom de la transition énergétique (Dunlap, 2020). La circulation des acteurs d’une ZAD à une autre permet la diffusion d’une pensée critique dans ces espaces, et certains, qui luttent contre le développement des parcs éoliens, en sont venus à déployer une ZAD en lieu et place d’un projet de mégatransformateur électrique, comme ce fut le cas à l’Amassada4, devenue durant cinq ans une place forte de la lutte contre l’éolien industriel. Les ZAD sont organisées de telle sorte que la possibilité d’une faillite du système général ne constitue pas une entrave à leur fonctionnement. Dans ce sens, l’Amassada revendiquait une autonomie énergétique se définissant comme une « propagande par le fait ». Il s’agit là d’une forme de « parage » que l’on appelle plus ordinairement un système alternatif où la « coupure », la « déconnexion » et l’autonomie sont à la fois valorisées et toujours mises en tension avec le système général.

Les pratiques des militants anti-éolien, ou partisans d’un éolien léger, constituent des réservoirs de forces alternatives, capables d’aviver des consciences patrimoniales en puisant dans les imaginaires anarchistes, poétiques ou survivalistes, jusqu’à la ligne de fuite :

« En fait, à l’Amassada, on a dû faire avec tout ça et, en plus, des milieux euh… des milieux toto, quoi, des milieux anarcho-autonomes… Les pires, nos ennemis, ça a été le milieu anarcho-autonome, quoi ! Merde ! Et là, bah tu prends aussi des grandes claques, hein ! […] Elle, elle dit qu’elle est écosocialiste, j’dis oh, ça, c’est bien [ironique], j’m’en fous… [rires]. Moi, pour moi, l’anarchie, c’est pas ça, quoi. […] On va voir, hein, quelle vie on va devoir mener, mais… un jour peut-être, ça sera une vie sur des îles, parce que fuck, quoi. Parce que le monde, il est trop merdique et… la seule façon qu’on aura de le fuir, c’est sur des îles, quoi5. »

Le parallèle avec les modes d’habitat légers et mobiles n’est pas fortuit, puisque certains dispositifs juridiques aménagés pour permettre l’installation de ces types d’habitat, notamment les secteurs de taille et de capacité d’accueil limités dits « STECAL »6, ont été utilisés ces dernières années pour déployer des sites de production d’énergies renouvelables dans des zones forestières ou agricoles. On assiste ainsi à la captation d’une opportunité juridique au profit d’une nouvelle filière industrielle, alors que les STECAL pour l’habitat léger et démontable peinent à émerger et restent confinés à la sphère du contentieux. Cet outil juridique est utilisé par des acteurs en désaccord sur le sens qu’ils donnent à la notion de transition écologique, les uns revendiquant la réversibilité des sols que permet un habitat démontable, les autres privilégiant une extension des parcs éoliens et photovoltaïques en vue d’une « transition énergétique ». Il y a donc une intrication de deux réseaux de forces inégales, qui aspirent à se déployer hors des espaces urbanisables, en tirant profit du caractère dérogatoire de la législation, elle-même inégalement appliquée (Le Grand, 2015). Nous pouvons ainsi étendre au domaine juridique la métaphore du « sac de nœuds » employée par Anaël Marrec et Pierre Teissier (Marrec et Teissier, 2020), le droit facilitant les processus de conversion. Ces deux réseaux noués entre eux par les STECAL cultivent, chacun à sa manière et à des échelles différentes, des formes de développement qui privilégient – aussi bien au plan énergétique que spatial – la discontinuité, le caractère alternatif, intégrant et gérant (notamment par le discours) le risque de rupture ou d’isolement. Ils génèrent des récits localisés, ceux des parcs techniques et ceux des décroissants mobiles, contribuant à la formation de paradigmes interdépendants sur les énergies alternatives, qui sont à la fois contradictoires et imbriqués, comme le souligne l’une des fondatrices de l’Amassada, également impliquée dans l’association HALEM7, qui défend les modes de vie légers et mobiles :

« Ah oui, alors on va faire des éoliennes… Ok, on va péter des forêts, on va mettre des socles en béton de tarés, hein… pour produire un truc qui est misère ! […] C’est des chantiers dans des zones qui sont censées être protégées […]. Alors, nous, on peut pas faire une cabane, mais par contre, vous pouvez faire des éoliennes de 200 mètres de haut ! […] Et tout c’qui faut pour les construire, c’est-à-dire des chemins, les… Y’a pas que l’éolienne en soit, quoi […]. Et puis, c’est à aucun moment prévu de détruire ce truc-là. Voilà, ils vont l’laisser dans l’sol. C’est du carnage en termes d’artificialisation, quoi8. »

Produire de l’énergie éolienne à partir de techniques des surfaces (Meulemans, 2019) matérialisant une « coupure » des liens entre l’air, le sol et la terre (Ingold, 2010) compromet l’idée de « légèreté » (représentée ici sous la forme d’une cabane). À l’inverse, le discours pro-éolien industriel va valoriser une vision globale de la décarbonation, renforcée par une préoccupation géopolitique : l’indépendance énergétique. Il va monter en généralité, en insistant sur les kilowatts et les emplois espérés. Le vent apparaît alors comme une forme de ressource naturelle non seulement renouvelable, mais inépuisable, disponible pour la construction d’un macroréseau technique de circulation. Il existe donc deux manières distinctes de faire parler le vent et, par extension, de convertir l’énergie qu’il permet de produire. C’est ce que François Cooren désigne par le terme de « ventriloquie » qui permet de mettre en scène des agentivités pour donner du poids à sa position (Cooren, 2013) et, plus avant, donner forme à des collectifs, favorables ou non à l’éolien industriel, notamment. Ainsi, les différents acteurs mobilisés pour ou contre l’implantation de parcs éoliens en viennent à convoquer cet élément par nature difficile à saisir, fluctuant et aléatoire, dans des instances décisionnelles ou des réunions publiques. En stabilisant le vent (par l’identification de sa puissance, sa direction et son rythme, mais aussi à travers les caractéristiques des dispositifs techniques permettant de capter et transformer son énergie), ils se constituent eux-mêmes comme des intermédiaires ventriloques à travers lesquels le vent « prend voix » dans un certain contexte, contribuant ainsi à faire évoluer le système éolien (Cooren et Haug, 2020).

2. Mémoire des luttes, mémoire des fuites : du refus du nucléaire aux énergies alternatives, en camion aménagé

Le mouvement social des travellers et des saisonniers défendant l’habitat léger et mobile intéresse une sociologie des rapports à l’énergie, car comme d’autres courants de la contre-culture (McKay, 2004), le phénomène traveller est issu du rejet de l’armement atomique. Dans sa préface à l’ouvrage de Marcello Frediani (Frediani, 2009), Judith Okely, évoque en effet les manifestants qui luttaient contre le nucléaire militaire en Angleterre. Certains d’entre eux qui, durant les marches, vivaient en camion, ont définitivement renoncé à la vie sédentaire. D’autres ont suivi ces premiers acteurs en rupture, à l’occasion des mobilisations contre le nucléaire civil en France, ou de luttes plus culturelles, par exemple les mouvements hippie, puis punk. Dans les cas français et anglais, c’est la difficulté à maintenir les lieux et les squats en ville qui en a repoussé certains vers les campagnes, les englobant dans une dialectique du « recours à la ruralité » (Hervieu et Léger, 1980). Ainsi, la friche industrielle de La Mine dans les Cévennes, investie à l’occasion d’une rave party au début des années 2000, inaugura une connexion entre le mouvement cosmopolite appelé « mouvement techno » et celui des néoruraux. En suivant ces mouvements, nous sommes arrivés à une réunion sur l’Amassada dont certains militants, anciens travellers, avaient invité l’association HALEM à y tenir ses journées d’été, pour contribuer à la convergence des luttes.

Mais des itinérants se trouvent aussi engagés dans l’éolien. Le travail de maintenance des éoliennes nécessite souvent des déplacements, parfois sur de grandes distances. De fait, les techniciens de maintenance connaissent une saisonnalité du travail. Certains salariés ont alors recours au camion-logement.

Le nombre de turbines par parc est peut-être un facteur explicatif de cette organisation du travail, car au-dessous d’un certain seuil, une équipe de techniciens dédiée à un seul parc ne serait pas rentable. En 2022, si on l’estime à partir des données officielles fournies par St@t Info9, le nombre moyen de turbines par site, en France, est de quatre, ce qui représente près de 10 000 éoliennes en 2022 pour 2 418 parcs. Mais on ne dispose pas de données complètes concernant le nombre de mâts. En 2015, selon Wikipédia10, sur 358 sites répertoriés, la moyenne était de 7 aérogénérateurs par site, certains ne comprenant qu’une seule machine. En outre, les conditions de travail peuvent être pénibles : dans l’une des offres d’emploi pour ce secteur, parue sur le site Indeed, une agence d’intérim prévient les salariés qu’ils seront « soumis au changement climatique », évoquant en un raccourci les urgences environnementales. Les déplacements fréquents font que, selon les mots de l’un des formateurs, lors d’un entretien mené en 2020, « [les techniciens] passent plus de temps dans le camion que sur les machines ». L’itinérance des techniciens de maintenance éolienne s’apparente à celle des cordistes, ou encore des saisonniers travellers. Cette proximité des modes de vie matériels, jointe au recours à l’habitat de passage ou mobile, peut aboutir à une convergence d’une partie des récits de ces différents acteurs, alors que l’itinérance contribue à la maintenance par les uns des équipements contestés par les autres. Ainsi, l’intermittence – du vent comme du travail de maintenance – est un élément structurel de l’industrie éolienne, qui tend à être compensé par la mobilité et les économies d’échelles.

3. La contrainte de l’intermittence et la critique des rythmes productifs

« Énergie » est un terme polysémique, qui peut s’inscrire dans des représentations systémiques et des constructions politiques différentes. Il peut intervenir comme signifiant de l’inspiration pour la force morale ou spirituelle, ou désigner une ressource mesurable pour la logique industrielle. Les incertitudes concernant les résultats du processus d’innovation en cours (s’agit-il d’une transition possible ou est-elle vouée à l’échec et à l’effondrement ?) rendent son usage encore plus complexe. Les « conventions de qualité » (Eymard-Duvernay, 1989) de l’énergie éolienne ; les accords, plus ou moins implicites, sur des caractéristiques, des rendements probables et des critères de justice ne sont pas encore stabilisés, même parmi les tenants de l’éolien industriel. Pour certains ingénieurs11, l’éolien est une énergie fatale, parce qu’elle n’est pas pilotable, ou l’est imparfaitement. Ce point de vue n’est pas partagé par tous, notamment parmi les universitaires, qui considèrent qu’il s’agit d’un glissement de sens : la notion d’énergie fatale, pensent-ils, ne devrait désigner que des pertes de rendement involontaire. Ils distinguent donc énergie fatale et énergie intermittente, alors que les ingénieurs les confondent12.

De fait, il s’agit de deux conventions de qualité différentes. La version universitaire envisage principalement l’énergie éolienne en termes de production d’électricité, dont la caractéristique est d’être peu stockable et fluctuante. Elle insiste sur la nécessité du réseau pour partager les excédents d’électricité éolienne (ou nucléaire), et éviter les risques de défaillances en cascade : un professeur de mécanique interrogé nommait fatale une énergie dont le réseau de distribution pouvait être vulnérable. Son caractère discontinu, intermittent, la rendrait inapte à satisfaire les exigences de continuité et de fluidité de l’économie dans les sociétés industrielles, à moins d’une tarification complexe ou d’une intégration dans un mix énergétique (Ambec et Crampes, 2012). La conception ingénieuriale, par contre, place l’énergie éolienne dans un système de récupération, aux côtés de la méthanisation ou du recyclage de la chaleur industrielle (appelée « chaleur fatale » dans les classements de l’ADEME). On observe donc des opérations de classification distinctes selon le rôle que l’on souhaite faire jouer à ces énergies renouvelables dans une même transition. Soit l’intermittence est une opportunité qui présente une part de risque et dont l’exploitation repose sur la fiabilité du réseau ; soit elle constitue une perte que l’on valorise par un recyclage dans le réseau. Ce que dénoncent les activistes de l’Amassada, c’est précisément le fait que le mégatransformateur contre lequel ils luttent a vocation à limiter ces risques de déperditions pour les transformer en gain et alimenter un système de spéculation sur l’énergie, comme le souligne la militante que nous avons rencontrée :

« Un transfo de cette ampleur-là, c’est le doublement de la ligne THT13. Elle n’était pas doublée à cet endroit-là. Donc, en gros, la THT, elle montait ou elle descendait. […] La ligne du sud du Maroc, elle monte jusqu’au sud du Massif central, et la ligne du nord, elle va de Stockholm jusqu’au nord du Massif central. Et, en fait, dans le Massif Central, là, y’avait un problème de doublure : soit t’envoyais vers le nord, tu recevais vers le nord ; soit t’envoyais vers le sud et tu recevais vers le sud. Le principe de doubler des lignes électriques, c’est qu’en fait, tu peux envoyer tout le temps du courant en trop vers le bas et du courant pas cher vers le haut. C’est tout le principe des bourses de l’électricité. C’est-à-dire qu’en fait, la question, elle n’est pas c’que tu produis. […] Le principe, [c’est :] tu regardes à combien est l’électricité, et si elle est moins chère en Espagne, mettons, bah tu l’importes en France. Et puis, si elle est plus chère en Allemagne, tu l’envoies en Allemagne. C’est ça, leur délire, en fait […]. Alors après, t’as des pertes, du coup tu peux pas l’envoyer trop loin, sinon t’as trop de pertes. Voilà, y’a un truc qui se dessine là-dessous, mais c’est pas du tout une logique de “ah bah, on va essayer de fournir au plus près des besoins”, quoi14. »

L’intermittence, présentée comme un argument en faveur du don dans les discours écologiques de légitimation de l’éolien, est monétisée dans le modèle économique qui repose sur le renforcement du réseau (son doublement, sa prolongation, son entretien, etc.). C’est pourquoi les activistes anti-éolien, qu’ils soient pro-nucléaire ou opposés à l’éolien industriel, considèrent également l’éolien comme une énergie « fatale » au premier sens du terme, c’est-à-dire qu’elle serait peu fiable, et donc néfaste pour le système énergétique français, selon les premiers, ou pour l’environnement, selon les seconds, parce qu’elle relancerait la course à la croissance.

Ainsi, les partisans du nucléaire, autoproclamés « climatoréalistes », agitent la menace de coupures d’électricité quotidiennes, lors des débats publics sur l’éolien dans la Manche auxquels nous avons assisté15. Ils prennent le public à témoin, demandant « qui est prêt à accepter deux heures de coupures de courant tous les soirs ».

Les tenants de l’éolien industriel, qui misent sur une compensation de la hausse prévisible du coût des énergies fossiles, proposent de multiplier les parcs pour profiter des différents régimes de vent, et de développer l’éolien maritime pour capter des vents plus réguliers au moyen d’éoliennes plus grandes qu’à terre16.

À l’inverse, les opposants aux macro-infrastructures, zadistes et décroissantistes, au nom de la préservation des paysages, des terres cultivables et des façons d’habiter, critiquent précisément cette course à la production et au transport d’énergie non stockable, à une échelle internationale, arguant que ce gigantisme s’inscrit dans une politique de greenwashing tendant à faire oublier que l’éolien industriel ne serait pas « viable » sans la sécurité qu’apporte le nucléaire17. Cela les amène à revendiquer l’acceptation des coupures d’électricité et une frugalité volontaire. Dans ce contexte, l’action est dès lors associée à la notion de limitation, d’autorégulation et de contrôle face à ce qui est souvent désigné comme un « capitalisme débridé », lui-même à l’origine de limitations ou privations qui se répercutent au niveau local, comme le souligne notre interlocutrice militante de l’Amassada :

« Tu vois, nous, l’Aveyron […], ça fait longtemps qu’on est à énergie positive, ça fait longtemps qu’on inonde Toulouse d’électricité, quoi […]. Les barrages, chez nous, y’en a partout. […] Et ça fait plein de zones où t’as pas l’droit d’te baigner […]. EDF a privatisé, mais j’sais pas combien de kilomètres de berges, quoi ! Alors que c’est interdit normalement par la loi Littoral. Mais EDF, il a l’droit. Il ne privatise pas, il dit juste que t’as pas l’droit d’y aller [rires]. […] Et puis le Parc [naturel régional des Grands Causses], nous, on a eu le Parc qui nous a dit... « Non mais euh... on vous assure, on fera pas plus de 131 éoliennes, c’est l’ensemble des permis de construire qui ont été octroyés. » On a eu des copains dans les gens qui se battaient un peu, en disant « oh, mais c’est bon, on a obtenu c’qu’on voulait, c’est bloqué ». J’dis « mais vous vous foutez d’ma gueule, pour avoir bossé dans un parc... Ça, ça s’révise tous les ans, tous les ans, d’accord ? En fait, ça, ils peuvent le réviser et en rajouter. » Et au bout de deux ans, ils en ont rajouté 25. Et au bout de deux ans, y’a les copains qui me rappellent et qui font « euh... t’avais raison ! » [rires]. « Hey, j’vous l’avais dit ! C’est une grande blague ! » [rires]. […] Et si c’est pas les éoliennes, c’est les panneaux solaires sur les surfaces de tarés. Tu fais : non mais, vas-y, à un moment donné, vous vous arrêtez quand ? Enfin... quand c’est qu’on réfléchit vraiment à notre consommation d’énergie et à comment on a envie de la produire18 ? »

L’expansion des parcs éoliens aurait vocation à compenser la déperdition sans pour autant garantir la continuité du système. Cette ambiguïté de la technique éolienne peut se comprendre à la lumière de la problématique formulée par Hartmut Rosa, selon laquelle l’accélération, physique et sociale, caractérise le rythme de nos sociétés (Rosa, 2014). L’énergie intermittente compromet ce gain permanent de vitesse, par les ruptures qu’elle induit. Or les projets de développement de l’éolien offshore rappellent l’ancien usage des vents intermittents dans le monde maritime. En octobre 2019, la compagnie Zéphyr & Borée a obtenu le marché ayant pour objet d’acheminer des éléments du lanceur de la fusée Ariane entre l’Europe et la base de Kourou, avec un projet de navire roulier mixte, moteur et éolien19. Cette entreprise fait apparaître le dilemme de l’éolien dans une économie concurrentielle, qui garde en mémoire la disparition du transport à voile. Celui-ci implique un risque de ralentissement, peut entraîner des arrêts intempestifs, comparé à la navigation à moteur, plus régulière. Ses promoteurs, lors d’une conférence au Havre, le 18 décembre 2019, se sont employés à démontrer que les projets s’appuyant sur l’éolien pouvaient être rentables, car il entraîne une baisse de vitesse moins grande que si l’on revenait aux techniques du xixe siècle, en raison de diverses innovations : les rotors Flettner, ou les ailes articulées, couplées à des moteurs. Moins rapide, la progression grâce au vent permet d’économiser le coût du carburant et de l’entretien d’un moteur. Cependant, si le fait de ralentir pendant un voyage peut-être rentable et améliorer son bilan carbone (de 30 %), cette décélération entraîne aussi une diminution du nombre de voyages, et donc du volume total de marchandises déplacées. Cela augmente le coût moyen du transport, car les frais fixes doivent être divisés par un nombre moins important de rotations. L’automatisation semble apporter une solution à ce problème économique, en réduisant les coûts de main-d’œuvre. Le transport de marchandise à voile peut alors occuper une niche au sein du commerce maritime, comme c’est le cas en Inde (Vidal et Balasubramanian, 2020). Il soutient le système de circulation des marchandises en prenant en charge celles qui peuvent voyager plus lentement, notamment les colis lourds, et en réduisant l’impact carbone de cette partie du trafic. Mais il ne représenterait une réelle alternative à l’accélération sociale que s’il permet d’abaisser à la fois la vitesse de transport et les volumes transportés. C’est la voie choisie par certaines entreprises, comme TOWT, issue d’une association pour la sauvegarde des vieux gréements. Son projet s’appuie d’abord sur l’« évidence » du transport à la voile, transmise par la mémoire, plutôt que sur un calcul technocratique et une stratégie industrielle. Les discours de cette entreprise et d’un de ses salariés20 convergent : ils insistent d’emblée sur l’idée que la voile et le vent représentent une solution évidente. Mais cette démarche est ensuite justifiée par des calculs et soutenue par des outils numériques de navigation. Elle est alors présentée par son fondateur, Guillaume Le Grand, comme pouvant donner naissance à une nouvelle industrie21. L’évidence revêt ici un caractère hybride : elle est ressentie, transmise, mais aussi calculable ; inspirée et industrielle à la fois (Argenti et Knight, 2015), comme dans l’éolien. En outre, l’action en faveur du transport à la voile modernisé peut se combiner avec une opposition à d’autres projets industriels. Un autre salarié de TOWT est ainsi membre d’un collectif opposé aux investissements en faveur de l’accueil des paquebots de croisière22.

Sur la ZAD, lors des débats auxquels nous avons assisté, la critique portait sur le coût social de l’éolien industriel, plutôt que sur sa fiabilité. En effet, les arrangements entre les propriétaires de terrains, les pouvoirs publics et les industriels se sont faits « sous le nez de leurs voisins », comme le dit l’un des participants. Les membres de l’Amassada en accusaient certains d’accepter des installations aux confins de leur propriété sans concertation avec le voisinage. La perturbation visuelle qu’ils dénoncent ne concerne pas seulement l’esthétique paysagère, mais renvoie aussi à une micropolitique sociale, car le paysage est le vecteur de la mémoire agricole. Plusieurs militants expropriés pour que le mégatransformateur soit installé le soulignent : leurs terres, cultivées par leurs aïeux, conservaient à leurs yeux une valeur sentimentale très forte. Comme un rappel de cet ébranlement du travail mémoriel, les termes de « divisions intestines », de « guerre » sont employés, certains militants évoquant dans un même récit des dépressions et des morts par suicide ou dues à des cancers. Le branchement de ces machines sur un réseau européen est dénoncé comme une intégration forcée, une transformation de l’Aveyron en usine, avec des travailleurs détachés. On oppose donc des valeurs domestiques à des échelles industrielles. Le développement du grand éolien terrestre est vu comme la recherche d’une solution technique à la limitation de la consommation, quand ces militants valorisent l’autorationnement.

Cependant, le campement de l’Amassada était alimenté en électricité – de façon sobre mais suffisante (pour l’éclairage, un réfrigérateur et des ordinateurs ou téléphones portables) – par une éolienne artisanale, ce qui démontrait la possibilité d’une alternative technique aux grands réseaux. Ce système à usage domestique fonctionnait correctement, avec peu de coupures. Or il advint qu’un coup de vent un peu fort endommagea le dispositif. Celui-ci fut réparé, dès le lendemain, par un militant du site, aidé par l’un des participants venus avec les membres de HALEM, qui travaillait pour une grande compagnie d’énergie électrique. Le bricolage réemployait des compétences – qui peuvent être présentes chez les travellers, souvent mécaniciens – acquises dans le monde industriel. En retour, celui-ci s’intéresse aussi aux réseaux autonomes locaux. Ainsi, France Énergie éolienne (FEE) présente comme un microréseau, ou microgrid, celui de l’île de Saint-Nicolas des Glénan23. De fait, parce qu’il y a des intrications possibles de ces systèmes techniques, défense et contestation de l’éolien partagent certaines conceptions sous-jacentes.

4. Opposition et intrication 

Les débats sur l’éolien utilisent des justifications venant de domaines divers : scientifique, économique, politique. À côté d’une approche « fatale », mettant l’accent sur la perte, les discours industriels et ceux qui critiquent cette industrialisation se rejoignent autour des thèmes de l’inspiration, de l’énergie conçue comme une passion, une force vitale pourvue d’une dimension spirituelle.

Ainsi à Hull, une ville du nord-est de l’Angleterre qui est un lieu important de la supply chain éolienne anglaise, l’un des responsables des associations d’entreprises concernées, lors d’un entretien, évoque la foi religieuse dans l’éolien offshore, le présentant comme « une croisade dans le bon sens du terme » et une source d’inspiration. Interrogée à ce propos, l’aumônière des gens de mer du seamen’s club, fréquenté par les marins des navires de travail, a suggéré l’interprétation suivante : les expressions religieuses traduisent les passions. Elles n’impliquent pas une foi dans la force divine du vent, ni une foi en Dieu. Elles relèvent simplement du storytelling de l’industrie éolienne offshore.

Néanmoins dans un autre seamen’s club, au Havre, nous avons observé dès octobre 2018 que des récits utilisant des éléments fantastiques circulaient à propos d’incidents d’un type nouveau. Un des marins présents, membre de l’équipe du foyer, rapporta celui d’un autre, où il était question d’éoliennes qui avaient pris feu en mer. Le mensuel Windpower Monthly rapporte effectivement un incident de ce type, qui a concerné une éolienne terrestre, en l’expliquant par la foudre tombée lors des orages venus de la mer du Nord. Un étrange microclimat, venu des Pays-Bas aurait aussi joué un rôle : « A potentially strange weather combination in East Anglia tonight… low cloud, mist and fog with thunderstorms over the top ». Cette analyse provenait d’un tweet de Chris Bell, analyste d’une compagnie privée d’études météorologiques, Weatherquest. En octobre 2020, le même quotidien professionnel publie un article où il est écrit que le nombre d’incendies de turbines est sous-estimé et que beaucoup ne sont pas déclarés, citant un rapport de Firetrace International. Ce rapport pointe le manque de données fiables, les écarts entre les estimations des probabilités d’incendie dans les parcs terrestres (allant d’une turbine sur 2 000 à une sur 15 000), tout en reprenant une affirmation selon laquelle de tels incendies ne seraient pas arrivés en mer depuis 2018. Ces feux seraient causés, selon ce rapport, par la mécanique de la turbine (un phénomène de surchauffe interne) ou le réchauffement climatique. De telles différences dans les estimations et les explications possibles, donnent à penser que l’on ne sait tout simplement pas grand-chose au sujet des risques incendie, mais qu’ils existent dans le réseau électrique éolien et qu’on peut se livrer à leur sujet à toutes sortes d’interprétations. Il n’est donc pas étonnant d’y retrouver un imaginaire maritime, où la tempête joue un rôle important. Le vent est mobilisé par une grande diversité d’acteurs cherchant à se positionner les uns vis-à-vis des autres, alors qu’il s’agit d’une entité labile, peu contrôlable. Dans ce contexte, les discours produits sont un procédé ventriloque (Cooren, 2013), visant à stabiliser cet élément insaisissable. Qu’ils recourent à la notion de perte, d’effondrement ou d’inspiration, ces récits forment la texture contemporaine du vent et, plus largement, enrichissent les registres de la circulation énergétique dans les sociétés industrielles.

Face à cette industrie, il existe un contre-storytelling, lui aussi inspiré, mais par ce qui résiste au dogme de la transition énergétique. Lors de notre passage à l’Amassada, on pouvait remarquer, sur la porte d’un des bâtiments en bois construits sur le site, une citation d’Ovide, extraite des Métamorphoses : « Une colline, à son sommet, se terminait en plaine. Elle était couverte d’un gazon toujours vert ; mais ce lieu manquait d’ombre. Dès que le chantre immortel [Orphée], fils des dieux, s’y fut assis, et qu’il eut agité les cordes de sa lyre, l’ombre vint d’elle-même. » Une manière de dire que la vie amène la vie, qu’en marchant dans un désert, il devient possible de le faire reverdir. L’un des objectifs de la ZAD était en effet qu’en lieu et place du transformateur prévu pour atteindre 400 000 volts, des arbres s’élèvent sur cette colline. La référence témoigne sans doute d’une culture classique, mais on peut aussi la resituer dans un contexte où l’on fait appel à d’autres énergies qu’à celles de l’époque industrielle. L’énergie alternative se traduit, de fait, par une mobilité qui anime de diverses manières la lutte de l’Amassada : le nomadisme, comme les passions et les métamorphoses. Tout d’abord, la force réellement mobilisatrice est venue de l’extérieur du site comme l’explique notre interlocutrice :

« Nous, on n’était pas là. C’est-à-dire que, quand je dis « on », c’est qu’en fait, les gens qui ont construit l’Amassada, qui l’ont fait vivre pendant quatre ans avant l’appel à occupation, ne sont pas des gens qui occupaient, vu qu’on habite tous ici. […] Donc y’a eu tout ce truc de, oui, en effet, on n’occupait pas, quoi. […] Moi, j’étais là une fois par semaine. […] On se relayait pour essayer d’être au moins, chacun de ceux qui ont monté l’Amassada, une fois par semaine, mais en fait, tu vois, c’est 7… ouais, voilà, c’est ça : 7 personnes, 10 personnes à tout péter, quoi. Ça fait pas beaucoup24. »

Protestant contre le projet de transformateur, une affiche proclamait : « Seule la lutte (se) transforme ». C’est bien à une forme de transformation que ces militants en habitat mobile venaient contribuer. Mais cela ne s’est pas fait sans résistances des habitants. En arrivant à l’Amassada, ceux qui venaient d’ailleurs avaient été déçus par le peu de combativité rencontré sur le site, qu’ils avaient attribué à un manque de savoir-faire des militants locaux. En réalité, ces derniers craignaient que l’image des travellers militants de HALEM, qu’ils percevaient comme des « punks à chiens », ternisse la lutte :

« Pour moi, c’était évident que HALEM, ça avait du sens dans la lutte de l’Amassada […]. Mais pour plein de gens de l’Amassada, c’était pas du tout évident. Et ça en est arrivé au point où [les militants de HALEM] ont proposé une bouffe tous ensemble, où ils ont fait leur table à part, quoi, les copains. Et c’est moi qui suis allée gueuler pour dire, en fait, « qu’est-ce que vous faites, quoi ? Qu’est-ce que vous faites ? Ils nous font à manger, ils nous proposent une bouffe, c’est pas pour faire une table à part ! » […] Et ça, c’était lié à tous les trucs de « ouais, si c’est les punks qui débarquent » […], « oh, y’a les punks qui vont squatter », « ah, c’est des gens qui veulent faire des “teufs parties” ». […] J’étais là : « Non mais, putain, si on n’est même pas capable d’accueillir correctement une asso comme HALEM, vas-y, quoi ! Notre degré de fermeture, il est où, quoi ? C’est moche, votre truc, c’est hyper moche. » J’en ai pleuré […]. En fait, ils voulaient pas que les gens occupent parce qu’ils ne voulaient pas que ça soit n’importe qui qui occupe. Et, du coup, les gens un peu intelligents ont fait : « Non mais c’est quoi, c’te connerie ? » […] Et, du coup, ils sont partis25. »

Ce défaut de connexion entre les deux réseaux d’acteurs s’apparente, pour notre interlocutrice, à un « manque d’intelligence collective ». La force mobilisatrice repose donc, là aussi, sur la capacité de faire se rejoindre des réseaux pour « transformer » les énergies militantes par la diffusion d’une pensée critique, par la controverse et par l’échange. Pour notre interlocutrice, ces flux énergétiques, sont au centre de « la vie », appréhendée comme un tout, allant de la sphère intime et spirituelle à la sphère collective et professionnelle :

« Les deux coprésidentes du [café associatif où je travaille] basent aussi pas mal leurs trucs là-dessus, enfin voilà… elles sont hyper branchées énergies. Y’en a une qui est masseuse, enfin tu vois, voilà… on vit vachement dans ce truc-là. […] En fait, ce qu’on vit aujourd’hui [au café associatif] ne pourrait s’expliquer par aucun acte raisonnable, si ce n’est l’énergie, quoi. […] Si on veut vivre aujourd’hui une pseudo-évolution ou je ne sais pas quoi, il va falloir qu’on reprenne conscience de l’humain, et que l’humain est complètement perdu sans son côté spirituel. Enfin voilà, moi, entre ma présidente [qui] est chrétienne à fond, c’est la présidente de l’asso, [et] moi [qui] crois en une conscience supérieure…  j’crois pas en Jésus ni aucun prophète, quoi. […] Je pense qu’on appelle ça un tout26. »

Invoquer des passions est donc une constante, un terreau symbolique, aussi bien du côté de ceux qui sont contre l’éolien que de ceux qui y sont favorables. Cela permet de donner corps aux flux énergétiques, qui deviennent ainsi plus faciles à canaliser. Comme on l’a vu, l’inspiration et la passion sont aussi présentes dans le monde industriel. Dans le secteur des énergies renouvelables, beaucoup de cadres avec lesquels nous nous sommes entretenus ont suivi des formations portant sur ces sujets. Leur travail suppose la foi en un idéal, un engagement en faveur du développement durable perçu comme indispensable pour supporter l’incertitude et les longs délais qui précèdent la réalisation d’un projet. Cet engagement est demandé aussi aux salariés. Cela apparaît dans la communication du groupe Siemens, dont les offres de recrutement contiennent cette question : « Would you like to join our team and unlock the infinite power of the wind ? », comme dans celles d’une agence d’interim, qui propose de « prendre de la hauteur ». Vestas, un fabricant d’éoliennes danois, insiste aussi sur la passion, l’avant-gardisme associés à l’éolien, la volonté de dépassement. Ce qui esquisse un modèle hybride conjuguant cité industrielle, cité du projet et cité inspirée au nom de l’environnement, quand le risque de catastrophe est omniprésent. La passion, comme moteur de la lutte contre le changement climatique, est partagée par les deux camps – bien qu’elle soit dénoncée chez l’adversaire, accusé de pratiquer le double langage –, parce qu’elle est aussi une métaphore de l’énergie et de la force de transformation.

Les pales des éoliennes, par leur mouvement lent et ample, matérialisent une intentionnalité collective de capter l’énergie pour rendre la force du vent disponible (Rosa, 2020), sans pour autant parvenir à la convertir en un stock stable. Ainsi, l’énergie du vent reste incontrôlable, et conserve une part indomptable et invisible dont semblent vouloir s’emparer les acteurs qui œuvrent à extraire des valeurs (marchandes ou non) de cette force particulièrement animée, aussi difficile à capter qu’à stocker. Les récits produits autour de l’éolien sont imprégnés de cette difficulté à stabiliser les modalités d’agencement des humains avec le vent, oscillant entre la possibilité d’être portés et le risque d’être emportés. Le paradoxe tient au fait que l’introduction du vent dans le mix énergétique ravive la crainte de coupure et d’effondrement, tout en esquissant une transformation radicale dont l’éolien pourrait être le pivot à un échelon local. Mais elle reste prise dans le conflit entre croissance et décroissance.

Pour le moment, l’impossibilité d’élaborer des espaces de négociation favorise la production de discours opposés et la politisation par l’extrême droite d’un rejet motivé par un repli identitaire sur les paysages. Pourtant, comme nous l’avons montré, les collectifs (d’industriels, d’ouvriers, d’habitants ou de militants) qu’a fait naître la « transition énergétique » créent des bribes de récits communs, dans la controverse suscitée par l’éolien industriel. Ce n’est pas la force du vent qui provoque ces débats. Au contraire, elle semble pouvoir relier les deux groupes d’acteurs qu’oppose la course à la croissance.

1 Ces opposants n’appartenaient pas à l’extrême droite anti-éolienne. Celle-ci, représentée par le RN, n’entre pas dans le champ de cette étude.

2 L’appellation « travellers » a émergé à la fin des années 1970 en Grande-Bretagne pour désigner des personnes ayant choisi d’échapper à la société

3 L’acronyme ZAD, emblématique des luttes environnementales en France, signifie dans ce contexte « zone à défendre ». Il s’agit d’une reprise et d’un

4 Cette ZAD, située à Saint-Victor-et-Melvieu, dans l’Aveyron, a perduré de 2014 à 2019. Le terme « amassada  » signifie « assemblée » en occitan.

5 Entretien du 22 avril 2022.

6 Les STECAL sont apparus dans la partie réglementaire du code de l’urbanisme en 2001. Ils ne concernaient alors que les zones naturelles. Ils ont été

7 « Habitants en logements éphémères et mobiles ».

8 Entretien du 22 avril 2022.

9 « Tableau de bord : éolien - Premier trimestre 2024 », Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Données et études

10 Wikipédia, « Liste des parc éoliens en France » [En ligne], URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_parcs_%C3%A9oliens_en_France.

11 Entretien mené avec l’un d’eux en octobre 2020.

12 Voir, notamment, l’introduction, rédigée par Julien Aubert, au rapport parlementaire « sur l’impact économique, industriel et environnemental des

13 Ligne très haute tension.

14 Entretien du 22 avril 2022.

15 Ils se sont déroulés le 18 janvier 2020 au Havre et le 17 février 2020 à Honfleur.

16 Ainsi, les pales de l’éolienne Haliade, fabriquée à Cherboug, mesurent 107 mètres.

17 L’une des critiques formulée par les opposants au mégatransformateur de Saint-Victor-et-Melvieu était qu’il permettrait le transport d’énergie

18 Entretien du 22 avril 2022.

19 Cf. Thibaud Teillard, « La première Ariane 6 en route pour la Guyane », Le marin [En ligne], 11 janvier 2022, URL : https://lemarin.ouest-france.fr

20 Entretien mené en avril 2022.

21 Propos tenus lors d’un débat post-futuriste, intitulé « De la décarbonation de l’activité portuaire au transport à la voile », qui a eu lieu au

22 Entretien mené au Havre, en août 2023.

23 Cf. Xavier Bovinet, « L’île Saint-Nicolas des Glénan bientôt autonome en énergies renouvelables », LUsine nouvelle [En ligne], 16 juin 2019, URL :

24 Entretien du 22 avril 2022.

25 Ibid.

26 Ibid.

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Notes

1 Ces opposants n’appartenaient pas à l’extrême droite anti-éolienne. Celle-ci, représentée par le RN, n’entre pas dans le champ de cette étude.

2 L’appellation « travellers » a émergé à la fin des années 1970 en Grande-Bretagne pour désigner des personnes ayant choisi d’échapper à la société de consommation par l’adoption d’un mode de vie nomade. Elles vivent et circulent le plus souvent en camions aménagés par leurs soins, à l’échelle européenne et mondiale. Imprégnées d’influences contre-culturelles variées (new age, hippies, techno, punks...), elles se distinguent des populations tsiganes généralement appréhendées par le prisme d’un « nomadisme traditionnel ». Pour plus de précisions sur ce mouvement, voir l’ouvrage de Marcelo Frediani, Sur les routes. Le phénomène des New Travellers, Paris, Imago, 2009.

3 L’acronyme ZAD, emblématique des luttes environnementales en France, signifie dans ce contexte « zone à défendre ». Il s’agit d’une reprise et d’un détournement de celui qui est utilisé dans le domaine de l’aménagement du territoire, signifiant « zone d’aménagement différé ».

4 Cette ZAD, située à Saint-Victor-et-Melvieu, dans l’Aveyron, a perduré de 2014 à 2019. Le terme « amassada  » signifie « assemblée » en occitan.

5 Entretien du 22 avril 2022.

6 Les STECAL sont apparus dans la partie réglementaire du code de l’urbanisme en 2001. Ils ne concernaient alors que les zones naturelles. Ils ont été introduits dans la législation par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, ouvrant la possibilité de construire non plus simplement dans des espaces naturels et forestiers, mais aussi agricoles. À la suite d’abus en termes de « pastillage » et dans la volonté de répondre à une demande formulée par les associations de défense du mode de vie en habitat léger et mobile, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », est venue préciser le caractère exceptionnel de ces STECAL. Elle a autorisé, sous certaines conditions, l’installation dans des zones naturelles, agricoles et forestières de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.

7 « Habitants en logements éphémères et mobiles ».

8 Entretien du 22 avril 2022.

9 « Tableau de bord : éolien - Premier trimestre 2024 », Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement et les transports, St@t Info, n° 645, mai 2024, URL : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/tableau-de-bord-eolien-premier-trimestre-2024-0.

10 Wikipédia, « Liste des parc éoliens en France » [En ligne], URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_parcs_%C3%A9oliens_en_France.

11 Entretien mené avec l’un d’eux en octobre 2020.

12 Voir, notamment, l’introduction, rédigée par Julien Aubert, au rapport parlementaire « sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique », n° 2195, déposé le 25 juillet 2019, disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cetransene/l15b2195_rapport-enquete.

13 Ligne très haute tension.

14 Entretien du 22 avril 2022.

15 Ils se sont déroulés le 18 janvier 2020 au Havre et le 17 février 2020 à Honfleur.

16 Ainsi, les pales de l’éolienne Haliade, fabriquée à Cherboug, mesurent 107 mètres.

17 L’une des critiques formulée par les opposants au mégatransformateur de Saint-Victor-et-Melvieu était qu’il permettrait le transport d’énergie entre le nord et le sud de l’Europe sans que les habitants du sud de l’Aveyron en tirent aucun bénéfice.

18 Entretien du 22 avril 2022.

19 Cf. Thibaud Teillard, « La première Ariane 6 en route pour la Guyane », Le marin [En ligne], 11 janvier 2022, URL : https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/42170-la-premiere-ariane-6-en-route-pour-la-guyane.

20 Entretien mené en avril 2022.

21 Propos tenus lors d’un débat post-futuriste, intitulé « De la décarbonation de l’activité portuaire au transport à la voile », qui a eu lieu au Havre le 23 septembre 2022.

22 Entretien mené au Havre, en août 2023.

23 Cf. Xavier Bovinet, « L’île Saint-Nicolas des Glénan bientôt autonome en énergies renouvelables », LUsine nouvelle [En ligne], 16 juin 2019, URL : https://www.usinenouvelle.com/article/reportage-l-ile-saint-nicolas-des-glenan-bientot-autonome-en-energies-renouvelables.N1816997.

24 Entretien du 22 avril 2022.

25 Ibid.

26 Ibid.

References

Electronic reference

Arnaud Le Marchand and Gaëlla Loiseau, « Déperdition, coupure et déconnexion : les récits contemporains sur l’éolien au prisme du croisement des mémoires industrielles et alternatives », Condition humaine / Conditions politiques [Online], 6 | 2025, Online since 25 septembre 2024, connection on 23 mai 2025. URL : http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=1504

Authors

Arnaud Le Marchand

Arnaud Le Marchand est sociologue à l’université du Havre, membre de l’UMR IDEES. Ses travaux portent sur les relations industrielles impliquant des travailleurs mobiles et saisonniers – marins, travailleurs agricoles ou techniciens dans le secteur énergétique –, ainsi que sur les pratiques d’habitat associées. Il est notamment l’auteur de « Travailleurs mobiles et saisonniers : des précaires en eau aux pratiques invisibles », Géographie et cultures, n° 120-121, 2024, p. 121-137 ; « Salaires et embauches des marins au 21siècle. La place des pays d’Europe centrale et orientale », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 154, 2022, p. 105-120.

Arnaud Le Marchand is a sociologist at the University of Le Havre, a member of UMR-CNRS-IDEES. He explores industrial relations in the cases of mobile and seasonal workers, sailors, agricultural workers or skilled workers operating in the energy sector; his interest also lies with “associated housing” practices. “Travailleurs mobiles et saisonniers : des précaires en eau aux pratiques invisibles”, Géographie et cultures, no. 120–121, 2024, pp. 121–137. “Salaires et embauches des marins au 21e siècle. La place des pays d’Europe centrale et orientale”, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no. 154, 2022, pp. 105120.

Gaëlla Loiseau

Gaëlla Loiseau est docteure en anthropologie, membre de l'UMR 8103 – ISJPS (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), associée à l’UMR Innovation (INRAE Montpellier) et à l’UMR IDEES (Université du Havre). Ses travaux portent sur les espaces de vie voyageurs, la construction des catégories de la mobilité et les enjeux environnementaux liés à ces modes de vie. Elle a réalisé le webdocumentaire “Des Aires. Vivre en habitat mobile” (www.desaires.fr) à partir de plusieurs de ses terrains d’enquête. Elle a publié en 2023 “Les mécanismes du racisme structurel perçus à travers la politique d’accueil des gens du voyage en France”, Espaces et sociétés, vol. 3, n° 190, p. 41-61.

Gaëlla Loiseau has earned a PhD in Anthropology, is a member of UMR-CNRS-ISJPS (Paris 1 Panthéon-Sorbonne University), and a research fellow at UMR Innovation (INRAE Montpellier) and UMR IDEES (Le Havre University). In her work, she investigates travelling lifestyles, the construction of mobility categories and the environmental issues associated with such lifestyles. She produced the web documentary « Des Aires. Vivre en habitat mobile » (www.desaires.fr) based on several of her fieldworks. In 2023, she published « Les mécanismes du racisme structurel perçus à travers la politique d’accueil des gens du voyage en France, Espaces et sociétés, vol. 3, no. 190, pp. 4161.