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Appropriation de la langue créole par des Caribéens hispanophones. Dynamique d’intégration des ressortissants dominicains à la MartiniqueAppropriation of creole language by spanish-speaking Caribbeans. Integration dynamics of dominican citizens in Martinique

Karen Tareau
janvier 2018

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.1674

Résumés   

Résumé

La Martinique est politiquement un territoire européen, se situant dans l’archipel caribéen entre les îles anglaises : la Dominique, au Nord et Sainte-Lucie au Sud. L’histoire de ce département s’est toujours constituée, de l’époque coloniale jusqu’à nos jours, de mouvements migratoires. Le présent article porte sur l’intégration linguistique et langagière de la population dominicaine à la Martinique ; dont certains sont en règle administrativement, tandis que d’autres sont en situation irrégulière. Ces hispanophones considèrent le créole comme langues de contact avec les communautés martiniquaise, haïtienne, saint-lucienne, dominicaine présentes dans ce territoire français. Toutefois, ce processus nous permet-il pour autant de penser à une nouvelle créolisation culturelle et linguistique ? Les dix personnes interrogées avouent s’être bien intégrées à la communauté martiniquaise. Certains comprennent la langue régionale ; d’autres la parlent. Il n’en demeure pas moins que la plupart d’entre eux établissent un réseau entre les deux territoires ; ce qui nous laisse penser que la circulation migratoire permet d’entretenir un va et vient linguistique et langagier.

Abstract

Martinique is a French department, located in the Caribbean archipelago between the English islands : Dominica in the North and Saint Lucia in the South. The history of this department has always constituted, from the colonial era until today, of migratory movements. This article focuses on the linguistic integration of the Dominican population in Martinique. Some in good standing, others in an irregular situation, these Spanish speakers consider Creole as the languages of contact with the Martinicans, Haitians, Saint Lucians and Dominicans communities present in this French department. However, does this process allow us to think about a new cultural and linguistic creolization ? The 10 interviewees admitted to being well integrated into the Martinican community. Some of them include the regional language. Others speak it. Nevertheless, most of them establish a network between the two territories ; which suggests that the migratory movement maintains a linguistic back and forth.

Index   

Index de mots-clés : Immigration, contact de langues, créole espagnol, continuum linguistique..
Index by keyword : Immigration, contact of languages, Spanish creole, linguistic continuum..

Texte intégral   

Il n’y a rien qu’on puisse désigner comme la langue. La langue, ça n’existe pas. Il y a le langage humain et le langage humain est représenté par des langues, au pluriel.

(Martinet, 1989, p. 12)

Introduction

1Les Caraïbes, dit-on – pour signifier le syncrétisme des peuples, des cultures, des langues et des religions, dans une unité géographique et historique qui est celle de la mer des Caraïbes – sont constituées de ces peuples unis par une mémoire collective : le système esclavagiste et la conquête de ses territoires.

2Watson R. Denis (2011), en définissant ce géo-concept, parcourt l’histoire de ces territoires au commencement en évoquant l’un de ses peuples à savoir les Caraïbes ; des guerriers et fins nageurs qui préféraient la mort à la servitude durant les conquêtes espagnoles. Du père Jean-Baptiste Labat (XVII-XVIIIè siècle) à la puissance étasunienne (XIXè s), le terme caraïbe prend un usage courant et politique et se réfère, en premier lieu, à une zone stratégique : une frontière impériale selon Juan Bosch1, puis à un espace géopolitique propice aux expériences révolutionnaires et enfin, à une reconstruction identitaire caribéenne se prémunissant des effets de la mondialisation et prenant la forme, aujourd’hui, d’AEC2.

3La Martinique, département français depuis 1946, en est un membre associé. Son rayonnement dans cette institution, bien que restreint du fait de sa non souveraineté, s’ouvre au-delà des barrières politiques et économiques. En effet, il s’observerait dans les quartiers de la ville-capitale (Terres-Sainville, Sainte-Thérèse, Trénelle), où la population autochtone peut aller à la rencontre des peuples de la petite et de la grande Caraïbe mais aussi d’ailleurs3.

4La présence de ressortissants de la République dominicaine, de la Guadeloupe, de la Guyane, du Surinam, de Saint-Martin, de Trinidad, de Sainte-Lucie, de la Dominique (et bien d’autres territoires : Afrique par exemple) illustre, à petite échelle, les dynamiques migratoires dans l’espace caribéen. À ce propos, le géographe André Calmont (2011, p. 123) parle de « circulation migratoire ». Il entend par là, ce va et vient, notamment dans l’espace caribéen, qui engendre des modifications sociales, culturelles et linguistiques.

5Cet article porte un regard sur les différents niveaux d’intégration de la population dominicaine aux Terres-Sainville. Nous nous pencherons sur ces contacts de langues et de cultures qui, à l’échelle de la Martinique, concentre un très faible effectif mais qui, dans ce plus ancien quartier de la capitale, offre un syncrétisme de cultures et de langues inédit. L’influence qui en résulte nous laisse(rait) penser que l’espagnol et la culture dominicaine redynamisent le créole et l’identité martiniquaise.

6À cet effet, nous pouvons nous demander s’il existe des parlers créoles au sein de cette population hispanophone. 


  • Sont-ils révélateurs de mécanismes linguistiques particuliers (phonétique, phonologique, etc.) ou assistons-nous à une totale divergence, tant sur les plans syntaxique que lexical ? 


  • Par conséquent, peut-on parler d’un ou de plusieurs idiomes au sein de ce quartier ?

  • Et enfin, au vu de la situation linguistique des autochtones, à quels types de variation est confrontée la population martiniquaise ? 


7Nous émettons les hypothèses suivantes :

  • la langue créole évolue au contact des populations dominicaines. Celles-ci enrichissent la langue régionale et élargissent l’éventail des possibilités linguistiques sur le marché local des langues. On assiste ainsi à différentes variations sociolinguistiques qui sont à confronter, par la suite, à d’autres idiomes ;

  • Par ailleurs, les enfants de parents d’origine dominicaine sont confrontés quotidiennement, d’une part aux langues du pays d’accueil – le créole (langue régionale) et le français (la langue officielle) – et d’autre part à l’espagnol : langue seconde pour certains et langue maternelle pour d’autres. La prise en compte de cette diversité linguistique est une donnée primordiale pour l’apprentissage des langues du pays d’accueil et l’intégration de ces enfants à leur nouvelle communauté éducative.

8Dans un premier temps, nous présenterons les particularités méthodologiques et épistémologiques qui nous ont permis d’élaborer nos enquêtes de type semi-directif et d’aboutir dans un second temps aux résultats. Enfin, nous tenterons de problématiser sur ces questions de contact de langues et de cultures qui modifie les schèmes (socio) linguistiques du créole à la Martinique.

Les particularités méthodologiques et épistémologiques de la recherche

Caractéristiques fondamentales de la recherche

9Il s’agit ici d’identifier ces contacts de langues et de cultures dans un quartier populaire et cosmopolite de Fort de France. Dans cette optique, nous avons procédé à des enquêtes semi-directives dont l’intérêt est de recueillir, auprès d’agents informels d’origine dominicaine, des informations sur leur âge, la catégorie socioprofessionnelle à laquelle ils appartiennent et des questions relatives à leur intégration dans le pays d’accueil. Ces enquêtes ont donné suite à des prises de paroles spontanées telles des récits de vie, afin de provoquer des discours dans la langue créole, langue qu’ils maîtrisent peu ou pas, en fonction du niveau d’intégration sur le territoire.

10L’intérêt de cette recherche est de construire et d’interpréter une linguistique de terrain. Ce terrain n’est pas seulement un espace urbain où se concentrent des populations étrangères. Elle est aussi une biocénose, un espace d’échanges au sein duquel se forment et se transforment des systèmes langagiers. Autrement dit, l’espace est le lieu quotidien d’expériences, de dialogues et de conversations mettant en scène une dynamique langagière.

11De ce fait, nous avons opté pour une approche empirico-inductive afin de comprendre les phénomènes langagiers des parlers créoles. Cette recherche suit donc une méthodologie de type qualitatif où sa validité se base sur la compréhension des phénomènes sociaux et langagiers des populations d’immigrés. Néanmoins, nous sommes consciente que la validité de cette recherche ne doit pas exclure la transférabilité de notre étude à d’autres cas : d’une part, aux autres populations étrangères présentes dans le quartier et d’autre part, à d’autres îles de la Caraïbe (la Guadeloupe connaît la même réalité) ; puisqu’il s’agit d’établir, in fine, des relations entre les données micro-sociolinguistes et macro-linguistiques – données qui permettront de combiner des variables et d’aboutir à une approche systémique du réel observable. En ce sens, le langage dans cette étude est fondamental, car elle est « le croisement de paramètres culturels, sociaux et ethnolinguistiques » (Blanchet, 2012, p. 39).

Le choix du type de recueil de données

12Bien que les enquêtes semi-directives soient au centre de notre démarche méthodologique, nous avons, au préalable, procédé en trois étapes, tel un sablier. Elle va du global (observations) à l’analytique (enquêtes semi-directives, traitement des données, croisements, validation) pour aboutir à une synthèse interprétative (Blanchet, 2012, p. 45).

13La première phase – la partie élargie du sablier4 – correspond aux observations effectuées dans la ville capitale. Il en ressort des catégorisations spatiales réparties en fonction de l’origine des populations et relevant de ce fait aux communautés haïtiennes et dominicaines pour la plupart.

14La deuxième phase – la partie centrale et réduite du sablier5 – se fonde sur le choix d’une communauté : celle de la République dominicaine. Dix personnes ont participé à des enquêtes de type semi-directif. Nous y avons recensé en premier lieu des informations sur l’âge, le taux de fécondité, la durée et le mode d’intégration de cette population. Nous leur avons émis ensuite des questions sur, selon eux, leur niveau de maîtrise des langues créole et française. Ces renseignements nous ont permis, en dernier lieu, de mettre en exergue des extraits de leurs discours oraux.

15La troisième phase – la partie basse et élargie du sablier6 – rend compte des résultats et de l’interprétation de ceux-ci. Autrement dit, nous insistons sur les particularités linguistiques et langagières de la population dominicaine. Nous souhaitons donc créer un modèle d’analyse permettant d’aboutir à une synthèse interprétative, à transférer, par la suite, à d’autres populations issues de contacts de langues, à la Martinique puis sur des territoires caribéens et extra caribéens.

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Les caractéristiques du quartier de Terres-Sainville

16Le quartier des Terres-Sainville du nom d’un marquis – Simon de Sainville qui possédait en 1827 une sucrerie – était aussi appelé « faubourg Thébaudière », car il appartenait à une société du même nom dirigée par une dame, Mary de Berry, ou encore « quartier des Misérables », car tenu par des actionnaires qui s’enrichissaient de la misère des locataires.

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Carte 1 : Le quartier des Terres-Sainville

17Ce territoire fut, après de multiples catastrophes naturelles, une zone marécageuse d’une trentaine d’hectares que la municipalité a restauré, dès les années 1900, afin d’accueillir, en autres, les sinistrés de l’éruption volcanique de Saint-Pierre. Les travaux se poursuivirent dans les années 1940 sous le mandat du poète Aimé Césaire et ce quartier sera dès lors un lieu de bouillonnement culturel et musical.

18Aujourd’hui, Terres-Sainville, quartier situé en zone prioritaire7, concentre un grand nombre d’immigrés dont la plupart sont Dominicains et Haïtiens. Certains autochtones le décrivent comme un lieu multiculturel et multilingue, d’autres comme un quartier non fréquentable (du fait de la prostitution). Néanmoins, Terres-Sainville se situe en plein cœur de la capitale de l’île. Par conséquent, s’y côtoient des autochtones et des étrangers, d’où ce bouillonnement culturel et linguistique.

Les acteurs interrogés

19La plupart d’entre eux sont des femmes hispanophones d’origine dominicaine qui ont quitté leur pays natal pour des raisons économiques. Ces immigrés acquièrent la nationalité française, beaucoup de femmes se voient renouveler leur titre de séjour grâce à la naissance de leurs enfants sur le territoire français. Néanmoins, une bonne part continue de vivre en situation irrégulière parvenant à peine à subvenir à leurs besoins et à ceux de la famille laissée à Saint Domingue. Un total de dix personnes a été interrogé (voir tableau 1), dont la répartition par genre est la suivante :

  • 1 garçon de moins de 20 ans ;

  • 2 femmes de 20 à 30 ans ;

  • 6 femmes de 30 à 40 ans et ;

  • 1 femme de plus de 50 ans.

Âge

< 20

20-30

30-40

> 50

Nombre de personnes interrogées

1

2

6

1

Tableau1 : Âge des immigrés dominicains

La question de l’immigration dominicaine à la Martinique

20L’on observe, à cet égard, aux Terres-Sainville, un taux de féminisation relativement élevé. Sur les 1.4 % de la population d’immigrés à la Martinique, 58 % sont des femmes. Bien que ce territoire ne soit pas une terre d’immigration, les femmes immigrées y sont les plus nombreuses. Ce qui laisse à penser que la question du genre est importante dans cette étude car elle nous invite à comprendre les rapports hommes/femmes à la République Dominicaine et la situation socio-économique de ce pays. En effet, la République Dominicaine a un niveau de vie relativement bas avec une inégalité des revenus entre hommes et femmes : le revenu salarial des femmes est nettement inférieur à celui des hommes. L’inégale répartition de ces richesses serait due à un système machiste ; d’où un taux de chômage et de sous-emploi très élevé chez les femmes dominicaines. Néanmoins, la crise économique qui sévit dans cette île n’épargne pas cette population dans sa globalité. Le corollaire en est de graves tensions avec les immigrés haïtiens.

21Dès lors, l’immigration devient donc le seul espoir de ces femmes dominicaines. Ce n’est qu’à partir de la moitié du XXè siècle qu’elles s’affirment, avec le reste de la population, dans la zone américano-caraïbe. À cet effet, ces circulations migratoires se sont toujours créées en fonction des instabilités politiques des pays d’origine et des restrictions plus ou moins permissives des territoires d’accueil. La population dominicaine a connu trois grands mouvements migratoires (Jannas-Pierre-Louis, 2007, p. 182) :

  • Émigration new-yorkaise : 1961-1973 ;

  • Émigration caribéenne (Porto-Rico, Venezuela) et européenne (Espagne, Pays-Bas) : 1974-1984 ;

  • Émigration étasunienne8 et dispersion vers les départements français d’Outre-Mer [DFA] : depuis 1985.9

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Carte 2 : les flux migratoires de la République dominicaine de 1961 à nos jours. (© Karen TAREAU, 2016)

22Les DFA demeurent des territoires idéals pour ces migrants, leur offrant, dans le cadre des politiques de lutte contre la pauvreté, des opportunités en matière de protection sociale. Les femmes nous confient d’ailleurs qu’elles quittent leur pays seules et obtiennent leur droit de séjour qu’elles renouvellent jusqu’à acquérir la nationalité française. Toutes ces initiatives les contraignent à officialiser leurs unions soit par l’acte du mariage, soit par l’enfantement avec des français (Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais). Le taux de fécondité n’est pas très élevé : il est en moyenne inférieur à 2 enfants pour les femmes âgées de moins de 40 ans, avec une exception de 4 enfants pour les dominicaines âgées de plus de 50 ans (voir tableau 2). Néanmoins, leurs situations familiales leur permettent de remplir les conditions d’attribution de la naturalisation.

Âge

20-30

30-40

> 50

Nombre d’enfants en moyenne

1 (/2)

1.6 (/5)

4 (2)

Tableau 2 : taux de fécondité

23Les hommes, quant à eux, sont moins nombreux à la Martinique. Ils occupent des postes de gérants de bars ou mettent leur savoir-faire à contribution dans le domaine de l’artisanat. Leur insertion professionnelle constitue une condition essentielle à leur intégration française.

24La circulation migratoire de la population demeure très active ; elle emprunte des territoires de transition, tels que la Guyane avant d’arriver sur les terres guadeloupéennes et/ou martiniquaises. Ce que nous déclare les personnes âgées de 30 ans et plus. Les plus jeunes (20-30) sont nés en France de parents dont la mère est dominicaine et le père d’origine guyanaise pour l’une et martiniquaise pour l’autre.

Territoires de transition

Nombre de transités

Guyane française

7

Né à la Martinique

1

Né dans un autre territoire français

2

Tableau 3 : Territoires de transition

25Ces personnes établissent ainsi un réseau sans lequel il serait très difficile d’envisager un quelconque départ pour la France et ses Régions. Pour ce faire, elles doivent justifier d’un lieu de résidence dans le pays d’accueil et de multiples démarches visant à leur insertion sociale et professionnelle, y compris la volonté d’apprendre la langue française.

26La Guyane est, selon certaines femmes, le département français idéal permettant de transiter vers la Guadeloupe et/ou la Martinique. De ce fait, toutes les personnes interrogées sont passées par la Guyane, certaines ont vécu d’abord à la Guadeloupe avant de s’établir en Martinique. Compte tenu des liens amicaux et/ou familiaux qu’elles maintiennent avec leur réseau, elles s’établissent en communauté ; la plupart au quartier de Terres-Sainville. Les trois quarts des personnes interrogées ne désirent pas revenir au pays ; le dernier quart espère un jour y retourner définitivement dans de meilleures conditions.

Temps d’intégration à la Martinique

<1an

< 5 ans

<10 ans

> 10 ans

Nombre d’immigrés

1

9

Tableau 4 : Temps d’intégration à la Martinique

27Dans l’attente, elles gardent une certaine attache à leur pays natal puisqu’elles envoient régulièrement de l’argent à leurs familles restées sur place. Les vacances scolaires sont aussi l’occasion de les retrouver et de participer aux fêtes, m’ont-elles dit, plus festives qu’à la Martinique. Beaucoup participent, d’ailleurs, au développement du circuit informel à l’instar des Madam Sara internationales (Calmont, 2011, p. 123). Elles établissent ainsi un réseau inter-Caraïbe leur permettant de circuler entre les deux îles, voire trois, si on prend en compte l’une de ces enquêtées qui dit avoir deux de ses quatre enfants à la Guadeloupe. Un rapport de l’INSEE confirme d’ailleurs un taux de transfert financier assez élevé entre les deux territoires.

La langue d’intégration des dominicaines : marqueur d’identité créole ?

28Ainsi, ces femmes, en développant des stratégies de débrouillardise, adoptent des comportements interculturels voire inter-linguistiques, parfois dans des contextes de discrimination, de tensions sociales et économiques graves. Elles acquièrent ainsi, ce que Noam Chomsky appelle, le savoir implicite, autrement dit la parole audible observable (Manço, 2002, p. 26), leur permettant spontanément d’interagir avec le milieu. Ce savoir implicite, lié à la performance, c’est à dire à la capacité de production, constitue la maîtrise linguistique. Autrement dit, ces Dominicaines, compte tenu de leur héritage socioculturel entre ici et ailleurs, s’approprient des compétences dites interculturelles qui se réfèrent « au croisement, à la relation, au contact, au mixage, au frottement, à la négociation, à l’intersection des cultures, à l’interprétation ou l’interstructuration des cultures » (Manço, 2002, p. 45)et de la langue en devenir. Le niveau d’intégration culturelle est fonction du niveau de maîtrise de la langue, tant au niveau de la production orale qu’au niveau de la compréhension orale. La plupart des personnes interrogées mentionnent qu’elles ont une assez bonne maîtrise de la langue créole : sur les 10 personnes interrogées, 9 comprennent le créole (tableau 5). Celles-ci affirment d’ailleurs que cette langue leur est familière du fait de contacts avec les immigrés d’origine haïtienne dans leur pays.

Satisfaisant

Passable

médiocre

Niveau de maîtrise de la langue créole

9

1

Tableau 5 : le niveau de maîtrise du créole : la compréhension orale

29Pour ce qui relève de la production orale, le garçon de moins de 20 ans ainsi que les deux jeunes femmes interrogées, âgées de moins de 30 ans sont nées, dans un DFA. Par conséquent, ils parlent la langue avec les amis dans leur quartier ou leurs camarades dans l’interclasse. Quant à la femme âgée de moins de 50 ans, elle maîtrise assez bien le créole ; langue qu’elle a apprise avec son mari d’origine martiniquaise (tableau 6).

Satisfaisant

Passable

médiocre

Niveau de maîtrise de la langue créole

4

5

1

Tableau 6 : le niveau de maîtrise du créole : la production orale

30Ainsi, afin d’évaluer leur compétence linguistique en créole, toutes les questions ont été posées en cette même langue. Nous leur avons demandé d’y répondre aussi en langue créole. Cependant, les réponses ont été obtenues tantôt en langue française tantôt en langue créole, voire en espagnol.

31Certains acteurs ont développé au fil de la conversation, un interlecte, c’est à dire une stratégie linguistique leur permettant de construire un dialecte à mi-chemin entre la langue d’acquisition et celle de l’apprentissage.

Le créole parlé par les Dominicains : entre diglossie ou continuum linguistique

32Il s’avère quetoutes les personnes interrogées continuent à parler la langue espagnole, que ce soit en famille ou entre amis de la même communauté (voir tableau 7). Ce n’est pas toujours le cas pour la langue française, encore moins pour le créole. Nous porterons une attention particulière aux paroles de trois femmes : les deux jeunes filles dont la tranche d’âge se situe entre 20 et 30 ans et celle âgée de moins de 50 ans. Les indicateurs qui nous ont permis d’effectuer ce choix sont à la fois le niveau de maîtrise de la langue tant au niveau de la compréhension orale que de la production et la durée du séjour à la Martinique. Les trois femmes résident à la Martinique : les deux plus jeunes y sont nées tandis que la plus âgée est née à la République Dominicaine mais vit sur le territoire martiniquais depuis plus de 20 ans. Nous constatons, dès lors, qu’elles parlent le créole.

33Les deux jeunes filles âgées d’une vingtaine d’années n’ont pas la même maîtrise de la langue. L’une, née à la Guyane, parle peu le créole. Elle nous livre quelques expressions :

« koté ou yé ?

koumanniè ou yé ?

koté ou ka alé ?

ki jou nou yé ?

Saint Domingue toujou ni lafèt, i pli gran.

I ni anlo moun anlo moun ayisien […]

Di ri, haricot rouge, viande et salade.

Isiya ini fruit à pain, tinen lanmori.10

34L’autre jeune femme, née à la Martinique, parle un créole mélangé à de l’espagnol. Elle nous confie que lorsqu’elle s’adresse à sa fille âgée de deux ans, elle mélange instinctivement les deux langues, voire les trois. Elle utilise les expressions suivantes :

Sé fini de jugar.

Ou pa ka alé comer.

Va dormir.11

35Le lexique employé (en italique-gras) se réfère à la langue espagnole. Le locuteur utilise la prosodie de ladite langue, excepté pour le « sé », le locuteur utilise un accent créole. Toutefois, le « sé » correspond au « c’est » de la langue française.

36Aussi, lorsqu’elle l’appelle son neveu, non loin de nous, ses paroles sont les suivantes :

Viens Jean Carlos !

Vini palé kréyol !

Kreyol aqui ! Es ou ja ka alé lékol ?12

37La première phrase en langue française ; la deuxième en créole ; le troisième énoncé en créole et en espagnol et le dernier en langue créole.

38Les femmes interrogées âgées de 30 à 40 ans ont une bonne maîtrise du créole. Certaines le parlent plus que d’autres. Pour exemple, l’une nous livre ces paroles :

[…] pas évè lè zayisien nou ka palé ek Komprann pangnol.

Dé fwa an ka palé kréyol épi la genté ké vien ici.

Mwen enmen dansé la bachata.13

39Nous constatons que les trois énoncés sont en langue créole, à l’exception de « gente » et de « viens ». Le lexique de la langue espagnole dont le locuteur a su préserver la prosodie de ladite langue. Nous remarquons aussi que ces femmes parlaient le créole avec plus d’assurance, en marquant le rythme et l’accent dans les deux langues.

40Concernant la femme de moins de cinquante ans, notons que celle-ci est mariée à un Martiniquais et parle très bien la langue créole. Nous faisons d’ailleurs le choix d’extraire ses paroles car plus significatives. Au début de la conversation, elle s’applique à parler uniquement le créole, puis au fil du dialogue, elle mixte les deux langues jusqu’à obtenir une langue hybride. Considérons un extrait de la conversation.14

Question 1 : Ès ou ka palé kréyol ?

Réponse 1 : Un ti po.15

Nous observons dans cet énoncé une apocope : le phonème « po » semble provenir de « poco » en espagnol signifiant « peu ». L’article indéfini « un » relève de la prononciation de l’espagnol.

Q2 : Ou ka alé dé tan zan tan à Sen Domeng ?

R2 : Oui. Sa ka fè kat lanné man pa alé. Man alé kan mwen poué.16

Nous voici en présence à la fois d’une apocope et d’une hypercorrection lié à la prononciation. Le phonème « poué » pourrait provenir de « puedo » signifiant « je peux ».

Notons de même l’oubli de « ka » marquant le futur en langue créole dans la phrase « man (ka) alé…

Q3 : Ès ou ni tjanmay isiya ?

R3 : Non, pa tjanmay. Man ni un gran garçon qui habite en France.17

Le locuteur a maintenu le roulement voisé de la consonne r. Nous constatons aussi que celui-ci adopte en fin de phrase le français : « qui habite en France ».

Q4 : Ki lang i té ka palé ?

R4 : Ah non ! Mon fils, il palé Français, espagnol, anglais, portugais. Mon fils parlait toute langue. I té ka palé beaucoup. Maintenant, i ka travay adan la société en France.18

41Nous sommes en présence dans le même énoncé de trois langues. Le créole se trouve en position d’infériorité par rapport au français. Tandis que la prononciation de la langue espagnole n’est maintenue que pour le mot « portugais » ; maintien qui semble être dû à la connotation du mot.

Q5 : Es ou pé di mwen dé twa bagay anlè Sen Domeng ? An moun ki pa janmen alé Sen Domeng, ki sa ou pé di mwen ?[…]

R5 : Ah, non, ich mwen ! Bon, i ni an ti différence. Oui, porqué espagnol, i ka fè manjé pli…isiya, nou ka fè manjé pli salado parce que nous….i ni un tite différence. Mais écoute-moi, je te dis une chose : an rivé an Guyana té an ni 24 lanné, man ni 66 lanné, la moitié de ma vie, c’estzantiya. Man bitué ici ké dé la situación dé là-bas. Pas là-bas, man ka fè vakans et ici je vis. Man habitué plis de la situación de la Martinica, Guadaloupé, Guyana pas porqué an fè la moitié de ma vie qu’à Saint-Domingue.19

42Quelques termes s’identifient à l’espagnol, tels que les noms de territoires, les mots « porqué » signifiant « pourquoi », salado, salé et situación pour situation. D’autres termes, en langue française sont sujets à des emprunts de l’espagnol. Il s’agit par exemple du verbe « manger » qui se prononce « manrer ». Notons qu’en espagnol, le « j » se prononce « r ». Par ailleurs, nous remarquons le mot « zantiya », du français : « Antilles » qui, paradoxalement, a été « hispanisé ». Notons aussi la présence du verbe « bitué » ayant subi une aphérèse puisque « habitué » est devenu « bitué » ; une troncature que le locuteur attribuerait à la langue créole.

Q6 : Ou pé di mwen dot bagay anlè Sen Domeng ?

R6 : I ni plis distracción qu’ici.20

43Le locuteur a intégré au sein du même énoncé les trois langues :

  • Le créole : « I ni » ;

  • L’espagnol : « distracción » ;

  • Le français : « qu’ici »

Q7 : Mè poutji i ni anlo moun ka vini ? …

R7 : Oui sabe, ini moun que enmen lavi fasil.21

44Le mot « sabe », traduit de l’espagnol signifie « il sait ». Le « b » en espagnol se prononce « v ». Par conséquent, ce mot aurait été introduit tel quel dans l’énoncé en créole. Nous pouvons penser aussi que le « sabe » prononcé « savé » en espagnol est dérivé de « sav » en créole. Il en est de même pour le pronom relatif « que » qui provient de l’espagnol et qui se prononce « ké ».

(Interruption téléphonique et conversation en espagnol)

[…] 100 euros ici ou ka kombien mille pesos là-bas pas sé un gran país.

Notons le groupe nominal « un gran pais » en espagnol lorsque le locuteur qualifie Saint Domingue de « grand pays ».

Q16 : Mèsi an chay. Ou ka palé kréyol-la bien

R16 : Moi-même ! Mwen pé ké mo asou tierra Sen Domeng […]22

45« tierra » traduit de l’espagnol « terre » est précédé de « asou » que la dominicaine associerait à « sur », en créole guadeloupéen, « asi ».

46Ainsi, nous passons, dans les premiers extraits, du code switching – c’est à dire à un mélange de chacune des langues dans des énoncés différents – à un code mixing – un koíné intégrant dans un même énoncé les trois langues : le créole, l’espagnol et le français. Ces extraits nous permettent de justifier un métissage de langues, tantôt un « hispano-créole », tantôt « un franco-créole » ; autant de marques linguistiques nous permettant d’évaluer la part d’emprunts présente dans le créole martiniquais.

De l’émergence de la langue créole à une situation de Créolisation, décréolisation et/ ou néo-créolisation

47Ainsi, nous pouvons affirmer que ces formes linguistiques ont toujours été le résultat d’un processus de créolisation culturelle et linguistique (Bernabé, 2015, p. 19). Entre le milieu du XVIIè siècle et le début du XIXè siècle, la mise en esclavage des Africains ainsi que l’assimilation française dès 1946 ont été respectivement les préliminaires d’un métissage douloureux et d’une remise en question du sujet « je » et du « nous » collectif. En effet, la mise en commun de deux cultures, l’africaine et la française, a permis la création d’un interlecte : un entre-deux linguistique permettant de faciliter l’intercompréhension entre le colonisé et le colonisateur. Dès lors, la sphère linguistique fut composée d’une langue et d’un patois. En dépit de l’apport des richesses linguistiques, les esclaves n’ont pu maintenir leur dialecte de nègre compte-tenu de l’hétérogénéité de leurs diversités linguistiques. On a assisté alors à une situation diglossique dans laquelle le français est la langue de prestige et le créole est devenu la langue minorée. Toutefois, le marché linguistique a évolué sous le poids des interventions in-situ.

48Les événements économiques et sociaux qui ont jalonné les Antilles françaises entraînent une nouvelle possibilité d’appropriation linguistique. Il ne s’agit pas tant de l’immigration chinoise de 1859 à 1860 (Benoist, 1975, p. 25) et mélano-indienne de 1853 à 1883 (Benoist, 1975, p 23), toutes deux en faible proportion, mais de cette même population noire dont les affres de la vie avaient abouti à ce parler créole, et de l’arrivée des bossales.

D’une situation à une autre : de la décréolisation et / ou de la néo-créolisation ?

49La crise sucrière et la désertification corollaire des sociétés de plantation vers la ville remettent en question la compétence linguistique des autochtones : par exemple, la langue perdra en métaphoricité, et le parler proverbial s’estompera. Une mutation inéluctable engendrée par les réalités urbaines. Ainsi, si en milieu rural on peut prendre appui sur l’environnement pour signifier la réalité humaine, en milieu urbain, la violence de l’adaptation est telle que les néo-urbains consomment le capital métaphorique accumulé.

50Selon, Jean Bernabé, l’ascension linguistique de ces locuteurs met en danger la langue créole, car celle-ci est le parent pauvre d’une situation dans laquelle nous assistons à un phénomène de relexification. Il parle de décréolisation qualitative qui, selon lui, est aussi « vieux que la créolisation (fin de la première moitié du XVIIè siècle) même si la prise de conscience de ses effets est relativement récente, contemporaine de l’action militante pour la défense, illustration et promotion du créole (dernier tiers du XXèsiècle) » (Benoist, 1975, p. 11). Le créoliste objective sa thèse en déclarant que le français serait devenu la langue maternelle de la plupart des jeunes Martiniquais (Melman, 2000, p. 51). Cette interprétation permet de comprendre l’introduction massive du français dans la langue créole.

Les Antilles françaises : espaces de rencontre des créoles ?

51Ce phénomène de relexification sera d’un tout autre genre vers la fin du XXè siècle. Alors que Jean Benoist (175, p. 26) observe trois groupes inégaux : les blancs créoles, les Mélano-indous et les Martiniquais de couleur, l’immigration de nouvelles populations donne lieu à une réappropriation de la langue créole, par l’apport linguistique du patrimoine caribéen. À cet égard, Max Bélaise (2012) défend l’idée d’une néo-créolisation lorsqu’il observe, dans des communautés protestantes haïtiennes à la Martinique, un continuum culturel et linguistique au bout duquel s’établit une relexification à partir des créoles haïtien, saint-lucien, guadeloupéen et guyanais.

52En outre, un contact informel avec les ressortissants étrangers de quartiers de Fort de France (Terres-Sainville et sainte-Thérèse) révèle un phénomène inédit23 :

  • des Hispanophones que nous venons d’interroger, utilisant la koinè du créole, mâtinée de termes espagnols ;

  • les Africains (Afrique de l’Ouest) qui utilisent le créole martiniquais ;

  • les Haïtiens qui mélangent les créoles (haïtiens et martiniquais) ;

  • les Saint-Luciens qui mélangent deux créoles (saint-lucien et martiniquais) ;

  • d’autres ressortissants (Saint-Martinois, Arubéens, Guyanais, Guadeloupéens) qui mélangent les créoles.

53Ce mélange de culture et de langues fait émerger, aujourd’hui, un entre-deux linguistique spécifique à certaines aires culturelles. Il y a donc lieu d’interroger ces autres niches écologico-linguistiques et leurs influences dans l’écosystème langagier afin de connaître les éventuels phénomènes de standardisation en jeu à la Martinique.

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Figure 1 : le processus de créolisation du XVème siècle jusqu’à nos jours (© Karen TAREAU, 2016)

Conclusion

54Néo-créolisation pour certains, décréolisation pour d’autres, le créole martiniquais, comme toutes langues, évolue grâce aux interventions in situ. Les autochtones assistent ainsi à une double dynamique : culturelle et linguistique auxquels participent des créations linguistiques qui permettent de repenser la langue. D’ailleurs, devenue langue régionale française, l’ascension du créole est aussi due aux interventions in vitro. Par conséquent, l’analyse de ce continuum linguistique ne doit pas impliquer celle des affres du passé colonial. Les outils épistémologiques sont davantage ceux issus des situations d’exil, se retrouvant confrontés à de nouvelles communautés, que de celles de peuples déportés sous la contrainte coloniale. Paradoxalement, cette réalité linguistique était déjà traduite par une volonté des linguistes qui usent le pan créole afin d’affirmer leur identité à l’international et de créer, à terme, une épistémologie didactique des créoles. Ces quartiers populaires constituent des laboratoires dans lesquelles s’observe une intercompréhension entre peuples immigrés et autochtones qui se constituent en une communauté créole. Nous aurons bien compris que le créole s’enrichit :

  • de l’apport de la langue espagnole des Dominicains mais aussi en faible quantité de Colombien, Cubains et Portoricains ;

  • de l’apport d’autres créoles de la Caraïbe au point que les Martiniquais n’hésitent pas à utiliser ces créoles ;

  • de l’apport de l’anglais (ce qu’observe l’analyste qui se penche sur la question) via les musiques urbaines. Aujourd’hui pour un jeune, signifier ou ne pas se formaliser se dit pa dig24. D’autres expressions telles gyal (anglo-jamaïcain) sont apparues dans le créole martiniquais et traduisent cet « envahissement anglo-saxon » du fait de la globalisation.

55Selon nous, il y a lieu de relancer la réflexion sur ces questions de décréolisation/ néo-créolisation, car les thèses s’opposent. Dans le même temps, on relève que les langues créoles sont en constante effervescence donnant lieu à des créations quotidiennes : de nouveaux sèmes, ce qui revient à assister au phénomène de néo-créolisation. Il est donc question de déconstruction, au sens de J. Derrida (2013, p. 82) : « Se débarrasser de ce qui empêche la nouveauté », afin d’une part, de dépasser le rapport de force entre les concepts de créolisation et décréolisation, et d’autre part, de repenser le réel au travers du concept de néo-créolisation.

Bibliographie   

BENOIST, Jean. Les sociétés antillaises. Montréal : Centre de recherches caraïbes, 1975.

BELAISE, Max. « Néo-créolisation en Martinique : le rôle des églises pentecôtistes dans le processus d’intégration et d’éducation de la communauté haïtienne », in Archipélies, De la créolisation culturelle, n ° 3-4, Paris : Publibook, 2012.

BERNABÉ, Jean. Approche cognitive du créole martiniquais : Ranboulzay 1 / Révolution 1. Paris : L’Harmattan, 2015.

BERNABÉ, Jean. Guide de Langues & Cultures créoles : précis de syntaxe créole. Paris : Ibis Rouge, 2003.

BLANCHET, Philippe, La linguistique de terrain : méthode et théorie, une approche ethnolinguistique, Coll. « Didact linguistique », Rennes : Presses universitaires de France, 2012. [1ère édition 2000]

CALMONT, André. « Dynamiques sociodémographiques et mobilités dans la Caraïbe ». In La Caraïbe, un espace pluriel, Terres d’Amérique/8, Katharla, 2011, pp. 119-143.

JANNAS-PIERRE-LOUIS, Fabienne. « Les dominicaines en Martinique : entre représentations et réalités », in Dynamiques migratoires de la Caraïbe, Terres d’Amérique/6, Karthala, 2007, pp. 181-197.

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WATSON, R. Denis. « L’association des États de la Caraïbe : l’organisation de la grande Caraïbe », in Recherches haïtiano-antillaises : devenir des Créoles, approches théoriques, littéraire et sociolinguistique, n° 7, Paris : L’Harmattan, 2011, p. 147-175.

Notes   

1  Juan Bosh (1909-2001) était un écrivain et homme politique à Saint Domingue qui a été élu après Trujillo en 1961.

2  AEC : Association des États de la Caraïbe.

3  Le Collège de ce quartier n’abrite pas moins de 11 nationalités (France-Antilles, mardi 6 septembre 2016).

4  Voir figure page 5.

5  Idem.

6  Idem.

7  Un quartier en zone prioritaire est un territoire dit sensible bénéficiant de politiques sectorielles afin de réduire des écarts avec d’autres quartiers. Les plans d’action, spécifiques en fonction du quartier, interviennent dans les domaines liés à l’éducation, l’urbanisme, des actions de médiation et de sensibilisation, d’aide à l’insertion sociale et professionnelle.

8  L’émigration nord-américaine devient plus restrictive du fait de nouvelles réformes, notamment celle de l’Immigration and Reform Control Act [IRCA]. La population dominicaine se tourne vers d’autres territoires tels que les DFA (Départements Français d’Amérique).

9  Se référer à la Carte 2. « Les flux migratoires de la République dominicaine de 1961 à nos jours ».

10  Les mots en italique sont en langue créole, les autres en français et en espagnol.

11  Les mots en italique-gras sont en langue espagnole, exception faite pour « sé » :

12  Traduction du créole et de l’espagnol : « Parle-nous le créole ! Le créole d’ici ! Vas-tu à l’école ? »

13  Traduction du créole : « C’est grâce aux Haïtiens que nous parlons le créole. Je parle quelque fois le créole avec les gens qui viennent ici. J’aime danser la bacchata ».

14  Tous les mots en italique-gras relèvent de la prosodie de la langue espagnole. Certains appartiennent au lexique de la ladite langue.

15  Traduction : « Parles-tu le créole ? » « Un peu ».

16  Traduction : « Te rends-tu régulièrement à Saint Domingue ? » « Oui, cela fait quatre ans que je n’y étais pas allée ».

17  Traduction : « As-tu des enfants ici ? » Non, je n’en ai pas. Toutefois, j’ai un grand garçon qui habite en France ».

18  Traduction : « Quelle langue parlait-il ? » « Ah non, mon fils parle le français, l’espagnol, l’anglais, le portugais ; il parle toutes les langues. Il travaille actuellement dans une société en France ».

19  Les mots soulignés sont en français tandis que ceux en gras relèvent toujours du lexique et/ou de la prosodie de l’espagnol.

20  Traduction : « Pourrais-tu me dire d’autres choses sur Saint Domingue ? » « il y a davantage de distractions».

21  Traduction : « Mais pour quelles raisons observe-t-on des hispanophones à la Martinique ? » « Tu sais, il y a tant de gens qui aiment la vie facile ».

22  Traduction : « Merci beaucoup. Tu parles bien le créole ». « Je ne mourrai pas bête sur le territoire de Saint Domingue ».

23  Voir schéma p. 18 : « le processus de créolisation du XVIIème siècle jusqu’à nos jours ».

24  De l’anglais to dig.

Citation   

Karen Tareau, «Appropriation de la langue créole par des Caribéens hispanophones. Dynamique d’intégration des ressortissants dominicains à la Martinique», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Les numéros, mis à  jour le : 24/01/2018, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=1674.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Karen Tareau

Karen Tareau est docteur en langue et culture régionales. Elle enseigne à la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université des Antilles. Ses travaux portent sur l’anthropologie de l’éducation, la sociolinguistique et la didactique créole.