Rhétoriques du pouvoir au Mali

DOI : 10.56698/chcp.627

Resúmenes

On se saisira de la contestation populaire ayant précédé le coup d’état militaire du 18 août 2020, ainsi que celui du 24 mai 2021, pour tenter de cerner les modèles – hiérarchique et égalitaire – mobilisés par les acteurs sociaux pour penser le politique dans une perspective transhistorique s’étendant de l’empire du Mali au Mali actuel. En effet, à l’instar du monde arabo-musulman, par exemple, qui pleure la splendeur des califats et s’efforce parfois de les faire ressurgir, des voix maliennes expriment la nostalgie des empires médiévaux du Ghana, du Mali et du Songhay et comparent douloureusement leur sort actuel avec la magnificence de ces grandes civilisations du passé.
Ces modèles ne sont assurément pas les seuls qui peuvent être convoqués pour analyser les événements récents survenus au Mali, mais la référence aux modèles anciens du pouvoir, omniprésente dans le langage politique actuel, nous semble être éminemment productive pour rendre compte de la symbolique du pouvoir dans ce pays.
Il s’agira donc de se référer à ces anciens modèles et aux concepts qu’ils véhiculent pour les appréhender en tant que référentiel, comme éléments d’une philosophie politique non écrite qui renvoie de façon imaginaire non pas tant à des formations politiques ayant réellement existé par le passé qu’aux interprétations qui en ont été données.
Cette philosophie politique implicite ou « alternative », comme on la désigne, est en quelque sorte l’équivalent de la déconstruction de la philosophie politique à laquelle se livre Michel Foucault dans « Il faut défendre la société » lorsqu’il met en avant la thématique de la « guerre des deux races », utilisée comme modèle pour interpréter l’histoire de France et celle d’Angleterre et contrer la philosophie politique classique de Hobbes, Locke ou Rousseau.
Dans le cas du Mali, ces modèles, ces principes ou ces schèmes politiques semblent être au nombre de deux. Le modèle hiérarchique tout d’abord, le modèle égalitaire ou « démocratique » en second lieu, tous deux se conjoignant en définitive dans le cadre d’un modèle guerrier.

The Rhetoric of Power in Mali”

This paper intends to explore the political unrest that led to the military coup of 18 August 2020 and that of 24 May 2021 as a means to comprehend the various patterns – hierarchical and egalitarian – mobilized by the social actors to conceptualise polity within a broader timeframe spanning from the medieval Empire of Mali to the contemporary Malian state.
In the manner of the Arab-Muslim World which longs for the splendour of the ancient Caliphates and sometimes seeks to revive them, some Malians similarly voice nostalgia for the medieval empires of Ghana, Mali and Songhay compare, achingly, their present situations with the magnificence of these ancient civilizations.
Other paragons may be employed to analyse the recent events in Mali, but these ancient models, omnipresent in today’s political rhetoric, seem particularly relevant to fully appreciate the power of symbols in this country.
Thus, this paper refers to these ancient models alongside their related concepts in order to analyse them as a frame of reference or as elements of a non-written political philosophy which in turn, imaginarily, refers to actual ancient political movements but, to a greater extent, to their interpretations.
This implicit or alternative political philosophy, as it is labelled here, is analogous to the deconstruction of political philosophy undertaken by Michel Foucault in
Society Must Be Defended. In this book, Foucault stresses the importance of the pattern of « the war of the two races » used as a model to account for the history of France and England and challenge Hobbes’, Locke’s and Rousseau’s classical political philosophies.
With regard to Mali, there are two patterns, models or political
schemes: the hierarchical one and the egalitarian one, which ultimately merge into a warlike pattern.

Índice

Mots-clés

Mali, chartes du Mandé, modèles politiques, hiérarchie, égalité, démocratie, guerre

Keywords

Mali, Mandé Charters, political patterns, hierarchy, equality, democracy, war

Plan

Texto completo


À la mémoire de Moussa Sow (1953-2021)


On se saisira de la contestation populaire née en juin 2020 au Mali et du coup d’État militaire du 18 août, pour tenter de cerner les modèles mobilisés par les acteurs sociaux afin de penser le politique dans une perspective transhistorique s’étendant de l’empire du Mali au Mali actuel. En effet, comme ailleurs, dans le monde arabo-musulman, on pleure la splendeur des califats et l’on s’efforce parfois de les faire ressurgir, des voix maliennes expriment la nostalgie des empires médiévaux du Ghana, du Mali et du Songhay et comparent douloureusement leur sort actuel avec la magnificence de ces grandes civilisations du passé. S’il ne fallait citer qu’un seul exemple de cette déploration et de ce sentiment de décadence, on pourrait se référer à l’article récent du sociologue Mohamed Amara :

« Un pays qui se souvient d’avoir été une grande puissance, celle des grands empires et des grands royaumes, mais qui ne se voit plus que comme un acteur de second plan. Un peuple qui a inventé la Charte du Mandé, et a donné naissance aux Manuscrits de Tombouctou, mais qui enrage de vivre entre les griffes du narco-terrorisme1. »

Ces modèles ne sont assurément pas les seuls qui peuvent être invoqués pour analyser les événements récents qui se sont produits au Mali et l’on pourrait citer, entre autres, les mouvements sénégalais Y’en a marre ou burkinabé Le Balai citoyen, voire ce que l’on a nommé le « printemps arabe ». Mais la référence aux modèles anciens du pouvoir, omniprésente dans le langage politique actuel, nous semble éminemment productive pour rendre compte de la symbolique du pouvoir dans ce pays.

Il s’agira donc d’appréhender ces anciens modèles et les concepts qu’ils véhiculent comme un référentiel, les éléments d’une philosophie politique non écrite qui renvoie de façon imaginaire non pas tant à des formations politiques ayant réellement existé par le passé qu’aux interprétations qui en ont été données. Cette philosophie politique implicite ou « alternative », comme on la désigne, est en quelque sorte l’équivalent de la déconstruction à laquelle se livre Michel Foucault dans « Il faut défendre la société » lorsqu’il met en avant la thématique de la « guerre des deux races », utilisée comme modèle pour interpréter l’histoire de France et celle d’Angleterre et contrer la philosophie politique classique de Hobbes, Locke ou Rousseau2.


Dans le cas du Mali, ces modèles, ces principes ou ces schèmes politiques semblent être au nombre de deux. Le modèle hiérarchique tout d’abord, le modèle égalitaire ou « démocratique » en second lieu, tous deux se conjoignant en définitive dans le cadre d’un modèle guerrier.

Le modèle hiérarchique

C’est celui de la Charte de Kurugan Fuga, instauré par Sunjata Keita, fondateur de l’empire du Mali au xiiie siècle, un modèle qui consacre l’existence d’une hiérarchie de castes, de clans ou de lignages liés par des pactes politiques ou ce que les anthropologues nomment des « parentés à plaisanterie » (senankuya).

Ce modèle hiérarchique entérine l’existence d’une société reposant fondamentalement sur l’opposition entre des nobles, guerriers ou hommes libres (tuntigi, horon) et des esclaves (jon), les « castés » (nyamakalaw) et les marabouts (mori) ne représentant qu’une catégorie dérivée de cette opposition fondamentale. Cependant celle des esclaves (jon) ne figure pas explicitement dans les statuts qui ont été répertoriés par différents auteurs. On peut d’ailleurs le comprendre, puisqu’il ne s’agit pas de citoyens à part entière et que, par conséquent, il n’y a pas lieu d’en tenir compte. On y trouve, en revanche, la catégorie de tuntanjonniwooro, qui rassemble les seize groupes de « captifs nobles », dont on ne sait pas exactement ce qu’ils sont, mais dont on peut penser qu’il s’agit de l’équivalent des tonjon (littéralement, les « esclaves de l’association ») du royaume de Ségou, voire des sofa (les « pères des chevaux ») de Samori3.

Ce modèle hiérarchique est présent dans toutes les formations politiques qu’a connues le territoire du Mali actuel : l’empire du Ghana, du Mali, du Sonraï, le royaume de Ségou, l’empire peul du Macina, ceux d’El-Hadj Omar et de Samori.

En langue bambara, les principes directeurs inégalitaires de ces formations politiques sont ceux du fanga, de la force brutale, de la guerre, du mara (la souveraineté) et de la mansaya (la royauté). Mais le principe du fanga a revêtu également une autre forme, celui des conquêtes musulmanes ou du djihad, que l’on trouve à l’origine de l’émergence d’empires comme ceux du Macina, d’El-Hadj Omar ou de Samori4. De sorte que le djihad, pour paraphraser Clausewitz, pourrait être la continuation du fanga, mais par d’autres moyens, en ce qu’il permet de s’imposer à des populations qui, bien que musulmanes, ne le sont pas, ou pas suffisamment aux yeux des conquérants.

Le fanga, qui suppose l’extorsion, le pillage et la guerre, est bien symbolisé par le mythe du serpent associé à ce type de pouvoir. Saaba (littéralement, « grand serpent ») est ainsi le héros de la geste des Jakite Saabashi, lignage implanté au Wasolon, dans la partie méridionale du Mali actuel. Dans cette épopée, il est présenté comme un serpent qui s’enroule autour des villages et s’approprie leur contenu5.

Wagadu Bida est ce serpent mythique à qui l’on sacrifie régulièrement une vierge et qui sert, selon la légende, à désigner le futur souverain. Cependant, dans le mythe, il advient une certaine année que la jeune fille qui doit être sacrifiée est sauvée par son fiancé, lequel tue le serpent6.

On retrouve ce mythe de Wagadu Bida, sous une forme transformée, dans les années 1970-1980 avec Moussa Traoré, comme on le verra par la suite.

Dans ce type de formation politique, le roi ou l’empereur exerce un pouvoir absolu sur ces sujets, il dresse les chefferies périphériques les unes contre les autres ou réduit leurs membres en esclavage7. Comme modèle hiérarchique, l’esclavage occupe donc une place centrale dans ces formations politiques à la fois en tant que mode de production et de structuration de l’espace social. Cela apparaît dans le cas du royaume de Ségou, avec la dynastie des Jara, elle-même servile, ce qui rapproche cette formation politique des Mamluks de l’Empire ottoman ou de la formation d’un corps administratif « noir » sous le règne du sultan marocain Moulay Ismaïl (fin xviie-début xviiie siècle), dont le statut ressortit également à l’esclavage. Ce modèle, comme on le verra, se perpétue aujourd’hui dans la région de Kayes, en pays soninké, ainsi que dans les foyers de travailleurs immigrés en France8.

Même si les Français abolissent l’esclavage après la conquête, en 1905, celui-ci subsiste sous la forme du « travail forcé » auquel recourt notamment le colonisateur pour construire les routes, les ponts, les voies de chemins de fer et les grands aménagements agricoles comme l’Office du Niger9. Ces travailleurs forcés sont bien souvent, comme le montre Albert Londres, d’anciens esclaves10.

Pendant toute la période coloniale prévaut donc un principe hiérarchique fondant la domination absolue des administrateurs coloniaux français sur les « indigènes », lesquels ne jouissent pas de la citoyenneté, ce qui rappelle la condition des esclaves dans les formations politiques anciennes. En effet, ils n’étaient pas bolontigiw, « maîtres du vestibule », lieu par excellence du politique, dans ces sociétés, puisqu’il est celui où l’on reçoit l’étranger et où s’exerce la fonction politique fondamentalement liée à cet accueil.

Cette situation où prévaut l’indigénat ne cesse qu’après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, avec l’abolition du travail forcé, l’accession à la citoyenneté des « indigènes » du Soudan, les premières élections et la naissance des partis politiques.

La victoire de l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US-RDA) en 1957, l’éclatement de la Fédération du Mali et l’indépendance du Mali en 1960, suivis de l’instauration d’un régime socialiste par Modibo Keita, consacrent la perpétuation d’un principe hiérarchique, non pas tant sous la forme d’une « dictature du prolétariat » inspirée des pays socialistes que sous celle d’une dictature nationaliste exercée sur l’ensemble du peuple malien. Le président du Mali est perçu et présenté (par le griot Bazumana Sissoko, notamment) comme l’héritier ou le descendant de Sunjata Keita, fondateur de l’empire du Mali qui donne son nom au nouvel État indépendant.

Les opposants à l’US-RDA et au nouveau régime malien font les frais de ce régime dictatorial : Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré, du Parti soudanais du progrès (PSP) sont arrêtés et disparaissent dans des conditions mystérieuses11. Le pouvoir est rapidement vu comme oppresseur, non seulement par les couches privilégiées (commerçants) qui pâtissent de l’économie dirigée et de la création d’un franc malien inconvertible en 1962, mais aussi sur le plan des mœurs (la milice interdit aux jeunes filles de porter des jupes courtes). Des révoltes paysannes se produisent également (Ouéléssébougou, juin 1968) en raison de la volonté d’introduire les Comités révolutionnaires de base, sorte de soviets, et les champs collectifs, qui rappellent les champs de Samori ou le « champ du commandant » de la période coloniale. Le pouvoir est vu par les paysans comme un singe fou qui erre de par le pays et se cogne contre les cases12.

La faiblesse du régime et l’hostilité de la France entraînent le coup d’État militaire de Moussa Traoré en novembre 1968. Dans l’iconographie de l’époque, le mythe du Wagadu Bida est repris sous une forme transformée. Le général Moussa Traoré est représenté en saint Georges ou saint Michel terrassant le dragon Modibo Keita, que la légende décrit comme « l’ennemi du peuple13 ».

Modibo Keita est finalement arrêté et finit ses jours en détention, en 1977, dans des circonstances suspectes. Le Comité militaire de libération nationale (CMLN) de Moussa Traoré instaure alors un pouvoir tout aussi dictatorial que le précédent, mais en outre profondément corrompu. Son épouse, Mariam Sissoko, est particulièrement fustigée par la population, qui la décrit comme étant « dans toutes les sauces14 ». La corruption, ou plutôt le prélèvement suivi d’une redistribution, est le propre d’un pouvoir hiérarchique et guerrier. Elle agit comme une pompe aspirante et refoulante qui fonde la constitution de réseaux de clientèle au Mali. À cette époque, et peut-être encore de nos jours, être pauvre (fantan) au Mali, c’est ne connaître personne, ne disposer d’aucun pouvoir15. Mais, il faut noter que la corruption n’est pas condamnée en tant que telle, ce sont ses excès qui sont dénoncés. L’idée est qu’il faut en laisser pour les autres de façon à assurer, ce que j’ai appelé, une « rotation prédatrice16 ».

Moussa Traoré est ainsi vu comme le détenteur d’un pouvoir guerrier et il est célébré comme le descendant de Tiramagan Traoré, l’un des généraux de Sunjata. Il incarne parfaitement le modèle hiérarchique à travers le parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), qu’il met en place en 1978 lorsqu’il se débarrasse de ses rivaux, et en particulier du redoutable Tiécoro Bagayogo, son directeur de la Sûreté nationale et des services secrets, qui mène une répression de fer contre ses opposants.

Il est mis fin au pouvoir despotique de Moussa Traoré en 1991, à la suite d’une série de grèves et de manifestations étudiantes qui font 200 morts et du coup d’État militaire entrepris par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré17. Est alors mis en place le Comité de transition pour le salut du peuple (ce qui évoque le Comité national de salut du peuple de la junte actuelle), Amadou Toumani Touré devenant président de la transition. Ce dernier organise les élections présidentielles et législatives de 1992, à l’issue desquelles il remet le pouvoir à Alpha Oumar Konaré. « ATT », comme on le désigne familièrement, est présenté – et se présente lui-même – comme le « soldat de la démocratie18 ». La période démocratique qui s’ouvre alors est donc issue en dernier ressort d’un coup d’État militaire et elle est le résultat d’un accord entre Alpha Oumar Konaré et ATT, mais aussi, sans doute, entre le parti de Moussa Traoré, l’UDPM et l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) d’Alpha Oumar Konaré, les deux hommes étant liés, puisque celui-ci a été le ministre de la Jeunesse, des Arts, de la Culture et des Sports du premier en 1978.

Si les pouvoirs de Modibo Keita et de Moussa Traoré étaient tous deux à des titres divers hiérarchiques et despotiques, celui d’Alpha Oumar Konaré apparaît de nature différente. Konaré est vu non comme un dictateur ou un guerrier, un possesseur de fanga (force brutale), mais comme un homme de savoir, un enseignant (karamoko). Le caractère démocratique de son pouvoir tient donc en quelque sorte à ses deux parrains : Moussa Traoré et ATT, et c’est dans l’interstice entre ces deux hommes qu’il a pu l’exercer. Pendant toute la période démocratique (1992-2012), on assistera à la patrimonialisation progressive de la Charte de Kurugan Fuga et de l’empire du Mali, à la fois par l’Unesco et par le pouvoir malien, qui fait édifier à Bamako une statue représentant Sogolon, la mère de Sunjata, ainsi que d’autres monuments renvoyant à la geste du fondateur de l’empire du Mali. Un des sous-produits de cette charte sera la mise en avant des « parentés à plaisanterie » (senankuya) comme élément d’un « peace making » à l’africaine, destiné à harmoniser les relations « intercommunautaires » au sein de la société malienne, ainsi qu’à fournir aux grandes puissances et aux organisations internationales un modèle alternatif aux conflits « interethniques » qui déchirent le continent africain (Rwanda). De même, est instaurée au cours des mandats d’Alpha Oumar Konaré, à partir de 1993, une politique de décentralisation qui consiste à mettre en place des « communautés rurales », de façon à « ramener le pouvoir à la maison » (ka mara la segin so)19. Mais cette politique, loin d’éliminer les maux dont étaient responsables les divers pouvoirs qui s’étaient succédé depuis la chute de Modibo Keita, a entraîné au contraire, en lien avec la démocratisation et la privatisation des entreprises d’État, une explosion de la corruption20.


La succession d’Alpha Oumar Konaré et la passation du pouvoir à ATT, entérinée par l’élection présidentielle de 2002, signifient donc le retour d’un militaire à la tête de l’État, même si ce retour s’effectue sous le signe de la démocratie. Pendant la durée de son mandat, de 2002 à 2012, ATT instaure un « gouvernement du consensus » qui s’inspire largement de la Charte de Kurukan Fuga, de la priorité que Sunjata Keita était censé avoir accordée à la délibération collégiale, priorité qui sera interprétée comme une « stratégie d’assimilation réciproque des élites » et une redistribution des prébendes de l’État entre toutes les forces politiques du Mali21. Cette perspective se matérialise par la construction, en 2010, d’un monument dédié à cette charte en un lieu situé à quelques dizaines de kilomètres de Bamako, où elle est censée avoir été édictée22.

Mais le tropisme hiérarchique et guerrier du pouvoir malien, ou tout du moins de l’une de ses composantes, reprendra le dessus avec le coup d’État militaire entrepris par le capitaine Amadou Haya Sanogo le 22 mars 2012. Sanogo devient alors président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) et chef de l’État. Dans l’incapacité de s’emparer durablement du pouvoir, il est obligé de céder la place à Dioncounda Traoré, qui devient un temps président et fait officiellement appel à François Hollande pour que ce dernier envoie l’armée française délivrer le nord-est du Mali de l’emprise des djihadistes.

À la suite de l’intervention militaire Serval, qui a lieu en 2013, le pouvoir revient de nouveau pendant une longue période à un président civil, en la personne d’Ibrahim Boubacar Keita, familièrement nommé « IBK ». Celui-ci, élu triomphalement, est présenté comme le kankelitigi (« l’homme qui n’a qu’une parole ») et le Manden Mansa, le souverain du Mandé23. Mais il déçoit rapidement les espoirs qui ont été placés en lui et instaure de fait un pouvoir dictatorial et corrompu dans lequel la Sécurité d’État joue un rôle majeur. Comme sous Moussa Traoré, la corruption tourne essentiellement autour de sa famille et notamment de son fils, Karim Keita, dont l’image, dans les deux sens du terme (il apparaît sur des vidéos qui sont presque des sextapes), désastreuse, sera pour beaucoup dans la chute du régime. Après sa réélection, en 2018, dans des circonstances plus difficiles, son autorité ne cesse de s’effriter et d’être en butte à des contestations de tous ordres, notamment de la part de la coalition hétéroclite Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Il doit finalement quitter le pouvoir à la suite du coup d’État du 18 août 2020, mené par une junte qui prend le nom de Comité national pour le salut du peuple (titre qui rappelle le Comité de transition pour le salut du peuple d’ATT) et qui a à sa tête le colonel-major des forces spéciales Assimi Goita. Depuis le 18 août 2020, cette junte, en dépit de tensions internes, ne cesse de consolider son pouvoir en procédant à des nominations au sein de la hiérarchie militaire et de certaines entreprises comme Aéroports du Mali. Elle souhaite que ses membres soient rapidement promus au rang de généraux de brigade et elle s’est également opposée à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui voulait que la phase de transition soit la plus courte possible et soit dirigée par des civils. En définitive, le poste de président de la transition revient à un militaire à la retraite, Bah N’Daw, autrefois proche de Moussa Traoré, tandis que celui de vice-président est attribué au chef de la junte, Assimi Goita. Au poste de Premier ministre est nommé un personnage de second plan, Moctar Ouane, un technocrate de soixante-cinq ans, héritier des régimes précédents, ministre sous ATT, qui a sans doute été mis là par la junte pour écarter le M5-RFP et ne pas faire de vagues. La composition du gouvernement, dans lequel les militaires s’arrogent les postes-clés, ne laisse transparaître à première vue aucune rupture sensible avec le régime précédent, ce qui autorise le M5-RFP à qualifier le pouvoir de la junte de « régime IBK sans IBK », estimant qu’il s’est fait, selon l’expression en vogue au Mali, « dribbler » par elle, ne serait-ce que parce qu’elle a fait voler en éclats ce mouvement24. Enfin le Conseil national de la transition (CNT) fait la part belle aux militaires (vingt-deux membres) alors que le M5-RFP ne s’en voit accorder que huit, provoquant l’appel à la résistance de ce dernier ainsi que l’hostilité de la classe politique dans son ensemble. Même si les dates du référendum destiné à modifier la constitution ainsi qu’à assurer le retour des civils au pouvoir et celles des élections présidentielle et législative sont désormais fixées, la junte consolide son pouvoir. Les militaires se taillent en effet la part du lion dans le renouvellement des gouverneurs de région, des ambassadeurs, et il est même envisagé de nommer des militaires préfets et sous-préfets en lieu et place de civils25. Logiquement, le poste de président du CNT revient également à un membre de la junte : le colonel Malick Diaw, dont les qualités de guerrier ont immédiatement été mises en avant, par plusieurs commentateurs26.

Au début, la junte a bénéficié d’une certaine popularité auprès de la population, qui était lasse de la classe politique. Elle l’a mise à profit en accentuant son pouvoir guerrier : l’une de ses premières visites a été pour Moussa Traoré, juste avant que celui-ci ne disparaisse et que des funérailles nationales ne lui soient faites. De même, le putschiste Amadou Haya Sanogo, qui vient d’être amnistié, a été accueilli avec les honneurs à la cérémonie du 22 septembre commémorant l’indépendance du Mali, sans doute en raison de ses liens avec Malick Diaw, le nouveau président du CNT27. Certains des membres de la junte ont également rendu visite à la famille de Modibo Keita, mais pas à Alpha Oumar Konaré, en dépit de la filiation revendiquée de ce dernier avec le premier président du Mali indépendant28. Des funérailles nationales été accordées à ATT.

Dans sa lettre ouverte au CNSP, l’épouse de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, l’historienne Adam Ba Konaré, tout en prenant ses distances avec IBK, qui fut le Premier ministre de son mari, n’entend pas idéaliser le pouvoir civil et fait l’éloge de la junte, montrant ainsi la profonde connivence entre les deux types de pouvoir qui se sont succédé à la tête du pays depuis l’indépendance. Elle exalte ainsi les guerriers qui ont tant fait pour la gloire du Mali à travers les siècles :

« L’armée est le cœur à la fois perturbateur et régulateur du pouvoir. Et par une ironie du sort, plus l’exécutif, assuré de l’avoir avec lui, verrouille ses portes, plus l’armée, impromptu, les déverrouille sur ses arrières ou dans l’épicentre de son dispositif. Est-il opportun de souligner que tous ces héros sublimés à travers leur épopée, devenue notre épopée nationale, sont des seigneurs de guerre ? Tous sans exception ont arraché le pouvoir, qui avec des flèches et des arcs, qui avec des épées et des sabres, qui avec des fusils, des révolvers, des mousquetons d’artillerie, qui avec des canons. Peu importe que leurs actions fussent habillées de discours justificatifs : libération des peuples du joug de l’esclavage, de l’idolâtrie, de l’arbitraire, de la colonisation, de la dictature des potentats de tout acabit. Tous ont été et restent des “sauveurs”, “suprêmes”, pour la plupart d’entre eux29. »

Comme s’il avait entendu le discours d’Adam Ba Konaré, le vice-président Assimi Goita a voulu faire un geste symbolique fort. Ainsi s’est-il empressé de se comporter en chef de guerre et de prendre la tête de ses troupes pour voler au secours des habitants de Farabougou, menacés par des djihadistes30.

Adam Ba Konaré se garde bien par ailleurs d’évoquer les seigneurs de la guerre actuels comme le chef de l’association dogon Dan Na Ambassagou, Youssouf Toloba, mais son envolée établit un lien avec le modèle égalitaire puisqu’elle fait de certains guerriers (Sunjata peut-être ?) des héros qui ont libéré les populations du Mali de l’esclavage – tout comme d’autres commentateurs, on l’a vu à propos d’Amadou Toumani Touré, mettent en avant le fait que le fondateur de l’empire du Mali a voulu instaurer un pouvoir reposant sur une délibération collégiale31. Dans le même sens, des universitaires maliens regroupés au sein du « Haut Conseil des collectivités » ont estimé qu’il fallait modifier la Constitution de 1992, adoptée après le renversement de Moussa Traoré, et s’orienter vers une nouvelle version made in Mali, s’inspirant de la Charte de Kurukan Fuga, sans que l’on sache exactement si c’est l’aspect hiérarchique ou égalitaire qui prévaudrait dans cette nouvelle mouture32.

Le modèle égalitaire

Le modèle égalitaire est tout d’abord fondé sur le refus du principe hiérarchique symbolisé par l’esclavage. S’il ne s’agit pas de porter un jugement sur la réalité supposée de faits présentés comme historiques et qui viennent à l’appui de ce second modèle, il importe en revanche de noter que les mêmes sources orales permettent d’avancer aussi bien l’idée d’un modèle hiérarchique que celui d’un modèle égalitaire.

Wa Kamissoko et Youssouf Tata Cissé, présentent ainsi Sumanguru Kanté, souverain de l’empire du Sosso, antérieur à celui du Mali, sous les traits d’un empereur esclavagiste, par opposition à Sunjata, qui parvient à le vaincre et supprime alors l’esclavage33. C’est le contraire pour Souleymane Kanté, l’inventeur du N’ko, pour lequel Sumanguru supprime l’esclavage, institution qui est partiellement rétablie par Sunjata34.

Youssouf Tata Cissé poursuit dans cette voie anti-esclavagiste, avec le « Serment des chasseurs », où est affirmé le principe antihiérarchique et anti-esclavagiste selon lequel « toute vie en vaut une autre »35.

Il se produit ensuite, comme l’a montré Anne Doquet, un télescopage de la Charte de Kurukan Fuga avec le Serment des chasseurs, ces deux chartes étant posées comme équivalentes, voire antérieures à la Magna Carta, à l’Habeas corpus, au Bill of Rights américain ou à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen36.

Sont ainsi mises en avant l’existence de l’individu dans les cultures africaines (Souleymane Bachir Diagne) et, dans une veine afrocentriste, l’antériorité de l’émergence des droits de l’individu en Afrique37.

Les assemblées délibératives (gbara pour Souleymane Kanté38) ou la « constitution » pour le jeli39 Mamadou Kouyaté, co-auteur avec Djibril Tamsir Niane de Soundjata ou l’Épopée mandingue, ainsi que les confréries de chasseurs fournissent donc un modèle d’égalité et de démocratie pour un certain nombre d’auteurs (Youssouf Tata Cissé, Claude Meillassoux, Annik Thoyer-Rozat, Fodé Moussa Sidibé40). Elles trouvent un relais sur le plan politique avec la « Rencontre internationale des chasseurs d’Afrique de l’Ouest » organisée en 2000-2001 par Pascal Baba Coulibaly, le ministre de la Culture d’Alpha Oumar Konaré, ainsi qu’avec l’édification au cœur de Bamako, dans le quartier de Niaréla, de la statue des divinités tutélaires de la chasse Kontoro et Saané41.


Selon diverses voix maliennes, la Charte du Mandé, sous sa forme hiérarchique ou égalitaire, serait un modèle alternatif, concurrent de la conception occidentale de la démocratie.

Pour Coumba Makalou Kéita (consultante internationale) :

« La démocratie est la voix du peuple, mais c’est aussi au peuple impliqué de définir les principes démocratiques qui sont conformes aux besoins de leur patrie. Nous ne devons pas suivre la France et son modèle nécessairement. Nous pouvons et devons créer et instaurer le modèle malien selon nos principes et besoins juste comme nos ancêtres l’ont fait avec la Charte de Kurukan Fuga en 123642. »

Derrière ces propos, réside sans doute une idée d’autochtonie puisque le pouvoir guerrier et coercitif est vu comme émanant de l’extérieur. Dans cette optique, le pouvoir est considéré comme étant l’œuvre d’étrangers s’imposant aux autochtones, par exemple, dans la conjoncture des affrontements « intercommunautaires actuels », de Peuls étrangers et djihadistes s’imposant aux Dogons autochtones, en particulier aux chasseurs dogons. Mais l’idée d’autochtonie est également dirigée contre la France qui est sommée de « dégager » par l’association Yerewolo Debout sur les Remparts, yerewolo étant traduit par « les dignes fils du pays », mais signifiant également « natifs », « autochtones », « Maliens de souche », en quelque sorte43. Dans la même veine, le thème de l’autochtonie, largement imaginaire, peut être également vu comme un rempart contre l’État, comme chez Michel Izard à propos des autochtones segmentaires du pays mossi, ce qui reprend une idée qu’on trouve également chez Evans-Pritchard et Fortes, puis ultérieurement dans l’anthropologie anarchiste de Pierre Clastres44.

L’image des chasseurs « démocrates » porteurs d’une idéologie égalitaire est donc particulièrement forte au Mali même s’il ne s’agit que de milices et si certains de leurs leaders ne sont en réalité que des « seigneurs de la guerre », à l’instar de Youssouf Toloba, leader de la milice dogon Dan Na Ambassagou. En effet, plutôt qu’à la chasse au gibier, qui se fait rare, voire inexistant, c’est à la chasse à l’homme que se consacrent ces associations qui n’ont plus rien à voir avec leurs devancières. Dès lors, prévaut la figure du milicien armé de Kalachnikovs, qui se substitue à l’ancien chasseur vêtu d’une tunique couverte de gris-gris et porteur d’un fusil indigène (farafin marfa).

Dans une veine différente mais complémentaire, le chasseur fait partie d’une mythologie du pouvoir politique qui se présente comme une « histoire du peuplement ». Le récit type est celui du chasseur qui au cours de ses pérégrinations parvient dans un lieu donné, s’y installe et fait souche en épousant une fille du cru. Cette représentation du chasseur comme fondateur de formations politiques dissimule le rapport de forces fondamental qui est au principe de la création de chefferies ou d’États.

Enfin, la thématique de la démocratie égalitaire est présente dans l’institution de la désignation du chef de chasse, et conséquemment du détenteur du pouvoir politique, par le tirage au sort au moyen du système des bâtonnets et de la divination. Ce système est celui qui est utilisé pour désigner Sunjata comme chef de guerre lorsque le Mandé doit résister à l’entreprise destructrice de Sumanguru45.

Dans le même sens, Alexis Roy rappelle que c’est tout au long du xxe siècle qu’on entend au Mali des discours de dominants « qui mettent en avant l’idée que la société malienne serait unitaire, homogène et consensuelle46 ». Cette idée rejoint celle des vertus de la palabre, célébrées par certains anthropologues occidentaux ou maliens, qui mettent en avant le fait qu’au sein de la démocratie villageoise, le chef recueille la parole de tous les chefs de lignage avant de prendre sa décision47.


Ce modèle démocratique et cynégétique est très présent dans la représentation politique contemporaine au Mali. Le putschiste Amadou Sanogo enregistre par exemple un communiqué, diffusé à la télévision nationale le 23 mars 2012, le lendemain du coup d’État, pour démentir l’annonce d’une contre-offensive des bérets rouges et celle de sa mort48. Il y apparaît portant une tunique, signe de son appartenance à la confrérie des chasseurs, un bâton de pouvoir en main49. De même, Gossi Niakaté, chef des chasseurs, déclare le 25 novembre 2012 que les donsos (« chasseurs ») se tiennent aux côtés de l’armée dans le combat pour la reconquête du Nord. Il invite d’ailleurs ses pairs à se présenter dès qu’ils seront appelés. De son côté, le lieutenant Seydou Diakité, représentant du CNRDRE, indique qu’« Amadou Haya Sanogo veut reconquérir le Nord » et « qu’il compte sur les chasseurs et l’armée »50.

Ainsi, l’appartenance affichée du capitaine Sanogo, muni d’un bâton-sceptre mystique symbolisant son pouvoir, à la confrérie des chasseurs, tout comme l’image de militaire volontariste que lui confère l’initiative du coup d’État de 2012, motivent les rapprochements enthousiastes qu’établissent certains avec les héros légendaires (Sunjata Keita, Sumanguru Kanté) ou contemporains51.

L’idéologie des chartes du Mandé, c’est-à-dire de la synthèse entre la Charte de Kurukan Fuga et le Serment des chasseurs est donc une idéologie dominante, celle d’une partie de la couche ou de la classe dominante malienne, même si quelques voix s’élèvent en son sein contre son interprétation « féodale » et « ethnique »52. Pour autant, elle ne vaut pas seulement pour la partie méridionale du Mali ou la classe politique qui en est la représentante, puisqu’elle est également revendiquée par certains « nordistes » qui déclarent que leur ancêtres étaient présents à Kurugan Fuga53. Mais si elle est aussi celle de l’élite africaine dans son ensemble, qu’elle soit diasporique ou qu’elle vive dans son propre pays (Souleymane Bachir Diagne, Cheikh Hamidou Kane, Djibril Tamsir Niane, Abderrahmane Sissako54, etc.), elle va cependant à l’encontre des sentiments de Maliens qui se sentent opprimés et exploités, en particulier les « esclaves par ascendance » ainsi qu’on nomme les descendants d’esclaves de la région de Kayes, en pays soninké, dont certains rejoignent d’ailleurs la katiba Macina d’Hamadoun Kouffa55.

Ainsi pour Bamaké, un internaute dont le commentaire apparaît au bas d’un article du journal Le Pays publié en septembre 2020 sur le site Maliweb.net : « Cette ânerie d’esclavage n’existe plus nulle part dans ce xxie siècle, que chez nous. Et on n’arrête pas de nous raconter des “KURUKAN FUGA” et je ne sais quelle civilisation qui serait la plus en avance sur les autres56… »

Citons encore cet autre commentaire d’un lecteur, sur MaliJet, qui fait référence cette fois au caractère supposément émancipateur de la Charte de Kurugan Fuga :

« Une jeunesse aliénée et ignorante. Encore ces clivages obscurantistes entre “noble” et “esclave”. De Kurukanfuga (1236) ils n’en savent rien. Si ces jeunes abrutis faisaient de telles descentes “musclées” sur les dunes de sable de Kidal, probablement les griots de Bamako leur chanteraient leur “janjo” [hymne guerrier] à tue-tête au bonheur de récolter quelques chaussettes délavées. J’inviterais toutes ces familles “esclaves” de créer leur propre village au nom de Jonbugu [hameau de culture des esclaves] avec interdiction absolue aux puants “nobles” d’y mettre leurs pattes calleuses. Quel pays ce “Mali”. À chaque jour son lot de déchéances. Ce pays est vraiment foutu57. »

Ambiguïté de la hiérarchie et de l’égalité.


On se trouve ainsi placé devant une allégorie du roi membre d’une association de chasseurs et désigné « démocratiquement » pour porter le bâton du pouvoir (comme on l’a vu avec Amadou Haya Sanogo). Cette ambiguïté se retrouve dans la notion de ton, association soumise à des règles qui, si elles sont transgressées par leurs membres, donnent lieu à des amendes.

Les ton sont donc composés de pairs mais ils sont aussi le moyen d’instaurer un pouvoir d’État comme dans le cas des ton jon de Segou. Selon Claude Meillassoux, en effet, le ton Kulibali de Segou est à l’origine une association de chasseurs qui a grandi pour devenir une association de pillards dont le chef est désigné par tirage au sort. Il nomme cette institution, dans la ligne d’Engels, une « démocratie militaire ». On peut voir dans cette organisation politique, sans entrer dans les détails, l’amorce d’un pouvoir d’État qui, pour Meillassoux, n’advient qu’avec la dynastie des Jara58.

En définitive, les milices actuelles, qui sont utilisées par l’État, sont-elles autre chose que l’équivalent des ton jon d’autrefois ?

Le ton jon est donc une association de pairs, d’égaux, dotée d’un règlement, d’une constitution et vivant du pillage, analogue à une junte. Il y a donc combinaison dans le ton jon d’un principe égalitaire et d’un principe hiérarchique : égalité à l’intérieur, hiérarchie à l’extérieur.

Ainsi, il existe peut-être, tout au long de l’histoire du Mali, une sorte de philosophie politique profondément ambiguë, une sorte de référentiel dans lequel les acteurs et les commentateurs peuvent puiser, pour penser, commenter ou justifier tel ou tel geste politique, soit sur le mode hiérarchique, soit sur le mode égalitaire.

Cette ambiguïté profonde du pouvoir, telle qu’elle se manifeste dans le ton jon, conjugue une plasticité sociale, qui permet aux subalternes (esclaves, castés) de participer au pouvoir, en même temps qu’elle entraîne une suspicion généralisée à l’encontre des détenteurs de ce même pouvoir. En effet, un des éléments de la critique politique au Mali à trait à la basse extraction, réelle ou supposée, de certains présidents ou ministres. Ce soupçon a pesé par le passé sur Modibo Keita, Moussa Traoré et Ibrahim Boubacar Keita, auxquels certains prêtaient des ancêtres prestigieux quand d’autres les renvoyaient à une ascendance modeste, voire servile. Quant à Amadou Toumani Touré, on a mis en avant la caste à laquelle il appartenait. La suspicion ou l’assignation d’une origine servile ou castée est donc un moyen privilégié de dénigrer un personnage politique ou le patron auquel il est lié, comme dans le cas du tandem formé par Issa Kaou N’Djim et Mahmoud Dicko, le premier, un Djokaramé, apparaissant comme le client et le mauvais génie du second, présenté quant à lui comme un imam prestigieux, un Peul noble authentique et le leader moral du mouvement de contestation politique de ces derniers mois59.

Mais au-delà d’un aristocratisme proclamé, qui privilégie la noblesse des lignées, notamment à l’occasion des mariages, on voit que dans la réalité du jugement politique, c’est la qualité de guerrier qui prédomine et l’emporte toujours sur l’origine sociale. C’est ce qu’exprime bien Adam Ba Konaré dans sa lettre au CNSP où, en dépit de son ethos aristocratique de « princesse peule », elle ne peut s’empêcher de faire l’éloge, fût-ce pour des raisons purement tactiques, des « seigneurs de la guerre », ces reîtres qui ont fait et défait, à l’occasion de véritables coups d’État, les formations politiques du passé et qui ont donné à l’histoire de ce qui constitue aujourd’hui le Mali, une allure typiquement shakespearienne, pleine de bruit et de fureur60.

Cela ne veut pas dire pour autant que le Mali, tout comme l’Afrique, serait rétif à une démocratie de type occidental (comme le laissait entendre Jacques Chirac). Au-delà de l’injonction démocratique lancée par François Mitterrand en 1990, lors du sommet franco-africain de La Baule, on a pu voir éclore une interprétation malienne, ou tout du moins mandingue61, de la conception de la démocratie prévalant en Occident. En effet, c’est une conception malienne et sans doute panafricaine, voire universelle, de la démocratie qui a été créée de toute pièce, en se référant au modèle de la société de chasseurs, modèle dont on a pu voir avec les milices, issues de ces mêmes sociétés de chasseurs, qu’il n’était pas antinomique d’un principe hiérarchique.

(Bamako-Paris, janvier 2021.)

*

Post-scriptum

Le putsch réalisé le 24 mai 2021 par le vice-président et désormais président du Comité national de la transition, le colonel Assimi Goita, semble, à première vue, avoir fait vieillir le texte présenté ici, d’autant plus que le 1er juin 2021, l’ancien opposant et leader du M5-RFP, Choguel Maïga, a été nommé premier ministre. En réalité, au-delà de ce qui peut être vu comme un retournement de situation, c’est au contraire la continuité qui prévaut. En effet, Assimi Goita et ses proches ont contrôlé de bout en bout le processus de transition et se sont débarrassés du président Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane lorsqu’ils ont considéré que ces derniers n’étaient plus de fidèles exécutants. De même, le ralliement de Choguel Maïga n’est pas vraiment étonnant, si l’on considère que cet ancien du régime de Moussa Traoré ne faisait qu’attendre son heure. On prend les mêmes et on recommence ! Telle paraît être la formule qui résume le mieux l’histoire politique récente du Mali.

L’attaque au couteau perpétrée contre Assimi Goita lors de la prière de la Tabaski, le mardi 20 juillet 2021, a occasionné un commentaire significatif du premier ministre Choguel Maïga, qui n’a pas manqué de souligner que le président de la transition avait esquivé le coup de couteau de son agresseur grâce à ses qualités de militaire aguerri. Comme on peut le constater, la rhétorique du pouvoir guerrier a encore de belles heures devant elle au Mali.

La situation politique qui y prévaut actuellement (septembre 2021) est très incertaine. L’insécurité persistante sur une grande partie du territoire, le retrait partiel de l’armée française et l’hypothèse d’une intervention de mercenaires russes permettent à la junte d’envisager raisonnablement une prorogation de la période de transition. Le maintien de son pouvoir sur une portion restreinte du territoire est donc lié de façon ambiguë à cette insécurité. Celle-ci nécessite cependant une forme minimale de protection que ces soldats russes pourraient fournir en appoint de la force Barkhane. La junte va donc devoir mener un jeu serré en feignant de se plier aux injonctions de la CEDEAO et en se montrant discrète quant à l’intervention des Russes pour ne pas provoquer le départ des forces françaises et européennes. D’où la nécessité du soutien populaire que représentent les manifestations du mouvement « Yerewolo. Debout sur les remparts » et de leurs slogans violemment anti-français.

Jamais la rhétorique guerrière, fût-elle à usage essentiellement interne, n’a eu autant de poids au Mali.

1 AMARA Mohamed, « Décryptage : les règles du jeu de la démocratie » [En ligne], Bamada.net, 5 décembre 2020, URL : http://bamada.net/

2 FOUCAULT Michel, « Il faut défendre la société » : cours au Collège de France, Paris, Gallimard, Éd. du Seuil, 1997.

3 Cf. DIETERLEN Germaine, « Mythe et organisation sociale au Soudan français », Journal des africanistes, vol. 25, n° 1-2, 1955, p. 39-76, disponible

4 B Amadou Hampâté et DAGET Jacques, L’empire peul du Macina. Vol. 1, 1818-1853, Paris, La Haye, Mouton, 1962 ; ROBINSON David, La guerre sainte d’Al

5 AMSELLE Jean-Loup, DUNBYA Zumana, KUYATE Amadu et TABURE Mohamed, « Littérature orale et idéologie.  La geste des Jakite Sabashi du Ganan (Wasolon

6 MEILLASSOUX Claude, « Histoire et institutions du kafo de Bamako d’après la tradition des Niaré », Cahiers d’études africaines, vol. 4, n° 14, 1963

7 Sur les chefferies périphériques du royaume de Ségou, voir SOW Moussa, L’État de Ségou et ses chefferies aux xviiie et xixe siècles. Côté cour, côté

8 Cf. SY Yaya, « L’esclavage chez les Soninkés : du village à Paris », Journal des africanistes, vol. 70, n° 1-2, 2000, p. 43-69, et RODET Marie

9 Cf. MAGASA Amidu, Papa-Commandant a jeté un grand filet devant nous, Paris, F. Maspero, 1978.

10 LONDRES Albert, Terre d’ébène : la traite des Noirs, Paris, Albin Michel, 1929.

11 Leur cas vient d’être examiné par la commission Vérité, Justice et Réconciliation. Cf. AMAP, « Audience publique de la Commission vérité, justice

12 AMSELLE Jean-Loup, « La conscience paysanne : la révolte de Ouolossébougou (juin 1968, Mali) », Revue canadienne des études africaines, vol. 12, n°

13 Il faut noter que le mythe du Wagadu Bida est identique à celui de saint Georges datant du viie siècle. Dans cette légende chrétienne, saint

14 On retrouve ce mythe de la « mauvaise épouse » en Tunisie avec Leïla Trabelsi, l’épouse du dictateur Ben Ali.

15 Sur la notion de fantan, voir TRAORÉ N., TOURÉ D.B.I., COULIBALY T. et KONÉ Y. F., « La pauvreté au Mali : un regard socio-anthropologique »

16 AMSELLE Jean-Loup, entretien avec Olivier Pascal-Moussellard, Télérama, n° 3290, 2013.

17 Ce dernier est décédé le 20 novembre 2020.

18 PADONOU Oswald, « Mali : Amadou Toumani Touré, le “soldat de la démocratie” devenu général pacifiste », Jeune Afrique [En ligne], 12 novembre 2020

19 FAY Claude, KONÉ Yaouaga Félix et QUIMINAL Catherine (éds), Décentralisation et pouvoirs en Afrique : en contrepoint, modèles territoriaux français

20 KOUMBA Safounè, « Avec l’argent volé au peuple malien : les milliardaires des régimes AOK-ATT-IBK constituent une menace pour la démocratie

21 SAVANÉ Lamine, « Amadou Toumani Touré, trajectoire d’un général qui n’aimait pas la guerre » [En ligne], The Conversation, 18 novembre 2020, URL :

22 AMSELLE Jean-Loup, « L’Afrique a-t-elle “inventé” les droits de l’homme ? », Syllabus Review, vol. 2, n° 3, 2011, p. 446-463.

23 Sur tous les qualificatifs élogieux qui désignent IBK, voir TRAORÉ N’gna et SYLLA Almamy, « Les connexions entre le politique et le religieux : du

24 Cf. SYLLA Mohamed, « Le M5-RFP sonne la charge : non au “régime de IBK sans IBK” » [En ligne], article paru dans L’Aube, Maliweb.net, 26 octobre

25 Cf. « Mali : renouvellement très militarisé des gouverneurs de région » [En ligne], source : AFP, Bamada.net, 26 novembre 2020, URL : http://bamada

26 SIDIBÉ Massa, « Qui est le colonel Malick Diaw ? », L’Essor [En ligne], MaliJet, URL : http://malijet.com/actualite-politique-au-mali/

27 Cf. TOPONA Éric, « Mali : l’apparition publique d’Amadou Sanogo passe mal » [En ligne], site de la Deutsche Welle, 23 septembre 2020, URL : https:/

28 DE JORIO Rosa, « Narratives of the Nation and Democracy in Mali. A View from Modibo Keita’s Memorial », Cahiers d’études africaines [En ligne], n° 

29 BA KONARÉ Adam, « Lettre ouverte au CNSP, à la transition et au peuple du Mali » [En ligne], parue dans Le Républicain (Mali), Bamada.net, 29

30 Cf. « Opération Maliko théâtre centre secteur 5 (suite) : quand le vice-président de la transition vient au secours de Farabougou » [En ligne]

31 SAVANÉ Lamine, « Amadou Toumani Touré, trajectoire d’un général qui n’aimait pas la guerre », art. cit. La référence à Sunjata est également

32 DJIGUIBA Issa, « Résolution de la crise multidimensionnelle malienne : une Constitution “made in Mali” sollicitée ! » [En ligne], article paru dans

33 CISSÉ Youssouf Tata (dir.), KAMISSOKO Wâ, La grande geste du Mali. Tome 2, Soundjata, la gloire du Mali, Paris, Karthala, ARSAN, 2009.

34 AMSELLE Jean-Loup, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, op. cit..

35 La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, traduit par Youssouf Tata Cissé et Jean-Louis Sagot-Duvauroux, Paris, Albin Michel, 2003.

36 DOQUET Anne, « Efficacité et interchangeabilité des chartes », document manuscrit, « Le dessous des chartes : les chartes du Mande et de

37 Souleymane Bachir Diagne, dans DIAGNE Souleymane Bachir et AMSELLE Jean-Loup, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, Paris

38 AMSELLE Jean-Loup, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, op. cit.

39 C’est-à-dire le « griot ».

40 NIANE Djibril Tamsir, Soundjata ou l’Épopée mandingue, Paris, Présence africaine, 1960 ; CISSÉ Youssouf, « Note sur les sociétés de chasseurs

41 Cf. « La rencontre des chasseurs de l’Afrique de l’Ouest », entretien de Françoise Ligier avec Fodé Moussa Sidibé [En ligne], Africulture : les

42 BOLLY Moussa, « 60 ans après l’indépendance : le Mali sous la tempête des valeurs sacrifiées » [En ligne], article paru dans Le Matin, Bamada.net

43 DIAWARA Mahamadou, « La crise malienne et la politisation des catégories populaires » [En ligne], in BRUNET-JAILLY Joseph, CHARMES Jacques et

44 IZARD Michel, L’odyssée du pouvoir, un royaume africain : État, société, destin individuel, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 ; EVANS-PRITCHARD Edward et

45 CISSÉ Youssouf Tata, La grande geste du Mali. Des origines à la fondation de l’empire, des traditions de Krina aux colloques de Bamako, Paris

46 ROY Alexis, Histoire des représentations paysannes au Mali. Pouvoirs politiques et syndicaux et privatisation de la filière cotonnière, Thèse d’

47 AMSELLE Jean-Loup, L’anthropologue et le politique, ch. 1, « Le vote et la palabre », Fécamp, Lignes, 2012. Se reporter également aux propos de

48 Les « bérets rouges » sont les membres du 33e régiment de chasseurs parachutistes, fidèles au président Amadou Toumani Touré, qui se sont opposés

49 GAVELLE Julien, SIMÉANT-GERMANOS Johanna et TRAORÉ Laure, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre

50 DOUMBIA Sidiki, « Nord-Mali : les chasseurs traditionnels prêts à monter au front » [En ligne], Bamada.net, 25 novembre 2012, URL : http://bamada.

51 GAVELLE Julien, SIMÉANT-GERMANOS Johanna et TRAORÉ Laure, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre

52 Comme le rappelle Anne Doquet, « Efficacité et interchangeabilité des chartes », op. cit.

53 Exposé de ZANOLETTI Giovanni, « Le “djihad de la vache” : pastoralisme et formation de l’État au Mali », séminaire « Anthropologie et historicité :

54 Souleymane Bachir Diagne, dans DIAGNE Souleymane Bachir et AMSELLE Jean-Loup, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, op. cit ;

55 La katiba Macina d’Hamadoun Kouffa, liée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) dirigé par Iyad Ag Ghali, serait en train d’étendre

56 Commentaire de Bamaké (5 septembre 2020, à 10h52), au bas de l’article de Mama Paga, « Pour avoir refusé leur statut d’“esclave” : quatre personnes

57 Commentaire du 2 décembre 2019, au bas de la brève « Esclavage au Mali ! Des dizaines de familles victimes fuient Kérouané pour Diéma » [En ligne]

58 MEILLASSOUX Claude, « Histoire et institutions du kafo de Bamako d’après la tradition des Niaré », op. cit.

59 Les « Djokaramé » ou « Djawambé » sont les clients des Peuls, auxquels ils servaient de conseillers et de courtiers. On trouve actuellement parmi

60 Sur l’« aristocratisme » et la promotion des Peuls par Adam Ba Konaré pendant les mandats de son époux Alpha Oumar Konaré, voir DOUYON Denis, « Le

61 Même si elle a été revendiquée par des acteurs politiques comme ATT n’appartenant pas à cet univers.

Notas

1 AMARA Mohamed, « Décryptage : les règles du jeu de la démocratie » [En ligne], Bamada.net, 5 décembre 2020, URL : http://bamada.net/decryptage-les-regles-du-jeu-de-la-democratie.

2 FOUCAULT Michel, « Il faut défendre la société » : cours au Collège de France, Paris, Gallimard, Éd. du Seuil, 1997.

3 Cf. DIETERLEN Germaine, « Mythe et organisation sociale au Soudan français », Journal des africanistes, vol. 25, n° 1-2, 1955, p. 39-76, disponible en ligne sur Persée, URL : https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1955_num_25_1_1873 ; AMSELLE Jean-Loup, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001.

4 B Amadou Hampâté et DAGET Jacques, L’empire peul du Macina. Vol. 1, 1818-1853, Paris, La Haye, Mouton, 1962 ; ROBINSON David, La guerre sainte d’Al-Hajj Umar, Paris, Karthala, 1988 ; PERSON Yves, Samori. Une révolution dyula, 3 tomes, Dakar, IFAN, 1968, 1970, 1975.

5 AMSELLE Jean-Loup, DUNBYA Zumana, KUYATE Amadu et TABURE Mohamed, « Littérature orale et idéologie.  La geste des Jakite Sabashi du Ganan (Wasolon, Mali), Cahiers d’études africaines, vol. 19, n° 73-76, 1979, p. 381-433.

6 MEILLASSOUX Claude, « Histoire et institutions du kafo de Bamako d’après la tradition des Niaré », Cahiers d’études africaines, vol. 4, n° 14, 1963, p. 186-227.

7 Sur les chefferies périphériques du royaume de Ségou, voir SOW Moussa, L’État de Ségou et ses chefferies aux xviiie et xixe siècles. Côté cour, côté jardin, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2021.

8 Cf. SY Yaya, « L’esclavage chez les Soninkés : du village à Paris », Journal des africanistes, vol. 70, n° 1-2, 2000, p. 43-69, et RODET Marie, CAMARA Bakary PELCKMANS Lotte et DURST-LEE Leah, « Pourquoi l’“esclavage par ascendance” subsiste encore au Mali », The Conversation [En ligne], 11 mars 2021, URL : https://theconversation.com/pourquoi-l-esclavage-par-ascendance-subsiste-encore-au-mali-155226.

9 Cf. MAGASA Amidu, Papa-Commandant a jeté un grand filet devant nous, Paris, F. Maspero, 1978.

10 LONDRES Albert, Terre d’ébène : la traite des Noirs, Paris, Albin Michel, 1929.

11 Leur cas vient d’être examiné par la commission Vérité, Justice et Réconciliation. Cf. AMAP, « Audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation : pour la mémoire des victimes » [En ligne], 6 avril 2021, MaliJet, URL : http://malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/255089-audience-publique-de-la-commission-verite-justice-et-reconciliat.html.

12 AMSELLE Jean-Loup, « La conscience paysanne : la révolte de Ouolossébougou (juin 1968, Mali) », Revue canadienne des études africaines, vol. 12, n° 3, 1978, p. 339-355.

13 Il faut noter que le mythe du Wagadu Bida est identique à celui de saint Georges datant du viie siècle. Dans cette légende chrétienne, saint Georges apprivoise et tue un dragon qui réclame des sacrifices humains. Le saint sauve ainsi la princesse choisie comme prochaine offrande.

14 On retrouve ce mythe de la « mauvaise épouse » en Tunisie avec Leïla Trabelsi, l’épouse du dictateur Ben Ali.

15 Sur la notion de fantan, voir TRAORÉ N., TOURÉ D.B.I., COULIBALY T. et KONÉ Y. F., « La pauvreté au Mali : un regard socio-anthropologique », Études maliennes, n° 88, 2020, p. 100-122.

16 AMSELLE Jean-Loup, entretien avec Olivier Pascal-Moussellard, Télérama, n° 3290, 2013.

17 Ce dernier est décédé le 20 novembre 2020.

18 PADONOU Oswald, « Mali : Amadou Toumani Touré, le “soldat de la démocratie” devenu général pacifiste », Jeune Afrique [En ligne], 12 novembre 2020, URL : https://www.jeuneafrique.com/1073387/politique/mali-amadou-toumani-toure-le-soldat-de-la-democratie-devenu-general-pacifiste/.

19 FAY Claude, KONÉ Yaouaga Félix et QUIMINAL Catherine (éds), Décentralisation et pouvoirs en Afrique : en contrepoint, modèles territoriaux français, Paris, IRD, 2006.

20 KOUMBA Safounè, « Avec l’argent volé au peuple malien : les milliardaires des régimes AOK-ATT-IBK constituent une menace pour la démocratie malienne » [en ligne], source : L’Inter de Bamako, Bamada.net, URL : http://bamada.net/avec-largent-vole-au-peuple-malien-les-milliardaires-des-regimes-aok-att-ibk-constituent-une-menace-pour-la-democratie-malienne?fbclid=IwAR2osuZKWADC6LWA5ZWUlbuN2i0Mefu8V4QHRaF-0rFpRUZ3_ZFpSTgQBZA.

21 SAVANÉ Lamine, « Amadou Toumani Touré, trajectoire d’un général qui n’aimait pas la guerre » [En ligne], The Conversation, 18 novembre 2020, URL : https://theconversation.com/amadou-toumani-toure-trajectoire-dun-general-qui-naimait-pas-la-guerre-150218.

22 AMSELLE Jean-Loup, « L’Afrique a-t-elle “inventé” les droits de l’homme ? », Syllabus Review, vol. 2, n° 3, 2011, p. 446-463.

23 Sur tous les qualificatifs élogieux qui désignent IBK, voir TRAORÉ N’gna et SYLLA Almamy, « Les connexions entre le politique et le religieux : du “soft” politique à la formulation des consignes de vote » in HAGBERG Sten, KIBORA Ludovic O. et KÖRLING Gabriella (dir.), Démocratie par le bas et politique municipale au Sahel, Uppsala, Uppsala Universitet, 2019, p. 195-209. Le texte intégral de l’ouvrage est disponible en ligne sur DiVA, URL : https://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1263509&dswid=502.

24 Cf. SYLLA Mohamed, « Le M5-RFP sonne la charge : non au “régime de IBK sans IBK” » [En ligne], article paru dans L’Aube, Maliweb.net, 26 octobre 2020, URL : https://www.maliweb.net/societe/le-m5-rfp-sonne-la-charge-non-au-regime-de-ibk-sans-ibk-2901283.html. Selon certaines interprétations, Assimi Goita serait le neveu d’Alpha Oumar Konaré, tandis que Bah N’daw serait le cousin d’IBK, de sorte que ces deux anciens présidents continueraient de tirer les ficelles du pouvoir. Voir à ce sujet CISSÉ Fatou, « Transition politique au Mali : le Mali dans les mains du cousin d’un ancien président et du neveu d’un autre ancien président de la République » [En ligne], article paru dans L’Inter de Bamako, Bamako.com, 25 novembre 2020, URL : http://news.abamako.com/h/244071.html.

25 Cf. « Mali : renouvellement très militarisé des gouverneurs de région » [En ligne], source : AFP, Bamada.net, 26 novembre 2020, URL : http://bamada.net/mali-renouvellement-tres-militarise-des-gouverneurs-de-region?fbclid=IwAR0VFpHTUik9ogVtzyES7J3oOQtSOdxIY1-lzQhdFpUJocXC5k18tPzXQ6E.

26 SIDIBÉ Massa, « Qui est le colonel Malick Diaw ? », L’Essor [En ligne], MaliJet, URL : http://malijet.com/actualite-politique-au-mali/250773-qui-est-le-colonel-malick-diaw.html.

27 Cf. TOPONA Éric, « Mali : l’apparition publique d’Amadou Sanogo passe mal » [En ligne], site de la Deutsche Welle, 23 septembre 2020, URL : https://p.dw.com/p/3iuGI ; GUINDO Boureima, « Fin du procès Amadou Haya Sanogo : le président de la CNDH, Aguibou Bouaré, dénonce “l’impunité” » [En ligne], article paru dans Le Démocrate, 25 mars 2021, Maliweb.net, URL : https://www.maliweb.net/societe/justice/fin-du-proces-amadou-haya-sanogo-le-president-de-la-cndh-aguibou-bouare-denonce-limpunite-2922362.html.

28 DE JORIO Rosa, « Narratives of the Nation and Democracy in Mali. A View from Modibo Keita’s Memorial », Cahiers d’études africaines [En ligne], n° 172, 2003, p. 827-855, URL : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.1467.

29 BA KONARÉ Adam, « Lettre ouverte au CNSP, à la transition et au peuple du Mali » [En ligne], parue dans Le Républicain (Mali), Bamada.net, 29 septembre 2020, URL : http://bamada.net/lettre-ouverte-au-cnsp-a-la-transition-et-au-peuple-du-mali.

30 Cf. « Opération Maliko théâtre centre secteur 5 (suite) : quand le vice-président de la transition vient au secours de Farabougou » [En ligne], source : FAMa, Bamada.net, 23 octobre 2020, URL : http://bamada.net/operation-maliko-theatre-centre-secteur-5-suite-quand-le-vice-president-de-la-transition-vient-au-secours-de-farabougou.

31 SAVANÉ Lamine, « Amadou Toumani Touré, trajectoire d’un général qui n’aimait pas la guerre », art. cit. La référence à Sunjata est également présente dans l’appel lancé le 23 novembre 2020 par un certain nombre de personnalités exprimant leur déception à l’égard de la junte : « Malgré une écoute attentive, rien n’est jusqu’ici apparu dans les mots d’ordre ou les actions des Forces Armées et de leurs premiers responsables, qui nous indique qu’il s’agit là d’une priorité absolue. D’une certaine façon, la population attendait un héroïsme et une stratégie dignes d’un Soundjata Keita, mais n’a observé jusqu’ici qu’une timidité surprenante et de nouveaux reculs. Le trop long encerclement du village de Farabougou par des bandits terroristes au visage découvert, prolongé plusieurs semaines à la consternation générale, et dont l’épilogue est encore flou et incertain, est le témoignage le plus affligeant de cette évolution. Celle-ci est incompréhensible pour tous, et, si les justifications tactiques existent, leur présentation fait encore défaut. » (« Signature d’un appel sur la transition : plusieurs acteurs doutent de la sincérité des putschistes » [En ligne], paru dans Le Combat, Bamada.net, 23 novembre 2020, URL : http://bamada.net/signature-dun-appel-sur-la-transition-plusieurs-acteurs-doutent-de-la-sincerite-des-putschistes.)

32 DJIGUIBA Issa, « Résolution de la crise multidimensionnelle malienne : une Constitution “made in Mali” sollicitée ! » [En ligne], article paru dans Le Pays, Maliactu.net, 27 novembre 2020, URL : https://maliactu.net/mali-resolution-de-la-crise-multidimensionnelle-malienne-une-constitution-made-in-mali-sollicitee/.

33 CISSÉ Youssouf Tata (dir.), KAMISSOKO Wâ, La grande geste du Mali. Tome 2, Soundjata, la gloire du Mali, Paris, Karthala, ARSAN, 2009.

34 AMSELLE Jean-Loup, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, op. cit..

35 La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, traduit par Youssouf Tata Cissé et Jean-Louis Sagot-Duvauroux, Paris, Albin Michel, 2003.

36 DOQUET Anne, « Efficacité et interchangeabilité des chartes », document manuscrit, « Le dessous des chartes : les chartes du Mande et de Kouroukanfouga en concurrence », exposé au séminaire « Anthropologie et historicité. Le Sahel à l’envers », EHESS, séance du 9 février 2018.

37 Souleymane Bachir Diagne, dans DIAGNE Souleymane Bachir et AMSELLE Jean-Loup, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, Paris, Albin Michel, 2018, p. 277 sq.

38 AMSELLE Jean-Loup, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, op. cit.

39 C’est-à-dire le « griot ».

40 NIANE Djibril Tamsir, Soundjata ou l’Épopée mandingue, Paris, Présence africaine, 1960 ; CISSÉ Youssouf, « Note sur les sociétés de chasseurs malinké », Journal des africanistes, vol. 34, n° 2, 1964, p. 175-226 ; MEILLASSOUX Claude, « Recherche d’un niveau de détermination dans la société cynégétique », L’Homme et la Société, n° 6, 1967, p. 95-106. Voir également, THOYER-ROZAT Annik (éd.), JARA Mamadu, SAMAKÈ Ndugacè et KAMARA Seyidou, Chants de chasseurs du Mali, Paris, A. Thoyer-Rozat, 1978, et l’intervention de Fodé Moussa Sidibé, disciple de Youssouf Tata Cissé à la table ronde sur « Les chartes du Mandé » de la Rentrée littéraire du Mali (17 mars 2021).

41 Cf. « La rencontre des chasseurs de l’Afrique de l’Ouest », entretien de Françoise Ligier avec Fodé Moussa Sidibé [En ligne], Africulture : les mondes en relation, 30 novembre 2000, URL : http://africultures.com/la-rencontre-des-chasseurs-de-lafrique-de-louest-1637/ ; CISSÉ Youssouf Tata, « Le mythe des divinités tutélaires de la chasse : Sanènè et Kòntròn » [En ligne], Africulture : les mondes en relation, 30 novembre 2000, URL : http://africultures.com/le-mythe-des-divinites-tutelaires-de-la-chasse-sanene-et-kontron-1627/. Sur l’éloignement des idées de Y. T. Cissé vis-à-vis de la réalité des sociétés de chasseurs, voire l’exposé de Agnieszka Kedzierska Manzon sur les sociétés de chasseurs du Mali, dans le cadre de l’association Les Amis du Mali, 17 décembre 2020.

42 BOLLY Moussa, « 60 ans après l’indépendance : le Mali sous la tempête des valeurs sacrifiées » [En ligne], article paru dans Le Matin, Bamada.net, 23 septembre 2020, URL : http://bamada.net/60-ans-apres-lindependance-le-mali-sous-la-tempete-des-valeurs-sacrifiees.

43 DIAWARA Mahamadou, « La crise malienne et la politisation des catégories populaires » [En ligne], in BRUNET-JAILLY Joseph, CHARMES Jacques et KONATÉ Doulaye (dir.), Le Mali contemporain, Marseille, IRD, 2014, p. 89-115, URL : https://doi.org/10.4000/books.irdeditions.21107. « Debout sur les remparts » fait référence à l’hymne national malien.

44 IZARD Michel, L’odyssée du pouvoir, un royaume africain : État, société, destin individuel, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 ; EVANS-PRITCHARD Edward et FORTES Meyer (eds), African Political Systems, London, Oxford University Press, 1940 ; CLASTRES Pierre, La société contre l’État : recherches d’anthropologie politique, Paris, Éd. de Minuit, 1974.

45 CISSÉ Youssouf Tata, La grande geste du Mali. Des origines à la fondation de l’empire, des traditions de Krina aux colloques de Bamako, Paris, Karthala, 2007, p. 186-188.

46 ROY Alexis, Histoire des représentations paysannes au Mali. Pouvoirs politiques et syndicaux et privatisation de la filière cotonnière, Thèse d’anthropologie sociale et ethnologie, sous la direction de Jean-Loup Amselle, Paris, EHESS, 2012, p. 537.

47 AMSELLE Jean-Loup, L’anthropologue et le politique, ch. 1, « Le vote et la palabre », Fécamp, Lignes, 2012. Se reporter également aux propos de Pascal Baba Coulibaly, ministre de la culture d’Alpha Oumar Konaré, qui promouvait l’idée selon laquelle : « l’arbre à palabre était le symbole de la culture démocratique malienne et africaine », cité par DE JORIO Rosa, « Narratives of the Nation and Democracy in Mali. A View from Modibo Keita’s Memorial », art. cit., p. 827-855.

48 Les « bérets rouges » sont les membres du 33e régiment de chasseurs parachutistes, fidèles au président Amadou Toumani Touré, qui se sont opposés au « bérets verts » du putschiste Amadou Sanogo.

49 GAVELLE Julien, SIMÉANT-GERMANOS Johanna et TRAORÉ Laure, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre janvier et septembre 2012 à Bamako », Politique africaine, vol. 2, n° 130, 2013, p. 23-46.

50 DOUMBIA Sidiki, « Nord-Mali : les chasseurs traditionnels prêts à monter au front » [En ligne], Bamada.net, 25 novembre 2012, URL : http://bamada.net/nord-mali-les-chasseurs-traditionnels-prets-a-monter-au-front.

51 GAVELLE Julien, SIMÉANT-GERMANOS Johanna et TRAORÉ Laure, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre janvier et septembre 2012 à Bamako », art. cit.

52 Comme le rappelle Anne Doquet, « Efficacité et interchangeabilité des chartes », op. cit.

53 Exposé de ZANOLETTI Giovanni, « Le “djihad de la vache” : pastoralisme et formation de l’État au Mali », séminaire « Anthropologie et historicité : le Sahel à l’envers », EHESS, séance du 8 avril 2021.

54 Souleymane Bachir Diagne, dans DIAGNE Souleymane Bachir et AMSELLE Jean-Loup, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, op. cit ; SMITH Étienne, « “L’Esprit des lois” de Soundiata Keita » [En ligne], Nonfiction, 26 mai 2009, URL : https://www.nonfiction.fr/article-2532-lesprit-des-lois-de-soundiata-keita.htm ; voir aussi la présentation de l’opéra Le Vol du boli d’Abderrahmane Sissako et Damon Albarn, sur le site de France TV, URL : https://www.france.tv/france-5/au-spectacle-chez-soi/2115871-le-vol-du-boli.html.

55 La katiba Macina d’Hamadoun Kouffa, liée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) dirigé par Iyad Ag Ghali, serait en train d’étendre son influence dans la région de Kayes à l’ouest du Mali et s’approcherait du Sénégal. Sur ce point voir « Expansion djihadiste vers l’ouest : comment la katiba Macina s’approche dangereusement du Sénégal » [En ligne], source : Dakarctu, Bamada.net, 20 novembre 2020, URL : http://bamada.net/expansion-djihadiste-vers-louest-comment-la-katiba-macina-sapproche-dangereusement-du-senegal.

56 Commentaire de Bamaké (5 septembre 2020, à 10h52), au bas de l’article de Mama Paga, « Pour avoir refusé leur statut d’“esclave” : quatre personnes sauvagement assassinées à Djandjoumé » [En ligne], paru dans Le Pays, le 3 septembre 2020, Maliweb.net, URL : https://www.maliweb.net/societe/pour-avoir-refuse-leur-statut-d-esclave-quatre-personnes-sauvagement-assassinees-a-djandjoume-2893909.html.

57 Commentaire du 2 décembre 2019, au bas de la brève « Esclavage au Mali ! Des dizaines de familles victimes fuient Kérouané pour Diéma » [En ligne], parue dans Le Pays, le 2 décembre 2019, MaliJet, URL : https://malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/236485-esclavage-au-mali-des-dizaines-de-familles-victimes-fuient-kerou.html.

58 MEILLASSOUX Claude, « Histoire et institutions du kafo de Bamako d’après la tradition des Niaré », op. cit.

59 Les « Djokaramé » ou « Djawambé » sont les clients des Peuls, auxquels ils servaient de conseillers et de courtiers. On trouve actuellement parmi eux de riches commerçants.

60 Sur l’« aristocratisme » et la promotion des Peuls par Adam Ba Konaré pendant les mandats de son époux Alpha Oumar Konaré, voir DOUYON Denis, « Le discours diplomatique et démagogique du cousin plaisant au Mali », Cahiers d’études africaines, n° 184, 2006, p. 883-906.

61 Même si elle a été revendiquée par des acteurs politiques comme ATT n’appartenant pas à cet univers.

Para citar este artículo

Referencia electrónica

Jean-Loup Amselle, « Rhétoriques du pouvoir au Mali », Condition humaine / Conditions politiques [En línea], 3 | 2022, En linea desde 25 janvier 2022, Consultado el 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=627

Autor

Jean-Loup Amselle

Jean-Loup Amselle, anthropologue, est directeur d’études émérite à l’EHESS. Il a réalisé des travaux de terrain au Mali, en Côte d’Ivoire et en Guinée, et est l’inventeur d’une anthropologie des branchements (Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, 2001, réédité en 2019). Ses recherches portent notamment sur les thèmes de l’ethnicité, de l’identité et du métissage (Logiques métisses, 1990, réédité en 2022), mais aussi sur l’art africain contemporain (L’Art de la friche. Essai sur l’art contemporain africain, 2005, réédité en 2022), de même que sur le postcolonialisme (L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes, 2008, réedité en 2010). Il a publié avec Souleymane Bachir Diagne En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale (Albin Michel, 2018).

Jean-Loup Amselle is an anthropologist and Emeritus Professor at EHESS (Paris). He has conducted fieldwork in Mali, Guinea and Ivory Coast. He has conceptualized a theory of « connections » (Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, 2001, re-issued 2019). His other interests include ethnicity, identity and hybridity (Mestizo Logics, Stanford University Press, 1998), African contemporary art (L’Art de la friche. Essai sur l’art contemporain africain, 2005, re-issued, 2022) and post-colonialism (L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes, 2008, re-issued, 2010). He has co-published, with Souleymane Bachir Diagne, In Search of Africa(s). Universalism and Decolonial Thought, Polity, 2020.