Écrire l’histoire avec un psychanalyste : Martin l’Archange (1985)

Writing history with a psychoanalyst: Martin l’Archange

DOI : 10.56698/rhc.3396

Abstracts

En septembre 1985, dans une collection assez originale pour un historien, « Connaissance de l’Inconscient », dirigée par Jean-Bertrand Pontalis chez Gallimard, paraît un ouvrage à deux voix, signé par un psychanalyste en exercice, Jacques Nassif, et un jeune historien, l’auteur de ces lignes, sous un titre un peu énigmatique, Martin l’Archange. Le livre comprend la reproduction de documents, dont une expertise psychiatrique des docteurs Philippe Pinel et Athanase Royer-Collard à l’asile de Charenton, ainsi qu’un échange de lettres entre les deux auteurs, tous relatifs aux visions et au message dont se dit investi un laboureur de la Beauce, Thomas-Ignace Martin (1783-1834), de Gallardon (Eure-et-Loir) ; ce dernier sera reçu par le roi Louis XVIII aux Tuileries le 2 avril 1816 et poursuivra ensuite une carrière prophétique, dont fait état Balzac et qui se prolongera jusqu’à sa mort, avec la reconnaissance de Naundorff comme le dauphin Louis XVII rescapé de la prison du Temple. L’ouvrage suscite une certaine attention parmi les psychanalystes, mais une fin de non-recevoir de la part des historiens. On voudrait tenter de revenir brièvement sur le contexte, les raisons et les enjeux de ce dialogue difficile entre histoire et psychanalyse.

In September 1985, in a rather original collection for a historian, “Connaissance de l’Inconscient”, directed by Jean-Bertrand Pontalis and published by Gallimard, a book was published in two voices, signed by a practising psychoanalyst, Jacques Nassif, and a young historian, the author of these lines, under the somewhat enigmatic title Martin l’Archange. The book includes the reproduction of documents, including a psychiatric report by doctors Philippe Pinel and Athanase Royer-Collard at the Charenton asylum, as well as an exchange of letters between the two authors, all relating to the visions and the message that a ploughman from the Beauce region, Thomas-Ignace Martin (1783-1834), from Gallardon (Eure-et-Loir), claims to have received ; The latter was received by King Louis XVIII at the Tuileries on 2 April 1816 and then pursued a prophetic career, which Balzac mentions and which lasted until his death, with the recognition of Naundorff as the dauphin Louis XVII, who had escaped from the Temple prison. The work has attracted a certain amount of attention among psychoanalysts, but has been rejected by historians. We would like to briefly review the context, the reasons and the stakes of this difficult dialogue between history and psychoanalysis.

Index

Mots-clés

Psychanalyse, Histoire, inconscient, apparition, psychiatrie

Keywords

Psychoanalysis, History, unconscious, appearance, psychiatry

Outline

Text

C’est pour quinze ou vingt euros qu’on peut faire l’emplette, sur les quais de Seine, d’un exemplaire d’un livre épuisé, Martin L’Archange, paru en 1985 dans la collection « Connaissance de l’inconscient » dirigée par J.-B. Pontalis aux éditions Gallimard, et publié par un psychanalyste, Jacques Nassif, et par l’auteur de ces lignes, il y aura bientôt quarante ans1. Son succès a été limité2 ; et sa réception, médiocre ou hostile, particulièrement du côté des historiens3. C’est le fruit d’une enquête débutée pour le psychanalyste à l’automne 1976, et pour l’historien à l’automne 1978, passionnante et passionnée, qui aura duré près d’une décennie. Une affaire désormais ancienne, classée à regret sur le plan de la recherche, appelée parfois à se rouvrir au titre du rapport entre deux disciplines peu « connectées » entre elles, la psychanalyse et l’histoire, ou à l’occasion de discussions, le plus souvent inattendues, avec d’anciens lecteurs ou de rares collègues intéressés par les questions soulevées. Un fantôme évanoui, un navire englouti. Le monstre du Loch Ness… Un spectre, en quelque sorte4.

Un livre à deux mains et à deux voix

L’initiative de ce livre revient à un jeune psychanalyste, praticien en exercice libéral sur la place de Paris, âgé d’environ 35 ans, Jacques Nassif. D’origine libanaise et de tradition melkite, établi en France depuis sa jeunesse, ancien élève de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm (promotion 1964), il est philosophe de formation, venu à Freud par Jacques Lacan. Il est alors l’auteur récent d’un grand livre, que je ne lirai qu’en cours d’enquête, Freud l’inconscient (1977), centré sur l’invention des règles et conditions de possibilité de l’analyse assimilées au praticable de la mise en scène théâtrale : tout ce qui permet à l’inconscient de se dire5. Il anime depuis deux ans à Paris un petit groupe de psychanalystes et de psychiatres autour de l’étude d’un texte publié en 1817 à Paris sous le voile de l’anonymat, la Relation concernant les événemens qui sont arrivés à un laboureur de Beauce dans les premiers mois de 1816, qui constitue à leurs yeux le compte rendu exact et détaillé d’un délire de paranoïa, celui d’un fermier beauceron, Thomas Martin, de Gallardon près de Chartres, qui assure être témoin d’une série d’apparitions de l’archange Raphaël qui lui confie la mission de se rendre auprès du roi Louis XVIII ; ce à quoi il parvient, le 2 avril 1816, non sans avoir passé un mois à l’hospice d’aliénés de Charenton, sous l’observation des deux plus célèbres psychiatres de son temps, Philippe Pinel et Athanase Royer-Collard. Leur groupe se dissout ; mais Jacques Nassif entend poursuivre en s’adjoignant le concours d’un historien. Car, fidèles à la règle stricte d’oralité qui régit l’analyse, lui-même et ses compagnons se sont interdits jusque-là toute forme de vérification. « La vérité a structure de fiction », rappelle-t-il à l’historien (lettre VII), pour citer une parole de Lacan qui a déjà sa pertinence dans le champ des sciences, mais qui, appliquée à la situation analytique, opère comme un principe de salubrité.

Jacques Nassif s’adresse alors à son ancien « répétiteur » de philosophie à l’école normale, qui n’est autre que Louis Althusser6 ; et ce dernier interroge à son tour son homologue dans l’établissement, Daniel Nordman, historien attentif et subtil de l’âge moderne, qui a marqué une génération de normaliens (Lucien Bély, Jean Boutier, Alain Dewerpe, François Villeneuve) et qui prépare alors un très beau livre, qui n’est pas tout à fait étranger à notre sujet, sur le voyage de Charles IX en France et la figure du monarque au XVIe siècle7. C’est Daniel Nordman qui met ainsi en contact avec Jacques Nassif un jeune agrégé d’histoire de 24 ans, élève de dernière année, inscrit en thèse de doctorat de troisième cycle, sous la direction de Maurice Agulhon, sur un sujet d’histoire religieuse rurale, les prêtres et les paroisses du diocèse de Belley au XIXe siècle. La première lettre conservée de Jacques Nassif date du 9 décembre 1978, au lendemain d’une première rencontre, suivie bientôt de l’ultime réunion de son groupe d’études, à laquelle le jeune historien est convié : parmi les présents, l’un d’eux l’impressionne fort : Pierre Legendre8.

S’en suivent près de sept années de recherches croisées, de rencontres, d’échanges et de discussions animées, scandées de moments forts et de périodes moins intenses. C’est la voie de la correspondance qui s’impose d’un commun accord aux deux chercheurs comme mode d’écriture – les dix-huit lettres de la Correspondance qui compose l’ouvrage dans son état définitif ont été réellement rédigées et envoyées l’une après l’autre, entrecoupées seulement de conversations téléphoniques ou de cartes postales. La structure du livre s’en ressent, qui s’ouvre sur la Requête du psychanalyste à l’historien : On m’a dit pouvoir m’adresser à vous qui êtes historien des choses de la religion. C’est en dernier recours. […] Être psychanalyste, c’est se passer des services d’un historien, tout en se comportant comme lui, c’est se dispenser d’avoir à s’appuyer sur des documents écrits, tout en se contraignant à faire d’une parole, soumise à une règle du jeu, l’unique archive, écrit Jacques Nassif en rappelant avec fermeté à son interlocuteur, en praticien véritable, la centralité de l’énonciation et la norme d’oralité qui président à la cure psychanalytique. Le statut de chacune de leurs disciplines est nettement défini, leur confusion est interdite et la correspondance autorise – comme dans le roman épistolaire des XVIIIe et XIXe siècles – de distinguer chacun des acteurs et de respecter leurs savoirs, leurs lexiques et leurs problématiques. Les écrits qui accompagnent le livre ou que produisent tour à tour les chercheurs ne sont jamais confondus avec la parole vive de Martin ou du roi, telle que la documentation permet de la restituer. Vient enfin, au terme de l’aventure, la longue et difficile recherche d’un éditeur : Grasset et la redoutable Françoise Verny ; Calmann-Lévy ; Ramsay ; puis enfin Gallimard et le très accueillant et quelque peu ironique Jean-Bertrand Pontalis, l’homme du Vocabulaire de la psychanalyse9. Le livre est mis en vente le 24 septembre 1985.

Thomas-Ignace Martin, dit « Martin de Gallardon »

Qui est le héros de ce récit, Thomas Ignace Martin ? Il est né à Gallardon (Eure-et-Loir) le 18 février 1783 ; il meurt à Chartres, à l’âge de 51 ans, le 8 mai 1834. Sa notoriété prophétique est intimement liée aux espérances et aux déconvenues de la monarchie française, durant la période qui est entrée dans l’histoire sous le nom de « Restauration »10. Haricotier au bourg de Gallardon, près de Chartres, âgé de 33 ans (l’âge du Christ, diront ses fidèles) et père de quatre enfants, il assure être témoin depuis le 15 janvier 1816 d’une série d’apparitions : un homme, vêtu en redingote blonde et chapeau haut-de-forme, se présente un peu plus tard à lui comme étant l’Archange Raphaël, Ange très célèbre auprès de Dieu, lui enjoint d’aller trouver le roi afin qu’il fasse faire une police exacte et générale dans tous ses États, et surtout dans la capitale et qu’il relève le jour du Seigneur : sinon toutes ces choses, la France tombera dans de nouveaux malheurs. Sa « commission », d’inspiration politique ultra-royaliste, est relayée par l’abbé Laperruque, l’entreprenant curé de Gallardon, qui en informe conjointement son évêque, Mgr Charrier de La Roche, prélat très politique et ancien évêque constitutionnel de Rouen sous la Révolution, et le Grand Aumônier de la cour du roi Louis XVIII, Mgr de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims et fidèle entre les fidèles du Roi Très-Chrétien, qu’il a suivi en émigration. Le premier, secondé par Decazes, ministre de la police générale et confident du roi, fait conduire Martin le 8 mars à l’hospice d’aliénés de Charenton (Sade y est mort quinze mois plus tôt, le 2 décembre 1814) où il est examiné par les psychiatres Pinel et Royer-Collard qui concluent à une « manie intermittente avec hallucination des sens ». Mais, alerté directement par la Grande Aumônerie, le roi Louis XVIII s’empresse de recevoir Martin aux Tuileries le 2 avril 1816 : Il m’a été dit qu’une fois que ma commission serait faite auprès du Roi, je ne verrais plus rien et je serais tranquille, affirme Martin, apparemment délivré. – Que je touche la main que l’Ange a serrée : priez toujours pour moi, lui répond le roi qui l’a retenu une heure dans son cabinet.

La teneur de leur entretien, qui suscite un vaste écho, aussitôt réprimé par la police, dans les milieux légitimistes, est révélée et diffusée dans une remarquable Relation concernant les événemens qui sont arrivés à un laboureur de Beauce dans les premiers mois de 1816, publiée en 1817, sous le voile de l’anonymat, par le très rigoureux et très scrupuleux Louis Silvy (1760-1847), le « restaurateur » des ruines de Port-Royal, janséniste fervent, « figuriste » convaincu et collecteur de visions et de prophéties du « parti » ; et rééditée à Londres en 1819, puis à Paris en 1830, 1831 et 1839. Une seconde version, sensiblement différente, de l’entretien, est publiée en 1832, toujours anonymement, par l’abbé Pierre Perreau (1766-1837), ancien vicaire général de la Grande Aumônerie de Charles X, sous le titre Le Passé et l’avenir expliqués par des événements extraordinaires arrivés à Thomas Martin, laboureur de Beauce : ce nouveau texte, recueilli en 1828 de la bouche de Martin après la mort du roi, met directement en cause la mémoire de Louis XVIII, accusé d’avoir tenté d’assassiner son frère Louis XVI en forêt de Rambouillet et surtout d’avoir refusé de faire rechercher l’héritier légitime du trône de France, le dauphin Louis XVII. Dans l’intervalle, Martin s’est mué en « paysan prophète » à plein temps, présent dans un salon parisien dès 1818, dénoncé à l’attention de la police pour de nouvelles visions lors de l’assassinat du duc de Berry (1820), consulté jusqu’à sa mort par de nombreux fidèles, ecclésiastiques et laïcs. Chassé de son village par une émeute populaire au lendemain de la révolution de 1830, il reconnaît le 28 septembre 1833 à Paris l’horloger prussien Naundorff pour le véritable héritier du trône, Louis XVII. Décédé huit mois plus tard à Chartres d’une « congestion » ou, affirmera sa famille, d’un « empoisonnement », son corps est autopsié, sans résultat probant.

Le prophétisme royal au risque de la psychanalyse

Lorsque l’historien prend progressivement connaissance de la rencontre de Martin et du roi, à travers les livres puis dans les archives11, une interprétation presque immédiate l’amène à l’inscrire dans l’histoire longue du prophétisme12 et, plus particulièrement, du prophétisme royal en France. Ce dernier le conduit de la geste fondatrice de Jeanne d’Arc et de ses « sœurs »13 et de l’aventure méconnue du « maréchal de Salon », reçu sans doute par Louis XIV en 1697, que Lucien Bély vient de restituer à l’histoire en un livre important14, jusqu’à des épisodes plus récents de l’âge post-monarchique, tels, durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, celui de Catherine Panier, « la Jeanne d’Arc du général Trochu »15, ou de Claire Ferchaud durant la Grande Guerre, qui demande en 1917 au président Poincaré de faire apposer l’image du Sacré-Cœur sur le drapeau tricolore16. Le schéma apparaît similaire : fort d’une vision ou d’une apparition, un homme ou une femme du peuple vient revitaliser le lien entre la nation en péril et la personne du monarque, en assumant la « mission » de confier au détenteur du pouvoir un « secret » susceptible de sauver la nation tout entière ; son geste relève à la fois d’une « recharge sacrale » (Alphonse Dupront) du pouvoir royal et, sur un mode archaïque, d’un projet de « restauration » politique, sociale, morale ou religieuse, où le « Ciel » se fait garant d’un nouvel ordre sur la terre bouleversée par l’histoire.

Telle n’est pas du tout la perspective dans laquelle Jacques Nassif a lu le récit très précis et très fidèle dans lequel Louis Silvy a recueilli, avec le scrupule du dévot, le parcours de Martin de Gallardon jusqu’au roi Louis XVIII. La démarche psychanalytique renouvelle complètement le mode d’intelligibilité et le schéma explicatif – « englobant » et « surplombant » - des historiens. Trois interprétations majeures sont, pour faire bref, tour à tour avancées et confrontées aux sources dont l’historien dispose : que Martin, en produisant un « double » (le livre s’appelle Martin l’Archange), manifeste un « délire » qui s’apparente à la « paranoïa » ; que Louis XVIII, en recevant aux Tuileries l’envoyé de l’archange, témoigne d’une « perversion » inscrite dans le long et tortueux parcours qui l’a conduit à la couronne ; et que leur rencontre (dont Martin attend d’être « délivré ») réalise en partie les règles strictes – oralité, questionnement, échange, secret – ou, si l’on préfère, le praticable qui président à une séance de psychanalyse.

C’est de Martin lui-même, et non du roi, que part le psychanalyste : c’est-à-dire de l’individu en quête éperdue de reconnaissance qui impose son récit et s’impose lui-même tour à tour à ses proches et à son curé, au préfet et à l’évêque, au ministre et aux psychiatres, jusqu’au monarque lui-même. Il n’y a pas de délire sans auteur, rappelle l’analyste (lettre V) ; et son jugement est d’emblée sans appel : le diagnostic de paranoïa, [peut] assez légitimement lui être appliqué, avant même que Kraepelin ou Sérieux et Capgras, à la fin du siècle passé, aient pu en isoler l’entité ; ce n’est pas faute d’avoir rencontré des psychiatres, et non des moindres, puisque Pinel et Royer-Collard sont reconnus en France comme les fondateurs de leur discipline ; mais c’est précisément en tant que paranoïaque qu’il a pu leur échapper (Requête). Il convient dès lors d’écouter au plus près la parole de Martin : car le discours quel qu’il soit qui aurait les prétentions de relever de la psychanalyse, avertit Jacques Nassif, consiste à permettre que soit restituée une différence entre des informations à communiquer et des paroles à entendre, afin de réarticuler ce qui est su avec ce qui peut être dit en lieu et temps (lettre III).

Ce qui fascine au plus haut degré l’analyste, c’est l’extraordinaire capacité et la singulière habileté de Martin à transformer ses paroles en message et sa croyance en savoir. Tout se passe comme si ce paysan, écrit-il, était celui qui ne peut précisément pas signer à lui seul les paroles qu’il profère, ce qui lui importe étant de les faire passer pour des messages (lettre V). Et il ajoute : Il ne s’agit donc pas de la cause d’une croyance à réfuter comme illusoire, mais du texte même d’un savoir dont le sujet ne peut se séparer sans s’abolir dans la chaîne signifiante (lettre IX). Et il poursuit, à propos de l’ange que Martin est seul habilité à entendre : C’est donc à nouveau en extorquant la possibilité de faire passer une énonciation pour un énoncé, par le biais d’un glissement de la négation le long de la chaîne signifiante, que Martin obtient ce qu’il désire : que sa conviction, au lieu d’être une croyance, à propos de laquelle on pourrait émettre des doutes ou chercher à obtenir une adhésion, soit prise pour un savoir (lettre IX). Et de conclure : J’espère quant à moi vous avoir donné une idée de ce qu’est le clivage du sujet qui, la plupart du temps, n’a pas besoin d’en venir à de pareilles extrémités et ne se prive pas, en s’offrant à la logique de l’inconscient, des bénéfices secondaires d’un symptôme (lettre IX). Dans la terminologie lacanienne, qui ne me paraît pas déplacée, ajoute Jacques Nassif, nous aurions affaire à un sujet qui ne se prétend pas auteur de son message et qui, sachant qu’il lui vient de l’Autre et qu’il le reçoit sous une forme inversée, irait jusqu’à s’en remettre à cet Autre, requis d’apparaître ou sommé de le recevoir, pour savoir d’où il parle et ce qu’il dit (lettre XV). Martin ne souffre pas seulement, comme le propose l’historien en conclusion (lettre XVIII) « d’un mal […] qui n’est rien d’autre que la Révolution française » ; il n’est pas uniquement « le sujet du Malheur-Roi » ; maintenant […] que le Roi n’est plus la chimère d’un Ange, mais un partenaire bien réel, Martin peut se retrouver lui-même (lettre XV).

Ce qui renvoie au récepteur de ce délire, Louis Stanislas Xavier, comte de Provence, tour à tour Monsieur, frère du roi, Régent de France puis, enfin ! Roi de France17. L’historien se permet de suggérer à l’analyste que « Martin ne frappait pas à une porte close » : « atteint de son siècle », écrit Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, « il est à craindre que la religion ne fût pour le Roi très-chrétien qu’un élixir propre à l’amalgame des drogues de quoi se compose la royauté » ; et de citer encore ce propos de la comtesse de Boigne dans ses Récits d’une tante : « Malgré son scepticisme établi, il ne manquait pas d’une sorte de superstition. Il croyait assez volontiers que, si le bon Dieu existait et qu’il s’occupât de quelque chose, ce devait être sans aucun doute du chef de la maison des Bourbons » (lettre XII). Louis XVIII apparaît bien différent à cet égard du Louis XIV qui reçoit en 1697 le maréchal-ferrant de Salon de Provence, dont Lucien Bély rappelle que « toute sa vie, il consacre du temps à la prière » et dont « la foi […] paraît sans conteste profonde et sa piété, sincère »18. Mais là encore, le psychanalyste va au-delà des potentialités d’écoute que lui découvre l’historien. Il me reste à vous montrer, écrit Jacques Nassif, de quelle façon la folie du paysan ne fait qu’offrir un négatif à celle du Roi lui-même, et en quoi la vie de Louis-Stanislas-Xavier peut nous permettre d’avancer dans la connaissance de l’autre structure, celle de la perversion, à propos de laquelle il n’y a pas lieu de porter, malgré le mot qui la désigne, le moindre jugement moral : perversion et perversité ne se recoupent pas nécessairement (lettre XIII). En suivant tour à tour les mille et onduleux et cauteleux détours de la jalousie de Monsieur, frère de Roi, envers son aîné, de sa haine vigilante et persistante envers la reine Marie-Antoinette (l’unique femme présente en ce récit), de son comportement proprement criminel à leur égard à l’aube de la Révolution et de son irrésistible ascension vers le trône, l‘analyste n’a cesse, non pas de dessiner une biographie « shakespearienne » du personnage (il a traduit de l’anglais le Richard III d’Horace Walpole…), à la manière du duc de Castries, mais de marquer sa place et les raisons de son consentement dans le délire de Martin. Il faut à Martin un Roi en veine de culpabilité pour que son délire soit reçu et écouté.

Peut-on dès lors entendre le récit de l’entrevue entre Martin et le roi comme celui d’une séance qui remplit, mutatis mutandis, [les] conditions de possibilité de l’acte analytique (lettre XV) et considérer Louis XVIII, parmi tous les interlocuteurs successifs de l’homme de Gallardon, comme celui qui se rapprocherait le plus de la position de l’analyste ? C’est à mon sens l’hypothèse la plus novatrice (aux termes du rapport entre histoire et psychanalyse) qu’apporte Jacques Nassif dans ce dossier. Il en définit d’emblée l’enjeu pour chacune des disciplines : Le concept d’Inconscient, tel qu’il a été défini par Freud et refondu par Lacan, reste tributaire de la mise en jeu d’une règle qui entraîne le fait de privilégier un corps pulsionnel, en reléguant au second plan le corpus des textes. Je voudrais précisément tenter sur le cas de Martin, dont la vie pulsionnelle nous restera sans doute à jamais opaque, de faire l’hypothèse inverse, m’adressant à un amateur de textes qui voudra bien pour autant ne pas méconnaître la pertinence d’une lecture se dépouillant, en un premier temps, pour pouvoir s’exercer, de ce que la connaissance historique pourrait lui apporter (Requête). Dès lors c’est moins la teneur du discours de Martin (qui reprend, sans rien y changer, les propositions du parti ultra-royaliste – surveillance, compression, répression – au lendemain de la seconde restauration de 1815) qui compte que sa capacité à parler devant le roi : l’énoncé, en ce sens, importe moins à l’analyste que l’énonciation. Ayant affaire au texte d’un délire, précise-t-il, cela revient à considérer que, même si l’énoncé des propositions qu’il aligne et de la concaténation qu’elles forment n’avait pas de sens, l’énonciation des paroles qu’émet le délirant a rigoureusement toujours sa raison (lettre IX). Louis XVIII remplit donc intégralement, tant qu’il s’agit du Savoir, conclut Jacques Nassif, la fonction d’un thaumaturge, capable de délivrer le sujet de l’Ange inquisiteur qui le suit partout et le surveille à tout moment (lettre XV).

Deux hypothèses interprétatives à long terme parcourent en définitive les interrogations croisées de l’historien et du psychanalyste. Le premier se réfère aux Rois thaumaturges (1924) de Marc Bloch : la tradition sacrale de la monarchie capétienne, poursuivie jusqu’aux derniers Bourbons de la branche aînée, qui confère au monarque, à partir de son sacre, le pouvoir de guérir les scrofuleux, est apte encore en 1816 à accueillir la quête archaïque et à apaiser le trouble profond d’un paysan malade d’une révolution. Mais c’est à une tradition plus ancienne encore que se réfère l’analyste (lettre XI) : celle du roi Assuérus qui, dans le récit biblique d’Esther, touche la reine, qui est entrée dans la salle du trône sans y avoir été conviée, de son sceptre afin d’épargner sa vie. Car « quiconque, homme ou femme, va près du roi dans la cour intérieure sans être appelé », dit le texte biblique, « n’a aucune chance de salut – sauf celui à qui le roi tend son sceptre d’or »19 ; ce que Racine traduit en vers éclatants au siècle du Roi-Soleil :

Hélas ! ignorez-vous quelles sévères lois

Aux timides mortels cachent ici les rois ?

Au fond de leur palais leur majesté terrible

Affecte à leurs sujets de se rendre invisible ;

Et la mort est le prix de tout audacieux

Qui sans être appelé se présente à leurs yeux,

Si le Roi dans l’instant, pour sauver le coupable,

Ne lui donne à baiser son sceptre redoutable20.

Martin de Gallardon a enfreint délibérément la barrière invisible qui sépare le roi de ses sujets ; il a pénétré jusqu’à lui en arguant d’un ange ; le roi l’a salué, l’a reçu et lui a donné la main. Mais nul ne sera guéri de son mal, ni le « prophète », ni le roi, ni le royaume.

L’échec d’une réception (1985-1986)

Comment rendre compte de l’insuccès d’un livre ? Surtout lorsque l’on est l’un des auteurs de l’ouvrage considéré ! Près de quatre décennies se sont cependant écoulées depuis sa parution et il y a prescription. L’heure n’est plus aux mises au point, aux plaidoyers ou aux repentirs, moins encore aux récriminations ou aux règlements de comptes. Passe, passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps, dit la chanson… Ce qui a pu apparaître en 1985 aux auteurs comme une déception, voire une injustice, constitue aujourd’hui le symptôme d’une rencontre manquée entre histoire et psychanalyse et l’indice de l’invincible hostilité des historiens envers Freud et ses propositions analytiques. Et l’on ne peut que partager le diagnostic lucide que dresse en 2021 Hervé Mazurel de l’échec de Martin l’Archange (livre qu’il juge par ailleurs « un rien baroque ») : « Il faut sans doute s’étonner que, de part et d’autre, l’ouvrage n’ait pas davantage fait date, lui qui méritait tout sauf le silence, mais qui fut déjà, en quelque sorte publié à contretemps21. » Dans les années 1980, la plupart de ceux qui avaient osé, dans les décennies précédentes, pratiquer « l’histoire au risque de la psychanalyse » ont en effet fait machine arrière (Alain Besançon, Saul Friedländer, Jean Delumeau, Emmanuel Le Roy Ladurie) ou disparu (Michel de Certeau, Alphonse Dupront) tandis que l’école des Annales tourne résolument le dos à la psychanalyse. Ajoutons à cela que Jacques Nassif était praticien de son art avant d’être philosophe, et que l’historien était bien jeune.

L’auteur de ces lignes conserve un petit dossier, au demeurant très incomplet, sur la réception limitée de Martin l’Archange. Elle n’est pas nulle, d’autant que l’éditeur avait été généreux dans ses envois (une centaine : belle époque !) et que la collection « Connaissance de l’inconscient » avait pignon sur rue dans le monde, déjà très éclaté, de la psychanalyse. Les débuts sont plutôt encourageants, en dépit des premières fausses notes. Jean-Maurice de Montremy, dans La Croix du 28 septembre 1985, a été vivement intéressé par cet « échange de correspondance qui fait aussi de cette enquête un roman par lettres avec irruption de remarquables documents et coups de théâtre ». Mais c’est d’outre-Manche que vient la première bordée : dans le Times Literary Supplement du 15 novembre 1985, le grand historien américain Eugen Weber tire à boulets rouges sur « une discussion oiseuse, verbeuse, spéculative qui rappelle davantage une conversation d’après-dîner qu’une pratique d’érudition, grouillante de connexions subtiles et d’aperçus factices »22. Un article allègre de Gilles Lapouge dans Le Monde des livres du 6 décembre 1985 (« Deux détectives chez Louis XVIII ») salue toutefois « un beau livre, un modèle de complicité intelligente entre l’histoire et l’inconscient ». Dans le cahier « Livres » de Libération du 6 janvier 1986, l’historienne Arlette Farge apprécie les « questions imaginatives du psychanalyste [auxquelles] s’accrochent les réponses multiples et travaillées de l’historien » et estime dans l’ensemble positifs « les allers et retours fructueux entre les deux approches, qui donnent vraiment envie que d’autres travaux du genre voient le jour ». Du côté des hebdomadaires, Jean-Louis Voisin, dans Valeurs actuelles du 23 décembre 1985, retient « une enquête neuve, nouvelle et passionnante » ; et Jean-Michel Palmier, dans Révolution du 14 février 1986, « une enquête aussi instructive que passionnante ».

Les revues de psychanalyse et d’histoire ne sont pas en reste. Les premières sont de loin les plus attentives, sinon les plus favorables. Le psychanalyste Michel Plon, dans la livraison de 1986 de Frénésie, s’emploie à « situer l’importance du travail accompli et l’originalité de ce livre […] au regard de la succession de rendez-vous manqués entre l’histoire et l’ouverture freudienne, entre l’historique, le social, le collectif d’une part, le psychologique, le subjectif et l’individuel de l’autre » ; il conclut sur « la perspective immense, périlleuse mais enthousiasmante, de possibles recherches où la conception freudienne et lacanienne de l‘inconscient et de la division du sujet trouverait son écho du côté de la thématique de la dualité du pouvoir à laquelle les travaux d’Ernst Kantorowicz, que Philippe Boutry et Jacques Nassif ne manquent pas d’évoquer, ont commencé de nous donner accès. » Son confrère Claude Rabant, dans la revue Patio, note que « l’enquête […], pour la première fois peut-être, entrelace à égalité le métier d’historien et celui de psychanalyste ». Un très long compte rendu du psychiatre Marcel Scheidhauer dans la revue L’Artichaut de 1986, précise d’emblée que « cette collaboration entre deux disciplines est un fait rarissime que nous tenons à saluer d’emblée » ; il conclut que les deux auteurs, « dans une collaboration constante à partir de leur spécialité réciproque restaurent et renouvellent pour en faire un travail exemplaire un genre historico-psychanalytique longtemps taxé de désuet et méprisé et qui avait glissé dans l’oubli ». Dans le supplément de 1987 de l’Encyclopædia Universalis, la philosophe et psychanalyste Monique David-Ménard, élogieuse pour les deux auteurs, mentionne cependant « le malentendu qui surgit parfois dans leur échange [et qui] est l’un des intérêts majeurs du livre ». Au carrefour de la sociologie religieuse et de la psychanalyse, Jacques Maître, d’abord dans une revue de psychanalyse, Synapse (octobre 1987), puis dans L’Année sociologique de 1989, consacre enfin deux longs comptes rendus critiques à l’ouvrage : il souligne « l’intérêt que présente la franchise avec laquelle les auteurs publient leur correspondance dans sa séquence chronologique et son intégralité, ce qui permet de suivre aussi bien la progression de Ph. Boutry dans l’exploration des archives et la synthèse érudite que le mouvement qui porte J. Nassif par avancées et détours dont les traces nous restent balisées » ; mais il conclut sur une « occasion manquée ».

Il est temps d’en venir aux historiens : au Landerneau de la Geschichte, selon la joyeuse expression de Jacques Chiffoleau. Dans l’ensemble, pour reprendre le diagnostic de Philippe Artières, « la réception de l’ouvrage chez les historiens à l’époque […] fut très réservée voire hostile »23. Certes, on retrouve dans le dossier quelques réponses – de courtoisie ou plus argumentées – de la part de collègues ou d’amis (François Azouvi, Lucien Bély, Alain Corbin, Claude Langlois, Claude Mazauric, Jacques Revel, Michel Sot, André Vauchez). Quelques comptes rendus sont attentifs, voire encourageants : dans les Archives de sciences sociales des religions de 1987, Claude Langlois conclut généreusement : « Il faut lire Martin l’Archange », tout en marquant sa surprise : « Dans une cinquantaine d’années les historiens des sciences humaines trouveront matière à s’étonner. Pourquoi la publication du dossier du parricide normand Pierre Rivière suscita-t-il un tel intérêt en 1973 et pourquoi la publication en 1985 d’un dossier comparable du laboureur-visionnaire Martin de Gallardon resta-t-elle confidentielle ? ».

La réception – ou plutôt la non-réception – de Martin l’Archange se joue en deux temps. D’abord lors d’une intervention commune des auteurs au séminaire d’Arlette Farge à l’EHESS le 28 avril 1986, devant un impressionnant échantillon des historiens de l’établissement. D’après les quelques notes succinctes que j’en conserve, c’est en premier lieu la structure du livre qui est questionnée : Arlette Farge évoque « la limite que représente objectivement la correspondance » ; et Mona Ozouf regrette « un soupçon d’artifice ». Mais, dans un second temps, c’est la psychanalyse elle-même comme discipline de savoir qui est frontalement mise en cause. Jacques Revel déplore que « le mot d’interprétation n’intervienne jamais » ; Jean-Claude Schmitt déclare : « le psychanalyste doit assumer son historicité » ; « le psychanalyste est le fils du prêtre » ; Roger Chartier renchérit sur le même thème : « on replie l’objet sur le savoir en postulant l’invariance des catégories psychiques » ; il faut plutôt « poser la variabilité des configurations psychiques ». C’est, 35 ans avant la publication du livre d’Hervé Mazurel, la question de l’historicité de l’inconscient qui constitue déjà la principale pierre d’achoppement.

Ces réserves et ces critiques confluent enfin sous la forme d’un long compte rendu très critique d’une jeune historienne du jansénisme, Catherine Marie, future collègue du Centre d’anthropologie religieuse européenne de l’EHESS, dans la revue L’Histoire de septembre 198624. L’auteure se refuse à prendre en compte l’apport du psychanalyste (« On nous pardonnera de ne pas le citer ; la préciosité lacanomorphe d’une écriture par ailleurs fort soignée rend son propos difficile à disséquer ») ; elle dévalue la thèse centrale du livre (« Jacques Nassif en arrive à présenter l’entrevue entre le roi et Martin comme une séance de… psychanalyse ») ; elle soutient que l’historien a cédé devant son interlocuteur (« Le psychanalyste a exercé un rôle inhibiteur ») ; l’article recommande plutôt la lecture des études « prudentes et modestes » de Paul Marin et de Georges Lenôtre... En réponse à ma propre réponse (très partiellement publiée) dans un numéro suivant (décembre 1986), on peut lire encore : « La psychanalyse n’a jamais fonctionné que comme un programme toujours à réaliser et jamais rempli (comme l’histoire marxiste toujours en construction) » ; et de suggérer que la seule démarche qui vaille est « l’anthropologie politique ». Quelques mois plus tard, dans une conversation de couloir, Jacques Le Goff me demandera, avec gentillesse : « mais, Boutry, pourquoi vous êtes-vous encombré d’un psychanalyste ? »

On l’aura compris ; et l’on n’épiloguera pas : s’il pouvait être à la rigueur question, en 1986, de psychologie collective, voire, chez les plus audacieux, d’archétypes jungiens pour explorer les tréfonds de l’âme humaine, rares étaient les historiens capables ou désireux de comprendre, ou même seulement de considérer la perspective psychanalytique cohérente et exigeante ouverte à l’histoire par Jacques Nassif à travers le concept de praticable, c’est-à-dire de mise en scène et mise en œuvre de l’analyse dans le champ de l’histoire : que l’entrevue de Martin avec le roi soit ainsi, en s’inscrivant dans la longue tradition de la thaumaturgie monarchique décrite par Bloch, saisie, voire instrumentalisée par un sujet comme l’occasion de se délivrer d’un secret de se soulager d’une mission, d’être apaisé par une écoute ; que l’énonciation puisse prévaloir sur l’énoncé ; ou que le dire puisse se muer en savoir ; autant d’hypothèses fructueuses et non moins rigoureuses dont l’historien aurait pu pourtant s’emparer avec profit. Cela aurait cependant supposé d’accepter l’effort d’entrer dans une autre démarche (et dans une autre langue parfois) et surtout d’appréhender le rapport entre les deux disciplines non plus seulement en tant que savoirs, mais en tant que pratiques. Peut-être n’est-il pas trop tard ?

1 Philippe Boutry, Jacques Nassif, Martin l’Archange, Paris, Gallimard, « Connaissance de l’inconscient », 1985.

2 462 exemplaires vendus du 24 septembre 1985 au 30 juin 1986 ; 377 du 1er juillet 1986 au 30 juin 1987 ; puis l’effondrement (22 exemplaires pour la

3 Relevons cependant une traduction italienne : L’arcangelo, il contadino e il re. Storia di un’apparizione fra psichiatria e politica nell’età della

4 On se permet de renvoyer à Philippe Boutry, « Parler par spectres. Überlegungen zur französischen Geschichte des 19. Jahrhunderts », dans Claire

5 Jacques Nassif, Freud l’inconscient. Sur les commencements de la psychanalyse, Paris, Galilée, 1977. Jacques Nassif publiera encore Le bon mariage.

6 En forme d’ultime témoignage : Louis Althusser, L’Avenir dure longtemps, suivi de Les faits, édition établie et présentée par Olivier Corpet et Yann

7 Jean Boutier, Alain Dewerpe, Daniel Nordman, Un Tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984.

8 Il en lira bientôt L’Amour du censeur. Essai sur l’ordre dogmatique, Paris, Éditions du Seuil, 1974.

9 Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967.

10 Philippe Boutry, « Restauration », dans Dominique Kalifa(dir.), Les Noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, « 

11 Un dossier « Martin de Gallardon » est conservé aux Archives nationales à la côte F7 6809 (1615). Deux ouvrages essentiels ont déjà traité du

12 En dernier lieu, André Vauchez(dir.), Prophètes et prophétisme, Paris, Éditions du Seuil, 2012, avec des contributions de Jean-Robert Armogathe

13 André Vauchez, « Jeanne d’Arc et le prophétisme féminin des XIVe et XVe siècles », dans Jeanne d’Arc : une époque, un rayonnement. Colloque d’

14 Jean-Pierre Tennevin, François Michel de Salon de Provence. Le maréchal-ferrant reçu par Louis XIV, Raphèle-les-Arles, Petit, 1990 ; Lucien Bély

15 Philippe Boutry, Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars, Paris, Éditions du Cerf, 1986, p. 500-502.

16 Raymond Jonas, The Tragic Tale of Claire Ferchaud and the Great War, Berkeley, University of California Press, 2005; Jean-Yves Le Naour, Claire

17 Sur pouvoir et inconscient, cf. Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon. Pour une histoire politique de la folie, Paris, Gallimard, 2011.

18 Lucien Bély, Louis XIV, le fantôme et le maréchal-ferrant, op. cit., p. 228-229.

19 Esther, 4, 11 (traduction œcuménique de la Bible).

20 Jean Racine, Esther, acte I, scène III.

21 Hervé Mazurel, L’Inconscient et l’oubli de l’histoire, op. cit., p. 76.

22 « A leisurely discussion, wordy, speculative, more reminiscent of after-dinner conversation than of scholarly endeavour, teeming with subtle

23 Philippe Artières, « Éléments de réception de Martin l’Archange », Art. cit., p. 141. Cette contribution reproduit les recensions de Claude

24 Elle vient alors de publier Les Convulsionnaires de Saint-Médard. Miracles, convulsions et prophéties à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard/

Notes

1 Philippe Boutry, Jacques Nassif, Martin l’Archange, Paris, Gallimard, « Connaissance de l’inconscient », 1985.

2 462 exemplaires vendus du 24 septembre 1985 au 30 juin 1986 ; 377 du 1er juillet 1986 au 30 juin 1987 ; puis l’effondrement (22 exemplaires pour la même période en 1988-1989 ; des chiffres insignifiants ensuite).

3 Relevons cependant une traduction italienne : L’arcangelo, il contadino e il re. Storia di un’apparizione fra psichiatria e politica nell’età della Restaurazione (Roma, Viella, 2000) et quelques marques d’intérêt récentes : un article attentif de Philippe Artières, « Éléments de réception de Martin l’Archange », dans Après Certeau : histoire, archives et psychanalyse, numéro dirigé par Philippe Artières, Sociétés & Représentations, n° 43, printemps 2017, p. 141-155 ; une analyse d’Hervé Mazurel dans L’Inconscient et l’oubli de l’histoire. Profondeurs, métamorphoses et révolutions de la vie affective, Paris, La Découverte, 2021, p. 75-77 ; une mention généreuse de Lucien Bély dans Louis XIV, le fantôme et le maréchal-ferrant, Paris, PUF, 2021, p. 581-590 et passim ; et une discussion approfondie au séminaire de Patrick Boucheron, Fautes de mots. Recherches sur l’histoire empêchée, au Collège de France en juin 2019 (avec une lecture de Stéphanie Sauget). Cette dernière intervention nourrit la substance du présent article.

4 On se permet de renvoyer à Philippe Boutry, « Parler par spectres. Überlegungen zur französischen Geschichte des 19. Jahrhunderts », dans Claire Gantet et Fabrice d’Almeida (dir.), Gespenster und Politik, 16. bis 21. Jahrhundert, Munich, Wilhelm Fink, 2007, p. 321-338.

5 Jacques Nassif, Freud l’inconscient. Sur les commencements de la psychanalyse, Paris, Galilée, 1977. Jacques Nassif publiera encore Le bon mariage. L’appareil de la psychanalyse, Paris, Aubier, 1992 ; Comment devient-on psychanalyste ? Ramonville-Sainte-Agne, Érès, 1999 ; L’Écrit, la voix. Fonctions et champ de la voix en psychanalyse, Paris, Aubier, 2004 ; et Un troisième temps pour la psychanalyse, Montréal, Liber, 2006.

6 En forme d’ultime témoignage : Louis Althusser, L’Avenir dure longtemps, suivi de Les faits, édition établie et présentée par Olivier Corpet et Yann Moulier Boutang, Paris, Stock-IMEC, 1992.

7 Jean Boutier, Alain Dewerpe, Daniel Nordman, Un Tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984.

8 Il en lira bientôt L’Amour du censeur. Essai sur l’ordre dogmatique, Paris, Éditions du Seuil, 1974.

9 Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967.

10 Philippe Boutry, « Restauration », dans Dominique Kalifa (dir.), Les Noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 2020, p. 27-54.

11 Un dossier « Martin de Gallardon » est conservé aux Archives nationales à la côte F7 6809 (1615). Deux ouvrages essentiels ont déjà traité du personnage : Paul Marin, Les Médiums et les thaumaturges du XIXe siècle. Thomas Martin de Gallardon, Paris, Carré, 1892 ; Georges Lenôtre, Martin le visionnaire, Paris, Calmann-Lévy, 1923.

12 En dernier lieu, André Vauchez (dir.), Prophètes et prophétisme, Paris, Éditions du Seuil, 2012, avec des contributions de Jean-Robert Armogathe, Sylvie Barnay, Jean-Pierre Bastian, Philippe Boutry, Pierre Gibert, Valerio Petrarca, Isabelle Richet et André Vauchez.

13 André Vauchez, « Jeanne d’Arc et le prophétisme féminin des XIVe et XVe siècles », dans Jeanne d’Arc : une époque, un rayonnement. Colloque d’histoire médiévale, Orléans, octobre 1979, Paris, Éditions du CNRS, 1982, p. 160-168 ; et, en dernier lieu, Colette Beaune, Jeanne d’Arc, Paris, Perrin, 2004.

14 Jean-Pierre Tennevin, François Michel de Salon de Provence. Le maréchal-ferrant reçu par Louis XIV, Raphèle-les-Arles, Petit, 1990 ; Lucien Bély, Louis XIV, le fantôme et le maréchal-ferrant, Paris, PUF, 2021.

15 Philippe Boutry, Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars, Paris, Éditions du Cerf, 1986, p. 500-502.

16 Raymond Jonas, The Tragic Tale of Claire Ferchaud and the Great War, Berkeley, University of California Press, 2005; Jean-Yves Le Naour, Claire Ferchaud. La Jeanne d’Arc de la Grande Guerre, Paris, Hachette, 2007.

17 Sur pouvoir et inconscient, cf. Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon. Pour une histoire politique de la folie, Paris, Gallimard, 2011.

18 Lucien Bély, Louis XIV, le fantôme et le maréchal-ferrant, op. cit., p. 228-229.

19 Esther, 4, 11 (traduction œcuménique de la Bible).

20 Jean Racine, Esther, acte I, scène III.

21 Hervé Mazurel, L’Inconscient et l’oubli de l’histoire, op. cit., p. 76.

22 « A leisurely discussion, wordy, speculative, more reminiscent of after-dinner conversation than of scholarly endeavour, teeming with subtle connections and tricky aperçus ».

23 Philippe Artières, « Éléments de réception de Martin l’Archange », Art. cit., p. 141. Cette contribution reproduit les recensions de Claude Langlois (Archives de sciences sociales des religions, no64/2, 1987, p. 243-244) et de Jacques Maître (« La sociologie religieuse au carrefour de l’histoire et de la psychanalyse », L’Année sociologique, 3e série, XXXIX, 1989, p. 255-267) ainsi que le compte rendu de Catherine Maire (L’Histoire, n° 92, septembre 1986, p. 90-93) et la correspondance publiée en vertu du droit de réponse (L’Histoire, n° 95, décembre 1986, p. 96-97).

24 Elle vient alors de publier Les Convulsionnaires de Saint-Médard. Miracles, convulsions et prophéties à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard/Julliard, « Archives », 1985.

References

Electronic reference

Philippe Boutry, « Écrire l’histoire avec un psychanalyste : Martin l’Archange (1985) », Revue d’histoire culturelle [Online],  | 2022, Online since , connection on 25 avril 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=3396

Author

Philippe Boutry

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/EHESS