Pratiques et imaginaires prostitutionnels dans les cafés-concerts et music-halls parisiens au XIXe siècle

Practices and imaginaries of prostitution in Parisian café-concert and music-hall in the 19th century

DOI : 10.56698/rhc.2171

Résumés

En tant que lieux d’exhibition féminine et de spectacles érotiques, les cafés-concerts et les music-halls se présentent comme un terrain d’observation fertile pour l’étude de la fabrique des imaginaires sociaux de la sexualité au XIXe siècle. Revenant sur l’assimilation entre artiste féminine et prostituée, l’article se penche sur les pratiques et les imaginaires prostitutionnels produits et diffusés au sein des cafés-concerts et des music-halls parisiens entre le Second Empire et les débuts de la Troisième République. L’enjeu est d’analyser les interférences entre commerce sexuel et divertissement érotique ainsi que leurs effets sur les pratiques professionnelles et la perception sociale des artistes de la scène, évoluant dans ce contexte spectaculaire singulier. Il s’agit de rendre compte des différentes strates d’un dispositif prostitutionnel qui fonctionne par un jeu de correspondances symboliques articulant l’érotique sur scène, la sociabilité galante en salle et la réalité sociale des artistes en coulisses. L’analyse parcourt les différents régimes de visibilité de la sexualité tarifée au XIXe siècle, que celle-ci soit exhibée comme spectacle ou dissimulée à l’intérieur des jeux de paraître et de séduction.

The erotic dimension of café-concert and music-hall presents a fertile field for the study of social imaginaries of sexuality in the 19th century. This paper looks at the practices and imaginaries of prostitution produced and diffused in Parisian cafés-concerts and music halls between the Second Empire and the beginning of the Third Republic. The aim is to analyze the interferences between sexual commerce and erotic entertainment as well as their effects on the professional practices and the social perception of stage performers evolving in this specific spectacular context. The aim is to consider the different layers of prostitution practices and imaginaries that link eroticism on stage, gallant sociability in the hall and the social reality of the artists backstage. The analysis explores the different visibilities of tariffed sexuality in the 19th century, whether it was exhibited as a spectacle or concealed within the games of appearance and seduction.

Index

Mots-clés

Artistes féminines, café-concert, divertissement érotique, music-hall, prostitution

Keywords

café-concert, erotic entertainment, music-hall, prostitution, women artists

Plan

Texte

Le processus d’érotisation des artistes féminines qui se produisent sur les scènes des cafés-concerts et des music-halls parisiens puise dans un imaginaire sexuel qui s’est forgé, entre autres, par l’histoire des interactions entre espaces spectaculaires et espaces prostitutionnels. En effet, l’une des premières raisons de l’assimilation des artistes féminines aux prostituées s’explique par la présence d’une activité prostitutionnelle au sein de plusieurs lieux de divertissement au XIXe siècle. L’expérience festive vécue à l’occasion d’une soirée au bal ou d’une sortie au spectacle offre une palette de sensations qui entremêlent plusieurs types de plaisirs. Dans ce contexte festif, le corps occupe une place centrale. Qu’il soit spectateur ou acteur de la fête, le corps se montre et s’éprouve à travers les plaisirs liés au boire et au manger, à la pratique de la danse, à l’ambiance sonore, olfactive et visuelle qui l’entoure ou à la jouissance esthétique procurée par le spectacle auquel il assiste. Circonscrit dans un espace-temps dédié à la détente et au loisir qui l’extrait provisoirement des contraintes de la vie courante, le corps des fêtards interagit au sein d’une sociabilité prédisposée au partage d’affects et de plaisirs de toutes sortes. Les jeux de séduction et la recherche de rencontres galantes en font partie. La littérature sur les lieux de divertissements parisiens au XIXe siècle livre des récits de ces intrigues amoureuses et sexuelles1.

En tant que lieux d’exhibition féminine et de spectacles érotiques, les cafés-concerts et les music-halls se présentent comme un terrain d’observation fertile à l’étude de la fabrique des pratiques et des imaginaires sociaux de la sexualité. Revenant sur l’assimilation entre artiste féminine et prostituée, l’article se penche sur les rapports entre espaces prostitutionnel et spectaculaire à Paris durant la seconde moitié du XIXe siècle. L’enjeu est d’analyser les interférences entre commerce sexuel et divertissement érotique, ainsi que leurs effets sur les pratiques professionnelles et la perception sociale des artistes scéniques évoluant dans ce contexte spectaculaire singulier. Il s’agit de rendre compte des différentes strates d’un dispositif prostitutionnel qui fonctionne par un jeu de correspondances symboliques articulant l’érotique sur scène, la sociabilité galante en salle et la réalité sociale des artistes en coulisses. L’analyse parcourt les différents régimes de visibilité de la sexualité tarifée au XIXe siècle, que celle-ci soit exhibée comme spectacle ou dissimulée à l’intérieur des jeux de paraître et de séduction.

Émergence d’une prostitution récréative au sein des lieux festifs

À partir du Second Empire, certains espaces festifs et spectaculaires offrent un cadre propice à l’accueil de nouvelles pratiques récréatives de prostitution et marquent une rupture dans l’histoire de la prostitution au XIXe siècle2. Dès les années 1860, l’expansion du libéralisme économique, encouragée par de nouvelles lois commerciales touchant plusieurs lieux publics, notamment le secteur de l’hôtellerie et de l’alimentation3, ainsi que l’émergence d’un tourisme culturel4 favorisent le développement de conduites prostitutionnelles hors des maisons de tolérance. Les terrasses de café, de restaurant, les bals publics, les débits de boissons, ainsi que les établissements de spectacle accueillent une nouvelle forme de prostitution aux enjeux collectifs et récréatifs.

L’émergence de nouveaux lieux de spectacle favorisée par le décret de libéralisation théâtrale en 1864 modifie en profondeur le paysage théâtral parisien5. Héritier du café-chantant au siècle dernier, le café-concert devient l’un des divertissements les plus importants du Second Empire, suivi par le music-hall à partir des années 1880. Les travaux de Concetta Condemi sur le café-concert au XIXe siècle recensent plus de 365 établissements parisiens avec une augmentation exponentielle entre 1852 et 19106. La répartition géographique et sociale de ce nouveau loisir rend compte de pratiques de sociabilité singulière où se mêlent espace de consommation et activité spectaculaire, le café-concert étant à la fois un débit de boissons et une salle de spectacle. Si les rencontres galantes et les rapports de séduction sont fréquents et participent à la sortie au café-concert, Concetta Condemi distingue une catégorie d’établissements qui se rapproche davantage d’un lieu de prostitution que d’une salle de spectacle. À l’instar du concert de la Renaissance situé dans le XVe arrondissement de Paris, ces cafés-concerts sont décrits comme des foyers immondes où se conjuguent à la fois la vulgarité, le vice, l’ivresse, la prostitution et la tabagie. D’après l’auteure, leurs configurations s’apparentent à des maisons closes avec une première salle dédiée à la danse et au chant et un cabinet de passe située à l’étage. L’étiquette café-concert ne servirait ici que de couverture à des pratiques prostitutionnelles clandestines. Alors que les maisons closes représentent les lieux officiels de la prostitution depuis le début du siècle, leur nombre décline à partir du Second Empire jusqu’à disparaître progressivement sous la Troisième République7. Face à une conception hygiéniste qui conçoit la prostitution comme une pratique solitaire rattachée aux besoins intimes et aux frustrations sexuelles, les nouvelles offres prostitutionnelles proposées dans certains lieux n’ayant ni la vocation, ni l’autorisation d’être des espaces de prostitution, modifient en profondeur les usages et les discours sur les pratiques sexuelles rémunérées. L’anonymat et la solitude du client de maison close font place au goût commun d’une sexualité tarifée et partagée dans des formes de sociabilité principalement masculine et hétérosexuelle8, où se confrontent les jeux de paraître, de séduction et de virilité.

Identifiés comme lieux de racolage, plusieurs espaces festifs et spectaculaires parisiens font l’objet d’une surveillance policière au XIXe siècle, rattachés aux services de surveillance des spectacles et de la police des mœurs. Sous le motif de maintien de l’ordre public, le rôle de la police dans ce contexte spécifique consiste à réguler les énergies collectives éparses et plus libérées, en contrôlant les dires et gestes de la foule et en supprimant tous les excès et les délits commis dans cet espace-temps. Parmi les délits les plus régulièrement répertoriés par le contrôle policier au XIXe siècle, il apparaît des excès d’ivresse, tapage nocturne, rixes, outrage public à la pudeur, ainsi que toutes sortes de commerces clandestins, en particulier la prostitution. L’un des exemples les plus significatifs de ces échanges est celui qu’illustre la sociabilité galante des Folies Bergère, un music-hall régulièrement accusé de faire commerce sexuel au sein de son établissement. Les comptes rendus de surveillance produits entre 1870 et 1890 attestent une prostitution récréative parfaitement intégrée à la sociabilité de l’établissement rendant le personnel policier désarmé face à une pratique qui semble hors de sa portée.

Une heure après l’ouverture des portes, la circulation était presque impossible. Le public, trois fois plus nombreux que ne le permet la grandeur de la salle se composant comme l’année dernière des personnes qui viennent pour se mettre en rapport avec des femmes galantes habituées de cet établissement lesquelles se tiennent dans le promenoir, riant, racolant, buvant, interpellant à haute voix le premier venu. Dans un renforcement qui se trouve à droite est installé un divan où peuvent s’asseoir 40 personnes et là des femmes se font embrasser de la façon la plus obscène par les individus qu’elles ont racolés dans la salle. La sortie se trouvant toujours trop étroite, pendant que la foule s’écoule le gaz étant presque éteint, les hommes tiennent les femmes dans leurs bras et sous le prétexte de les protéger contre la bousculade générale, se livrent sur elles à des attouchements. Les buvettes sont tenues comme par le passé par des femmes aux allures de prostituées qui interpellent les promeneurs les engageant à venir consommer sur leurs comptoirs. […] On s’interpelle de huit, dix pas de distance, “quel charmant lupanar !” criait un monsieur qui se trouvait dans la foule tenant devant lui une femme qui n’ayant pas les allures d’une prostituée se débattait tant qu’elle pouvait et son ami lui montrant des jeunes gens qui faisaient galerie dans le couloir lui répondait à haute voix : “Épatant ! Il y a jusqu’à des tantes, nous y reviendrons”. D’autres personnes partaient indignées demandant comment on pouvait tolérer un pareil état de choses9

La description de la sociabilité du public et de l’ambiance dans la salle illustre plusieurs éléments significatifs du contrôle de la prostitution dans le cadre spécifique des divertissements. En premier lieu, il est important de souligner qu’une seule partie des spectateurs des Folies Bergère est impliquée dans les échanges prostitutionnels décrits par cet agent. La temporalité de la programmation de cet établissement permet une offre spectaculaire variée et ciblée en fonction de la sociologie des publics. Par exemple, la mise en place de matinées en fin d’après-midi et certaines soirées programmées durant les weekends s’adressent plus spécifiquement aux familles. Par ailleurs, la dimension de la salle, ainsi que l’aménagement d’espaces d’agrément au sein du dispositif architectural autorisent une cohabitation entre des groupes sociaux aux pratiques et aux intérêts différents10. Certains membres du public ne viennent que pour le plaisir d’assister à la représentation qui reste, rappelons-le, la fonction première d’un établissement de spectacle. Sous la direction de Léon Sari à partir de 1871, les Folies Bergère se dotent d’un promenoir, vaste espace d’ambulatoire qui accueille une sociabilité festive où se mêle jeux d’exhibition sociale et de séduction. La présence de courtisanes parmi la clientèle composant le promenoir en fait un lieu de prédilection des rencontres galantes. Comme le remarque justement Nathalie Coutelet, l’activité galante du promenoir cristallise l’imaginaire érotique associé au Folies Bergère qui se diffuse en masse dans la littérature sur la société parisienne au XIXe siècle11.

Le second point souligné par ce compte rendu policier se rapporte plus spécifiquement aux échanges entre le public ordinaire et le milieu galant. L’attention est portée plus particulièrement sur la cohabitation entre les courtisanes et les femmes convenables, reflétant certaines conceptions dominantes sur le genre et la prostitution à cette période. En effet, l’histoire de la prostitution au XIXe siècle est régie par le système règlementariste qui admet un principe de tolérance pour la sexualité tarifée, sous condition d’un contrôle sanitaire et social strict. Ce régime distingue la prostitution règlementée de celle dite clandestine. Configurée selon un pouvoir panoptique issu du modèle carcéral, la prostitution règlementée s’inscrit dans un dispositif de surveillance policière marqué par des procédés identificatoires, des visites médicales régulières et l’internement des prostituées dans un espace réservé, communément appelé maison close12. Ce contrôle vise en premier lieu à marquer une rupture géographique et morale entre les femmes dites honnêtes et les prostituées en cantonnant ces dernières dans des lieux réservés et cachés au regard des premières. L’ambition est de parvenir à contenir la sexualité extraconjugale dans un espace marginal au point de la rendre invisible et silencieuse aux yeux de tous. La visibilité de comportements prostitutionnels en dehors des lieux publics prévus par le système règlementariste cristallise la hantise d’une contamination de l’immoralité auprès des catégories de femmes légitimes, c’est-à-dire les mères, les épouses et les jeunes femmes. D’après Alain Corbin, « que le plaisir et l’activité sexuelle extraconjugale sortent du ghetto de la prostitution contrôlée constitue la plus terrible des menaces13 ». Visible aux yeux du plus grand nombre, la prostitution récréative aux Folies Bergère semble ainsi d’autant plus menaçante dans un contexte de sociabilité où elle se dissimule au sein d’autres jeux de paraître et de séduction.

H. Alberti, « Une répétition aux Folies Bergère », 1900

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BNF - 4-ICO THE 4376

La distribution spatiale du permis et de l’illicite

La sensorialité qui se dégage d’un corps en situation festive conjuguée à la mise en scène des rapports de séduction donnent à voir des gestes, des mots et des attitudes corporelles empruntés à la sphère intime. L’émergence d’une prostitution récréative au sein de certains établissements de spectacles au XIXe siècle rend compte de la mise en regard d’une sexualité jusqu’à présent confinée dans le secret du privé14. La difficulté pour l’autorité policière consiste à distinguer les comportements à caractère sexuel échangés dans le but du racolage parmi tous ceux qui expriment une liberté de mouvement où l’amusement et le rapprochement physiques sont de mise. La répétition du terme « allure » dans cette note policière, accolé à celui de « prostituée » indique le flou qui entoure la définition approximative des femmes identifiées en tant que prostituées à cette période. Cette imprécision est à l’origine des nombreuses erreurs policières qui amalgament les échanges sexuels rémunérés, les relations adultérines et toutes les formes de relations sexuelles ou amoureuses hors mariage. À l’exception des épouses et des mères qui suscitent une forme de précaution dans les vérifications policières, toutes les femmes sont susceptibles d’être stigmatisées comme prostituées par la police des mœurs au XIXe siècle15.

Les témoignages d’artistes ainsi que plusieurs récits littéraires s’ajoutent aux descriptions policières pour dessiner un espace prostitutionnel incorporé à l’architecture de certains lieux de divertissement au XIXe siècle. À l’intérieur des bals, des cafés-concerts et des music-halls, des endroits sont aménagés pour mettre en relation des filles publiques et des spectateurs. Par exemple, dans le cadre spécifique des cafés-concerts, l’espace réservé à la galanterie se nomme communément le salon. Selon un document non daté produit par le service des renseignements généraux de la police des débits de boissons, les salons seraient « les principaux attraits des cafés-concerts16 », tout particulièrement pour les cafés-concerts situés « aux portes de Paris ou à l’extérieur de l’ancienne enceinte des fermiers17 ». Le salon est généralement un espace aménagé à l’arrière de la scène, dans un recoin moins exposé aux regards. Il est un point de rencontre entre les artistes, les clients et les femmes galantes et se présente comme une attraction indispensable au fonctionnement de l’entreprise. La chanteuse Yvette Guilbert témoigne également de cette pratique en usage au Concert Parisien : « Il y avait, au fond de la salle, un endroit peuplé de chaises et de petits guéridons mobiles, pour les amis de la maison. Ce coin-là s’appelait le « saloir18 », parce que, disait « Auguste » [Auguste Musleck : directeur du Concert Parisien], les cochons de ma connaissance s’y assoient19 ».

Le salon est un lieu ambigu, car il se réfère à deux milieux sociaux et culturels en apparence radicalement opposés. Initialement, il se rapporte aux pratiques mondaines des hommes et des femmes issus du monde des arts et des lettres depuis le XVIIIe siècle. Dans ses travaux sur les salons sous la Troisième République, Anne Martin-Fugier montre la circulation et le transfert des codes mondains par la reproduction de l’élitisme des salons au sein d’autres sphères sociales20. D’après l’auteure, le salon, unité de base des mœurs de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie, n’est pas l’apanage du grand monde, mais sert de modèle à l’ensemble de la société, surtout aux classes moyennes. Poursuivant cette recherche, Lola Gonzalez-Quijano révèle des pratiques de sociabilité similaires chez les grandes courtisanes qui font partie intégrante de la société mondaine et intellectuelle au XIXe siècle21. Entre le Second Empire et la Belle Époque, plusieurs courtisanes-salonnières telles que Liane de Pougy ou Émilienne d’Alençon tiennent salon dans leurs appartements et leurs hôtels particuliers où elles s’entretiennent avec les personnalités les plus influentes du milieu des arts et des lettres. D’après l’auteure, les demi-mondaines ne font pas qu’imiter les salonnières respectables, mais participent activement au déploiement de la vie artistique et littéraire parisienne au XIXe siècle.

Nombreuses sont celles qui, à l’instar de Cléo de Mérode, mènent en parallèle de leur position de courtisane, une carrière théâtrale ou littéraire. À travers les salons, mais également la fréquentation des lieux de divertissements parisiens, les courtisanes parviennent à tisser des réseaux sociaux d’influence, à façonner leur image et gagner ainsi en notoriété. Les relations de protectorat qu’elles nouent avec certains hommes de pouvoir, ainsi que la place qu’elles occupent dans la culture médiatique de l’époque, sont autant de moyens d’affirmer la voie de la galanterie comme un moyen d’ascension sociale pour les femmes. Réciproquement, la fréquentation de femmes galantes profite à certains artistes et hommes de lettres qui aspirent à entrer dans la haute société parisienne, à consolider leur position dans le milieu artistique ou simplement à y puiser une source d’inspiration. Modèles ou muses, les grandes courtisanes occupent une position privilégiée dans la sphère intellectuelle et artistique de l’époque. Une partie du public masculin des salons des courtisanes fréquente également les salons des grands divertissements parisiens au XIXe siècle. Des personnalités célèbres telles que les frères Goncourt, Toulouse-Lautrec, Alexandre Dumas exercent une certaine influence dans le milieu des cafés-concerts et des music-halls en projetant un ensemble de représentations et de discours sur les artistes féminines qui assurent une liaison entre le milieu de la galanterie et le monde du spectacle22. Ces porosités sociales se manifestent dans les pratiques de sociabilité festive et dans la construction d’un éros parisien, mais également à l’échelle de la production érotique des spectacles où la courtisane devient tour à tour actrice et personnage.

Paris : « l’odeur de la femme traîne partout et vous envahit »

Cette juxtaposition entre espace prostitutionnel et spectaculaire contribue à assimiler, sur le plan matériel et idéologique, la marchandisation sexuelle du corps au marché du spectacle érotique. L’intégration d’espaces intimes réservés aux rencontres galantes dans l’architecture de certains lieux publics dédiés au divertissement s’inscrit dans la géographie urbaine et symbolique façonnée par le mythe de Paris comme capitale des plaisirs. La naissance de ce mythe s’exprime dès le XVIIe siècle, culmine au temps des Lumières et s’enracine sous le Second Empire. La vision d’une ville enchanteresse, capitale des arts et des plaisirs, se construit par le truchement de la littérature, des arts et de la philosophie des Lumières23, le développement d’un tourisme culturel et d’une industrie des loisirs24, ainsi que par l’aménagement à la fois urbanistique et symbolique d’un Éros parisien25. Depuis l’Ancien Régime, les spectacles, les bals et les fêtes prennent part au rayonnement de l’image de Paris comme une ville ouverte à tous les plaisirs de l’existence. Entre le Second Empire et les débuts de la Troisième République, la géographie des plaisirs se reconfigure par le mouvement d’haussmannisation théâtrale et l’émergence d’une industrie des spectacles26.

Relayés par les guides touristiques, les cafés-concerts et les music-halls vont jouer un rôle majeur dans la perpétuation de cette mythologie parisienne. Le caractère éclectique du répertoire de ces divertissements qui mêlent des formes spectaculaires variées issues des arts du cirque, des attractions foraines, de la danse, du théâtre musical ou encore de la pantomime permet de plaire au plus grand nombre27. Malgré la spécificité morphologique de chaque établissement et la diversité des genres spectaculaires proposés, le registre érotique domine les discours et les représentations des cafés-concerts et des music-halls. Au tournant du siècle, la féminisation du répertoire conjuguée à la médiatisation érotique des lieux en font un lieu majeur de patrimonialisation d’une séduction parisienne. La frivolité et la grivoiserie qui s’affichent dans plusieurs revues et ballets où la nudité féminine est mise en avant nourrissent également cette image du gai Paris et en augmentent l’attrait auprès des provinciaux et des étrangers en visite dans la ville28. Identifiés en tant que lieux d’exhibition féminine, ces espaces qui accueillent des spectacles de femmes dénudées entretiennent et gratifient le succès du mythe de la « capitale de la chair offerte29 ». Tandis que les chanteuses de l’Alcazar et des Ambassadeurs « mettent une note d’élégance toute parisienne qui est charmante aux yeux30 », le Casino de Paris offre « des ballets somptueux avec leurs bataillons de danseuses délicieusement habillées et déshabillées31 ». La mythologie urbaine de la capitale s’appuie sur une opération de féminisation et d’érotisation de la ville. Les symboles textuels et iconographiques alliés à l’imagerie de la capitale privilégient la plupart du temps les traits d’un visage ou d’un corps féminin. Ainsi, le mythe du Paris-plaisir se réfracte sur le corps féminin et participe à une altérisation symbolique qui fait de Paris « le temple des femmes32 ».

Comme le remarque Michelle Perrot, le rejet des femmes hors de l’espace public et politique n’empêche pas, quand il ne le favorise pas, le déploiement massif d’images de femmes dont Paris est submergée33. De l’incarnation de la République par les figures successives de Marianne34, aux allégories féminines qui foisonnent sur les monuments et les sculptures de la ville, en passant par la publicité commerciale qui se développe en masse à partir du Second Empire, le corps féminin occupe une place symbolique importante qui s’empare de l’espace public. Cette féminisation de la ville se transpose dans les lieux de divertissement, particulièrement les music-halls qui se spécialisent dans cette symbolisation d’un corps féminin érotisé où « de la scène à la salle, l’odeur de la femme traîne partout et vous envahit35 ».

La représentation d’un Paris festif et gai se diffuse par le biais d’un ensemble varié de sources qui réunit la littérature, les physiologies, les chroniques journalistiques ou littéraires, mais également les almanachs de spectacle ainsi que les guides touristiques. Les physiologies de Paris et les nombreux guides publiés tout au long du XIXe siècle tels que Les Plaisirs de Paris36, Paris viveur37, Paris Cythère38, etc. dessinent, au gré de déambulations narratives dans les rues de la capitale, une géographie des plaisirs. La narration des itinéraires conseillés est appuyée par un discours parisianiste qui joue avec les stéréotypes sociaux. Suivant les modes vestimentaires, s’esquissent les portraits du viveur au savoir-vivre hédoniste et de la Parisienne qui incarne le symbole de la séduction, du chic et de l’élégance39. Selon le Guide des plaisirs de Paris, l’un des principaux attraits que suscite un voyage à Paris est la possibilité de rencontrer ses habitants, principalement la Parisienne :

Parmi les projets du voyageur qui se dirige vers Paris, un de ceux qu’il caresse avec le plus de plaisir au-dedans de lui-même est certainement celui de faire connaissance avec la Parisienne, qu’il ne connait que par les livres, le théâtre et les on-dit, et d’étudier lui-même, et de très près, ce monstre charmant40.

Publiés à la Belle Époque, de nombreux guides touristiques s’allient aux annuaires mondains en listant les lieux où les touristes en visite à Paris peuvent se mettre en rapport avec les plus belles femmes de la ville. Certains lieux de divertissements figurent dans les mêmes ouvrages qui recensent les plus grandes maisons de tolérance ou les adresses des courtisanes les plus célèbres. Héritiers des ouvrages licencieux qui circulaient clandestinement au XVIIIe siècle41, les guides d’un tourisme sexuel qui ne dit pas encore son nom réunissent sur les mêmes pages, la prestigieuse maison close surnommée le Chabanais42 et les non moins célèbres Folies Bergère. Dans le fameux Guide secret des plaisirs parisiens, Victor Leca précise que cette brochure est destinée « à l’usage exclusif des hommes où l’homme marié ne peut conduire sa légitime épouse et ses enfants43 » puisque son objectif est « de renseigner sur les femmes44 ». Selon l’auteur, les « filles d’amour45 » se rencontrent partout dans la ville, mais plus particulièrement dans les lieux de divertissement. Chaque lieu prostitutionnel est présenté aux lecteurs dans un chapitre spécifique où figurent le nom et l’adresse de l’établissement. Aux côtés des chapitres consacrés aux maisons closes s’adjoignent ceux dédiés aux maisons de rendez-vous, aux brasseries à femmes, aux cafés-concerts et music-halls, aux théâtres légers, aux attractions (cirques, fêtes foraines, palais des glaces) ainsi qu’aux bals. Parmi l’ensemble de ses recommandations, Victor Leca estime que :

C’est au music-hall, plutôt qu’ailleurs, qu’un élégant comme toi va tenter la bonne fortune amoureuse. En effet, les demi-mondaines les plus huppées, les plus jolies fréquentent assidûment ces établissements luxueux où le Tout-Paris court applaudir des artistes renommées par leur talent et leur beauté admirable46.

De la salle à la scène : une esthétique prostitutionnelle

Les interférences entre les milieux de la prostitution et du divertissement contribuent à construire une sorte d’esthétique prostitutionnelle dans laquelle se croisent les artistes féminines et les prostituées. Le glissement entre la salle et la scène est facile, car la présence de prostituées au sein du public et les échanges de séduction qu’elles contractent avec le public conditionnent la perception des spectateurs et le regard porté sur le corps scénique. L’érotisation de la salle, induite par l’activité galante des courtisanes qui y sont présentes, dialogue avec la grivoiserie féminine spectacularisée sur scène. Ce va-et-vient prédispose à une expérience érotique qui concourt à la fois au spectacle et au plaisir des spectateurs. Cette atmosphère érotique est accentuée par le répertoire des spectacles qui joue sur un registre explicitement grivois47. Cette interpénétration traverse les répertoires de spectacle et se concrétise par la présence de courtisanes sur scène, employées occasionnellement pour figurer dans la programmation d’un spectacle où elles s’improvisent comédiennes. C’est le cas par exemple d’Émilienne d’Alençon qui est à l’affiche d’un programme des Folies Bergère en 1893. Elle y interprète le personnage éponyme d’Émilienne dans le ballet-pantomime Émilienne au 4’Z’Arts, qui sera suivi par les Danses nouvelles de Loïe Fuller48. Ce partage de la scène entre le demi-monde et l’avant-garde chorégraphique incarnée par la danseuse Loïe Fuller révèle la circulation et la mixité dans l’offre spectaculaire proposée au music-hall où modernité et divertissement s’entremêlent. La cohabitation de ces deux personnalités singulières au sein d’une même programmation nourrit également l’idée d’une perméabilité entre les milieux galant et artistique, consolidant ainsi le mythe de l’artiste-prostituée.

« Un café-chantant aux Champs-Élysées », 1850

Recueil topographique, Paris (9e arrondissement)

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BNF – VA-278

Cette esthétique prostitutionnelle se manifeste dans le contenu thématique des spectacles à travers le choix de personnages figurant des courtisanes, demi-mondaines et autres lorettes, dans les intrigues portées par les revues, vaudevilles et ballets ainsi que par un répertoire gestuel érotique qui court du spectacle chansonnier grivois49 aux danses dites excentriques50. Au-delà du contenu littéraire et érotique de la programmation des spectacles, la présence d’une esthétique prostitutionnelle au music-hall apparait dans le dispositif même du spectacle par la mise en regard d’un corps féminin érotisé. L’imaginaire prostitutionnel rencontre la scène au moment où l’exposition publique du corps, principalement du corps féminin, est perçue en soi comme une expression érotique au XIXe siècle. L’industrie du music-hall s’empare des effets produits par l’exhibition de corps féminins sur scène en élaborant des techniques publicitaires qui jouent explicitement sur l’ambiguïté entre séduction spectaculaire et commerce sexuel, projetée sur le statut de l’artiste scénique51.

Dans les années 1880, la médiatisation des artistes féminines s’accomplit souvent par le prisme symbolique d’une féminité érotisée, tout en restant conforme à la moralité bourgeoise et aux limites de la censure dramatique, active jusqu’à sa dissolution en 190652. Le corps de la femme artiste convoque un lieu de transaction symbolico-économique où vecteur publicitaire et emblème parisianiste s’entremêlent. Outre la médiatisation par le biais de la presse illustrée, le phénomène d’érotisation féminine s’institue au sein même des établissements de spectacle qui sont, pour la majorité, gérés par et pour des hommes53. L’objectivation du corps féminin est à son apogée dans la pratique de la « corbeille » qui est en usage dans la plupart des cafés-concerts, principalement ceux aux faibles moyens de production. La corbeille désigne la mise en scène de plusieurs figurantes féminines. Installées en fond de scène et positionnées en demi-cercle, elles mettent en valeur les artistes qui évoluent au-devant du plateau. La corbeille représente le décor prestigieux et les habitus des membres d’un salon bourgeois. Les figurantes, appelées aussi poseuses, sont habillées de façon luxueuse reproduisant les modes et les usages vestimentaires de la haute société. Elles se mettent en scène en discutant entre elles, en riant, en jouant de l’éventail et de l’ombrelle et en entretenant un rapport de séduction avec certains membres du public. Dans son ouvrage sur le café-concert publié en 1889, André Chadourne décrit cette mise en scène de la séduction à bas prix en révélant à rebours la formulation d’une véritable technique scénique.

Ce ne sont point sans doute des seigneurs et des marquises de cour qui l’occupent, mais une dizaine de femmes en toilette de bal et rangées en hémicycle. Elles gardent rarement une attitude modeste, et plus d’une correspond cavalièrement du regard avec les gandins placés à l’orchestre ; mais, par l’entremêlement de leurs robes, de leurs corsages multicolores, tranchant sur le vert encadrement des arbres et sous l’irradiation multiple des lustres, elles offrent à l’œil un affriolant tableau54

L’extravagance et la surenchère des costumes seraient, selon l’auteur, une façon « de donner plus d’apparat55 » au modeste décor des établissements. Soumis à l’interdiction d’employer costumes et accessoires de théâtre, les directeurs de café-concert auraient usé de la corbeille afin de remédier à cette contrainte56. En effet, les limitations imposées par le décret de 1807 interdisaient l’usage de costume, de machinerie et d’accessoire sur les scènes non théâtrales. Soixante ans plus tard, la libéralisation artistique des cafés-concerts autorise les artistes et les directeurs à employer tous les artifices scéniques comme au théâtre57. Malgré cet assouplissement règlementaire et malgré l’interdiction officielle de la pratique de la corbeille dans les années 1880, celle-ci reste active jusqu’au début du XXe siècle dans plusieurs établissements secondaires.

Pour en finir avec l’image de l’artiste prostituée : vers la fin de la quête et de la corbeille ?

Outre son rôle publicitaire et ornemental participant à la féminisation et à l’érotisation du lieu, la corbeille a une fonction économique importante. En effet, les poseuses endossent une part de la responsabilité financière de la soirée. Entre chaque numéro, les figurantes-artistes sont chargées de descendre de la scène et de déambuler entre les tables des consommateurs afin de récolter la quête de la soirée. Soupçonnée de favoriser la prostitution des artistes féminines, la quête s’introduit dans les débats syndicaux à partir des années 188058. Parmi les interventions visant l’amélioration des conditions de travail des artistes exerçant dans le milieu des cafés-concerts, la Chambre syndicale des artistes dramatiques, lyriques et musiciens préconise la lutte contre la prostitution scénique. Perçue comme étant en partie responsable de la mauvaise réputation accolée aux artistes de café-concert et de music-hall, combattre le développement de la prostitution scénique se présente comme un moyen d’action efficace dans la conquête d’une réhabilitation morale des espaces populaires et d’une revalorisation sociale des artistes. Le syndicat se concentre principalement sur deux pratiques internes aux conditions professionnelles des artistes féminines de music-hall. La corbeille et la quête, en usage dans plusieurs établissements, sont les deux cibles principales de la lutte syndicale contre la prostitution scénique.

Ici une question se pose. Quand aura-t-on fini d’assimiler en général l’artiste dramatique, l’artiste lyrique à la prostituée ? Faut-il répondre de suite et franchement : le jour où les artistes ne se conduiront pas comme des prostituées59.

Ces propos ont été prononcés par André Ibels, l’un des acteurs les plus influents du mouvement syndical des artistes de café-concert sous la Troisième République. En étroite collaboration avec son frère Henri-Gabriel Ibels, il lance une véritable campagne de presse pour sensibiliser les autorités et l’opinion publique sur les conditions professionnelles des artistes issus des divertissements populaires. La façon de rémunérer les artistes et les dérives prostitutionnelles induites par cette forme de rémunération sont au cœur de sa critique de la « traite des artistes60 », qui s’inscrit dans le prolongement du mouvement abolitionniste, engagée contre la police des mœurs et la prostitution règlementée au début de la Troisième République61.

Henri-Gabriel Ibels, « La Quête » dans L’Assiette au beurre, 23 juin 1906

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Dans un article intitulé « Mendicité obligatoire » paru dans le journal Le Matin en 1906, André Ibels dénonce plusieurs entrepreneurs d’établissements qui tirent profit de cette pratique. Selon l’auteur, la quête permet aux directeurs d’économiser sur la rétribution des artistes, de spéculer sur les consommations et de favoriser la prostitution scénique en poussant les artistes féminines à séduire la clientèle.

En installant un concert à quêtes, le tenancier n’a pas seulement dans l’idée de ne jamais payer les chanteuses qu’il engage ; il espère en outre que, des frôlements répétés, du contact constant, de la continuelle promiscuité entre consommateurs et artistes, naitront des aventures dont il recueillera, à lui seul, tout le profit, car les quêtes ne sont qu’un moyen d’encourager le client à consommer, et les chanteuses à se prostituer62.

Entre 1880 et 1900, le mouvement d’institutionnalisation du music-hall ainsi que l’extension d’un marché économique des divertissements tendent à faire évoluer les conditions de travail des artistes. Ce mouvement accompagne également le développement d’un vaste champ artistique et la consolidation de pratiques professionnelles. L’amélioration du statut d’artiste scénique passe en premier lieu par la revendication d’une rémunération fixe, que celle-ci se présente sous une forme salariale ou par un système de cachet. La suppression de la quête est alors perçue comme la garantie d’une meilleure stabilité financière et d’un statut professionnel décent. Le second point dénoncé par les syndicats au sujet de la pratique de la quête concerne la prostitution féminine associée à cette forme de rémunération. Le geste de faire la quête implique un rapport direct entre les artistes et les spectateurs. Les contacts physiques échangés à cette occasion sont chargés d’une forte tension sexuelle. Les regards, les propos et les attouchements entourent ce geste utilitaire qui exprime et incarne une transaction économique. La circulation de la monnaie passe d’une main à l’autre, quand elle ne glisse pas dans le décolleté ou les bas des figurantes. Ce geste est empreint d’une intense symbolique sexuelle en donnant l’illusion aux spectateurs d’acheter réellement l’artiste féminine qui est face à eux. Cette juxtaposition symbolique entre les artistes féminines et l’argent est récurrente dans les représentations iconographiques des cafés-concerts et des music-halls à la fin du siècle. Dans ce dessin de Steinlen paru sur la couverture du journal Le Mirliton en 1886, une danseuse en appui sur la pointe de sa jambe droite, soulève l’autre à hauteur de sa tête. Elle déploie sa jupe ailée au sommet de laquelle figure une grosse pièce d’or de 20 francs. Le spectacle d’une femme qui demande publiquement de l’argent aux spectateurs renvoie à la dépendance financière et au statut social et juridique des femmes qui restent encore, dans la législation des mœurs au XIXe siècle, assujetties au pouvoir des hommes.

Dessin de Théophile Alexandre Steinlen publié dans Le Mirliton, 6 août 1886

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La séduction qui entoure le geste de la demande d’argent touche à l’imaginaire prostitutionnel et plus largement aux formes de vénalité féminine. Les échanges entre les spectateurs et les poseuses durant la quête sont interprétés comme des signes préliminaires ou des promesses de rencontre sexuelle à venir. C’est pour cette raison que ces pratiques sont critiquées à plusieurs reprises dans les requêtes syndicales. Parmi les conditions d’exclusion stipulées dans les statuts de l’Union syndicale des artistes lyriques, certaines concernent directement ces usages. L’article 55 prévoit que « tout artiste, homme ou femme, qui consent à travailler dans un concert à quête sans être en plus rétribué par un fixe63 » sera exclu de l’Union. Plusieurs circulaires de police et arrêtés municipaux vont dans le sens des revendications syndicales en interdisant aux directeurs de pratiquer la quête et la pose des artistes au sein de leurs établissements. Dans un arrêté préfectoral publié dans le Bulletin de l’Union syndicale des artistes lyriques de café-concert et de music-hall en 1905, certains articles s’appliquent spécifiquement à l’interdiction de ces pratiques. L’article 5 de ce document réaffirme que « les quêtes, tombolas et loteries sont rigoureusement interdites dans tous les établissements publics64 » tandis que l’article 11 stipule que « la pose des artistes sur la scène est formellement interdite. Les artistes ne devront occuper la scène que pour l’exécution du programme65 ». D’autres règles exposées dans l’arrêté tentent de limiter les rapprochements entre les artistes féminines et certains membres du public en interdisant par exemple l’accès de certains lieux aux spectateurs.

Il est formellement interdit aux artistes, soit au cours des représentations, soit au cours des répétitions, de jour ou de nuit, d’avoir communication avec le public dans n’importe quelle partie de l’établissement ; le directeur ou le gérant est rendu responsable de l’observation de cette interdiction66.

L’article suivant propose de fixer des choix de « costume décent » et de censurer tout comportement féminin jugé trop excessif dans le jeu de la séduction avec les spectateurs : « L’artiste qui, par sa tenue, ses gestes, ses paroles ou ses relations avec le public serait une cause de désordre, sera expulsée de l’établissement et se verra retirer définitivement toute autorisation sans préjudice des suites de droit67 ». Malgré ces règlementations qui finissent par en interdire l’usage, la quête continue à être pratiquée dans les établissements de second ordre jusqu’à la fin du XIXe siècle. La disparition progressive de ces usages ne concerne que les plus grands établissements. Par ailleurs, il semble que ce recul ne résulte pas exclusivement des mesures règlementaires, mais également des transformations morphologiques et sociales que connaissent les cafés-concerts et les music-halls à partir des années 1880. Le double processus de libéralisation et d’industrialisation des cafés-concerts et des music-halls amorcé dès le Second Empire renouvelle en profondeur l’offre spectaculaire par le déploiement de grandes productions impliquant l’élargissement du personnel artistique et l’enrichissement des répertoires. À la différence des grands théâtres, le manque de sources statistiques stables ne permet pas de quantifier avec précision le personnel artistique des cafés-concerts et des music-halls. Toutefois, plusieurs historiens rendent compte des profondes mutations qui s’opèrent dans le parc de l’emploi artistique sous la Troisième République. Les travaux de Dominique Leroy soulignent l’évolution du mode de production par le passage du stock système (troupe d’artistes permanente) au combinaison système favorisant un rythme industriel avec une alternance plus rapide de la programmation et le développement du système des tournées en province et à l’étranger68. Cette évolution renouvelle l’offre et la demande dans le secteur professionnel, à l’échelle des formations et de l’extension du personnel, notamment féminin, comme l’a justement remarqué Christophe Charle pour le cas des artistes dramatiques69.

Face à la modernisation et à l’enrichissement de salles telles que le Casino de Paris ou l’Olympia, et à la grandiloquence de certaines productions, le rôle décoratif de la corbeille tombe progressivement en désuétude à la fin du siècle. Par ailleurs, la généralisation d’une politique tarifaire calquée sur le modèle de la billetterie théâtrale semble aussi être un facteur décisif de l’abandon de la quête au sein des plus grands cafés-concerts et music-halls. Le principe de gratuité à l’origine du café-concert, permettant le libre accès au spectacle moyennant le tarif d’une consommation, n’est plus à l’ordre du jour dans les grands établissements en 1880. Le rôle économique joué par la corbeille était en effet corrélé à la vente des boissons et à la pratique du renouvellement obligatoire des consommations, imposé à la clientèle dans plusieurs établissements. Les sollicitations des artistes féminines pendant la quête visaient à inciter les spectateurs à consommer, l’argent obtenu par ces consommations étant l’unique recette de la soirée. En augmentant les ressources de l’industrie des cafés-concerts et des music-halls, la vente des billets aurait peut-être permis de remplacer les bénéfices de la quête au profit d’une économie plus viable sur le long terme.

L’émergence de nouvelles formes récréatives de prostitution s’accorde avec l’érotisation croissante des cafés-concerts et des music-halls et s’intègre au mythe urbain du Paris-plaisir dès le Second Empire. L’esthétique prostitutionnelle qui se déploie par le dialogue entre scène et salle élabore une lecture fortement sexualisée des rapports sociaux de sexe qui traverse les formes de sociabilité du public, le personnel professionnel et les échanges perceptifs entre la scène et la salle. Cette atmosphère érotique contribue à assimiler sur le plan symbolique, l’ensemble des femmes présentes - artistes comprises - à des prostituées, ou plus largement à des femmes « légères », c’est-à-dire averties, et prédisposées à répondre au jeu érotique. L’imaginaire sexuel projeté sur les artistes féminines de café-concert et de music-hall joue sur l’ambivalence d’un usage commercial du corps qui s’affiche dans une séduction spectaculaire. Les problématiques liées à la prostitution scénique des artistes sont indissociables du mouvement de légitimation professionnelle engagé par plusieurs artistes à la fin du siècle dans ce contexte spécifique du divertissement érotique. L’exposition des rapports entre sexualité et économie dans le dispositif prostitutionnel au music-hall touche à l’histoire sociale et genrée des pratiques internes aux professions artistiques, mais s’inscrit plus largement dans une histoire culturelle de la séduction et de la sensibilité érotique au XIXe siècle.

1 Cet ensemble se compose de physiologies, de guides touristiques et de petites brochures dédiés aux bals, petits théâtres, cafés-concerts, cabarets

2 Lola Gonzalez-Quijano, Filles publiques et femmes galantes. Des sexualités légitimes et illégitimes à l’intérieur des espaces sociaux et

3 Henry-Melchior De Langle, Le Petit monde des cafés et des débits parisiens au XIXe siècle. Évolution de la sociabilité citadine, Paris, Presses

4 Marc Boyer, L’Invention du tourisme, Paris, Gallimard, 1996.

5 Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010.

6 Concetta Condemi, Le Café-concert à Paris de 1849 à 1914. Essor et déclin d’un phénomène social, thèse dirigée par Alberto Tenenti, EHESS, 1989.

7 Alain Corbin, Les Filles de noces. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1982.

8 Pour une approche d’autres modèles de sexualité au XIXe siècle : Nicole G..Albert, « De la topographie invisible à l’espace public et littéraire :

9 Rapport de surveillance des Folies Bergère, 16 septembre 1877. Archives de la Préfecture de police de Paris [JC BM2].

10 Une étude exhaustive de la sociologie des publics de music-hall reste à faire, notamment à l’échelle de sa composition féminine.

11 Nathalie Coutelet, « Les Folies-Bergère : une pornographie “select ” », Romantisme, 163, 2014, p. 111-124.

12 Jean-Marc Berlière, La Police des mœurs sous la IIIe République, Paris, Seuil, 1992.

13 Alain Corbin, Les Filles de noce…, op. cit., p. 44.

14 Alain Corbin, « Coulisses », dans Michelle Perrot (dir.), Histoire de la vie privée. De la Révolution à la Grande Guerre, vol. 4, Paris, Seuil

15 Gabrielle Houbre, Le Livre des courtisanes. Archives secrètes de la police des mœurs (1861-1876), Paris, Tallandier, 2006.

16 Renseignements généraux sur les bals et les cafés-concerts, s.d. Archives de la Préfecture de police de Paris [DB 100].

17 ibid.

18 Le saloir désigne un grand récipient destiné à recevoir les salaisons dans le milieu agricole au XIXe siècle. Dans cet extrait, le terme fait

19 Yvette Guilbert, La Chanson de ma vie. Mes mémoires, Paris, Grasset, 1927, p. 108.

20 Anne Martin-Fugier, Les Salons de la IIIe République. Art, littérature, politique, Paris, Perrin, 2003.

21 Lola Gonzalez-Quijano, Filles publiques et femmes galantes…op.cit., p. 104.

22 Nienke Bakker, Isolde Pludermacher, Marie Robert, Richard Thomson (dir.), Splendeurs et misères. Images de la prostitution (1850-1910), cat. expo.

23 Pierre Citron, La Poésie de Paris dans la littérature française. De Rousseau à Baudelaire, Paris, Éditions de Minuit, 1961 ; Daniel Oster

24 Jacques Marseille, Patrick Eveno (dir.), Histoire des industries culturelles en France (XIXe-XXe siècles), Paris Association pour le développement

25 Sylvie Chaperon, Emmanuelle Retaillaud-Bajac, Régis Revenin, Christelle Taraud (dir.), « Éros parisien », Genre, sexualité & société, 10, 2013, UR

26 Catherine Naugrette-Christophe, Paris sous le Second Empire. Le théâtre et la ville. Essai de topographie théâtrale, Paris, Librairie théâtrale

27 Pour une histoire esthétique des cafés-concerts et des music-halls : Jacques Feschotte, Histoire du music-hall, Paris, Presses universitaires de

28 Livia Suquet, L’Érotisation massive des spectacles de la Belle Époque (1870-1914), mémoire dirigé par Romain Piana, université Sorbonne Nouvelle

29 Julia Csergo, « Extension et mutation du loisir citadin. Paris, XIXe - début XXe siècle », dans Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs

30 Guide des plaisirs à Paris, Paris, s.n., 1908, p. 94.

31 Ibid., p. 97.

32 Louis Chevalier, Montmartre du plaisir et du crime, Paris, Payot et Rivages, 1995, p. 164.

33 Michelle Perrot, « Le Genre de la ville », Communications, 65, 1997, p. 149-163.

34 Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir. L’Imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989.

35 Guide des plaisirs à Paris, op.cit., p. 100.

36 Alfred Delvau, Les Plaisirs de Paris, op.cit.

37 Henri de Pène, Le Paris viveur, Paris, Édouard Dentu, 1862.

38 Maurice Delsol, Paris-Cythère. Étude de mœurs parisiennes, Paris, Imprimerie de la France artistique et industrielle, 1893.

39 Emmanuelle Retaillaud, La Parisienne. Histoire d’un mythe : du siècle des Lumières à nos jours, Paris, Seuil, 2020.

40 Guide des plaisirs à Paris, op.cit., p. 382.

41 Pierre Monzani, « Guides et plaisirs parisiens au XVIIIe siècle », Urbi, 9, 1984, p. 49-68.

42 Nicole Canet, Le Chabanais. Histoire de la célèbre maison close (1877-1946), Paris, Galerie Au bonheur du jour, 2015.

43 Victor Leca, Guide secret des plaisirs parisiens, Paris, L. Chaubard, 1906, p. 7.

44 Ibid.

45 Ibid.

46 Ibid., p. 43.

47 Romain Piana, « “Paris-voyeur” : les dispositifs spectaculaires érotiques dans la revue », Études théâtrales, 2, 2016, p. 189-209.

48 Programme du 26 décembre 1893, Folies Bergère. Bibliothèque historique de la ville de Paris, fonds Actualités, série 102.

49 Marie-Véronique Gauthier, Chanson, sociabilité et grivoiserie au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1992.

50 Camille Paillet, Déshabiller la danse. Les Scènes de café-concert et de music-hall (Paris, 1864-1908), thèse en arts vivants (danse) dirigée par

51 Sabine Chaouche, Clara Sadoun-Édouard (dir.), « Consuming female performers (1850s-1950s) », European drama and performance studies, 2, 2015.

52 Camille Paillet « Se déshabiller sur scène au tournant du siècle. Le Coucher d’Yvette (Paris, 1894) », Clio. Femmes, genre, histoire, 54, 2021, p. 

53 Un constat qui mériterait d’être réévalué à l’aune du rôle joué par les directrices d’établissement et les nombreuses créatrices minorées par l’

54 André Chadourne, Les Cafés-concerts, Paris, Édouard Dentu, 1889, p. 21.

55 Ibid.

56 Concetta Condemi, Le Café-concert à Paris…, op.cit.

57 Martin Pénet, « Le Café-concert, un nouveau divertissement populaire », dans Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, op.cit.

58 Pour une histoire du syndicalisme au sein des cafés-concerts et des music-halls : Marie-Ange Rauch, À bas l’égoïsme, vive la mutualité ! La

59 André Ibels, La Traite des chanteuses (mœurs de Province). Beuglants et bouisbouis, le prolétariat de l’art ou de l’amour ?, Paris, Félix Juven

60 Sur la théorie de la traite des blanches et sur ses fondements idéologiques : Jean-Michel Chaumont, Le Mythe de la traite des Blanches. Enquête sur

61 Alain Corbin, Les Filles de noces…, op.cit., p. 315-344.

62 André Ibels, « La Traite des chanteuses. Mendicité obligatoire ! », Le Matin, 1er mai 1906.

63 Article 55 des statuts de l’Union syndicale des artistes lyriques des cafés-concerts et des music-halls, vers 1903.

64 « Règlement sur les cafés-concerts, music-hall, artistes ambulants et les bals publics », Bulletin de l’Union syndicale des artistes lyriques (

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Ibid.

68 Dominique Leroy, Histoire des arts du spectacle en France. Aspects économiques, politiques et esthétiques de la Renaissance à la Première Guerre

69 Christophe Charle, Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne (1860-1914), Paris, Albin Michel

Notes

1 Cet ensemble se compose de physiologies, de guides touristiques et de petites brochures dédiés aux bals, petits théâtres, cafés-concerts, cabarets et music-halls. À titre d’exemple, le lecteur peut se rapporter aux ouvrages suivants : Taxile Delord, Physiologie de la Parisienne, Paris, Aubert/Lavigne, 1841 ; Alfred Delvau, Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris, Paris, Édouard Dentu, 1862 ; Victor Leca, Guide secret des plaisirs parisiens, Paris, L. Chaubard, 1906 ; Auguste Vermorel, Ces dames : physionomies parisiennes, Paris, Chez tous les libraires, 1860.

2 Lola Gonzalez-Quijano, Filles publiques et femmes galantes. Des sexualités légitimes et illégitimes à l’intérieur des espaces sociaux et géographiques parisiens (1851-1914), thèse dirigée par Maurizio Gribaudi, EHESS, 2012, publiée sous le titre Capitale de l’amour. Filles et lieux de plaisir à Paris au 19e siècle, Paris, Vendémiaire, 2015.

3 Henry-Melchior De Langle, Le Petit monde des cafés et des débits parisiens au XIXe siècle. Évolution de la sociabilité citadine, Paris, Presses universitaires de France, 1990 ; Jean-Marc Lesur, Les Hôtels de Paris. De l’auberge au palace (XIXe-XXe siècles), Neuchâtel, Alphil, 2005.

4 Marc Boyer, L’Invention du tourisme, Paris, Gallimard, 1996.

5 Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010.

6 Concetta Condemi, Le Café-concert à Paris de 1849 à 1914. Essor et déclin d’un phénomène social, thèse dirigée par Alberto Tenenti, EHESS, 1989.

7 Alain Corbin, Les Filles de noces. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1982.

8 Pour une approche d’autres modèles de sexualité au XIXe siècle : Nicole G..Albert, « De la topographie invisible à l’espace public et littéraire : les lieux de plaisir lesbien dans le Paris de la Belle Époque », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 4, 2006, p. 87-105 et Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris 1870-1918, Paris, L’Harmattan, 2005.

9 Rapport de surveillance des Folies Bergère, 16 septembre 1877. Archives de la Préfecture de police de Paris [JC BM2].

10 Une étude exhaustive de la sociologie des publics de music-hall reste à faire, notamment à l’échelle de sa composition féminine.

11 Nathalie Coutelet, « Les Folies-Bergère : une pornographie “select ” », Romantisme, 163, 2014, p. 111-124.

12 Jean-Marc Berlière, La Police des mœurs sous la IIIe République, Paris, Seuil, 1992.

13 Alain Corbin, Les Filles de noce…, op. cit., p. 44.

14 Alain Corbin, « Coulisses », dans Michelle Perrot (dir.), Histoire de la vie privée. De la Révolution à la Grande Guerre, vol. 4, Paris, Seuil, 1987, p. 413-611.

15 Gabrielle Houbre, Le Livre des courtisanes. Archives secrètes de la police des mœurs (1861-1876), Paris, Tallandier, 2006.

16 Renseignements généraux sur les bals et les cafés-concerts, s.d. Archives de la Préfecture de police de Paris [DB 100].

17 ibid.

18 Le saloir désigne un grand récipient destiné à recevoir les salaisons dans le milieu agricole au XIXe siècle. Dans cet extrait, le terme fait référence à la pratique de conservation de la viande, plus précisément du porc. La métaphore animalière du cochon est pourvue d’une forte charge symbolique qui renvoie l’imaginaire du lecteur à la saleté légendaire et au symbole de la luxure associés à cet animal.

19 Yvette Guilbert, La Chanson de ma vie. Mes mémoires, Paris, Grasset, 1927, p. 108.

20 Anne Martin-Fugier, Les Salons de la IIIe République. Art, littérature, politique, Paris, Perrin, 2003.

21 Lola Gonzalez-Quijano, Filles publiques et femmes galantes…op.cit., p. 104.

22 Nienke Bakker, Isolde Pludermacher, Marie Robert, Richard Thomson (dir.), Splendeurs et misères. Images de la prostitution (1850-1910), cat. expo., Paris, Musée d’Orsay (19 février-19 juin 2016), Paris, Musée d’Orsay/Flammarion, 2015.

23 Pierre Citron, La Poésie de Paris dans la littérature française. De Rousseau à Baudelaire, Paris, Éditions de Minuit, 1961 ; Daniel Oster, Jean-Marie Goulemot (dir.), Écrire Paris, Paris, Seesam/Fondation Singer-Polignac, 1990.

24 Jacques Marseille, Patrick Eveno (dir.), Histoire des industries culturelles en France (XIXe-XXe siècles), Paris Association pour le développement de l’histoire économique, 2002.

25 Sylvie Chaperon, Emmanuelle Retaillaud-Bajac, Régis Revenin, Christelle Taraud (dir.), « Éros parisien », Genre, sexualité & société, 10, 2013, URL : http://journals.openedition.org/gss/3039, DOI : https://doi.org/10.4000/gss.2920

26 Catherine Naugrette-Christophe, Paris sous le Second Empire. Le théâtre et la ville. Essai de topographie théâtrale, Paris, Librairie théâtrale, 1998.

27 Pour une histoire esthétique des cafés-concerts et des music-halls : Jacques Feschotte, Histoire du music-hall, Paris, Presses universitaires de France, 1965 et Philippe Chauveau, André Sallée, Music-hall et café-concert, Paris, Bordas, 1985.

28 Livia Suquet, L’Érotisation massive des spectacles de la Belle Époque (1870-1914), mémoire dirigé par Romain Piana, université Sorbonne Nouvelle, 2013.

29 Julia Csergo, « Extension et mutation du loisir citadin. Paris, XIXe - début XXe siècle », dans Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Flammarion, 2009, p. 210.

30 Guide des plaisirs à Paris, Paris, s.n., 1908, p. 94.

31 Ibid., p. 97.

32 Louis Chevalier, Montmartre du plaisir et du crime, Paris, Payot et Rivages, 1995, p. 164.

33 Michelle Perrot, « Le Genre de la ville », Communications, 65, 1997, p. 149-163.

34 Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir. L’Imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989.

35 Guide des plaisirs à Paris, op.cit., p. 100.

36 Alfred Delvau, Les Plaisirs de Paris, op.cit.

37 Henri de Pène, Le Paris viveur, Paris, Édouard Dentu, 1862.

38 Maurice Delsol, Paris-Cythère. Étude de mœurs parisiennes, Paris, Imprimerie de la France artistique et industrielle, 1893.

39 Emmanuelle Retaillaud, La Parisienne. Histoire d’un mythe : du siècle des Lumières à nos jours, Paris, Seuil, 2020.

40 Guide des plaisirs à Paris, op.cit., p. 382.

41 Pierre Monzani, « Guides et plaisirs parisiens au XVIIIe siècle », Urbi, 9, 1984, p. 49-68.

42 Nicole Canet, Le Chabanais. Histoire de la célèbre maison close (1877-1946), Paris, Galerie Au bonheur du jour, 2015.

43 Victor Leca, Guide secret des plaisirs parisiens, Paris, L. Chaubard, 1906, p. 7.

44 Ibid.

45 Ibid.

46 Ibid., p. 43.

47 Romain Piana, « “Paris-voyeur” : les dispositifs spectaculaires érotiques dans la revue », Études théâtrales, 2, 2016, p. 189-209.

48 Programme du 26 décembre 1893, Folies Bergère. Bibliothèque historique de la ville de Paris, fonds Actualités, série 102.

49 Marie-Véronique Gauthier, Chanson, sociabilité et grivoiserie au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1992.

50 Camille Paillet, Déshabiller la danse. Les Scènes de café-concert et de music-hall (Paris, 1864-1908), thèse en arts vivants (danse) dirigée par Marina Nordera, Université Côte d’Azur, 2019, 2 vol. 

51 Sabine Chaouche, Clara Sadoun-Édouard (dir.), « Consuming female performers (1850s-1950s) », European drama and performance studies, 2, 2015.

52 Camille Paillet « Se déshabiller sur scène au tournant du siècle. Le Coucher d’Yvette (Paris, 1894) », Clio. Femmes, genre, histoire, 54, 2021, p. 129-141.

53 Un constat qui mériterait d’être réévalué à l’aune du rôle joué par les directrices d’établissement et les nombreuses créatrices minorées par l’historiographie des spectacles depuis le XIXe siècle.

54 André Chadourne, Les Cafés-concerts, Paris, Édouard Dentu, 1889, p. 21.

55 Ibid.

56 Concetta Condemi, Le Café-concert à Paris…, op.cit.

57 Martin Pénet, « Le Café-concert, un nouveau divertissement populaire », dans Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, op.cit., p. 349-365.

58 Pour une histoire du syndicalisme au sein des cafés-concerts et des music-halls : Marie-Ange Rauch, À bas l’égoïsme, vive la mutualité ! La Mutuelle des artistes et professionnels du spectacle (1865-2011), Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2015.

59 André Ibels, La Traite des chanteuses (mœurs de Province). Beuglants et bouisbouis, le prolétariat de l’art ou de l’amour ?, Paris, Félix Juven, 1906, p. 4.

60 Sur la théorie de la traite des blanches et sur ses fondements idéologiques : Jean-Michel Chaumont, Le Mythe de la traite des Blanches. Enquête sur la fabrication d’un fléau, Paris, La Découverte, 2009.

61 Alain Corbin, Les Filles de noces…, op.cit., p. 315-344.

62 André Ibels, « La Traite des chanteuses. Mendicité obligatoire ! », Le Matin, 1er mai 1906.

63 Article 55 des statuts de l’Union syndicale des artistes lyriques des cafés-concerts et des music-halls, vers 1903.

64 « Règlement sur les cafés-concerts, music-hall, artistes ambulants et les bals publics », Bulletin de l’Union syndicale des artistes lyriques (Cafés-concerts et Music-hall), 5, 1905.

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Ibid.

68 Dominique Leroy, Histoire des arts du spectacle en France. Aspects économiques, politiques et esthétiques de la Renaissance à la Première Guerre mondiale, Paris, L’Harmattan, 1990.

69 Christophe Charle, Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne (1860-1914), Paris, Albin Michel, 2008.

Illustrations

H. Alberti, « Une répétition aux Folies Bergère », 1900

H. Alberti, « Une répétition aux Folies Bergère », 1900

BNF - 4-ICO THE 4376

Recueil topographique, Paris (9e arrondissement)

Recueil topographique, Paris (9e arrondissement)

BNF – VA-278

Henri-Gabriel Ibels, « La Quête » dans L’Assiette au beurre, 23 juin 1906

Henri-Gabriel Ibels, « La Quête » dans L’Assiette au beurre, 23 juin 1906

Dessin de Théophile Alexandre Steinlen publié dans Le Mirliton, 6 août 1886

Dessin de Théophile Alexandre Steinlen publié dans Le Mirliton, 6 août 1886

Citer cet article

Référence électronique

Camille Paillet, « Pratiques et imaginaires prostitutionnels dans les cafés-concerts et music-halls parisiens au XIXe siècle », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2022, mis en ligne le , consulté le 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=2171

Auteur

Camille Paillet

Camille Paillet est docteure et chercheuse associée au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS). Elle s’intéresse à l’histoire contemporaine des lieux de divertissement et des spectacles, et dirige le séminaire Les Vendredis du music-hall (MSH/Paris 8) depuis 2020. Parmi ses publications récentes : « Bâtir la catégorie du populaire au café-concert », Recherches en danse, 9/2020 ; « Se déshabiller sur scène au tournant du siècle. Le Coucher d’Yvette (Paris, 1894), Clio. Femmes, genre, histoire, 54, 2021. paillet.camille@gmail.com