Une nouvelle revue pour l’anthropologie publique. À propos de Public Anthropologist, vol. 1, issue 1 (Jan 2019)

Référence(s) :

Public Anthropologist, vol. 1, issue 1, 2019 – Publisher: Brill – Online ISSN: 2589-1715 – Print ISSN: 2589-1707.

Index

Mots-clés

anthropologie publique, solidarité, critique, réflexivité, silences académiques, anthropologie visuelle

Keywords

public anthropology, solidarity, critique, academic silencing, reflexivity, visual anthropology

Plan

Texte

La réflexion sur l’espace public n’est pas récente dans les sciences sociales et s’est toujours opérée au prisme d’un questionnement sur la place et les prises de position des chercheur.se.s (Cefaï, 2018). Pour ce qui concerne l’histoire de l’anthropologie, il est possible de faire remonter l’importance de cette discipline dans les débats publics et politiques à l’époque de ses balbutiements comme domaine universitaire autonome. Si des figures comme celles de Franz Boas ou de Margaret Mead1 sont régulièrement convoquées comme autant de jalons de cette facette de la pratique, on relève qu’elle tend à s’affirmer depuis une vingtaine d’années (MacClancy, 2013). La création de la revue Public Anthropologist, dont le premier numéro est paru au début de l’année 2019, constitue une nouvelle étape dans l’histoire de ce que son rédacteur en chef, Antonio de Lauri, qualifie d’aspiration collective, rappelant les liens entre ethnographie, comparaison interculturelle d’une part, changement social et action politique de l’autre2 (p. 1). Avec Robert Borofsky3, il signe l’introduction du dossier (« Public Anthropology in Changing Times »). Ils y définissent l’anthropologie publique, dans un premier temps, par la propension (qui, d’une certaine façon, relève du devoir) de l’anthropologie à porter (de différentes manières) des problèmes au-delà des limites académiques. L’anthropologie publique valorise donc le rôle de l’anthropologue comme intellectuel engagé (p. 5-6). Ils précisent, par ailleurs, qu’il n’y a pas de définition univoque de la pratique, ni de profil unique d’ « anthropologue public.que » et qu’il s’agit davantage d’une manière de faire que d’un concept : une aspiration collective mue par des valeurs partagées et des perspectives. Ils donnent également quelques références montrant le caractère transnational et grandissant du mouvement.

Motifs et propositions

Pour les coordinateurs de ce premier volume, une autre façon de comprendre l’importance de l’anthropologie publique actuellement suppose de revenir sur les contraintes éditoriales influençant, voire structurant les carrières, qui pèsent de longue date sur les anthropologues, en l’occurrence, états-unien.ne.s,: ils les résument à une triangulation entre trois types d’acteurs qu’il s’agit de ne pas heurter (« do not harm »), à savoir les institutions académiques, les agences de financement et les presses universitaires. Si cette configuration était déjà un frein aux prises de position publiques et politiques de nombreux anthropologues, elle se voit elle-même remodelée par une lame de fond : la marchandisation de l’enseignement et de la recherche, qui accentue l’importance prise par la recherche de financement auprès d’agences externes. Cette marchandisation, visant souvent à établir un regard comparatif à l’échelle de l’ensemble des sciences, valorise largement les agrégats quantifiés de résultats et l’impact des recherches. De sorte que les anthropologues ne sont plus en mesure de définir la valeur de leur travail dans leurs propres termes (p. 12). L’anthropologie publique apparaît alors comme une réponse appropriée à ce nouveau contexte institutionnel, permettant de montrer les apports de la discipline en portant des problématiques auprès des publics concernés et avec eux (p. 13). La revue Public Anthropologist a ainsi été créée non seulement pour servir de forum critique sur les problèmes sociaux et essayer de gagner en audience, mais aussi pour offrir une possibilité d’atténuer (pour ne pas dire combattre) la tendance endémique à la quantification dans la « culture de l’audit » par des approches plus qualitatives.

Cinq domaines de réflexion sont suggérés aux contributeur.rice.s de la revue, par-delà la diversité des thématiques qu’ils et elles aborderont : (1) mettre l’accent sur la connexion entre ethnographie et critique ou comparaison (qui ne sont pas nécessairement des modalités distinctes d’écriture) et ce d’une façon accessible à celles et ceux qui ne sont pas anthropologues ; (2) sortir de l’éthique du « do not harm » et se focaliser davantage sur les bénéfices et l’aide que l’on peut apporter à d’autres, en dehors du monde académique ; (3) trouver les voies et moyens pour que les analyses anthropologiques pèsent davantage dans les débats publics4 ; (4) comprendre les enjeux politiques derrière les modalités d’évaluation de la recherche et chercher à réformer celles-ci ; enfin, (5) accorder de la valeur aux publications et modes de publication expérimentaux et novateurs5, à rebours des standards qui ont cours. En référence aux travaux de Didier Fassin, les auteurs estiment finalement qu’être un.e intellectuel.le public.que et construire une anthropologie publique suppose un engagement éthique et politique (p. 19).

Trois orientations

Ce volume inaugural de la revue est introduit par trois articles. Le premier (« Forging an Anthropology of Neoliberal Fascism ») est signé par Adrienne Pine. À travers différentes situations ethnographiques relatives aux parcours migratoires de personnes latino-américaines (originaires du Honduras en l’occurrence) aux États-Unis et au travail d’assistance juridique mené par plusieurs avocats spécialistes de ces questions, elle montre l’écart entre l’idéal de « liberté » pouvant animer les migrants (notamment depuis le coup d’État de 2009 et la mise en place d’un régime répressif, soutenu par les États-Unis) et la réalité des discriminations, des injustices, des emprisonnements et des contraintes rencontrées sur le sol américain. La mise en exergue de cette contradiction entre discours et pratiques à propos de la « liberté » dans ce pays l’amène à réfléchir, par contraste, à la montée en puissance de l’extrême droite depuis quelques années et à son instrumentalisation régulière de la « liberté d’expression » (valeur quasi suprême puisque garantie par le premier amendement de la Constitution). L’arrivée au pouvoir de Donald Trump l’amenant à constater que ces discours sont désormais ceux de l’État, elle dresse un parallèle avec certaines paroles de Mussolini (qui affirmait que le fascisme était pour la liberté, celle-ci passant, pour l’individu, par l’État) et s’interroge sur le caractère désormais fasciste de la liberté états-unienne. Hypothèse qui ferait découler le fascisme des politiques et de l’idéologie néolibérales. Si la démocratie est, en principe, opposée à l’autoritarisme, ce n’est pas le cas en pratique. Ces deux formes peuvent s’avérer complémentaires (p. 30). Aiwha Ong notait que les néolibéralismes sont multiples. Les fascismes le sont tout autant dans l’espace et dans le temps. Une telle perspective, qui part de la reprise du terme « fascisme » dans de nombreuses expressions populaires ces dernières années, donnerait un cadre d’analyse pour penser la criminalisation des discours dissidents, la répression étatique, le racisme, la xénophobie populiste et la consolidation militariste de l’État. L’anthropologie peut contribuer à résister au fascisme néolibéral, dans un premier temps en croisant la littérature qui relève de son domaine avec les analyses d’économie politique. Ensuite, elle peut être envisagée et pratiquée comme une forme de solidarité, si l’on reconnaît sa pédagogie et sa méthode (l’ethnographie) comme un travail « organique » mené préférentiellement avec les plus pauvres. La boîte à outils ethnographique arme correctement la solidarité active puisqu’il s’agit, dans les deux cas, de bien comprendre les personnes avec lesquelles on travaille. Adrienne Pine envisage ainsi une « solidarité somatique » (p. 39).

Catherine Besteman est l’auteure de l’article suivant (« Refuge and Security Panics »), où il est question de la situation de réfugié.e.s musulman.e.s noir.e.s, toujours aux États-Unis. Elle déconstruit, elle aussi, le discours humanitaire voulant que l’arrivée dans un pays d’accueil constitue, pour les migrant.e.s, la fin de leur expérience de perte, de déplacement et de mobilité forcée, en montrant que les États-Unis sont plutôt, de ce point de vue, un espace d’insécurité et d’aliénation. Ceci est particulièrement vrai quand les personnes concernées sont vues à travers la représentation que l’on se fait de leur pays d’origine et perçues comme d’impossibles citoyen.ne.s de plein-exercice. Catherine Besteman a travaillé longtemps avec des réfugié.e.s somalien.ne.s dans le Maine et elle détaille la suspicion dont ils font régulièrement l’objet et leurs stratégies pour se jouer des stigmates relatifs au genre, à la race ou à la religion. La paranoïa ambiante à propos de « l’ennemi intérieur » dans l’Amérique du xxie siècle aboutit, par exemple, au fait que tout envoi d’argent à leurs familles restées en Somalie est immédiatement perçu comme un soutien au mouvement terroriste Al-Shabaab et conduit à subir la surveillance étatique. De la même manière, concernant le genre, les pressions, plus ou moins subtiles, plus ou moins publiques et plus ou moins humiliantes subies par les personnes migrantes (et qui commencent dès les camps, avant qu’elles ne prennent l’avion) permettent de parler d’un « accueil genré » (p. 51) invitant les Somalien.ne.s à se conformer aux standards libéraux occidentaux. Ceci alors qu’elles et eux-mêmes sont choqué.e.s par la sexualisation et la mise en disponibilité des corps féminins dans l’espace public américain. Les exemples sont ainsi nombreux, variés, mais relatent aussi une violence tendancielle et cumulative. L’attention spécifique suscitée par la pratique ethnographique est prompte à capturer de telles configurations étatiques de construction de l’insécurité. L’ethnographie, pour autant, n’a pas la capacité de modifier l’ensemble de la politique américaine concernant les réfugié.e.s. Sa force est modeste, locale et interpersonnelle, son pouvoir est calme, subversif, intellectuel et a sa propre inertie. Elle contribue aux politiques de résistance et à la solidarité (p. 61).

Le troisième article (« Bangladesh as the “Next Frontier” ? Positioning the Nation in a Global Financial Hierarchy »), écrit par Paul Robert Gilbert, porte sur les milieux entrepreneuriaux, bancaires et d’expertise en valorisation (« branding ») de la nation bangladaise à Dhaka. Pays émergent sur le plan économique, mais moins « avancé » que les BRICS, le Bangladesh joue le rôle de « frontière » pour les investisseurs et les financiers mondiaux, et son développement fait de plus en plus l’objet de spéculations. L’auteur mène ainsi une réflexion sur l’idée de valeur et sur les relations entre la spéculation (activité fondamentale de l’économie capitaliste), la morale et le « réel ». Montrant l’importance de l’imaginaire dans l’activité spéculative et les parallèles que l’on peut établir avec la pratique de la divination, il avance que la spéculation ne devrait pas être vue comme une façon de s’interroger sur la valeur économique « réelle » d’un actif ou d’une opportunité, mais comme un processus de positionnement personnel vis-à-vis d’autres personnes et de leurs propres investissements spéculatifs (p. 67). Le propos de l’article porte ainsi sur la façon dont différents acteurs économiques tiennent compte d’une variété de métriques et d’indicateurs utilisés par des analystes situés dans des centres financiers globaux, pour positionner le Bangladesh comme « frontière » dans une hiérarchie financière des nations. En toile de fond, se jouent pour les acteur.rice.s rencontré.e.s, la possibilité d’aboutir à un réagencement de cette hiérarchie, d’arriver à subvertir l’opposition entre l’Occident et « les Autres », entre les pays développant et les pays développés. Le travail sur l’imaginaire semble, en définitive, une clé permettant de placer un pays dans la géographie des investissements, selon qu’il est perçu comme frontière, comme émergent ou comme développé. L’auteur arrive à montrer que cette hiérarchie n’est pas seulement imposée de l’extérieur, mais fait l’objet d’un travail par les acteur.rice.s locaux via des projets de spéculation.

Débat sur les silences académiques

Après ces trois articles, le numéro présente une section de débat, portant en l’occurrence sur les silences, sur ce qui est tu dans le monde académique (« Forum: Academic Silencing »). Elle comprend quatre contributions. Laura Nader (« Unravelling the Politics of Silencing ») revient sur son expérience de cinq décennies à Berkeley et sur les correspondances qu’elle a entretenues, dans lesquelles on lui a fait part d’une grande variété de stratégies destinées à faire taire les voix et les arguments d’anthropologues, qu’elles aient été mises en œuvre par des bailleurs de fonds, des éditeurs ou des collègues dans le cadre du processus d’évaluation par les pairs. Elle estime que la créativité dans la discipline est facilement limitée par des formes de contrôle social et politique, direct ou indirect, et que ce contrôle est bien sûr encore plus affirmé quand il s’exerce sur les étudiant.e.s. Toutefois, ce sont les formes de contrôle indirect qui sont les plus puissantes quand elles portent sur les anthropologues : à travers trois exemples d’interventions d’anthropologues dans les débats publics (James Mooney au xixe siècle, Edmund Leach au xxe et David Graeber au xxie), Laura Nader rappelle la propension de l’anthropologie à interroger les normes sociales, et les « effets boomerang » qui en découlent. Elle n’en plaide pas moins pour davantage d’interventions dans les débats publics, soulignant leur caractère stimulant, et pour que l’on évite de s’en tenir à de l’entre-soi. À sa suite et à travers une interrogation sur l’intériorisation du conformisme chez les personnes bénéficiant d’un poste académique fixe (« tenure »), David Graeber revient lui-aussi sur son parcours académique, et notamment sur son éviction de l’Université Yale. Il y décrit l’ambiance et les pratiques toxiques de son département d’anthropologie. Il a cherché à s’en tenir à l’écart et c’est, d’une certaine façon, ce qui a suscité de l’acharnement contre lui. Cela lui a coûté sa place, malgré des publications conséquentes et de nombreux soutiens de la part de ses étudiant.e.s et de collègues extérieurs à cette institution. S’il estime rétrospectivement que ses engagements politiques et son enthousiasme dans son travail quotidien ont pu agacer dans un environnement extrêmement hiérarchique, son extraction sociale (il venait d’une famille prolétaire) a également joué un grand rôle dans sa mise au ban. Il a, en effet, été considéré comme inapte à rejoindre les cercles privés, forme de sociabilité de première importance dans de telles universités (« I was considered unclubbable” », p. 101). Au passage, il ne manque pas de relever que, faisant preuve d’une schizophrénie et d’une inconséquence très caractéristiques des anthropologues de métier, la plupart de ses collègues auraient poussé des cris d’orfraie si un jeune activiste rencontré pendant leurs travaux de terrain avait subi de telles injustices… Dans l’impossibilité de retrouver un emploi sur le sol américain, Graeber a finalement migré au Royaume-Uni, où il a continué sa carrière à la London School of Economics and Political Science et ses interventions régulières dans la vie publique. Il n’en reste pas moins que cet épisode lui a causé un tort considérable. Il termine son propos en indiquant qu’il a pu écrire cet article parce qu’il n’avait plus l’intention d’être candidat à un poste dans une université américaine. Dans le cas contraire, il se serait autocensuré (p. 104).

David Price (« The Sounds of Anthropological Silence ») est le troisième à prendre part au débat. Il prolonge les réflexions de ses prédécesseurs puisqu’il reprend l’affirmation selon laquelle on dissimule le plus souvent le fait que la recherche de financements et la crainte de ne pouvoir y accéder modèlent l’anthropologie. Il partage aussi leur déception face au constat que l’accès à un poste fixe et la liberté qui s’ensuit n’incite pas les anthropologues à rompre le silence qui entoure ce sujet, ce qui résulte autant de l’autocensure que de la « nécessité d’être à l’unisson ». De fait, nous ne connaissons pas ce dont nous n’entendons pas parler et les mises en discussion de silences sont elles-mêmes parsemées de non-dits : de nombreux anthropologues répugnent à aborder franchement certaines questions. Selon lui, une piste à suivre pour résister aux silences institutionnels consisterait à travailler en-dehors des principaux cadres académiques et à mener des recherches non-finançables, c’est-à-dire trop dérangeantes pour la bien-pensance ou pour certains lobbys (p. 110). Susan Wright, dans un dernier texte (« Having Company: an Antidote to the “Politics of silencing” »), s’inscrit à son tour dans la lignée de Laura Nader, mais en valorisant un autre aspect des travaux qui ont marqué sa propre carrière et ses propositions : ne pas s’intéresser uniquement aux classes populaires, aux personnes faibles et marginalisées, mais étudier les industries, les régulateurs, les législateurs et les organismes professionnels (p. 114). Les réglementations (« policies ») et leurs productions lui paraissent, par exemple, un espace politique qu’il serait intéressant d’investir. Cependant, le parcours personnel de Wright lui a permis de comprendre que les anthropologues qui s’engagent dans cette voie font l’objet d’une mise sous silence, ce qui se traduit par le faible volume de leurs publications parues dans des revues à comité de lecture. Elle considère par ailleurs que la massification de l’enseignement supérieur ne conduit pas forcément à rendre les charges de cours trop pesantes, celles-ci pouvant être autant d’occasions d’engager des discussions critiques avec les étudiant.e.s et de procéder avec eux à des ethnographies de l’institution universitaire. En définitive, la nécessité d’exercer sa réflexivité et son sens critique s’impose à tou.te.s et y compris sur les lieux de travail et d’apprentissage.

Anthropologies visuelles

Pour clore le numéro, deux recensions de films sont proposées. Pafsanias Karathanasis s’est intéressé à celui de Maple Razsa et Milton Guillén The Maribor Uprisings: A Live Participatory Film (2017), tourné pendant des manifestations qui se sont déroulées en 2012 et 2013 dans la ville slovène de Maribor, qui se veut un film interactif et participatif. Il tente une immersion dans les interactions propres à de tels moments politiques afin de les montrer comme des expériences spécifiques. Plusieurs points de vue sont proposés (y compris celui des forces de police). De plus, à différents moments, le public est amené à débattre pour choisir quel groupe déjà présenté à l’image il souhaite suivre, ce qui va modifier la suite de la projection. Les interactions ont donc lieu aussi bien à l’écran que dans la salle. Christos Varvantakis, pour sa part, revient sur le film de Mattjis van de Port, The Possibility of Spirits (2017), qui porte sur les possessions survenant au cours des rituels de candomblé à Bahia. Ce travail a amené le réalisateur à s’interroger sur ce qu’il y a précisément à montrer dans un tel cadre. Porter cette thématique à l’image, en tant qu’anthropologue, lui permet de réfléchir au media cinématographique en lui-même, à son rapport à la (complexité de la) réalité et à ce qu’il produit en tant que dispositif. Réintroduire une voix-off lui permet d’exprimer ses moments de doute et de non-savoir et ainsi, à l’opposé de la vision surplombante et omnisciente des anciens films ethnographiques, de s’inscrire dans une perspective de décolonisation des représentations.

En conclusion, nous pouvons noter que ce numéro reflète bien les contours et la variété des pratiques que recouvre le terme d’« anthropologie publique ». Les perspectives qui y sont suggérées ne sont pas univoques. Par exemple : l’anthropologie publique doit-elle se tourner uniquement vers les classes sociales inférieures (enjeu de solidarité) ou renseigner également sur les classes sociales supérieures (enjeu critique) ? Quoi qu’il en soit, elle semble rejoindre une conception renouvelée de l’épistémologie, où pluralité et implication vont de pair, et qui ne se cantonne pas aux sciences sociales (Coutellec, 2015). Il apparaît, enfin, que vouloir contribuer à créer de nouveaux mondes, c’est aussi chercher à changer le sien, et le débat sur les silences académiques nous rappelle qu’il y a autant matière à s’indigner dans ce qui est proche de soi (Hessel, 2010).

1 Différents textes relatifs à sa vie et à son travail sont disponibles sur le portail Sapiens : https://www.sapiens.org/?s=mead&submit=.

2 Perspective à rebours, donc, d’une vision quelque peu réductionniste, dans laquelle on tente parfois de cantonner l’anthropologie publique, qui est

3 Fondateur de la collection « Public Anthropology » aux Presses de l’Université de Californie (https://www.ucpress.edu/series/panth/california-series

4 Un retour est fait ici sur le débat des années 1920 entre le journaliste Walter Lippmann et le philosophe et pédagogue John Dewey. Le premier

5 Parmi les différents exemples cités, figure l’un des tout derniers livres de Françoise Héritier, Le Sel de la vie (2017).

Bibliographie

CEFAÏ Daniel, « Publics et publicité : vers une enquête pragmatiste » [En ligne], Politika, 24 mai 2017 (mis à jour le 26 février 2018), URL : https://www.politika.io/fr/notice/publics-publicite-enquete-pragmatiste.

COPANS Jean, « Anthropologie impliquée, anthropologie appliquée ou anthropologie publique : les anthropologies anglo-saxonnes au-delà ou en deçà du développement ? », Anthropologie & développement [En ligne], n° 48-49, 2018, p. 221-231. URL : https://journals.openedition.org/anthropodev/731.

COUTELLEC Léo, La science au pluriel. Essai d’épistémologie pour des sciences impliquées, Versailles, Éditions Quae, 2015.

HÉRITIER Françoise, Le Sel de la vie : lettre à un ami, Paris, Odile Jacob, 2017 (2012).

HESSEL Stéphane, Indignez-vous !, Montpellier, Indigène, 2010.

MACCLANCY Jeremy, Anthropology in the Public Arena. Historical and Contemporary Contexts, Malden, Chichester, Wiley-Blackwell, 2013.

Notes

1 Différents textes relatifs à sa vie et à son travail sont disponibles sur le portail Sapiens : https://www.sapiens.org/?s=mead&submit=.

2 Perspective à rebours, donc, d’une vision quelque peu réductionniste, dans laquelle on tente parfois de cantonner l’anthropologie publique, qui est alors entendue comme nouvelle pratique de l’anthropologie appliquée (selon un mode certes plus participatif). Tel est le point de vue de Jean Copans (2018) dans une triple recension publiée récemment, qui présente cependant l’intérêt de souligner les carences théoriques de ce domaine.

3 Fondateur de la collection « Public Anthropology » aux Presses de l’Université de Californie (https://www.ucpress.edu/series/panth/california-series-in-public-anthropology), ainsi que du Centre pour une anthropologie publique (https://www.publicanthropology.org/).

4 Un retour est fait ici sur le débat des années 1920 entre le journaliste Walter Lippmann et le philosophe et pédagogue John Dewey. Le premier pensait que les professionnel.le.s des sciences sociales devaient surtout fournir des analyses aux responsables prenant des décisions, et le second estimait que l’important était d’abord d’éduquer un large public aux questions sociales.

5 Parmi les différents exemples cités, figure l’un des tout derniers livres de Françoise Héritier, Le Sel de la vie (2017).

Citer cet article

Référence électronique

Étienne Bourel, « Une nouvelle revue pour l’anthropologie publique. À propos de Public Anthropologist, vol. 1, issue 1 (Jan 2019) », Condition humaine / Conditions politiques [En ligne], 2 | 2021, mis en ligne le 20 juin 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=365

Auteur

Étienne Bourel

Étienne Bourel est doctorant en anthropologie (LADEC – Université Lyon 2). Il a mené des recherches ethnographiques dans le milieu de l’exploitation forestière au Gabon, au croisement des anthropologies politique, du travail et de l’environnement.

Étienne Bourel is a PhD candidate in anthropology (LADEC - Université Lyon 2). He has carried out ethnographic research in the logging industry in Gabon, at the crossroads of political, labor and environmental anthropologies.