À propos de Carnets d’un anthropologue, de Mai 68 aux Gilets jaunes : entretien avec Marc Abélès

Referências

Marc Abélès, Carnets d’un anthropologue, de Mai 68 aux Gilets jaunes, Paris, O. Jacob, 2020.

Índice

Mots-clés

Ochollo, pratiques d’assemblée, Mai 68, Dialectiques (revue), terrain

Keywords

Ochollo, assembly practices, May 68, Dialectiques (journal), field

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Marc Abélès est l’un des fondateurs de l’anthropologie politique du proche, tout en ayant effectué son rituel de passage chez les Ochollo. Son dernier livre, rétrospectif et intime, est aussi attentif à ce qui a surgi avec les gilets jaunes. Avec lui, nous avons saisi l’occasion de revenir sur trois questions connectées à ce premier numéro de Condition humaine / Conditions politiques : les pratiques d’assemblée, l’épistémologie de l’anthropologie politique et l’objet revue lui-même, outil pour faire à la fois de la science et de la politique.

Pratiques d’assemblée

Sophie Wahnich — Ce qui traverse l’ensemble de tes travaux sur la séquence historique qui encadre ces Carnets d’un anthropologue de Mai 68 aux Gilets jaunes, c’est la question qui nous avait réunis avec Marcel Detienne, il y a désormais bien longtemps, celle des pratiques d’assemblée. Les gilets jaunes sont–ils une madeleine de Proust qui te permet de revisiter ces pratiques ?

Marc Abélès — Oui, on pourrait dire que le lien entre différents objets d’un trajet de recherche se fait en partie ainsi. Dans ce livre, j’essaie d’ailleurs de raconter comment l’expérience personnelle est constitutive du métier d’anthropologue. C’est parce qu’on se met en jeu dans un processus qu’il y a du terrain et, en conséquence, de l’observation, mais aussi des actes qui vous transforment et fondent l’enquête. Or sur les ronds-points, en particulier en Ardèche, j’ai vu comment les gilets jaunes se sont assemblés, se sont associés et ont inventé des collectifs par le lieu. J’ai vu le rond-point comme un lieu qui témoigne d’une volonté de réinventer le geste de vivre ensemble. Et cela suppose des lieux partagés même si chacun a sa maison et son mode de vie. Les gilets jaunes ont finalement fabriqué un lieu de vie original. Pour être ensemble, il faut fabriquer ces lieux et prendre des décisions. Ce processus a fait des ronds-points des lieux du politique et, oui, cela m’a fait penser aux Ochollo que j’avais étudiés, jeune homme, sur les hauts plateaux éthiopiens.


S. W. — Mais peut-on comparer les gilets jaunes et les Ochollo, comparer l’incomparable ?

M. A. — Oui, je le crois en effet, car dans certaines sociétés comme celle des Ochollo, on ne se soucie pas nécessairement trop vite d’avoir des institutions englobantes, comme un président de la République. Il y a au contraire une évidence à fonctionner par ce genre d’espace : de petites assemblées où l’on parle et où l’on prend des décisions. Beaucoup de choses peuvent se régler de cette manière avant d’entrer dans des processus politiques très compliqués.

Mais, bien sûr, on ne peut pas comparer terme à terme les ronds-points, qui sont aussi des lieux de blocage, des lieux de résistance à la consommation, et les assemblées d’une société cohésive comme celle des Ochollo.

Ainsi, je ne pense pas que les gilets jaunes soient des obsédés de la délibération. Pour ma part, j’ai observé qu’ils ont une réticence à l’égard du côté « tchatcheur » des assemblées, tout en étant à la recherche de manières de parler qui permettent de redonner une certaine efficacité au discours politique. Mais ces gilets jaunes capables de dire très clairement ce qui les préoccupe, de dire ce qui ne va pas et de se rendre visibles, sont de fait assez timides quand il faut affronter les priorités ou, disons, les décisions à prendre pour faire avancer les choses. Ils paraissent alors un peu démunis.


S. W. — Et comment interprètes-tu cette difficulté ?

M. A. — Les ronds-points, comme beaucoup d’autres lieux qui ont été créés ces dernières années sont une réaction à l’inflation de la centralité de la représentation. La créativité a été nourrie par un rejet profond de la représentation institutionnelle classique nationale, mais aussi par une déshérence locale, une crise dont on parle moins, qui est celle de la représentation locale.

L’atomisation, la désertification, la périphérisation, l’arrivée de nouvelles populations, ont conduit à faire sauter les repères traditionnels, surtout au niveau microlocal. Le phénomène gilets jaunes est aussi lié à cette crise. Ils cherchent à avoir à nouveau prise sur ce qui se passe localement, cherchent une nouvelle cohérence. Et ce n’est pas facile. Dans le travail que j’avais fait dans l’Yonne, Jours tranquilles en 891, je rendais compte de la stabilité politique de ce monde rural. Le maillage politique local entre famille, mémoire, transmission, était un facteur de stabilité au moins aussi important que les institutions de la Ve République. L’élu était là. Dans les années 1980, les maires auraient été présents, pour s’allier ou batailler avec les gilets jaunes – je ne sais pas –, mais ils n’auraient pas été à ce point absents. Le maire servait d’intermédiaire. Or cette démocratie locale semble s’être évaporée. De fait, le clientélisme si décrié permettait malgré tout une forme de redistribution indispensable. L’ancrage des élus aujourd’hui paraît bien faible.


S. W. — Comment expliquer cette faiblesse ?

M. A. — Aujourd’hui, il y a d’un côté des gens « modernes et rationnels » qui pensent pouvoir se débarrasser de ce genre de médiation impure, comme Emmanuel Macron lui-même, qui semble ignorer ce pilier essentiel de la vie politique française. Comme lui et les siens n’ont aucun ancrage, sinon celui de la technostructure, ils n’ont pas réussi à embrayer sur la vie réelle, et l’importation de leur technique de management ne fonctionne pas. Et puis il y a les « archaïques », qui considèrent qu’il faut par exemple garder le département comme infrastructure politique qui fait respirer la vie démocratique.

Ce clivage commence avec l’opposition Rocard/Mitterrand. Ce n’est donc pas nouveau. Les dits « modernes » souhaitaient dès les années 1980 déconnecter le Parlement de la vie locale. Ce n’est pas Macron, mais Rocard et le constitutionnaliste Guy Carcassonne qui sont pionniers en la matière. Plus récemment, au-delà de la rationalisation par pays et régions, le pouvoir national s’est mis à mépriser ces élus locaux et souhaiterait même les éradiquer, en finir avec le pouvoir local. Certains ont cru que les gens seraient heureux de la fin du cumul des mandats, mais ce cumul, si vilipendé lui aussi, assurait un polycentrisme et une sorte de cohésion grâce à l’attelage du député-maire. Il y a ainsi un effondrement de la représentation locale, et pas seulement de la représentation nationale. Cette crise de la politique locale fait partie de notre crise vraiment profonde. Les gilets jaunes en témoignent d’une manière intense.

Il n’empêche qu’au moment où je revisitais justement Mai 68, l’observation du présent des ronds-points a fait remonter à la surface les différentes formes d’assemblées observées au cours de mes expériences politiques et de mes terrains – Mai 68, les Ochollo, l’Yonne.


S. W. — Ton intérêt pour ces pratiques d’assemblée vient-il de Mai 68 ?

M. A. — L’expérience personnelle de la découverte des assemblées en 1968 joue un rôle fondateur. Mais si je remonte encore en amont, les expériences familiales sont également déterminantes : des réunions où l’on parle énormément de politique et où je fonctionne déjà comme une éponge. Je cherche à tout écouter et à tout comprendre en restant un peu silencieux.

Avec Mai 68, je découvre la sensation formidable d’être ensemble, de manifester ensemble, mais je découvre aussi que les assemblées sont les lieux d’élaboration où l’on détermine des priorités et où l’on va vers des projets. Ce qui me paraît immédiatement extraordinaire, peut-être encore plus que le contenu de ce qui se disait, c’étaient les manières de prendre la parole dans ces lieux, surtout pour des personnes qui n’en avaient pas l’habitude ni la facilité. Moi-même, j’étais plutôt timide, mais je prenais la parole sans même parfois savoir ce que j’allais dire et ne sachant pas vraiment répondre aux objections.

J’ai alors commencé à m’intéresser à cette matérialité de la parole politique. Les journaux et les médias parlent beaucoup des contenus, des contradictions, des oppositions entre groupes, mais moi, je sentais que la prise de parole comme telle méritait attention, qu’il fallait comprendre comment ça se passait.


S. W. — Cependant, tu sembles considérer que la véritable expérience ethnographique se déroule chez les Ochollo, en Éthiopie ?

M. A. — Oui, en effet, ces Ochollo chez qui je vais pour faire mon terrain de thèse, passent énormément de temps à réunir des assemblées, à délibérer, à prendre des décisions, à régler des litiges. Bref, il y avait dans ce groupe des hauts plateaux éthiopiens, une activité de parole qui était assez considérable, et comme il n’y avait pas de vote et de comptabilisation des voix, il fallait réussir à s’entendre. Si les gens n’y parvenaient pas du premier coup, on prenait le temps nécessaire pour obtenir un consensus, et donc les assemblées pouvaient durer plusieurs jours. C’était la manière qui avait été choisie pour faire de la politique. Mais je me suis aussi rendu compte qu’il y avait d’un côté ces assemblées, et de l’autre ceux qui n’avaient pas le droit d’y prendre part, les potiers et les tanneurs, et puis les femmes, qui devaient rester sur le seuil de l’assemblée, mais pouvaient depuis ce seuil prendre la parole. Elles parlaient de l’extérieur. Il y avait donc des caractéristiques d’inclusion et d’exclusion.

Dans ces assemblées, les manières de parler avaient retenu mon attention. J’essayais d’observer comment les gens s’exprimaient et comment des individus étaient reconnus comme disposant de l’art du « bien parler », de la rhétorique. Or cela ne dépendait pas des hiérarchies, un dignitaire n’avait pas de bénéfice dans la prise de parole. Quand il s’agissait de parler et d’emporter l’opinion, il n’avait rien de plus qu’un autre qui, lui, savait s’exprimer dans le langage d’assemblée. Les orateurs et leurs qualités étaient évalués et appréciés, et c’était une caractéristique importante de ces assemblées. Enfin, les lieux d’assemblée jouaient un rôle très important. Cette société avait été très soucieuse d’organiser des places d’assemblée. Elle avait choisi dans chacun des quatre quartiers et des sous-quartiers d’installer une place. L’agglomération se trouvait sur un piton rocheux et, en haut du rocher, se trouvait la grande place de l’assemblée générale qui régentait la population globale. Quand on descendait, il y avait un étagement des places et, sur ces places, il y avait des stèles sur lesquelles on pouvait s’appuyer et qui étaient réservées à certaines personnes, qui avaient des titres de dignitaires. Or ces dignitaires se ruinaient pour obtenir ces titres en nourrissant toute la population, mais une fois qu’ils avaient ces titres, on les appelait des « messagers » et ils n’avaient pas véritablement d’autre pouvoir que de réunir les assemblées. Ils les ouvraient et donnaient l’ordre du jour, ils faisaient un acte rituel, une bénédiction au début, et à la fin, ils étaient chargés d’exécuter les desiderata de l’assemblée. On assistait donc à une neutralisation de toute velléité de prendre le pouvoir, ce qui était assez impressionnant. Chaque fois que ces dignitaires ont essayé de prendre le pouvoir et donc de donner des ordres aux autres, ils ont été bannis. Cela faisait penser irrésistiblement aux travaux de Clastres qui étaient parus juste avant que je parte en Éthiopie.

Il y avait donc des systèmes politiques qui savaient ainsi se prémunir de toute forme centralisée de pouvoir. Et cela fonctionnait très efficacement.


S. W. — Et comment cela se passe-t-il avec la révolution éthiopienne d’une part, et avec les autres anthropologues d’autre part, cette découverte d’un système que l’on peut qualifier de démocratique et d’antiétatique ?

M. A. — La révolution éthiopienne débute dès que je pose les pieds sur le sol de mon terrain éthiopien et elle se heurte à ce système, qui concerne une quarantaine de sociétés sur ces hauts plateaux. Ils ne veulent pas se plier à un pouvoir très centralisateur.

Des ethnologues allemands et autrichiens qui avaient visité la région une dizaine d’années auparavant voulaient y reconnaître une royauté sacrée, car ils avaient vu opérer les sacrificateurs. Mais ces sacrificateurs, auxquels j’ai consacré une partie de ma thèse, n’étaient pas des rois. Ils devaient juste permettre de maintenir l’ordre dans l’assemblée quand les paroles étaient trop vives ou le silence insuffisant pour le bon déroulement des propos. Ils étaient des ordonnateurs d’assemblées et n’intervenaient pas dans la prise de décision collective. Quand je rencontre l’un de ces ethnologues dans le premier colloque auquel je participe à Chicago en 1978, il y a un véritable malaise. Je présente des données recueillies dans une recherche intensive de longue durée et qui recoupent les travaux d’autres spécialistes de la région. Il affirme avec beaucoup de sérieux que ce que je dis est faux. Nous étions dans un rapport antagonique très impressionnant. Ces ethnologues, en restant très peu de temps sur le terrain, veulent y voir une auctoritas incarnée – l’idéologie du chef est chez eux omniprésente –, et mes observations montrent que ces sociétés neutralisent justement ce principe. Toute l’anthropologie africaniste est parcourue par ces questions de royauté sacrée et, en fait, elle s’est très peu penchée sur les assemblées. En France, il n’y a que l’Afrique occidentale qui a été véritablement travaillée, avec ses chefferies, ses rois et ses palabres. Or ce mot « palabres », un peu péjoratif en français, ne m’a jamais convaincu. On trouve très peu d’études sur cette question de la parole politique. L’angle monarchique a été privilégié pour observer ces sociétés centralisées.


S. W. — Comment s’effectue le passage de cette anthropologie du lointain à l’anthropologie du proche dans ton parcours ?

M. A. — Lorsque je débute en anthropologie, on ne peut rester en Europe, sauf à s’occuper des arts et traditions populaires. Donc je pars à Ochollo, peu de temps en fait après mes premières expériences d’assemblées dans le mouvement de Mai.

L’anthropologie construit alors des écarts, des contrastes, elle est fascinée par l’ailleurs. Pour travailler sur ce qu’on appelle maintenant le proche, il faut s’intéresser aux arts et traditions populaires et travailler avec des ruralistes. Il s’agit de sauver des techniques et des traditions dans ce qu’on appelle une « ethnologie d’urgence ». Le musée qui avait été créé dans cette visée au moment du Front populaire, au Jardin d’acclimatation, produit ainsi une sorte d’exotisation du proche qui m’agace. De mon côté, j’avais travaillé sur les bistrots aveyronnais de Paris dans des conditions qui n’avaient rien à voir avec l’exotisme, mais qui m’avaient appris l’immersion et la prise de distance, qui sont à mon sens caractéristiques des pratiques scientifiques de l’anthropologie du proche. Mais l’objet était alors atypique et ne répondait pas tout à fait aux impératifs de la discipline.

Comme je ne veux pas travailler sur la ruralité, je pars chez les Ochollo, et je produis ainsi les conditions de « mon rite de passage ». Aussi, je considère que l’anthropologie du proche est pour moi une sorte de retour à mes premiers pas dans l’anthropologie. Je pense qu’il y a des choses à travailler sur le politique en prenant ma propre société comme objet d’enquête, sans jouer sur un énorme écart, sans exotiser. De fait l’anthropologie rurale avait travaillé la question du symbolique, des techniques et de la parenté mais pas celle du politique. Il y avait de la place pour les anthropologues, car en science politique, s’intéresser à la vie politique rurale relevait du rapport de stage !

Épistémologie

S. W. — Tu reviens à plusieurs reprises sur la question du terrain comme spécificité épistémologique de l’anthropologie. Souvent les anthropologues opposent terrain et épistémologie, théorie et empirie, peux-tu éclairer comment, toi, tu les lies ?

M. A. — J’ai toujours pensé qu’on ne faisait pas d’anthropologie sans avoir reçu un certain nombre de ressources conceptuelles et que c’est là quelque chose d’important. Il faut avoir son carburant, tout ne vient pas du terrain. Les enseignements reçus, la formation initiale nous constituent et cela interfère avec le terrain.

Je venais de la philosophie, d’une philosophie politique, les questions que nous nous posions étaient celles de l’origine de l’État, des questions de contrat social. J’avais eu un cours avec Louis Althusser, sur « Machiavel et Rousseau », et avec Alexandre Matheron, auteur du grand livre Individu et communauté chez Spinoza2, nous travaillions sur le théologico-politique et l’éthique, et sur la manière dont Spinoza répondait aux théoriciens du droit naturel. Cette formation initiale, c’était mon bouillon de culture.

Quand je débute ma formation en anthropologie, ce qui me frappe, c’est qu’un certain nombre d’anthropologues se posent les mêmes questions autour de l’origine de l’État et de l’organisation politique. En fait, nous cherchions à savoir s’il y avait des alternatives à l’organisation étatique.

J’y étais venu par le marxisme, où l’État est un système oppressant et sans espoir. Il faut donc lutter pour son abolition. Mais les anthropologues offrent justement des horizons neufs. Godelier avait proposé des voies nouvelles contre une perspective évolutionniste, en analysant la construction par Marx du concept de mode de production asiatique et son devenir ultérieur3. C’est dans ce contexte que j’ai écrit un livre sur l’anthropologie marxiste4. Pour moi, il fallait trouver d’autres formes du politique. C’est pourquoi je m’intéressais à la royauté sacrée, où le pouvoir était remis en cause de l’intérieur avec toute une symbolique extrêmement élaborée. Et comme il y avait beaucoup de comparaisons déjà élaborées, c’était passionnant. J’ai alors beaucoup lu l’anthropologie de Balandier et l’anthropologie britannique parce que Balandier s’était ressourcé dans cette anthropologie : Evans-Pritchard, Max Gluckman et ceux qu’on appelait un peu dédaigneusement les « fonctionnalistes ». Ils avaient un éventail de terrains et une typologie des systèmes politiques – aujourd’hui un peu obsolète –, qui permettaient de donner un panorama incroyable de la diversité de ces systèmes. C’était impressionnant.

La question de l’État a donc été très importante, mais pour moi, l’anthropologie, c’est surtout un mode de vie entre immersion et distanciation. Et en fait, on est toujours immergé, même ici dans un bureau de l’EHESS. Et dès qu’il y a immersion, on peut fabriquer son regard éloigné. Je ne quitte pas, à Paris, une certaine façon d’aborder la société avec une véritable implication et une certaine distance. C’est dans cette oscillation, ou cet équilibre, que les choses se jouent.

Je n’ai aucun idéalisme du terrain. Il y a des collègues qui pensent qu’une fois qu’ils sont là-bas, ils se font des amis et leur connaissance devient intime, mais pour moi, ce qui est irréductible dans l’anthropologie, c’est l’idée d’intrusion. Je pense à Georges Perec et à l’anthropologue qu’il décrit dans La Vie mode d’emploi et qui finit par mourir, car les autres ne veulent jamais de lui. L’aspect forcé de la rencontre, il est bien là, et il est constitutif. Loin d’avoir à le nier, il faut complètement l’assumer. Je n’ai donc pas d’irénisme à propos de cette idée de terrain. Le terrain confronte l’anthropologue à sa propre identité et à ses limites. Et, oui, on n’en sort pas indemne, on en prend souvent même « plein la gueule », et surtout au moment où on ne s’y attend pas.


S. W. — Peux-tu nous donner des exemples de situations de ce genre ?

M. A. — Quand je fais mon terrain aveyronnais à Paris, à un moment, parce que j’essaie de comprendre leur système de solidarité financière, on me demande si je suis juif. Ça m’a quand même secoué ! Mais à Ochollo, j’ai aussi été rejeté à un certain moment, et cela fait partie du processus. Car c’est la dimension de processus qui est fondamentale, sur le terrain : il vous implique très profondément et on n’est pas sous le régime de la certitude. On ne peut pas assigner un véritable cadre à ses recherches. Sans conflit et sans cette incertitude, il n’est pas possible d’avancer véritablement vers quelque chose d’inconnu.

J’oppose cela à la sociologie et à la science politique, disciplines qui partent avec une hypothèse à valider ou invalider – l’armature est plus corsetée. Quand tu fais du terrain, tu arrives avec une vision, mais tu es détourné par ce qui se passe et alors des choses apparaissent. Grâce à ce que nous disent les gens et à la manière dont on réagit dans un processus qu’on appelle aujourd’hui de co-construction, on peut tout d’un coup faire émerger un certain nombre de questions qui sont des questions intellectuelles et théoriques et qui sont sur un plan épistémologique rentables, au sens où, oui, on apprend et comprend quelque chose de neuf. Un des intérêts de l’anthropologie structurale, c’est quand, justement, à partir de points extrêmement empiriques, Lévi-Strauss fait venir des questions théoriques, sur la parenté et les mythologies, le cru et le cuit, etc. Cela m’avait fasciné. C’est un renversement par rapport à la philosophie, où on apprend à avoir réponse à tout. On est entraîné à poser des questions auxquelles on va savoir répondre. La fameuse problématique. J’étais très fort à ce jeu. Les débats, de ce fait, sont toujours cadrés, rigides. Avec l’anthropologie, les questions surgissent du terrain, travaillé grâce au carburant, mais ce qui surgit est fondamentalement différent du carburant.


S. W. — Mais n’est-ce pas une vieille question marxiste de se demander si les concepts doivent être a priori ou s’il faut les faire surgir d’une analyse empirique dans un rapport dialectique ?

M. A. — Oui, tout à fait ! L’illusion du terrain serait de croire que c’est une opération magique, où on va être transformé. Non, on fait intrusion et, en retour, on a de quoi penser, de quoi être rétribué et rétribuer. Il y a quelque chose qui ressemble à la psychanalyse, voire à un contrat. Chez les Aveyronnais, mon informatrice rendait service à son médecin, qui me l’avait fait rencontrer, mais je lui rendais service en la réintroduisant dans un monde qui, pour des raisons de trajectoire biographique, lui était devenu plus difficilement accessible. Mais je ne l’ai compris que chemin faisant. Les Ochollo, eux, m’ont demandé de faire un certain nombre de choses, que d’ailleurs je n’ai pas faites. C’était un contrat à comprendre, qui me permettait d’être là. Quand le processus démarre, on ne sait pas encore ce qui va en sortir. Ce sont les interactions, les interférences qui produisent les possibilités d’analyse.


S. W. — C’est là, à mon sens, la vraie différence avec l’historien. Tu parles dans ton livre de promenade, mais dans la promenade de l’historien, la forêt de Ginzburg, on ne rencontre que des morts. Ils ne se révoltent pas, ils se dérobent. Ils ont même parfois disparu des archives. Nous travaillons avec des silences et des absences, et moins avec des quiproquos et des malentendus. Il faut, de ce fait, de nouvelles archives pour déplacer une question.

M. A. — Oui, l’anthropologue peut tenter des gestes et jouer des coups, il n’est pas tout seul, il peut tirer parti du conflit ou non. Mais de fait, il ne se passe quelque chose que lorsque le trouble advient. À ce titre, il ne suffit pas d’aller sur le terrain, il faut y rester. Lorsque les sociologues vont sur le terrain sur le temps court, avec un système de questionnaires, hérité de leur formation – ce qui est tout à fait normal –, ils ne font pas la même chose. Et personnellement, je regrette les grandes enquêtes, la grande pluralité des données et les procédures spécifiques qu’ils étaient capables de produire. Je trouve en fait leur travail prétendument ethnographique beaucoup moins convaincant. L’expérience ethnographique suppose l’incertitude, la déstabilisation et l’inattendu.


S. W. — En histoire, il se passe quelque chose quand le dispositif d’archives nous enchante bien au-delà de nos espérances – cela arrive –, ou encore quand l’archive vient infirmer nos hypothèses, sinon on aura sillonné les archives, sans nécessairement trouver quelque chose de nouveau. Mais cet effort qui bute contre un résultat pauvre est difficile à assumer. La rencontre est parfois hasardeuse et ingrate. On ne peut pas forcer l’archive.

M. A. — Oui, c’est pourquoi il faut également réfléchir sur l’échec. Cela arrive aussi sur le terrain, de passer du temps et de n’arriver à rien. Moi, j’ai raté des choses en y ayant passé du temps. Il faut analyser ce travail raté, avoir des cas de figure pour comprendre pourquoi un terrain rate – ça aussi, c’est de l’épistémologie ! Ainsi, j’avais fait un travail au ministère de l’Environnement, et de fait, pour moi, il ne s’était rien passé. J’avais fait un super terrain, mais ça n’avait rien produit.


S. W. — Que se joue-t-il quand l’identité est convoquée, celle de l’anthropologue et, en l’occurrence, cette identité juive, mais aussi celle du groupe étudié. Identité et universel, comment un anthropologue en fait-il l’expérience ?

M. A. — Cette question de l’universel, dans mon enfance, c’est une sorte de socle qui nous maintenait en vie. Après tout ce qui s’était passé, l’idée qu’il y avait quand même certaines valeurs universelles permettait de continuer à vivre face à l’horreur d’avoir été massacré à cause de son identité. Mais la question s’est posée plus tard avec beaucoup d’acuité quand la mémoire des camps est revenue à l’ordre du jour. J’étais alors plus âgé.

En 1968, on n’avait pas le sentiment d’être des gens différents des autres. On voyait qu’il y avait des classes sociales, des tas d’autres critères et, parfois, c’est vrai que ça affleurait, comme dans mon enquête sur les Aveyronnais. Mais j’étais né juif, et c’était comme ça. Aussi, j’avais du mal à comprendre les conversions. De fait, je ne sais pas bien en parler. Dans ma famille, on en parlait tout le temps : des camps, des juifs, des figures de commandeur – avec un oncle héroïsé. Mais pour moi, la question de l’universel, c’est le fait d’avoir un regard rivé sur l’utopie, la commune humanité. Pour moi, c’est l’hypothèse de base.

L’expérience cruciale, je l’ai vécue chez les Ochollo, et cela me donne confiance dans cette hypothèse. Nous étions à un point de tension maximale, et j’allais devoir partir, quand j’ai demandé si je pouvais bénéficier d’une procédure de bannissement pour décider de mon sort. Et en fait, la réponse a été immédiatement oui, sans aucune hésitation. À l’époque, cela m’a proprement sidéré. Dans mon esprit, cela voulait dire qu’empiriquement, il y avait de l’universel.

L’idée, au fond, c’est que pour certains anthropologues, il y a une altérité irréductible, et que le rôle de l’anthropologie, c’est d’effectuer une sorte de traduction entre les différents univers culturels. Alors que, pour d’autres, entre ces différents univers culturels, il n’y a pas de frontière étanche. Et en fin de compte, sur un problème de citoyenneté, au lieu de me dire « ces gens ont une manière d’envisager la citoyenneté qui leur est propre et donc n’ont pas à te répondre, car tu relèves d’un autre univers », je me suis dit l’inverse. Si tu penses en termes de frontières étanches quand on te dit « mon ami, tu dois t’en aller », eh bien, tu n’as pas d’autre choix que de partir. Mais chez les Ochollo, je pose la question de bénéficier de leurs institutions et ils me disent oui. Je suis devenu passible de la procédure de bannissement qu’ils pratiquent, à égalité avec les autres Ochollo. Non pas parce que j’étais devenu Ochollo. Non, j’étais bien un étranger, qui ne mange pas les mêmes choses, ne vit pas de la même façon, mais simplement qui est un être humain, capable de parler pour s’en référer à la règle commune, puisqu’il était venu chez eux. J’étais un être appartenant à une même commune humanité, ou plutôt il faudrait dire « partie prenante d’un devenir commun ». La question de l’appartenance ou de la non-appartenance, s’est réglée de cette manière-là, sans la dissoudre dans une perception d’identité. En appliquant à mon égard les mêmes lois que pour eux, il y avait reconnaissance de cet universel empirique de la loi. L’appartenance commune à l’humanité a fait loi, et c’est ce qui me paraît important. Après cela, la manière dont je serai jugé, la place qu’on me fera, ce sera à régler. Mais ce qui est important, c’est cette universalité qui n’est ni abstraite ni illusoire. C’est une démonstration assez profonde de ce principe d’universalité, une réponse très conceptuelle et très concrète. S’il existe une société au monde où cette chose se pratique, alors l’universalité n’est pas une expression abstraite ou illusoire. C’est le prix que j’accorde à cet événement.

Une revue, pour quoi faire ?

S. W. — Dans ton livre, il y a une traversée du temps et une conscience du temps, tu reviens sur les questions de la mémoire et des séquelles des périodes traumatiques. Quels sont les liens qui se sont à cet égard tissés avec les historiens ?

M. A. — Mon travail n’a jamais été étranger à ce que faisaient les historiens, en particulier avec la revue Dialectiques, où j’ai bien connu Régine Robin et où j’étais allé voir Georges Duby, mais aussi Nathan Wachtel, à la croisée de l’anthropologie et de l’histoire. J’ai aussi travaillé avec Marcel Detienne et Nicole Loraux. Ce sont des historiens qui ont été très proches des anthropologues. Mais souvent, le discours historique fige un savoir et discute des interprétations possibles de ce savoir. Or, à mon sens, il faut aussi s’intéresser à l’expérience, au vécu, à l’état naissant des situations. Par exemple, comment en 1968, l’État semble se déliter, vacille alors qu’on ne s’adressait pas même à lui. Il y a là quelque chose de très marquant.

Dans l’Yonne, je suis beaucoup allé aux archives et je connaissais l’histoire des acteurs que je rencontrais, parfois mieux que certains d’entre eux, car j’avais lu toutes les archives sur leur famille. Donc oui, l’histoire est une dimension importante du travail. Pour moi qui avais toujours souhaité que le LAIOS5 soit un lieu d’interdisciplinarité – et, en effet, les chercheurs y relevaient des sections d’anthropologie, de sociologie et de sciences politiques du CNRS –, le fait que tu nous rejoignes était très positif, eu égard à tes objets, tes travaux importants sur l’étranger et la Révolution française, et compte tenu de ta façon d’aborder les questions. Et cette collaboration s’est avérée féconde. On a avancé de concert, et que tu diriges aujourd’hui l’IIAC est tout à fait significatif. Entre historiens et anthropologues, on apprend beaucoup en travaillant ensemble. Mon seul regret est qu’aujourd’hui, l’interdisciplinarité ait perdu du terrain au profit de cloisonnements trop rigides.

Je sors un peu de mon rôle, car je suis d’accord avec ce constat et, pour moi, il faut encore « anthropologiser » l’histoire, ce qui veut dire sortir de la conception linéaire implicite du temps des historiens, sortir de la diachronie. C’est à mon sens ce que Nicole Loraux a entendu de l’anthropologie et de la psychanalyse : les formes du temps vécu ne sont pas linéaires et l’explicitation historienne doit faire une place à ce temps non linéaire. Quant aux anthropologues, ils ne sont de fait pas présentistes…


S. W. — Dans cette nouvelle revue, Condition humaine / Conditions politiques, on aimerait mettre en valeur ces points connectés, ces intersections entre disciplines, tout en gardant la visée d’éclairer les questions de l’anthropologie politique, qui sont aussi des questions politiques.

De ce fait, j’aimerais revenir sur la revue Dialectiques, qui est née dans le sillage de Mai 68. Vous l’aviez pensée plutôt comme un objet politique, en fait ?

M. A. — Au moment où on décide de faire cette revue, on a une chance historique, car la situation politique exige de réfléchir de nouveau sur un certain nombre de catégories. Et ce n’est pas par hasard s’il y a tout une exploration de livres comme ceux de Poulantzas, d’Althusser et d’autres, plein de discussions où la question politique est centrale et des traductions de textes, aussi. On le vit comme si on avait besoin d’un instrument pour réussir à changer les choses, on se dit qu’on a du temps et qu’on a les forces pour le faire. On ne se pose pas alors de questions de carrière. Nous sommes des étudiants communistes et nous questionnons de fait la politique et le communisme. On a juste envie alors de rencontrer un certain nombre de gens, certains sont marxistes, d’autres non, mais peu importe, on veut surtout clarifier des questions. On allait donc voir les gens qu’on trouvait formidables et on leur commandait un article, ou on organisait un entretien. Et les gens trouvaient cette revue très intéressante, ça marchait bien. La grande question a été de savoir si nous serions une revue du Parti ou non. Mais dès le premier numéro, ça explose, nous sommes convoqués et tancés par des membres du bureau politique. Or on bénéficie de cette espèce de rejet de l’appareil. Cela ne nous empêche pas, bien au contraire, de proposer Dialectiques dans les Ventes du livre marxiste, et ça n’a l’air de rien, mais c’était rémunérateur et ça permettait de rencontrer beaucoup de monde, de gagner l’indépendance financière de la revue et de pouvoir vivre tranquillement le fait de n’être ni inféodés, ni inféodables. Cela nous donnait un statut tout à fait intéressant, car je me souviens d’avoir pu appeler Georges Duby, qui m’a proposé de venir dans le Midi, d’y être allé et d’avoir passé l’après-midi avec lui. Je ne suis rien du tout, je ne connais personne et pour autant je rencontre plein de gens.

Tout le monde voit que Dialectiques se vend bien, et les intellectuels aiment être lus. Mais si la revue est partout, c’est parce que nous faisons un énorme travail militant de distribution et de diffusion. On prend une voiture pour aller la déposer dans un réseau de librairies fantastiques, avec des gens qui sont complètement concernés par les questions que nous posons, même s’ils ne sont pas toujours d’accord. On arrive et on commence à discuter. On passait des heures avec des gens, on déjeunait avec eux, et c’était joyeux. Et il y avait aussi tout une activité de débats politiques qui allait avec ça. Ce travail pratique m’a aussi beaucoup intéressé. On faisait tout. On avait notre imprimeur, mais tout le reste on le faisait. Ceci dans une atmosphère de très forte stimulation intellectuelle : durant cette période j’ai beaucoup écrit ; mon premier article, « Pouvoir, société, symbolique », a été publié en 1974. Puis il y a eu divers autres textes et un livre, Anthropologie et marxisme, en 1976, bien avant d’être admis dans une institution de recherche.

Outre la revue, nous avons créé deux collections, l’une aux éditions Complexe, l’autre chez François Maspero, intitulée « Dialectiques Interventions ». C’est dans cette dernière que nous avons notamment publié un livre d’entretiens avec Fernando Claudín et Manuel Azcárate6.


S. W. — Et comment Dialectiques discute-t-elle quand même avec les communistes ?

M. A. — On a développé une ligne gramscienne avec un grand numéro sur Gramsci réalisé avec des Italiens, un numéro qui a marqué, qui a été important. J’étais politiquement sur une ligne italienne euro-communiste – il y avait plein de discussions dans cette période où j’étais soit en Éthiopie, soit à Paris.


S. W. — Et comment cela s’achève-t-il pour toi ?

M. A. — Nous étions un certain nombre à espérer un arc européen de gauche et communiste pour sortir de la séquence Brigades rouges. Mais en 1978, quand il y a une fermeture totale du parti communiste, la rupture du programme commun, la défaite voulue aux élections législatives, nous publions dans Le Monde des articles sur ce qui se passe à l’intérieur du Parti. C’est un acte de rupture. Donc je quitte le Parti, je ne joue pas à l’exclu. Comme je devais partir en Espagne, ça s’est fait presque naturellement. J’avais touché les limites de l’exercice au sein de la quintessence de la forme parti, je ne trouvais plus d’intérêt à cette forme d’organisation. Je ne me voyais pas aller ailleurs, où je sentais bien que ce ne serait pas si différent, et je ne voyais rien émerger, contrairement à aujourd’hui.

1 Marc Abélès, Jours tranquilles en 89 : ethnologie politique d’un département français, Paris, O. Jacob, 1988.

2 Alexandre Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Éditions de Minuit, 1969.

3 Maurice Godelier, « Préface », in Centre d’études et de recherches marxistes (éd.), Sur les sociétés précapitalistes : textes choisis de Marx

4 Marc Abélès, Anthropologie et marxisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 1976.

5 Créé en 1995, le LAIOS (Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales), est l’une des équipes fondatrices de l’IIAC (

6 L’Europe de l’Atlantique à l’Oural, entretiens réalisés par Marc Abélès et Charles-Albert Ryng, avec la collaboration de l’équipe de la revue

Notas

1 Marc Abélès, Jours tranquilles en 89 : ethnologie politique d’un département français, Paris, O. Jacob, 1988.

2 Alexandre Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Éditions de Minuit, 1969.

3 Maurice Godelier, « Préface », in Centre d’études et de recherches marxistes (éd.), Sur les sociétés précapitalistes : textes choisis de Marx, Engels, Lénine, Paris, Éditions sociales, 1970. Cf. aussi Emmanuel Terray, Le marxisme devant les sociétés « primitives » : deux études, Paris, F. Maspero, 1969.

4 Marc Abélès, Anthropologie et marxisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 1976.

5 Créé en 1995, le LAIOS (Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales), est l’une des équipes fondatrices de l’IIAC (Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain), UMR 8177 (CNRS-EHESS).

6 L’Europe de l’Atlantique à l’Oural, entretiens réalisés par Marc Abélès et Charles-Albert Ryng, avec la collaboration de l’équipe de la revue Dialectiques, Paris, F. Maspero, 1979.

Para citar este artigo

Referência Eletrônica

Sophie Wahnich e Marc Abélès, « À propos de Carnets d’un anthropologue, de Mai 68 aux Gilets jaunes : entretien avec Marc Abélès », Condition humaine / Conditions politiques [Online], 1 | 2020, Online desde 25 novembre 2020, Acessado em 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=105

Autores

Sophie Wahnich

Sophie Wahnich est directrice de recherche au CNRS (IIAC/EHESS), elle travaille entre histoire, anthropologie et études politiques sur la Révolution française. Elle interroge notre présent en écoutant les conseils, avis et perplexités vécues de nos ancêtres révolutionnaires. Pour faire passage entre ces figures  fantomatiques et nous, elle fait confiance aux émotions qui se déploient quand l’injustice, la trahison, l’oppression fabriquent la résistance des acteurs qui tentent de frayer un chemin révolutionnaire. Elle a plus particulièrement travaillé sur les émotions comme faculté de juger pendant le moment révolutionnaire dans les ouvrages suivants : L’impossible citoyen : l’étranger dans le discours de la Révolution française (Paris, Albin Michel, 1997), La liberté ou la mort, essai sur la Terreur et le terrorisme (Paris, La Fabrique, 2003), La longue patience du peuple : 1792, naissance de la République (Paris, Payot 2008), Les émotions, la Révolution française et le présent (Paris, CNRS Éditions, 2009), La Révolution française n’est pas un mythe (Paris, Klincksieck, 2017).

Artigos do mesmo autor

Marc Abélès

Marc Abélès, anthropologue politique, est directeur d’études à l’EHESS, directeur de recherche émérite au CNRS. Il a dirigé le LAIOS, l’IIAC (CNRS-EHESS) et le Centre Franco-Argentin de Buenos Aires. Il a notamment publié Anthropologie de l’État (1990), Un ethnologue à l’Assemblée (Odile Jacob, 2000), Les nouveaux riches (Odile Jacob, 2002), L’échec en politique (Circé, 2005), Politique de la Survie (Flammarion, 2006), Anthropologie de la globalisation (Payot, 2008), Des anthropologues à l’OMC. Scènes de la gouvernance mondiale (Éditions du CNRS, 2011), Pékin 798 (Stock, 2011), Penser au-delà de l’État (Belin, 2014), Un anthropologue au pays du luxe (Odile Jacob, 2018), Carnets d’un anthropologue. De Mai 68 aux Gilets jaunes (Odile Jacob, 2020).

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