Le temps libre fabrique la ville. Le cas des “skating-rinks

Paris au début de la Troisième République

Free time makes the city. Paris at the beginning of the Third Republic

DOI : 10.56698/rhc.638

Résumés

L’élite voyageuse – le terme renvoie aux gens aisés et aux personnalités célèbres qui parcourent le monde – qui vient visiter Paris dispose de temps libre qu’elle contribue à rendre visible et qu’il convient de remplir avec diverses activités et plaisirs variés ne se limitant pas à du tourisme culturel et aux visites d’Expositions Universelles, simples prétextes au déplacement. À partir des années 1870 et jusqu’à la veille de la Grande Guerre, ce phénomène génère de nouveaux usages, qui nécessitent la construction d’architectures spécifiques et constituent des moteurs de la transformation de l’espace urbain. En s’attachant à ces questions, cet article met en évidence la manière dont des entrepreneurs audacieux et visionnaires contribuent à inventer ce temps libre, comment se fabriquent des lieux exclusivement destinés à la consommation de ce temps, pour montrer in fine comment l’espace urbain parisien est transformé par les nouveaux usages que les touristes étrangers aisés font de leur temps libre, en tenant compte de la féminisation croissante des voyages.

The travelling elite – the term refers to wealthy people and celebrities who travel around the world – who comes to visit Paris has free time that it helps to make visible and that should be filled with various activities, pleasures, which are not limited to cultural tourism and visits to Universal Exhibitions, simple pretexts to travel. Starting in the 1870s up to the eve of the First World War, this phenomenon generated new uses, which required the construction of specific architectures and have become essential forces for the urban space transformation. By focusing on these questions, this article highlights the way in which daring and visionary entrepreneurs contribute to inventing this free time, how places are made exclusively for the consumption of this time, to show ultimately how the Parisian urban space is transformed by the new uses that wealthy foreign tourists make of their free time, considering the increasing feminization of travel.

Index

Mots-clés

Ville, architecture, transformation urbaine, tourisme, loisirs

Keywords

City, architecture, urban transformation, tourism, leisure

Plan

Texte

Dès le milieu du XIXe siècle, la ville de Paris est prisée non seulement pour ses monuments ou ses musées mais aussi pour ses distractions et son commerce de luxe. L’élite voyageuse – qui regroupe gens aisés et personnalités célèbres qui parcourent le monde1 – délaisse le voyage culturel, attirée par la vie mondaine et les plaisirs2. Ce petit monde frivole, constitué d’un assemblage hétéroclite d’étrangers, diplomates et hauts dignitaires, millionnaires, souverains et grands seigneurs véritables, prétendus, exilés ou ruinés, nababs et maharadjahs, financiers, industriels et marchands enrichis, sans oublier toute la cohorte des « escrocs » (faux nobles, faux riches, tricheurs, voleurs, souteneurs, etc.) aime le luxe et dispose de temps libre, soit de temps disponible pour vaquer à de multiples occupations, au rang desquelles les délassements et divertissements occupent une place essentielle. Aussi l’enjeu de cette contribution consiste à montrer comment ces pratiques de loisirs distinctives, engageant des formes inédites de représentations, fabriquent des territoires, des architectures et des espaces urbains particuliers.

Pour comprendre de telles mutations de la ville, en lien avec les usages du temps libre de cette élite, la période située entre les années 1870 et la veille de la Grande Guerre constitue un moment caractéristique. Cette histoire s’inscrit dans un système de temporalités complexes, qui nécessite de croiser les événements de l’histoire nationale (les débuts de la Troisième République) avec l’histoire du tourisme, celle des Expositions Universelles (de 1878, 1889, 1900), celle de l’architecture et de la ville. Elle recouvre d’ailleurs aussi bien l’histoire d’installations éphémères que celle de lieux qui ont traversé les décennies.

Cet article s’inscrit dans une histoire socio-culturelle de la ville qui se situe au croisement de l’histoire urbaine et de l’architecture, de l’histoire des loisirs et du tourisme, de l’histoire des représentations et des usages du temps. Aujourd’hui, les liens sont établis entre ces diverses « histoires vagabondes », terrains sur lesquels on s’aventurait encore peu il y a vingt ans3 et qui ont été peu à peu investis. En 2000, la revue Histoire Urbaine consacrait son premier numéro aux loisirs, insistant sur la nécessité que l’histoire urbaine s’empare de cette question parce que « l’urbanité implique des genres de loisirs particuliers, et, inversement, les loisirs concourent à la transformation de la ville. […] Synonymes de temps libre […] les loisirs sont liés à la quête du plaisir4 ». Il apparaissait ainsi que les pratiques de divertissement avaient une influence sur l’organisation et les usages des espaces urbains, à tel point qu’elles devenaient un enjeu majeur de la transformation de Paris dès le Second Empire. La relation entre ville, tourisme et loisirs avait été aussi abordée du point de vue de la géographie urbaine5, autour de l’idée que le tourisme a fait émerger de nouvelles formes urbaines et de nouvelles formes d’urbanité6.

L’histoire des lieux de spectacle, au croisement de l’histoire des loisirs et de l’histoire de l’architecture, avait, de son côté, mis l’accent sur les implications urbanistiques et policières des pratiques de divertissement7. Le rôle du spectaculaire et de ses producteurs en lien avec les temps collectifs et les pratiques sociales avait d’ailleurs été mis en évidence de plus longue date8. Précisément, les travaux de Dominique Leroy avaient fait émerger une histoire de l’économie des arts du spectacle qui établissait des liens entre le théâtre et le commerce dans l’espace géographique parisien9, tandis que Manuel Charpy abordait « la familiarité entre l’art du spectacle et l’art de la marchandise » par le biais de l’étude des attractions et des grands magasins10.

Cependant, malgré toutes ces recherches stimulantes et l’intérêt de dresser une topographie du sport parisien11, les “skating-rinks”12 , en particulier, restent ignorés, tant du côté de l’histoire des loisirs parisiens que de celui de l’histoire des sports13. Pourtant, ils semblent bien illustrer les nouveaux usages du temps libre et leur fabrique, et ce d’autant qu’il existe des similarités avec d’autres pratiques comme celles liées au marché des spectacles pugilistiques. Tel est le cas, notamment, de la circulation des modèles de combats entre Paris et Londres en vue de « contrebalancer la domination américaine14 ». Notre propos, tout comme les recherches de Laurent Turcot, défend l’idée de traiter conjointement sports et loisirs afin de comprendre l’évolution du temps libre en lien avec les transformations politiques et culturelles d’une époque15.

Pour traiter du lien singulier entre urbanisme et espaces distinctifs du temps libre, outre les sources écrites et graphiques habituelles (parmi lesquelles plans, coupes, élévations, détails, trouvés dans les archives ou publiés par les revues d’architecture), d’autres documents ont été sollicités : statistiques et rapports sur les personnalités étrangères trouvées dans les Archives de la préfecture de Police, calepins de cadastre, publicités, articles de presse16, factures de commerçants… Il faut également souligner l’importance des guides de voyage17 comme celle des cartes postales. De fait, le propos s’inscrit dans le sillage des visual studies « en tant que nouvelle méthodologie distincte18 » permettant d’« inventer » de nouvelles sources.

L’analyse sera conduite en trois temps. Nous mettrons d’abord en évidence la manière dont s’invente ce temps à Paris grâce à des figures d’entrepreneurs ingénieux et souvent d’origine étrangère. Nous verrons ensuite (à partir de l’exemple des “skatings-rinks”) comment ceux-ci construisent des architectures spécifiques pour occuper les touristes. Nous montrerons enfin comment la ville se transforme pour se destiner au temps libre d’une société de plus en plus consommatrice et désireuse de profiter de nouvelles formes de sociabilité urbaine19.

Des entrepreneurs parisiens à l’origine de nouveaux usages du temps libre

La presse, les récits de voyage et les rapports de police relatifs à la surveillance de personnalités célèbres donnent à voir avec précision durant toute la période étudiée l’usage que celles-ci font de leur temps libre et soulignent l’intérêt croissant pour les loisirs parisiens. Durant leurs voyages officiels, ces personnalités allient protocole, vie mondaine et visites de monuments, tandis qu’elles consacrent davantage de temps aux achats, aux promenades et aux loisirs dans la capitale française lors de voyages qu’elles font incognito, parfois sous de fausses identités, au grand dam de la préfecture de police, qui a du mal à assurer leur sécurité durant ces déplacements privés. Or cet intérêt croissant pour les loisirs parisiens est aussi partagé par toute une élite voyageuse qui profite de l’aisance financière dont elle dispose pour multiplier ses pérégrinations.

La multiplication des séjours parisiens et la diminution de leur durée font que l’on consacre moins de temps au tourisme culturel. Si, lors d’un premier voyage, la visite du Louvre se réduit pour certains à un rapide coup d’œil à la Joconde et à la Victoire de Samothrace, ils n’y mettront plus les pieds lors des séjours suivants, persuadés d’avoir déjà tout vu20. Les voyageurs étrangers semblent préférer les lieux de plaisirs et les commerces luxueux, comme en témoignent leurs propres récits ou les rapports de police.

Pour répondre à de tels désirs, des entrepreneurs hardis rivalisent d’imagination et leur proposent de nouveaux espaces destinés aux loisirs. Certains sont remarquables. Les frères Pereire sont, ainsi, impliqués dans le développement du réseau ferroviaire et de la Société du Louvre. Celle-ci gère plusieurs hôtels parisiens (Grand Hôtel du Louvre, Grand Hôtel, Terminus Saint-Lazare, Palais d’Orsay, Hôtel de Crillon) et les Grands Magasins du Louvre21, dans lesquels est vendu l’ameublement des chambres. Ces choix classent les Pereire parmi les inventeurs des nouveaux usages du temps libre : après avoir organisé le transport et l’hébergement des touristes, ils les occupent. Faire ses achats à Paris devient alors un passe-temps, tandis que les hôtels deviennent de véritables vitrines des commerces parisiens. Ainsi, lors de son séjour au Palais d’Orsay en 1913, Marie-Adélaïde, grande duchesse du Luxembourg, passe presque deux heures dans les Grands Magasins du Louvre en compagnie de ses sœurs22.

De son côté, Georges Nagelmackers, qui crée la Compagnie des wagons-lits, ouvre l’Élysée Palace, premier palace sur les Champs-Élysées. Construit par Georges Chédanne – architecte du ministère des Affaires Étrangères, de l’hôtel Mercedes et des Galeries Lafayette –, l’hôtel est meublé par Sir John Blundell Maple, comme d’autres hôtels parisiens parmi lesquels le Claridge. Maple est aussi actionnaire de l’Élysée Palace Hotel Company Limited, filiale de la Compagnie des wagons-lits qui gère l’hôtel, tout comme Chédanne est actionnaire de la société qui exploite l’hôtel Mercedes23. C’est ainsi que se créent les réseaux qui construisent l’espace touristique.

D’autres entrepreneurs participent de plusieurs manières à la fabrication et à l’usage du temps libre. Ainsi, Alexis Godillot (1816-1893) emboîte le pas de son père et s’engage dans la production et la commercialisation d’articles de voyage en reprenant le Bazar du Voyage, qu’il installe au 25, rue de la Paix et 15, bd des Capucines, au rez-de-chaussée du Grand Hôtel de Douvres. Son nom est indissociable de la fabrication de chaussures de marche utilisées par l’armée française. Le Bazar du Voyage aurait fourni l’armée en tentes et selles pendant les campagnes de Napoléon III. Mais Godillot, également entrepreneur de fêtes publiques, est chargé de l’organisation des fêtes de l’Empereur et de la décoration des villes que celui-ci visite. Dans ce sillage, la ville est régulièrement pavoisée lors de visites à Paris de personnalités étrangères, et les entreprises privées y jouent leur rôle.

La ville pavoisée

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Ill. 1. Décoration des Grands Boulevards. « Le roi et la reine d’Italie en France. Promenade sur les boulevards », Le Petit Journal, Supplément illustré n° 675, Paris, 25 octobre 1903. Coll. Debuisson.

Alexis Godillot est aussi loueur de mobilier pour les étrangers qui s’installent à Paris24 et pour tous ceux qui organisent des fêtes. En tant que maire de Saint-Ouen, où se trouvent ses tanneries, il participe à l’urbanisation de cette ville, tout comme il le fera à Hyères, où il contribue à la construction urbaine – nouveaux quartiers, lotissements et aménagements de voies. Également à Hyères, il encourage aussi le développement du tourisme hivernal de l’élite voyageuse anglaise, en édifiant le siège de l’English Bank et l’église anglicane. Le nom de Godillot est ainsi lié à l’histoire de l’espace urbain parisien comme à celle du tourisme de villégiature et, plus généralement, à celle du temps libre sur le territoire français. À son décès, plusieurs sites parisiens des entreprises Godillot reprises par Eugène Delessert seront convertis par d’autres entrepreneurs hardis en lieux de plaisirs.

Parmi les entrepreneurs de loisirs qui ont une contribution importante à la fois à l’invention du temps libre et à la transformation urbaine des quartiers fréquentés par l’élite voyageuse, figure en bonne place Joseph Oller25 dont le nom ne peut être séparé de l’histoire des lieux de divertissement parisiens. Il invente, en 1867, le PMU (Pari Mutuel Urbain26). Au 28, bd des Italiens, il ouvre en 1875 une salle d’attractions à succès, les « Fantaisies Oller », dont l’entrée est aménagée au rez-de-chaussée de l’hôtel de Bade. En 1878, l’endroit devient le Théâtre des Nouveautés où triomphe Feydeau.

Oller installe en outre, en 1885, la piscine Rochechouart, à l’emplacement des usines Godillot27 situées 65, rue Rochechouart. Celle-ci est dotée de 500 cabines, d’un gymnase, de salles d’hygiène et de magasins où l’on peut acheter des maillots de bain. Le 12 février 1886, Oller en inaugure une autre au 247-251, rue Saint‑Honoré, à l’emplacement du bal Valentino28, avant que ne lui succède, en 1881, le Panorama de Reichshoffen29. Conservant la construction d’origine, Oller fait appel à plusieurs ingénieurs et à l’architecte Gustave Gridaine pour y installer les « Arènes nautiques » et le « Nouveau Cirque », piscine en été, cirque en hiver30. Un mécanisme compliqué fait descendre la plate-forme du cirque pour donner passage à l’eau, chauffée tout comme la salle, par des dispositifs ingénieux. Un décor éblouissant fait que l’endroit passe pour la huitième merveille du monde. L’exploitation de la piscine est de courte durée, mais l’endroit continue à être fréquenté par la société mondaine31.

Joseph Oller fait aussi partie d’une société qui construit à grands frais la Gran Plaza de Toros, rue Pergolèse, en 1888. Dans ces arènes, « les plus belles du monde au dire des Espagnols eux-mêmes32 »,ont lieu en 1889 des courses de taureaux grâce auxquelles la société fait d’énormes bénéfices. C’est également Oller qui remet à la mode les Montagnes russes. La nouveauté, par rapport aux attractions qui existaient déjà, est leur installation au centre de la ville, sur les Grands Boulevards au 28, bd des Capucines, à proximité du Grand Hôtel et de l’Opéra, dans un endroit fréquenté par les étrangers. Oller aménage ces attractions dans une construction de 1888 due à l’architecte F.L. Girollet, élevée sur un terrain appartenant en partie au comte de Nesmond, en partie à la Ville de Paris33. La construction comprend deux granges d’étain et un hangar où se trouvent les montagnes russes. L’ensemble occupe 1660 m², dont la halle fait 21 m de large sur 70 m de long étant couverte à hauteur du troisième étage34.

Dans ce parc d’attractions, que les journaux présentent comme l’un des endroits les plus trépidants de Paris, on trouve, outre les Montagnes russes construites en Angleterre35, des chevaux à ressort, un tir au javelot, un débit de bière et un orchestre, ainsi que d’autres attractions, dont l’horéoscope, le tir oriental, le théâtrophone, le labyrinthe mauresque, la silhouette suédoise, le nègre automatique, les miroirs grotesques, etc. Les Montagnes russes sont démolies en 1892, laissant la place à l’Olympia, premier music-hall français à l’inauguration duquel assiste toute la haute société parisienne. C’est une salle luxueusement décorée, au-dessus de laquelle il y a une salle de billard et de restaurant. Au sous-sol, se trouve le musée Oller, un cabinet de figures de cire36. En même temps, en octobre 1889, Oller construit le Moulin Rouge, à l’emplacement du Bal de la Reine Blanche, qui devient très vite pour les étrangers le symbole de la vie parisienne. Le nom de Joseph Oller est souvent associé à celui de Charles Zidler37, directeur du Moulin Rouge pendant les trois premières années de son fonctionnement. Jean Oller, frère de Joseph, lui succèdera. Les personnalités étrangères y affluent, le prince de Galles, futur Edouard VII, devenant un habitué des lieux. Toujours dans ce sillage, Oller, maître de jeux et amusements publics, ouvre en 1892, à l’emplacement du Concert des Champs‑Élysées, le Jardin de Paris38, un parc d’attractions pour la haute société, qui regroupe un music-hall, un théâtre, un cirque et un bar et dont les étrangers de passage sont la clientèle favorite39 : « Là sous des bosquets éclairés de lanternes vénitiennes, de belles femmes passaient en quête d’un Chilien ou d’un Brésilien récemment arrivé à Paris40 ». Parmi les principales attractions du Jardin de Paris, il y a aussi des Montagnes russes, nommées « Chutes de Niagara », installées en 1893 par une compagnie londonienne, la Captain Boyton’s Continental Concession Limited, à ses frais, sur le terrain que Oller a mis à sa disposition41.

Joseph Oller, devant le succès de ses établissements, organise un service d’omnibus spécial entre le Jardin de Paris et le Moulin Rouge. En 1900, le Jardin connaît une affluence énorme grâce à l’Exposition Universelle. L’imagination de Joseph Oller lui permet de participer à la création de nombreux divertissements contribuant ainsi à l’invention de nouveaux usages du temps libre et à la diversification des lieux de distraction dans la ville pour un public et des participants dont les contours transcendent les clivages sociaux. Grâce à lui, Paris s’affirme comme une véritable ville des plaisirs susceptible de répondre aux rêves des visiteurs français comme étrangers.

Tous ces entrepreneurs, qui déploient une imagination considérable, jouent donc un rôle central dans la mutation de l’espace parisien de loisirs à la fin du XIXe siècle42. Or, si les nouvelles installations qu’ils édifient ne lui sont pas réservées et si elles n’ont pas été spécifiquement construites pour elle, l’élite voyageuse (qui dispose de temps libre et de la liberté de se mouvoir) n’en découvre pas moins là de nouveaux lieux de sociabilité et de distractions qui font écho à l’imaginaire de la ville Lumière .

Où passer son temps libre ? Le cas des skating-rinks

Parfois, l’établissement de loisir est plus directement réservé à une clientèle aisée. Tel est le cas du patinage43, initialement pratiqué uniquement dans la nature, qui se développe dans un cadre urbain et nécessite des équipements spécifiques. Dès le milieu des années 1870, le patinage – sur glace et à roulettes – se pratique dans des “skating-rinks”. En les étudiant, on saisit la manière dont ces établissements s’implantent dans Paris, transformant les usages du temps libre et laissant des traces encore visibles aujourd’hui dans la ville44.

Le premier rink ouvre à Cincinnatti en 1867. Les Américains exportent ce plaisir vers l’Europe, avec son vocabulaire particulier : les skatineurs skatinent sur un skating-rink45. L’aventure des skating-rinks parisiens démarre le 8 septembre 1865 lorsque James Plimpton obtient un brevet d’invention en France pour la fabrication des patins à roulettes46. Dès la fin de l’année 1875, des skating-rinks sont aménagés dans tout Paris et pour toutes les classes. Une véritable industrie se développe autour du patinage grâce à des entrepreneurs anglais et américains. C’est ainsi que Charles Goodwin, fabricant de machines à coudre47, participe à la fabrication des patins et à l’exploitation du Skating du Luxembourg, qui fait partie du bal Bullier. Un Anglais, George Craufurd, dépose le 11 janvier 1876 une demande à la préfecture de Police pour établir un skating-rink, construit en pierre, brique et fonte, sur un terrain libre de 2 350 m², situé 67-69, avenue des Champs‑Élysées.

Montagnes russes nautiques

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Ill. 2. Jardin de Paris, affiche, Georges Meunier illustrateur, 1895, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39839651b

Cet établissement sera construit dans des conditions de solidité et d’élégance qui ne laisseront rien à désirer. […] Le but […] est de faire de ce Skating Rink un endroit recherché par la haute société […]. En outre les familles y trouveront pour leurs jeunes enfants le moyen de les faire participer à un exercice des plus salutaires et reconnu favorable à leur santé48.

Ainsi, distraction, pratique sportive et santé sont les principaux arguments qui rendent le skating-rink fréquentable par l’élite voyageuse et par les Parisiens. Toutefois, ce type d’établissement n’est pas du goût de tous. Au même moment, George Palmer Harding49, concessionnaire anglais de tramways et fondateur en 1873 à Paris de la Compagnie des Tramways Sud, est impliqué dans la construction d’un skating-rink, place d’Eylau (future place Victor Hugo), sur le terrain de l’ancien Hippodrome. Le 2 mars 1876, le curé de la paroisse Saint‑Honoré proteste contre cette implantation :

Un voisinage aussi immédiat d’un établissement destiné à des plaisirs publics est plein d’inconvénients pour l’église. Ces sortes d’entreprises amènent invariablement un mouvement, plus ou moins tumultueux, de la population et des scènes peu compatibles avec le respect dû à l’exercice du culte […] car il paraît être de la nature de tous ces établissements d’amusement d’attirer un monde spécial50.

Le projet est soutenu par deux conseillers municipaux, Deligny et Denis, mais aussi par le vice-président du Sénat, Duclerc51. Les considérations de l’Église n’étant pas suffisantes pour la préfecture de Police, celle-ci propose d’autoriser la construction, considérant que cela participera à l’aménagement urbain de ce quartier et à sa vitalité.

L’établissement […] sera un lieu de distraction mondaine […]. Le patinage artificiel, la gymnastique et l’escrime, qui y seront jointes, sont des exercices physiquement bons et des divertissements qui par eux‑mêmes n’ont rien de condamnable. La clientèle, il est vrai, aura probablement de l’analogie avec celle des bals, mais des bals les mieux tenus. Le skating rink projeté sera élégamment et dispendieusement aménagé. […] Quoi qu’il en soit le quartier désire la création de ce dernier établissement. Presque uniquement traversé par de larges avenues, et par suite, un peu désert, un peu mort, il compte que le Skating Rink lui apporterait un peu d’animation, un peu d’activité commerciale52.

Dans les rapports de la préfecture de Police, sont d’ailleurs souvent mentionnés les soutiens des commerçants en faveur des skating-rinks, qui estiment que cet usage du temps libre favorise leur activité, le temps passé dans les établissements étant complété par celui passé dans les magasins des quartiers où ils sont établis53.

Les skating-rinks destinés à un large public, dont fait aussi partie la haute société cosmopolite, se multiplient. Une architecture spécifique naît pour répondre à ce nouveau programme. Ainsi, l’architecte Ydée construit, toujours en 1876, le skating-rink de la Chaussée d’Antin, avec son confrère Sotty. C’est une construction haute de 15,40 m, d’une grande hardiesse, exécutée en moins de quatre mois et dont la piste de patinage occupe 1 500 m² et la charpente de fer, soutenue par 110 colonnes en fonte54. Le même architecte est probablement aussi le concepteur du skating-rink du Luxembourg55. En 1876, le Skating Palais s’installe avenue Bugeaud et occupe 12 000m² dans les ateliers des entreprises Godillot, organisateur des fêtes de l’Empereur. Entre 8 000 et 10 000 personnes sont présentes lors de son ouverture, le 23 avril56. Fêtes d’enfants, fêtes données par des étrangers, bals de bienfaisance et expositions d’art se succèdent ici, telle la fête organisée par la princesse Rattazzi, le 15 juillet 1876, dont les billets sont en vente chez les dames patronnesses, mais aussi au Grand Hôtel, afin que les étrangers de passage puissent y participer. Entre 1 000 et 2 500 personnes sont présentes chaque jour dans ce skating-rink, qui appartiennent « à l’aristocratie, à la bourgeoisie et même un peu au monde interlope des théâtres »57. Parmi les spectateurs aristocratiques d’hier se trouvaient M. le ministre des Finances et M. le ministre de l’Agriculture et du Commerce », note un rapport de police du 4 juillet 187658. Émile de Girardin et Don Carlos ont aussi été vus. Lors d’une soirée célébrant la fête nationale américaine, on note 950 entrées, dont des Anglais et Américains, parmi lesquels des membres du comité de l’Union Franco‑Américaine, fondé dans le but de réunir les fonds nécessaires à la construction de la statue de la Liberté59.

Le skating palais

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Ill. 3. Skating-Palais de l’avenue du Bois de Boulogne. Réouverture du 2 mars 1878. L’Illustration, n° 1828, 9 mars 1878, p. 160. Coll. Debuisson.

Le Skating Palais est, dès sa création, un établissement luxueux, à l’ambiance féerique. Des fresques de paysages et une promenade garnie de sièges confortables entourent la piste, tandis que les glaces du café reflètent les lumières de la salle et le jardin est éclairé par des milliers de lanternes60. De nombreuses entreprises participent à sa construction. La Compagnie générale des asphaltes de France réalise la piste de 2 000 m² du Skating Palais, tandis que la société L’Alliance établit un phare dans le jardin, dont la lumière électrique attire les passants61. Les bilans et les inventaires contenus dans les dossiers de faillite donnent une idée de la dimension de l’espace et de l’aménagement : dans la salle de patinage du Skating Palais, il y a une vingtaine de lustres en cristal, une soixantaine de fauteuils cannés, deux banquettes en cuir rouge et six glaces. Dans le grand salon, on dénombre un divan d’une douzaine de mètres, une douzaine de canapés, vingt fauteuils, etc. Trois cent chaises en rotin et deux billards chinois proviennent du Bazar de Voyage62. Parmi les créanciers des skating-rinks, figurent souvent les commerces, tels les Grands Magasins du Louvre et les Magasins de la Paix. Parmi ceux du skating-rink du Luxembourg, se trouvent de nombreux journaux, l’Agence de Publicité générale et les guides Conty, présence qui montre le rôle de la réclame comme moyen de construction de l’identité d’un tel lieu63.

En 1878, le skating-rink de la rue Blanche, ouvert l’année précédente, combine les activités de patinage et les spectacles. On y présente des gymnastes, des clowns, des acrobates, des jongleurs, des excentricités et des ballets64. Au skating-rink du faubourg Saint-Honoré la salle est décorée dans un style russe, en utilisant le bois découpé. Parmi les pièces annexes, il y a un salon d’attente, des cabinets de lecture et de toilette d’une grande élégance, dont la surface totale est de 800 m².

Skating rink

Image 100000000000044F0000035568F93008.jpgIll. 4. Skating-Rink, 130, rue du Faubourg Saint-Honoré. Chatenay et Roux, architectes. Vue du kiosque d’entrée depuis la piste de patinage. L’Illustration, n° 1745, 5 août 1876, p. 87. Coll. Debuisson.

Salle de patinage

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Ill. 5. Élysée Montmartre, salle de patinage, carte postale, sd [vers 1910]. Coll. Debuisson.

Dans les skating-rinks, la clientèle diffère à chaque heure de la journée : les enfants viennent en matinée et l’après-midi tandis que, le soir, on y rencontre plutôt les « belles de nuit65 ». Au skating-rink du Cirque66 on donne de grandes fêtes, où la foule se presse. Beaucoup d’Américaines évoluent sur la piste67. Un ouvrage, intitulé La Rinkomanie, publié en 1876, signale l’engouement provoqué par le patinage : c’est un sport que l’on ne pratique guère pour des raisons médicales, mais pour la distraction qu’il procure, « pour les rapports sociaux qu’il engendre et l’occasion de parader68 ». Le patinage est présenté comme l’ennemi de l’ennui et évite à ceux qui le pratiquent la tyrannie de la flânerie monotone sur les Boulevards. Le Palais de Glace, qui ouvre en 1893, est fréquenté le matin par les amateurs de sport et les novices, de deux heures à cinq heures par les familles aristocratiques et entre cinq et sept heures par les mondaines, parmi lesquelles Émilienne d’Alençon, Jeanne Avril, Miss du Crocket et Liane de Pougy. Le public revient vers neuf heures69. Certains skating-rinks réservent des heures aux établissements scolaires pour lesquels ils organisent aussi des fêtes, ce qui explique le soutien des conseillers municipaux.

Ces établissements sont surveillés par la police pour des raisons de sécurité. C’est pourquoi ils font l’objet de rapports réguliers que nous avons retrouvés dans les archives de la préfecture de Police, de même que les plans qui facilitaient la surveillance. Chaque rapport mentionne la présence d’étrangers de passage dans les skating-rinks. Parmi eux, « deux hindous, vêtus de leur costume national et appartenant à la suite du prince Yung, ont chaussé des patins et se sont lancés sur le rink, mais peu habitués à ce genre d’exercice, ils ont dû y renoncer aussitôt », note l’officier de paix le 1er août 1876. Lors de la réouverture du Skating Palais, le 9 mai 1877, ses dirigeants comptent toujours sur une clientèle d’élite :

Le Rink entièrement refait, la création d’un salon fumoir, d’un salon de conversation et d’un […] salon où la richesse de l’ameublement le disputera à la décoration artistique et à la profusion d’objets d’art qui seront exposés, nous donnent la certitude que le Skating Palais sera le seul établissement de Paris digne du public d’élite qui avait bien voulu le prendre sous son puissant patronage70.

L’intérêt pour le patinage conduit à la création d’une nouvelle génération d’établissements vers 1890, qui s’appuient sur les progrès techniques et s’installent souvent à des emplacements déjà destinés aux loisirs. La Gran Plaza de Toros (due à Joseph Oller) est transformée en patinoire. Le sol est creusé pour y couler une cuvette en béton, nécessaire à l’installation des 16 km de tubes métalliques qui fabriqueront la glace. La couverture provisoire de la piste est un « chef-d’œuvre de charpente », avec des fermes en bois de 56 m de portée. « Bref, au point de vue de l’art de l’ingénieur ou simplement au point de vue de l’amateur de patin, la visite du palais de glace ne sera pas dépourvue d’attraits », annonce L’Illustration du 28 décembre 1889. Des séances spéciales sont réservées au « High-Life Parisien » et au Cercle des Patineurs. Plus tard, Le Petit Journal du 16 octobre 1892 annonce l’ouverture du Pôle Nord, près du Casino de Paris, au 18, rue de Clichy. Ici ont lieu des séances de patinage et des spectacles sur glace, auxquels participent des animaux71. De nombreuses femmes de mœurs légères fréquentent le Casino de Paris entre deux séances de patinage au Pôle Nord. En 1893, est créé le Palais de Glace, aux Champs‑Élysées, à l’emplacement du panorama de Poilpot, dans une salle circulaire de 40 m de diamètre et haute de 14 m, dont la piste de 850 m² est recouverte d’une couche de glace de 8 à 10 cm72. En 1897, Paul Bernard est nommé directeur de ce skating-rink extra-sélect, après avoir assuré pendant près de vingt ans la direction de plusieurs établissements de loisirs, l’Eldorado, l’Eden Théâtre, les Montagnes Russes et le Moulin Rouge73. Durant l’été la salle fonctionne comme salle de spectacles ou manège vélocipédique. Le lieu est recommandé par les guides aux voyageurs désireux de rencontrer de jolies femmes. Parallèlement, on continue à patiner sur la glace naturelle.

À partir de 1893, la Ville de Paris accorde une concession sur le lac supérieur du bois de Boulogne pour l’aménagement d’une enceinte de patinage, dont une partie des recettes lui revient. Des traîneaux – de style russe – sont mis à la disposition du public, constituant une source de revenus pour la Ville74. Parisiens et étrangers affluent ici. Parmi les noms cités par Le Figaro du 19 janvier 1914, figurent le prince de Kapurthala et Porfirio Diaz, président du Mexique en exil à Paris. Selon le Journal des Débats, durant la Grande Guerre, certains poilus patinent durant leur temps libre : « Il aurait suffi d’un coup d’œil à ces censeurs austères pour remarquer, parmi la jeunesse qui patine à Boulogne, à Saint-Cloud, à Versailles, un très grand nombre de poilus français, anglais, canadiens, australiens […]. Que ces permissionnaires occupent les courts loisirs de leurs vacances à la pratique d’un sport plus agréable que ceux dont ils ont l’habitude, on ne pense pas que personne [ne] puisse leur faire un reproche75 ».

Ainsi, les skating-rinks deviennent un complément des bals et des parcs d’attraction. Le bal Bullier (carrefour de l’Observatoire), mais aussi Mabille (91, avenue Montaigne), le Casino (16, rue Cadet), ou encore les Folies Bergère et le Luna Park se dotent de skating-rinks. L’association salle de bal-salle de patinage perdure à l’Élysée-Montmartre, 72, bd Rochechouart, entre 1908 et 1916.

Vers 1910, apparaissent de nouveaux établissements destinés au patinage à roulettes, dont on retrouve souvent les publicités dans les guides. L’Hippodrome Skating-rink, situé à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue Caulaincourt et inauguré le 1er octobre 1909, est conçu par les architectes Cambon, Galeron et Duray. Selon C.P. Crawford et F.A. Wilkins qui dirigent le lieu, c’est l’endroit « où les touristes et voyageurs de toutes les parties du monde civilisé affluent et jettent à pleines mains leur or aux brillants papillons des Boulevards76 ». Crawford et Wilkins gèrent aussi l’American Skating-rink (39-41, rue Saint-Didier, place Victor-Hugo) dont l’inauguration en janvier 1910 est un grand événement parisien, où se retrouvent les grandes mondaines, les représentantes des colonies étrangères et les artistes en vogue77. L’histoire des « skating-rinks » dévoile donc l’implication d’hommes d’affaires étrangers, qui participent aussi au développement d’autres industries. Les sources étudiées sont convergentes sur la fréquentation de ces espaces par l’élite voyageuse.

Les skating-rinks, parfois construits à l’emplacement d’anciens hippodromes, parcs d’attractions ou panoramas, n’en cèdent pas moins la place, au fil du temps, à d’autres lieux de spectacles. Le Skating-Rink de la Chaussée-d’Antin devient le Palace-Théâtre en 1880, puis le Casino de Paris, en 1891 lorsque la salle subit des transformations dues à l’architecte Édouard Niermans. Mistinguett, Maurice Chevalier et Joséphine Baker se produisent ici comme tant d’autres célébrités. L’Hippodrome Skating-Rink devient dès 1911 le Gaumont-Palace, célèbre cinéma. Plus récemment, en 1980, le Palais de Glace devient le Théâtre du Rond-Point.

En définitive, les skating-rinks sont des constructions hardies dont l’architecture participe à la métamorphose de la ville. Ce sont des lieux de rencontre qui transforment la sociabilité mondaine et qui animent les quartiers où ils sont implantés, très appréciés par la société parisienne et par les étrangers de passage. Ils constituent une expression du triomphe du temps libre destiné à des nouvelles distractions frivoles. Les hommes d’affaires qui contribuent à la construction des skating-rinks prennent vite conscience d’un phénomène qu’Antoine Le Bas a aussi pointé pour les piscines, à savoir que la commercialisation des loisirs sportifs est, malgré les risques de faillite, une activité profitable : leur rentabilité est rapide, les investissements modiques (ce sont le plus souvent des architectures éphémères) et il s’agit d’une activité où « le sport-spectacle attire une foule de spectateurs-clients78 ».

User de son temps libre et varier les plaisirs

Ainsi se remplit le temps libre de l’élite voyageuse qui séjourne à Paris. Outre la visite des monuments, des expositions et des établissements scientifiques, la sortie au spectacle au théâtre et à l’Opéra, la fréquentation des courses à l’hippodrome et les réceptions de la vie mondaine, l’attraction des lieux de loisirs permet désormais de disposer de ce temps autrement, parfois incognito pour les personnalités connues, afin d’échapper aux obligations protocolaires. Le Jardin d’Acclimatation, le Cirque, les skating-rinks, ainsi que les cafés chantants79, les bals et les cabarets80 pour les plus aventureux, deviennent alors des terrains d’exploration de la vie parisienne.

Mais ce temps libre est aussi de plus en plus consacré à la consommation81. Au cours de leurs séjours parisiens, les personnalités étrangères fréquentent les commerces parisiens de luxe situés autour de la rue de la Paix (couturiers, fourreurs, bottiers, bijoutiers, etc.)82 et les grands magasins83. Le shopping, pratique qui se répand en lien avec l’essor de la promenade urbaine à la fin du XVIIIe siècle84, est continument pratiqué chez les femmes de l’élite voyageuse aux siècles suivants, comme en témoigne la surveillance des grandes‑duchesses qui se succèdent au trône du Luxembourg85, lors de leurs passages à Paris entre 1900 et 1937.

Les guides de voyage, qu’il s’agisse de grandes collections (à travers leurs pages publicitaires) ou de guides spécifiques tels les guides des plaisirs ou ceux édités par les hôtels, vantent à leur tour les lieux à usage du temps libre, destinés aux distractions et à la consommation. Ils contribuent ainsi à organiser ces temps sociaux de la déambulation et de la flânerie86. Les classes moyennes87 et la féminisation du voyage sont, en outre, rendues responsables du raccourcissement du voyage « culturel » au profit de ce « shopping » conçu comme un usage gratuit – se laisser éblouir – et marchand – acheter – du temps libre. Lorsque le personnage de Blanchard Jerrold, Timothy Cockayne, Anglais ayant fait fortune avec la fabrication de savon, propose à sa famille tout un programme culturel, sa femme et ses filles s’y opposent :

Vous, M. Cockayne, allez avec votre guide Murray, voir toutes les antiquités, vos Raphaël et vos Rubens, et amusez-vous au milieu des toiles d’araignées de l’Hôtel Cluny ; […] pendant que vous vous frotterez le nez contre les marbres du Louvre, nous irons voir les magasins88.

Elles sont moquées car elles préfèrent utiliser leur temps libre pour admirer les magasins des Grands Boulevards et de la rue de la Paix et découvrir les « grandes occasions » des Grands Magasins du Louvre, dont les galeries les éblouissent.

les Grands magasins

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Ill. 6. Les Grands Magasins du Louvre, Souvenir des Fêtes de la Victoire, carte postale 1926, collection privée.

L’introduction de la publicité commerciale, de conseils d’achat et d’un choix de professionnels rapproche d’ailleurs les guides de voyages des guides des acheteurs, deux genres qui finissent par se confondre. Venir à Paris pour y faire des achats fait désormais partie du passe-temps des touristes. En fournissant les adresses de maisons recommandées, les guides transforment Paris en capitale des industries du luxe. Certains guides gratuits sont financés par les maisons qui se font leur publicité, pour intégrer les circuits touristiques. Les adresses publiées dessinent un réseau commercial dans la ville, destiné au touriste étranger. Dans un tel cadre, les grands magasins publient des guides où la découverte de la ville se résume à une visite éclair des jardins et de quelques musées, préservant du temps pour le shopping. On y prodigue des conseils d’achat et l’on vante l’existence dans ces magasins d’interprètes à la disposition de la clientèle étrangère89. Ainsi, dès le début du XXe siècle les femmes, notamment les Américaines, viennent à Paris pour faire du shopping. Ce nouvel usage du temps libre prend le dessus sur le tourisme culturel. Cette tendance est visible dans certains guides, comme le Paris is a Woman’s Town édité en 1929, qui donne, outre les adresses de différents commerces, des conseils d’achat, insistant sur les produits vendus moins chers qu’en Amérique. Toutes les femmes rêvent, y explique-t-on, de se faire habiller par les couturiers parisiens, très sollicités. Il est donc conseillé de faire appel à une acheteuse professionnelle, « professional shopper », qui possède des entrées partout et que l’on peut dénicher par l’intermédiaire de sa banque, des bureaux de tourisme ou des compagnies de navigation90. Celle-ci peut être de diverses nationalités, chacune ayant ses propres avantages. À ce titre, la Française est réputée savoir négocier les prix et connaître des adresses peu chères.

Conclusion

En somme, l’élite voyageuse contribue aux transferts culturels et à la circulation des modèles de divertissement, notamment pour ce qui concerne les loisirs et leur décorum, ainsi que les nouveaux usages du temps libre. Aux visites culturelles et aux sorties au théâtre, elle finit par préférer les distractions préconisées par les guides, plus légères, actives et organisées, qui l’occupent sans laisser de temps à l’ennui, d’où le succès des skating-rinks et du shopping. La barrière de la langue y est inexistante et ces activités nécessitent peu d’effort intellectuel pour en jouir. Ainsi, partant d’une question apparemment marginale par rapport à l’histoire urbaine, à partir de l’observation d’activités d’entrepreneurs qui inventent le temps libre et les espaces où celui-ci peut être consommé, à partir aussi de l’analyse des usages diversifiés de ce temps de l’élite voyageuse à partir des années 1870, il a été possible de montrer comment l’espace de la ville se transforme grâce à tous ces acteurs qui organisent le temps libre ou en disposent. Le rayonnement de la capitale française apparaît alors fortement influencé par les initiatives privées qui façonnent la ville afin que celle-ci corresponde, entre autres, aux fantasmes des étrangers et à leurs désirs de rapporter des souvenirs inoubliables de Paris.

Plus largement, le panorama de ce qui a rendu possibles les distractions pour les étrangers de passage permet à cette histoire urbaine de prendre sa place au sein d’une histoire sociale au croisement de l’histoire de l’architecture liée à l’histoire de l’art, de l’histoire du tourisme et de l’histoire culturelle. L’optique retenue pour aborder la question du temps libre à partir des usages inventés par des entrepreneurs ingénieux pour l’élite voyageuse qui vient à Paris, par-delà d’autres découpes et organisations de ce même temps, dans les guides de voyages et le tourisme par exemple, s’avère féconde pour montrer comment ce temps libre participe à la fabrication puis à la transformation de l’espace urbain.

L’attention portée à cette élite voyageuse composite ne doit cependant pas faire oublier que le tourisme se développe en même temps que l’usage du temps libre se démocratise dans les premières décennies du XXe siècle. L’essor de telles activités fait vivre de nombreuses industries et intéresse désormais les pouvoirs publics. Il n’en demeure pas moins que les classes aisées qui goûtent le voyage jouent leur rôle dans cette partition. En effet, il n’est pas neutre de noter que la disparition de la clientèle étrangère aisée fait baisser de 30 % en volume et de 60 % en valeur le chiffre d’affaires des commerces de luxe, au moment de la crise économique des années 193091.

1 Voir notre thèse : Joanne Vajda, Paris : rendez-vous cosmopolite : Du voyage élitaire à l’industrie touristique. 1855-1937, 804 p. – 208 pl. Nous

2 Joanne Vajda, « Fêtes et distractions mondaines de la société cosmopolite parisienne. 1880-1930 », Paris et Île-de-France, Mémoires, t. 59

3 Voir Michel Vernes, Divagations, Paris, Hyx, 2000, 207 p.

4 « Éditorial », Histoire urbaine, 2000/1 (n° 1), p. 5-6.

5 Philippe Duhamel, Rémy Knafou (dir.), Mondes urbains du tourisme, Paris, Belin, 2007.

6 Stéphane Nahrath, Mathis Stock, « Urbanité et tourisme : une relation à repenser », Espaces et sociétés, 2012/3 (n° 151), p. 7-14.

7 Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon (dir.), Au théâtre ! La sortie au spectacle XIXe-XXIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, « Histoire

8 Pascale Goetschel, « Présentation. Le spectaculaire contemporain », Sociétés & Représentations, n° 31, 2011/1, p. 9-15.

9 Dominique Leroy, L’Économie des arts du spectacle vivant, Paris, L’Harmattan, 1980 et Histoire des arts du spectacle en France, Paris, L’Harmattan

10 Léonor Delaunay, Martial Poirson, « Les commerces du théâtre », Revue d’Histoire du Théâtre, n° 276 [en ligne], mis à jour le 01/10/2017, URL : 

11 Antoine Le Bas, « Ce que Paris doit au sport. Essai de topographie parisienne des équipements », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 23-45.

12 Avant que le terme « patinoire » soit utilisé en français, il était donné en anglais.

13 Julien Sorez, « Le sport, l’histoire et la ville. La fin d’un espace scientifique segmenté ? », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 5-21.

14 Matthew Taylor, Sylvain Ville, « Un marché pugilistique franco-anglais. Histoire transnationale de l’organisation des spectacles de boxe à Londres

15 Laurent Turcot, Sports et Loisirs. Une histoire des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 2016.

16 L’auteur tient à remercier la famille de Roxane Debuisson et en particulier Florence Quignard-Debuisson pour l’avoir autorisée à reproduire des

17 Pour les guides comme source, voir Gilles Chabaud, Évelyne Cohen, Natacha Coquery, Jérôme Penez (textes réunis par), Les Guides imprimés du XVIe au

18 Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam et Vanessa Schwartz, « Le XIXe siècle au

19 Antoine Gailliot, Rahul Markovits, Robin Nadeau, Julie Verlaine, « (Re)Faire l’histoire de la sociabilité urbaine. Pratiques, espaces et discours »

20 Richard Harding Davis, About Paris, New York, Harper & Brothers, 1895, p. 185.

21 Joanne Vajda, « Les Pereire et Nagelmackers, promoteurs du transport ferroviaire et du réseau hôtelier parisien. 1855-1900 », Revue d’histoire des

22 Archives de la préfecture de Police (désormais abrégé A.P.P.) BA 2204 – Rapport du 2 février 1913.

23 Archives de Paris (désormais abrégé A.P.) 1049W-92. Faillite 1393. 4 juillet 1933.

24 L’Almanach de l’étranger à Paris. Guide pratique pour 1867, Paris, Amyot, 1867, p. 14.

25 Voir sa biographie par Ferran Canyameres, L’Homme de la Belle Époque, Paris, Les Ed. Universelles, 1946. Oller (1839-1922) d’origine espagnole, a

26 Voir Paul Yonnet, Jeux, modes et masses, Réseaux, volume 4, n° 19, 1986. Communication de masse. p. 47-60, Paris, Bibliothèque des Sciences

27 Cf. Sylvie Hamel, L’Espace des loisirs : les établissements balnéaires à Paris-Île-de-France de 1850-1950, économie des loisirs, innovations

28 Cf. Paul Jarry, « Paris qui se transforme. Du Couvent des Capucins au Temple du Rire », Revue mensuelle de la Chambre syndicale des entrepreneurs

29 Il s’agit d’une œuvre du peintre Castellani, abrité dans un bâtiment dont la façade, le vestibule et l’escalier sont dus à Charles Garnier

30 Cf. Sylvie Hamel, op. cit., p. 119-130 et Christian Dupavillon, Architectures du cirque des origines à nos jours, Paris, Ed. Le Moniteur, 1982, p. 

31 Cf. F. Canyameres, op. cit., p. 64.

32 Cf. BHVP. Actualités – Série 106. Skating-rinks. Coupure sans titre, date manuscrite 30 avril 1893.

33 A.P. - VO11-490. Bd des Capucines. Lettre du 10 mars 1888.

34 A.P. D1P4-185. Bd des Capucines.

35 Cf. Ferran Canyameres, op. cit., p. 68.

36 A.P. D1P4-185. Bd des Capucines.

37 Zidler est associé à d’autres divertissements créés par Oller, dont le Jardin de Paris.

38 A.P. D1P4-211. L’emplacement est concédé à Zidler et Cie, à partir du 4 mars 1890, pour six ans. Zidler le cède à Oller à compter du 1er novembre

39 Berkeley F. Smith, How Paris Amuses itself, New York / Londres, Funk & Wagnalls, 1903, p. 34.

40 Pasteur Vallery-Radot, Mémoires d’un non-conformiste, Paris, Grasset, 1966, p. 89.

41 A.P. D1P4-211.

42 E. Gautier, Le Cicérone, Guide-Agenda 1877. Recueil général de renseignements pratiques & indispensables concernant Paris, Versailles et leurs env

43 Antoine Le Bas, « Ce que Paris doit au sport. Essai de topographie parisienne des équipements », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 23-45.

44 Joanne Vajda, Paris Ville Lumière. Une transformation urbaine et sociale. 1855-1937, Paris, L’Harmattan, 2015.

45 Le terme est repris de l’anglais où « rink » désigne une patinoire, à la différence du « ring » qui est une enceinte où se déroule une activité

46 Conclusions pour la Compagnie Paris Skating-Rink (limited) demanderesse Delacourtie contre Fredercik-Adolphus Spiller défendeur Caillet, Tribunal

47 Charles R. Goodwin est un riche Américain arrivé en France en 1862. Cf. A.P. VD6-1775. Sa fabrique de machines à coudre se trouve en 1868, 6, rue

48 A.P.P. – DA 129. Skating-rink des Champs‑Élysées. Lettre de G. Craufurd du 11 janvier 1876.

49 Harding introduit à Paris de petites locomotives à vapeur produites par la firme anglaise Merryweather. Ces locomotives roulent sur la ligne

50 A.P.P. – DA 129. Skating-rink place d’Eylau.

51 Ibid. Rapport du 15 mai 1876.

52 Ibid.

53 A.P.P. – DA 130. Skating-rink, Faubourg Saint-Honoré. Rapport du 3 décembre 1877 et pétition, s.d.

54 L’Illustration, no1765, 23 décembre 1876, p. 406 et A. Dupuis, « Le nouveau Skating-Rink de la rue Blanche », La Semaine des Constructeurs, no36

55 A.P. – D11U3-859. Faillite 3396. 20 février 1877. Bilan du 16 mars 1877.

56 A.P.P. – DA 130. Skating Palais. Rapport du 23 avril 1876.

57 A.P. – D11U3-877. Faillite 4027. 12 juillet 1877 et A.P.P. – DA 130. Skating Palais. Rapports du 2 août 1877 et du 4 février 1878.

58 A.P.P. – DA 130. Skating Palais.

59 Ibid. Rapport du 6 juillet 1876 et lettre du baron Baillot du 10 juillet 1876.

60 BHVP. Actualités – Série 106. Publicité Skating Palais reprise par R. de Morales, « Skating Palais », Gazette des Touristes, no7, 24 février 1878.

61 Cf. BHVP. Actualités – Série 106. Publicité Skating Palais reprise par R. de Morales, « Skating Palais », Gazette des Touristes, no 7, 24 février

62 A.P. – D11U3-877. Faillite 4027. Inventaire du 13 juillet 1877.

63 A.P. – D11U3-859. Faillite 3396. Bilan du 16 mars 1877.

64 Publicité, s. d. [avril 1879 ?]. BHVP – Série Actualités 106.

65 L’Illustration, no 1740, 1er juillet 1876, p. 10-11.

66 L’Illustration, no 1718, 29 janvier 1876, p. 70.

67 Bertall, « La skatinomanie. Les patins et les skating-rinks », L’Illustration, 1er juillet 1876, p. 10.

68 Henry Mouhot, La Rinkomanie, Paris, Amyot, s.d. [2e éd. 1876], p. 13.

69 Jules Roques, « Le public du Palais de Glace », Le Patinage, no 47, 22 novembre 1896.

70 BHVP – Série Actualités 106.

71 Le Petit Journal, 2 décembre 1899 et Affiches parisiennes, 20 mars 1899.

72 A.P. D1P4-211. Le 1er juillet 1893, la Société du Panorama National le Vengeur cède son bail à la Société Anonyme du Palais de Glace des

73 Notice sur Paul Bernard, BHVP – Série Actualités 106 et Le Patinage, no 47, 22 novembre 1896.

74 Le Temps, 29 décembre 1892 ; L’Éclair, 5 janvier 1893 ; Le Petit Journal, 30 décembre 1899.

75 « Croquis de Paris. Pétition pour les citadins qu’on empêche de patiner », Journal des Débats, 3 janvier 1918.

76 Lettre, s.d. signée Crawford et Wilkins. BHVP – Série Actualités 106.

77 « L’inauguration du Rink Victor Hugo. Une grande soirée parisienne », L’Éclair, 15 janvier 1910.

78 Voir Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir », Histoire urbaine, n° 1, 2000/1, p. 145-162

79 J.W. Redhouse, The Diary of H.M. the Shah of Persia, during his tour through Europe in A.D. 1873. A verbatim translation, Londres, J. Murray, 1874.

80 A.P.P. BA-2152. Séjour de Kung, ministre chinois des Finances, à l’hôtel George V du 1er au 6 juin 1937.

81 Voir Jean-Claude Daumas, La Révolution matérielle. Une histoire de la consommation. France XIXe-XXIe siècle, Paris, Flammarion, 2018.

82 A.P.P. BA-2204. Rapports sur la princesse Georges Valentin Bibesco, née Marthe Lahovary, et son époux qui séjournent à l’hôtel Meurice du 31

83 Archives Nationales (désormais abrégé A.N.) F7 – 12823. Voyage du prince Frédéric Eitel de Prusse, fils de l’empereur d’Allemagne du 10 au 11

84 Natacha Coquery, « Promenade et shopping : la visibilité nouvelle de l’échange économique dans le Paris du XVIIIe siècle », dans Christophe Loir et

85 A.P.P. BA-2204. Noblesse étrangère.

86 Cf. Gregory Shaya, « The Flâneur, the Badaud, and the Making of a Mass Public in France, circa 1860–1910 »American Historical Review vol. 109

87 Pour la définition de cette notion, voir Christophe Charle « Discours pluriel et histoire singulière (1870-2000) », Revue d’histoire moderne & con

88 Blanchard Jerrold, The Cockaynes in Parisor « Gone abroad », Londres, John Camden Hotten, [1871],p. 46. « You, Mr. Cockayne, go, with your Murray’s

89 1900. L’Exposition et Paris. Guide illustré du Bon Marché, Paris, Brodard, 1900, p. 172-173.

90 Helen Josephy, Mary Margaret McBride, Paris is a Woman’s Town, New York, Coward-McCann, Inc., 1929, p. 5 et passim.

91 Conseil national économique, « Le Tourisme, le thermalisme et le climatisme. Conclusions adoptées par le Conseil national économique dans sa

Notes

1 Voir notre thèse : Joanne Vajda, Paris : rendez-vous cosmopolite : Du voyage élitaire à l’industrie touristique. 1855-1937, 804 p. – 208 pl. Nous utilisons cette notion pour distinguer l’apport d’une certaine catégorie d’étrangers dans la transformation urbaine de Paris. La diversité de ses caractéristiques sociologiques ne permet pas de classer l’élite voyageuse parmi les catégories sociales. L’expression vise à la distinguer de la classe de loisir définie par Veblen, dont les membres sont aisés. Voir Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, 1978 [1re éd. américaine, 1899]. Voir aussi Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs. 1850-1960, Paris, Aubier, 1995. Alain Corbin et Roy Porter désignent une classe de loisir internationale qui se structure à la fin du XIXe siècle, classe qui, comme l’a déjà observé Veblen, voit dans l’argent la marque de la réussite et du mérite et valorise les distractions, comme moyen de s’attirer le respect des autres.

2 Joanne Vajda, « Fêtes et distractions mondaines de la société cosmopolite parisienne. 1880-1930 », Paris et Île-de-France, Mémoires, t. 59, septembre 2008, p. 129-146.

3 Voir Michel Vernes, Divagations, Paris, Hyx, 2000, 207 p.

4 « Éditorial », Histoire urbaine, 2000/1 (n° 1), p. 5-6.

5 Philippe Duhamel, Rémy Knafou (dir.), Mondes urbains du tourisme, Paris, Belin, 2007.

6 Stéphane Nahrath, Mathis Stock, « Urbanité et tourisme : une relation à repenser », Espaces et sociétés, 2012/3 (n° 151), p. 7-14.

7 Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon (dir.), Au théâtre ! La sortie au spectacle XIXe-XXIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, « Histoire contemporaine », 2014, qui fait suite à Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon (dir.), Directeurs de théâtre, XIXe-XXe siècles. Histoire d’une profession, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles », 2008 ; Mélanie Traversier, Christophe Loir, « Pour une perspective diachronique des enjeux urbanistiques et policiers de la circulation autour des théâtres », Histoire urbaine, n° 38, 2013/3, p. 5-18.

8 Pascale Goetschel, « Présentation. Le spectaculaire contemporain », Sociétés & Représentations, n° 31, 2011/1, p. 9-15.

9 Dominique Leroy, L’Économie des arts du spectacle vivant, Paris, L’Harmattan, 1980 et Histoire des arts du spectacle en France, Paris, L’Harmattan, 1990.

10 Léonor Delaunay, Martial Poirson, « Les commerces du théâtre », Revue d’Histoire du Théâtre, n° 276 [en ligne], mis à jour le 01/10/2017, URL : https://sht.asso.fr/introduction-3/. Voir les articles de Dominique Leroy et de Manuel Charpy.

11 Antoine Le Bas, « Ce que Paris doit au sport. Essai de topographie parisienne des équipements », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 23-45.

12 Avant que le terme « patinoire » soit utilisé en français, il était donné en anglais.

13 Julien Sorez, « Le sport, l’histoire et la ville. La fin d’un espace scientifique segmenté ? », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 5-21.

14 Matthew Taylor, Sylvain Ville, « Un marché pugilistique franco-anglais. Histoire transnationale de l’organisation des spectacles de boxe à Londres et à Paris (1880-1920) », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 47‑66.

15 Laurent Turcot, Sports et Loisirs. Une histoire des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 2016.

16 L’auteur tient à remercier la famille de Roxane Debuisson et en particulier Florence Quignard-Debuisson pour l’avoir autorisée à reproduire des documents provenant de la collection Debuisson.

17 Pour les guides comme source, voir Gilles Chabaud, Évelyne Cohen, Natacha Coquery, Jérôme Penez (textes réunis par), Les Guides imprimés du XVIe au XXe siècle. Villes, paysages, voyages, Colloque 1999, Université Paris VII, Paris, Belin, 2000, 703 p. ainsi que Évelyne Cohen, Bernard Toulier et Joanne Vajda (dir.) « Le patrimoine des guides : lectures de l’espace urbain européen », In Situ. Revue des patrimoines, n° 15, 2011, https://journals.openedition.org/insitu/111 .

18 Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam et Vanessa Schwartz, « Le XIXe siècle au prisme des visual studies », Revue d’histoire du XIXe siècle [En ligne], 49,mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rh19/4754

19 Antoine Gailliot, Rahul Markovits, Robin Nadeau, Julie Verlaine, « (Re)Faire l’histoire de la sociabilité urbaine. Pratiques, espaces et discours », Hypothèses, 12, 2009/1, p. 239-250.

20 Richard Harding Davis, About Paris, New York, Harper & Brothers, 1895, p. 185.

21 Joanne Vajda, « Les Pereire et Nagelmackers, promoteurs du transport ferroviaire et du réseau hôtelier parisien. 1855-1900 », Revue d’histoire des chemins de fer, dossier « La gare et la ville. Usages et représentations », n° 38, printemps 2008, p. 27-44.

22 Archives de la préfecture de Police (désormais abrégé A.P.P.) BA 2204 – Rapport du 2 février 1913.

23 Archives de Paris (désormais abrégé A.P.) 1049W-92. Faillite 1393. 4 juillet 1933.

24 L’Almanach de l’étranger à Paris. Guide pratique pour 1867, Paris, Amyot, 1867, p. 14.

25 Voir sa biographie par Ferran Canyameres, L’Homme de la Belle Époque, Paris, Les Ed. Universelles, 1946. Oller (1839-1922) d’origine espagnole, a toujours refusé la naturalisation française.

26 Voir Paul Yonnet, Jeux, modes et masses, Réseaux, volume 4, n° 19, 1986. Communication de masse. p. 47-60, Paris, Bibliothèque des Sciences Humaines, NRF, Éditions Gallimard, sur le tiercé comme « acte essentiel du passage à la modernité de la société française » et le rapport avec le processus d’américanisation de celle-ci.

27 Cf. Sylvie Hamel, L’Espace des loisirs : les établissements balnéaires à Paris-Île-de-France de 1850-1950, économie des loisirs, innovations techniques et reconversions, Mémoire de DEA, Histoire des techniques CDHT 2002, sous la dir. de Liliane Hilaire-Perez, CNAM, 2002, p. 118. L’auteur cite un article paru dans Le Génie Civil, 6 mars 1886.

28 Cf. Paul Jarry, « Paris qui se transforme. Du Couvent des Capucins au Temple du Rire », Revue mensuelle de la Chambre syndicale des entrepreneurs de maçonnerie, ciment et béton armé, janvier 1931, t. XX, p. 1-11.

29 Il s’agit d’une œuvre du peintre Castellani, abrité dans un bâtiment dont la façade, le vestibule et l’escalier sont dus à Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris.

30 Cf. Sylvie Hamel, op. cit., p. 119-130 et Christian Dupavillon, Architectures du cirque des origines à nos jours, Paris, Ed. Le Moniteur, 1982, p. 99-103. Cf. Paul Jarry, op. cit., p. 90, l’architecte Sauffroy participe aussi à la réalisation. La Semaine des Constructeurs, n° 46, 26 mai 1877, p. 548-549.

31 Cf. F. Canyameres, op. cit., p. 64.

32 Cf. BHVP. Actualités – Série 106. Skating-rinks. Coupure sans titre, date manuscrite 30 avril 1893.

33 A.P. - VO11-490. Bd des Capucines. Lettre du 10 mars 1888.

34 A.P. D1P4-185. Bd des Capucines.

35 Cf. Ferran Canyameres, op. cit., p. 68.

36 A.P. D1P4-185. Bd des Capucines.

37 Zidler est associé à d’autres divertissements créés par Oller, dont le Jardin de Paris.

38 A.P. D1P4-211. L’emplacement est concédé à Zidler et Cie, à partir du 4 mars 1890, pour six ans. Zidler le cède à Oller à compter du 1er novembre 1892. Un bail est fait entre la Ville de Paris et Oller à partir du 24 juillet 1894.

39 Berkeley F. Smith, How Paris Amuses itself, New York / Londres, Funk & Wagnalls, 1903, p. 34.

40 Pasteur Vallery-Radot, Mémoires d’un non-conformiste, Paris, Grasset, 1966, p. 89.

41 A.P. D1P4-211.

42 E. Gautier, Le Cicérone, Guide-Agenda 1877. Recueil général de renseignements pratiques & indispensables concernant Paris, Versailles et leurs environs, Paris, Robert et Buhl impr., 1877, p. 239-241.

43 Antoine Le Bas, « Ce que Paris doit au sport. Essai de topographie parisienne des équipements », Histoire urbaine, n° 57, 2020/1, p. 23-45.

44 Joanne Vajda, Paris Ville Lumière. Une transformation urbaine et sociale. 1855-1937, Paris, L’Harmattan, 2015.

45 Le terme est repris de l’anglais où « rink » désigne une patinoire, à la différence du « ring » qui est une enceinte où se déroule une activité sportive. Le mot « patinoire » apparaît en français en 1897.

46 Conclusions pour la Compagnie Paris Skating-Rink (limited) demanderesse Delacourtie contre Fredercik-Adolphus Spiller défendeur Caillet, Tribunal Civil de la Seine, 3e Chambre, [Factum], Paris, A. Hennuyer, [1880], p. 1-2. Son modèle a déjà été breveté aux États-Unis en 1863 et en Angleterre en 1865.

47 Charles R. Goodwin est un riche Américain arrivé en France en 1862. Cf. A.P. VD6-1775. Sa fabrique de machines à coudre se trouve en 1868, 6, rue du Faubourg-Montmartre et 87, bd Sébastopol, cf. Facture Coll. Debuisson. Il est fournisseur de l’impératrice des Français et de la reine d’Espagne.

48 A.P.P. – DA 129. Skating-rink des Champs‑Élysées. Lettre de G. Craufurd du 11 janvier 1876.

49 Harding introduit à Paris de petites locomotives à vapeur produites par la firme anglaise Merryweather. Ces locomotives roulent sur la ligne Montparnasse-place Valhubert (1876-1878).

50 A.P.P. – DA 129. Skating-rink place d’Eylau.

51 Ibid. Rapport du 15 mai 1876.

52 Ibid.

53 A.P.P. – DA 130. Skating-rink, Faubourg Saint-Honoré. Rapport du 3 décembre 1877 et pétition, s.d.

54 L’Illustration, no1765, 23 décembre 1876, p. 406 et A. Dupuis, « Le nouveau Skating-Rink de la rue Blanche », La Semaine des Constructeurs, no36, 17 mars 1877, p. 425-427.

55 A.P. – D11U3-859. Faillite 3396. 20 février 1877. Bilan du 16 mars 1877.

56 A.P.P. – DA 130. Skating Palais. Rapport du 23 avril 1876.

57 A.P. – D11U3-877. Faillite 4027. 12 juillet 1877 et A.P.P. – DA 130. Skating Palais. Rapports du 2 août 1877 et du 4 février 1878.

58 A.P.P. – DA 130. Skating Palais.

59 Ibid. Rapport du 6 juillet 1876 et lettre du baron Baillot du 10 juillet 1876.

60 BHVP. Actualités – Série 106. Publicité Skating Palais reprise par R. de Morales, « Skating Palais », Gazette des Touristes, no7, 24 février 1878. P.L., « Le Skating-Rink de l’avenue du Bois-de-Boulogne », L’Illustration, no 1828, 9 mars 1878, p. 160.

61 Cf. BHVP. Actualités – Série 106. Publicité Skating Palais reprise par R. de Morales, « Skating Palais », Gazette des Touristes, no 7, 24 février 1878.

62 A.P. – D11U3-877. Faillite 4027. Inventaire du 13 juillet 1877.

63 A.P. – D11U3-859. Faillite 3396. Bilan du 16 mars 1877.

64 Publicité, s. d. [avril 1879 ?]. BHVP – Série Actualités 106.

65 L’Illustration, no 1740, 1er juillet 1876, p. 10-11.

66 L’Illustration, no 1718, 29 janvier 1876, p. 70.

67 Bertall, « La skatinomanie. Les patins et les skating-rinks », L’Illustration, 1er juillet 1876, p. 10.

68 Henry Mouhot, La Rinkomanie, Paris, Amyot, s.d. [2e éd. 1876], p. 13.

69 Jules Roques, « Le public du Palais de Glace », Le Patinage, no 47, 22 novembre 1896.

70 BHVP – Série Actualités 106.

71 Le Petit Journal, 2 décembre 1899 et Affiches parisiennes, 20 mars 1899.

72 A.P. D1P4-211. Le 1er juillet 1893, la Société du Panorama National le Vengeur cède son bail à la Société Anonyme du Palais de Glace des Champs-Élysées à compter du 10 novembre 1893.

73 Notice sur Paul Bernard, BHVP – Série Actualités 106 et Le Patinage, no 47, 22 novembre 1896.

74 Le Temps, 29 décembre 1892 ; L’Éclair, 5 janvier 1893 ; Le Petit Journal, 30 décembre 1899.

75 « Croquis de Paris. Pétition pour les citadins qu’on empêche de patiner », Journal des Débats, 3 janvier 1918.

76 Lettre, s.d. signée Crawford et Wilkins. BHVP – Série Actualités 106.

77 « L’inauguration du Rink Victor Hugo. Une grande soirée parisienne », L’Éclair, 15 janvier 1910.

78 Voir Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir », Histoire urbaine, n° 1, 2000/1, p. 145-162, qui souligne le fait que les années 1880 voient apparaître de nouvelles pratiques sportives en lien avec le commerce des loisirs, qui rencontrent du succès étant soutenues par le monde des affaires. Voir dans ce même dossier l’article de Lucie Nicolas consacré aux piscines : « Longueurs à la piscine. Temps aménagés et temps vacants dans les bassins parisiens ».

79 J.W. Redhouse, The Diary of H.M. the Shah of Persia, during his tour through Europe in A.D. 1873. A verbatim translation, Londres, J. Murray, 1874.

80 A.P.P. BA-2152. Séjour de Kung, ministre chinois des Finances, à l’hôtel George V du 1er au 6 juin 1937.

81 Voir Jean-Claude Daumas, La Révolution matérielle. Une histoire de la consommation. France XIXe-XXIe siècle, Paris, Flammarion, 2018.

82 A.P.P. BA-2204. Rapports sur la princesse Georges Valentin Bibesco, née Marthe Lahovary, et son époux qui séjournent à l’hôtel Meurice du 31 janvier au 17 mars 1915.

83 Archives Nationales (désormais abrégé A.N.) F7 – 12823. Voyage du prince Frédéric Eitel de Prusse, fils de l’empereur d’Allemagne du 10 au 11 février 1908.

84 Natacha Coquery, « Promenade et shopping : la visibilité nouvelle de l’échange économique dans le Paris du XVIIIe siècle », dans Christophe Loir et Laurent Turcot, La Promenade au tournant des XVIIIe et XIXe siècles (Belgique-France-Angleterre), Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, collection des Études sur le XVIIIe siècle, 2011, p. 61-75 ; id., « Faire face à l’adversité : biens de luxe contre denrées de nécessité sous la Terreur, ou les atouts du luxe en temps de crise », dans Serge Aberdam, Anne Conchon et Virginie Martin (dir.), Les Dynamiques économiques de la Révolution française, Paris, Éditions IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, collection « Animation de la Recherche », 2021, p. 257-274.

85 A.P.P. BA-2204. Noblesse étrangère.

86 Cf. Gregory Shaya, « The Flâneur, the Badaud, and the Making of a Mass Public in France, circa 1860–1910 »American Historical Review vol. 109, no1, février 2004, p. 41-77. Pour une analyse plus générale, on se reportera aux travaux de Vanessa Schwartz, Spectacular Realities: Early Mass Culture in FindeSiècle Paris, Berkeley, University of California Press, 1998.

87 Pour la définition de cette notion, voir Christophe Charle « Discours pluriel et histoire singulière (1870-2000) », Revue d’histoire moderne & contemporaine, n° 50-4, 2003/4, p. 108-134.

88 Blanchard Jerrold, The Cockaynes in Paris or « Gone abroad », Londres, John Camden Hotten, [1871], p. 46. « You, Mr. Cockayne, go, with your Murray’s handbook, see all the antiquities, your Raphaels and Rubens, and amuse yourself among the cobwebs of the Hôtel Cluny; we are not so clever – we poor women; and while you’re rubbing your nose against the marbles in the Louvre, we’ll go and see the shops. » [notre traduction].

89 1900. L’Exposition et Paris. Guide illustré du Bon Marché, Paris, Brodard, 1900, p. 172-173.

90 Helen Josephy, Mary Margaret McBride, Paris is a Woman’s Town, New York, Coward-McCann, Inc., 1929, p. 5 et passim.

91 Conseil national économique, « Le Tourisme, le thermalisme et le climatisme. Conclusions adoptées par le Conseil national économique dans sa session du 12 avril 1935 » et rapport de M. Peyromaure‑Debord, Paris, Impr. Nationale, 1935, p. 121.

Illustrations

La ville pavoisée

La ville pavoisée

Ill. 1. Décoration des Grands Boulevards. « Le roi et la reine d’Italie en France. Promenade sur les boulevards », Le Petit Journal, Supplément illustré n° 675, Paris, 25 octobre 1903. Coll. Debuisson.

Montagnes russes nautiques

Montagnes russes nautiques

Ill. 2. Jardin de Paris, affiche, Georges Meunier illustrateur, 1895, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39839651b

Le skating palais

Le skating palais

Ill. 3. Skating-Palais de l’avenue du Bois de Boulogne. Réouverture du 2 mars 1878. L’Illustration, n° 1828, 9 mars 1878, p. 160. Coll. Debuisson.

Skating rink
Salle de patinage

Salle de patinage

Ill. 5. Élysée Montmartre, salle de patinage, carte postale, sd [vers 1910]. Coll. Debuisson.

les Grands magasins

les Grands magasins

Ill. 6. Les Grands Magasins du Louvre, Souvenir des Fêtes de la Victoire, carte postale 1926, collection privée.

Citer cet article

Référence électronique

Joanne Vajda, « Le temps libre fabrique la ville. Le cas des “skating-rinks », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2021, mis en ligne le 11 octobre 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=638

Auteur

Joanne Vajda

Joanne Vajda est architecte DPLG, docteur en histoire et maître de conférences à l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Malaquais dans le champ Ville et Territoires – Urbanisme et projet urbain. Elle est enseignant-chercheur au laboratoire AHTTEP - Architecture Histoire Techniques Territoires Patrimoines de l’UMR CNRS/MCC AUSser 3329, où elle est co-responsable (avec S. Nivet et J. Bastoen) d’un des trois thèmes de l’UMR AUSser : « Patrimoine et tourisme : constructions, narrations, réinventions ». Elle a publié Paris Ville Lumière. Une transformation urbaine et sociale. 1855-1937, Paris, L’Harmattan, 2015, 418 p. joanne.vajda@gmail.com