Numérique et mondialisation de l’histoire culturelle. Quelques observations participantes

Digital and globalization of cultural history. Some participant observations

DOI : 10.56698/rhc.562

Résumés

L’informatique et la mondialisation ont changé les pratiques de l’histoire culturelle au même moment – et elles les ont changées ensemble. Des pratiques sociales aux manières de publier, de nos habitudes de recherche à leurs résultats, la digitalisation des approches a autant permis leur mondialisation qu’elle fut requise par le choix d’internationaliser nos démarches. L’histoire culturelle, lorsqu’elle a fait plus de place aux démarches computationnelles –quantitatives, cartographiques, édition de textes et de documents numérisés –, a fait place peut-être plus vite à des approches collectives internationalisées qui ont été et sont encore essentielles pour écrire une histoire plus décentrée et moins hiérarchique de la culture. Prolongeant une discussion amorcée lors du congrès de l’Association pour le Développement de l’Histoire Culturelle de septembre 2019, cet article tente d’évaluer l’action conjointe de la numérisation et de la mondialisation, du point de vue de l’histoire sociale de l’art et des images. Ce bilan part d’une expérience située, donc limitée, celle d’une historienne de l’art moderne et contemporain impliquée depuis une vingtaine d’années dans l’articulation des approches numériques et de méthodes plus traditionnelles, pour l’histoire mondiale et sociale de l’art et des images.

Computers and globalization have changed the practices of cultural history at the same time – and they have changed them together. From social practices to publication processes, from research habits to research outcomes, the digitization of approaches has enabled their globalization as much as it has been required by the choice to internationalize our practices. Cultural history, when it made more room for computational approaches – quantitative, cartographic, editing of texts and digitized documents – made room perhaps more quickly for internationalized collective approaches that were and still are essential for writing a more decentered and less hierarchical history of culture. Extending a discussion initiated at the September 2019 conference of the French Association for the Development of Cultural History, this article attempts to assess the joint action of digitization and globalization, from the perspective of a social history of art and images. This evaluation starts from a situated, and therefore limited, experience, that of a historian of modern and contemporary art involved for twenty years in the articulation of digital approaches and more traditional methods, for the global and social history of art and images.

Index

Mots-clés

mondialisation, humanités numériques, histoire culturelle, histoire quantitative, histoire de l’art, histoire mondiale, transferts culturels, pratiques de la recherche.

Keywords

globalization, digital humanities, cultural history, quantitative history, art history, global history, cultural transfers, research practices.

Plan

Texte

L’informatique et la mondialisation ont changé ensemble les pratiques de l’histoire culturelle. Qu’il s’agisse des pratiques sociales, des manières de publier, de nos habitudes de recherche ou de leurs résultats, la digitalisation des approches a autant permis leur mondialisation qu’elle fut requise par le choix d’internationaliser nos démarches. En parallèle, l’histoire culturelle a dû faire plus de place aux démarches computationnelles, qu’elles soient simplement quantitatives, cartographiques, ou qu’elles relèvent d’interrogations statistiques poussées. Prolongeant une discussion amorcée lors du congrès de l’Association pour le Développement de l’Histoire Culturelle (ADHC) de septembre 2019, et dont une première version a été publiée dans le Bulletin de l’ADHC de 20201, j’essaierai de faire un bilan de cette action conjointe de la numérisation et de la mondialisation, du point de vue de l’histoire de l’art et des images. J’appuierai ces observations sur ma propre expérience d’historienne de l’art moderne et contemporain, impliquée depuis une vingtaine d’années dans l’articulation des approches numériques et des méthodes plus traditionnelles dans un projet d’histoire mondiale et sociale de l’art et des images.

Quand le numérique nous mondialisa

Née en 1977, je fais partie d’une génération qui a assisté à un tournant numérique et mondial sans précédent pour l’histoire culturelle. Du côté du numérique, le changement concerna d’abord nos outils de travail. En 2001, lors de mes premières vacations, d’abord en histoire sociale et culturelle puis en histoire de l’art, j’avais recours à des diapositives dont la production demandait des heures de travail : photographier des œuvres dans des catalogues, les décrire, classer les « diapos » issues de ces photographies était parfois si compliqué que j’appréciais de trouver à la vente des diapositives déjà prêtes, plus chères mais de meilleure qualité. Assez vite je passai aux transparents, où la marge de manœuvre était plus importante – à partir de photocopies, on pouvait faire un montage associant image, texte, graphique. Mes enseignements étaient plus transdisciplinaires avec ces transparents qu’avec les diapositives qui me limitaient à des images sans légende, projetées une par une. Vers 2007, la transition vers des présentations numériques fut directe. Je remisai mon stock de diapositives et de transparents. J’enseignais désormais en histoire de l’art contemporain. Mon département s’était équipé d’un vidéoprojecteur et il fut facile de se familiariser avec un logiciel de type PowerPoint.

Immédiatement les historiens de l’art ont pu alors varier les comparaisons d’images, sortir de la diapositive unique ou de l’habitude quasi séculaire, dans la discipline, de travailler en comparant les images deux par deux.

En parallèle, se multipliaient les revues accessibles numériquement, les listes électroniques, les sites de comptes rendus et les sites web d’universités, de centres d’études, de bibliothèques et d’archives : l’information circulait désormais plus vite et davantage, à une échelle plus internationale.

Le numérique nous aida donc à mondialiser nos recherches. Vers 2004, le passage à l’ADSL à domicile fit une impression magique. La mise en ligne de certaines archives nord-américaines me permit d’économiser plusieurs voyages outre-Atlantique, que j’avais dû reporter au fil des naissances de mes enfants. S’il fallait au passage souligner combien pour une jeune mère, d’un puis deux enfants, cette possibilité de ne pas devoir voyager plus et si loin était une chance. Mes recherches bibliographiques internationales s’accéléraient aussi. On trouvait désormais non seulement des articles en ligne, mais encore des encyclopédies et des images de plus en plus nombreuses. Il était possible d’accéder à des contenus que les bibliothèques françaises ne proposaient pas. Je pus encore élargir mon corpus et l’étudier d’un point de vue distant, spatial, sur une période encore plus longue.

Les outils de traitement des données devenaient aussi plus accessibles. Une démarche informatique assez basique me permit de pister les trajectoires des œuvres et des carrières des artistes modernes, dans le cadre de ma thèse sur l’internationalisation de l’art moderne des années 1850 à la Première Guerre, soutenue en 2005. Je travaillais à partir d’une source très homogène et relativement bien répartie dans le monde nord-atlantique, jusqu’à la Russie : les catalogues d’exposition, bonne porte d’entrée vers la description générale d’une internationalisation artistique dont je pus ensuite étudier plus précisément les canaux, les logiques sociales, culturelles, marchandes et politiques. J’appris les bases de données sur le tas, et leur analyse à l’école de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, dans le sillage collaboratif et amical de Claire Lemercier. Un peu effrayée par les statistiques et leurs exigences de rigueur, j’avais pris le parti d’en utiliser ce que je pouvais, pour produire un point de vue panoramique sur mon sujet dont l’échelle devait être mondiale. J’appris aussi à faire des cartes – il fallait être capable d’intervenir directement dans l’encodage de nos cartographies, elles-mêmes produites à partir d’un traitement assez radical des données. Cela prenait du temps, beaucoup de temps. Il me fallut à peu près trois mois, les données étant collectées, pour réaliser une représentation graphique qui aujourd’hui me prendrait quelques dizaines de minutes avec un logiciel de cartographie comme Khartis, et qui ne nécessite que quelques dizaines de secondes, codée en Python.

L’outil ouvrait, surtout, des questions et des hypothèses nouvelles, inattendues. L’activité artistique de Paris n’était pas aussi centrale, vue cartographiquement et statistiquement, que le prétendaient la majorité des lectures que je pouvais faire. C’est par des cartes que je pus voir certaines études de cas autrement. Je me rendis compte par exemple que Picasso exposa partout dans l’hémisphère nord sauf à Paris entre 1909 et 1914 – alors qu’il y vivait et travaillait – point de départ vers une étude détaillée des stratégies de promotion de son marchand. Outre cette fonction heuristique, les cartes quantitatives et qualitatives, les tableaux et les graphiques ont aussi une fonction argumentative. Dans mes travaux sur l’internationalisation artistique, ils complètent la reproduction d’images insuffisante pour illustrer des phénomènes de transferts culturels, de géopolitique de l’art, de circulation marchande internationale et de mimétisme artistique et collectionneur. Vers 2010, une cartographie numérique interactive devint plus accessible – celle des SIG (systèmes d’information géographique). Il était désormais plus facile d’aller et venir entre les échelles, et d’articuler ainsi le mondial, le régional et le local.

Enjeux d’une action collective

Les humanités numériques – qu’on appelait, en ce qui me concerne, histoire quantitative –, c’était déjà dans les années 2000 une question d’affinités intellectuelles, d’entraide et de débrouille. Quasiment aucune formation n’était disponible à l’époque en France, et le coût d’entrée dans ces pratiques paraissait énorme – ne serait-ce que par le temps nécessaire pour recopier des sources et les organiser en base de données, les nettoyer avant d’enfin pouvoir les traiter avec des outils qui eux-mêmes exigeaient une formation importante. Autre obstacle au numérique, à sa capacité d’ordonner d’énormes quantités de données, donc à la mondialisation des analyses : la difficulté à faire accepter cette méthodologie dans nos disciplines de rattachement. Qu’il s’agît de l’étude de l’art, des livres, des cartes, du théâtre ou plus généralement de l’étude la culture, nous donnions l’impression de mépriser le texte, le style, le talent, l’image ou « l’œuvre en tant qu’œuvre ». Une collègue me déclara un jour magistralement, en 2008 : « on ne met pas la beauté en boîte, Béatrice ». J’aurais peut-être dû lui répondre que le musée aussi est une boîte, et que la fameuse White Box est souvent bien étanche. Toujours est-il que ma collègue me fit prendre conscience que nous ne parlions pas la même langue. Était-ce que nous présentions mal nos travaux ? Souvent, nous n’avions pas l’habitus des études littéraires ou de l’histoire de l’art ; nous n’adoptions ni les bons mots ni les bonnes problématiques ; nous venions de disciplines différentes – l’histoire, la sociologie, l’économie, la géographie. Ce sentiment d’isolement peut expliquer le besoin de rencontrer d’autres chercheurs et chercheuses intéressés par les mêmes questionnements, et le succès qu’eurent à l’École normale supérieure les séminaires que j’organisais après 2006 sur « l’histoire culturelle, les approches quantitatives et la mondialisation ». Nous constations aussi qu’il nous fallait nous former davantage ; et qu’il était important de mieux justifier l’intérêt de nos démarches auprès de nos collègues en littérature, en histoire de l’art ou même en histoire culturelle, en ne limitant surtout pas nos approches à la prosopographie des créateurs et créatrices, à l’économie d’un champ ou à sa géographie. Il fallait articuler l’analyse sociohistorique, notamment, à l’étude esthétique et formelle.

L’urgence était de se regrouper aussi au sein des disciplines particulières. En 2008, je pus organiser à l’ENS un colloque international sur les pratiques numériques en histoire de l’art, « l’Art et la mesure »2. J’y entendis l’expression « Digital Humanities » pour la première fois, prononcée par un collègue allemand. Cependant, le numérique, lorsqu’il était appliqué en histoire de l’art, servait à quelques comptages d’artistes, d’œuvres et d’expositions rarement étudiés de manière plus comparative, plus sociale, plus internationale, ni même plus esthétique. Le computationnel était croupion. Dans la plupart des autres cas, la démarche numérique était gestionnaire : on achetait des outils de gestion des données « clés en main » (en fait, des boîtes noires). L’objectif final était un usage monographique, auquel correspondait la conception des interfaces d’interrogation des bases de données en question : il s’agissait ultimement de chercher telle œuvre ou tel artiste dans une masse de données.

Je fis à l’époque une étude comparée des banques de données disponibles en histoire de l’art, en observant leurs interfaces : les formulaires d’interrogation visaient l’œuvre et l’artiste au premier rang – les autres métadonnées n’étaient pas interrogeables directement ; les moteurs crachaient ensuite des listes interminables, qu’il n’était pas possible, pour moi qui ne codais pas à cette époque, de récupérer autrement que par copié-collé dans le cas où l’on aurait voulu en faire des visualisations plus parlantes3. Bref, entre le computationnel et la gestion numérique de données, il y avait en histoire de l’art un large fossé. Lors de la table ronde finale du colloque de 2008, la séparation sembla définitive entre ceux qui pensaient que le numérique ne servirait jamais qu’à mettre des informations en ordre, mais que l’objet essentiel de l’histoire de l’art était la beauté, le sens des choses et le langage des images, et la poignée de personnes qu’intéressait une approche historique et culturelle, pour qui la méthode quantitative aidait à sortir du tropisme hagiographique de la discipline, à mieux étudier les artistes, leur contexte, et à mieux comprendre ainsi les œuvres.

Il devenait stratégique de faire un lien intelligent entre les œuvres, leur contenu, leur sens, et « tout le reste », que le numérique nous aidait à étudier. Les travaux de Franco Moretti sur le roman européen au XIXe siècle montraient l’exemple. Mais Moretti lui-même était l’objet de polémiques dans les études littéraires4. L’enjeu était d’arriver à parler la même langue que les esthètes, les formalistes et les théoriciens de l’art, tout comme de leur permettre de comprendre l’intérêt de nos méthodes, voire de leur donner envie de se les approprier. Il fallait aussi faire attention à la violence symbolique des chiffres et des visualisations computationnelles pour certains milieux. Cacher le numérique computationnel est parfois une bonne stratégie : dans mes livres sur l’internationalisation artistique, en accord avec les éditeurs, ni carte ni graphique n’ont été ajoutés5. Les lecteurs peuvent facilement trouver les visualisations qui m’ont permis de travailler dans mes publications académiques.

Artl@s (2009-…), faciliter l’approche numérique de la mondialisation artistique

Rendre l’approche transnationale et computationnelle plus abordable pour les historiens de l’art fut un des objectifs d’Artl@s (https://artlas.huma-num.fr) fondé en 20096. J’avais rencontré des collègues qui travaillaient avec des sources homogènes et complémentaires, dans le temps et l’espace, des catalogues d’expositions que j’avais rassemblés pour ma thèse. Artl@s nous permit de mettre ces bases de catalogues en commun, et de les rendre publiques, tout en donnant accès à tous et toutes à des outils plus évolués que le simple tableur Excel. La base de catalogues d’exposition, BasArt, est accessible en CC-BY (la licence Creative Commons - BY). Elle recense à l’heure actuelle (septembre 2021) 5 490 expositions, pour lesquelles 3 105 catalogues sont disponibles, soit 116 865 œuvres recensées pour 48 106 exposants7. Tous les continents sont représentés, d’une manière plus ou moins équilibrée selon les contributions, mais susceptible déjà de montrer efficacement d’une part la mondialisation à l’œuvre dès le dix-neuvième siècle, par les origines très internationales des artistes, et d’autre part le caractère polycentrique de cette mondialisation. L’interface de BasArt permet à tout utilisateur de réaliser en quelques clics la visualisation quantitative, chronologique et cartographique des informations recherchées, outre un affichage traditionnel sous forme de liste (Figure 1).

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Figure 1 : Les données de BasArt, base mondiale de catalogues d’expositions du projet Artl@s (https://artlas.huma-num.fr) pour la période 1953-1955. Cartographie partielle des œuvres présentées dans les catalogues collectés par l’équipe (3 000 premières œuvres parmi 7 441 résultats).

En amont, la plateforme de collecte est conçue afin d’accompagner méthodiquement les contributeurs et contributrices dans la collecte des catalogues. Nul besoin de se former aux bases de données relationnelles ni aux systèmes d’information géographique pour participer au projet. Le contenu de BasArt, régulièrement augmenté, dans une perspective mondiale, contribue ainsi à élargir l’éventail des sources accessibles pour la recherche. En même temps, BasArt facilite les enquêtes sérielles, sociales, spatiales, transnationales et mondiales.

Le problème restait l’accès aux sources primaires de la base. Avec ma collègue Catherine Dossin, basée à l’université Purdue aux États-Unis, il nous parut vite indispensable de diversifier l’équipe. Nous souhaitions en effet élargir le répertoire de catalogues à des régions alors peu étudiées en histoire de l’art — l’Amérique latine, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Des financements divers (École normale supérieure, Purdue University, ANR, IHMC, Labex transferS, PSL, l’Europe, et désormais l’université de Genève) ont permis selon les projets d’organiser des conférences internationales, donc de faire connaître le projet et de recruter de nouveaux contributeurs. Nos participants les plus impliqués viennent du Brésil, de la péninsule ibérique et du Japon, outre la France, la Suisse et l’Allemagne. La bonne volonté de nos étudiants ne fut pas non plus pour rien dans l’avancement du projet : ceux de l’ENS ont participé aux réunions de l’équipe, à l’élaboration du modèle conceptuel de la base de catalogues, à la rédaction du cahier des charges pour l’interface d’interrogation et de visualisation, à la collecte et à l’interprétation de sources ; ceux de Catherine Dossin à Purdue University ont conçu le design de l’interface et réfléchi à l’expérience utilisateur du projet ; ceux d’Ana Paula Cavalcanti Simioni à l’université de São Paulo collectent les catalogues de la Biennale de São Paulo ; ceux d’Eleonora Vratskidou, à la Technische Universität de Berlin, de la documenta de Kassel ; ceux de Torahiko Terada, à l’université de Tokyo, ont travaillé sur la biennale de Tokyo ; ceux d’Arthur Valle, à l’université de Rio de Janeiro, sur le Salon de Rio ; mes étudiants à l’UNIGE contribuent enfin à la collecte dans le cadre de leur formation en humanités numériques, et leur participation nous a permis cette année de mettre en place un nouveau type de collecte plus massive dont je parlerai plus loin ; outre des contributeurs et contributrices isolés, qui apportent leurs propres données dans le pot commun de BasArt.

Mettre des sources à disposition des chercheurs ne suffisait pas. Il nous fallait une plateforme de publications en libre accès, une stratégie adoptée très tôt malgré les pressions institutionnelles à faire payer la donnée. A l’époque, l’Open Access n’était pas encore une évidence. Mais « donner » était la meilleure manière de « recevoir », et de faire connaître à la communauté historienne de l’art des résultats qui allaient souvent à l’encontre de ses idées reçues sur les centres et les périphéries. Autant pour la base de données que pour nos publications. Outre BasArt et sa publication en CC-BY, hébergée par l’ENS puis par Huma-Num, nous avons pu lancer en 2012 sur la plateforme éditoriale de Purdue Press une revue plurilingue à comité de lecture en accès libre, Artl@s Bulletin. À cette époque les revues d’histoire de l’art à peer blind review brillaient par leur absence dans le champ francophone. Ce choix de l’Open Access, outre celui du multilinguisme, a permis une diffusion que nous n’anticipions pas. Artl@s Bulletin reçoit en 2021 plus de quatre mille téléchargements uniques chaque mois, d’un lectorat mondial. La revue publie des études sur toutes les parties du monde, en premier lieu les régions dites périphériques ; ainsi que des approches de type social, quantitatif et spatial que les revues d’histoire de l’art traditionnelles refusent encore souvent sous prétexte qu’elles ne relèvent pas de l’histoire de l’art.

Aujourd’hui, ce pourquoi nous avions l’impression d’être des apaches en histoire de l’art dans les années 2000, est devenu mainstream. En France par exemple, l’INHA s’est ouverte, d’abord timidement, puis en fanfare, aux « Lundis numériques »8, tandis que la revue Histoire de l’art vient de publier un numéro spécial sur les approches numériques9.

Mondialiser et décentrer l’histoire de l’art

S’il fallait souligner un effet de la mondialisation et de la digitalisation pour l’histoire de l’art, il me semble que le plus direct est le décentrement. Ayant étudié ailleurs le « global turn » de la discipline, je pense que le numérique a plus contribué au tournant postcolonial des historiens de l’art, avec l’engouement du marché pour l’art africain, que les théories postcoloniales elles-mêmes. Ce, malgré les discours de nombreux acteurs de la dernière heure qui aujourd’hui se réclament des approches postcoloniales ou décoloniales10.

De nombreux projets se sont lancés par le numérique dans la bataille des sources accessibles aux chercheurs – même si c’était avec peu de moyens par rapport aux puissants systèmes comme les Archives of American Art. Aux côtés de projets comme Icaadocs pour l’Amérique latine (http://icaadocs.mfah.org/icaadocs/), de l’Asia Art Archive (https://aaa.org.hk/en), du projet Africultures (http://africultures.com/), de la Mathaf Encyclopedia of Modern Art and the Arab World (http://www.encyclopedia.mathaf.org.qa/) et plus récemment de Manazir (www.manazir.art ), Artl@s a contribué à élargir les horizons de l’histoire de l’art en mettant des sources mondiales à disposition de tous les publics. En parallèle, plusieurs projets sur la mondialisation artistique lançaient des plateformes de publication numérique : Red Conceptualismos del Sur (https://redcsur.net/es/), “A platform for research, discussion and collective position taking from Latin America” fondé en 2007, les projets Former West fondé en 2008 www.formerwest.org/), et Bak (basis voor actuele Kunst, https://www.bakonline.org) à Utrecht, ou encore Modernidad(es) Descentralizada(s)/(MoDe(s) (https://modernidadesdescentralizadas.com/) fondé à Barcelone en 2015. La différence d’Artl@s est peut-être de connecter des sources du monde entier : s’il est essentiel de faire connaître les périphéries, les déconnecter des prétendus centres ne fait qu’entretenir le mythe de leur périphérie et de la centralité des centres. La différence, encore, d’Artl@s Bulletin, est d’être une revue qui ne restreint pas ses publications à la mondialisation contemporaine et à l’art héritier des avant-gardes du XXe siècle, ni aux approches monographiques.

Comment l’approche computationnelle et spatiale favorise-t-elle ce décentrement ? La visualisation de sources en grand nombre met tout sur un même plan ; elle incite à observer une répartition complète de nos données, et à prendre conscience que tout ne se passe pas qu’à Florence, Rome, Paris ou New York. La carte, comme le graphique, déhiérarchise et rend possible cette approche horizontale que nombre d’acteurs des périphéries appellent de leur vœux (notamment pour les régions paradoxalement les plus oubliées comme l’Europe du Sud, l’Europe du Nord et l’Europe de l’Est, qui n’ont guère pu en appeler aux théories décoloniales pour revendiquer l’attention du monde de la culture)11. La cartographie, ensuite, relativise le nationalisme méthodologique : les artistes et les œuvres circulaient selon des logiques que le national résume bien mal. La visualisation cartographique de sources prises à l’échelle mondiale remet ainsi en question une conception de l’histoire culturelle et artistique comme agrégation de systèmes clos – en général des écoles nationales essentialisées et hiérarchisées. La carte n’oblige pas pour autant à interpréter la culture comme une bouillie où tout serait hybridation, métissage et bienveillante rencontre interculturelle : la carte révèle autant des circulations que des non-circulations, des lieux de passage que des frontières ; elle permet de repérer des médiateurs autant que des douaniers. Enfin la cartographie numérique, parce qu’elle permet de naviguer entre les échelles mondiale et quantitative / régionale et groupée ou sociale/ monographique – l’échelle de l’exposition, de l’artiste ou de l’œuvre–, incite à s’interroger sur ce qui relie les histoires locales ou individuelles et une « big picture » qui ne correspond pas au mythe de la domination mondiale de Paris avant 1945, ni de New York après cette date, pour ce qui concerne mon domaine de spécialité. Dans son prétendu « tournant mondial », l’histoire de l’art s’est contentée un peu vite des notions floues de métissage et d’hybridité, parfois d’idéologie postcoloniale, d’autres encore de l’idée de « transfert culturel » qu’on limitait trop à une étude de réception bilatérale ; alors que n’était jamais révisée notre idée générale de la géopolitique mondiale de la culture12.

Une histoire plus sociale

L’apport de tels outils est aussi de faciliter les approches genrées, sociales et marchandes ; autre décentrement, puisque la démarche ne peut plus rester focalisée sur l’œuvre, « l’œuvre en tant qu’œuvre » et rien d’autre que l’œuvre et son unicité. Même pour les questions d’internationalisation, la démarche numérique incite à de multiples approches, démographiques, sociales, économiques, circulatoires, textométriques, onomastiques même. Elle évite de se contenter pour l’histoire transnationale des études de réception vers lesquelles se ruent les étudiants trop heureux de disposer de volumineux corpus de presse numérisée pour leurs mémoires de maîtrise13. L’internationalisation peut être aussi une question de stratégies, d’habitus, d’intérêt économique, de rivalités de genre, etc., – et par ce prisme interprétatif, on sort l’étude de la mondialisation culturelle d’un prisme politique vite dominant. Les catalogues d’expositions publient des informations de titres d’œuvres, de thèmes, de styles, ou de noms d’artistes, de collectionneurs, de marchands, de critiques d’art, de maîtres d’ateliers, de prix, etc., avec souvent des adresses d’ateliers, de collections, de naissance et de mort. Une étude cartographique et statistique permet leur comparaison inédite. Elle met en évidence des circulations ou des proximités spatiales, sociales, des groupes, des cliques et des logiques spécifiques qu’une approche monographique ou séquentielle des sources ne permet guère de remarquer.

Des approches « clés en main » comme celle d’Artl@s, par une interface qui vous est fournie et que vous ne pouvez modifier, peuvent être complétées par des analyses et des visualisations plus personnelles, grâce à l’exportation des sources au format .csv, qu’il est possible de retravailler en réseaux, analyses factorielles ou autres visualisations statistiques, avec les logiciels ou les langages de son choix. La mondialisation culturelle (et pas seulement artistique) devient ainsi aussi une histoire de réseaux, de milieux sociaux, de trajectoires, d’habitus, de stratégies, d’alliances de groupes. Loin d’une virologie naïve à laquelle on peut assimiler la mode des notions de « diffusion » des images et des œuvres d’art, l’analyse numérique de la mondialisation artistique suscite des hypothèses sociales, économiques, comme anthropologiques – hypothèses qu’il s’agit ensuite de confronter à des points de vue plus archivistiques et monographiques sur la circulation mondiale de l’art et des images.

Cette confrontation est importante. Il est assez rare en effet qu’on se cantonne, avec des sources et des méthodes numériques, et un peu d’honnêteté intellectuelle, à cette « approche distante » souvent citée, caractéristique des « cultural analytics » mais certainement pas d’une étude dont on connaîtrait bien les corpus et dont on aurait clairement défini les enjeux. Le numérique incite en effet aux variations d’échelles – de la population au groupe, à l’individu, des circulations aux éléments bloquants, des grandes chronologies aux études de cas bien spécifiques, complétées par un travail d’archives plus microscopique. C’est à ce niveau par exemple qu’apparaissent des logiques de concurrence, de mimétisme ou de construction de soi, que l’approche en réseaux pouvait peut-être laisser deviner, mais que ne confirme que l’analyse microhistorique. Mes propres travaux sur le détour par l’étranger des groupes artistiques d’avant-garde, sur leur rhétorique de culpabilisation des publics, et sur les réactions fréquentes de rattrapage de ces publics, sont le fruit de ces variations d’échelles. La démarche computationnelle peut ouvrir à des questionnements socio-anthropologiques si on ne se limite pas à l’échelle macrohistorique – et l’on finit paradoxalement par trouver que les propositions de Bruno Latour sur l’acteur-réseau peuvent s’accorder avec un point de vue plus structuraliste à la Pierre Bourdieu, comme avec les propositions d’un René Girard sur le désir mimétique. Tout est une question de focale. Chaque échelle d’analyse porte peut-être à une grille d’interprétation plus qu’une autre, mais toutes enrichissent la compréhension d’un même objet d’étude.

Une place pour les formes aussi

Enfin, l’approche numérique n’est pas incompatible avec les questions esthétiques et visuelles. En tout cas pour mes travaux sur la mondialisation artistique et visuelle. La méthode computationnelle peut être d’un secours étonnant lorsqu’il s’agit d’étudier ce qu’un artéfact ou une image devient en circulant entre les espaces, entre les cultures, entre les époques : comment les titres changent, comment certaines œuvres sont illustrées ou pas, ce qui est exposé et ce qui ne l’est pas, ce que l’œuvre perd, gagne, garde ou non dans la circulation. Ces traces, mises en évidence pour beaucoup par le numérique, peuvent être ensuite creusées davantage en interrogeant des archives bien choisies, la presse locale, les témoignages des acteurs qui auraient pu voir une œuvre ou rencontrer un artiste, et d’autres travaux d’artistes éventuellement inspirés ou agacés par une œuvre en circulation.

L’usage d’outils informatiques favorise, on l’aura compris, l’histoire sérielle et comparative. Elle remet à jour ainsi la pertinence d’interrogations un peu délaissées : elle pose des questions non résolues sur les modalités culturelles, anthropologiques, mais aussi sociales et économiques de la circulation des styles, par exemple ; elle ravive le débat sur la question des cycles en histoire de l’art. Elle ouvre aussi des débats trop vite enfouis, sur les œuvres et leur signification14. Le formalisme ayant vite épuisé ses lecteurs, la fascination en histoire de l’art depuis les années 1970 et 1980, selon les régions, de l’héritage de Foucault, Deleuze et Derrida, incitait la discipline à se limiter une lecture politique ou pseudo politique et identitaire des œuvres, outre qu’elle entretenait aussi son tropisme monographique. Mais pourquoi les formes ne véhiculeraient pas aussi du sens, et ce sens ne mérite-t-il pas qu’on l’étudie à une échelle sérielle ? La question de la circulation des styles, qui intéressait la génération d’Aby Warburg, a certes été reprise par les héritiers patentés de ce dernier – mais dans une perspective monographique et surtout théorique, poussée par l’intérêt pour l’agentivité des images plus que par questionnement historique15. Or si l’on se contente d’étudier la circulation des images, une image après l’autre, les conclusions de l’étude seront fragiles ; du moins on ne comprendra pas ce phénomène amplifié, séculaire, culturel, étonnant, qu’est la circulation des styles et leurs vagues successives, pas plus qu’on n’éclairera certaines époques de changement politique et culturel où l’image put jouer un rôle fondamental.

Car les images ne circulent pas qu’une par une. Ne pas essayer de comprendre les mécanismes de cette circulation à l’échelle de la série – série d’objets, série d’années, série de lieux – c’est amputer l’histoire culturelle et l’histoire de l’art d’un pan considérable de la vie des sociétés. D’où les ambitions d’un nouveau projet, Imago/Visual Contagions (visualcontagions.unige.ch), qui étudie la circulation des images à l’échelle mondiale et sur la longue période, des arts aux supports illustrés et réciproquement, en passant par l’affiche, la revue et le magazine photographique, des années 1890 aux années 1990 (soit la période qui a précédé internet), sans s’interdire des incursions jusqu’au XXIe siècle, ses jeux vidéo et ses réseaux sociaux16. Les nouveaux outils dits de vision artificielle permettent de repérer, sur d’énormes corpus d’images imprimées, quelles images et quels motifs circulent plus que d’autres. À nous de les mettre en évidence sur des corpus représentatifs, et d’étudier de manière pertinente, avec des sources et des méthodes variées, les logiques multiples de cette circulation. Un corpus étonnant a pu être réuni en quatre mois seulement, grâce à la disponibilité des imprimés numérisés sur les sites de bibliothèques, d’archives ou de producteurs de périodiques. Même si les contours de ce corpus illustré restent ceux d’une géopolitique culturelle plus favorable à certains pays et continents qu’à d’autres – l’Asie et l’Afrique en particulier ne mettant pas ou très peu leur patrimoine en ligne (voir figure 2) –, autant d’images constitue une étape intéressante pour étudier la mondialisation par l’image.

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Figure 2 : Répartition des données numériques collectées par le projet Visual Contagions (FNS 2021-2024) – périodiques illustrés pour l’essentiel, période 1945-1990, par lieu de publication.

Après leur regroupement par images proches et leur analyse quantitative, le travail de l’équipe pourra porter sur des sujets précis, lieux de cette mondialisation par l’image où les questions d’homogénéisation / hétérogénéisation et de géopolitique se posent très vite, comme la circulation des styles artistiques sur le long terme, celle de l’image de la femme dans la presse, celle d’une sémantique visuelle de la révolution en mondialisation, ou celle des représentations de la pollution.

Si c’était à refaire

Sans les outils numériques, il aurait été et serait encore impossible aux projets Artl@s et Visual Contagions d’organiser un travail réellement international, sur des sources éparpillées aux quatre coins du monde. Du côté d’Artl@s en particulier, pour rassembler des équipes multicentrées, compétences numériques, il était stratégique d’imaginer des processus de collecte très cadrés et simplifiés : repérer systématiquement d’éventuels doublons, géoréférencer semi-automatiquement les adresses, obliger le contributeur à citer la source primaire, donner les consignes les plus claires...

Autre question complexe, la difficulté de la collecte de données, et le temps qu’elle consomme. Une première manière de collecter les informations des catalogues d’expositions consistait à les recopier, une par une, depuis la source imprimée, photocopiée ou photographiée. Si nous utilisons encore cette méthode lorsque les catalogues sont petits, pour d’autres catalogues où le nombre d’œuvres exposées dépasse les 6 000, la tâche était titanesque. Nous nous sommes tournés vers des méthodes semi-automatiques : partant d’une numérisation du catalogue, nous lui appliquons des outils de reconnaissance des caractères de la page et de leur typographie (gras, italique, majuscules, petites majuscules…). Une nouvelle chaîne de traitement produit un fichier qui nous permet, par des jeux d’entraînement (la prétendue « intelligence artificielle »), de faire repérer à la machine qu’un nom est un nom, un titre un titre, une date une date, une adresse une adresse, à cause de sa position et de sa typographie spécifiques dans une page. Il ne reste plus au contributeur « qu’à » relire le tableur produit en sortie pour s’assurer de la qualité de la transcription et de la structuration des données, puis de la bonne géolocalisation des adresses récupérées. Ici, le numérique nous permet de récupérer plus vite de plus vastes masses de données. Il permet aussi de baisser le niveau requis pour contribuer à BasArt : un projet partenaire peut nous envoyer des numérisations ; nous lui retournons des tableurs issus de la reconnaissance des caractères et description sémantique ; tableurs que les collaborateurs n’ont plus qu’à relire et corriger dans leur langue – une langue que nous ne maîtrisons pas nécessairement. Il nous reste quelques années avant de réussir à fournir le même service pour les données de toutes langues et toutes écritures, notamment asiatiques. C’est un beau défi.

Artl@s a démontré aussi l’intérêt de réunir les contributions volontaires, motivées par des questions de recherche, plutôt que de suivre la politique trop fréquente des petites mains sous-payées pour un travail qu’on ne leur crédite pas ensuite. Nécessité devint vertu : nous avions peu de moyens ; il nous était impossible de rétribuer des personnes situées à l’étranger ; et certaines participations rétribuées au début pour la collecte donnaient un travail pitoyable. J’ai pris conscience dans cette expérience qu’une contribution est d’autant meilleure que le contributeur est cité, donc responsabilisé autant que crédité sur son travail, même et surtout si c’est un ou une étudiante. Nos contributeurs et contributrices reçoivent plus qu’ils ne donnent, raison qui les émancipe de la peur très répandue dans les disciplines intellectuelles de se faire « piquer son travail ». Dans BasArt, les données apportées par un membre peuvent être croisées avec les données bien plus nombreuses des autres. Outre la possibilité d’utiliser des outils cartographiques, de statistiques et de requête sans formation préalable.

L’histoire culturelle se mondialise et se numérise, deux évolutions liées, qui ne vont pas sans remises en cause. Quelques essais et erreurs m’incitent à considérer d’un point de vue critique le fameux principe FAIR que l’on répète à l’envi pour expliciter les critères de qualité des humanités numériques. Le FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable) décline des principes que l’on peut penser avoir respectés alors que les données sont de piètre qualité et que les contributeurs (souvent contributrices) ne sont pas crédités de leurs heures de travail (heures qu’ils auraient pu passer à rédiger un ou deux commentaires d’œuvre pour une revue d’histoire de l’art normale). C’est un FAIREST qu’il nous faut – avec deux R : où les projets, en plus de fournir des outils de recherche bien conçus, d’être accessibles et de proposer des données susceptibles d’être croisées avec celles d’autres projets, sont conçus de manière reproductible (R), les méthodes étant documentées, de manière éthique (E) en citant leurs contributeurs, tout en indiquant clairement la source (S) des informations mises en ligne (que l’on puisse y revenir), et en traçant temporellement (T) à quel moment des informations ont été mises à disposition numériquement, pour qu’un utilisateur puisse revenir à une requête faite alors que le contenu de la base était moins grand. Citer des contributeurs est d’autant plus important, pour des cas comme Artl@s et Visual Contagions, que les projets émanent de ce qu’on considère comme des « centres », mais prétendent valoriser les « périphéries ».

Les spécialistes d’histoire culturelle considèreront peut-être notre démarche comme un élément parmi d’autres dans l’histoire d’une géopolitique plus juste de la culture mondiale ; comme un exemple d’histoire culturelle collective, où l’enseignement se fait par la recherche, avec les outils numériques et à une échelle internationale ; et comme un exemple que le numérique n’est pas toujours un outil d’aliénation. En tout cas c’est ce que j’espère.

1 Bulletin de l’Association pour le Développement de l’Histoire Culturelle, n°19, septembre 2020, p. 42-50.

2 Béatrice Joyeux-Prunel (dir.), avec la coll. de Luc Sigalo-Santos, L’Art et la Mesure. Histoire de l’art et méthodes quantitatives : sources, outils

3 Béatrice Joyeux-Prunel, « L’histoire de l’art et le quantitatif. Une querelle dépassée », introduction au numéro spécial de la revue Histoire & Mes

4 Voir Franco Moretti, Atlas of the European Novel, 1800-1900, Londres, Verso, 1999. Traduction française Atlas du roman européen, Paris, Seuil, 2000 

5 Voir Béatrice Joyeux-Prunel, Les Avant-gardes artistiques. Une histoire transnationale. Vol. 1 1848-1918, Paris, Gallimard Folio Histoire, 2016 ;

6 Le projet a été financé d’abord par l’École normale supérieure de Paris puis conjointement par l’ANR (programme Jeunes Chercheur-se-s) entre 2011 et

7 https://artlas.huma-num.fr/database/stats.php, consulté le 1er septembre 2021.

8 https://www.inha.fr/fr/recherche/le-departement-des-etudes-et-de-la-recherche/service-numerique-de-la-recherche/accompagnement-veille-et-formation/

9 « Humanités numériques : de nouveaux récits en histoire de l’art ? », numéro spécial de la revue Histoire de l’art, n°87 (juin 2021).

10 Sur le caractère relatif et tardif du « tournant postcolonial » de l’histoire de l’art, voir Béatrice Joyeux-Prunel, “Art History and the Global:

11 Voir par ex. Piotr Piotrowski, In the Shadow of Yalta. Art and the Avant-garde in Eastern Europe, 1945-1989, London, Reaktion Books, 2009

12 Sur ce point : Béatrice Joyeux-Prunel, “ Provincializing Paris. The Center-Periphery Narrative of Modern Art in Light of Quantitative and

13 Un point à ce sujet : Béatrice Joyeux-Prunel, “Circulation and Resemanticization: An Aporetic Palimpsest”, Artl@s Bulletin 6, no2 (Été 2017), p.

14 Béatrice Joyeux-Prunel, “Circulation and Resemanticization: An Aporetic Palimpsest”, ref. cit.

15 Voir à ce sujet Béatrice Joyeux-Prunel, « Aby Warburg au-delà du génie solitaire ». Compte rendu deCarole Maigné, Audrey Rieber et Céline Trautmann

16 Imago/Visual Contagions (www.imago.ens.fr) est un projet financé par le programme Erasmus+ de l’Union européenne, label Centre d’Excellence Jean

Notes

1 Bulletin de l’Association pour le Développement de l’Histoire Culturelle, n°19, septembre 2020, p. 42-50.

2 Béatrice Joyeux-Prunel (dir.), avec la coll. de Luc Sigalo-Santos, L’Art et la Mesure. Histoire de l’art et méthodes quantitatives : sources, outils, bonnes pratiques, Paris, éd. Rue d’Ulm, 2010. En ligne sur Numilog : https://www.numilog.com/73318/L-art-et-la-mesure-Histoire-de-l-art-et-methodes-quantitatives.ebook.

3 Béatrice Joyeux-Prunel, « L’histoire de l’art et le quantitatif. Une querelle dépassée », introduction au numéro spécial de la revue Histoire & Mesure sur “L’art et la mesure”, XXIII-2 (janvier 2009), p. 3-34 (disponible sur CAIRN).

4 Voir Franco Moretti, Atlas of the European Novel, 1800-1900, Londres, Verso, 1999. Traduction française Atlas du roman européen, Paris, Seuil, 2000 ; et id., Graphs, Maps, Trees. Abstract Models for Literary History, Londres, Verso, 2007, trad. fr. Graphes, cartes et arbres. Modèles abstraits pour une autre histoire de la littérature, Paris, Les Prairies ordinaires, 2008. Parmi les réponses aux défis de Moretti, voir Jonathan Goodwin et John Holbo (ed.), Reading Graphs, Maps, and Trees: Responses to Franco Moretti, Parlor Press, 2011.

5 Voir Béatrice Joyeux-Prunel, Les Avant-gardes artistiques. Une histoire transnationale. Vol. 1 1848-1918, Paris, Gallimard Folio Histoire, 2016 ; vol. 2 1918-1945, Paris, Gallimard Folio Histoire, 2017 ; et id., Naissance de l’art contemporain 1945-1970. Une histoire mondiale, Paris, CNRS Éditions, 2021.

6 Le projet a été financé d’abord par l’École normale supérieure de Paris puis conjointement par l’ANR (programme Jeunes Chercheur-se-s) entre 2011 et 2016, par Purdue University, par le Labex TransferS, l’École universitaire de recherche Translittérae, l’université PSL, et plus récemment par l’Université de Genève.

7 https://artlas.huma-num.fr/database/stats.php, consulté le 1er septembre 2021.

8 https://www.inha.fr/fr/recherche/le-departement-des-etudes-et-de-la-recherche/service-numerique-de-la-recherche/accompagnement-veille-et-formation/les-lundis-numeriques.html. Le site de l’INHA ne donne pas la date exacte de début des Lundis numériques, dont le programme le plus ancien remonte cependant à 2014.

9 « Humanités numériques : de nouveaux récits en histoire de l’art ? », numéro spécial de la revue Histoire de l’art, n°87 (juin 2021).

10 Sur le caractère relatif et tardif du « tournant postcolonial » de l’histoire de l’art, voir Béatrice Joyeux-Prunel, “Art History and the Global: Deconstructing the Latest Canonical Narrative”, Journal of Global History, Cambridge University Press online, Vol. 14, n°3 (“Historicizing the global: an interdisciplinary perspective”), novembre 2019 , p. 413-435.

11 Voir par ex. Piotr Piotrowski, In the Shadow of Yalta. Art and the Avant-garde in Eastern Europe, 1945-1989, London, Reaktion Books, 2009, introduction.

12 Sur ce point : Béatrice Joyeux-Prunel, “ Provincializing Paris. The Center-Periphery Narrative of Modern Art in Light of Quantitative and Transnational Approaches”, Artl@s Bulletin, 4, no1 (2015) : Article 4, p. 40-64 ; Version en ligne, et id., « Au-delà d’un Paris-New York. L’art moderne et ses discordances spatio-temporelles », Atala; Culture et Sciences humaines ; n°18, « Découper le temps », Rennes, décembre 2015, p. 119-138.

13 Un point à ce sujet : Béatrice Joyeux-Prunel, “Circulation and Resemanticization: An Aporetic Palimpsest”, Artl@s Bulletin 6, no2 (Été 2017), p. 4-17. En ligne : http://docs.lib.purdue.edu/artlas/vol6/iss2/13.

14 Béatrice Joyeux-Prunel, “Circulation and Resemanticization: An Aporetic Palimpsest”, ref. cit.

15 Voir à ce sujet Béatrice Joyeux-Prunel, « Aby Warburg au-delà du génie solitaire ». Compte rendu de Carole Maigné, Audrey Rieber et Céline Trautmann-Waller (dir.), La Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg comme laboratoire, Revue germanique internationale, n° 28, Paris, CNRS Éditions, 2018, Revue d’Histoire des sciences humaines, n°37, automne 2020.

16 Imago/Visual Contagions (www.imago.ens.fr) est un projet financé par le programme Erasmus+ de l’Union européenne, label Centre d’Excellence Jean Monnet, pour la période 2019-2022. Visual Contagions (visualcontagions.unige.ch) est un projet financé par le Fonds national suisse pour la recherche (FNS), à compter du 1er janvier 2021 et sur quatre ans.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Béatrice Joyeux-Prunel, « Numérique et mondialisation de l’histoire culturelle. Quelques observations participantes », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2021, mis en ligne le 05 octobre 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=562

Auteur

Béatrice Joyeux-Prunel

Béatrice Joyeux-Prunel est historienne de l’art moderne et contemporain, Professeure à l’université de Genève (Suisse) sur la chaire des humanités numériques. Jusqu’en 2019 elle était maître de conférences en histoire de l’art contemporain à l’École normale supérieure de Paris. Auteure d’une trilogie sur la mondialisation artistique aux 19e et 20e siècle, elle travaille actuellement avec son équipe sur la mondialisation par l’image dans le cadre du projet Visual Contagions (FNS). Elle a fondé et dirige depuis 2009 le projet Artlas. Dernières publications : Les Avant-gardes artistiques 1848-1918 (vol. 1) et 1918-1945 (vol.2), Gallimard Folio Histoire (poche), 2016 et 2017, et Naissance de l’art contemporain 1945-1970. Une histoire mondiale, CNRS Éditions, 2021.