Au lecteur, à la lectrice

To the reader

Résumés

Pascal Ory s’adresse au futur lecteur, à la future lectrice, pour évoquer la naissance de la revue au sein de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle (ADHC).

Pascal Ory addresses the future reader to evoke the birth of the journal within the Association for the Development of Cultural History.

Index

Mots-clés

histoire culturelle, revue, Association pour le développement de l'histoire culturelle

Keywords

cultural history, review, Association for the Development of Cultural History

Texte

Soyons un peu solennel. Vous avez sous les yeux le lieu – sinon le temps – d’une fondation. Une revue ne naît jamais ex nihilo, mais de la rencontre d’une sensibilité et d’une sociabilité. La sensibilité qui s’exposera ici a reçu dans le champ francophone, depuis la fin des années 1960, le nom d’« histoire culturelle » et – surprise – on ne se livrera pas maintenant au jeu, plutôt old school, de sa définition : on se contentera de conseiller la lecture de tous les articles (y compris des comptes rendus) de ce premier numéro pour comprendre comment l’équipe qui l’a pris en charge a cherché à prouver cette histoire-là en marchant.

La sociabilité, elle, mérite qu’on s’y attarde un peu plus. Elle est peut-être moins connue de certain.e.s d’entre vous. C’est celle d’une société savante, l’Association pour le Développement de l’Histoire Culturelle (ADHC), fondée à l’automne de 1999 – ce qui lui a valu de voir sa déclaration publiée dans le numéro du Journal Officiel daté du 1er janvier 2000... Au long de ces vingt-et-unes premières années d’existence l’ADHC a, elle aussi, cherché à définir son objet non pas de manière dogmatique mais par approximation successive des confrontations d’expériences. Elle l’a fait principalement sous deux formes : une Lettre de l’ADHC mensuelle, dont la cheville ouvrière est Philippe Poirrier, et un congrès annuel, tenu métronomiquement chaque dernier samedi de septembre.

La Lettre est un outil remarquable et sans équivalent en France ou à l’étranger, qui recense chaque mois séminaires et conférences, colloques et journées d’études, soutenances, publications et appels à contributions, tout en renvoyant par divers liens à la présence de l’histoire culturelle dans les revues et sur le web. Le congrès, quant à lui, accueille chaque année le matin un.e invité.e, convié à exposer une recherche ou une réflexion en cours, et l’après-midi une table ronde autour d’une question à débattre. Après dix ans, l’ADHC a publié le recueil de toutes ces conférences et d’une sélection de ces tables rondes (Dix ans d’histoire culturelle, Presses de l’ENSSIB, 2011). Au début de cette année 2020 le recueil, augmenté, a été publié en langue anglaise (Cultural History in France. Local debates, global perspectives), chez Routledge.

La Revue d’histoire culturelle vient aujourd’hui compléter ce dispositif. Assurément l’histoire culturelle n’est pas absente des sommaires des revues d’histoire, généralistes ou spécialisées. Parmi ces dernières saluons ici le travail, mené depuis 1995, par Sociétés & Représentations, dont la fondatrice, Myriam Tsikounas, fait partie de l’équipe de notre revue, ou, depuis quatre ans, par Sensibilités, aux éditions Anamosa. De même l’internationalisation croissante de l’historiographie s’est-elle traduite, dans le champ, par la création, en 2012, de Cultural History, organe de l’International Society For Cultural History (ISCH) – réseau auquel l’ADHC s’est associée, dès sa fondation –, et, l’an dernier, de Symposium Culture@Kultur, fondée sur le double dialogue histoire culturelle/kulturwissenschaften et Allemagne/France. L’un des choix initiaux, destinés à marquer fondamentalement l’identité de la RHC (soyons maintenant un peu familier…) aura été de se distinguer de ces initiatives au moins sur un point, tout culturel : le choix exclusif – et non pas alternatif – du numérique. Il n’est pas nécessaire d’être médiologue pour comprendre que cette décision initiale engage – et pas seulement à une lecture désormais en volumen et non plus en codex, ce qui n’est pas neutre.

Président de l’ADHC depuis sa fondation, le signataire de ces lignes est, de ce fait, « directeur de la publication » – au sens des lois de 1881 et de 2004 – de la Revue d’histoire culturelle. Mais ce numéro 1 sera aussi le seul dont il assumera cette responsabilité légale. Le congrès 2020 de l’ADHC est en effet le dernier qu’il aura le plaisir de présider. « Vingt (et un) ans, ça suffit » : place aux jeunes, place à de plus jeunes générations d’enseignants-chercheurs, français et étrangers, qui s’expriment déjà majoritairement dans ce numéro – et s’exprimeront plus encore dans les prochains –, comme auteurs mais aussi comme responsables de rubriques.

On connaît peu la genèse du mot, donc du concept, de « revue », repris en français au XVIIIe siècle du terme anglais review, contemporain, au fond, de l’instauration de notre modernité culturelle et politique au lendemain de la révolution de 1688. Comme souvent en anglais, le terme était lui-même emprunté au français où, dès la Renaissance, il est déjà question de « faire la revue » des idées comme des faits. Affaire de libre examen, donc. Dans les colonnes de ce volume et de ceux qui suivront on passera beaucoup en revue, on examinera et on ré-examinera. Ma génération a proposé il y a un demi-siècle une nouvelle lecture des sociétés. Le moment est venu de passer le relais et aussi, pour les nouveaux relayeurs, au passage, de relire cette lecture. L’histoire, comme on le sait, n’a pas pour objet le passé mais le temps. C’est bien le moins que le temps, à son tour, nous traverse.

Citer cet article

Référence électronique

Pascal Ory, « Au lecteur, à la lectrice », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2020, mis en ligne le 26 septembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=386

Auteur

Pascal Ory

Pascal Ory est professeur émérite d’histoire à la Sorbonne (Paris 1) et président de l’ADHC.

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