Jeter des ponts entre psychanalyse et société : l’œuvre des Allendy

Building bridges between psychoanalysis and society: the work of the Allendys in the interwar period

DOI : 10.56698/rhc.3412

Résumés

Cet article, en suivant la trajectoire d’un couple, René Allendy et son épouse Yvonne, se propose d’éclairer les modalités de la pénétration de la psychanalyse dans la société française des années 1920 et 1930.
Les Allendy vont être des acteurs importants de ce mouvement dans le monde intellectuel et culturel, à travers le Groupe d’études pour la diffusion des tendances nouvelles, qu’ils fondent en 1922. Ils appliqueront certains aspects de la théorie freudienne aux domaines politique et social, à des problèmes comme la prévention du crime, de la délinquance juvénile, l’inégalité entre les sexes, l’orientation professionnelle.
L’auteure pointe à la fois l’intérêt et les limites d’une telle tentative d’application de la psychanalyse à des questions sociales, et décrit sa réception par les contemporains. Elle cherche à montrer, à travers l’exemple de la cure d’Anaïs Nin par Allendy, à quel point la pratique de la psychanalyse était encore peu codifiée, et à quel point le monde littéraire fut un vecteur essentiel de diffusion et de popularisation de la psychanalyse dans la société française.

This article, following the trajectory of a couple, René Allendy, and his wife Yvonne, aims to shed light on the modalities of the penetration of psychoanalysis in French society in the 1920s and 1930s.
The Allendys were important players in this movement in the intellectual and cultural world, through the Study Group for the Dissemination of New Trends, which they founded in 1922. They will apply some aspects of Freudian theory to the political and social spheres, to problems such as crime prevention, juvenile delinquency, gender inequality, career guidance.
The author points out both the interest and the limits of such an attempt to apply psychoanalysis to social issues, and describes its reception by contemporaries. She shows, through the example of the cure of Anaïs Nin by Allendy, how little the practice of psychoanalysis was then codified, and to what extent the literary world was an essential vector of diffusion and popularization of psychoanalysis in French society.

Index

Mots-clés

René Allendy, Yvonne Allendy, psychanalyse appliquée, arts, questions sociales

Keywords

René Allendy, Yvonne Allendy, applied psychoanalysis, arts, Social issues

Plan

Texte

Le 7 décembre 1922 se tient à la Sorbonne la première séance d’un cycle de conférences qui va durer jusqu’à la seconde guerre mondiale, le Groupe d’études philosophiques et scientifiques pour l’examen des tendances nouvelles. Sous ce nom austère va exister un lieu d’animation de la vie intellectuelle qui n’a d’autre équivalent à cette période que les Décades de Pontigny de Paul Desjardins, quoique sous une forme différente. Les « tendances nouvelles » qui y seront présentées et discutées concernent les arts (peinture, sculpture, théâtre, danse), la littérature, la philosophie, la science et surtout la psychanalyse. Maurice Sachs, qui le fréquente assidument le décrit dans Au temps du bœuf sur le toit comme « un des centres les plus intelligents de Paris »1. Les deux promoteurs du projet sont un couple, René et Yvonne Allendy.

Suivre leur trajectoire dans l’entre-deux- guerres permet de repérer, non seulement, ce qui est bien documenté, l’importance de la voie artistique et littéraire pour la pénétration des idées freudiennes en France, mais aussi, ce qui l’est moins, les premiers moments d’une psychanalyse appliquée à d’autres domaines que celui de la cure individuelle.

Une telle démarche suscitait à la fois l’intérêt et la réserve de Freud, pris qu’il était entre deux exigences contradictoires : favoriser l’extension de la psychanalyse, et empêcher qu’elle soit dénaturée. Il ne partageait pas l’enthousiasme, parfois naïf de plusieurs de ses élèves, pour la France par exemple : René Laforgue, la princesse Bonaparte et les Allendy. Ceux-ci pensaient sincèrement que ces applications, en particulier dans le domaine éducatif, mais aussi politique, pourraient contribuer à créer un monde meilleur. La réalité se chargea de tempérer leur optimisme. Ils contribuèrent néanmoins à créer ce que Serge Mosovici appellera plus tard une représentation sociale2, c’est-à-dire une certaine manière pour les gens de concevoir leur monde intime, la vie familiale et la vie sociale.

René Allendy (1889-1942) est une des figures les plus intéressantes du jeune mouvement psychanalytique français. Relativement méconnu, il est surtout passé à la postérité grâce au portrait contrasté qu’en trace Anaïs Nin dans son Journal, ce qui est bien dommage. Néanmoins, on constate un regain d’intérêt pour son œuvre dès la fin du XXe siècle, aussi bien dans le champ de la littérature et de l’ésotérisme que de la psychanalyse.3

Né à Paris, d’un père mauricien et breton et d’une mère picarde, il fait sa scolarité secondaire au collège des Pères maristes, puis au lycée Janson de Sailly. Devenu bachelier, il poursuit en même temps des études de médecine et de langues slaves, et soutient sa thèse de médecine en 1912 sur L’alchimie et la médecine, ce qui donne déjà une indication sur l’originalité du personnage et l’étendue de ses intérêts : ils concerneront aussi bien l’astrologie, l’homéopathie, la criminologie, l’orientation professionnelle et l’éducation que la publicité, la littérature et les arts.

Dans son Journal d’un médecin malade, chronique pathétique des six derniers mois de sa vie, Allendy revient sur son enfance, triste, entre un père timoré, faible, déjà âgé lors qu’il nait, et une mère peu aimante, et sur le grand traumatisme qui la marque. L’amour de sa vie d’enfant, sa jeune nourrice Jeanne, part lorsqu’il avait 4 ans pour se marier ; il contracte alors une pneumonie et manque mourir. Il pense avoir toute sa vie souffert d’un fort complexe d’abandon et de sevrage, qui se manifestait par le désir constant d’être aimé et la peur d’être abandonné. Or, aimé, il le fut, ô combien, par ses amis et par les femmes de son entourage. Le psychothérapeute nancéen Charles Baudouin4, qui fut l’un de ses proches, dans l’article nécrologique qu’il lui consacre, le décrit comme « le plus humain des psychanalystes », mais aussi comme « un isolé de génie ».

En 1912, il épouse Yvonne Nel-Dumouchel (1890-1935), dont le père Jules Nel, et la mère Marie Cougny, amie de Berthe Morisot, sont tous les deux peintres. Toute son enfance baigne ainsi dans le milieu des Beaux-Arts. Elle écrit, sous le nom de Jacques Poisson, des articles passionnés en faveur du cubisme, mais aussi sur les rapports entre la psychanalyse, la littérature et le cinéma5. Elle invite les psychanalystes à étudier les textes dada « avec plus de profit pour la connaissance de la nature humaine qu’un professeur de littérature expliquant un texte classique ». Maurice Sachs la décrit ainsi : « Rencontré Mme Allendy, qui a un beau visage de révolutionnaire de 89, grave, tranquille, sûr, bon, intelligent ».6 Avec sa sœur Colette, qui deviendra peintre, elle fréquente des artistes et des écrivains, dont Antonin Artaud. Dans le couple des Allendy elle incarne le côté artiste, mais elle fut surtout, indéfectiblement, celle qui le soutint dans sa carrière. Peu de temps avant sa mort précoce en août 1935 (elle avait 44 ans), elle fit promettre à René qu’il épouserait sa sœur Colette après son décès, ce qu’il fit. Elle organisa ainsi son « outre-tombe », si je puis dire, sachant à quel point René serait perdu sans elle. On ne peut s’empêcher de penser que c’est une démarche étrange pour un psychanalyste, mais Allendy était à coup sûr un psychanalyste atypique, comme l’étaient la plupart de ceux de sa génération d’ailleurs.

Lorsqu’éclate la première Guerre mondiale, il est mobilisé dans un régiment du Génie et gazé en Champagne, il est alors considéré comme perdu par les médecins qui le soignent. Il décide de survivre en s’appuyant sur les doctrines de l’école de Montpellier, en particulier celle du Dr Joseph Grasset, qui pratique l’hypnotisme et qui insiste sur la psychogenèse de toutes les maladies organiques. Toute sa vie professionnelle sera marquée par une réflexion sur le problème de la maladie et de la guérison. Il y consacrera en particulier deux ouvrages : Orientation des idées médicales (1926) et Essai sur la guérison (1934).

Il devient très vite un médecin homéopathe renommé et s’intéresse, dès 1920, à la psychanalyse. Il rencontre René Laforgue en 1923 à la société de théosophie7, et va être, à ses risques et périls, son premier patient. Sa cure durera trois ans ce qui est considérable pour l’époque. Avec Laforgue, il sera à l’origine de toutes les institutions du jeune mouvement psychanalytique français : le Groupe de l’Évolution Psychiatrique (1923), la Société Psychanalytique de Paris, SPP, (1926) et l’Institut de Psychanalyse (1934). En 1936, il fonde, avec Paul Schiff, la Société de Psychologie Collective, qui réunit, sous la présidence de Pierre Janet, des psychologues, des psychanalystes et des ethnologues : Georges Bataille, Michel Leiris, Adrien Borel et Daniel Lagache. Il fréquente par ailleurs le Collège de Sociologie.

Le groupe d’études de la Sorbonne

Ce groupe se réunit le jeudi soir, à 21 heures, tantôt dans l’amphithéâtre Descartes, tantôt dans l’amphithéâtre Michelet. Lors de la séance inaugurale, Allendy présente tout d’abord son projet, et ce qu’il entend par tendances nouvelles : « Pour que les réalisations pratiques puissent, sans heurt, suivre le grand mouvement des idées contemporain, il est indispensable d’étudier le sens de l’avenir, et d’en hâter l’éclosion ». Ensuite, le professeur Henri Delacroix, doyen de la Faculté des lettres, prononce la conférence inaugurale, puis le professeur Langevin, du Collège de France, communique sur « Continu et discontinu ». Tout cela est très prestigieux, et bien dans l’air du temps, puisque c’est ce même Paul Langevin qui a été à l’initiative de l’invitation d’Albert Einstein à Paris en mars de cette année 1922, un grand événement scientifique et mondain. Jules Romains, dans un article de la NRF, s’était moqué de cet engouement pour la théorie de la relativité, et pour la psychanalyse.

Toute la saison dernière, Einstein a été chez nous furieusement à la mode. Philaminte et Bélise s’en sont donné à cœur joie. Elles ne vous tendaient pas l’assiette de petits fours sans vous mettre en demeure de choisir entre la relativité restreinte et la relativité généralisée (…). Cet hiver sera, je le crains, la saison Freud. Les « tendances refoulées » commencent à faire, dans les salons, quelque bruit8.

1922, en effet, fut bien, la « saison Freud », mais pas seulement dans les salons. Observer les principales conférences du groupe donne une bonne représentation de la pénétration des théories freudiennes dans la vie intellectuelle française. Le groupe édite un Bulletin chaque année, ce qui permet aussi d’apprécier l’éclectisme des thèmes et des disciplines abordés9.

Allendy vient de commencer son analyse avec Laforgue. Les deux hommes souhaitent inviter Freud à une réunion du groupe. Laforgue lui écrit dans ce sens (lettre du 25 octobre 1923, la première de cette correspondance) :

Le mieux serait que vous puissiez nous faire la joie de venir à Paris. En ce cas, nous vous prierions de vous contenter de la modeste hospitalité de moi-même et du Dr Allendy. Le docteur Allendy, comme président du Groupe d’études scientifiques et philosophiques à la Sorbonne mettrait à votre disposition les salles de conférences de l’Université. Nous sommes en contact constant avec le professeur Langevin, ami d’Einstein et directeur au Collège de France, où pourraient également être organisées des conférences le soir.10 

Freud est tenté, mais finit par refuser pour raisons de santé. On constate ici à quel point Laforgue est dépendant des relations de son patient pour réaliser ce projet. Allendy et Laforgue écrivent alors ensemble La psychanalyse et les névroses, qui paraît chez Payot en 1924, et dont une conférence de Laforgue à la Sorbonne constitue le premier chapitre. Selon la biographe d’Allendy, Marguerite Frémont11, la lune de miel entre les deux hommes aurait abouti à une rupture à la fin de l’analyse d’Allendy, ce dernier ne supportant plus la dépendance dans laquelle Laforgue le maintenait. Rupture d’amitié, certes, mais non rupture professionnelle.

Outre Allendy et Laforgue, tous les membres du jeune mouvement psychanalytique français vont donner des conférences au groupe de la Sorbonne : Adrien Borel, Henri Codet, Jean Frois - Wittman, Angelo Hesnard, Edouard Pichon, Marie Bonaparte, Eugénie Sokolnicka, Sophie Morgenstern, Paul Schiff.

Des analystes étrangers sont également invités : Alfred Adler expose « La psychologie individuelle », en 1925. On peut ici noter qu’Allendy n’épousera jamais les querelles qui déchirent le groupe viennois, et se référera aussi volontiers à Jung et à Adler qu’à Freud. Mais Jung ne viendra pas au groupe d’études. Le 22 février 1925, Otto Rank donne une conférence intitulée : « La psychanalyse et son influence sur l’évolution intellectuelle ». Rank est alors de passage à Paris, il vient de publier Le traumatisme de la naissance, moment inaugural de sa dissidence avec la doctrine classique de la psychanalyse, mais Freud n’a pas encore rompu avec lui. Ce sera le cas en 1926, année où Rank s’installe à Paris avec son épouse. Il fait de nouveau une conférence devant le groupe le 28 février 1934 sur « La psychologie et le milieu social ». Jusqu’à son départ pour les États Unis, il enseigne et forme des analystes au Centre psychologique de l’hôpital de la Cité Universitaire, mais il ne peut intégrer la SPP12.

Parmi les savants proches, on repère la présence de Jean Piaget, qui présente son livre récemment paru chez Alcan : La représentation du monde chez l’enfant. Piaget s’est « initié » à la psychanalyse auprès de Sabina Spielrein en 1920. Il restera toute sa vie membre de la Société de psychanalyse de Genève, bien après s’être éloigné de la doctrine freudienne.

On y rencontre aussi Gilbert Robin, neuro-psychiatre, qui évoque » Les haines familiales ». Membre du groupe de L’Evolution Psychiatrique dès 1925, il vient de publier ce livre dans la collection Les Documents bleus chez Gallimard. Il n’est pas psychanalyste mais s’intéresse de très près à la doctrine freudienne, à laquelle il se forme en grande partie dans le groupe d’études des Allendy. Il tient, dans Les Nouvelles littéraires une rubrique régulière : « Actualités Psychologiques », et intervient à Radio Tour Eiffel sur ces mêmes sujets.

Viennent aussi des philosophes et des intellectuels : Abel Rey, Léon Brunschwig, Jacques Maritain, Paul Masson - Oursel, Ramon Fernandez, et des artistes : Les peintres Juan Gris, Fernand léger, Sonia Delaunay, l’architecte Le Corbusier, et bien d’autres encore.

Le groupe Allendy est devenu une véritable institution. Ainsi, Anne Berman, lorsqu’elle écrit à Marie Bonaparte au sujet de questions de planning de l’Institut (lettre du 9 septembre 1935), mentionne qu’on ne peut pas mettre de cours le jeudi soir, ce jour « étant consacré à l’allendysme » et poursuit : » le pauvre Allendy, entre parenthèses, est très frappé ». Berman fait sans doute référence à la mort d’Yvonne.

Si l’on veut savoir à quoi ressemblaient ces séances, on peut y suivre Anaïs Nin, qui les décrit dans son Journal. Il faut la suivre avec circonspection, car elle ment beaucoup, mais son journal est probablement l’endroit qui s’approche le plus de la vérité.

[Janvier 1933]. Dans un amphithéâtre de la Sorbonne. Une ambiance de salle de classe, chaste, sérieuse. Mme Allendy est là, cheveux blancs, yeux bleus, maternelle, solide. (…) Allendy monte sur l’estrade, sérieux, austère. C’est la première fois que je le vois de loin. Il a l’air plus timide, furtif, que dans son cabinet. Il est un peu voûté, comme un érudit penché trop longtemps sur les livres. On ne voit que son grand front et ses yeux de voyant. Sa barbe cache la sensualité de sa bouche. J’entends à peine ce qu’il dit. C’est une conférence sur la métamorphose de la poésie. Les mots d’un docteur, d’un professeur, d’un savant. Il dissèque la poésie. Il ne reste qu’un cadavre13.

Comme on le constate, Anaïs Nin n’est pas vraiment séduite. Allendy est moins magique dans cet amphithéâtre que dans son cabinet, tout cela transpire le sérieux académique, et d’ailleurs, elle s’est un peu trompée de registre : elle a mis ses plus beaux atours, manchon, fourrure, chapeau, et la voilà assise sur un banc de bois dur. Elle n’est pas non plus séduite par d’autres prestations, celle de Marie Bonaparte, par exemple. (Lettre à Henri Miller, 3 mars 1933) :

 Marie Bonaparte hier soir, conférence à la Sorbonne au groupe Allendy. Elle a donné de la psychanalyse la plus mauvaise image possible : sèche, précise, aride, clinique ». Et, un peu plus loin, à propos des analyses de Bonaparte sur Edgar Poe : « elle aussi est nécrophile »14. Ce n’est pas du tout l’avis de Maurice Sachs, qui la décrit comme « une des femmes la plus intelligente de notre temps .15

En dépit de ce qu’en rapporte Anaïs Nin, les séances ne sont pas toujours austères. Outre les conférences, il y a aussi des concerts (œuvres de Stravinski, Honneger, Bartok, Schoenberg…) des lectures de poèmes, des récitals et des films. L’une des conférences est particulièrement mémorable, celle du jeudi 6 avril 1931 où Antonin Artaud est l’orateur. Avant de la décrire, je vais aborder le rôle des Allendy par rapport au théâtre moderne, et à Artaud lui-même.

Antonin, Yvonne, René et le théâtre de la cruauté

Le 25 janvier 1926, Robert Aron présente, au groupe de la Sorbonne, une communication sur La genèse d’un théâtre. Il s’agit du théâtre Alfred Jarry, qui est en train d’être créé par un groupe de jeunes écrivains issus du surréalisme et de Dada, Roger Vitrac, Robert Aron et Antonin Artaud. La secrétaire du théâtre, sa cheville ouvrière, est Yvonne Allendy, et les deux époux vont aussi en être les mécènes. Le 1er novembre 1926, un manifeste est publié dans la Nouvelle Revue Française. Ces jeunes gens veulent un théâtre qui ne s’adresse pas seulement à l’esprit et aux sens des spectateurs, mais à toute leur existence. Quant à Artaud, son but est plus radical, contribuer à la ruine du théâtre tel qu’il existe alors en France. Il vient de quitter le groupe surréaliste (exclu ou autoexclu), et mène de front des activités littéraires, cinématographiques et théâtrales, dans la compagnie des Pitoëff. Mais il doit surtout lutter contre ses démons intérieurs.

D’une certaine manière, on peut dire que si l’œuvre d’Artaud a pu exister, c’est en partie grâce à deux couples de thérapeutes : M. et Mme Toulouse, et les Allendy, qui veillèrent sur lui avec affection et dévouement. Edouard Toulouse (1865-1947) est un médecin aliéniste, mais aussi un militant, un journaliste et un grand vulgarisateur de la psychologie appliquée16. Socialiste et franc-maçon, il va lutter pour l’ouverture des asiles d’aliénés, et créer l’hôpital Henri Rousselle, premier service psychiatrique ouvert en France, mais aussi la Ligue d’Hygiène mentale et la Société de Sexologie, à laquelle adhèrent, entre autres, Allendy et Marie Bonaparte.

En 1920, les Toulouse accueillent à leur domicile le jeune Antonin Artaud à la demande de ses parents, qui ne savent plus comment l’aider. Artaud souffre depuis son enfance de douleurs physiques intenses, qui l’ont conduit à se droguer, et de troubles psychiques graves. Fidèle à ses principes, Toulouse va tout faire pour le soigner sans passer par l’internement. Il en fait son secrétaire, lui confie des travaux de recherches bibliographiques et la rédaction d’une petite revue intitulée Demain. Quant à Mme Toulouse, connaissant son désir de faire du théâtre, elle le présente aux dramaturges André de Lorde et Lugné-Poe. Artaud restera en contact avec les Toulouse jusqu’à la guerre, mais, à partir de 1926, c’est surtout René et Yvonne Allendy qui prennent le relais.

On peut parfois lire que René Allendy a analysé Artaud, ce n’est pas le cas. Allendy fut certes l’analyste de plusieurs écrivains et intellectuels : Robert Desnos, René Crevel, qui n’en garda pas un bon souvenir, Maurice Sachs, Ferdinand Alquié. Et il avait bien proposé au jeune homme de le prendre sur son divan, mais celui-ci avait refusé, au motif que cela nuirait à l’intégrité de sa conscience. Cependant, s’il ne l’a pas analysé, Allendy l’a soigné, écoutant ses délires, lui fournissant des calmants et du laudanum. Et Yvonne Allendy sera pour lui une personne très chère, une de ses « mères adoptives », ou « filles de cœur »17 comme il nommait les femmes qui comptèrent pour lui. Le couple le recevra souvent à son domicile, de jour comme de nuit. Tous deux l’aideront aussi financièrement, sollicitant par exemple le patronage de la princesse Bonaparte pour subventionner son projet de Théâtre de la Cruauté, qui n’aboutira finalement pas. Ils le présenteront à la réalisatrice Germaine Dulac, qui montera le film « La coquille et le clergyman » d’après un de ses textes. Cette œuvre de 1928 sera plus tard considérée comme le premier film surréaliste. Et surtout, ils lui ouvriront les portes du groupe d’études pour s’exprimer.

Le jeudi 6 avril 1933, une conférence d’Artaud est annoncée sur « e théâtre et la peste », qui va être reprise et développée dans Le théâtre et son Double18 . Anaïs Nin décrit la scène : la salle est comble. Des gens de tous âges, le public habituel de ces séances. Artaud commence à exposer son propos ; aux convulsions intérieures de l’être, individuel ou collectif, peut répondre un acte vital : l’agir théâtral. Et il le met en scène, représentant sa propre agonie, hurlant, délirant.

Le public est d’abord médusé, puis certains commencent à rire, d’autres à huer. Finalement, tous partent en protestant et il ne reste plus dans la salle que les Allendy et Anaïs, qui conclut ainsi : « Mais quel choc de voir un poète sensible face à un public hostile. Quelle brutalité, quelle laideur dans le public »19 !

Après la mort d’Yvonne en 1935, que le poète vivra très douloureusement, puis celle de René en 1942, Colette Allendy continuera à prendre soin d’Artaud et à le soutenir. En 1937, en route pour le Mexique, Artaud écrit à Allendy : » Nous nous reverrons, et je me souviendrai de l’appui, des appuis multiples que vous m’avez maintes fois donnés. Sachez qu’Yvonne, Colette et vous, nous sommes liés »20.

Quant à Anaïs, fidèle à son habitude, elle avait entrepris de séduire le poète, qui tomba amoureux d’elle, mais elle eut assez de bon sens pour comprendre qu’il était bien trop fragile pour que leur histoire aille plus loin. Ce qui ne fut pas le cas d’Allendy.

Séduction du divan vers le fauteuil : Anaïs Nin et ses analystes

Lire le Journal d’Anaïs Nin est une source précieuse de renseignements sur le statut et les représentations de la psychanalyse parmi l’intelligentsia des années 1930, et sur la pratique, il faut bien le reconnaître, fort peu orthodoxe au regard de nos critères contemporains, de certains d’entre eux. Mais les règles déontologiques de la profession n’étaient pas alors gravées dans le marbre.

Ce journal ne fut pas lu par les contemporains, et ne fut publié en France qu’à partir de 1969 aux éditions Stock, où il connut un incroyable succès dans les années 1970 ; Nin devint une icône du féminisme, ce qui était d’ailleurs basé sur un malentendu car elle n’était pas féministe. Les volumes qui nous intéressent sont les deux premiers, qui portent sur les années 1931-1934 et 1934-1939. Une version non expurgée du journal des années 1932-39 paraît en 1986, 9 ans après sa mort, puis en français aux éditions Stock à partir de 1995 sous le titre Journal de l’amour. Sa correspondance avec Henri Miller éclaire aussi certains aspects de cette histoire21.

Anaïs Nin commence son analyse avec Allendy en avril 1932. La jeune femme d’à peine trente ans ne va pas bien. Le couple qu’elle forme avec le banquier Hugh Parker Guiler bat de l’aile. Ils sont arrivés à Paris en 1924, puis se sont installés à Louveciennes (« une ville de province où vit madame Bovary », écrit Anaïs), dans une grande et belle maison, où elle s’ennuie, comme Emma. Son journal, qu’elle tient depuis l’abandon par son père de la famille lorsqu’elle avait neuf ans, ne lui suffit plus. Alors quoi ? Prendre un amant ? Elle est très séduisante et sait que ce sera facile. Mais celui qui vient occuper cette place, l’écrivain américain Henry Miller, va être bien plus qu’une expérience érotique ; entre eux, c’est une grande passion qui nait, et la jeune femme ne sait plus du tout où elle en est. Une de ses amies, Marguerite, lui parle de ce docteur Allendy chez qui elle est en analyse et pour qui elle fait des traductions en anglais.

Anaïs lit Le problème de la destinée, étude sur la fatalité intérieure, qu’Allendy a écrit en 1927, et est impressionnée : l’idée que des impulsions secrètes et profondes poussent les individus vers des expériences qui se répètent la frappe. La psychanalyse, elle pense savoir ce que c’est, car elle a lu Freud et Jung, mais rien ne se passe comme elle l’avait imaginé. Entrons à sa suite dans le cabinet du psychanalyste pour son premier rendez-vous.

Celui-ci est situé dans un hôtel particulier d’un quartier calme, rue de l’Assomption à Passy, au rez- de- chaussée de la maison, insonorisé par une lourde tenture chinoise brodée de fils d’or. Le docteur entre et se tient debout. Il est très grand, barbu, ses yeux, la partie la plus vivante de son visage, sont très bleus, d’un bleu doux et pourtant perçant, des yeux de voyant. La jeune femme fait son numéro mondain, elle lui parle des livres qu’elle écrit, de ceux qu’elle lit, dont les siens. Au bout d’un moment, il se lève et dit en souriant : « Eh bien, je suis heureux que vous puissiez vous tenir debout toute seule, que vous n’ayez besoin d’aucun secours »22. Touchée ! elle pleure, il se rassied, l’analyse peut commencer.

Elle débute par un transfert massif de part et d’autre. Anaïs pense qu’Allendy va la sauver de Miller, lui donner la force nécessaire pour pouvoir vivre ses passions sans en mourir. Et lui ne peut résister à son charme. Sa vie de savant, jusqu’alors sage, en est bouleversée. Le 18 août, Anaïs écrit à Henry : » La femme d’Allendy a eu un geste de désespoir et Allendy a dû partir en Bretagne pour quelques jours »23. Elle n’en semble aucunement affectée. Commence alors une ronde amoureuse dont elle est l’épicentre. Allendy est jaloux : lettre d’Anaïs à Miller » Il me force à croire que si je compare sa façon de m’aimer à la tienne, tu ne m’aimes pas du tout ». Miller est jaloux et se moque des croyances ésotériques d’Allendy. Hugh est jaloux et ne trouve d’autre solution que d’entrer en analyse avec celui qui est l’amant de sa femme. Yvonne Allendy est jalouse, mais se force à inviter la jeune femme à dîner chez elle, où celle-ci s’amuse à séduire l’éditeur Bernard Steele. Néanmoins, Anaïs comprend tout de suite, et respecte « le rôle immense qu’elle a joué dans l’ascension de son mari, une contribution secrète, sans éclat ni beauté »24. Allendy, quant à lui, parle d’Anaïs à l’amie de celle-ci, Marguerite, il lui dit que c’est un sujet très intéressant, et qu’elle est presque guérie. Pour qu’elle puisse payer ses séances sans demander d’argent à Hugh, il lui propose de faire pour lui des recherches en bibliothèque et de réécrire certains de ses articles. Et l’analyse dans toutes ces transgressions ? Eh bien, elle se poursuit, vaille que vaille. En fait, Allendy ne cède pas sur tout. Du coup, elle est en révolte, et contre lui et contre la psychanalyse, car il cherche à la faire rentrer dans un schéma théorique préétabli, et, comme Artaud, elle redoute le scalpel freudien appliqué à sa conscience.

Elle se défend en mentant à Allendy et lui joue une » comédie sophistiquée ». Mais elle a beau mentir encore et encore, il n’est pas dupe, et se montre incisif et perspicace : « Tant que vous ne pourrez pas agir avec un parfait naturel, en accord avec votre nature, vous ne serez pas heureuse (…) Vous n’êtes pas une femme fatale, vous ne serez jamais June » (l’épouse d’Henry Miller).

Mais elle aussi est très lucide, et juge : « un analyste amoureux est aussi aveugle que n’importe quel amoureux ». Lors d’une séance où ils échangent les rôles, elle sur le fauteuil et lui sur le divan, il lui fait des confidences : « Je suis passé à côté de tous les plaisirs de la vie, il y a toujours eu un voile entre la réalité et moi »25. Et lui avoue qu’il a été mal analysé par Laforgue. Entre les lignes, on comprend qu’Allendy est conscient d’avoir échoué en tant qu’analyste en cédant à l’attirance qu’elle exerçait sur lui. Il faut bien dire qu’une cure qui se termine par un inceste, celui provoqué et désiré par Anaïs avec son père, n’est pas vraiment un succès. Quant à elle, elle jubile de sa victoire, mais s’en lasse. Sa cure n’a pas duré plus un an qu’elle songe à le quitter pour faire une nouvelle tranche avec Otto Rank, l’analyste des écrivains. Ce qu’elle fait en novembre 1933. Et l’histoire recommence : Rank ne mettra pas plus de quelques mois à lui céder, comme son collègue Allendy, relativisant ainsi la faiblesse de ce dernier.

Amère victoire. Le 24 Juillet 1934, avant de partir à New York avec Rank, qui lui a proposé de la former à devenir analyste, elle écrit dans son Journal : « Puisque je ne peux pas avoir Dieu, j’aurai les analystes que le monde considère comme des hommes-dieux. Pour me prouver ma victoire. Comme j’ai eu mon père. Mais je ne me donne pas à eux. Je me garde ». Et, à son cousin Eduardo, elle dit en plaisantant : « Devrais-je aller voir Jung afin de gagner un autre trophée26 » ? Des trophées, certes, mais non la guérison à laquelle elle aspirait. Et Jung ne saura probablement jamais à quoi il a échappé.

Elle a vécu tout ce qu’elle voulait vivre, elle a joué à des jeux dangereux, alors, à quoi bon continuer ? Bientôt en effet s’arrêtera son histoire d’amour et de guerre avec l’analyse et les analystes. Mais pas sa vie d’écrivaine et surtout de diariste. Entre l’écriture et l’analyse, elle a choisi l’écriture.

Capitalisme et Sexualité

Même si son épouse l’a aidé dans la rédaction de plusieurs de ses ouvrages, Capitalisme et sexualité, qui paraît chez Denoël et Steele en 1932, est le seul livre signé de leurs deux noms : R. et Y. Allendy. Il est piquant de remarquer qu’il sort en mars, juste avant qu’une bourrasque prénommée Anaïs ne vienne souffler sur leur couple. Du fait de son titre, on peut être tenté de faire de cet ouvrage un précurseur du freudo-marxisme, mais les auteurs, s’ils se réfèrent à Freud et à Marx, ne mentionnent jamais Wilhelm Reich. Deux livres de ce dernier, La fonction de l’orgasme et L’analyse caractérielle sont bien parus en 1927, mais ils ne sont pas encore traduits en français.

Compte tenu du sujet, le mode d’écriture conjoint du livre est très remarquable. Selon Charles Baudouin, il fut, à sa sortie, très discuté et controversé. La crise économique de 1929, et les avantages et les limites de l’expérience soviétique en constituent la toile de fond. Allendy n’est pas communiste, mais, de tous les membres du groupe des psychanalystes français, il est incontestablement le plus à gauche et celui qui s’est le plus penché sur les relations entre la psychanalyse et le monde social. Il adhère par exemple à « Paix et Démocratie », mouvement de soutien aux républicains espagnols en 1936. Le sous-titre du livre est : « Le conflit des instincts et les problèmes actuels ». Sont abordés les conflits à vaincre pour devenir un être social, qui ne sont pas les mêmes pour l’homme et pour la femme, car cette dernière subit une double servitude : sexuelle et sociale.

La civilisation a donné à nos contemporains une orientation vicieuse : la religion les a détournés de la sexualité normale, et la finance a maintenu régressivement leur intérêt sur l’argent et la possessivité. Il faut rendre à l’amour sa valeur véritable, et accentuer le développement de l’oblativité pour échapper au danger d’une névrose générale27.

Les auteurs cherchent à étayer cette thèse en analysant trois institutions : le mariage, la prostitution et la procréation. Le mariage bourgeois fait passer les considérations financières avant les motions affectives ; la prostitution et le concubinage sont la conséquence directe du patriarcat et de la monogamie. La prostitution n’est qu’un substitut temporaire de l’esclavage, mais peut aussi être une vengeance de l’esclave contre le maître, car selon les auteurs presque toutes les prostituées sont frigides, et refusent aux hommes des sentiments amoureux. La réglementation ne réglera pas le problème car, en voulant réglementer la prostitution, la société la consacre.

La voie royale pour la résolution de cette crise de la société capitaliste, qui place hommes et femmes en conflit avec leurs instincts, doit passer par la libération de la femme et conjointement l’effondrement du capital. Les réformes doivent être globales : limitation de la propriété individuelle, du rôle de la religion qui fait le lit de la névrose, assistance efficace à tout individu dans le besoin, abolition du mariage arrangé et promotion de l’union libre, généralisation du Birth Control, et prise en charge en partie par la collectivité du soin et de l’éducation des enfants. Toutes ces réformes sont, selon eux, partiellement réalisées par l’expérience soviétique y compris l’avortement, qui est légal et pratiqué dans des établissements spéciaux.

On conçoit à quel point de tels propos peuvent, à l’époque, hérisser beaucoup de lecteurs. Pour nous, ils sont courageux et parfois prémonitoires. Les Allendy par exemple estiment qu’il faut réduire le temps de travail pour éviter la surproduction et le chômage, qu’il faut lutter contre ceux qui prônent l’augmentation de la natalité, qui ne peut conduire qu’à la guerre. Ils ne sont cependant pas optimistes. Ils souhaitent que le mouvement d’émancipation des femmes continue à se développer, mais celles-ci sont-elles prêtes à se libérer de leurs chaînes ? Ils citent les propos de deux femmes intellectuelles, journalistes et écrivaines : Jeanne Galzy : « En toute femme, il y a un besoin naturel de protection, et peut-être de servitude » et Maryse Choisy : « Nous revêtons la liberté comme on change de souffrance, comme on abandonne le rythme de ses jours ou de ses douleurs passées, avec la robe qu’on a portée au printemps et qu’on ne remettra jamais plus ».

Bien sûr, ces femmes sont des bourgeoises, des privilégiées, et les femmes prolétaires trouvent probablement moins de charme à leur servitude. Mais les conditions dans lesquelles elles vivent rendent difficile leur expression sociale organisée. De ce fait, estiment-ils, « la question de la dépendance des femmes devra être résolue comme celle de l’esclavage l’a été, en dehors de la participation des intéressées28 ». Ce sera à l’État de modifier les mœurs par les lois, comme l’ont fait les soviétiques.

Comment les contemporains ont-ils reçu ces propos ?

Le livre a obtenu un certain succès : tiré à 10 000 exemplaires, il est vite épuisé, mais ne sera pas réédité. Il fait l’objet de comptes-rendus succincts dans L’Intransigeant, L’œil de Paris, Les Nouvelles Littéraires, Gringoire, Le Mercure de France. Plusieurs commentateurs moquent la naïveté politique des auteurs : « Il est bien dommage qu’un auteur de la valeur du Dr Allendy, à qui nous devons déjà tant de beaux livres, sains et justes, soit tombé victime d’une épidémie mentale dont le foyer se trouve à Moscou ». (L’Astrosophie, 21 mai 1932).

Comme il se doit pour un collègue, le livre est présenté, sur deux pages, dans la Revue Française de Psychanalyse (n° 5, 1932, p. 457- 459), par Henri Bonifas. L’hommage est mesuré. Il s’agit, écrit le commentateur, d’un ouvrage plein de science, de courage et d’émotion, d’un cri d’alarme face à la subordination actuelle de la vie affective à la vie économique. Mais les solutions proposées sont bien utopiques, et les auteurs, s’ils s’efforcent de présenter les tentatives soviétiques sous un jour plus sympathique que ne le font les journaux bourgeois, ne convainquent pas pour autant.

Un peu plus tard, dans son Journal, Anaïs Nin note, à propos d’un article où Allendy reprend certains thèmes du livre : « Les marxistes tiennent Allendy pour un gauchiste douteux parce qu’il a fait paraître un article sur « Sexualité et Capitalisme » dans une revue médicale. Ils ont appelé cela de « l’exploitation des appétits bourgeois », alors qu’Allendy remplissait seulement sa fonction médicale, ses observations de docteur.29 » Les Allendy ont touché là une matière politique très inflammable. En revanche, malgré sa modernité, le livre n’a pas eu d’écho dans l’univers du féminisme ni lors de sa publication, ni plus tard30.

Vulgariser la psychanalyse dans le Crapouillot

Publier dans une telle revue participe d’une démarche qu’Allendy partage avec René Laforgue, qui consiste à faire descendre la psychanalyse « du ciel des idées jusque dans la rue31 », pour qu’elle devienne ainsi un bien commun, et non un domaine réservé à une élite cultivée. En voici quelques exemples. En 1929, tous les deux ont participé au Congrès de Psychologie Appliquée organisé à Paris par l’Institut Pelman32. Allendy y a présenté une communication très remarquée : « Application des méthodes psychanalytiques à la publicité ». Il y critique les méthodes publicitaires, qui ne s’adressent qu’au conscient par la persuasion. Il propose de parler à l’inconscient des consommateurs en utilisant des images qui possèdent, dans la langue symbolique de l’inconscient, une valeur affective d’autant plus forte que le conscient ne les perçoit pas, telles les images du rêve.

Cette même année 1929, il participe au Congrès d’Organisation Scientifique du Travail où son exposé sur « Le rôle de la psychologie de l’inconscient en orientation » suscite un débat houleux. Allendy y reprend des idées qu’il a déjà développées dans Le problème de la destinée, sur le rôle des motions inconscientes dans les choix existentiels. Et, comme celles des publicitaires, il critique les méthodes des orienteurs : selon lui, celles-ci et en particulier les tests, qu’ils soient sensoriels, moteurs ou intellectuels, ne peuvent servir, au mieux, qu’à des contre-indications. Les indications positives ne peuvent être obtenues que par une méthode qui prenne en compte la personnalité tout entière. Il admet que l’application stricto sensu de la cure psychanalytique n’est pas possible en orientation, mais que certaines méthodes permettent d’approcher ces motions inconscientes, le test des mots inducteurs de Jung par exemple33. En tout état de cause, si l’orientation professionnelle peut, comme l’éducation, être une prophylaxie de la névrose, elle ne doit, en aucun cas, être une simple adaptation de la main d’œuvre aux besoins du commerce et de l’industrie. Le rédacteur qui fait le compte-rendu du congrès pour la Revue de la Science du Travail évoque une « véritable offensive de la psychanalyse contre la psychotechnique ». Allendy, militant, ne sert pas toujours les causes qu’il défend.

En mai 1938, paraît un numéro spécial du Crapouillot34 sur « Le crime et les perversions instinctives ». Allendy a déjà publié, pour le même périodique, en 1937, « Les conceptions modernes de la sexualité ». Ce journal a été créé par Jean Galtier - Boissière au cours de la Grande Guerre pour lutter contre le bourrage des crânes dans les tranchées et à l’arrière. Après la guerre, il devient un mensuel artistique et littéraire où publient des écrivains francs-tireurs, comme Francis Carco ou Pierre Mac Orlan. Le ton est satyrique et anarchiste, et les contributeurs vont de l’extrême gauche au maurrassisme. Galtier - Boissière est un journaliste pacifiste, plutôt situé à gauche, il est aussi un collaborateur du Canard Enchaîné, mais se rapprochera progressivement de l’extrême droite. Depuis 1930, Le Crapouillot est un bimensuel publié sous forme de numéros spéciaux, pour la plupart à caractère politique.

Si les communistes avaient pu reprocher au psychanalyste d’exploiter les appétits bourgeois, une telle publication ne va pas les faire changer d’avis. La lecture du numéro sur le crime procure en effet un sentiment de malaise ; l’iconographie est racoleuse : scènes de meurtres sanglants, de viols, d’étranglements, photos du criminel, de la victime ou de ce qu’il en reste, de la chambre du crime. En fait, il y a une discordance entre la qualité du propos et les illustrations. Les références criminologiques sont sérieuses : Max Nordau, Etienne de Greef, Cesare Lombroso, dont Allendy conteste la théorie du type criminel atavique, Lacassagne… Quant à la psychanalyse, elle a permis, selon l’auteur, de comprendre le jeu des instincts, leur part dans l’acte criminel, et de pouvoir peser sur l’appréciation médico-légale de la responsabilité des prévenus. Les affaires récentes, les sœurs Papin, Landru, Violette Nozière, sont longuement présentées et analysées. Concernant l’affaire Nozière, qui défraie toujours la chronique, parmi tous les psychiatres qui se sont penchés sur le cas de Violette (Georges Heuyer, Gilbert Robin …), Allendy est le seul à croire la jeune fille lorsqu’elle affirme avoir été violée par son père. Selon lui, c’est le conflit psychique de l’inceste qui l’a conduite à empoisonner ce dernier. Et il dénonce « l’odieuse partialité avec laquelle cette affaire a été présentée » (Le Crapouillot,1938, p. 48). Il est intéressant de noter que dans ces années 1930, en partie sous l’influence de cette affaire, le freudisme entre dans le portrait de la jeune fille moderne, incarnée sur son versant noir par Violette : la « freudienne » a remplacé la » garçonne », sur fond de crise de l’autorité et de remise en question de l’ordre des sexes.35

Au fil de la lecture, une véritable doctrine criminologique éclairée par la psychanalyse apparaît, ainsi qu’une politique à l’égard des criminels. La prévention d’abord. Elle passe avant tout par la protection des enfants. » Tous ceux qui exercent des cruautés et des violences excessives à l’égard des enfants, parents, pédagogues, sont les véritables pourvoyeurs de l’armée du crime ». Allendy soutient activement la campagne de presse d’Alexis Danan, un journaliste qui dénonce alors les conditions scandaleuses et barbares de la prise en charge des mineurs délinquants au sein des « bagnes d’enfants ». Il revient sur plusieurs notions qu’il a déjà abordées dans Capitalisme et Sexualité : un développement harmonieux de la sexualité liquiderait une grande partie des dispositions sauvages des instincts. Puis il aborde la question de la prophylaxie sociale et des sanctions. En accord avec Marie Bonaparte36, il est un adversaire déterminé de la peine de mort. Les sanctions pénales sont un compromis entre le désir de vengeance et la nécessité de défense sociale, deux conceptions étrangères l’une à l’autre, d’où le caractère illogique et choquant de certaines condamnations. Si le criminel est un malade plutôt qu’un pervers foncier, il faut s’en protéger, certes, mais aussi tenter de le soigner. C’est donc la médicalisation du crime qu’il propose, c’est-à-dire un traitement psychiatrique au sein d’asiles prisons, et un suivi à la sortie, comme le font par exemple les Belges au sein du mouvement de Défense Sociale. Mais il a conscience du fossé qui existe entre ses propositions et la réalité et conclut, désabusé : « La société fabrique ses révoltés et ses inadaptés, elle a exactement les criminels qu’elle mérite ».

Sur ce thème encore, ses convictions, dont beaucoup évoquent des débats toujours actuels, n’ont pas dû rencontrer une franche adhésion. Il poursuivra ce plaidoyer pour l’enfance et ce réquisitoire contre ceux qui en ont la charge dans un de ses derniers ouvrages, L’enfance méconnue, qui paraît juste avant sa mort dans la collection « Action et Pensée »37 de son ami Charles Baudouin.

Dans tous ces domaines, Allendy se montre précurseur. Contrairement à Freud, il n’hésite pas à franchir la barrière qui sépare le descriptif du prescriptif. Ce faisant, il lève bien des tabous, et il choque. Mais on peut souligner que, comme sa collègue Marie Bonaparte, il témoigne d’une véritable foi dans les capacités de la psychanalyse à s’attaquer, non seulement à la névrose individuelle, mais aussi aux questions sociales.

La triste fin de l’histoire

Après la mort d’Yvonne, Allendy n’est plus le même homme. Il continue ses activités de thérapeute et publie encore beaucoup, mais quelque chose en lui est brisé. La guerre l’a durement éprouvé. Après l’armistice, il s’est réfugié dans le midi, à Montpellier, auprès de son ami le professeur Pagès. Ce dernier lui permet de donner quelques cours à la Faculté de médecine, mais il ne peut pas exercer, car on lui refuse l’inscription au Conseil départemental de l’ordre des Médecins de l’Hérault, à cause de la consonance juive de son nom. Il apprend qu’il a été dénoncé à la Gestapo comme juif et communiste, « une dénonciation de source française », écrit Marguerite Frémont ; et il constate : « Ainsi, cette rumeur, venue de Paris, m’enveloppait depuis longtemps, et j’étais le seul à l’ignorer »38. Sa maison d’Auteuil a été pillée et mise sous scellés, et il subit toute sorte de tracasseries administratives pour prouver son ascendance aryenne. Il continue quand même à recevoir quelques patients en analyse, mais il est malade et ses forces déclinent.

Entre le 13 février 1942 et le 10 juillet 1942, il écrit le Journal d’un médecin malade, sous-titré Six mois de lutte avec la mort39. Ce livre, très touchant, est dédié à deux de ses amis : Joseph et Caroline Delteil, un autre couple d’intellectuels. Il y tient la chronique minutieuse de son agonie : il souffre d’une néphrite hypertensive et, au cours de ces mois, alternent des périodes de souffrances et de soulagement. Il cherche désespérément, en revenant sur son enfance, à trouver les sources psychiques de sa maladie, particulièrement lors de la période du sevrage. Mais il est bien mal entouré, d’une horde de morticoles et d’astrologues, qui lui prescrivent les régimes les plus farfelus (lacté, à base de graines, hydrique etc…) et lui promettent la guérison lorsque les planètes seront mieux alignées dans son ciel. L’une des femmes qui l’entourent et prennent soin de lui (Caroline D., probablement Delteil) trouve qu’il est mal soigné et devrait consulter un « vrai » médecin. Si, comme l’avait cruellement noté Anaïs Nin, un analyste amoureux est aussi aveugle que n’importe quel amoureux, un médecin malade semble aussi crédule que n’importe quel malade. Lorsqu’il ne peut plus écrire, il dicte à celle qu’il nomme Marie et qui l’assiste, le 11 juin par exemple, ceci : « Médecins et amis sont d’accord pour trouver que je vais mieux ». Mais il est conscient de se laisser envahir par un désir de mort. Lui qui toute sa vie a réfléchi aux liens entre le corps et l’âme, et à l’influence du psychique sur la guérison, a trouvé sa limite ultime.

Allendy est mort le 12 juillet 1942. Aujourd’hui, on ignore toujours qui était à l’origine de cette dénonciation à la Gestapo par un de ses collègues, il s’agit d’une des zones d’ombre qui pèsent encore sur l’histoire du groupe psychanalytique français.

1 Maurice Sachs (1937), Au temps du Bœuf sur le toit, Paris, Grasset, Les Cahiers rouges, 2022, p. 254.

2 Serge Moscovici, La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, Bibliothèque de psychanalyse, 1976.

3 Nicole Geblesco, « René Allendy ou Paracelse psychanalyste », Mélusine, Cahier du Centre de recherches surréalistes, éd. L’âge d’Homme, 13, 1992, p.

4 Charles Baudouin, Jean Desplanques, René Jaccard, René Allendy 1889-1942, ed. du Mont-Blanc, Genève, 1945.

5 Jacques Poisson, « Littérature moderne et psychanalyse », La Vie des lettres et des arts, XIV, avril 1923, p. 71-74 et « Cinéma et Psychanalyse »

6 Sachs, op.cit. p. 225.

7 La théosophie, qui occidentalise l’hindouisme et le boudhisme, suscita très vite l’intérêt des psychanalystes et des psychiatres, Laforgue, Allendy

8 Jules Romains, « Aperçu de la psychanalyse », NRF, XVIII, p. 5-20.

9 On en trouve des extraits dans la revue Midi, n° 29, juin 2009.

10 Correspondance Freud-Laforgue, 1923-1934, présentée par André Bourguignon, Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 15,1977, p. 252.

11 Marguerite Frémont, La vie du Dr René Allendy 1889-1942, Castelneau-Les-Lez, Climats, 1994.

12 Lettre de Charles Baudouin à son épouse, juin 1929 : « J’ai passé hier une bonne soirée chez Rank. J’ai eu la surprise d’y rencontrer madame

13 Anaïs Nin, Journal 1931-1934, Paris, Stock, 1969, p. 233.

14 Anaïs Nin et Henry Miller, Correspondance passionnée, Paris, Stock, 1989, p. 232.

15 Maurice Sachs, 1937, op.cit. p. 152.

16 Annick Ohayon , Psychologie et psychanalyse en France. L’impossible rencontre (1919-1969), Paris, La Découverte, 2006, p. 26-36.

17 Nicole Goblesco, art.cit. p. 209.

18 Antonin Artaud, Le théâtre et son double, NRF, Gallimard, 1938.

19 Nin, op. cit. 1969, p. 279.

20 Antonin Artaud, Œuvres, Tome VIII, Gallimard, p. 368.

21 Anaïs Nin et Henry Miller,1989 op.cit.

22 Nin, op.cit. 1969, p. 116.

23 Nin et Miller, op.cit., p. 177.

24 Anaïs Nin, Journal de l’amour, La Pochothèque, 2003, p. 127.

25 Nin, op.cit., 1969, p. 279.

26 Anaïs Nin, op.cit., 2003, p. 403-404.

27 René et Yvonne Allendy, Capitalisme et Sexualité, Paris, Denoël et Steele, 1932, p. 15.

28 Allendy, op. cit. 1932, p. 270-271.

29 Anaïs Nin, Journal, 1934-1939, Paris, Stock, 1970, p. 414.

30 On peut cependant le trouver à la Bibliothèque Marguerite Durand.

31 Il s’agit du terme que Laforgue utilisera plus tard pour donner ce conseil à deux de ses élèves, qui le mettront en pratique : Ménie Grégoire et

32 Annick Ohayon, op.cit. p. 148-160. Le pelmanisme est une doctrine et une pratique d’entraînement mental visant à l’épanouissement de la

33 Ce test peut être considéré comme une des toutes premières épreuves projectives et Jung l’a construit comme un moyen d’approche expérimental de l’

34 Le crapouillot, en langage populaire désigne un petit crapaud. Lors de la Grande Guerre, c’est aussi le surnom que les poilus donnèrent à un obus

35 Anne-Emmanuelle Demartini, « Du freudisme autour d’un crime. L’affaire Violette Nozière », Sociétés et représentations, 2017/1, 43, p. 65-81.

36 Position que Marie Bonaparte a exposée dans « Le cas de Mme Lefebvre », dans le premier numéro de La Revue Française de Psychanalyse, et qu’elle

37 Editions du Mont-Blanc, Genève.

38 Journal d’un médecin malade, Denoël, 1944, p. 142.

39 Publié par sa deuxième épouse Colette.

Notes

1 Maurice Sachs (1937), Au temps du Bœuf sur le toit, Paris, Grasset, Les Cahiers rouges, 2022, p. 254.

2 Serge Moscovici, La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, Bibliothèque de psychanalyse, 1976.

3 Nicole Geblesco, « René Allendy ou Paracelse psychanalyste », Mélusine, Cahier du Centre de recherches surréalistes, éd. L’âge d’Homme, 13, 1992, p. 207-222. Eric Dussert, « Les yeux d’Allendy », Le Matricule des Anges, 31, juillet 2000. Nils Gascuel, « L’arcane d’Allendy », in Dans le midi de Lacan, Erès, 2015, p. 91-101.Bernard Chouvier, « La psychanalyse au risque d’ Anaïs Nin », Cliniques Méditérranéennes,80, 2009, p. 127-142. Alain de Mijolla (Ed.), « Psychanalyse et histoire », Revue Internationale d’histoire de la Psychanalyse, 6, 1994.5 articles de ce numéro concernent Allendy : Moufid Assabgui, « Allendy : sa dernière œuvre à Montpellier », p. 337-341 ; Pierre Decourt, « René Allendy ou l’avenir d’un malentendu », p. 353-369 ; Marguerite Frémont, « Dr René Allendy, 19 février 1889, 12 juillet 1942 », p. 343-352 ; Jacques Hochmann, « René Allendy et la médecine des impondérables », p. 371-380 ; Françoise Wilder, « Passage de René Allendy à Montpellier », p. 381-388.

4 Charles Baudouin, Jean Desplanques, René Jaccard, René Allendy 1889-1942, ed. du Mont-Blanc, Genève, 1945.

5 Jacques Poisson, « Littérature moderne et psychanalyse », La Vie des lettres et des arts, XIV, avril 1923, p. 71-74 et « Cinéma et Psychanalyse », Les cahiers du mois, 16-17, 1925, p. 175-176.

6 Sachs, op.cit. p. 225.

7 La théosophie, qui occidentalise l’hindouisme et le boudhisme, suscita très vite l’intérêt des psychanalystes et des psychiatres, Laforgue, Allendy, Maryse Choisy, Robert Desoille, créateur du rêve éveillé dirigé, et Françoise Dolto entre autres.

8 Jules Romains, « Aperçu de la psychanalyse », NRF, XVIII, p. 5-20.

9 On en trouve des extraits dans la revue Midi, n° 29, juin 2009.

10 Correspondance Freud-Laforgue, 1923-1934, présentée par André Bourguignon, Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 15,1977, p. 252.

11 Marguerite Frémont, La vie du Dr René Allendy 1889-1942, Castelneau-Les-Lez, Climats, 1994.

12 Lettre de Charles Baudouin à son épouse, juin 1929 : « J’ai passé hier une bonne soirée chez Rank. J’ai eu la surprise d’y rencontrer madame Sokolnicka, qui, pas plus qu’Allendy, ne croit déchoir en gardant des relations amicales avec Rank, que leur société, en tant que société, exclut de leur sein. » Fonds Baudouin, Genève, C.R. Msfr, 5966/3, X.

13 Anaïs Nin, Journal 1931-1934, Paris, Stock, 1969, p. 233.

14 Anaïs Nin et Henry Miller, Correspondance passionnée, Paris, Stock, 1989, p. 232.

15 Maurice Sachs, 1937, op.cit. p. 152.

16 Annick Ohayon , Psychologie et psychanalyse en France. L’impossible rencontre (1919-1969), Paris, La Découverte, 2006, p. 26-36.

17 Nicole Goblesco, art.cit. p. 209.

18 Antonin Artaud, Le théâtre et son double, NRF, Gallimard, 1938.

19 Nin, op. cit. 1969, p. 279.

20 Antonin Artaud, Œuvres, Tome VIII, Gallimard, p. 368.

21 Anaïs Nin et Henry Miller,1989 op.cit.

22 Nin, op.cit. 1969, p. 116.

23 Nin et Miller, op.cit., p. 177.

24 Anaïs Nin, Journal de l’amour, La Pochothèque, 2003, p. 127.

25 Nin, op.cit., 1969, p. 279.

26 Anaïs Nin, op.cit., 2003, p. 403-404.

27 René et Yvonne Allendy, Capitalisme et Sexualité, Paris, Denoël et Steele, 1932, p. 15.

28 Allendy, op. cit. 1932, p. 270-271.

29 Anaïs Nin, Journal, 1934-1939, Paris, Stock, 1970, p. 414.

30 On peut cependant le trouver à la Bibliothèque Marguerite Durand.

31 Il s’agit du terme que Laforgue utilisera plus tard pour donner ce conseil à deux de ses élèves, qui le mettront en pratique : Ménie Grégoire et Françoise Dolto (entretien avec Ménie Grégoire).

32 Annick Ohayon, op.cit. p. 148-160. Le pelmanisme est une doctrine et une pratique d’entraînement mental visant à l’épanouissement de la personnalité. L’Institut français délivre des cours par correspondance et publie une revue, La Psychologie et La Vie, à laquelle Laforgue, Allendy et Charles Baudouin contribuent.

33 Ce test peut être considéré comme une des toutes premières épreuves projectives et Jung l’a construit comme un moyen d’approche expérimental de l’inconscient. Il est composé d’une série de cent mots. Pour chacun d’entre eux, on demande au sujet d’associer le premier mot qui lui vient à l’esprit. Sont analysés les types d’association, les temps de réaction à certains mots inducteurs, les silences. Il n’est plus utilisé aujourd’hui, sa validité n’ayant pas été prouvée.

34 Le crapouillot, en langage populaire désigne un petit crapaud. Lors de la Grande Guerre, c’est aussi le surnom que les poilus donnèrent à un obus de mortier.

35 Anne-Emmanuelle Demartini, « Du freudisme autour d’un crime. L’affaire Violette Nozière », Sociétés et représentations, 2017/1, 43, p. 65-81.

36 Position que Marie Bonaparte a exposée dans « Le cas de Mme Lefebvre », dans le premier numéro de La Revue Française de Psychanalyse, et qu’elle défendra tout au long de sa vie. Allendy témoignera dans ce sens en 1939 lors du procès du jeune tueur en série allemand Weidmann. Mais en vain, Weidmann, « l’assassin aux yeux de velours » célébré par Jean Genet, sera guillotiné en juin 1939.

37 Editions du Mont-Blanc, Genève.

38 Journal d’un médecin malade, Denoël, 1944, p. 142.

39 Publié par sa deuxième épouse Colette.

Citer cet article

Référence électronique

Annick Ohayon, « Jeter des ponts entre psychanalyse et société : l’œuvre des Allendy  », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2022, mis en ligne le , consulté le 20 avril 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=3412

Auteur

Annick Ohayon

Annick Ohayon est historienne de la psychologie. Maître de conférence honoraire à l’université de Paris 8, elle est membre correspondant du Centre Alexandre Koyré, Centre d’histoire des sciences et des techniques.Elle a publié entre autres :Psychologie et psychanalyse en France. L’impossible rencontre, 1919-1969. Paris, La Découverte, 1999, rééd. La Découverte/ Poche 2006.L’Éducation nouvelle, histoire, présence et devenir, Peter Lang, 2004, rééd.2007 (avec Dominique Ottavi et Antoine Savoye).Histoire de la psychologie en France. XIXe-XXe siècles, La Découverte, 2006 (avec Jacqueline Carroy et Régine Plas). La Psychologie en questions. Idées reçues sur la psychologie, Le Cavalier bleu, 2011 (avec Régine Plas). » D’épouse dévouée à professeur de faculté. Itinéraires de quelques femmes psychologues des années 1930 aux années 1960 », Revue d’histoire des sciences humaines, « Carrières de femmes », 35, 2019, p. 135-150.