Jouer la sexualité

Émergence et circulation des jeux vidéo sexuels aux États-Unis, au Japon et en Europe (1981 – années 2000)

Playing sexuality: emergence and circulation of sexual video games in the United States, Japan, and Europe (1981 - 2000s)

DOI : 10.56698/rhc.1781

Résumés

États-Unis, Europe et Japon deviennent à partir des années 1980 les trois pôles de la production de jeux vidéo traitant explicitement de sexualité. Ces derniers, qu’ils reprennent des modalités ludiques éprouvées en les recouvrant d’un vernis sexualisé, ou qu’ils tentent une véritable ludification de la sexualité, figurent tous des représentations sexuelles adressées à un public masculin et hétérosexuel. Ils émergent pourtant sous l’influence de contextes sociaux et culturels très différents. L’historiographie, anglo-saxonne notamment, s’est penchée sur les productions américaines comme japonaises. Pourtant, en traitant séparément les productions nationales, l’état de la recherche laisse dans l’ombre un paradoxe qu’une approche transnationale peut permettre de lever : dans une période marquée par l’intensification des circulations vidéoludiques et le décloisonnement des productions nationales, les jeux traitant de sexualité, à quelques exceptions près, ne circulent pas entre régions du monde. Cet article propose d’expliquer cet état de fait en mettant en avant des raisons liées à la structure de l’industrie, mais aussi à une prégnance particulière des héritages culturels locaux et une divergence entre régions du monde quant à ce qui peut être toléré en matière de représentations sexuelles.

In the 1980s, the United States, Europe and Japan became the three poles of the production of explicitly sexual video games. These games, whether they reuse tried and tested gameplays in a sexualized way, or whether they attempt a real gamification of sexuality, all feature representations of sex aimed at a male and heterosexual audience. Yet they emerge under the influence of very different social and cultural contexts. Historiography has focused on both American and Japanese productions. However, by treating national productions separately, the state of knowledge leaves in the shadows a paradox that a transnational approach can help to overcome: in a period marked by the intensification of videogame circulations and the decompartmentalization of national productions, games dealing with sexuality, with a few exceptions, do not circulate between regions of the world. This article proposes to explain this situation by pointing out the structure of the industry, but also a specific influence of local cultural heritages and a divergence between regions of the world about what can be tolerated in terms of sexual representations.

Index

Mots-clés

Jeu vidéo ; sexualité ; eroge ; gameplay ; pornographie

Plan

Texte

Étudier les représentations de la sexualité dans le jeu vidéo incite en premier lieu l’historien à éclairer la manière dont un nouveau médium peut être détourné de ses usages attendus dans une optique sexuelle. La démarche n’est toutefois pas si novatrice qu’il y paraît : la profusion des images qui caractérise la période contemporaine a reposé sur l’invention de multiples supports, et les historiens comme les spécialistes de ces médias ont bien montré combien, qu’il s’agisse notamment de la photographie1 ou du cinéma2, l’apparition d’un usage sexualisé du médium est dans chaque cas quasi-contemporaine de l’invention de celui-ci.

Le jeu vidéo, cas moins bien connu qui nous occupera ici, ne déroge pas à la règle, même si le délai est un peu plus long que dans les cas précédents : il faut attendre une dizaine d’années entre la commercialisation de Pong3, premier jeu vidéo grand public, en 1972, et les premiers jeux traitant de sexualité4. Ce délai s’explique moins par le caractère rudimentaire et marginal de la production – qui n’a nullement été un problème pour les premiers photographes et cinéastes érotiques – que par la structure d’un marché commercial à visée familiale. Les années 1981-1982 marquent toutefois le début d’une production relativement foisonnante – bien que très minoritaire – de jeux vidéo à caractère sexuel, dans un marché alors en pleine expansion. Or, on peut constater d’emblée que cette apparition a lieu à la même période en différents points du globe : elle est concomitante aux États-Unis, alors pôle principal du marché vidéoludique, et au Japon, qui s’apprête à émerger sur celui-ci lors de la décennie suivante. L’Europe, troisième pôle majeur du monde du jeu vidéo, leur emboîte le pas quelques années plus tard5. Jusqu’au milieu des années 20006, marquées par une recomposition des pratiques (jeu en ligne, intensification des circulations underground, culture du modding7…), les jeux vidéo traitant de sexualité forment une frange non-négligeable de la production vidéoludique, et prennent des formes diverses, allant du pastiche sexualisé de jeux existants à de véritables simulations sexuelles8.

Cet article a pour objectif d’analyser la diversité de ces productions vidéoludiques, en se plaçant dans une perspective transnationale qui étudiera les productions américaines, européennes et japonaises, soit les trois régions qui dominent alors le marché vidéoludique, et surtout les circulations entre ces pôles. Si en France, ces jeux n’ont pas été explorés par les chercheurs, quand bien même des studios français ont produit plusieurs jeux érotiques, la recherche anglo-saxonne s’est penchée sur les productions américaines comme sur les productions japonaises9. Au Japon, des travaux ont également tenté d’éclairer un marché national des jeux sexuels particulièrement dynamique10. Néanmoins, l’état de la recherche actuel, en traitant séparément les différentes productions nationales, laisse dans l’ombre un paradoxe que nous nous proposons de lever : dans une période marquée par l’intensification des circulations vidéoludiques et le décloisonnement des productions nationales, les jeux traitant de sexualité, à quelques exceptions près, circulent peu entre régions du monde.

Aux États-Unis, un usage obscène de la machine

Le premier jeu vidéo sexuel à être commercialisé aux États-Unis semble être Softporn Adventure11 en 1981, un jeu d’aventure textuel. Il apparaît dans le contexte d’une industrie vidéoludique américaine qui domine alors sans partage un marché naissant et instable12. L’apparition de productions à caractère sexuel se présente alors comme le dernier développement d’une industrie en expansion : parmi les studios qui en éditent, on trouve de nombreux acteurs venus du jeu conventionnel, comme On-Line Systems, éditeur du jeu susnommé, qui devient par la suite Sierra On-Line, un éditeur majeur des années 1980-1990, ou bien le plus confidentiel Free Spirit Software, qui se spécialise tant dans les jeux sexuels que dans les jeux… éducatifs. Cette filiation directe avec l’écosystème du jeu vidéo se voit également dans les formes ludiques proposées : nombreux sont les jeux sexuels qui reprennent le gameplay de succès du jeu vidéo, qu’il s’agisse du jeu textuel déjà évoqué, du casse-briques dans le cas de Bachelor Party13, ou de Space Invaders dans celui d’Astrotit14. D’autres jeux reprennent aussi le principe de jeux de plateau15, comme l’ont fait dès l’origine les jeux vidéo conventionnels.

Pourtant, ces jeux sexuels s’attirent rapidement une mauvaise réputation dans le monde du jeu vidéo, symbolisée par le refus d’Atari, constructeur de consoles et géant du secteur, d’autoriser leur diffusion sur sa console de salon Atari 2600 – ce qui n’empêche alors pas leur commercialisation sans licence. Les critiques dénoncent généralement la mauvaise qualité des jeux, notamment au début de la période. Cela est dû au fait que ces productions étaient en décalage avec le public visé par le secteur, alors plutôt familial, en particulier concernant le jeu sur console16.

Cette acclimatation relativement difficile des contenus sexuels à l’industrie vidéoludique américaine s’explique par un certain conflit avec l’autre secteur qui a influencé la création des jeux pour adultes : la pornographie. Lors de la commercialisation des premiers jeux, le monde de la pornographie américaine traverse son « âge d’or »17, symbolisé par des productions à gros budget, projetées dans les cinémas conventionnels, dont l’emblématique Deep Throat en 1972 et son succès au box-office. C’est cette démocratisation de la pornographie qui rend possible l’apparition des jeux vidéo de sexe, autant sur le plan moral, avec la libéralisation de la censure, que sur un plan plus pratique. En effet, les studios pornographiques ne sont pas indifférents à l’apparition du jeu vidéo, au point de tenter de s’immiscer dans ce nouveau marché : l’éditeur de jeux vidéo sexuels Mystique, prolifique entre 1982 et 1983, est ainsi une filiale du studio pornographique Caballero Control Corporation. Les contenus des jeux sont eux aussi influencés par les codes de la pornographie d’alors : Softporn Adventure lui-même, qui inaugure le genre, remobilise le « porno chic » en combinant dans son intrigue, mais aussi sur la boîte du jeu, jacuzzi, champagne et filles dénudées.

Les jeux de sexe se multiplient dans les années 1981-1983, en restant largement underground, et distribués « behind the counter » dans les boutiques spécialisées, hors de la vue des clients et en particulier des plus jeunes18. Toutefois, un rapide changement de contexte tant sur le marché du jeu vidéo que sur celui de la pornographie bouleverse le secteur naissant. Premièrement, le marché vidéoludique américain est secoué par une violente crise en 1983, qui laisse le secteur exsangue pour le reste des années 198019. Atari passe au bord de la faillite, laissant la place aux consoles de Nintendo, mieux protégées et destinées aux enfants, où les jeux pour adultes n’ont pas leur place. Les producteurs de jeux de sexe, s’ils ne sont pas balayés par la crise, se rabattent sur le marché du jeu sur ordinateur, plus adulte et masculin. La production se réduit durablement face notamment à l’impossibilité de toucher le marché des consoles, qui porte alors le secteur. Deuxièmement, du côté de l’industrie pornographique, les années 1980 marquent la fin de l’âge d’or et de l’accessibilité des films dans les cinémas ordinaires. L’industrie se rabat sur la cassette vidéo et la pornographie se consomme alors davantage à domicile20. Le jeu vidéo, en particulier sur ordinateur, s’inscrit bien dans ce phénomène et les studios pornographiques qui se convertissent à cette situation nouvelle s’en saisissent : la création de Mystique dès 1982 est donc à replacer dans le contexte d’une industrie pornographique qui prépare sa transition. C’est ce contexte nouveau des années 1980 qui est décisif pour le reste de la période qui nous occupe : les jeux vidéo de sexe sont alors moins nombreux, se jouent sur ordinateur, et restent à la marge du marché.

Quelle que soit la période, ces jeux présentent néanmoins une homogénéité certaine quant aux contenus qu’ils proposent. Celle-ci est d’abord celle de leur public : ils s’adressent uniquement aux hommes hétérosexuels, d’où le fait de cibler essentiellement le jeu sur ordinateur, plus adulte et aussi plus masculin. D’où également la grande similarité des couvertures des boîtes de jeu, qui arborent en général une jeune femme dénudée – rarement nue – même quand le jeu n’en met pas directement en scène. Il faut aussi ajouter que les aspects narratifs sont peu (comme dans le cas des jeux textuels) ou pas (dans la plupart des jeux) développés. Tout au plus le manuel d’instructions donne-t-il la situation de l’action, parfois difficile à cerner dans une période de graphismes rudimentaires. Il existe cependant quelques exceptions notables : au début des années 1990, quelques jeux proposent un contenu narratif plus travaillé, comme Voyeur21 ou Phantasmagoria22. Ils sont très minoritaires, liés à l’engouement éphémère pour les jeux en full motion video – un gameplay s’approchant du film interactif – qui se prête à des scénarios plus développés. Surtout, les représentations sexuelles y sont plus secondaires, dans des jeux où l’enjeu est avant tout de résoudre des énigmes.

La majorité des jeux sexuels, toutefois, donnent plutôt à voir des représentations de la sexualité de l’ordre du dérisoire ou de l’humoristique. C’est le cas des jeux Mystique, mais surtout, dès 1981, de Softporn Adventure, qui inaugure le genre et fut réadapté par Sierra On-Line dans une version graphique sous le nom de Leisure Suit Larry23, où le joueur incarne Larry, quarantenaire bedonnant qui tente de séduire des femmes en se pensant irrésistible. Cette dimension est aussi visible, par exemple, dans X-Man24, où le joueur, incarnant un homme nu, est lancé à la poursuite d’une femme tout aussi peu vêtue dans un labyrinthe : il doit y esquiver des ciseaux sur pattes, un dentier et un crabe, et donc éviter la castration, avant de rejoindre la femme. Nombreuses sont les publications qui virent franchement au grotesque, comme Beat’em and Eat’em25, où deux femmes nues doivent attraper du sperme qui tombe depuis un homme en pleine masturbation au sommet d’un immeuble26. La série des Brad Stallion27 présente également ce caractère obscène, avec un héros éponyme, au nom explicite, pilotant un vaisseau spatial en forme de pénis ou étant amené à avoir des relations sexuelles avec des femmes extraterrestres mais aussi… un mouton.

Si la représentation des femmes est plutôt homogène (des femmes jeunes, à forte poitrine, objectifiées), celle des hommes vient souvent renforcer ce côté grotesque. Il n’est pas rare en effet que les hommes soient présentés comme peu attrayants, lubriques, voire bestiaux. Ils sont en général plus petits que les femmes. L’homme présenté sur la boîte de X-Man semble davantage fuir la castration que suivre la femme qu’il recherche, tandis que le physique et l’accoutrement de Larry dans Leisure Suit Larry contribuent au comique du jeu. Le général Custer présenté sur la boîte de Custer’s Revenge28, également, avec son corps chétif et sa salive aux lèvres, correspond à un anti-modèle masculin que le joueur est pourtant censé incarner. À l’autre opposé du spectre de la masculinité, Brad Stallion et sa virilité exacerbée sont présentés sous un jour tout aussi ridicule. On voit bien que – en l’absence toutefois d’éléments concernant la réception par le public – les jeux de sexe américains n’appellent pas a priori l’identification du joueur aux « héros » masculins, mais mettent plutôt en scène une sexualité grotesque qui constitue avant tout un détournement obscène du médium vidéoludique.

Le recours fréquent à la parodie vient appuyer ce dernier aspect. Les productions sexuelles détournent en effet volontiers des représentations issues de la culture populaire. Il est frappant de constater que deux jeux pastichent indépendamment la célèbre affiche de Rien que pour vos yeux (doc.1) sur leur jaquette, mettant en miroir le modèle viril de James Bond et le dérisoire de leurs personnages masculins. Sur la boîte de Bachelor Party (doc.2), ce sont les deux personnages féminins qui semblent s’attaquer à l’homme, entravé et réduit à un regard et un sourire concupiscent. Sur celle de Leisure Suit Larry : In the Land of the Lounge Lizards (doc.3), Larry est certes présenté sous un jour plus actif, mais le dessin autant que l’accoutrement du personnage le tiennent éloigné du modèle de l’espion anglais. Sur un autre plan, Sex Vixens From Space29 fait directement référence aux codes du space opera, tandis que Burning Desire30 détourne l’engouement pour les cannibal movies, maximal au tournant années 1980. Il s’agit pour les studios de placer les jeux dans un univers de sens familier pour le public américain qu’ils visent, tout en proposant un détournement humoristique.

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Doc.1 : affiche de Rien que pour vos yeux d’Albert Broccoli, 1981

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Doc. 2 : boîte de jeu de Bachelor Party, Mystique, Atari 2600, 1982

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Doc.3: boîte de jeu de Leisure Suit Larry: In the Land of the Lounge Lizards, Sierra On-Line, DOS, 1987

Cette stratégie amène parfois les concepteurs des jeux à des provocations, notamment visibles dans le rapport à la race de certains jeux. Stroker31 premièrement, en plus d’être certainement le jeu le plus ouvertement obscène de notre corpus, évoque cette question : il s’agit d’une simulation de masturbation où le joueur contrôle une main masturbant un pénis, et dont le but est de trouver le rythme adéquat pour le faire entrer en érection et provoquer une éjaculation. Or, le pénis – dont on ne voit pas le possesseur – est blanc, tandis que la main appartient à une femme noire. Le visage de celle-ci est représenté dans le coin supérieur gauche de l’écran : il s’agit d’une femme à l’air âgé, corpulente, qui semble porter un uniforme. On pourrait y voir une utilisation du stéréotype de la Mammy, cette servante afro-américaine à l’époque de l’esclavage, un cliché parcourant la littérature et le cinéma dont l’apogée pourrait être daté des années 1930-1940. Ce jeu, par ce détournement sexualisé d’un cliché raciste autant que par la représentation visuelle de la masturbation, apparaît comme un extrême dans l’obscène au sein du corpus américain. Néanmoins, il n’est pas le seul à mobiliser des représentations racistes. Custer’s Revenge que nous évoquions plus haut, met en scène le général Custer – héros récurrent de l’imagerie américaine des guerres de Sécession et des guerres indiennes – nu et en érection, devant rejoindre une femme amérindienne, nue également et attachée à un cactus, pour avoir une relation sexuelle avec elle, tout en évitant les flèches des Amérindiens. Il s’agit donc ouvertement, si ce n’est explicitement, de mettre en scène le viol d’une Amérindienne. Ces deux exemples viennent confirmer une forme de surenchère dans l’obscénité (surtout dans les années 1982-1983, avant la crise de la même année), et montrent également que le public visé est blanc, et a fortiori américain, tant les références mobilisées apparaissent très spécifiques à l’imaginaire du pays.

C’est Custer’s Revenge, plutôt que le confidentiel Stroker, qui provoque une réaction de la société. Le jeu fait scandale et Atari intente un procès à Mystique en réaction aux 1200 plaintes par jour qu’il dit recevoir32. Le jeu provoqua des réactions fortes de la part des organisations amérindiennes comme féministes, et une manifestation eut lieu au pied de l’hôtel new-yorkais où le lancement du jeu se déroulait33. Si le scandale alimenta la publicité du jeu, au point que celui-ci se vendit deux fois plus que les autres productions du studio34, Mystique ne survécut pas à sa mauvaise réputation et à la crise de 1983 : le foisonnement de 1981-1983 se termina donc en scandale pour les producteurs de jeux vidéo sexuels, ce qui explique aussi que la production s’est faite plus confidentielle ensuite. Aucun jeu ne s’attira une réaction aussi mauvaise par la suite.

La production américaine se distingue en tout cas par son usage de la dérision et de l’obscène, occasionnellement à des degrés susceptibles de déclencher une forte réprobation d’une partie de la société. On voit bien ici qu’elle relève moins d’une finalité d’excitation sexuelle du joueur que d’un usage déviant, transgressif, de la machine : en jouant à un jeu obscène, le joueur détourne sa console ou son ordinateur de son usage premier, dans un but d’amusement.

En Europe, la prégnance de l’érotisme

L’Europe emboîte le pas de la production américaine en 1985. La production y est plus réduite quantitativement, à l’instar de la production européenne de jeux vidéo en général : le secteur vidéoludique européen est avant tout composé à cette époque de petites structures, qui ne sont pas à même de rivaliser avec les géants américains puis japonais. Dans ce contexte, les studios produisent des jeux avant tout destinés à un public national ou européen, c’est-à-dire avant tout des jeux dans les langues européennes, alors que jusqu’au début des années 1990, la traduction des jeux dans celles-ci était rare et les joueurs des différents pays d’Europe devaient se contenter de l’anglais.

Parmi les entreprises productrices de jeux sexuels, certaines se spécialisent entièrement dans ces derniers, comme Landisoft en Allemagne, Mediagogo en France, ou Interactive Girls Club au Royaume-Uni, des projets à la durée de vie particulièrement courte. Mais il faut souligner que la majorité des productions sont l’œuvre de studios conventionnels, dont les jeux sexuels ne forment qu’une partie du catalogue, à l’instar de Coktel Vision en France, Software 2000 en Allemagne ou Opera Soft en Espagne. En termes de gameplay, on retrouve la diversité constatée sur le marché américain, avec des jeux qui reprennent le gameplay de jeux connus, comme Jo Guest and the Milk Road35, ou des mécaniques ludiques classiques, comme les jeux de casino dans La Colmena36 ou Teenage Queen37. Toutefois, le genre du jeu d’aventure en point and click est davantage représenté dans notre corpus : ce genre propice à l’exploration et aux développements narratifs, s’il était déjà présent aux États-Unis, représente une première spécificité du jeu sexuel européen.

Les jeux américains circulaient en Europe, ou au moins certains d’entre eux38. Il n’est pas possible de connaître leur distribution réelle, mais certains jeux européens montrent qu’une forme de transfert du modèle américain s’est opérée. C’est le cas de la première production européenne que nous ayons identifiée, Sex Games39, en 1985. Ce jeu allemand propose une simulation sexuelle en cinq niveaux, où le joueur est invité à donner le rythme à une relation sexuelle avec les touches de son clavier. Fait notable, ce jeu est le seul de notre corpus à représenter des relations homosexuelles masculines : si les quatre premiers niveaux présentent les ébats d’un couple hétérosexuel, le dernier niveau représente une séance de sexe de groupe bisexuel, entre quatre hommes et une femme. Cette originalité mise à part, le jeu peut être rapproché des productions américaines de l’époque, tant dans le gameplay, qui pourrait être comparé à celui de Stroker, que dans le grotesque des représentations. Les personnages sont en effet peu attirants et arborent un sourire niais, renvoyant là aussi le jeu à une activité d’amusement plutôt que d’excitation, et classant plutôt la représentation de la bisexualité dans le registre comique. D’autres productions montrent aussi une inspiration directe des jeux américains, comme 7 dní a 7 nocí40, un jeu tchèque d’aventure et de séduction ouvertement inspiré de Leisure Suit Larry et de son aspect érotico-comique, bien qu’il présente un héros autrement plus viril que Larry.

Toutefois, les transferts font plutôt figure d’exceptions face au dynamisme d’une création européenne endogène. De ce point de vue, en lieu et place de l’obscène, ce sont les thématiques érotiques qui dominent. La production de Coktel Vision en est emblématique : ce studio français produit trois jeux érotiques entre 1989 et 1991, Emmanuelle41, Geisha42 et Fascination43, qui ont la particularité d’avoir été conçus par une femme, Muriel Tramis. Le premier propose par exemple une aventure inspirée de la licence Emmanuelle, qui reprend sinon sa narration, du moins son univers chic et exotique. Le joueur incarne un homme à la recherche d’Emmanuelle amené à séduire différentes femmes dans sa quête. Si celles-ci sont omniprésentes et dénudées, les relations sexuelles, elles, sont davantage suggérées que montrées (doc.4), comme c’est le cas dans les jeux américains similaires. Tramis a dit vouloir mettre en scène des femmes dotées de sentiments qui leur donnent de véritables raisons d’agir : « Je ne voulais pas faire des jeux avec du sexe à tout va. […] Là, la femme n’était pas perçue, pour moi, comme un objet, mais elle maîtrisait son désir »44. Cette idée est à nuancer face à un jeu toujours destiné au regard d’un public masculin et hétérosexuel, mais la situation diffère sensiblement des équivalents américains. Cela s’explique également par des influences différentes : avoir recours à Emmanuelle, film érotique français à succès des années 1970, c’est se placer dans un univers bien différent de celui de la pornographie américaine.

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Doc.4 : capture d’écran du jeu Emmanuelle, Coktel Vision, DOS, 1989

Ce recours à des références locales se retrouve aussi en Italie, où au moins deux jeux sont des adaptations directes des bandes dessinées érotiques de Milo Manara : Le Déclic45 en 1987 et Kama Sutra : Manara46 en 1998. Deux jeux en point and click reprenant directement les planches de l’artiste pour illustrer des intrigues fouillées. Il s’agit ici de surfer sur la réputation de Manara, alors à son sommet depuis Le Déclic en 1983, plutôt que sur le contenu strictement sexuel du jeu. On le voit, dans ce cas comme dans celui d’Emmanuelle, les créateurs inscrivent leurs productions dans un univers érotique national, bien loin de la pornographie américaine.

Une tendance semble émerger de ces jeux européens, en particulier des plus narratifs : la prégnance d’une représentation européo-centrée du monde. Dans Geisha, par exemple, le joueur incarne un homme à la recherche de sa petite amie, capturée et détenue au Japon en vue d’être transformée par un scientifique fou en geisha mi-femme mi-machine. Le jeu mobilise de nombreux clichés orientalistes, de l’antagoniste, savant génial et maléfique asiatique, dérivé du Docteur Fu Manchu, à la représentation d’un Japon lancé dans une course inquiétante à la technologie47. Plus spécifiquement, il reprend aussi les thématiques de l’érotisme japonais telles qu’elles sont parvenues en Occident, par exemple à la suite du succès international de L’Empire des Sens de Nagisa Ōshima en 1976. On retrouve cette vision d’une Asie territoire d’un érotisme raffiné dans le jeu allemand Die Stadt der Löwen48, jeu d’aventure à nouveau, dont l’intrigue complexe se situe entre Singapour et le Japon. Essentiellement textuel, le jeu propose de profiter des charmes des femmes asiatiques que le joueur croise au cours de son enquête, décrites comme aussi mystérieuses que sournoises.

La mobilisation de ce type de stéréotypes, propres à l’imaginaire local, explique en partie le faible succès des productions européennes à l’étranger. Si on sait que certains jeux européens au moins ont gagné les États-Unis49, aucune trace d’une distribution conséquente n’a pu être mise en évidence. Quant au Japon, la barrière de la langue est décisive pour des jeux narratifs, et aucun studio ne s’essaie à la traduction pour la franchir. Dans le cas des jeux évoqués précédemment, il est de toute façon difficile d’imaginer que des jeux véhiculant des représentations du Japon si marquées par un imaginaire européen aient pu rencontrer un écho dans ce pays.

La production européenne de jeux vidéo de sexe est donc aussi caractéristique qu’isolée : les relations avec les États-Unis se limitent à la réception, qui est elle-même à remettre en perspective face à la prégnance décisive de l’imaginaire érotique local dans la conception des jeux. Cette production continentale, voire parfois seulement nationale, rencontre dans les années 1990 des difficultés dans le contexte d’un monde du jeu vidéo qui, économiquement, repose toujours davantage sur une intégration mondiale, ou tout du moins occidentale : la production européenne semble ainsi péricliter dans les années 2000.

Au Japon, une production hermétique et enracinée dans la culture populaire nationale

Le Japon, lui, commence à produire des jeux vidéo sexuels dès 1981, la même année que les États-Unis, bien que de façon totalement indépendante. L’industrie vidéoludique est alors dans une période d’ébullition, avec un marché national en plein développement, base qui lui permettra ensuite de dominer le marché mondial après la crise du jeu vidéo américain de 1983. La décennie 1980 marque donc l’entrée véritable du jeu vidéo japonais dans un marché globalisé, les constructeurs de consoles comme Nintendo ou Sega supplantant par exemple l’Américain Atari. L’intérêt de ces acteurs majeurs, tout comme des studios de développement les plus importants, est donc de produire des jeux à même de plaire à un public global. Or, les jeux sexuels ne font pas partie de cette production exportée : les éditeurs s’attachent au contraire à ne pas exporter leur production, tout au long d’une histoire relativement mouvementée.

Les premiers jeux traitant de sexualité émergent dans un contexte de foisonnement de la création vidéoludique. Ils sont souvent l’œuvre de jeunes développeurs isolés participant à des concours de programmation généralistes, dont les jeux sont ensuite distribués par des entreprises qui éditent elles aussi d’autres genres50. C’est le cas d’Hudson Soft, par exemple, qui commercialise ce qui semble être le premier jeu sexuel (quelques mois avant Softporn Adventure), Yakyūken51, un jeu de pierre-feuille-ciseaux présentant une femme qui se dénude progressivement en cas de victoire. Il est suivi en 1982 par Night Life52 de Koei, autre studio mainstream. Il s’agit cette fois d’un jeu se présentant comme ayant une visée éducative, proposant d’aider les couples à améliorer leur vie sexuelle en répondant à des questions et en observant des positions.

Rapidement toutefois, la production s’inscrit dans les codes graphiques et esthétiques du manga, en présentant des personnages aux traits caractéristiques mais surtout en reprenant les codes spécifiques à certains sous-genres de la production, avec notamment la prégnance à cette époque du lolicon, sur laquelle on reviendra, dans la production pornographique d’Enix, futur éditeur à succès de Dragon Quest. Le jeu sexuel devient un genre à part dans l’industrie vidéoludique japonaise en cours de structuration, appelé eroge, pour erotic game.

Dès cette période initiale, le genre naissant de l’eroge apparaît hermétique aux influences extérieures, en particulier américaines. Le Japon, en règle générale, n’est qu’une cible très secondaire de l’industrie vidéoludique américaine dans les années 1980. Certains jeux sont exportés, mais peu sont traduits, et le marché d’exportation privilégié est l’Europe. Il existe néanmoins au moins un exemple de jeu sexuel américain qui soit arrivé au Japon : en 1986, Softporn Adventure est adapté dans une version graphique et exclusive au Japon dans Las Vegas53, par l’entreprise Starcraft Inc54. Cette version reprend les thématiques légères du jeu américain, dans une esthétique similaire – bien qu’antérieure – à celle de Leisure Suit Larry. Cependant, sa diffusion semble très marginale, et aucun autre jeu américain n’est ensuite attesté au Japon : on peut dire que la circulation des États-Unis vers le Japon est quasi-inexistante.

Alors plutôt confidentiel, le genre de l’eroge connaît de forts bouleversements en 1986, lorsque le jeu 17755 provoque un débat national qui amène l’eroge sur le devant de la scène et pose la question de sa légitimité. 177, dont le titre fait référence au numéro de l’article du code pénal condamnant le viol, propose d’incarner un homme à la poursuite d’une femme dans la nuit pour lui arracher ses vêtements un à un. En cas de succès, le jeu passe à une seconde phase, une simulation sexuelle à laquelle le jeu propose deux issues : si le joueur parvient à y satisfaire sexuellement la victime, il gagne la partie et se marie avec elle. Dans le cas contraire, le game over implique une arrestation par la police. Il s’agit du premier jeu à mettre le joueur dans la position d’un violeur56. Le jeu provoque un émoi certain, avec des réactions jusqu’à la chambre des représentants, dans un contexte social d’inquiétude quant à l’impact des jeux vidéo sur la jeunesse : le ministère de l’économie (METI) demande alors au secteur de s’auto-réguler, sans que le jeu ne soit retiré de la vente57. L’eroge est également confronté à l’article 175 du code pénal, qui condamne la commercialisation de matériel obscène. La définition de l’obscénité a évolué à travers l’histoire, mais à la période qui nous concerne, il s’agit pour les producteurs de ne pas montrer les parties génitales et les poils pubiens, qu’ils doivent cacher au moyen de mosaïques ou flouter58. En 1991, les producteurs de Saori59, un jeu montrant des relations sexuelles et des organes génitaux non censurés, se voient ainsi mis en accusation, provoquant un nouveau scandale dans le monde de l’eroge60. Le jeu est alors retiré de la vente et recommercialisé dans une version censurée répondant aux exigences de l’article 175.

Face à cette image sulfureuse, accusés de produire des jeux dangereux pour la jeunesse, les producteurs d’eroge réagissent en formant le Sofurin61, un comité d’éthique chargé d’évaluer et labelliser les jeux, notamment en fonction de leur niveau de sexualisation, mais aussi de contrôler et normer la censure, sur le modèle du Viderin, équivalent dans l’industrie du cinéma. Le secteur applique ainsi finalement les recommandations du METI62. Adaptées au fil du temps, ces normes nouvelles font gagner le genre en respectabilité et permettent un développement spectaculaire de l’eroge dans les années 1990. La production se compte alors en centaines de jeux – sans commune mesure avec celle des États-Unis et de l’Europe – et le secteur représente un pan important de l’industrie vidéoludique, jusqu’à aujourd’hui. Des studios spécialisés, comme ELF, et sa filiale Silky’s chargée des jeux les plus explicites, deviennent les acteurs les plus importants du secteur.

Si certains jeux mobilisent, à l’instar de leurs équivalents américains, la parodie de genres vidéoludiques connus, comme Chōkōsō Crisis63, l’eroge contribue à l’émergence de nouvelles formes de gameplay dans les années 1990, notamment le visual novel, un genre qui peut être qualifié de roman vidéoludique, contenant peu d’interaction et misant sur la narration graphique. Le studio Leaf produit par exemple plusieurs visual novels à succès, comme Shizuku64 ou To Heart65, où le contenu sexuel devient secondaire face à une narration développée (doc.5). Le dating sim est également un genre populaire : il s’agit d’une simulation de drague où le joueur est mis dans le rôle d’un homme ou d’un garçon cherchant à séduire une des filles de son entourage en parlant avec elles, souvent dans le contexte d’un lycée. S’il existe de nombreuses versions chastes de ce genre, ELF inaugure le genre des versions eroge avec Dōkyūsei66 en 1992.

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Doc.5 : capture d’écran du jeu Shizuku, Leaf, PC, 1996

Les derniers exemples cités sont des jeux relativement légers voire romantiques, le contenu sexuel étant minoritaire – souvent donné en récompense vers la fin du jeu – et peu scandaleux : cela permet à certains éditeurs de voir leurs jeux portés sur console, comme To Heart, adapté sur PlayStation, alors que l’eroge était réservé aux ordinateurs personnels depuis ses origines. Il existe néanmoins, à l’inverse, un genre plus explicite, qualifié de nukige, « jeu de masturbation », qui privilégie le contenu sexuellement explicite sur l’intrigue. Certains studios producteurs de nukige font d’ailleurs le choix de ne pas adhérer au Sofurin, flirtant donc avec la légalité et constituant le pan le plus underground de l’eroge.

Malgré toute sa diversité ludique, l’eroge reprend massivement les codes esthétiques et narratifs de la culture populaire, et en particulier du manga pour adulte, connu en Occident sous les noms de ecchi ou hentai : les personnages féminins sont de jeunes femmes dotées de fortes poitrines, laissent régulièrement apercevoir leurs culottes, à travers des vêtements qui ne cachent que superficiellement le corps. Dans les productions les plus pornographiques, la mise à nu est rapide et des relations sexuelles peuvent être présentées, y compris entre personnages féminins, comme dans Möbius Roid67. On retrouve aussi la présence de monstres ou de tentacules agressant sexuellement les personnages féminins, comme dans Beyond68, issue elle aussi du manga pornographique qui s’inspire lui-même de certains shunga, estampes érotiques de l’époque d’Edo, en modernisant une appétence ancienne pour une cruauté sexualisée69.

Les thématiques violentes, si ce n’est moralement douteuses, sont d’ailleurs monnaie courante. Le viol, en particulier, est explicitement représenté. On a déjà évoqué 177 et sa violence évidente, mais on retrouve ce thème même dans les productions plus sages, comme Shizuku. La mise en place du Sofurin n’a pas empêché l’existence des jeux de viol : le plus célèbre d’entre eux est Rapelay70, paru en 2006 et connu notamment pour la controverse qu’il a provoqué en Occident71. Le jeu est une simulation sexuelle où le joueur est mis dans le rôle d’un homme qui harcèle dans les transports en commun puis viole trois femmes, dans des rapports explicitement non-consentis. Ce marqueur qu’est la thématique du viol est à mettre en relation avec la prégnance de celui-ci dans la pornographie japonaise : le gōkan play, le viol simulé, est un motif récurrent dans celle-ci, au point qu’un tiers de la production pornographique représente des scènes de viol, codifiées de manière à ce que l’actrice résiste avant de toujours se soumettre72. Viol, mais aussi gore et pédopornographie se conjuguent parfois dans les productions qu’il faut bien qualifier des plus abjectes. Enix, mais aussi le studio PSK qui se spécialise dans ces productions, adaptent dans les années 1980 le genre du lolicon, alors en plein essor, qui met en scène des filles très jeunes voire des enfants dans des situations suggestives ou sexuelles, pour concevoir des jeux où il est question non seulement de dénuder ces personnages, mais aussi de les torturer. L’existence de ces jeux pédopornographiques extrêmes est permise par une législation très permissive sur la pédocriminalité, qui condamne les actes pédocriminels mais pas les représentations fictionnelles73.

L’eroge, des jeux les plus romantiques aux plus extrêmes et marginaux, représente finalement un genre plutôt underground, et prend son sens dans ses liens avec les différents pans de la culture populaire japonaise qu’il évoque, en particulier sa composante otaku. Depuis 1992 et la création du Sofurin, les jeux sexuels n’ont soulevé aucun scandale dans le pays : les excès sont acceptés tant que peu visibles, car l’industrie est censée s’auto-réguler. Cette tolérance pourrait s’expliquer par ce que suggèrent Philippe Pons et Pierre-François Souyri quand ils expliquent que les représentations de sexualités extrêmes et violentes sont socialement acceptables dans le Japon contemporain du moment qu’elles ne deviennent pas transgressives, qu’elles restent dans le champ de l’imaginaire, de la mise en scène, à distance de tout souci de représenter la réalité. « Morale et esthétique ne se recoupent pas »74.

Néanmoins, si ces jeux sont tolérables au Japon, ils le sont nettement moins en Occident, comme en témoigne le scandale qu’a déclenché Rapelay lorsqu’il est arrivé – par des canaux non-officiels – à la connaissance des Américains. L’enracinement dans les codes culturels nationaux, mais aussi la condamnation morale qu’ils s’attirent, rend l’exportation des jeux sexuels japonais difficile. Les producteurs d’eroge semblent très conscients de cela : contrairement à l’essentiel de l’industrie vidéoludique japonaise, ils n’ont jamais tenté d’exporter leurs productions, uniquement réservées à un public local. Ainsi, tout au long de notre période, les nombreux jeux de sexe japonais restent complètement inconnus de l’étranger. Ce n’est qu’à partir du milieu des années 2000 qu’ils commencent à circuler indirectement, par le biais de fans occidentaux qui traduisent et s’échangent certains jeux dans des communautés restreintes. L’industrie y réagit d’ailleurs très négativement : après le scandale Rapelay, son éditeur Illusion Soft expliqua que le jeu n’était pas disponible à l’étranger et donc que les étrangers ne devaient pas y jouer, tandis que l’éditeur de visual novels Minori bloqua son site en-dehors du Japon en expliquant vouloir « protéger la liberté d’expression et la culture japonaise »75, mobilisant à peu de frais la fierté nationale, avec l’idée d’un particularisme nippon irréductible qui serait à l’œuvre dans l’eroge.

Des jeux qui ne circulent pas dans une industrie en voie de globalisation

Si le Japon reste donc hermétique aux circulations de jeux sexuels, à l’import comme à l’export, on a vu que celles-ci n’étaient pas significativement plus développées entre les États-Unis et l’Europe. Ainsi, à rebours d’une industrie vidéoludique en voie de globalisation, les jeux vidéo sexuels circulent peu, ou plus généralement pas entre les régions productrices, et les échanges et réappropriations sont pour ainsi dire absents : cet objet d’étude met bien en valeur les limites d’un marché culturel de masse globalisé comme le jeu vidéo, en mettant la focale sur ce qui ne circule pas plutôt que sur ce qui circule, permettant alors d’éclairer sous un autre angle les raisons du succès des productions qui, effectivement, s’exportent.

Il existe pourtant des points communs rassemblant ces jeux vidéo sexuels épars, à commencer par leur public. Partout, les jeux sexuels sont destinés à un public masculin et hétérosexuel, et s’adaptent à celui-ci. Cette réalité tire autant ses racines du fait que le jeu vidéo (et le jeu sur ordinateur en particulier) se soit constitué partout comme une activité masculine, qu’il ne l’alimente : partout, les jeux sexuels participent de et à la construction du jeu vidéo comme une activité d’hommes, à l’échelle globale. Ce public commun contribue certainement, à partir du milieu des années 2000, à une relative intensification de la circulation des jeux sexuels, attestée en particulier dans le cas des jeux japonais importés en Occident par des fans nippophiles – une pratique que nous n’avons pas pu attester à notre période, ce qui ne signifie pas qu’elle ne puisse exister à une micro-échelle.

Des années 1980 à ce moment, toutefois, il apparaît que le processus d’exportation était confronté à trop de limites pour permettre une circulation effective des jeux sexuels. La première et la plus immédiate tient à la structure de l’industrie : les studios produisent leurs jeux vidéo sexuels pour un public national, et ne semblent pas percevoir d’intérêt à mettre en place une stratégie exportatrice. Mais ce désintérêt s’explique par deux autres phénomènes. D’une part le recours, dans les trois régions, à des références enracinées dans le tissu culturel local, évidentes et mobilisatrices pour le public national, obscures à l’étranger. Et d’autre part, l’incompatibilité manifeste, dans les différentes régions productrices, entre les acceptions des catégories de l’érotique, de l’obscène, ou simplement du tolérable.

1 Sylvie Aubenas, Sylviane de Decker-Heftler, Catherine Mathon, Hélène Pinet (dir.), L’Art du nu au XIXe siècle : le photographe et son modèle, Paris

2 Richard Abel, Encyclopedia of early cinema, Londres/New York, Routledge, 2005, p. 757.

3 Pong, Atari, arcade, 1972.

4 Notre étude se limitera aux jeux dont l’intérêt premier et explicite réside dans leurs thématiques sexuelles. Les jeux classiques proposant des

5 Le choix de l’Europe comme cadre géographique d’analyse malgré la diversité des contextes nationaux s’explique, outre le fait qu’il s’agisse d’un

6 La période des années 1980 au milieu des années 2000 présente une cohérence globale dans les contenus, les pratiques et les modalités des

7 Le modding désigne la modification par des tiers d’un jeu existant. Certains mods proposent des contenus sexuels, comme le mod Hot Coffee de GTA San

8 Le corpus que nous avons manié a été constitué en croisant les différentes bases de données vidéoludiques disponibles en ligne, en premier lieu

9 Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature. Sex and sexuality in video games, Londres/New York, Bloomsbury, 2015.

10 Naoki Miyamoto, Eroge. Bunka kenkyū gairon, Tokyo, Sōgō kagaku shuppan, 2013.

11 Softporn Adventure, On-Line Systems, Apple II, 1981.

12 Mirko Ernkvist, « Down Many Times, but Still Playing the Game. Creative Destruction and Industry Crashes in the Early Video Game Industry 1971-1986

13 Bachelor Party, Mystique, Atari 2600, 1982.

14 Astrotit, Rudeware, MS-DOS, 1986.

15 Comme la série Strip Poker de Artworx (1982-1995).

16 Michael Z. Newman, Atari Age: The Emergence of Video Games in America, Cambridge, MIT Press, 2017, p. 88.

17 Jody W. Pennington, The history of sex in American film, Londres/Westport, Praeger, 2007, p. 56.

18 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p.

19 M. Ernkvist, « Down Many Times, but Still Playing the Game… », art. cité.

20 Laurent Martin, « Jalons pour une histoire culturelle de la pornographie en Occident », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 10-30.

21 Voyeur, Philips Interactive Media, Philips CD-i, 1993.

22 Phantasmagoria, Sierra On-Line, PC, 1995. Ce jeu a la particularité d’être édité par une femme, Roberta Williams. On y trouve une scène de viol

23 Leisure Suit Larry: In the Land of the Lounge Lizards, Sierra On-Line, DOS, 1987.

24 X-Man, Universal Gamex Corporation, Atari 2600, 1983.

25 Beat’em and Eat’em, Mystique, 1982.

26 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p.

27 Série de jeux publiés par Free Spirit Software de 1988 à 1990. Voir notamment Brad Stallion and the Sex Olympics, Free Spirit Software, Amiga, 1990

28 Custer’s Revenge, Mystique, Atari 2600, 1982.

29 Sex Vixens from Space, Free Spirit Software, Amiga, 1988.

30 Burning Desire, Mystique, Atari 2600, 1982.

31 Stroker, Magic Carpet Software, Commodore 64, 1983.

32 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p.

33 Mark J.P. Wolf, The Video Game Explosion: A History from PONG to Playstation and Beyond, Londres/Westport, Greenwood Press, 2008, p. 284.

34 Steven L. Kent, The ultimate history of video games: from Pong to Pokémon and beyond, New York, Three Rivers Press, 2001, p. 226.

35 Jo Guest and the Milk Road, Interactive Girls Club, DOS, 1994.

36 La Colmena, Opera Soft, Amiga, 1992.

37 Teenage Queen, ERE Informatique, Amiga, 1988.

38 Custer’s Revenge, par exemple, est distribué en Europe sous le nom de Westward Ho, par l’éditeur Playaround.

39 Sex Games, Landisoft, Commodore 64, 1985.

40 7 dní a 7 nocí, Pteradon Software, Amiga, 1994.

41 Emmanuelle, Coktel Vision, DOS, 1989.

42 Geisha, Coktel Vision, DOS, 1990.

43 Fascination, Coktel Vision, DOS, 1991.

44 Interview de Muriel Tramis par Sébastien Genvo, 10 mars 2017. URL : https://www.youtube.com/watch ?v =LMq9X-WaB1k, consulté le 14 janvier 2022.

45 Le Déclic, DDC Service, Amiga, 1987.

46 Kama Sutra : Manara, Mondadori New Media, PC, 1998.

47 Jean-Paul Honoré, « De la nippophilie à la nippophobie. Les stéréotypes versatiles dans la vulgate de presse (1980-1993) », Mots. Les langages du

48 Die Stadt der Löwen, Software 2000, Amiga, 1989.

49 Sierra On-Line et Coktel Vision ont par exemple distribué mutuellement leurs jeux dans leurs pays respectifs.

50 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

51 Yakyūken, Hudson Soft, Sharp MZ-80K, 1981.

52 Night Life, Koei, PC-8801, 1982.

53 Las Vegas, Starcraft Inc., PC-88, 1986.

54 Il semble que cette entreprise soit une firme japonaise spécialisée dans l’adaptation de jeux américains.

55 177, Macadamia Soft, PC-8801, 1986.

56 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

57 Ibid.

58 Joaquin da Silva, « Obscenity and Article 175 of the Japanese Penal Code: A short introduction to Japanese censorship », 2009 (http://eiga9.

59 Saori: Bishōjo-tachi no Yakata, X-Shitei, FM Towns, 1991.

60 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

61 Abréviation de Konpyūta Sofutowea Rinri Kikō (« Organisation d’éthique des logiciels informatiques »).

62 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

63 Chōkōsō Crisis, Altacia, PC-98, 1994.

64 Shizuku, Leaf, PC, 1996.

65 To Heart, Leaf, PC, 1997.

66 Dōkyūsei, ELF Corporation, DOS, 1992.

67 Möbius Roid, Silky’s, PC-98, 1995.

68 Beyond, Silky’s, PC-98, 1996.

69 Philippe Pons, Pierre-François Souyri, L’esprit de plaisir. Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon, 17e-20e siècles, Paris, Payot

70 Rapelay, Illusion Soft, PC, 2006.

71 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

72 Agnès Giard, L’imaginaire érotique au Japon, Paris, Albin Michel, 2006, p. 108.

73 Ibid, p. 244.

74 Philippe Pons, Pierre-François Souyri, L’esprit de plaisir. Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon, 17e-20e siècles, Paris, Payot

75 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria

Notes

1 Sylvie Aubenas, Sylviane de Decker-Heftler, Catherine Mathon, Hélène Pinet (dir.), L’Art du nu au XIXe siècle : le photographe et son modèle, Paris, BnF/Hazan, 1997.

2 Richard Abel, Encyclopedia of early cinema, Londres/New York, Routledge, 2005, p. 757.

3 Pong, Atari, arcade, 1972.

4 Notre étude se limitera aux jeux dont l’intérêt premier et explicite réside dans leurs thématiques sexuelles. Les jeux classiques proposant des représentations sexuelles à la marge ont été délibérément exclus de l’analyse.

5 Le choix de l’Europe comme cadre géographique d’analyse malgré la diversité des contextes nationaux s’explique, outre le fait qu’il s’agisse d’un pôle de la production vidéoludique, par une certaine unité dans les thèmes mobilisés, mais aussi par le fait que la région dans son entièreté avait à disposition les productions américaines.

6 La période des années 1980 au milieu des années 2000 présente une cohérence globale dans les contenus, les pratiques et les modalités des circulations ; néanmoins, au sein de celle-ci, la production de jeux sexuels peut, selon les contextes, se concentrer sur certaines années et se tarir sur d’autres, comme on le verra.

7 Le modding désigne la modification par des tiers d’un jeu existant. Certains mods proposent des contenus sexuels, comme le mod Hot Coffee de GTA San Andreas, source de scandale en 2005.

8 Le corpus que nous avons manié a été constitué en croisant les différentes bases de données vidéoludiques disponibles en ligne, en premier lieu MobyGames, qui ambitionne de cataloguer l’intégralité des jeux vidéo existants – que ses contributeurs soient d’ailleurs remerciés – et qui contient une catégorie spécifique aux jeux pour adultes. Notre corpus peut dès lors prétendre à une quasi-exhaustivité pour les jeux américains et européens, mais moins pour les jeux japonais, bien plus foisonnants ; nous proposons plutôt, pour ce dernier cas, de tendre vers la représentativité.

9 Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature. Sex and sexuality in video games, Londres/New York, Bloomsbury, 2015.

10 Naoki Miyamoto, Eroge. Bunka kenkyū gairon, Tokyo, Sōgō kagaku shuppan, 2013.

11 Softporn Adventure, On-Line Systems, Apple II, 1981.

12 Mirko Ernkvist, « Down Many Times, but Still Playing the Game. Creative Destruction and Industry Crashes in the Early Video Game Industry 1971-1986 », dans Karl Gratzer, Dieter Stiefel, History of Insolvency and Bankruptcy : from an International Perspective, Huddinge, Södertörns högskola, 2008, p. 161-191.

13 Bachelor Party, Mystique, Atari 2600, 1982.

14 Astrotit, Rudeware, MS-DOS, 1986.

15 Comme la série Strip Poker de Artworx (1982-1995).

16 Michael Z. Newman, Atari Age: The Emergence of Video Games in America, Cambridge, MIT Press, 2017, p. 88.

17 Jody W. Pennington, The history of sex in American film, Londres/Westport, Praeger, 2007, p. 56.

18 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 76.

19 M. Ernkvist, « Down Many Times, but Still Playing the Game… », art. cité.

20 Laurent Martin, « Jalons pour une histoire culturelle de la pornographie en Occident », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 10-30.

21 Voyeur, Philips Interactive Media, Philips CD-i, 1993.

22 Phantasmagoria, Sierra On-Line, PC, 1995. Ce jeu a la particularité d’être édité par une femme, Roberta Williams. On y trouve une scène de viol conjugal dont l’intérêt est moins sexuel que dans son apport à l’intrigue.

23 Leisure Suit Larry: In the Land of the Lounge Lizards, Sierra On-Line, DOS, 1987.

24 X-Man, Universal Gamex Corporation, Atari 2600, 1983.

25 Beat’em and Eat’em, Mystique, 1982.

26 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 77.

27 Série de jeux publiés par Free Spirit Software de 1988 à 1990. Voir notamment Brad Stallion and the Sex Olympics, Free Spirit Software, Amiga, 1990.

28 Custer’s Revenge, Mystique, Atari 2600, 1982.

29 Sex Vixens from Space, Free Spirit Software, Amiga, 1988.

30 Burning Desire, Mystique, Atari 2600, 1982.

31 Stroker, Magic Carpet Software, Commodore 64, 1983.

32 Dan Mills, « Explicit sexual content in early console video games », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 90.

33 Mark J.P. Wolf, The Video Game Explosion: A History from PONG to Playstation and Beyond, Londres/Westport, Greenwood Press, 2008, p. 284.

34 Steven L. Kent, The ultimate history of video games: from Pong to Pokémon and beyond, New York, Three Rivers Press, 2001, p. 226.

35 Jo Guest and the Milk Road, Interactive Girls Club, DOS, 1994.

36 La Colmena, Opera Soft, Amiga, 1992.

37 Teenage Queen, ERE Informatique, Amiga, 1988.

38 Custer’s Revenge, par exemple, est distribué en Europe sous le nom de Westward Ho, par l’éditeur Playaround.

39 Sex Games, Landisoft, Commodore 64, 1985.

40 7 dní a 7 nocí, Pteradon Software, Amiga, 1994.

41 Emmanuelle, Coktel Vision, DOS, 1989.

42 Geisha, Coktel Vision, DOS, 1990.

43 Fascination, Coktel Vision, DOS, 1991.

44 Interview de Muriel Tramis par Sébastien Genvo, 10 mars 2017. URL : https://www.youtube.com/watch ?v =LMq9X-WaB1k, consulté le 14 janvier 2022.

45 Le Déclic, DDC Service, Amiga, 1987.

46 Kama Sutra : Manara, Mondadori New Media, PC, 1998.

47 Jean-Paul Honoré, « De la nippophilie à la nippophobie. Les stéréotypes versatiles dans la vulgate de presse (1980-1993) », Mots. Les langages du politique, 41, 1994, p. 9‑55.

48 Die Stadt der Löwen, Software 2000, Amiga, 1989.

49 Sierra On-Line et Coktel Vision ont par exemple distribué mutuellement leurs jeux dans leurs pays respectifs.

50 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 30.

51 Yakyūken, Hudson Soft, Sharp MZ-80K, 1981.

52 Night Life, Koei, PC-8801, 1982.

53 Las Vegas, Starcraft Inc., PC-88, 1986.

54 Il semble que cette entreprise soit une firme japonaise spécialisée dans l’adaptation de jeux américains.

55 177, Macadamia Soft, PC-8801, 1986.

56 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 32.

57 Ibid.

58 Joaquin da Silva, « Obscenity and Article 175 of the Japanese Penal Code: A short introduction to Japanese censorship », 2009 (http://eiga9.altervista.org/articulos/obscenity.html, consulté le 14 janvier 2022).

59 Saori: Bishōjo-tachi no Yakata, X-Shitei, FM Towns, 1991.

60 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 33.

61 Abréviation de Konpyūta Sofutowea Rinri Kikō (« Organisation d’éthique des logiciels informatiques »).

62 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 34

63 Chōkōsō Crisis, Altacia, PC-98, 1994.

64 Shizuku, Leaf, PC, 1996.

65 To Heart, Leaf, PC, 1997.

66 Dōkyūsei, ELF Corporation, DOS, 1992.

67 Möbius Roid, Silky’s, PC-98, 1995.

68 Beyond, Silky’s, PC-98, 1996.

69 Philippe Pons, Pierre-François Souyri, L’esprit de plaisir. Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon, 17e-20e siècles, Paris, Payot, 2020, p. 426.

70 Rapelay, Illusion Soft, PC, 2006.

71 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 28.

72 Agnès Giard, L’imaginaire érotique au Japon, Paris, Albin Michel, 2006, p. 108.

73 Ibid, p. 244.

74 Philippe Pons, Pierre-François Souyri, L’esprit de plaisir. Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon, 17e-20e siècles, Paris, Payot, 2020, p. 427.

75 Jérémie Pelletier-Gagnon, Martin Picard, « Beyond Rapelay: Self-regulation in the Japanese erotic video game industry », dans Evan W.Lauteria, Matthew Wysocki (dir.), Rated M for Mature…, op.cit., p. 38.

Illustrations

Doc.1 : affiche de Rien que pour vos yeux d’Albert Broccoli, 1981

Doc. 2 : boîte de jeu de Bachelor Party, Mystique, Atari 2600, 1982

Doc.3: boîte de jeu de Leisure Suit Larry: In the Land of the Lounge Lizards, Sierra On-Line, DOS, 1987

Doc.4 : capture d’écran du jeu Emmanuelle, Coktel Vision, DOS, 1989

Doc.5 : capture d’écran du jeu Shizuku, Leaf, PC, 1996

Citer cet article

Référence électronique

Romain Lebailly, « Jouer la sexualité  », Revue d’histoire culturelle [En ligne],  | 2022, mis en ligne le , consulté le 28 mars 2024. URL : http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=1781

Auteur

Romain Lebailly

Agrégé d’histoire, doctorant en histoire contemporaine sous la direction de Sylvain Venayre à l’université Grenoble-Alpes (LUHCIE) et de Pierre Singaravélou à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (CHAC/UMR Sirice), ATER en histoire à Sciences Po Grenoble. Ses travaux portent sur la culture populaire japonaise depuis 1945, et plus précisément sur l’entreprise de jeux vidéo Sega, à laquelle il consacre sa thèse.
Courriel : romainlebailly@rocketmail.com