« Paco Natillas es de pasta flora, y mea en cuclillas como una señora .»
« Paco Natillas est une chiffe molle, et il pisse accroupi comme une dame. »1
Dans ce dicton grossier de la deuxième moitié du XIXe siècle, le « Paco » dont il est question n’est autre que Francisco de Asís de Borbón, mari de la reine Isabelle II et roi-consort d’Espagne. Paco est un diminutif fréquent en espagnol pour « Francisco », bien sûr inadéquat pour se référer à un roi. Ce procédé satirique, qui a recours à des surnoms couramment utilisés dans le langage populaire, associés à un autre nom faisant référence à l’une des prétendues « qualités » de la personne en question, est souvent utilisé au XIXe siècle en Espagne pour se moquer des gouvernants. Ainsi Joseph Bonaparte était-il surnommé « Pepe Botella » pour sa supposée addiction à l’alcool. Les natillas sont un dessert typique de Castille qui ressemble à la crème brûlée à l’aspect blanc cassé et à la texture semblable à celle d’un flan. Paco Natillas pourrait ainsi se traduire par « Paco le flan ». Ce surnom injurieux semble dénoncer le manque de courage et de force du roi, tout comme l’expression « ser alguien de pastaflora » qui sert à qualifier une personne de faible caractère et qui se laisse marcher sur les pieds2. Son rôle de roi-consort et le caractère trempé de son épouse, la reine Isabelle II, l’ont très tôt soumis à des critiques concernant sa faiblesse de tempérament. En plus de l’inversion carnavalesque habituelle dans la caricature des monarques, il faut ajouter une inversion de genre qui recoupe également toutes les moqueries développées sur la figure de Francisco de Asís. Comme le montrent les études sur le sujet, la féminisation est un procédé classique de la caricature qui sert à dévaloriser des personnages masculins, en les associant à une figure traditionnelle de la femme domestique et soumise3. Il a d’autant mieux fonctionné dans le cas de Francisco de Asís que son entourage semble s’accorder sur le fait qu’il a des manières « efféminées ». Dans d’autres sources, il reçoit ainsi le sobriquet de « Paquita », diminutif féminisé de « Francisco ».
Francisco de Asís de Borbón est le cousin de la reine Isabelle II, parvenue au pouvoir en Espagne dans un contexte tumultueux. En 1833, lorsque meurt Ferdinand VII, une partie de la noblesse et de l’Espagne ne reconnaît pas l’autorité de sa fille – qui n’a de toute façon que trois ans – ni de sa veuve, la régente María Cristina. Une guerre civile éclate alors entre les partisans de Carlos, le frère du roi Ferdinand VII, dits « carlistes », qui veulent rétablir l’absolutisme, et ceux de la régente. Pour appuyer leurs revendications les carlistes invoquent la Ley de Sucesión fundamental, promulguée en Espagne à partir de l’arrivée des Bourbons sur le trône en 1713, selon laquelle le droit de succession des héritiers mâles en ligne indirecte prévalait sur le droit des héritières en ligne directe. Autrement dit, aucune femme ne pouvait monter sur le trône sauf dans le cas où elle n’aurait eu ni frère, ni oncle, ni cousin susceptible de prendre la succession. En 1830, pour contrer les appétits de son frère Carlos, Ferdinand VII publie une Pragmatique Sanction de 1789 qui prévoyait un retour à la législation traditionnelle espagnole et qui permettait aux femmes de régner4. En 1840, les carlistes sont défaits, et l’on commence à parler du mariage de l’héritière du trône dont la date légale a été avancée à seize ans. Après plusieurs tentatives auprès de prétendants plus séduisants – autant sur le plan physique que politique – le choix de la régente se porte finalement sur Francisco de Asís. Mais elle ne cache pas que c’est un choix par défaut, et qu’elle est inquiète de la capacité de son futur gendre à donner une descendance à sa fille5.
Dès leur mariage en 1846, l’union de Francisco de Asís de Borbón et d’Isabelle II suscite des moqueries6. Tandis qu’on prête à la reine des aventures avec divers personnages éminents de la Cour, son mari est tourné en ridicule pour son caractère efféminé7. Rapidement, le bruit court que Francisco préfère les hommes et qu’il ne serait pas le père biologique du prince héritier, le futur Alphonse XIII. Des caricatures ou des chansons circulent sous le manteau, se riant du roi, de son manque prétendu de virilité ou de sa supposée homosexualité. En réalité, selon l’historienne et biographe d’Isabelle II, Isabel Burdiel, il souffre d’une malformation bénigne du pénis, l’hypospadias8. Son méat urinaire, au lieu d’être situé au bout du gland, aurait débouché en-dessous de la verge. Or, au XIXe siècle, cette malformation est réputée provoquer l’impuissance.
Les railleries atteignent leur paroxysme lors de la révolution qui met fin au règne d’Isabelle II en 1868. Appelée « la Glorieuse » (« La Gloriosa »), cette révolution naît d’un mécontentement face à la politique jugée trop modérée et conservatrice des ministres de la reine et de la répression menée contre les progressistes : démocrates, républicains et partisans du krausisme9.
Paraît alors clandestinement une série d’aquarelles satiriques intitulées « Les Bourbons à poil » (« Los Borbones en pelota »), où des procédés courants de la caricature comme l’animalisation, la féminisation et les métaphores du cirque côtoient un nombre important d’aquarelles obscènes10. Ces publications viennent en appui du discours politique de disqualification du régime en se servant du registre obscène pour « illustrer » sa décadence morale et la perversion de ses représentant·e·s11. Selon Isabel Burdiel, qui en a publié une réédition en 2012, accompagnée d’une mise en contexte historique instructive, ces aquarelles ont largement circulé à l’époque12. Elles ont pourtant été redécouvertes assez récemment par les historien·ne·s. C’est en 1989 que la Section des Beaux-Arts de la Bibliothèque Nationale d’Espagne remet la main sur deux portfolios de quatre-vingt-neuf aquarelles pornographiques, auxquelles ont depuis lors été ajoutées quatre autres aquarelles postérieures attribuées aux mêmes auteurs. Cette production iconographique se distingue par la qualité esthétique de ses réalisations. Les aquarelles sont en effet très soignées, utilisant une large palette de couleurs et des procédés de représentation témoignant d’une maîtrise du dessin et de la caricature. Il est probable que les auteurs des aquarelles aient été plusieurs à se cacher derrière le pseudonyme « SEM » (de « semen », le sperme), compte tenu des variations dans le trait : alors que certaines comme celles numérotées de 1 à 16a relèvent d’un style très réaliste, d’autres comme la numéro 16b montrent de petits personnages à la tête disproportionnée et au visage déformé selon un procédé très utilisé dans la caricature du XIXe siècle13.
L’usage du registre pornographique à des fins de critique du pouvoir politique a notamment été mis en évidence dans le cadre de la Révolution Française. De nombreux travaux ont étudié les caricatures obscènes de l’entourage royal, centrées en particulier sur le personnage de Marie-Antoinette14. Ils montrent comment l’obscénité a été utilisée par les révolutionnaires pour disqualifier la monarchie, présentée comme pervertie, tout en questionnant les tabous de la société d’Ancien Régime. Lynn Hunt, en particulier, s’est intéressée à l’obsession de ces libelles pour la reine15. Celle-ci apparaît tour à tour comme une libertine, une nymphomane, une femme dominatrice face à un roi impuissant, une mère indigne qui pratique l’inceste avec ses enfants, et finalement comme une mauvaise mère pour la Nation, « corrompue et corruptrice ». Pour Hunt, le genre de Marie-Antoinette explique l’acharnement des pornographes contre sa personne16. Elle rappelle que la Révolution Française s’est construite sur une homosociabilité et sur l’exclusion des femmes de la vie publique et politique. La mise en scène obscène « des corps » de la reine a permis d’une part de diaboliser cette figure féminine du pouvoir, tout en apportant des arguments à ceux qui considéraient que l’association entre pouvoir et féminité était une anomalie et une perversion17. Dans le cas d’Isabelle II, on retrouve également une critique très précoce de la légitimité de son autorité sur la base des représentations de genre, comme dans la volonté des carlistes d’imposer la loi salique en Espagne. Isabel Burdiel souligne également que l’hypersexualisation d’Isabelle II dans Los Borbones en pelota sert, comme dans le cas de Marie-Antoinette, à présenter la Monarchie comme un régime perverti et décadent18. Ces attaques sont elles aussi genrées : elles présentent la reine espagnole comme l’exact opposé du modèle de féminité catholique revalorisé à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle en Espagne, centré sur la pureté et la rigueur morale19. La différence entre Isabelle II et Marie-Antoinette réside toutefois dans leur statut : la première est l’héritière du trône et la monarque légitime, la seconde n’est que l’épouse du roi.
Ce manque de légitimité affecte au contraire Francisco de Asís. Les caricatures peuvent d’autant plus jouer sur l’inversion des rôles de genre dans le couple royal qu’il n’a pas, en tant que roi-consort, à jouer un rôle prépondérant en politique. Néanmoins, il est facile à partir de cette position de le présenter comme un mari dominé par sa femme, et de le décrédibiliser en tant qu’homme sur la base des normes de genre. Dans cet article, nous nous proposons de nous intéresser à cet aspect peu exploré de la publication Les Bourbons à poil, en nous centrant non pas sur la figure d’Isabelle II, mais sur celle de son conjoint. Celui-ci apparaît dans trente-six des quatre-vingt-treize aquarelles20. Sur quasiment toutes, il est en second plan, représenté comme plus petit que les autres personnages, ou en-dessous d’elles et eux. Les seules aquarelles où il est le centre de la scène sont celles où il a des relations avec des nonnes, la Sœur Patrocinio (19 et 35)21 ou une jeune novice (87)22. Bien qu’étant toujours associé à des scènes sexuelles, on ne le voit jamais en train de pratiquer le coït. Soit il se masturbe (6, 83 et 17b)23, soit il masturbe une partenaire (19, 35 et 87)24 ou apparaît dans la position de sodomite passif (15 et 21)25. Sinon, il observe la scène de loin, la plupart du temps habillé et parfois tenant une chandelle. Dans neuf des aquarelles, il apparaît affublé de cornes, symbole des cocus.
Partant des représentations liées à sa malformation, l’hypospadias, et à ses liens supposés avec l’impuissance, nous montrerons comment cette affection bénigne sert de base à un discours et des images qui ridiculisent le roi, le présentant tour à tour comme cocu, onaniste, impuissant ou homosexuel, alors qu’on ne peut affirmer avec certitude qu’il l’est – du moins pour les trois dernières accusations. Cet exemple nous permet aussi d’explorer les normes de genre à l’œuvre dans Les Bourbons à poil, montrant également les liens étroits entretenus dans les représentations entre pouvoir et phallocentrisme26.
L’inversion des rapports de genre dans le mariage d’Isabelle II et de Francisco de Asís
Avant même que le mariage ne soit conclu, le futur époux d’Isabelle II n’avait pas bonne presse. Il n’apparaît pas aux yeux de la reine-mère ni de la Cour comme le prétendant idéal, et ne suscite que peu d’engouement chez sa promise. On prête à Isabelle II l’exclamation «¡Paquito, no! ¡Con Paquito no!» (« Paquito non ! Avec Paquito non ! »), qui, bien qu’étant certainement inventée, est restée gravée dans les mémoires27.
Francisco de Asís, un mari par défaut
En 1840, un délégué français aux Affaires étrangères à Madrid écrit à son ministre, à propos des tractations autour du mariage d’Isabelle II, la note suivante :
La condition féminine d’Isabelle II laissait supposer (un préjugé culturel profond de l’époque sur la nature et les fonctions des hommes et des femmes) qu’elle ne régnerait jamais par elle-même et que l’influence de son mari serait décisive non seulement concernant les questions domestiques, mais aussi politiques28.
Dès la majorité de la reine – déclarée précocement à treize ans –, son mariage devient un enjeu majeur pour les factions en lutte pour le pouvoir. On voit dans cette déclaration combien les préjugés de genre ont influencé l’idée que l’on se faisait à l’époque de l’influence que le futur roi aurait sur son épouse. Reprenant les normes de division genrée de l’autorité dans le mariage, on considère que le parti qui réussira à imposer « son » candidat parviendra à imposer ses vues à la reine. Les codes de loi aussi bien que les catéchismes religieux répètent en effet que la femme doit être soumise à son époux. Ainsi la Novísima Recopilación, compilation de loi publiée en 1805 et qui demeure la référence en matière de droit civil jusqu’à la publication du Code Civil de 1889, fait de la femme le « sujet » (« súbdita ») de son mari29. Pour les auteurs catholiques classiques comme Fray Luis de León, dont l’ouvrage La Parfaite épouse publié en 1583 est réédité 94 fois jusqu’à nos jours, « les femmes naquirent pour la sujétion et l’humilité »30. Antonio Arbiol, franciscain, auteur de La Famille régulée (1715), écrit quant à lui : « On ne peut pas permettre qu’une femme commande plus que son mari, ni qu’elle le domine en tout, elle doit obéir et se taire »31. Si le rôle de l’épouse dans le mariage est de se soumettre à son mari, on considère également qu’un « vrai » homme sait se faire respecter par sa femme, sous peine d’être suspecté de manquer de poigne virile. Ainsi, pour que le prétendant au trône soit capable d’avoir un ascendant sur la reine, il est fondamental qu’il ait toutes les qualités requises pour être considéré comme un homme viril : robustesse, courage, autorité et attitude dominante dans l’espace intime comme public.
Or d’emblée, Francisco de Asís apparaît comme le prétendant le moins doté de ces qualités. C’est pourquoi María Cristina, la mère d’Isabelle II et régente de 1833 à 1840, souhaite d’abord voir sa fille mariée à un héritier étranger. Elle pense à l’un des fils de Louis-Philippe, mais la reine Victoria s’oppose fermement à cette possibilité lors d’une rencontre avec le monarque français en 1843, de crainte que ce mariage ne permette la construction d’un front continental France-Espagne contre l’Angleterre. L’opposition anglaise met également fin aux tractations de María Cristina dirigées vers le prince héritier de Belgique, Léopold de Saxe-Cobourg Gotha. Les yeux se tournent alors vers les fils de sa sœur, les cousins d’Isabelle qui ont le mérite, contrairement à l’autre côté de la famille, de ne pas être des chefs de file carlistes32.
La préférence va d’abord à Enrique, comme l’expose l’ambassadeur britannique en Espagne en des termes peu élogieux pour Francisco de Asís :
Des deux fils de Don Francisco, l’aîné [Francisco de Asís], bien que n’étant pas complètement idiot, n’est pas très dégourdi et sa personnalité est clairement vile (…). Il ne suscite que peu de sympathie à la Reine, et un certain ridicule inhérent à sa voix aiguë et à ses manières futiles [modales insignificantes] ne jouent pas en faveur de son obstination à accéder à la situation élevée à laquelle sa famille aspire pour lui (…). Son frère (l’infant Enrique) est d’un caractère différent, il a les qualités qui permettent de laisser penser qu’il jouera un rôle dans les événements de ce pays et qu’il parviendra à devenir d’une manière ou d’une autre un leader, si ce n’est d’autre chose, des mécontents33.
L’infant Enrique jouit dans un premier temps de la préférence de tou·te·s. Il est progressiste et compte également sur le soutien d’une partie du Parti Modéré. Cet engagement va jouer en sa défaveur. Impliqué dans une tentative de coup d’État progressiste en Galice, sa prétention au trône d’Espagne apparaît alors comme un danger pour les monarchies européennes, qui préfèrent voir accéder au pouvoir un libéral plus modéré. Dès 1846, une menace de révolution plane en Europe, ajoutant à la nécessité de résoudre rapidement ce problème de mariage en Espagne. C’est ainsi que les yeux se fixent sur Francisco de Asís, mais cette décision est d’emblée considérée par l’entourage de la reine comme un choix par défaut. En témoigne par exemple le marquis de Miraflores dans un écrit de 1846 où, dressant un bilan de la situation, il conclut par cette phrase : « Devant la nécessité de choisir, on se décida pour le fils ayant le moins de passions et les moins brûlantes »34.
C’est aussi à Miraflores que la mère d’Isabelle II confie :
Enfin, vous l’avez vu, vous l’avez entendu. Ses hanches, sa manière de marcher, sa petite voix…Ceci n’est-il pas un peu inquiétant, un peu étrange35 ?
L’inquiétude de María Cristina sur les manières efféminées de son futur gendre porte plus précisément sur ses capacités à donner à Isabelle II un héritier, qui plus est mâle. En effet, des croyances fermement implantées au XIXe siècle laissent entendre que plus le mari est fort et dominant dans le couple et dans l’acte conjugal, et plus il y a de probabilités pour que l’enfant soit un garçon. Par exemple, Felipe Monlau, médecin et hygiéniste espagnol très reconnu dans la deuxième moitié du XIXe siècle, consacre plusieurs pages à cette question dans son Hygiène du mariage publié en 1853. Il écrit notamment que « la détermination du sexe dépend strictement du degré de vitalité du petit œuf et de la force de l’animalcule spermatique. S’il y a une prédominance marquée de l’époux, la fécondation est masculine »36. Durant les mois où elle tente d’empêcher ce mariage, María Cristina aurait même fait des allusions répétées devant les ambassadeurs français et britanniques à Madrid à l’impuissance supposée de son neveu37. Ces propos sont aussi répétés et amplifiés par le général Serrano, alors amant de la reine38.
À maints égards, Francisco de Asís apparaît en effet comme un personnage fade, sans beaucoup de personnalité, quand il n’est pas tout simplement présumé hypocrite, malhonnête et intrigant. Ses sympathies à l’égard des carlistes ne sont pas inconnues à la Cour, et les archives apportent des arguments à ceux qui voyaient d’un mauvais œil ses manigances et ses tentatives de manipulation. Ce n’est pas un hasard s’il apparaît dans Les Bourbons à poil que comme un personnage de second plan, toujours dans l’ombre de la reine, de sa Cour et de ses amants, sauf lorsqu’il est en compagnie de religieuses. Les rumeurs sur ses relations avec la Sœur Patrocinio ou des jeunes novices qu’elle lui aurait fournies permettent de mettre en scène un roi qui couche avec l’Église, dénonçant les affinités politiques de Francisco de Asís avec les catholiques les plus conservateurs en Espagne.
Les amants de la reine ou « la forêt de pénis » dressés
On a beaucoup écrit sur les amants d’Isabelle II, imaginaires ou avérés39. Isabel Burdiel rapporte ainsi que certaines familles gardent encore en souvenir « une horloge, un berceau ou un document confus prouvant que l’un de leurs ancêtres avait été amant de la reine »40. Il est certain que ses infidélités ont commencé très tôt, et que Francisco de Asís était au courant. Quelques mois à peine après son mariage, la jeune reine commence à mener une vie festive et à manifester une hostilité croissante envers son mari, sa mère, et toutes les personnes ayant participé à son mariage forcé. Elle n’a que seize ans lorsqu’elle se marie, et n’en a que dix-sept lorsqu’elle rencontre celui qui sera son premier amant, le général Francisco Serrano, militaire et homme politique espagnol de tendance progressiste41. Leur relation est si connue de tou·te·s que l’ambassadeur britannique lui-même aurait tenté d’intervenir pour que la reine se fasse plus discrète et pour améliorer l’entente dans le couple royal42. L’influence que gagne Serrano grâce à sa relation avec la reine ne plaît pas à tout le monde, et en particulier aux libéraux modérés qui entourent María Cristina, l’ex-régente. Après avoir réussi à marier sa fille à un libéral conservateur – si tant est que Francisco de Asís eut été libéral, compte tenu de ses liens étroits avec les carlistes – il n’est pas question qu’elle retombe entre les mains des progressistes ! L’affaire devient internationale. The Times, journal anglais heureux de voir l’opportunité de dénigrer la monarchie espagnole après le mariage de la sœur d’Isabelle avec le duc de Montpensier, se fait l’écho de l’histoire de la jeune femme mariée contre son gré qui tient tête à une famille autoritaire. Cette image plaît en Espagne également et Isabelle, lors de ses sorties publiques au cours du printemps 1847, suscite un grand enthousiasme parmi la foule madrilène qui entonne l’hymne de Riego (le chant des libéraux radicaux) et lance des fleurs à sa reine43.
Forte de ce soutien populaire et de celui des alliés de Serrano, le Parti progressiste, la reine décide d’abord de révoquer un gouvernement modéré qui avait la majorité à l’Assemblée (les Cortes), pour placer à sa tête Joaquín Francisco Pacheco, un progressiste. Cette décision intervient directement après des tentatives pour éloigner son amant de la Cour en le nommant Capitaine Général de Navarre. À la suite de quoi, Isabelle commence à faire des démarches pour annuler son mariage. Elle envoie au roi un document officiel (des capitulaciones) annonçant sa volonté de se séparer de lui et l’annonce au gouvernement. Dans une lettre de Juan Donoso Cortés, modéré catholique conservateur qui joue le rôle de secrétaire particulier auprès d’Isabelle II, à Fernando Muñoz, second époux de la reine-mère María Cristina, celui-ci rapporte qu’Isabelle raconte à qui veut l’entendre qu’elle n’est pas mariée, ou qu’elle veut divorcer pour se marier avec le général Serrano44. À nouveau, The Times écrit que :
S’est déjà ébruitée la rumeur selon laquelle la reine d’Espagne aurait exprimé sa ferme volonté d’obtenir l’annulation de son mariage, réalisé sous contrainte morale et condamné à la stérilité éternelle45.
Diverses manœuvres, dont certaines venant de Francisco de Asís, finissent par provoquer la séparation de la reine et de son amant en 1848. Mais cet épisode démontre que la reine a son caractère, qu’elle n’est pas prête à se laisser dicter sa conduite par son entourage, et qu’elle refuse ce mariage qui lui a été imposé. L’entente avec Francisco de Asís est d’emblée brouillée, et l’image du couple royal ne s’en remet pas. Dans un premier temps, la situation de la reine suscite l’adhésion de l’opinion publique, et c’est son mari et sa mère qui ont le mauvais rôle. Celui-ci apparaît comme un homme peu désirable, et comme un mari incapable de se faire respecter par sa femme. L’inversion des rôles entre Isabelle II et Francisco de Asís commence dès les premières années de leur mariage : alors qu’il devrait la gouverner, c’est elle qui lui impose ses amants et qui l’humilie publiquement.
Même si aucune liaison n’a eu par la suite autant de retentissement politique, après le général Serrano, d’autres amants se succèdent aux côtés de la reine. Citons entre autres le Marquis de Bedmar, qui n’est pas non plus du goût des modérés car jugé trop progressiste, puis José María Ruiz de Arana, fils du comte de Sevilla la Nueva, dont la relation avec Isabelle II commence peu de temps avant la naissance de l’infante Isabelle. À ces quelques exemples on peut également ajouter celui de Carlos Marfori, le neveu du général Narváez, qui aurait été l’amant de la reine durant les dernières années de son règne et qui apparaît comme tel dans les aquarelles obscènes Los Borbones en pelota.
Comme le souligne Isabel Burdiel, c’est d’abord du milieu des libéraux modérés que surgissent les rumeurs sur les amants de la reine. Si le discours se couvre parfois d’un voile pudique invoquant des raisons morales, la critique à l’égard du comportement licencieux de la reine émerge souvent par jalousie envers le pouvoir qu’acquièrent ceux qui ont ses faveurs. Tout comme les représentations de genre laissent entendre que le prétendant qui obtiendrait sa main lui imposerait ses vues politiques, on considère que ses amants ont sur elle une influence politique décisive. À l’inverse, pour bien signaler l’absence de pouvoir de ce type de Francisco de Asís, celui-ci n’est jamais représenté dans Les Bourbons à poil en train d’avoir un rapport sexuel avec la reine. La plupart du temps, il la regarde avoir des relations avec ses amants, parfois derrière elle ou en arrière-plan de l’image en train de se masturber (par exemple dans les aquarelles 6 et 17b46), et par trois fois il reste habillé et tient une chandelle (aquarelles 23, 40 et 5347). Dans deux aquarelles il semble également essayer d’avoir un rapport avec la reine, mais celle-ci le rejette en lui demandant « d’attendre son tour » (nº 97, la légende dit : « Isabelle – Attends que termine mon intendant./ Paquita – Respectons le tour de chacun, comme à la fontaine ! »)48. Dans le nº 57, Francisco de Asís semble solliciter un coït avec sa femme, sexe dressé et debout sur une estrade pour tenter de parvenir à sa hauteur, elle étant assise sur un cheval. Mais l’attitude moqueuse d’Isabelle et la légende (« Ah Paquita ! Tu pourras la voir, / mais pas la goûter »49) montrent que la reine reste inaccessible pour son mari, quand bien même les aquarelles la représentent comme une nymphomane qui couche avec tous ses conseillers, ses gardes et même son confesseur.
Les autres aquarelles montrent quelques-unes de ces scènes. Ainsi, dans l’aquarelle nº6 la reine couche avec le père Claret, son confesseur et homme très influent à la Cour à la fin de son règne, alors que son amant présumé du moment, Carlos Marfori, arrive dans la chambre le pénis découvert et dressé50. Pendant ce temps, Francisco de Asís semble se soulager au-dessus d’un bassinet. La deuxième aquarelle 10b est à peu près semblable, si ce n’est qu’elle met en scène Luis González Bravo, qui fut président du conseil des ministres entre 1843 et 1844 puis ministre de l’Intérieur à plusieurs reprises, notamment lors de la sanglante répression de la Nuit de Saint-Daniel contre les étudiants progressistes en 186551. La reine tient le pénis de son ministre comme un sceptre, tandis qu’elle fornique avec Carlos Marfori, assise sur le trône. Les aquarelles nº15 et 74 présentent des scènes de sexe de groupe52. Dans l’aquarelle nº 15, la reine couche avec son amant sur le dos de son mari, tout en tenant le sexe du père Claret, l’incitant à sodomiser son mari. Au second plan, la mort couche avec Luis González Bravo et Napoléon III. Enfin, la dernière aquarelle, le nº74 met en scène les mêmes personnages et un nouveau : Isabelle II, Napoléon III, le père Claret et Carlos Marfori, avec, en second plan, Francisco de Asís faisant mine de se castrer avec un long couteau.
L’obscénité déployée dans Los Borbones en pelota démontre, à la fois par ses mises en scène crues et par la brutale misogynie qui se déploie contre Isabelle II, l’importance de la vigueur masculine et du pénis en érection dans les représentations de la masculinité conquérante, et celle du phallocentrisme dans les représentations du pouvoir au XIXe siècle. Les études portant sur les masculinités au XIXe siècle en Occident, que ce soit en France comme en Espagne, ont en effet démontré la survalorisation de la puissance virile non seulement dans les représentations de la sexualité, mais par extension dans de multiples aspects de la vie culturelle, politique et sociale53. La décrédibilisation d’Isabelle II ne pouvant passer comme pour des rois masculins par une dénonciation de son manque de puissance, le registre pornographique sert à la montrer sous les traits d’une Ève déchue et délégant son pouvoir à une multitude de pénis dressés, symboles de la véritable puissance. La « forêt de pénis » qui l’entoure dans ces aquarelles, et plus encore celui qu’elle tient comme un sceptre dans l’aquarelle 10b, représentent le pouvoir dont sont investis les amants de la reine54. Mais, tandis que ceux-ci se trouvent dotés des attributs du pouvoir, le mari en est dépouillé, se retrouvant dans un coin de l’image, seul avec un couteau ou un bassinet. Jamais il ne peut posséder la reine et asseoir ainsi sur elle son pouvoir. Il est d’ailleurs à noter que si sur plusieurs aquarelles, Francisco de Asís semble doté d’un membre de taille semblable à celles des autres hommes (disproportionnée), dans plusieurs représentations son pénis est plus petit que celui des autres hommes ou n’est pas en érection, comme dans les nº 14 et 2155. Nous pouvons y voir la représentation symbolique de son impuissance sur laquelle des bruits ont couru dès son mariage en 1846, comme pendant à la « nymphomanie » de sa femme.
Francisco de Asís, premier cocu du royaume
Les critiques à l’égard d’Isabelle II se sont très vite concentrées sur ses nombreux amants, et ce bien avant la publication des aquarelles de 1868. Il y là une dimension de genre fondamentale. Alors que, dans le cas de rois masculins, la multiplication des relations avec des femmes laisse soit l’opinion indifférente, soit peut contribuer à renforcer l’image d’un roi vigoureux, la délégitimation des souveraines passe souvent par une assimilation de la figure royale à celle de la nymphomane pathologique56. Cela est d’autant plus vrai au XIXe siècle que la médecine proto-sexologique alors en construction dans le monde occidental se concentre à partir des années 1850 autour de l’étude des manifestations « pathologiques » du désir57. La nymphomanie apparaît comme une « manie » au sens de maladie mentale, provoquée par une obsession des femmes pour le plaisir sexuel et la multiplication des partenaires. Mais les travaux sur le sujet ont bien montré que la nymphomanie n’est perçue comme telle qu’en référence à un modèle de féminité où la norme est l’absence ou la rareté du désir sexuel58. C’est particulièrement le cas en Espagne où, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, se développe un modèle de féminité qui revalorise la sensibilité, la religiosité, la pudeur et la virginité comme des caractéristiques spécifiquement féminines, en lien avec la volonté de l’Église d’appuyer son renouveau sur cette tranche de la population59.
S’il est intéressant de constater la différence avec laquelle on juge la vie sexuelle d’Isabelle II en comparaison avec les amantes des rois masculins, il l’est également de souligner l’impact de cette double morale genrée sur l’image du conjoint d’Isabelle II. En France, les maîtresses officielles ont souvent eu une influence sur la vie politique – que l’on pense par exemple à l’importance de Madame de Montespan ou de la marquise de Maintenon sous le règne de Louis XIV. Pourtant, cela n’a jamais contribué à discréditer l’identité de la reine, épouse officielle. Dans le cas du couple d’Isabelle II et de Francisco de Asís, la multiplication des amants de la part de la reine dévalorise son époux aux yeux du monde. Celui-ci en est bien conscient. Dans le cas de la relation que sa femme entretient avec le général Serrano, il confie que ce qui le gêne en premier lieu est son caractère public. Lors d’une rencontre avec le ministre Benavides, il lui confie effectivement :
Je sais bien qu’Isabelita ne m’aime pas ; je l’excuse, car notre union a davantage été le fruit de la raison d’État que de l’inclination personnelle ; je suis d’autant plus tolérant à cet égard que moi non plus je n’ai pas pu développer de tendresse envers elle60.
Il ajoute ensuite qu’il est disposé « à prendre le chemin de la dissimulation », précisant : « je me suis toujours montré favorable à maintenir les apparences pour éviter cette désagréable rupture »61. Autrement dit, Francisco de Asís se dit disposé à accepter d’autres amants, pourvu qu’elle se fasse plus discrète et que ceux-ci ne se montrent pas insultants envers lui. Il reproche en effet à Serrano d’avoir eu des mots grossiers contre lui – et de fait on sait que ce dernier s’est fait un plaisir d’amplifier les on-dit sur l’impuissance supposée du roi. Pour celui-ci, le fait que tout le monde soit au courant de leur relation est humiliant, non seulement en tant que roi, mais aussi en tant qu’époux et homme. En agissant comme tel, la reine renverse les rapports de pouvoir traditionnels dans le couple et montre aux yeux de tou·te·s que c’est elle qui impose son autorité à son mari. En tant que reine, ce comportement est légitime, mais il déroge à la hiérarchie genrée du mariage. S’accaparant d’une liberté adultérine normalement réservée aux hommes, elle se comporte comme si c’était elle l’homme. L’hypersexualisation de la reine va donc de pair avec le discrédit de son époux, dont l’humiliation rejaillit même sur l’ensemble du peuple espagnol.
Dans les aquarelles Les Bourbons à poil, Francisco de Asís apparaît la plupart du temps affublé de cornes, parfois aussi grandes que des bois de cerf (voir par exemple les aquarelles 9, 14, 17b et 71). Censées être symboles de puissance et de virilité (en argot italien, « corno » désigne le pénis), les cornes sont dans le registre satirique celui du mari cocu62. On peut penser que la taille des cornes de Francisco de Asís est inversement proportionnelle à sa virilité ainsi qu’au nombre d’amants de sa femme. Il est aussi plusieurs fois dessiné sous les traits d’un bouc, comme par exemple dans l’aquarelle 17 intitulée « Souvenirs du carnaval », où il apparaît déguisé et tenu en laisse par Isabelle II, ou dans l’aquarelle 50 qui représente Isabelle II, son mari, le père Claret, Carlos Marfori et sœur Patricinio sous des traits animaux63. Animal cornu, le bouc est souvent utilisé dans la caricature pour figurer un mari cocu, tandis que l’animalisation est un procédé satirique récurrent dans la caricature occidentale du XIXe siècle64. Qui plus est, en castillan, le mot « cabra » qui désigne aussi bien le bouc que la chèvre, et son masculin « cabrón », bien que moins utilisé dans le langage courant, ont un double sens. « Cabrón » est une insulte très vulgaire s’appliquant au mari « qui consent à l’adultère de sa femme »65. La légende de l’aquarelle 71 montre combien son déshonneur en tant que mari cocu affecte tout le peuple espagnol, humilié d’être représenté par un roi dont le monde entier connaît la faiblesse :
Ton noble visage ternit / Le nuage du déshonneur, / Chasse vite ce brouillard, / Coupe tes cornes, Seigneur : / Que le monde entier te montre du doigt, / L’Europe te traite de « cabrón », / Et, « cabrón » répète l’écho / À tout le peuple espagnol66.
Le deuxième aspect problématique dans le comportement de la reine, et qui la distingue de ses homologues masculins est lié à la question de la paternité. Au XIXe siècle, en Espagne comme dans tous les autres pays européens, l’adultère féminin est beaucoup plus sévèrement puni que l’adultère masculin67. L’existence d’une double morale genrée, qui ferme les yeux sur les infidélités masculines et punit férocement les infidélités féminines, est souvent justifiée au XIXe siècle par la représentation d’un désir naturel masculin perçu comme incontrôlable. Mais plus fondamentalement, l’adultère féminin pose le problème de la paternité et de la lignée, une responsabilité de laquelle l’homme adultère peut se désengager. Le problème est d’une autre dimension lorsque les aventures amoureuses de la reine laissent planer le doute sur la continuité dynastique. Très tôt, des doutes ont ainsi été émis sur le fait que Francisco de Asís soit le père de l’infante Isabel, puis de l’héritier au trône, le futur Alphonse XII, et ils ont persisté bien après leur mort68. En réalité, lors de la naissance de l’infante Isabel en 1853, c’est Francisco de Asís lui-même qui menace de ne pas assister à l’accouchement parce qu’il estime que cette enfant ne peut être de lui. Le jour dit, il n’accomplit pas les rites la reconnaissant comme sa fille. L’enfant meurt cependant à peine née. L’entourage royal remarque cependant que Francisco de Asís, meurtri par le comportement d’Isabelle à son égard, fait partie des premières personnes à encourager les rumeurs sur sa vie sexuelle. Il utilise sa vie privée pour faire pression sur elle, et ne cache pas depuis « l’affaire Serrano » sa rancœur et son désir de vengeance. C’est ainsi que le duc de Riánsares en 1854 décrit le roi comme « un homme faible, sans soutien, d’un talent politique limité, très jeune et ambitieux (…) [qui] haïssait sa femme et voulait se venger »69. Lors de la naissance d’Alphonse, le roi ne reproduit pas ce chantage lors de l’accouchement et reconnaît le prince comme son fils, mais de sérieux doutes pèsent également sur son origine. L’historien de l’Église Vincente Carcel Ortí aurait mis la main sur des échanges de lettres entre le pape Pie IX et les monarques espagnols, transmises par le cardinal Antonelli au nonce apostolique Barili, qui feraient directement référence au fait que le père d’Alphonse XII serait l’amant de la reine, Enrique Puigmoltó y Mayans70. Dans Les Bourbons à poil, ces doutes apparaissent dans plusieurs aquarelles et notamment le nº17b dont la légende indique « Atelier royal de construction de princes. On accepte des ouvriers »71.
Le comportement sexuel de la reine, bien que semblable à celui de ses homologues masculins, pose problème parce qu’il remet en question la hiérarchie de genre au sein de son couple, mais aussi parce qu’elle s’arroge un privilège masculin : celui d’être volage et adultère sans avoir à en assumer les responsabilités. Plus Isabelle est hypersexualisée et masculinisée, et plus Francisco de Asís perd en virilité. Il est comme jugé responsable du comportement de sa femme parce qu’il n’est pas capable de faire en sorte qu’elle le respecte. Dans les aquarelles obscènes Les Bourbons à poil, il est ainsi représenté comme un mari cocu, en retrait mais souvent présent lors des orgies de sa femme avec ses amants, qui assiste impuissant à la scène.
Impuissant ou homosexuel ?
Il n’a pas toujours été nécessaire qu’un roi souffre d’un véritable problème génital pour que des insinuations soient faites sur son impuissance, comme le montre l’exemple français de Louis XVI. Dans le cas de Francisco de Asís, la dévalorisation symbolique dont il est l’objet du fait du comportement de sa femme est renforcée des rumeurs concernant la malformation dont il souffre.
L’hypospadias, une malformation bénigne mais infamante
Selon Isabel Burdiel, on sait de « la tradition médicale orale » que Francisco de Asís souffre d’hypospadias72. L’historienne s’appuie pour le justifier sur le dicton cité en exergue de cet article qui dit « qu’il pisse assis comme une dame », ce qui semble effectivement indiquer une telle malformation. Le débouché du méat urinaire en-dessous de la verge au lieu du gland peut en effet obliger l’homme ainsi constitué à s’asseoir pour uriner au lieu de pouvoir « pisser comme un homme ». En toute rigueur, l’hypospadias ne constitue pas une cause d’impuissance sexuelle. Selon les définitions de l’époque, l’impuissance caractérise toute situation où une malformation ou une incapacité physique ou psychologique empêchent la pratique du coït73. Bien que le diagnostic ne soit à l’époque pas réservé qu’aux hommes, l’impuissance est définie par la pénétration. Or l’hypospadias n’affecte pas la capacité érectile. Tout au plus peut-elle poser un problème de stérilité si l’éjaculation ne peut avoir lieu dans le vagin. C’est ce que souligne un article publié en 1864 dans la revue médicale El Siglo Médico, publication médicale à plus large spectre de diffusion dans l’Espagne du second XIXe siècle. L’auteur écrit ainsi « qu’il existe en médecine légale une erreur généralement admise et certifiée par de nombreux professeurs, selon laquelle l’hypospadias constitue un cas d’impuissance absolue qui autorise le recours à la nullité de mariage »74. L’impuissance sexuelle constitue en effet un « empêchement dirimant » au mariage, autrement dit une cause légitime pour demander à un tribunal ecclésiastique l’annulation des noces.
Or, l’étude des nullités de mariage présentées devant les tribunaux diocésains espagnols montre que l’hypospadias continue d’être considérée comme une cause d’impuissance absolue dans la seconde moitié du XIXe siècle. Un cas que nous avons étudié par ailleurs, postérieur au discours développé sur Francisco de Asís, montre que les praticiens continuent de débattre sur la nature de l’hypospadias et sur sa capacité à produire une impuissance absolue. Les médecins légistes qui examinent un certain Francisco Rubio de la Fuente le 4 août 1879 dans le cadre de la demande de nullité présentée par sa femme devant le tribunal diocésain de Madrid, observent ainsi que son pénis est « plus petit que la moyenne », ne mesurant que trois centimètres, et que « l’ouverture de l’urètre n’existe pas au niveau de l’extrémité du gland, c’est-à-dire à l’endroit normal ou physiologique, se présentant en revanche au niveau de la fossette naviculaire et par conséquent plus proche du gland »75. Pour ces deux premiers médecins, « la fonction de génération peut être effectuée compte tenu du fait qu’il existe effectivement un membre, bien que petit, et qu’il peut donc y avoir introduction, non seulement dans les organes génitaux externes mais aussi dans le vagin, que la liqueur spermatique atteindrait peut-être en étant éjaculée ». En revanche, un troisième médecin intervenant dans le procès en 1882 pose le diagnostic inverse. Selon lui :
Le pénis ou membre viril est extrêmement diminué (…). [Qui plus est] ce petit membre souffre du défaut d’être particulièrement incurvé vers le bas et l’arrière, c’est-à-dire vers le lieu qu’occupe la portion d’urètre qu’il lui reste. Que ce conduit de l’urètre est totalement absent à partir de l’endroit que devrait occuper le méat urinaire naturel, presque jusqu’à l’endroit où commence la peau du scrotum (…) ce qui constitue un hypospadias de second ordre.
Faisant uriner le sujet de l’examen, on a observé qu’il ne peut pas le faire en ligne droite et vers l’avant, sauf en étirant avec beaucoup de force le membre, afin de diminuer de manière artificielle sa courbure ; et même ainsi, si l’urine sort avec force, bien qu’avec un maigre jet, ladite urine se heurte contre les parties antérieures du pénis et prend une direction courbée, de telle sorte que si l’on n’étirait pas artificiellement le membre avec les doigts, l’urine sortirait naturellement vers le bas et vers l’arrière, mouillant le scrotum, qui se mouille déjà un peu malgré le fait d’étirer le membre.
Avec cette expérience, le médecin cherche à montrer qu’en cas d’éjaculation, le sperme prendrait le même chemin que l’urine, autrement dit vers l’arrière en coulant le long du scrotum. Il observe enfin une « bande ligamenteuse ou membraneuse (…) qui adhère à la partie correspondant aux corps caverneux », et qui selon lui provoque une atrophie incurable et une courbure de la verge impossible à redresser, surtout en érection. En réalité, dans le dernier tiers du XIXe siècle, certains chirurgiens se risquent à des opérations de redressement de pénis ainsi incurvés, par incision de la partie inférieure de la verge et des corps caverneux rétractés, qui sont alors séparés76.
Il est intéressant de souligner comment, dans ce diagnostic, le médecin s’attarde sur le jet d’urine pour déterminer la nature de l’hypospadias. Cela semble accréditer l’hypothèse selon laquelle les allusions sur Francisco de Asís faisaient référence à une malformation de ce type. On peut d’ailleurs observer dans l’une des aquarelles obscènes une autre référence à sa malformation. Dans l’aquarelle nº6, où la reine fornique avec son confesseur, le père Claret, tandis qu’approche son amant Carlos Marfori avec le pénis en érection, le roi est représenté dos au lit en train de se masturber77. D’une main il tient le bout de sa verge et de l’autre un bassinet, positionné bien en-dessous de son sexe et un peu incliné. On peut suggérer que la position du bassinet, placé non au niveau de son gland mais en-dessous de la verge fait référence à sa malformation. Si dans cette aquarelle il semble plutôt se masturber, la petitesse de son pénis par rapport à celui de Carlos Marfori mérite que l’on s’y reprenne à deux fois pour observer s’il s’apprête à éjaculer ou à uriner. Dans une autre aquarelle, en revanche, il semble plutôt uriner de peur (sur la couronne d’Isabelle) face à l’irruption de la Révolution dans la salle du trône (nº 16b)78.
Sur un nombre important d’aquarelles le roi est représenté en train de se masturber et son pénis est alors de taille démesurée, comme celui d’autres personnages masculins. Mais il est significatif que les représentations obscènes de Francisco de Asís reviennent constamment sur sa pratique supposée de l’onanisme, et en particulier l’aquarelle nº 83. Détournement du genre du portrait en majesté, sur cette aquarelle figure le roi-consort debout, portant sa tenue d’officier militaire, mais sexe à la main et affublé de bois de cerfs immenses. La légende le désigne comme « premier branleur de la Cour »79. Au XIXe siècle, la figure de l’onaniste est fréquemment associée à celle de l’impuissant et de l’individu à la sexualité pathologique. Selon les savoirs médicaux de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, en particulier ceux postérieurs à la parution de l’ouvrage du médecin suisse Samuel-Auguste Tissot, la masturbation provoquant une déperdition excessive de sperme entraîne une diminution radicale de l’énergie vitale80. L’onaniste est ainsi décrit dans les sources médicales comme un sujet pâle, imberbe, au regard languissant et globalement victime d’une léthargie ou d’un marasme qui mène parfois à la mort par épuisement. Mais avant d’en arriver là, le masturbateur commence déjà par s’affaiblir et s’efféminer. La figure de l’onaniste entretient ainsi des liens avec celle de l’inverti qui émerge dans les années 1850, et apparaît comme un modèle de masculinité défaillante81. Il n’est donc pas anodin que Francisco de Asís, quand il n’est pas représenté sous la forme d’un impuissant ou d’un sodomite, apparaisse sous les traits du masturbateur. C’est encore une autre manière de faire référence à son manque de virilité. Mais qui plus est, on prête également aux masturbateurs, et parfois aux impuissants, des attitudes peu honorables ou des caractères mauvais. Antonio Ballano écrit ainsi au début du siècle que les onanistes sont :
[d]es sujets pâles, qui n’ont aucun poil sur toute la superficie du corps, dont la voix est claire, aiguë et perçante, qui sont lâches, pusillanimes, lents, paresseux et même dissimulateurs, jaloux, mal intentionnés et très cruels, comme j’ai pu l’observer moi-même sur diverses personnes de ce tempérament82.
Ce genre de représentations continue à être associée aux hommes jugés efféminés ou, comme nous le verrons ensuite, aux invertis. Or, comme souligné précédemment, Francisco de Asís n’était pas une personnalité très appréciée, en particulier en raison de son caractère dissimulateur et intriguant. On le décrit comme avide de pouvoir et peu fiable. Ces caractéristiques peu conformes à la masculinité hégémonique, contraires à la conception de l’honneur masculin en Espagne, font de lui un personnage peu apprécié à la Cour, qui n’est pas plus charismatique aux yeux du grand public83.
De l’hypospadias à l’accusation d’impuissance sexuelle et d’onanisme il n’y a donc qu’un pas, conformément aux représentations communes des troubles de la sexualité masculine dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De la même façon, des rumeurs laissaient entendre que Francisco de Asís préfère les hommes, bien qu’aucune preuve n’en ait été apportée. Il est plus probable que ces insinuations soient la conséquence de préjugés basés sur ses manières jugées efféminées.
De l’impuissance à l’homosexualité : la perversion de la Monarchie
Isabel Burdiel ne fait effectivement aucune mention de l’homosexualité présumée de Francisco de Asís. Eusebio Ferrer et María Teresa Puig García, dans leur biographie d’Isabelle II intitulée « À la recherche d’un roi-consort », écrivent que « Francisco de Asís était efféminé, aussi bien au niveau de sa constitution que de ses manières, mais il n’était pas impuissant »84. Si les auteur·e·s n’évoquent pas la question de son homosexualité présumée, ils ajoutent que des publications récentes auraient signalé qu’il avait eu un fils hors mariage avec une comtesse, bien qu’aucun document de l’époque ne semble l’attester. Cela n’empêche pas des journaux actuels comme El Español, un quotidien à diffusion nationale, de publier encore des articles intitulés « “Paquita Natillas”, le roi homosexuel qui ne pouvait uriner debout »85.
Dans Les Bourbons à poil, il est également représenté dans les orgies royales pratiquant la sodomie avec le père Claret. Antonio María Claret est un ecclésiastique espagnol très conservateur, qui devient le confesseur de la reine en 1857, et qui acquiert de ce fait un pouvoir important dans la dernière décennie du règne. Il est également un intermédiaire privilégié avec le Saint-Siège. Le discours anticlérical de la fin du règne d’Isabelle II s’est beaucoup concentré sur cette figure, qu’on accusait de dominer et manipuler la reine, et dont l’ultramontanisme le rendait suspect d’un manque de sentiment patriotique. Dans l’aquarelle nº15, Francisco de Asís est représenté à quatre pattes, tandis que sa femme copule littéralement sur son dos avec son amant, Carlos Marfori86. De la main droite, Isabelle II tient le sexe de son confesseur, qui se tient derrière elle, et l’approche de Francisco de Asís. Celui-ci tourne la tête mais ne semble pas pouvoir voir ce qui se passe derrière lui. La scène emprunte à des classiques de la littérature pornographique des XVIIIe et XIXe siècles, où les prêtres montrent souvent une grande appétence pour la sodomie. C’est le cas par exemple du père Dirrag (El Padre Girard) dans Thérèse philosophe, l’un des plus grands succès de la littérature érotique du XIXe siècle en Espagne dans sa version traduite en castillan87. Celui-ci abuse de sa jeune protégée Éradice/Catalina en lui faisant croire que ce qu’ils pratiquent est une forme de prière intense avec mortification, qui mène à une extase divine. Après quelques préliminaires à l’aide d’un « saint cordon » qui n’est autre qu’un godemiché, et tandis que sa partenaire est de dos et semble tout ignorer de la nature des actes qu’ils pratiquent, le père est soumis à une tentation :
Deux voix s’ouvraient devant lui ; l’une d’entre elles constituait la partie la plus appétissante pour un homme de sa robe ; mais le père avait promis à Catalina un plaisir extatique et il devait tenir sa promesse88.
L’aquarelle obscène nº15 semble faire référence à cette scène connue de la littérature érotique, sauf qu’à la place d’une jeune fille ignorante c’est Francisco de Asís – qui ne semble pas plus consentant que la jeune Éradice – qui se trouve en position d’être abusé sexuellement.
La scène a une double portée caricaturale. Elle fait d’abord référence aux goûts supposément « pervers » des ecclésiastiques : homosexualité, pédérastie, pédophilie. Le discours anticlérical au XIXe siècle prête aux hommes de foi des pratiques sexuelles déviantes et réprouvées par la loi qu’ils enseignent eux-mêmes89. Dans son travail sur la généalogie de la figure du curé pédéraste dans l’histoire espagnole, Francisco Vázquez García décrit la Restauration (1875-1931), période postérieure à la révolution de 1868, comme un moment-clef de la construction de ces représentations90. L’image du curé pédéraste envahit alors la littérature, la presse et même les débats parlementaires. L’auteur associe cette invasion à la lutte entre l’Église et les instances laïques pour le contrôle de la scolarisation et de la socialisation des enfants dans la famille. Avec l’exemple des Bourbons à poil, on observe que la critique est déjà bien ancrée dans les mentalités espagnoles. À travers la personne du père Claret, c’est toute la monarchie qui est accusée de déviance et de perversité. La critique anticléricale est d’autant plus forte qu’à partir du moment où Claret devient le confesseur de la reine en 1857, l’influence de l’Église sur la monarchie se fait plus importante. Le père se vante d’avoir obtenu également de la reine un changement personnel vers une plus grande rigueur morale. Il l’aurait notamment incitée à quitter son amant de l’époque, Enrique Puigmoltó, et à pratiquer quotidiennement des exercices spirituels pour le salut de son âme. À travers Antonio Claret, c’est aussi le Pape qui gagne en influence en Espagne, comme en témoignent les lettres personnelles que le souverain pontife a échangées avec Isabelle II et Francisco de Asís entre 1857 et 186891. Ces influences sont très mal perçues dans les milieux progressistes et républicains. Dans les aquarelles des Borbones en pelota, Antonio Claret apparaît souvent dans une position dominante. Qu’il fornique avec la reine, comme dans l’aquarelle nº6, ou avec son mari dans la nº15 ainsi que dans la nº21, c’est lui qui est dans une posture active et qui fait preuve de virilité. Comme pour les amants de la reine, la représentation du prêtre en homme sexuellement actif l’investit d’une certaine puissance et d’un ascendant sur son ou sa partenaire, tandis qu’il dépouille l’autre de cette autorité.
Il en est tout autrement de Francisco de Asís, représenté dans ces scènes comme sodomite passif. L’aquarelle nº36 fait également référence à sa possible inversion, le représentant littéralement à l’envers dans une scène où il joue au funambule avec la reine et le prince Alphonse92. Comme l’ont montré en particulier Óscar Guasch, Richard Cleminson et Francisco Vázquez-García dans leurs études sur l’homosexualité, la figure de l’inverti « passif » et efféminé constitue la première phase de la construction d’une identité homosexuelle dépréciée au XIXe siècle en Espagne. Óscar Guasch distingue, parmi les figures « pré-gays » espagnoles, celles du « maricón », l’homosexuel actif, et celles du « marica », l’homosexuel efféminé. Selon R. Cleminson et F. Vázquez-García, c’est la publication de l’essai d’Ambroise Tardieu Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs en 1857 qui marque véritablement la naissance du pédéraste efféminé et passif. Dans son traité, le médecin légiste français construit un véritable profil du pédéraste, reconnaissable selon lui grâce à des critères physiques et comportementaux. Les pénis de ces hommes seraient ainsi longs et effilés, pointus même, pour faciliter la pénétration93. Reconnaître les pédérastes passifs serait encore plus simple, puisque la pratique de la sodomie laisserait des traces au niveau de l’anus que le légiste pourrait observer. Comme l’écrivent R. Cleminson et F. Vázquez-García, « la distinction entre passif et actif, à l’histoire millénaire dans le contexte des cultures méditerranéennes, ne se réfère désormais plus à une distinction entre des positions dans l’acte sexuel ; elle sert à “créer différentes classes de personnes” », ce qui permet également de différencier les victimes des coupables94. Dans cette représentation comme homosexuel passif, Francisco de Asís apparaît effectivement comme la victime non-consentante du père Claret et de sa femme. Mais ce faisant, la caricature insiste à nouveau sur son caractère efféminé et sur sa position subordonnée dans toutes les relations sociales, sur son manque de virilité, voire sur ses goûts considérés comme « pervers » en matière de sexualité. L’inverti passif était en effet encore plus mal perçu que l’homosexuel actif, car il mettait en péril non seulement la sexualité « normale » mais également la distinction entre les genres, fondement de l’ordre social.
Qu’il s’agisse de le comparer à un onaniste ou à un sodomite passif, l’objectif est toujours de déprécier l’identité masculine de Francisco de Asís en lui prêtant des pratiques sexuelles jugées perverses et qui signaleraient ou même provoqueraient l’effémination. L’apogée de ces représentations dégradantes du point de vue du genre est certainement le geste d’auto-castration qu’adopte le roi-consort dans l’aquarelle nº 74 intitulée « ¡Olé ! »95. Représenté encore une fois en arrière-plan et en qualité de voyeur d’une orgie menée par sa femme avec Napoléon III, le père Claret et Carlos Marfori, Francisco de Asís semble, autant par sa posture en retrait que par son acte, renoncer définitivement à sa virilité.
Conclusion
Peu charismatique et peu apprécié, Francisco de Asís est victime d’une campagne de décrédibilisation qui s’est, dès le début de son mariage avec Isabelle II, concentrée sur sa masculinité supposément défaillante. Dans les caricatures et les dictons humiliants portant sur sa personne, et particulièrement dans la série Los Borbones en pelota, il apparaît comme un mari cocu, un masturbateur compulsif, un voyeur, ou encore un sodomite passif. Toutes ces figures renvoient au XIXe siècle à des contre-modèles de la masculinité et servent à le disqualifier en tant qu’homme et en tant que roi. Pendant de l’hypersexualisation de la reine Isabelle II présentée comme une nymphomane, les suggestions faites concernant les désirs « déviants » de Francisco de Asís, qu’il s’agisse de la masturbation ou de l’homosexualité, apparaissent comme une technique pour manifester le renversement du rapport de genre dans le couple royal. Il est intéressant de constater également comment le registre obscène s’approprie les savoirs médicaux de l’époque et les réinjecte dans les représentations pornographiques. Au-delà de la critique adressée à la Monarchie dans un contexte troublé, ces illustrations nous donnent des indications sur l’absorption des savoirs sur la sexualité par un public non-spécialiste en Espagne. Le caractère multi-référentiel des aquarelles de cette série, qu’il s’agisse des savoirs médicaux ou des enjeux politiques et relationnels à la tête de la Monarchie, nous offre également un précieux témoignage des mentalités espagnoles au moment de la Révolution de 1868.