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De la musique contemporaine à la société

Makis Solomos
mai 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.69

Résumés   

Résumé

La musique et la musicologie vivent actuellement des changements importants qui instaurent progressivement une nouvelle approche générale du phénomène musical. Il est un domaine particulièrement important pour comprendre ces évolutions : c’est la musique dite contemporaine. Cet article s’interroge sur le devenir du concept de « musique contemporaine » face à ces évolutions, évolutions auxquelles tant la musique qui lui est associée que la réflexion qui la prend pour objet ont largement contribué. Partant d’un réexamen de l’« historicisme » (au sens où l’entendait Benjamin) et du « formalisme » auxquels on a pu associer la musique contemporaine, il aboutit à une discussion sur le concept d’« autonomie » de la musique tel que l’envisageait Adorno.

Abstract

Music and musicology are currently going through great changes which gradually impose a new general approach of the musical phenomenon. So-called “contemporary music” is particularly important to understand these evolutions. This article questions the future of the concept of “contemporary music” facing such evolutions, to which both the music associated to it and the thinking of which it is the object have much contributed. Starting from a review of “historicism” as Walter Benjamin understood it and of “formalism” to which contemporary music has sometimes been associated, it eventually discusses the concept of an “autonomy” of music, as Adorno envisaged it.

Index   

Texte intégral   

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1La musique et la musicologie vivent actuellement des changements importants qui instaurent progressivement une nouvelle approche générale du phénomène musical. Il est un domaine particulièrement important pour comprendre ces évolutions : celui de la musique dite contemporaine. Tant les musiques qui s’inscrivent dans son champ que les discours musicologiques qui les prennent pour objet sont entrées dans une ère de mutations à l’issue encore incertaine. Ces mutations peuvent susciter des craintes : certains redoutent qu’elles n’entraînent la fragilisation, voire la disparition, par voie de marginalisation, d’autodissolution ou d’extinction de la musique contemporaine. Ce pessimisme, qui conduit à une position de repli, survient lorsqu’on associe ces changements au triomphe de l’économie marchande et à tout ce qui, dans le monde actuel, constitue une menace objective à l’encontre de la culture ; ce qui revient à les interpréter comme des pressions extérieures, que la musique contemporaine subirait et face auxquelles sa vocation ultime serait de résister en se repliant sur elle-même. Je souhaiterais suggérer dans cet article que, d’une part, une partie de ces évolutions découlent au contraire d’une autocritique interne de la musique contemporaine ; et que, d’autre part, loin de constituer une menace pour son avenir, elles conduisent à la revivifier.

2Mais qu’est-ce que la « musique contemporaine » ? La tentation du repli existe peut-être parce qu’on se la représente comme un champ homogène, clos sur lui-même, dont l’histoire serait linéaire. L’éclatement actuel de ce champ montre bien qu’il n’en est rien. À vrai dire, la musique contemporaine n’a jamais été homogène : il y a toujours eu des lignes de fracture ; il y a toujours eu des choix quant à ce qui devait ou pas y figurer. Ainsi, on peut aujourd’hui se poser la question de savoir si l’on peut inclure dans la même « histoire » un John Cage et un Milton Babbitt. Inversement, rien n’empêche d’inclure désormais dans la musique contemporaine des musiques qui n’y figuraient pas par le passé. Voilà déjà quelque temps que de nombreux musicologues inscrivent Russolo dans l’histoire de la musique contemporaine. Pourquoi n’en irait-il pas de même avec les tendances les plus expérimentales du jazz ou du rock historiques, des musiques électroniques populaires d’aujourd’hui, etc. ? Bien sûr, cette réécriture de l’histoire devrait procéder d’une manière prudente et réfléchie, afin d’échapper à la vision uniformisante de la globalisation néo-libérale qui rejoint le plus plat des historicismes. Il s’agit en somme de souscrire, d’une part, à l’idée d’une histoire plurielle ; d’autre part, de montrer que les lignes de fracture ne sont pas là où l’historicisme les inscrit par défaut. Cela permettrait d’opérer les choix requis afin d’échapper non pas au fardeau de l’histoire, mais au fardeau d’une histoire subie, fardeau qui conduit peut-être à la position de repli. Cela permettrait de renouer avec le fondement historique de la musique contemporaine : un champ permanant de remises en question. Le prix à payer, plutôt modique, serait peut-être d’avoir à abandonner l’expression « musique contemporaine » au profit d’un terme qui resterait à inventer.

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3L’historicisme a été en partie, et continue parfois à l’être, l’un des écueils de la musique contemporaine. L’historicisme consiste à postuler une continuité abstraite de l’histoire, matérialisée par une ligne droite, que l’on doit par conséquent remplir de points se juxtaposant le plus possible. L’historiciste a horreur du vide et il présente sa chaîne de causalités comme un phénomène naturel. « L’historicisme trouve son aboutissement légitime dans l’histoire universelle. […] L’histoire universelle n’a pas d’armature théorique. Elle procède par addition : elle mobilise la masse des faits pour remplir le temps homogène et vide », écrivait le Benjamin des thèses sur l’histoire1 À l’historiciste, il opposait l’« historien matérialiste », pour qui « la pensée n’est pas seulement faite du mouvement des idées, mais aussi de leur blocage. […] L’historien matérialiste ne s’approche d’un objet historique que lorsqu’il se présente à lui comme une monade. Dans cette structure il reconnaît le signe d’un blocage messianique des événements, autrement dit le signe d’une chance révolutionnaire dans le combat pour le passé opprimé. Il saisit cette chance pour arracher une époque déterminée au cours homogène de l’histoire ; il arrache de même à une époque telle vie particulière, à l’œuvre d’une vie tel ouvrage particulier. Il réussit ainsi à recueillir et à conserver dans l’ouvrage particulier l’œuvre d’une vie, dans l’œuvre d’une vie l’époque et dans l’époque le cours entier de l’histoire »2.

4Musiciens comme musicologues ont été tentés de faire appel à l’historicisme pour légitimer – voire, fonder – la musique contemporaine. Cette attitude offrait l’avantage de contrebalancer le discours sur la rupture radicale avec le passé. Mais elle a contribué à proposer de la musique contemporaine une vision selon laquelle les événements musicaux ne sont justifiés que par le fait qu’ils existent. Le discours hésite alors entre une présentation aplatie et une insistance par défaut sur un pluralisme abstrait. En voici un exemple, issu de l’introduction de Modern music. The avant garde since 1945, un ouvrage de 1981 de Paul Griffiths qui a souvent servi de référence aux historiens de la musique contemporaine : « Il nous a semblé approprié de diviser le cours de la musique depuis 1945 en deux parties. La première, qui concerne l’apparition et le dépassement du sérialisme intégral ainsi que l’essor d’une avant-garde internationale, couvre la période allant environ jusqu’à 1960. À ce point, on peut considérer que l’histoire de la musique a atteint une fin. Il y a eu, chez les compositeurs, une dissolution de la fraternité créative qui avait été encouragée, au début des années 1950, par l’existence de buts communs, ou supposés comme tels, et il devint impossible de parler d’une avancée unifiée du projet musical ; chez les compositeurs qui dominèrent les années 1960 et 1970, il n’existe que des liens ténus de but et de méthode. La pluralité, qui constitue l’unique trait distinctif de la musique contemporaine, en appelle à une méthode d’approche différente, basée sur l’esthétique au lieu de la chronologie, et c’est la méthode adoptée dans la seconde partie de cette étude »3. Une vision non historiciste de l’après 1945 tenterait au contraire de montrer que, sous le mot d’ordre sériel, se glissaient des projets bien différents, qui eux-mêmes coexistaient avec une profusion de propositions non sérielles ; et qu’il n’est pas particulièrement fructueux de présenter ce qui s’ensuivit comme une pluralité par défaut.

5L’historicisme est aujourd’hui devenu l’arme majeure de la globalisation néo-libérale. Celle-ci exploite le besoin légitime de narration pour offrir des histoires où des pans entiers de notre passé sont sacrifiés sur l’autel du progrès. Ces histoires ont notamment pour fil conducteur les avancées technologiques, mêlant pêle-mêle, plus pas défaut que par choix, manifestes théoriques, concepts artistiques nouveaux, etc.4. Mais le résultat s’avère être un choix, inavoué, dont le symptôme est la « tristesse » qu’éprouve, nous dit encore Benjamin, l’historiciste : la méthode de ce dernier étant l’empathie, « la nature de cette tristesse se dessine […] clairement lorsqu’on se demande à qui précisément l’historiciste s’identifie par empathie. On devra inévitablement répondre : au vainqueur. Or ceux qui règnent à un moment donné sont les héritiers de tous les vainqueurs du passé. L’identification au vainqueur bénéficie donc toujours aux maîtres du moment »5.

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6Il serait injuste d’associer trop étroitement musique contemporaine et historicisme. En matière de réflexion sur la musique, c’est à tort que l’on continue parfois d’associer la philosophie de la musique d’Adorno à l’historicisme. Il est vrai que sa Philosophie der neuen Musik (1948), traduite dans plusieurs langues européennes dans les années 1950-60 et qui a alimenté plusieurs générations de la musique contemporaine, semblait offrir une dialectique à première vue simpliste entre « progrès » et « restauration ». Mais l’ouvrage est contemporain de La dialectique de la raison d’Adorno et Horkheimer où les deux auteurs, remodelant la philosophie de l’histoire élaborée par le dernier Benjamin, récusent, dans leur critique de la raison instrumentale, la croyance au progrès. De nombreux passages de la Philosophie de la nouvelle musique témoignent de ce voisinage intellectuel. Le paragraphe « domination musicale sur la nature » figurant dans le chapitre sur Schönberg est sans ambiguïté : « En tant que système clos, et en même temps opaque à soi-même, où la constellation des moyens s’hypostasie immédiatement en fin et loi, la rationalité dodécaphonique se rapproche de la superstition », écrit Adorno6. De tels passages rejettent totalement l’historicisme, mais ils ont été peu lus à l’époque. Il en va de même du second Adorno, qui abandonne le fameux concept de « tendance du matériau » : « Ce qui n’est pas domestiqué, à quoi la musique de Mahler s’abandonne en plein accord, est en même temps aussi archaïque, périmé. C’est pourquoi l’ennemie de tout compromis s’est liée à un matériau fourni par la tradition. Il lui rappelait les victimes du progrès, y compris les victimes musicales : ces éléments du langage que le processus de rationalisation et de domination du matériau a éliminés. Ce n’est pas que Mahler voulût trouver dans ce langage la paix que trouble le cours du monde : au contraire, il l’a pris en son pouvoir pour résister avec lui contre le pouvoir. Le triste rebut du triomphe accuse les triomphateurs. Mahler dessine une figure énigmatique à partir de ce progrès qui n’a pas encore commencé, et de la régression qui cesse de se prendre, à tort, pour l’origine »7, écrit-il dans son livre sur Mahler (1960).

7La relecture – actuelle – d’Adorno pose cependant un problème : pour le dire rapidement, elle nous met face à la tentation de combattre l’historicisme par le repli. On sait que le second Adorno a développé sa réflexion au moment où il multipliait les attaques contre la musique contemporaine de son temps : critique du « bricolage » de l’électroacoustique naissante, reproche de « spatialisation » adressé aux premières œuvres occidentales de Ligeti, etc. Ses travaux de l’époque, sur Mahler ou sur Berg, l’ont alors présenté, en quelque sorte, comme le défenseur d’une modernité « modérée ». Cependant, il n’est pas certain qu’Adorno lui-même se pensait ainsi, d’autant plus que, sur certains points – par exemple dans son article « L’art et les arts » (1966) –, sa position ne fut, a priori, nullement conservatrice. C’est pourquoi, il serait préjudiciable de s’appuyer sur cette relecture pour justifier une attitude de repli. Et il serait dommageable de céder à la tentation – que l’on voit croître – d’en tirer parti pour conforter les pratiques musicales et musicologiques de la postmodernité prémoderne : nous retomberions dans les écueils de l’historicisme8.

8On pourrait au contraire insister sur le fait que de nombreuses pratiques nouvelles de la musique contemporaine ne s’inscrivent pas dans la vision linéaire de l’historicisme. C’est par exemple le cas de la problématique sur l’espace. Une réflexion sur cette question permet de mettre en œuvre une approche véritablement plurielle, car ses origines comme ses ramifications actuelles sont multiples et complexes : on y trouve certes la spatialisation du temps qui découle de sa rationalisation dans certains traitements musicaux (c’est l’aspect de la problématique qu’Adorno a pris en compte, au début des années 1960, pour la critiquer) ; mais y figurent également la quête du continuum, la définition progressive du nouveau paradigme compositionnel comme composition du son qui conduit à considérer l’espace comme une dimension composable, l’effrangement des arts, ou encore, l’ouverture au sensible. Et l’on sait que cette problématique a permis (et permet encore davantage aujourd’hui) de renouer avec des pratiques musicales occultées par la musique tonale – ces « rebut[s] du triomphe » dont parle Adorno, dont la prise en compte permettrait peut-être à l’historiciste de prendre conscience de l’ampleur de sa tristesse.

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9Un second écueil de la musique contemporaine est le formalisme. Le terme « formalisme » constitue bien sûr une schématisation extrême. Il regroupe divers phénomènes qui n’ont convergé que partiellement : l’occultation de la question de l’expression ou du sens ; l’insistance sur la technique, notamment dans une perspective étroitement historiciste ; l’utilisation non critique de la technologie ; la tendance à considérer la musique contemporaine comme du seul ressort des spécialistes ; et bien d’autres phénomènes encore. Il n’en reste pas moins que la tendance au formalisme sous tous ses aspects – et quelle qu’ait pu être sa légitimation (voire, sa nécessité9) – est devenue insupportable. Il est un domaine qui a particulièrement souffert du formalisme : l’analyse musicale, qui a cru trouver dans la musique contemporaine un territoire fertile pour réaliser son vieux projet d’autonomisation et qui s’est alors parfois adonnée avec délectation à ces « immenses tableaux aux symboles dérisoires, miroirs du néant, horaires fictifs de trains qui ne partiront point »10. Dans la création musicale, c’est, entre autres, la relation avec les technologies qui est particulièrement délicate. On a vu nombre de projets musicaux se légitimer par des projets technologiques sur lesquels le musicien n’a pas ou a peu de contrôle. Il va de soi que cette constatation ne vise nullement les projets où la réflexion musicale passe par ou va de pair avec une réflexion sur la technologie. Mais cette réalité doit être rappelée car, de même que l’historicisme, le formalisme, notamment via le discours sur la technologie, constitue depuis longtemps l’idéologie du capitalisme : d’abord sous le terme d’industrialisation, puis sous l’idée de « recherche » (et, bien sûr, celle de « nouvelles technologies »). D’ailleurs, sur ce point, historicisme et formalisme fusionnent, laissant la place au discours dévastateur sur le progrès (économique). Or, des projets artistiques, par leur « modernité » (technologico-musicale), ont pu cautionner, bien malgré eux, la « modernisation » (économique). Hier, c’était, dans une certaine mesure, le Xenakis des pièces ST (1962) calculées sur un ordinateur IBM. Aujourd’hui, c’est un certain type de discours qu’on entend parfois à l’IRCAM autour de la notion d’« industries musicales ».

10La « reconstruction du sens en musicologie »11 et en musique est donc devenue, depuis quelque temps, un projet très louable pour la musique contemporaine. Mais, pour y souscrire totalement, il convient au préalable de noter qu’il en va ici comme avec l’historicisme. Le formalisme a été, et continue parfois à être une caractéristique incontrôlée du discours de et sur la musique contemporaine, mais il n’en est aucunement une caractéristique générale ni encore moins une caractéristique endémique. Qualifier de formalistes les œuvres musicales les plus réussies, de Pithoprakta (Xenakis, 1954-55) ou du Marteau sans maître (Boulez, 1953-55) à Atem (Vaggione, 2003), constituerait un contresens. Les réflexions formelles au niveau musical cachent une multiplicité de sens.

11Car, si le projet de reconstruction du sens est passionnant, il est important de préciser de quel « sens » il est question. Dans le domaine musicologique, s’agit-il de glisser massivement dans l’esthétique ? Il serait regrettable d’abandonner l’analyse musicale, d’autant plus que de nombreux travaux ont rompu depuis longtemps déjà avec le formalisme. L’art concerne tout autant la poiésis que l’esthésis : si l’on vient donc à considérer le « faire » comme anecdotique, c’est peut-être qu’il est devenu problématique. Ou encore, s’agit-il de réinscrire le langage au cœur de l’interprétation musicologique ? Oui, mais en esquivant le danger d’un retour à une certaine forme de normativité : « Le retour au langage a beau avoir été le cheval de bataille de tant de chercheurs, lui faut-il nécessairement signifier encore aujourd’hui pour l’herméneutique la remise en selle d’un certain type de systèmes formels, et la reprise ipso facto d’“une certaine vision ontologique de la Nature” ? »12. Dans le domaine musical, s’agit-il de renouer avec une immédiateté expressive ? Aux premiers néotonaux allemands, Lachenmann répondait : « Celui qui croit que la spontanéité expressive et le recours innocent à l’ancien et infaillible réservoir d’affects rendent inutile l’analyse du concept de matériau, celui-là s’est mis sous tutelle. Il a le droit de s’asseoir sur les genoux d’une société disposée au refoulement. Mais il n’a rien à lui dire »13. Ou encore, doit-on abandonner les recherches musico-technologiques ? On a pu constater que certains des musiciens qui se réclament de cette logique sont les premiers à utiliser les nouvelles technologies devenues les plus courantes. Or l’entrée insidieuse de la technologie ne peut se substituer à une réflexion sur les liens entre musique et technologie. Pour qu’elle soit réellement émancipatrice, la quête de « sens » doit donc se faire en connaissance de cause.

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12Une des manières les plus fertiles de reposer la question du sens est la déconstruction de la notion d’œuvre et des notions qui lui sont apparentées, déconstruction qui s’opère dans la musicologie générale depuis déjà plusieurs années, bien qu’il s’agisse encore d’une tendance minoritaire. Des travaux, émanant notamment de la new musicology anglo-saxonne, ont montré que ces notions reposaient sur des constructions sociales qui avaient ensuite été rendues opaques. On a pu ainsi déconstruire le culte Beethoven et mettre à jour les changements de canon sur lesquels il a pu se fonder : naissance de la notion de musique « sérieuse » ; substitution de la métaphore organiciste à la métaphore culinaire ; etc.14. D’une manière plus générale, les pratiques de l’intertextualité ont réactivé l’étymologie du mot « œuvre » et ont inscrit le sens dans une toile d’araignée sans cesse retissée. On a vu ainsi émerger la notion de « pratique », notion qui, automatiquement, transforme l’activité compositionnelle en une pratique parmi d’autres, et, par conséquent, suscite un intérêt nouveau pour la pratique des auditeurs ou celle des interprètes. Ces évolutions sont positives. Il fut un temps où la notion d’œuvre permit à la musique de se définir comme autonome, et de quitter la sphère de l’artisanat et de la servitude. Mais cette autonomie est devenue problématique. La notion d’œuvre s’est progressivement fossilisée. Elle a été transformée en idéologie à travers les avatars de l’esthétique idéaliste. Aujourd’hui, le commerce l’a récupérée car il a besoin de produits finis et d’auréoles pour prospérer.

13La musique contemporaine a largement contribué et continue à contribuer à la déconstruction de la notion d’œuvre. On pensera : au work in progress ; au recentrement sur l’écoute proposé de manières très diverses, par Cage, Schaeffer, le premier minimalisme, etc. ; à l’œuvre « ouverte » ; au live electronics des années 1970 ; etc. Quant à la déconstruction au profit de l’écoute, la question est importante car, selon une idée relativement dominante, la musique contemporaine est une musique qui s’est coupée de la « perception » ; or, l’un des enjeux de l’art moderne en général et de la musique en particulier a été au contraire le recentrement sur la perception15. Aujourd’hui, la déconstruction de l’œuvre se poursuit : c’est le sens qu’il faut sans doute donner aux retrouvailles avec l’improvisation, au développement exponentiel du temps réel, au travail sur les seuils de la perception d’une Pascale Criton (héritière sur ce point des recherches de Gérard Grisey), sans parler des collaborations multi-arts. Dans le domaine de la réflexion sur la musique, des travaux novateurs montrent qu’il est de plus en plus difficile de cerner le sens dans l’« intériorité » de l’œuvre, qu’il faut savoir circuler aux alentours et aux détours de l’œuvre16.

14Certes, la musique contemporaine comprend aussi des partisans de la conception close de l’œuvre. C’est ainsi par exemple que se positionne Jonathan Harvey dans Music and Inspiration, qui nous parle de Compositeur, de Création, d’Inspiration, etc.17. C’est ainsi également qu’il faut lire l’article d’Emmanuel Nunes rédigé pour le présent numéro de Filigrane, article qui oppose « la création d’une attitude, d’un comportement, d’une “systématisation” de la réflexion à vocation universelle » à « la construction d’une théorie fondée sur des identifications trop directement provoquées par une sorte de “singularité intellectuelle” (d’idiopathie), qui prend ses ressources dans une volonté d’individuation à tout prix ». Ce courant de pensée – qui risque d’être court-circuité par les musiciens ouvertement nostalgiques, soucieux de ressusciter l’Œuvre – prône la conception idéaliste de l’œuvre probablement pour échapper au commerce. Or, étant donné, comme il a été dit, que celui-ci a largement récupéré – certes, en la défigurant – cette conception, cette stratégie semble périlleuse.

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15Si la question de l’autonomie de la musique est devenue problématique, c’est peut-être parce qu’elle l’a toujours été. Prenons l’exemple de la relation de la musique à l’« image », de l’entendre au voir. Le XXe siècle a multiplié les expérimentations où la musique était associée, d’une manière ou d’une autre, à des arts de l’image, et l’audition à la vue. Ces expérimentations foisonnent actuellement : spectacles multi-arts de toutes sortes, œuvres multimédias, installations sonores, etc. Il s’agit peut-être d’une mode, mais elle correspond à un besoin profond : on assiste à l’affirmation d’une pratique musicale nouvelle. Cette pratique rend minoritaire (ou même, se substitue à) l’ancienne pratique, la musique de concert, qui postulait l’existence d’un art des sons « pur », d’une écoute « pure » ; qui prétendait se dispenser de l’image et de la vue.

16Mais qu’en est-il réellement : la musique de concert est-elle aussi autonome, « pure » qu’elle prétend l’être ? Si la musique contemporaine relativise aujourd’hui la pratique de concert, c’est sans doute parce que la réponse à cette question est négative. En effet, de nombreuses réflexions ont fait prendre conscience que, dans cette pratique, la musique était totalement rivée à l’image, l’entendre au voir. Luigi Nono, dans sa réflexion sur l’espace, a posé le problème d’une manière très claire : écoutons le début de son dialogue avec Massimo Cacciari, où il affirme que c’est bien dans la pratique de concert que l’écoute authentique a disparu : « Nono. [… On peut] localiser dans l’histoire de la musique la genèse de ce processus d’effacement de la dimension originelle de l’écoute. Elle se situe vraisemblablement au XVIIIe [siècle], dans le retour qui s’effectue sous l’impulsion de Rameau à la classification classico-platonicienne des modes grecs […] C’est aussi l’écueil du théâtre d’opéra italien ou “à l’italienne”, qui produit une totale neutralisation de l’espace… alors que, pour moi, la relation qui unit les sons et les espaces est fondamentale […] Cacciari. Voilà, c’est cela… l’espace… […] La concentration et l’homogénéisation de l’espace, la disparition de la multispatialité possible du fait musical, sont étroitement liées à la réduction flagrante de la polyvocité, multivocité possible des “sens” de l’écoute. […] Le son s’en trouve ainsi irrémédiablement visualisé… en lieu et place de l’écoute, c’est la vision, l’image qui sont privilégiées… »18. Il s’agit ici d’« image » au sens figuré du terme, c’est-à-dire de représentation, figuration : on peut avancer l’hypothèse que c’est la tentative de couper le son de l’image au sens propre qui l’a finalement rivé à l’image (au sens figuré). Or, dans le premier cas, l’auditeur, comme le musicien, peut contrôler la relation son-image, entendre-voir ; par contre, dans le second cas, celle-ci s’impose d’une manière totalement incontrôlée. Prenons l’exemple de la musique dite acousmatique. On sait que la « réduction de l’écoute » (couper l’objet sonore de sa cause) pratiquée en théorie par Schaeffer a rendu les sons opaques, « mystérieux » et donc propres à stimuler l’imagination : dans la situation de concert, l’auditeur, livré à lui-même quant à cette dimension, ne cesse d’associer les sons à des images qu’il ne contrôle pas, que personne ne contrôle.

17En somme, dans les pratiques musicales qui associent musique et image, il s’agit peut-être de prendre conscience du fait que l’idée de musique « pure », d’écoute « pure » est ambiguë et, de ce fait, de prendre en charge la relation son-image, entendre-voir. On assiste alors non pas, contrairement à ce que l’on a pu craindre, à un asservissement de la musique à l’image et de l’entendre au voir, mais à leur redoublement respectif d’intensité. C’est dans sa relation assumée à l’image que la musique peut s’en libérer (la contrôler) et dans sa relation assumée à la vue que l’écoute peut redécouvrir son authenticité. De là – de même que la déconstruction de la notion d’œuvre fait proliférer le sens – émerge une constellation de sens.

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18La reconstruction du sens en musique et en musicologie exige de réexaminer le concept d’« art autonome » tel qu’il a été défini par Adorno. Cette notion, on le sait, ne doit pas être confondue avec la notion de musique « pure » dans son sens historique. La fonction de ce concept est précisément de mettre l’accent sur la relation entre l’art et la société : Adorno dénonce comme idéologique la vision de l’art qui le présente comme un domaine à part, une pure transcendance, etc. Pourtant, son propos reste ambigu. Ainsi, la musique autonome – la musique qu’il défend –, dans son existence réelle, historique correspond en fait à ce qu’il est convenu d’appeler musique « pure », de Beethoven à Berg grosso modo. Certes, c’était sa culture musicale. Le problème se pose lorsque l’on maintient ce schéma dans le contexte qui est le nôtre. Ainsi, même si l’on souscrit au schéma historique d’une émancipation progressive de l’art occidental, c’est-à-dire de sa libération progressive de diverses fonctionnalités sociales, il est difficile de continuer à affirmer que l’art antérieur serait totalement hétéronome : qui soutiendrait aujourd’hui que la dimension esthétique est absente d’un saltarello médiéval, ô combien fonctionnel pourtant ? De même, les analystes ont à cœur aujourd’hui de souligner la dimension proprement artistique de nombre de musiques populo-commerciales du XXe siècle. De même encore, il serait impensable de nos jours d’occulter cette dimension dans des musiques fonctionnelles extra-européennes – la musique contemporaine, qui a su en tirer profit, a joué un rôle important dans cette évolution. Inversement, on se doit désormais d’insister sur la fonctionnalité sociale de la musique « pure » – musique « de concert ». Enfin, il est certain aujourd’hui que, s’il y avait une musique « pure », ce serait celle qu’Adorno exécrait : la musique la plus commerciale. Exemple : les diverses musiques extra-européennes qui, totalement privées de leur inscription dans des sociétés, des ritualités, bref, des fonctionnalités, et entièrement transformées en sons réifiés, alimentent régulièrement des productions en chaîne. Sur ce point, on ne peut que gagner à une refonctionnalisation de la musique.

19Après avoir écartée l’assimilation du concept de musique autonome à la notion de musique « pure » – assimilation que l’on risque aujourd’hui à chaque fois que l’on reprend Adorno –, abordons le cœur de ce concept. S’il s’en distingue radicalement, c’est parce que, selon Adorno, l’art autonome ne se déleste pas des fonctionnalités « sociales » pour atteindre une quelconque pureté, mais, au contraire, pour se poser en critique de la société. De la sorte, il constitue le seul domaine qui peut véritablement donner la parole à l’hétéronomie – c’est-à-dire à tout ce que la société rejette, opprime, etc. Cette thèse est fascinante, mais n’en est pas moins délicate à manier aujourd’hui. Voici comment Adorno l’énonce vers le début du dernier chapitre de la Théorie esthétique : « L’art n’est social ni à cause du mode de sa production dans laquelle se concentre la dialectique des forces productives et des rapports de production, ni par l’origine sociale de son contenu thématique. Il le devient beaucoup plus par la position antagoniste qu’il adopte vis-à-vis de la société, et il n’occupe cette position qu’en tant qu’art autonome. En se cristallisant comme chose spécifique en soi au lieu de s’opposer aux normes sociales existantes et de se qualifier comme “socialement utile”, il critique la société par le simple fait qu’il existe, ce que désapprouvent les puritains de toute obédience »19. Pour comprendre les références précises de cette citation, il serait capital d’évoquer les débats à partir desquels cette thèse s’est constituée, débats qui ont eu lieu dans l’Allemagne progressiste des années 1920-30 (par exemple, la notion d’art « socialement utile » renvoie, entres autres, à Kurt Weill). Mais Adorno n’a pas éprouvé le besoin de le faire et la Théorie esthétique, qui date des années 1960, rend cette thèse quelque peu absolue. Il est probable que, partant des compositeurs qu’il affectionnait le plus (Beethoven, Mahler, Berg), Adorno l’ait développée dans le cadre d’une pensée de l’utopie, ce qui reste une hypothèse fructueuse20.

20Par contre, l’association de cette thèse avec la musique contemporaine s’est avérée problématique. Prenons les années 1950-60. Certes, par son isolement total, par ses exigences extrêmes, la musique contemporaine se posait en modèle de la liberté, du non-asservissement au monde utilitaire du libre échange qui finissait par s’imposer : sa pure existence était synonyme de critique de la société. Cependant, la « liberté » de l’art moderne servait également de vitrine au monde « libre » et c’est pourquoi celui-ci l’encourageait21. On ne peut donc dire que, globalement, cet art constituait une critique du capitalisme. Inversement, nombre d’artistes des musiques populo-commerciales ont su détourner le soutien du monde du libre-échange pour formuler une critique radicale de la société. Aujourd’hui, la situation est tout aussi loin de confirmer la thèse adornienne. Dans le cadre de ce qui serait la musique autonome (la musique contemporaine actuelle), on rencontre des formes artistiques entièrement soumises ; inversement, dans certaines des musiques qui seraient hétéronomes, on voit se développer des critiques de la société.

21La force de la thèse adornienne sur l’art autonome réside dans le fait qu’elle associe le sens de l’art à sa prise en charge de l’hétéronomie refoulée. Sa faiblesse, c’est la définition de l’autonomie comme « chose spécifique en soi », définition qui, en dehors des cadres de l’utopie, ouvre la porte à des confusions. C’est pourquoi, on pourrait peut-être revenir sur la phrase soulignée dans la citation donnée. Plutôt que d’écrire avec Adorno que l’art critique la société « en se cristallisant comme chose spécifique en soi au lieu de s’opposer aux normes sociales existantes », on dirait alors que l’art – quel que soit le « genre » d’où il émerge – fait sens lorsqu’il parvient à transformer la société, et, puisque c’est le domaine qui lui est propre, à la rendre plus sensible.

Notes   

1  Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » (1940), traduction M. de Gandillac revue par P. Rusch, in Walter Benjamin, Œuvres, volume III, Paris, Gallimard, 2000, p. 441.

2 Ibid., p. 441-442.

3  Paul Griffiths, Modern music. The avant garde since 1945, Londres, J.M. Dent and Sons Ltd, 1981, p. 12 ; c’est moi qui traduis et qui souligne. De cet ouvrage, il existe une version simplifiée, qui a été encore plus lue.

4  En voici un exemple, qui provient de l’introduction d’un dictionnaire des musiques électroniques populaires : « Electronic dance has been the music of the future for so long, it’s often difficult to consider its context in the past. A relentless forward drive is the prime motivator for electronic dance music, and has been ever since its emergence in the aggressive, mechanistic house and techno productions that shot out of Chicago and Detroit in the mi-’80s. […] It should, however, be obvious that – as is true with most styles of music – the development of electronic dance is much more complex than most would like to think. Looking back to the European introduction of Indonesian gong music at the Paris Exhibition of 1889, Luigi Russolo’s concepts regarding the presence of noise in music, and history’s first brush with electric instruments near the beginning of the twentieth century, there are literally thousands of innovators involved in the progression of electronic music, from respected academic composers to eccentric visionaries of all persuasions. As such, the electronic dance music which emerged in the ‘80s and ‘90s directly benefited from developments already set forth decades before, by the ranks of post-classical composers who inserted increasingly mechanical percussion and chance operations into their score; university professors and fringe audio-scientists who spent hours assembling cut-and-paste symphonies with tape machines long before samplers were invented; Jamaican dub wizards […]; the hundred of disco and hip-hop DJs […] » (« Introduction », All Music Guide to Electronica. The Definitive Guide to Electronic Music, San Francisco, Backbeat Books, 2001, p. VI).

5  Walter Benjamin, op. cit., p. 432.

6  Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, traduction H. Hildenbrand et A. Lindenberg, Paris, Gallimard, 1962, p. 75.

7  Theodor W. Adorno, Mahler. Une physionomie musicale, trad. J.-L. Leleu et T. Leydenbach, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 34.

8  « Wolfgang Rihm […] se range directement aux idées d’Adorno, dont celle d’une musique informelle dans laquelle il voit “l’idée de musique même”. Dès le début, le compositeur se prononce contre toute dépendance d’une méthode ou d’un système. Il caractérise l’état musical original comme état de “matériau détaché”, qui mène à la liberté et résulte de la liberté. Pour le compositeur, écrire de la musique signifie surtout ouvrir et éviter tout durcissement. Pour la technique du compositeur, il en résulte la conséquence de continuer “à parler, comme on en a l’habitude”. Le passé musical représente pour Rihm un important point de repère : c’est la musique de Schönberg et Mahler en plus de l’œuvre tardive de Beethoven. […] Avec Deus passus. Passion selon Saint Luc, Rihm a créé une œuvre exemplaire de témoignage, achevée en 2000. […] Comme le compositeur le déclare […], l’œuvre est pénétrée de la pensée du “Deus Passus”, du Dieu souffrant : “Le Dieu de la Passion, le Dieu qui a souffert, est pour moi le personnage central de la pensée chrétienne. C’est bien là que réside la différence entre la pensée chrétienne et les autres conceptions religieuses. […]”. En rédigeant son texte, Rihm a mis face à face des extraits de Saint Luc et des textes latins du graduale romanun, soulignant ainsi les racines juives de la tradition chrétienne. À la fin du texte, on trouve le poème de Celan “Tenebræ”, qui rappelle déjà par son titre l’obscurité après la mort de Jésus sur la croix et simultanément celle que la Shoah a provoquée », etc., écrit Suzanne Kogler (« Mémoire et remémoration. Les dimensions morales du langage musical contemporain », in Musique et mémoire, sous la direction de Jean-Paul Olive, Paris L’Harmattan, p. 30-32). On voit bien qu’une telle utilisation d’Adorno (dernier Beethoven Mahler Schönberg Rihm ; crucifixion du Christ Shoah – gageons qu’entre temps auront été ajoutées les victimes du 11 septembre 2001) sert finalement un historicisme rigoureux.

9  Par exemple, celle explicitée par l’affirmation tout à fait exacte de l’Adorno de « Vers une musique informelle » (1961) : « Il faut se garder par-dessus tout d’interpréter ce malaise de l’expression au profit de l’idéal positif d’un cosmos musical dans lequel le stade de sujets s’exprimant serait si bien “dépassé” que l’expression de l’individu isolé aurait perdu toute raison d’être, ou toute importance. La révolte actuelle contre le sujet […] répond au fait que l’histoire la plus récente – l’impuissance à laquelle se trouve réduit de plus en plus l’individu isolé, jusqu’à la menace d’une catastrophe générale – a frappé de vanité l’expression immédiate de la subjectivité, et lui a fait prendre un caractère illusoire et idéologique » (Theodor W. Adorno, Quasi una fantasia, trad. J.-L. Leleu, Paris, Gallimard, 1982, p. 300-301).

10  L’expression est de Pierre Boulez (Penser la musique aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1963, p. 12). Elle ne visait pas l’analyse musicale, mais la pratique compositionnelle des moments les plus formalistes des années 1950.

11  Sous-titre d’un article très riche de Gianmario Borio : « Analyse musicale et herméneutique. À propos de la reconstruction du sens en musicologie », in Hugues Dufourt, Joël-Marie Fauquet (éd.), La musique depuis 1945. Matériau, esthétique et perception, Liège, Mardaga, 1996, p. 81-94.

12  Daniel Charles, « Herméneutique musicale et cosmologie », in Iannis Xenakis, Gérard Grisey. La métaphore lumineuse, sous la direction de Makis Solomos, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 28.

13  Helmut Lachenmann, « L’aspect et l’affect » (1982), traduction J. Shintani, in Helmut Lachenmann, Paris, Festival d’automne à Paris, 1993, p. 13.

14  Cf. par exemple Tia DeNora, Beethoven et la construction du génie, traduction M. Vignal, Paris, Fayard, 1998.

15  Je renvoie à mon travail sur la « sonorité » chez Xenakis (cf. Iannis Xenakis, Mercuès, PO Editions, 1996, chapitre 5 ; « Sculpter le son » in Portrait(s) de Iannis Xenakis, sous la direction de François-Bernard Mâche, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2001, p. 133-142 ).

16  Exemple récent, puisé à nouveau dans le champ des études xenakiennes : la thèse de doctorat de Benoît Gibson (Théorie et pratique dans la musique de Iannis Xenakis : à propos du montage, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2003), qui démontre que les œuvres de Xenakis sont faites dans une large mesure à partir de montages de matériaux extraits d’autres œuvres, mais rendus non reconnaissables.

17  Cf. Jonathan Harvey Music and Inspiration, edited by Michael Downes, London, Faber and Faber, 1999.

18  « Conversation entre Luigi Nono, Michele Bertaggia et Massimo Cacciari » (1984), traduction T. Baud, in Luigi Nono, Ecrits, réunis par Laurent Feneyrou, Paris, Christian Bourgois, 1993, p. 489-490.

19  Theodor W. Adorno, Théorie esthétique, traduction M. Jimenez, Paris, Klincksieck, 1982, p. 299 ; je souligne.

20  Je renvoie à l’article de Jean-Paul Olive publié dans ce même numéro de Filigrane.

21  C’est un point qu’Adorno n’a pas voulu aborder : dans un autre passage de la Théorie esthétique, après avoir expliqué que les pays socialistes ont éliminé l’art moderne, il écrit seulement : « Par la division en deux blocs, les dirigeants de l’ouest ont, en revanche, dans les décennies d’après-guerre, signé une paix irrévocable avec l’art radical » (ibid., p. 336, je souligne).

Citation   

Makis Solomos, «De la musique contemporaine à la société», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musicologies ?, mis à  jour le : 25/05/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=69.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Makis Solomos

Makis Solomos, né en 1962 à Athènes, vit à Paris depuis 1980 et est maître de conférences habilité à l’Université de Montpellier 3. Ses recherches musicologiques portent sur deux domaines : 1. La musique de Xenakis, dont sont issus sa thèse de doctorat sur la notion de « sonorité », de nombreux articles, le livre Iannis Xenakis. Il a organisé le premier colloque international dédié à Xenakis. Actuellement, en collaboration avec Benoît Gibson et Sharon Kanach, il prépare une édition critique de l’ensemble des écrits de Xenakis en neuf volumes. 2. La musique récente, interrogée sous un prisme à la fois analytique et esthétique, à travers de nombreux articles, le livre Formel / Informel (avec Antonia Soulez et Horacio Vaggione), la direction des ouvrages L’espace : musique-philosophie (avec Jean-Marc Chouvel), Musiques, Arts, Technologies. Pour une approche critique (avec Roberto Barbanti et Carmen Pardo) et La métaphore lumineuse. Xenakis-Grisey. Il collabore avec l’ensemble Aleph pour le Forum international des jeunes compositeurs.
makis.solomos@univ-montp3.fr.