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Notes sur Musique et document sonore de Pierre-Yves Macé

François J. Bonnet
janvier 2014

Index   

1Si le thème porteur de cet essai est clairement circonscrit (l’usage de documents sonores dans les « pratiques musicales contemporaines »), Pierre-Yves Macé parvient, grâce à un appareillage analytique fin et varié, à révéler les enjeux profonds gouvernant un tel « territoire » documentaire. Se dévoilant à mesure du texte et des œuvres qui y sont étudiées, ce territoire apparaît comme éminemment complexe. Il se compose d’êtres-traces menacés de destruction, de scories témoignant d’un réel évanoui, d’événements se réactualisant, pointant une réalité à jamais perdue, condamnée à être une perpétuelle rémanence. Ces documents sonores, s’assimilant presque toujours à des phonographies, s’incorporent au domaine du musical selon différentes stratégies que Pierre-Yves Macé n’a de cesse de mettre à jour.
Articulant et  développant son discours autour d’une définition liminaire indispensable (l’empreinte sonore fait document lorsqu’ « il y a polarisation sur l’événement sonore coïncidant avec le moment de la prise »), l’auteur nous guide à travers cette multiplicité de réalités que recoupe le concept même de « document sonore », abandonnant bien vite l’espoir d’établir l’« ontologie » d’une telle notion pour ne plus se concentrer que sur ses nombreux avatars, tissant à chaque fois un nouveau rapport entre le discours musical et le « réel » dont le document sonore se fait écho.
Ainsi, si « est document ce qui fait l’objet d’un choix, d’une polarisation élective » reste à savoir en quoi, et comment, l’usage de tels documents dans la musique se développe, se déploie. Reste à savoir en quoi, et comment, de tels assemblages se distinguent l’un de l’autre, mais également d’une pratique exempte de telles incrustations. Si, là encore, Pierre-Yves Macé affirme avec clairvoyance qu’établir, de façon univoque, une esthétique du document est « hors de portée », il n’en demeure pas moins que l’extrême richesse de ce texte, qui ne tend cependant pas à l’exhaustivité, produit chez le lecteur un effet singulier, où se mêle à cette impression d’éclatement de possibles un paradoxal sentiment d’unité. C’est un peu comme se perdre dans la contemplation d’un prisme complexe : chaque facette vaut pour elle-même, possède une action propre, sans pour autant nier son appartenance à un ensemble participant d’une même réalité, réalité diffractée qui ne cesse cependant de se livrer et de se dérober à notre appréhension.

2Au final, c’est peut-être cela que Pierre-Yves Macé nous offre de plus précieux, une plongée éclairée dans la poïétique musicale contemporaine, qui, gravitant autour du document sonore comme enjeu et moyen principal, dévoile de passionnants procès créatifs, révélant au passage les luttes et expansions d’un territoire musical toujours en devenir.

Citation   

François J. Bonnet, «Notes sur Musique et document sonore de Pierre-Yves Macé», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Musique et Utopie, Numéros de la revue, mis à  jour le : 21/01/2014, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=620.

Auteur   

François J. Bonnet