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Jackson Pollock et Ornette Coleman : vraie ou fausse rencontre ?

Pierre Sauvanet
septembre 2013

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.583

Index   

Texte intégral   

1En général, entre musique et arts plastiques, il peut y avoir de vraies rencontres (au sens réel et artistique du terme : ainsi entre Schönberg et Kandinsky, cas devenu paradigmatique), des rencontres artistiques a posteriori (donc non réelles : ainsi entre Steve Reich et François Morellet, cas d’école interprétative), et il peut toujours y avoir aussi de fausses rencontres, bien entendu (au sens d’une incompatibilité d’humeur entre deux artistes, comme d’une exégèse inutilement forcée de la part du critique). – Sans oublier le cas passionnant de ce que nous avons appelé ailleurs les « polyartistes », qui réunissent plusieurs mediums, exprimés en un seul homme, et qui sont sans doute plus nombreux qu’on ne le pense, du moins au xxe siècle (Luigi Russolo, Henri Michaux, Kurt Schwitters, Jean Dubuffet, John Cage, Daniel Humair, etc.).

2En particulier maintenant, entre les deux courants plastiques et musicaux de l’action painting d’une part, du free jazz d’autre part, dont Jackson Pollock (1912-1956) et Ornette Coleman (né en 1930) sont manifestement les hérauts, la tentation est grande de favoriser les rencontres – artistiques, à défaut d’avoir été réelles, et en espérant qu’elles ne soient pas fausses. Ici, la question-clé est alors celle de l’influence : au sens strict, le flux rythmique du jazz de son époque a-t-il pu influencer Pollock ? Le flux gestuel de l’expressionnisme abstrait américain a-t-il pu influencer Coleman ? Il faudra tout d’abord distinguer ce qui relève des faits, incontestables en eux-mêmes, et ce qui relève de leur interprétation, toujours contestable par définition, avant de proposer quelques autres pistes d’analyse esthétique.

3*

4Que disent les faits ?
Du côté de Jackson Pollock, tout d’abord, la question est de savoir si la musique de son époque a pu jouer un rôle pour ce peintre majeur, qu’on associe plutôt d’habitude à la recherche d’une essence du medium pictural, sans aucune influence d’un autre art. En termes d’influence, on a souvent insisté sur une forme de chamanisme vraisemblablement issue des peuples amérindiens, sans parler des divers stupéfiants dont l’artiste faisait manifestement usage. Or, pour se faire une idée de l’importance du jazz pour Jackson Pollock – importante souvent passée sous silence, ou du moins sous-estimée –, il suffit d’écouter ce précieux témoignage de son épouse, Lee Krasner :

Il prenait l’habitude d’écouter ses disques de jazz, pas seulement pendant des jours mais jour et nuit, jour et nuit pendant trois jours d’affilée ; il y avait de quoi devenir fou ! La maison tremblait. Le jazz ? Il pensait que c’était la seule autre chose vraiment créative qui se passait dans ce pays.1

5Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas une petite lubie : il faut imaginer Pollock littéralement fou de jazz (sans qu’on sache au juste d’ailleurs s’il en écoutait en peignant, ce qui demeure de l’ordre du possible, sinon du vraisemblable). Au passage, on aura noté ici l’expression de « seule autre chose vraiment créative ». Par cette simple phrase, Pollock fait se rejoindre idéalement jazz et arts plastiques, en même temps qu’il souligne en creux, de façon évidemment peu modeste, l’exceptionnel degré de créativité de sa propre peinture. En s’inspirant ici des écrits de Clement Greenberg2, on se souvient qu’on peut définir l’avancée décisive réalisée par Pollock à partir de trois termes-clés anglophones : flatness (planéité : le fait d’être plane, pour une surface, renvoyant autant à l’abandon assumé de toute illusion perspectiviste de troisième dimension, qu’à l’horizontalité voulue de la toile posée à même le sol de l’atelier), dripping (littéralement, coulure : terme générique incluant par extension tous les procédés mis au point par l’artiste, giclures, pots percés, bâtons tenus à bout de bras, destinés à redonner vie et présence à la matière picturale elle-même), all over (remplissage total de la toile, rendu en quelque sorte nécessaire par les deux autres principes de fidélité à la surface comme à la matière). C’est ainsi que, selon Greenberg prenant la défense critique et esthétique de Pollock, la logique de l’art pictural est d’aller vers son essence, dans toute la pureté de son médium : en l’occurrence, d’occuper par des gestes de coulure (dripping) toute la toile (all over) dans sa planéité même (flatness). D’une façon ou d’une autre, et qu’on le veuille ou non, la force informelle de Pollock est bien auto-référentielle : il s’agit ni plus ni moins que de peindre la peinture.

6Ce qu’on sait moins, il est vrai, concerne la passion de Pollock pour la musique, et notamment, on l’a vu, pour le jazz. Voici ce que dit à nouveau Lee Krasner, dans la suite immédiate du même entretien :

Il avait la passion de la musique. Mais il ne chantait pas très juste, et bien qu’il aimât danser, c’était un piètre danseur. Il m’a raconté qu’un jour, quand il était petit, il s’est acheté un violon en pensant pouvoir en jouer tout de suite. Mais, n’arrivant pas à en sortir les sons qu’il voulait, de colère, il l’a cassé…3

7Sans entrer ici dans la psychologie de l’artiste, l’anecdote est suffisamment révélatrice de la tension chez Pollock entre une passion violente et une frustration tout aussi violente. On aura compris que la puissance créatrice de l’artiste impulsif trouvera mieux à s’exprimer dans le medium pictural que dans le chant, la danse ou la musique. Il n’en reste pas moins que, dans ce contexte artistique, la place du domaine sonore ne doit pas être négligée.

8Du côté du saxophoniste alto maintenant, la question est de savoir si la peinture de Jackson Pollock a pu jouer un rôle dans son travail. Là encore, la réponse est absolument positive, quoiqu’on ignore tout des circonstances de sa découverte, a priori ou a posteriori. Dans le contexte de l’exposition Le Siècle du jazz. Art, cinéma, musique et photographie de Picasso à Basquiat, Jean-Pierre Criqui rappelle ainsi combien les affinités étaient grandes entre jazz et peinture à la fin des années 1940 et au début des années 19504.
Factuellement, le disque majeur Free Jazz d’Ornette Coleman, qui marque en même temps le baptême de cette musique, porte en couverture une peinture de Jackson Pollock, White Light (1954, huile, laque et peinture aluminium sur toile, 122,4 x 96,9 cm, New York, Museum of Modern Art). Plus précisément : le titre exact est Free Jazz. A Collective Improvisation by the Ornette Coleman Double Quartet (sur le canal gauche : Ornette Coleman, saxophone alto, Don Cherry, trompette de poche, Scott La Faro, contrebasse, Billy Higgins, batterie ; sur le canal droit : Eric Dolphy, clarinette basse, Freddie Hubbard, trompette, Charlie Haden, contrebasse, Ed Blackwell, batterie). La séance a été enregistrée le 21 décembre 1960 à New York dans les studios Atlantic, et le disque a été publié sous le label Atlantic no 1364 l’année suivante, en 1961. Le design général de la pochette est signé d’un certain Loring Eutemey, collègue de Marvin Israel. Il y est indiqué que « Mr. Sidney Janis, propriétaire de la Galerie Sidney Janis à New York, a consenti gracieusement à donner aux disques Atlantic l’autorisation spéciale de reproduire ce tableau de Jackson Pollock provenant de sa collection privée ».

9Plus précisément encore : la version originale de la pochette du disque LP vinyle Free Jazz se présentait sous la forme d’un rabat en carton, découpé d’un rectangle en hauteur dans sa partie droite, encadrant un détail correspondant de la reproduction du tableau de Pollock. Cette reproduction occupait alors la hauteur entière de la pochette, soit environ trente centimètres, et n’avait donc rien de commun avec les rééditions successives de la maison de disques Atlantic, qui s’est contentée par la suite de minuscules vignettes (sans le rabat, par conséquent), avant même, dans une dernière version, de reléguer la vignette à l’intérieur de la pochette, et de la remplacer en couverture par une photographie noir et blanc du visage d’Ornette Coleman.

10Dans les notes de pochette de Free Jazz, on ne trouvera aucun texte d’Ornette Coleman permettant de faire une relation avec Jackson Pollock. D’ailleurs, nul ne sait qui exactement a eu l’idée, ou pris la responsabilité, de faire figurer cette reproduction en couverture du disque : l’artiste, le graphiste (Loring Eutemey), le producteur (Nesuhi Ertegun) ? Il est fort possible, en tout cas, que ce ne soit pas Coleman lui-même : il ne faut pas oublier que c’est une époque où le saxophoniste, outre les nombreux concerts, réalisait parfois jusqu’à trois albums par an, et déléguait volontiers tout ce qui ne relevait pas directement de la musique. La source la plus fiable est encore de revenir à ce que Coleman lui-même avait écrit pour le texte de pochette d’un disque légèrement antérieur à Free Jazz. Dans Change of the Century (1960), en parlant de sa propre musique, il s’exprime à la fois explicitement et prudemment : « Maybe it’s something like the paintings of Jackson Pollock »… Voici le passage en entier :

Tous les morceaux sont des originaux. Chacun est totalement différent des autres, mais dans un certain sens il n’y a ni début ni fin pour aucune de mes compositions. Il y a une continuité d’expression, des fils de pensée évoluant continuellement, qui lient toutes mes compositions ensemble. Peut-être est-ce quelque chose comme les peintures de Jackson Pollock.5

11Un peu plus bas, et alors que l’expression même de « free jazz » n’est pas encore apparue (elle le sera en 1961, avec la publication de l’album éponyme), Ornette Coleman commente clairement en ces termes le processus de création collective que représente l’un des thèmes, précisément nommé Free :

Free est bien expliqué par son titre. Notre groupe libre en train d’improviser est bien représenté ici. Chaque membre suit son propre chemin et ajoute en même temps sa propre histoire à l’effort d’ensemble du groupe. Il n’y avait aucun motif rythmique ou harmonique prédéterminé. Je pense que nous avons quelque chose de spontané, comme en roue libre, qui est en train d’arriver ici.6

12Et le lecteur-auditeur-spectateur a aussitôt envie d’ajouter, comme plus haut : « Maybe it’s something like the paintings of Jackson Pollock »… Mais le fait même de s’interroger sur ce « peut-être » et sur ce « comme » entraînerait déjà du côté des interprétations.

13Enfin, au chapitre de la rencontre virtuelle en forme de chiasme, on se souvient que Pollock avait joué (peu longtemps…) du violon dans son enfance, tandis que Coleman pratique aussi parfois ce même instrument en autodidacte (il est vrai avec un bonheur inégal – de même que la trompette, alors qu’il a toujours essentiellement travaillé le saxophone alto). De façon moins anecdotique, il faut encore noter que Coleman s’est essayé aussi à la peinture abstraite, et notamment à ce que l’on pourrait nommer une forme d’abstraction lyrique, dans la continuité des expressionnistes américains. Une de ses peintures (en forme historique de tondo, ou auto-référentielle de disque ?) figure ainsi en plein cadre sur la pochette d’un autre disque édité par Atlantic en 1970, et regroupant des inédits enregistrés entre 1959 et 1961, le bien nommé The Art of the Improvisers (dont le premier titre-phare n’est autre que « The Circle with a Hole in the Middle », le cercle avec un trou au milieu). On retrouverait là, au passage, la problématique précédente du « polyartiste », qu’il est évidemment impossible de développer ici.

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15Les faits étant ce qu’ils sont, demeurent de nombreux problèmes d’interprétation.
En ce qui concerne Jackson Pollock, l’interrogation restante est double : celle du type de jazz qu’il écoutait, et celle de l’influence de la musique sur son travail. L’artiste écoutait du jazz, certes, mais lequel ? La question est somme toute rarement posée. Lorsque Pollock peint, la révolution musicale du jazz dont il est l’exact contemporain porte un nom : le be-bop. Or il semble bien qu’il n’ait jamais pu se faire à l’écoute de Charlie Parker, Miles Davis ou Dizzy Gillespie, préférant notamment le dixieland, le ragtime ou le swing, dont sa discothèque était apparemment remplie (on l’évalue à une centaine de disques, ce qui est assez considérable pour l’époque). Après Jelly Roll Morton, Louis Armstrong et Count Basie, sa limite esthétique musicale était Duke Ellington. C’est ainsi que « Pollock, en dépit des efforts de Krasner et d’autres pour le détourner du jazz "moldy fig" et le convertir au "modern" (selon les expressions de l’époque), continuera de préférer le jazz d’avant-guerre jusqu’à sa mort en 1956 »7.

16Aux questions précédentes, il faut donc apporter deux réponses distinctes. D’un côté, Pollock écoutait manifestement beaucoup de jazz traditionnel (qui, s’il possède un aspect entraînant, ne se caractérise pas par de grandes libertés formelles) : en ce sens, ce qu’écoute Pollock ne correspond pas vraiment à ce qu’il peint... Car ce qu’il peint serait paradoxalement plus proche du jazz dont il est le contemporain, et surtout de son évolution à venir (n’oublions pas que Coleman enregistre son premier disque fin 1957, soit un an seulement après la mort de Pollock). Quant à l’influence possible, faute de preuves, c’est-à-dire en l’occurrence de témoignages plus précis, elle relèverait donc d’une sorte d’énergie générale de la musique, plutôt que d’analogies ponctuelles entre tel thème et telle toile. – Même si, comme le fait subtilement remarquer Jean-Pierre Criqui, le titre du célèbre Autumn Rhythm de 1950 peut aussi s’entendre comme la contraction de deux standards d’avant-guerre (Autumn in New York, chanson de Vernon Duke datée de 1934, et I Got Rhythm, composé par George et Ira Gershwin en 1930), tandis que, de façon plus troublante encore, le Lavender Mist de la même année n’est pas sans évoquer un thème de Duke Ellington (Lady of the Lavender Mist, 1947)8.

17Du côté d’Ornette Coleman maintenant, on sait en réalité très peu de choses sur la façon dont il reçoit l’héritage éventuel de Pollock. Si l’on en croit certaines sources, le saxophoniste aime en tout cas à se rapprocher de l’image du peintre, entièrement dévoué à son art : il était « dans le même état que j’étais moi-même – faisant ce que j’étais en train de faire »9. En l’état actuel de la réflexion, le plus vraisemblable est que Coleman ait découvert Pollock après l’invention de sa propre musique : il n’y aurait donc pas là d’influence au sens causal du terme, mais de proximité affichée et assumée après-coup (vers 1959-1961, c’est-à-dire entre Change of the Century et Free Jazz). D’ailleurs, les titres des albums précédents sonnaient déjà également, sinon comme un manifeste (les points d’exclamation), du moins comme un programme (la projection vers le futur) : Something Else ! ! ! ! (sic, 1958), Tomorrow is the question! (1959), The Shape of Jazz to Come (1959). Après tout, Pollock a bien changé les règles de la peinture, et Coleman veut changer celles du jazz.

18Dans son article non traduit en français, ici le plus proche de notre sujet, Hilary Moore propose une hypothèse intéressante pour interpréter l’« utilisation » du tableau de Pollock sur la pochette de Free Jazz – qu’il s’agisse en l’occurrence d’une stratégie du label ou du choix du musicien ne changeant rien à l’affaire. Il faut bien imaginer, en effet, que le nom même de Pollock était alors synonyme de liberté artistique10, et il était somme toute logique, du point de vue de la communication « grand public » qu’implique la conception d’une pochette de disque, que cette liberté (freedom) entre en résonance avec le nouveau jazz « libre » (free jazz). Ici se trouverait somme toute un cas, conscient ou inconscient, de légitimation artistique. La reproduction du tableau de Pollock (avec les droits offerts par son propriétaire Sidney Janis, comme on l’a vu plus haut) agirait ainsi comme un processus de légitimation du jazz en tant que forme d’art à part entière, s’affichant tout à la fois comme libre, sérieuse et innovante : « L’illustration par l’art moderne de la couverture de l’album Free Jazz peut être vue comme une contribution au positionnement du jazz comme une forme d’art »11. Dans la perspective de cette hypothèse, mutatis mutandis, la peinture de Pollock serait ainsi au jazz de Coleman ce que la poésie d’Horace (déjà renversée) était à la peinture de la Renaissance : après l’ut pictura poesis, le free jazz as action painting ?

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20Au-delà du constat existant, il faut enfin proposer une analyse esthétique comparée de cet ensemble de relations, moins en termes de correspondances et de différences, que de convergences et de divergences.

21Tout d’abord, on peut être frappé par ces mots de Pollock, qu’il s’écrit à lui-même comme une sorte de guide : « Contrôle total… Refus de l’accident »12. Nombreux sont les spectateurs qui, au contraire, voient dans une toile de Pollock l’unique présence de l’aléatoire, et l’absence totale de contrôle. En réalité, tout est dans la relation entre ce qui est préparé et ce qui doit se produire – ou plus exactement, ce qui est préparé d’abord pour ce qui doit se produire ensuite. En effet, le protocole du peintre est immuable (préparation des « outils » plus que des pinceaux, choix des couleurs et des types de peinture, grande toile à l’horizontale à même le sol dans l’atelier, etc.) ; le protocole est là pour que, précisément, tout le reste puisse arriver. Le reste, c’est-à-dire la créativité folle de cette danse autour de la toile, de cette véritable transe du peintre dans et avec la peinture. Quoi qu’en dise Pollock ici, l’impulsion purement physique du geste, et donc l’improvisation plus que la composition, sont alors de règle.

22Or cette dialectique entre ce qui est préparé et ce qui ne l’est pas, parce qu’il ne peut ni ne doit l’être, cet aller-retour entre le protocole et sa réalisation, ne se retrouvent-ils pas traits pour traits dans la musique d’Ornette Coleman ? En effet, le protocole du musicien est celui du studio qu’il a bien fallu réserver, du double quartet qu’il a bien fallu engager, et même, contrairement à ce qu’on croit d’abord, de certains « codes » ou « repères » de travail qu’il a bien fallu partager, avant de se lancer dans l’enregistrement des trente-sept minutes improvisées de Free Jazz (artificiellement séparées en deux parties sur le format vinyle, dont la longueur extrême constituait également une nouveauté à l’époque). À première écoute, il est vrai que les trente-sept minutes qui composent le disque peuvent apparaître comme un simple flux ininterrompu de musique improvisée, sans aucune composition ni préparation. Les cuivres se répondent comme autant de cris, la batterie ne marque pas le rythme plus linéaire de la contrebasse, les instruments du double quartet envahissent sans cesse tout l’espace sonore. En réalité, après un début in medias res, l’auditeur attentif se rend vite compte que l’ensemble de la performance se divise en sections, chacune étant représentée par un soliste principal (la clarinette basse d’Eric Dolphy se détachant dès 0’24"), tandis qu’un signal commun, manifestement préparé à l’avance, se charge de marquer les articulations entre les différentes sections (audible par exemple dès 0’10", puis repris à 5’13", avant l’entrée de la trompette et de la contrebasse). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le free jazz en question est bien relativement structuré… à peu près comme une toile de Pollock, c’est-à-dire à la fois beaucoup et très peu. La liberté est relativement encadrée (comme le montre d’ailleurs suffisamment la première prise, « First Take », désormais disponible sur l’édition CD, et qui présente le même mouvement d’ensemble, mais comme raccourci sur dix-sept minutes au lieu de trente-sept). Reste effectivement l’absence totale de mélodie claire, et de progression harmonique, qui va de pair avec l’abandon de toute tonalité prédéfinie (comme le permet également l’absence volontaire de tout instrument harmonique, piano ou guitare par exemple, au sein du double quartet). On ne se risquera pas jusqu’à y voir une analogie possible avec l’absence de tout « sujet » figuratif dans l’abstraction exprimée par Pollock – quoique…

23Au titre des convergences esthétiques évidentes entre ces deux formes artistiques, qui peuvent renforcer l’impression de « connivence » historique entre musique et arts plastiques, il faut encore ajouter plusieurs éléments. Que voit-on, qu’entend-on ? On voit des entrelacs superposés et contrastés chez Pollock (lignes blanches qui donnent son titre au tableau, mais toujours mêlées inextricablement à d’autres lignes beaucoup plus sombres), on entend des entrelacs superposés et contrastés chez Coleman (à tel point qu’il faut plusieurs écoutes pour démêler l’intrication de tous les fils sonores des instruments). Après tout, Coleman sous influence ferait du free comme Pollock de l’action painting, c’est-à-dire aussi à rebours que Pollock ferait du free et Coleman de l’action playing. On entend des pourings et des drippings chez Coleman (des « coulures », des « giclures » de son), on voit des riffs improvisés chez Pollock (de très brèves figures répétées, si brèves qu’elles sont à peine des « figures », mais plutôt des traces de gestes). Qui plus est, le free de Coleman est au moins aussi all over que celui de Pollock : ni haut ni bas, ni droite ni gauche chez l’un, ni commencement ni fin chez l’autre. Juste un ensemble, un tout d’un seul tenant, une présence, picturale, musicale. Le mot-clé est sans doute énergie : c’est avec la même énergie que Coleman se défait de l’histoire de l’harmonie pour faire physiquement de la matière sonore, qui devient de la musique, et que Pollock se défait de l’histoire de la représentation pour faire physiquement de la matière picturale, qui devient de la peinture. Là où Pollock disait, pour parler de son propre travail : « l’énergie et le mouvement devenus visibles »13, Coleman pourrait dire, lui aussi : « l’énergie et le mouvement devenus audibles ».

24Enfin, il est à noter que ce parallèle connaîtra d’ailleurs une certaine descendance dans la suite de l’évolution du free jazz. Qu’on pense, par exemple, aux propos d’Archie Shepp, en compagnie de John Coltrane, sur les notes de pochette du disque Ascension (1965) : « L’idée, ici, est semblable à celle de l’action painting qui crée des surfaces variées de couleurs qui se confrontent, qui crée des tensions et des oppositions, des champs d’énergie variés »14.

25Quelques divergences, maintenant : traditionnellement, la musique est dans le temps, la peinture dans l’espace, ce qui veut surtout dire en l’occurrence que le free jazz d’Ornette Coleman met du temps (et même beaucoup de temps) à se dérouler pour l’auditeur, tandis que la peinture de Jackson Pollock frappe instantanément le spectateur, dans sa planéité même, qui n’est pas une platitude (flatness). Depuis le Laocoon de Lessing, on sait bien, ou on croit savoir (car Lessing lui-même avait le sens des nuances), que la peinture est un art de l’espace, c’est-à-dire de la simultanéité, tandis que la musique est un art du temps, c’est-à-dire de la succession. Mais, tout bien pesé, il ne serait pas absurde de soutenir que les tableaux all over de Pollock renvoient aussi à une temporalité sous-jacente des multiples gestes picturaux, incroyable danse du peintre au-dessus de sa toile, posée à même le sol de son atelier ; ni, pour parfaire le chiasme, de soutenir également qu’une des forces du free consiste précisément à créer son propre espace, une sorte de « pâte » sonore destinée à envahir l’auditeur (d’où aussi l’usage volontairement « spatialisant » du double quartet stéréo sur disque, entre canal gauche et canal droit). La toile de Pollock finirait ainsi par apparaître comme l’enregistrement d’une action, voire d’une performance temporelle, tandis que le disque de Coleman ferait revivre à chaque écoute un nouvel espace musical. Dans les deux cas, somme toute, il s’agit bien de la trace d’une performance spatio-temporelle15.

26Tant et si bien que, au-delà de cette divergence qui en est à peine une, entre espace et temps, la seule différence profonde entre les deux approches picturale et musicale – outre leur léger écart chronologique, bien entendu – se situerait finalement entre l’individuel et le collectif. Pollock est radicalement seul dans son atelier, même s’il est hanté par les esprits des chamanes, envahi par les esprits de l’alcool, et inspiré par la seule musique qu’il aime vraiment : le jazz. Coleman est radicalement en groupe en studio, comme sur scène ; aussi obscure soit-elle, sa théorie de l’harmolodie permet précisément l’indépendance polymodale des voix des solistes, de façon à ce qu’ils semblent sans cesse dialoguer au sein du groupe16. L’expressionnisme abstrait s’exprime mieux dans sa grande solitude ; le free jazz n’existe que par le partage et l’interaction entre les instrumentistes, jusques et y compris dans leurs résonances sociales et leurs implications politiques17. De ce dernier point de vue, Pollock est très seul, et Coleman très entouré.

27En bref : il y a bien du jazz chez Pollock, même si ce n’est pas exactement du free, et pour cause (de chronologie) ; il y a bien de la peinture chez Coleman, même si ce n’est pas exactement du dripping, et pour cause (de medium). Mais dorénavant, nous sommes libres d’imaginer Pollock écoutant du jazz tout en peignant ; et Coleman contemplant White Light tout en jouant.

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29S’intéresser à un objet apparemment aussi trivial que les pochettes de disque, en acceptant d’y voir quelque chose de fondamentalement « audio-visuel », c’est convoquer sans le vouloir des enjeux esthétiques et économiques, graphiques et sociologiques – c’est se retrouver de fait à la croisée d’une histoire des musiques populaires, d’une analyse des arts visuels, et d’une sémiotique de la communication. Une étude générale de l’art de la pochette de disque, représentant à elle seule une partie des rencontres à la fois réelles et imaginaires entre musique et arts plastiques, resterait encore à produire, et là n’est évidemment pas l’objet de cet article. Mais il est possible pour conclure de poser quelques jalons des enjeux d’une telle rencontre, littéralement audio-visuelle.

30La spécificité de la pochette de disque, c’est avant tout qu’elle assume sans honte apparente le déséquilibre volontaire des deux mediums auxquels elle est associée : lorsqu’elle est convoquée, pour la bonne cause pense-t-on, l’image n’est jamais que l’illustration d’une musique préexistante, et ne vise jamais – sauf exception – la préséance face à celle-ci. Le visuel sert et suit le sonore, non l’inverse. C’est pourtant bien l’image, de fait, qu’on voit en premier lors d’un éventuel achat, et qui précède donc souvent l’écoute de la musique pour le spectateur-auditeur. Dès lors, on pourra toujours conférer à cette image un statut plus ou moins économique (on sait qu’elle peut déclencher un acte d’achat, par exemple), explicatif (en montrant les visages ou les corps des musiciens, par exemple – quitte à paraître redondante), ou symbolique (en travaillant au contraire l’écart apparent entre avec un sens premier trop évident), le tout doté d’une plus ou moins grande qualité graphique, qui fait aussi la marque sensible des disques qu’on aime conserver (voire exposer) chez soi… Et ce, plus encore sans doute pour les vinyls que pour les CD (à se demander d’ailleurs si le retour partiel du goût des collectionneurs pour le disque vinyl ne tient pas aussi aux dimensions visuelles de sa pochette). Le « visuel » de la pochette, comme on dit, est donc en réalité plus important pour l’« audio » qu’on ne le croit souvent. Métonymie imparfaite ou synesthésie différée, la pochette serait au disque ce que le paratexte est au texte – sinon davantage. Rares sont finalement les musiques qu’on n’associe pas en mémoire ou en imagination avec leurs visuels de pochette, quand bien même ceux-ci seraient relativement ratés, ou changeants. Paradoxalement – et plus encore pour les musiques populaires, à grande diffusion –, la pochette de disque finit donc par « coller » à la musique qu’elle est censée représenter, presque au sens où l’on parle trivialement de l’« image » extérieure de quelqu’un ou de quelque chose. L’art visuel du disque n’apparaît pas comme noble, mais n’en est pas moins présent, parfois troublant. Dans cette sorte d’art appliqué qu’est le graphisme de la pochette (et qu’on pourrait rapprocher de l’art visuel de l’affiche, n’était son lien consubstantiel avec le sonore), tout fait donc signe : mise en page serrée ou aérée, choix des corps et des polices typographiques, travail des couleurs superposées ou juxtaposées, présence ou absence des images et des informations, etc. Le paradoxe ultime de cet art, qui n’en est pas exactement un, est que le graphiste responsable du design de la pochette ne signe que rarement son travail. L’œuvre, c’est la musique, et la pochette n’est que sa vitrine.

31Dans le cas précis de cet article, il se trouve que le nom du graphiste est connu, comme on l’a vu, mais que le processus de choix et de composition de la pochette ne l’est guère. Nous avons donc tenu à présenter malgré tout quelques hypothèses de travail : entre Pollock et Coleman, on pourrait croire qu’il s’agit d’une fausse rencontre, dans la mesure où le premier était déjà mort lorsque le second s’est plus ou moins réclamé de lui, qui plus est sans totalement maîtriser les modalités de l’héritage ; en réalité, il s’agit bien d’une vraie rencontre, dans la mesure où les enjeux proprement esthétiques entre une certaine peinture et une certaine musique américaines de l’après-guerre apparaissent, avec le recul, étonnamment convergents.

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Wilson, Peter Niklas, Ornette Coleman, His Life and Music, Berkeley Hills Books, 2000.

Notes   

1  « He would get into grooves of listening to his jazz records – not just for days – day and night, day and night for three days running… the house would shake. Jazz? He thought it was the only other really creative thing happening in this country. » (Lee Krasner, entretien avec Francine du Plessix et Cleve Gray, “Who was Jackson Pollock?”, Art in America, New York, vol. 55, no 3, mai-juin 1967, p. 51, repris dans Pepe Karmel (dir.), Jackson Pollock: interviews, articles and reviews, New York, MoMA, 1999, p. 34, trad. fr. J.-F. Allain, catalogue de l’exposition Sons et Lumières, Paris, Centre Georges Pompidou, 2004, p. 197).

2  Cf. C. Greenberg, Art et Culture, Paris, Macula, 1988.

3  Lee Krasner, op. cit. (voir note 1).

4  Cf. J.-P. Criqui, « Note (bleue) sur Pollock, la peinture et le jazz autour de 1950 », catalogue de l’exposition Le Siècle du jazz, D. Soutif (dir.), Paris, musée du Quai Branly, Flammarion, 2009, p. 234. Sur cette même page, l’auteur, pourtant éminent jazzophile érudit, identifie malheureusement le tableau de Pollock sous le titre White Heat (1954), à la place de White Light (en pensant sans doute au film noir éponyme de 1949).

5 « They are all originals. Each is quite different from the other, but in a certain sense there really is no start of finish to any of my compositions. There is a continuity of expression, certain continually evolving strands of thought that link all my compositions together. Maybe it’s something like the paintings of Jackson Pollock. » (O. Coleman, Change of the Century, 1960, Atlantic 81227 3608-2, notre traduction).

6  « Free is well-explained by the title. Our free group improvising is well demonstrated here. Each member goes his own way and still adds tellingly to the group endeavour. There was no predetermined chordal or time pattern. I think we got a spontaneous, free-wheeling thing going here. » (Ibid.). Paradoxalement, l’auditeur de ce morceau entend bien pourtant un certain « motif » mélodique manifestement prédéterminé (puisque joué à l’unisson entre le saxophone et la trompette, et même interprété comme un thème, puisque joué au début et à la fin). Il faudrait donc en déduire que Coleman, ici, parle en réalité seulement de toute la partie improvisée entre l’apparition initiale et finale de ce motif. Significativement, on retrouvera le même problème plus loin, avec l’analyse de Free Jazz.

7  H. Cooper, « Une peinture jazz ? Le cas de Stuart Davis », Sons et Lumières, catalogue de l’exposition, Paris, Centre Georges Pompidou, 2004, p. 42.

8  Cf. J.-P. Criqui, op. cit., p. 236.

9  LeRoi Jones (Amiri Baraka), Blues People: Negro Music in White America (1963), New York, William Morrow, 1999, p. 234 (trad. fr. Le peuple du blues, Paris, Gallimard, 1997). Voir aussi l’article de Chad Mandeles, “Jackson Pollock and Jazz : structural parallels”, Arts Magazine, L VI/2, October 1981, p. 139-141.

10  Comme le dit un biographe: Pollock’s name « was synonymous with the expression of freedom » (B. H. Reiner, Jackson Pollock: Energy Made Visible, London, Wedienfeld & Nicholson, 1972, p. XI).

11  « The picturing of modern art on the Free Jazz album cover can be viewed as contributing to the positioning of jazz as art form » (H. Moore, « Painting Sound, Playing Color. The multiple voices of Ornette Coleman’s Free Jazz and Jackson Pollock’s White Light », in Coverscaping. Discovering Album Aesthetics, A. Gronstad, O. Vagnes, (dir.), Copenhagen, Museum Tusculanum Press, 2010, p. 185, notre traduction). L’article contient en outre de nombreuses pistes bibliographiques supplémentaires en langue anglaise.

12  « Total control… Denial of the accident » (J. Pollock, in Pepe Karmel (dir.), op. cit., p. 24).

13  « Energy and motion made visible » (J. Pollock, in Pepe Karmel (dir.), op. cit., p. 24).

14  Cité par J.-Y. Bosseur, Musique et arts plastiques. Interactions au xxe siècle, Paris, Minerve, 1998, « Pratique plastique et jazz », p. 74.

15  C’est notamment Gilles Mouëllic qui insiste sur l’œuvre de jazz comme performance (cf. Le Jazz, Une esthétique du xxe siècle, Rennes, PUR, 2000, p. 61).

16  Sur l’harmolodie (néologisme contractant harmonie, mouvement et mélodie), la synthèse la plus claire est celle de L. Cugny, Analyser le jazz, Paris, Outre Mesure, 2009, p. 501-504 (voir également, pour un commentaire de Free Jazz, les p. 100 et 264).

17  Cf. P. Carles, J.-L. Comolli, Free Jazz / Black Power, Paris, Gallimard (Folio Essais), 2000.

Citation   

Pierre Sauvanet, «Jackson Pollock et Ornette Coleman : vraie ou fausse rencontre ?», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et Arts plastiques, mis à  jour le : 26/09/2013, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=583.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Pierre Sauvanet

Né en 1966, agrégé de philosophie, ancien élève de l’ENS-LSH, Pierre Sauvanet est actuellement Professeur d’esthétique générale à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux-3, où il est responsable du Centre ARTES (rattaché à l’EA 4593).
Ses recherches (qui s’appuient aussi sur une pratique) portent avant tout sur une approche philosophique des phénomènes rythmiques, dans des contextes aussi différents que la pensée grecque, l’histoire de l’esthétique, la survivance des images, les relations entre les arts, le jazz et les musiques improvisées.
Il est l’auteur de six ouvrages (dont Le Rythme grec, PUF, 1999, Le Rythme et la Raison, Kimé, 2000, Jazzs, avec Colas Duflo, MF, rééd. 2008), de trois collectifs et d’une quarantaine d’articles scientifiques. Dernières parutions (2011) : L’Insu. Une pensée en suspens (Arléa), et Devant les images. Penser l’art et l’histoire avec Georges Didi-Huberman (co-dir. Thierry Davila, Les Presses du Réel).