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« Au commencement était l’Action »
De la responsabilité du musicologue

Joëlle Caullier
septembre 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.531

Index   

Texte intégral   

1Au seuil de cette réflexion, j’invite le lecteur à relire avec moi les sombres pensées qui hantent le vieux Faust désespéré avant que les cloches de Pâques ne sonnent le début de son initiation :

« Ainsi donc, ô philosophie,
Et médecine et droit encore,
Hélas, et toi, théologie,
Je vous ai, d’un ardent effort,
Approfondi toute ma vie
Et je reste là, comme un sot,
Sans avoir avancé d’un mot.
On m’appelle docteur et maître
Et voilà bien dix ans peut-être
Qu’à droite, à gauche, en haut, en bas,
Je mène par le nez ceux qui suivent mes pas
Et vois qu’on ne peut rien connaître.
Comment ce cœur n’éclaterait-il pas ? […]
J’ai donc pensé que la magie
Et les esprits et leur pouvoir
Pourraient me révéler quelque secret savoir
Qui ne m’oblige plus, quand la sueur m’inonde,
À proclamer ce que j’ignore en vérité,
Qui m’apprenne ce qu’est le monde
En sa pure réalité
Et, découvrant l’effet et sa cause profonde,
Me délivre des mots et de leur vanité »1.

2Avouerai-je que je partage aujourd’hui la désillusion du vieux savant et que la musique, à travers laquelle j’ai tant d’années traqué les signes cryptés de la connaissance, garde effrontément son mystère ? Caressant encore l’illusion de percer les secrets de la création, la musicologie ne serait-elle donc que vanité ? Y aurait-il de l’hybris dans cette science qui croit pouvoir impunément enserrer le plus impalpable des arts dans les filets du logos, celui-là même dont la musique, par sa nature même, consacre les limitations ? Ne témoigne-telle pas à sa manière du fol espoir de la modernité occidentale à maîtriser l’indomptable, apprivoiser l’inconscient, dominer la nature ? Mais aujourd’hui, où le symbolique se voit délaissé au profit du visible et d’une jouissance matérielle déspiritualisée et harnachée d’appareillages, la musicologie se trouve désemparée et, en quête de sens, se questionne sur ses perspectives d’avenir. Douloureuse mise en question qui, hormis les spécialistes des nouvelles technologies en prise directe avec l’actualité, perturbe une grande part de notre petit monde.

3Sur ce sujet, le récent colloque annuel2 de l’association italienne de musicologie, Il Saggiatore musicale, a fait place à une table ronde intitulée « Musicologie : que me veux-tu ? » Essere musicologi nella società liquida. Je remercie mes hôtes italiens3 d’avoir eu le courage de poser des questions cruciales mais embarrassantes et douloureuses : quel rôle la musicologie a-t-elle à jouer dans la société contemporaine ? Ce rôle se définit-il en termes de responsabilité ? Quel genre de responsabilité le musicologue aurait-il donc à assumer aujourd’hui que sa discipline n’avait jamais formulée jusque-là, au cours de ses deux petits siècles d’existence ? Il est vrai qu’à l’origine, elle relevait comme par évidence de la Kultur, élitiste, individualiste et nationaliste, battue en brèche depuis par la Zivilisation, démocratique et internationaliste.

4Dans son argumentaire préparatoire à la table ronde, Maria Semi laissait poindre une certaine insatisfaction devant les écrits de Martha Nussbaum4 valorisant l’éducation libérale en ce qu’elle « produit des citoyens responsables et des « esprits flexibles » pour le marché des entreprises »5. En revanche, elle proposait fort judicieusement comme référence commune aux intervenants le livre de Marc Augé, Où est passé l’avenir ?6dans lequel l’anthropologue dénonce l’hégémonie de l’Actuel qui étouffe à la fois la conscience du passé et la capacité à inventer le futur.

« L’artiste ou l’auteur contemporain qui décèle dans les œuvres du passé des traces de pertinence historique et qui est sensible à leur présence (elles lui parlent encore) doit trouver dans cette expérience des raisons d’espoir. La contemporanéité n’est pas l’actualité »7.

5Le musicologue contemporain a-t-il donc des devoirs inédits à l’égard de la société qui l’entoure ? En posant cette question, nous plongeons immédiatement en plein dilemme. En effet, si nous, musicologues, acceptons d’endosser la responsabilité socio-économique que la culture libérale cherche à faire porter à l’université contemporaine, nous entérinons le fait que l’art, la créativité humaine et la vie elle-même ont à justifier leur utilité par une action concrète sur les choses et sommes ainsi amenés à déduire, par voie de conséquence, l’inutilité de certaines de leurs formes. Si en revanche, au nom de la complexité de la condition humaine, faite indissolublement, comme le soulignait Hannah Arendt8, de vita activa et de vita contemplativa, nous revendiquons haut et fort la gratuité de pans entiers de l’activité humaine dont l’art, l’érudition et la haute culture sont des exemples parfaits, alors nous sommes censés privilégier « la distinction » sociale au sens où l’employait Pierre Bourdieu9, plutôt que les engagements urgents dont le monde moderne a besoin.

Responsabilité sociale et extension universitaire. Sommes-nous voués à cette contradiction ?

6Pour aborder cette question, je souhaiterais simplement ici effectuer un bilan d’étape personnel et témoigner d’un débat intérieur qui m’a conduite ces dernières années à prendre du recul par rapport à la musicologie pour endosser la lourde responsabilité qu’est l’administration de la recherche dans mon université. Je n’ai aucune intention polémique, mais j’avoue que la sensation « d’inutilité » de la musicologie et la conscience de son décalage par rapport à la réalité sociale m’étaient peu à peu devenues proprement intolérables. Les Humanités auxquelles ma discipline se rattache à l’évidence ne me semblaient à mon grand regret pas démontrer suffisamment leur apport concret au développement humain. C’est un fait que, désemparés devant les nouvelles orientations utilitaristes et quantifiables de notre monde globalisé, les intellectuels ont peu à peu vu le sens se détourner de leur champ d’action. Dans la sphère universitaire, ils ont alors eu tendance soit à se replier sur leur activité érudite ou leur monde individuel, soit à expérimenter avec plus ou moins de bonheur et de conviction de nouvelles pratiques d’investigation, souvent interdisciplinaires et contractuelles, visant une coopération renforcée avec la société environnante.

7Par tempérament, j’appartiens plutôt au second groupe et j’ai donc entrepris une réflexion à mes yeux inévitable sur « la responsabilité sociale »10 des sciences humaines et sociales (SHS), dont les organes de pilotage européens ne cessent d’émailler leurs discours. La « valorisation » et son auxiliaire obligé, « l’innovation », y occupent une place considérable et se présentent comme les seuls leviers de développement économique envisageables. C’est ce qu’on nomme « l’économie de la connaissance ». Certes le volet social est naturellement dévolu aux sciences humaines, mais on attend avant tout des SHS qu’elles contribuent à la valeur suprême et incontestée qu’est « le développement », antidote à l’angoisse de régression collective. Or il s’avère que la responsabilisation sociale des universitaires, en soi tout à fait nécessaire, fait aussi peser le poids de la culpabilité sur les épaules de ceux qui, il y a peu encore, se croyaient légitimés par le seul fait qu’ils élaboraient et dispensaient le savoir, entretenant la transmission. Or le savoir semble avoir perdu son aura11, l’acte de transmettre est mis en question12 et la haute culture passe pour un luxe inutilement aristocratique à l’heure de la communication, de l’information et de la consommation de masse. L’université se cherche donc une nouvelle fonction, ce qui ne se fait pas sans souffrance ni doute.

8On est bien loin de la notion d’Extension universitaire qui fonde l’idée même d’université en Amérique latine13 et qui anime les universités d’autres continents en voie de développement comme l’Afrique. Là, tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, enseignants, chercheurs, administratifs, étudiants, se sentent investis d’une tâche primordiale : rendre à la société environnante qui a donné le jour à leur université au prix de tant d’efforts, l’énergie et les moyens de faire face aux défis du monde contemporain. Et le premier de ces défis est incontestablement le développement humain qui permettra à la société de fonder son avenir sur des bases d’équité et non, comme en Occident, l’exclusive croissance économique qui asservit les hommes aux chimères de la productivité et de la consommation plus qu’elle n’accroît leur humanité. Dans ces pays en pleine transformation, l’université n’est ni le simple dépositaire d’un savoir réservé, ni le bras armé de l’économie triomphante ; dans la perspective d’une économie solidaire, elle assume pleinement son rôle de service à la société14 dans un esprit d’échange et de dialogue, sans se laisser asservir par l’économie productiviste et consumériste ni, à l’inverse, rejeter par principe, comme souvent en France, la simple idée de répondre à des besoins sociaux. Ce sentiment de responsabilité s’impose à tout détenteur d’un savoir.

9La recherche occidentale dans les sciences de l’esprit n’aurait-elle pas tout à gagner à se laisser ensemencer par ce projet foncièrement éthique, reposant sur l’implication sociale des individus, plutôt que de céder aux injonctions de valorisation liées à l’idéologie de la compétitivité et de la croissance ? Cette implication éthique aurait l’immense avantage de combattre efficacement la tentation de repli morose sur soi qui guette maint chercheur occidental désabusé. Heureusement, de nombreuses initiatives voient le jour ici et là, en Belgique, dans de nombreux pays de l’est européen en train de s’inventer une société civile, à Lille où le Conseil régional collabore avec la recherche universitaire dans le programme Chercheurs citoyens, à Lyon où le Conseil régional épaulé par l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la ville) a fortement soutenu l’importation de l’Extension brésilienne15 et dans tant d’autres lieux…

Musicologie et extension universitaire

10Dans cette perspective, que peut donc bien apporter la musicologie qui ne paraisse dérisoire vis-à-vis des attentes sociales comme des attentes institutionnelles ? Le mode de financement de la recherche sur programme a peu à peu modifié la hiérarchie des disciplines, y compris au sein même des SHS, et la recherche dans le champ des humanités dont relèvent les arts pâtit d’une baisse de reconnaissance au profit de disciplines plus expressément sociales (sociologie, droit, géographie…), économiques ou cognitives qui savent mieux capter l’intérêt des décideurs privés ou publics.

11Généralement, personne ne songe à contester les diverses fonctions qu’a toujours occupées la musique dans les sociétés humaines : elle servait soit la contemplation, soit la transformation psychique, elle fédérait la collectivité, accompagnait le travail et les grands moments de la vie, divertissait, stimulait des ardeurs guerrières, glorifiait la puissance cléricale ou séculière, manifestait le génie, questionnait la beauté ou la vérité, assurait la reconnaissance de l’individualité affective et créatrice, contribuait à l’édification du patrimoine et au sentiment d’appartenance… La musicologie, en revanche, cantonnée dans la sphère du logos, chantre de la rationalité, incarne le luxe occidental : dans nos pays riches et néanmoins peuplés de millions de pauvres, des centaines de personnes sont payées pour étudier des phénomènes musicaux auxquels ils ne prennent généralement pas part et mettre en valeur des œuvres, le plus souvent écrites et considérées en marge de leurs conditions d’exécution, c’est-à-dire des hommes qui les jouent, les entendent et les ressentent. C’est ce qu’on appelle l’autonomie de l’art. Des classifications existent, implicites : les musiques traditionnelles, pratiquées par les gens simples des diverses contrées du monde, les musiques actuelles pratiquées par les jeunes gens à l’aide des nouvelles technologies et la musique « cultivée », pour reprendre le terme ironique d’Alessandro Baricco16, qui distingue (quoique ce soit de moins en moins vrai) la classe dominante. Les anthropologues s’intéressent aux premières, les sociologues aux secondes, les musicologues aux troisièmes. Les méthodes des uns et des autres s’excluent généralement, s’excommunient parfois et des murailles souvent étanches séparent les trois sphères. La musicologie, revendiquant fièrement ses fondements techniques, n’apparaît le plus souvent ni comme une science sociale ni comme une science humaine, ni même comme art, puisqu’elle n’est pas le fait d’artistes, et souffre de son caractère inclassable et finalement marginal.

12Je caricature à peine… Mais la mondialisation est en train de faire voler ces catégorisations en éclats et le doute se répand. Marc Augé dont les réflexions étaient fort judicieusement proposées aux participants du colloque de Bologne, a été dans ses précédents livres d’anthropologie l’un des grands artisans de cette mise en question. Pouvons-nous encore étudier les cultures traditionnelles comme si l’observateur que nous sommes ne construisait pas son objet en même temps qu’il l’analyse ? Tout savoir se révélant toujours « situé », c’est-à-dire dépendant du contexte de son élaboration, la musicologie n’aurait-elle donc pas des efforts à accomplir pour contester les évidences qui masquent mal son ethnocentrisme, modifier son angle de vue, ce qui l’amènerait à problématiser à nouveaux frais, à évoluer et par voie de conséquence à se faire reconnaître ?

13Si responsabilité il y a, elle se loge en effet là, dans cette nécessaire évolution de notre discipline qui devrait, elle aussi, contribuer à une meilleure prise en compte de la diversité des expériences et des cultures. Ne devrions-nous pas avant toute chose interroger nos propres pratiques – l’analyse musicale par exemple avec son hyper rationalité – comme nous étudions celle des autres cultures ? Ne pourrions-nous interroger les méthodes de l’anthropologie pour une meilleure compréhension de notre propre art et de la manière dont, à travers lui et son étude, nous construisons notre système de valeurs ? Notre art est-il si autonome que cela et ne pourrions-nous mettre à jour quelles fonctions (bénéfiques ou délétères) il occupe en réalité dans notre système de représentations ? Et si nous réinvestissions le champ du symbolique pour comprendre et faire percevoir comment la musique, de la plus simple à la plus complexe, se fait métaphore de l’existence humaine et signe des mutations du monde ? Et si nous nous intéressions davantage aux effets psychiques et sociaux de l’art musical, des effets dont l’étude depuis Hanslick a fini par être totalement bannie par un siècle et demi de formalisme ! Et si, collaborant avec les sciences cognitives, nous étudiions, loin de toute idéalisation, la manière dont l’art et ses pratiques modifient nos perceptions, nos jugements et nos comportements, pour le meilleur et pour le pire ? Et si, forts de cette connaissance, nous mettions, non pas l’art – qui ne se laisse dicter aucun objectif –, mais la musicologie dans son versant critique au service d’un véritable développement humain et d’une transformation sociale ? Bien au-delà du seul signe distinctif de haute culture, la musicologie serait alors en mesure d’ouvrir un accès à la connaissance spirituelle, touchant notamment ainsi ceux qui n’accèdent pas aisément au logos. Elle renforcerait alors ce que l’étymologie du mot culture sous-entend, c’est-à-dire la capacité à cultiver (colere) les qualités les plus précieuses de l’être humain. En s’impliquant elle-même dans une dynamique de transformation de la réalité, la musicologie, comme l’art qu’elle sert, s’inventerait un versant authentiquement pratique, devenant une véritable science de l’expérience.

14Par-delà les savoirs spécialisés que les compositeurs et les interprètes élaborent à travers leur activité artistique sans avoir recours aux musicologues, la musicologie pourrait donc se définir d’autres objectifs parmi lesquels la compréhension de l’humain expérimentant la musique, donc la vie ? Tout en assumant son fondement technique irremplaçable, la musicologie fortifierait ainsi l’activité symbolisante et en révèlerait les fondements anthropologiques afin d’éclairer les hommes d’aujourd’hui sur le sens et les conséquences de leurs pratiques ? Dans la société occidentale, l’œuvre (à laquelle j’attache par ailleurs la plus haute importance comme partage d’expérience existentielle fondatrice17) valorise l’inventivité individuelle, reflète le combat de l’homme contre la mort et, à travers l’interprétation, encourage l’autonomisation de la pensée. Toutefois, l’intérêt de la musicologie pour les œuvres, leur technicité et la modélisation de l’écoute ne détourne-t-il pas aussi le musicologue des apports les plus essentiels de la musique ? La musique n’est pas seulement un ensemble d’objets, fussent-ils des œuvres, c’est l’une des manifestations les plus complexes et mystérieuses de la vitalité et de l’esprit humains. En explicitant la fonction de la musique pour l’homme universel autant qu’historique, le musicologue mettrait en évidence la contribution irremplaçable de l’art au développement des facultés expressives, relationnelles et symbolisantes si affaiblies par la culture matérialiste et communicationnelle (Bernard Stiegler va jusqu’à parler de « misère symbolique »). En guidant les auditeurs dans le dédale des signes sonores à travers lesquels les hommes élaborent les valeurs individuelles et collectives, il leur permettrait d’enrichir leur expérience et d’affiner la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes.

15Mais pour atteindre cet objectif, la seule musicologie ne suffit pas. Le pire danger qui la guette est en effet de se confiner en elle-même. Seule la confrontation assumée avec d’autres savoirs lui permettra de se recentrer sur les facultés et les nécessités humaines à l’origine des œuvres et de leur reconnaissance collective. À cette fin, il est indispensable qu’elle intègre des réseaux interdisciplinaires en apportant sa pierre à l’édifice commun, sans s’arc-bouter inutilement sur des compétences que les musiciens lui disputent à leur plus grand avantage. En devenant l’un des maillons de la grande chaîne des connaissances sur l’humain, ses créations et ses sociétés, elle jouira d’une pleine reconnaissance car elle contribuera à la transformation des réalités individuelles, sociales et politiques.

Le musicologue dans l’action

16Ainsi, sans céder à l’illusion d’objectivité que véhicule la toute-puissante idéologie scientifique actuelle mais en se nourrissant de la pensée en acte qu’est la musique, le musicologue est invité à porter davantage intérêt à l’action. Contre la tendance occidentale à se poster en surplomb des situations pour les analyser, le musicologue, tout comme le philosophe d’ailleurs, pourrait s’impliquer au cœur même de la société en mettant son savoir et sa compréhension non pas tant au service de la seule théorie mais bien d’une pratique issue de la recherche la plus exigeante.

17Parallèlement à l’étude spécialisée qu’il ne s’agit surtout pas de négliger car elle conditionne tant de nouveaux savoirs que la découverte d’œuvres et de pratiques oubliées ou de nouvelles théories, des champs d’action inédits, valorisant l’expérience incarnée, pourraient être investis. Le neurobiologiste Francisco Varela18 appelle de ses vœux l’étude de l’expérience humaine, délaissée par les chercheurs de toutes disciplines. La musicologie serait susceptible d’offrir des voies intéressantes dans ce domaine et de contribuer, en assumant pleinement sa responsabilité sociale, à la construction, voire à la restauration du sens pour les individus et les sociétés. Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, la musicologie a tout à fait sa place dans les grands débats de notre temps : la globalisation19, la crise de la transmission, la diversité culturelle, l’éducation, les évolutions de la démocratie, la relation de l’art et du politique, les conséquences des pratiques d’information et de communication, la relation homme/machine, l’intégration sociale du handicap…

18Certes, la recherche fondamentale en musicologie a un rôle à assumer sur ces thématiques et la collectivité a besoin d’elle sous cette forme ; toutefois, peuvent aussi se développer des initiatives originales de recherche-action, de recherche-développement, dont le propre est d’œuvrer à la transformation de situations concrètes en plaçant le chercheur non au-dessus mais au cœur même des situations. C’est en se confrontant au réel, à l’expérience incarnée, que la musicologie évitera l’écueil qui guette les postures abstraites. Cette expérience incarnée peut être de nature musicale, mais aussi de tout autre nature. Le musicologue est appelé à dévoiler des connexions inattendues entre des faits d’existence et des situations musicales afin de faire surgir des propositions qui constitueront autant de leviers de transformation utiles à la société. Pour reprendre les analyses de Francisco Varela dans l’ouvrage déjà cité, la musique en tant que fait d’expérience incarnée est capable d’enacter20 le monde. En effet, en impliquant tout le corps dont le cerveau est une composante, les manières de faire de la musique (composer, interpréter, improviser, danser, écouter…) modifient notre sensibilité et transforment nos perceptions. Toutefois, en même temps qu’elles agissent sur la perception, elles agissent sur le monde – qui n’est pas un simple donné préexistant – et l’inventent21. La musicologie en tant que science de l’expérience incarnée, permettrait donc de comprendre ce que l’art est seul à savoir transmettre et sans doute ainsi de peser sur la réalité humaine en la transformant. La compréhension de l’expérience doit passer par les œuvres et les opérations opérées sur leur matériau, non pour démonter une mécanique complexe mais pour dévoiler comment l’activité psychique s’y déploie, de l’invention et la réalisation à l’interprétation et la réception. Ce recentrement de la musicologie sur l’humain à travers l’œuvre et les pratiques musicales permettrait de rapprocher l’art des nécessités profondes des hommes d’aujourd’hui qui, souffrant du retrait de l’expérience engendré par l’usage immodéré de la technologie, ont fragilisé leurs facultés d’autonomie.

19J’encours ici sans doute le reproche d’instrumentaliser la musique à travers cette conception de la musicologie, mais je l’assume, sachant que la critique provient elle-même d’une posture idéologique, partisane de l’autonomie de l’art. Or, si la musique n’a pas besoin de l’aval de la musicologie pour développer son action transformatrice, la société, elle, a tout à gagner au développement de cette science pour peu que le musicologue s’implique dans les questionnements contemporains et la recherche de solutions concrètes.

20Nous pourrions évoquer ici quelques exemples fondés sur la recherche la plus spécialisée et l’expertise propre du musicologue. Il importe de souligner qu’en aucune façon cette expertise n’est à confondre avec celles du musico-thérapeute et du médiateur culturel qui sont d’une autre nature. La musicologie peut s’avérer une véritable science humaine, apte à intervenir dans l’indispensable prise en compte des nécessités fondamentales de l’homme, de plus en plus ignorées par la société dans laquelle nous vivons.

21Il serait possible par exemple d’engager une recherche-action dans différents milieux sociaux, clos ou ouverts, pour le développement des capacités d’écoute et de concentration comme valeurs humaines fondamentales et antidotes à l’accélération incontrôlée de la vie moderne, avec son cortège de conséquences pathogènes (stress, agitation, addictions, déculturation, indifférence à l’autre…). Fondée sur une expérience vivante de la musique et sur une connaissance fine des spécificités de l’écoute musicale, cette recherche accomplie en partenariat avec d’autres disciplines serait susceptible d’enrichir la compréhension philosophique, psychologique et sociologique de l’action de la musique et pourrait être un adjuvant utile à tous ceux qui, médecins, psychologues, travailleurs sociaux, philosophes, éducateurs… cherchent à remédier à des déficits individuels ou collectifs, souvent induits par les modes de vie actuels. En effet, contrairement au tourbillon d’images mobiles qui nous assaillent en permanence, écouter c’est s’arrêter, faire une pause, prendre conscience du silence sans lequel il n’est pas de musique, endiguer la course effrénée du temps et goûter le présent. Écouter n’est pas une activité introspective, mais le contraire d’un repli sur soi ; c’est l’ouverture, l’expansion infinie de l’être vivant au cœur du monde. La fréquentation attentive du son, naturel ou culturel, d’expressions artistiques passées, contemporaines ou tout simplement inhabituelles a le réel pouvoir d’induire une transformation des comportements. Permettant aux stratégies d’élaboration psychique de se déployer, elle réinsuffle avec bonheur du temps long dans la vie d’individus ensevelis sous le bavardage incessant du monde et se pose en antidote de l’hyperstimulation sensorielle désordonnée qu’imposent les rythmes modernes,

22À condition qu’ils soient eux-mêmes de bons musiciens, les musicologues pourraient également, à partir d’expériences participatives qu’ils analyseraient, promouvoir des pratiques musicales collectives, inconnues ou renouvelées, dans des cadres inédits, afin de favoriser des changements comportementaux individuels et sociaux : évoquons à ce sujet le champ d’expérimentation de l’orchestre milanais Esagramma22 qui intègre dans une activité musicale commune des personnes déficientes mentales, leurs soignants et des musiciens professionnels avec des résultats impressionnants, pour les uns comme pour les autres, car c’est toute une philosophie de la vie en commun et non une visée thérapeutique qui se dévoile là, dépassant de beaucoup le registre du soin ; on pense également aux prodigieuses transformations individuelles et sociales produites par les pratiques orchestrales dans les favelas vénézueliennes ou encore à toutes les actions menées ou organisées dans les milieux clos (prisons, hôpitaux…) par des artistes comme Nicolas Bacri ou François Bon en France, pour ne citer qu’eux, mais qui pourraient être développés et analysés par des musicologues, comme Marie-Pierre Lassus commence à le faire à Lille dans le cadre interdisciplinaire du programme Le Jeu d’orchestre23. On pourrait ajouter, comme expérience de systèmes sociaux complexes, la diffusion élargie des pratiques de gamelang balinais ou d’improvisation africaine qui ont pour fonction de fédérer la collectivité villageoise en réglant les relations entre individus et groupes, non selon les principes occidentaux de division du travail dont l’orchestre symphonique donne l’exemple parfait, mais selon des principes de solidarité, de partage, de communauté… Ces expériences fascinantes qui mériteraient d’être mieux connues et partagées, même en l’absence du soubassement culturel qui leur correspond, sont le fruit de recherches authentiques, souvent participatives sous peine de rester imperméables à la réalité24, et n’auraient aucune portée sans une connaissance profonde, à la fois théorique et incarnée, des propriétés de la musique : mettre en relation les individus par le partage d’expérience, l’affectivité ou l’exercice spirituel, construire du collectif, encourager la solidarité, favoriser l’expression, stimuler l’autonomie par l’inventivité, élaborer le symbolique, lier au sein même de l’existence abstraction et signification, intériorité et monde partagé, esprit et matière…

23Les musicologues pourraient également collaborer davantage, à partir des savoirs qui leur sont propres, avec des spécialistes de sciences cognitives pour contribuer à la compréhension de la cognition humaine, y compris la pensée autre que rationnelle ou discursive. Par la recherche interdisciplinaire au sein de laquelle prennent place les savoirs spécifiques à la musicologie (syntaxe musicale, formes, combinaisons spatiales et temporelles…), il serait envisageable de concevoir des protocoles de remédiation à certains handicaps (dyslexie, troubles de la mémoire, troubles du comportement…) auxquels des pratiques non discursives offrent des perspectives renouvelées. Réciproquement, l’étude des stratégies de compensation auditive de non-voyants renseignerait utilement les chercheurs sur les potentialités du son dans l’éducation « ordinaire ». Il ne s’agit pas ici de musico-thérapie mais bien de recherche fondamentale amarrée aux savoirs musicaux les plus spécifiques.

24Enfin, il est urgent25 que les musicologues aident, par une meilleure diffusion de leurs travaux et leur participation active à des programmes interdisciplinaires, à repenser la place de l’art et de l’expression artistique (et non de l’industrie culturelle) dans l’éducation des enfants comme des adultes, dans tous les milieux sociaux sans exclusive, afin de rouvrir le questionnement sur le sens, la beauté, l’humanité, la relation humaine, l’altérité, dans un monde détraqué par les impératifs des marchés financiers. « L’utopie ultime aujourd’hui, c’est l’éducation », écrit Marc Augé dans l’ouvrage cité précédemment26.

« Utopie certes, car l’idée d’un accès véritablement et concrètement égal de tous à l’éducation ne correspond évidemment pas à l’état du monde ni à ses possibilités immédiates d’évolution. Mais une utopie de l’éducation, contrairement aux utopies qui l’ont précédée, peut définir ces lieux sélectivement et ces étapes progressivement. Elle peut être réformiste par méthode si elle reste radicale comme projet. […] L’utopie à construire et à réaliser, celle qui peut orienter aussi bien les différents types de science que les observateurs du social, les artistes et les gestionnaires de l’économie, c’est donc bien une utopie de l’éducation pour tous, aussi nécessaire à la science qu’à la société »27.

25Mais pour cela, il ne suffit pas d’invoquer la culture humaniste qui cache trop un européocentrisme latent. Certes, personne ne songerait à contester la valeur de l’éducation humaniste dont nos collègues italiens notamment se montrent à juste titre très soucieux, mais, au-delà de l’évidence, cette expression mérite d’être réexaminée à l’aune des temps nouveaux. Si humanisme signifie conscience du partage d’une même condition humaine, alors une formation humaniste digne de ce nom implique l’ouverture sur tous les formes de réflexion existentielle, l’apprentissage des autres cultures comme autant de modes d’être au monde. Pour tous les hommes, le travail, l’œuvre et l’action sont les moyens de combattre la mort et de gagner l’immortalité28. Le musicologue doit absolument prendre conscience que la musique peut être pour les uns œuvre, mais pour d’autres action et pour d’autres encore transmutation de la servitude du travail en énergie vitale, voire spirituelle. S’il participe à l’éducation humaniste, il doit être capable de prendre en compte ces différentes réalités, sans en reléguer certaines. C’est parce qu’il replacera la musique au cœur de la connaissance anthropologique qu’il saura adapter son enseignement à chaque situation et à chaque auditoire rencontrés. C’est parce qu’il aura conscience à la fois du fond commun de l’humanité et de l’altérité des expériences qu’il ne se contentera pas de transmettre un modèle unique (le sien) et une culture de référence, même s’il le fait aussi ! C’est parce qu’il aura constamment à l’esprit la nécessité pour tous les hommes de cultiver une filiation, leur aspiration partagée à surmonter la souffrance, leur besoin de goûter pleinement le présent incarné de la vie, qu’il pourra faire reconnaître à sa juste valeur la fonction de la musique dans la sphère individuelle autant que sociale. Sans doute aura-t-il à acquérir une certaine humilité devant les cultures qui lui sont étrangères et accepter des savoirs qui ne sont pas de son registre. Néanmoins, tout en préservant l’immense trésor des œuvres occidentales qui véhiculent une culture irremplaçable, la musicologie européenne a sans doute, avant même que de transmettre, le devoir de reconnaître le trésor des autres, même s’il prend des formes qui lui sont étrangères. Alors elle redécouvrira ce que les cultures traditionnelles ont toujours su, c’est-à-dire le pouvoir transformateur, affectif, perceptif, social, de la musique sous toutes ses formes, pour le meilleur et pour le pire (car il ne s’agit pas non plus d’être ingénu : la musique peut aussi être nocive si elle se met au service de causes perverses). Et c’est ainsi qu’elle abordera peut-être le phénomène musical d’une manière renouvelée, comme une dynamique transformatrice des êtres et non seulement comme bien culturel, ce qui lui permettra d’intervenir dans tous les milieux sociaux et culturels, dont elle se tient aujourd’hui regrettablement éloignée.

26Sans rien céder aux exigences de la recherche spécialisée, le musicologue peut donc, s’il libère sa créativité et travaille davantage en réseau interdisciplinaire, sortir du ghetto culturel et intellectuel où la pure théorie de l’art l’a isolé. Partie prenante d’un monde bouleversé dans ses comportements par l’envahissement du numérique, l’hégémonie de « l’Actuel », les fantasmes dus à l’essor de la génétique et des neurosciences, l’accroissement de la longévité, la mondialisation, les prises de conscience écologique et bioéthique…, le musicologue a toute sa part à prendre aux grands débats et aux grands défis de notre époque foisonnante. Il peut sans aucun doute contribuer non seulement à pointer mais aussi à résoudre certains problèmes concrets, psychiques, éthiques, comportementaux et sociaux, grâce à son savoir spécifique. Sa connaissance des modes de sentir, des procédures de symbolisation, des démarches d’invention écrite et orale, savante et intuitive, des enjeux de l’interprétation et des effets transformateurs des pratiques musicales lui confèrent une responsabilité à laquelle il ne doit pas se dérober. C’est par une sensibilité aiguë aux nécessités humaines et par une réelle entrée dans l’action que le musicologue réalisera cette « Extension de la recherche » vers la société que celle-ci est en droit d’attendre de ses intellectuels. Et là encore, notre inspirateur nous donne utilement à penser :

27À nous de réfléchir à ce que pourrait être cette Action qui donnerait sens à notre travail. Sans doute la révélation faite à Faust au moment suprême où il atteint enfin le bonheur extrême pourrait-elle nous être utile : renonçant enfin à la magie qui lui avait assuré la puissance dévastatrice, il accepte enfin plus modestement la condition humaine, inévitablement accompagnée du Souci, et « abjure son titanisme dominateur pour fondre son activité dans le travail collectif d’une communauté libre »30.

28Musique !

Notes   

1  Johann Wolfgang von Goethe, « Nuit » (1ere partie de la tragédie), in Faust I et II, traduction de Jean Malaplate, Paris, Flammarion, 1984, pp. 35-36.

2  Quindicesimo Colloquio di Musicologia del « Saggiatore Musicale », Bologne, 18-20 novembre 2011.

3  Le professeur Antonio Serravezza (Bologne-Ravenne) et Maria Semi (Bologne) coordonnaient cette table ronde à laquelle participaient en outre Giuseppe Gerbino (New York), Claudio Giunta (Trente), Robert Kendrick (Chicago) et moi-même.

4  Martha Nussbaum, Not for Profit: Why Democracy Needs the Humanities, Princeton, Princeton Université Press, 2010.

5  Maria Semi, Cahier des charges de la table ronde décrite ci-dessus.

6  Marc Augé, Où est passé l’avenir ?, Paris, Seuil, 2011.

7  Ibid., p. 55.

8  Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961 et 1983.

9  Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Éditions de Minuit, 1979.

10  http://www.unesco.org/fr/the-2009-world-conference-on-higher-education/societal-commitment-and-social-responsability/

11  Le terme de savant a été remplacé par celui de chercheur, comme si le caractère désormais dépassable du savoir avait effacé ses qualités cumulatives.

12  Joëlle Caullier, « Culture et transmission », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, numéro spécial sur la transmission, Elsevier-Masson, 2011, consultable sur www.sciencedirect.com.

13  La constitution brésilienne (III, 1, article 207) attribue à l’université trois missions : la formation, la recherche et l’« Extension ». Celle-ci, comme son nom l’indique, a pour fonction de faire partager aux universitaires et aux non universitaires des actions utiles à tous, de la santé à l’agriculture, de l’éducation à l’environnement… Nul souci de professionnalisation, nulle exportation simple du savoir, mais une volonté de coopérer avec ce monde environnant dans lequel l’université a pris racine et qui possède ses propres savoirs et savoirs-faire. Il s’agit avant tout de stimuler la complémentarité des acteurs, universitaires ou non, et de développer une recherche-action qui sera capable, par la participation de tous, de transformer les dures réalités sociales.

14  Cf. le programme Universidade Sem Fronteiras de l’état du Parana, au sud du Brésil : http://www.seti.pr.gov.br/arquivos/File/seti.usf.fran.pdf et Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide.

15  On trouvera une présentation synthétique et bien documentée de ces questions dans l’article de Myriam Suchet, « L’Univers.Cité est dans la place !… ou presque, encore un petit effort. Littérature comparée et responsabilité sociale des universités », Mosaïque, revue électronique des jeunes chercheurs en SHS Lille Nord de France-Belgique francophone, 6 janvier 2011.

16  Alessandro Baricco, L’Âme de Hegel et les vaches du Wisconsin, Paris, Albin Michel, 1998.

17  Cf. Joëlle Caullier, « Culture et transmission », op. cit. J’y renvoie à l’analyse de la condition humaine par Hannah Arendt. Dans Condition de l’homme moderne (op. cit.), celle-ci décrit les deux catégories qui caractérisent l’humaine condition, la vie contemplative et la vie active, cette dernière fondée à la fois sur le travail, l’œuvre et l’action qui permettent de combattre l’angoisse de mort et la fugacité du temps.

18  Francisco Varela, Evan Thompson, Eleanor Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit. Sciences cognitives et expérience humaine, Paris, Seuil, 1993, p. 211 : « Le point central de cette orientation non objectiviste est l’idée que la connaissance est le résultat d’une interprétation permanente qui émerge de nos capacités de compréhension. Ces capacités s’enracinent dans les structures de notre corporéité biologique, mais elles sont vécues et éprouvées à l’intérieur d’un domaine d’action consensuelle et d’histoire culturelle. Elles nous permettent de donner un sens à notre monde ».

19  Cf. Le colloque international Musique et globalisation organisé par la revue Filigrane à la Cité de la musique/CDMC à Paris du 9 au 11 octobre 2008 (Actes sous presse) et le numéro 5 de la revue Filigrane, Musique, Esthétique, Sciences, Société, « Musique et globalisation », sous la direction de Makis Solomos, Sampzon, Éditions Delatour, 1er semestre 2007.

20  « La perception n’est pas seulement enchâssée dans le monde qui l’entoure ni simplement contrainte par lui ; elle contribue à l’enaction de ce monde environnant. Ainsi comme le note Merleau-Ponty, l’organisme donne forme à son environnement en même temps qu’il est façonné par lui » (Francisco Varela, op. cit. p. 236).

21  Paul Watzlawick, L’Invention de la réalité, Paris, Seuil, 1988.

22  Cf. Licia Sbattella, La mente orchestra. Elaborazione della risonanza e autismo, Milano, Vita et pensiero, 2006.

23  Programme Chercheurs citoyens du Conseil régional du Nord-Pas de Calais (2012-2014). Pour plus d’informations sur cette recherche-action, contacter marie-pierre.lassus@univ-lille3.fr.

24  La recherche participative implique une posture critique de la recherche en sciences humaines et vise non la simple observation mais la transformation des réalités individuelles et collectives. Le chercheur ne se positionne de ce fait pas en tant qu’observateur extérieur, mais comme partie prenante de la situation. Il est ainsi amené à porter un regard critique sur son propre rôle, ce qui méthodologiquement est extrêmement difficile. Cette démarche conteste la notion d’objectivité appliquée à des situations humaines et s’efforce de transmettre les outils de la recherche aux acteurs de la situation à des fins d’autonomisation des personnes concernées.

25  Ce qui rejoint les convictions exprimées par Claudio Giunta, lors de la table ronde de Bologne.

26  Marc Augé, op. cit., p. 128.

27 Ibid.. p. 130.

28  Cf. Hannah Arendt, op. cit.

29  Johann Wolfgang von Goethe, op. cit., p. 63.

30  Ibid., p. 544, Notes sur le Faust par Bernard Lortholary.

31  Ibid., 2e Partie, Acte II, « Grand péristyle du palais », p. 479.

Citation   

Joëlle Caullier, «« Au commencement était l’Action »
De la responsabilité du musicologue», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, La responsabilité de l'artiste, La responsabilité de l'artiste, mis à  jour le : 17/10/2012, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=531.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Joëlle Caullier

Joëlle Caullier est professeur de musicologie à l’Université Lille 3 et co-fondatrice de la revue Filigrane. Spécialiste de la culture musicale germanique au XXe siècle, du dialogue des arts et des questions d’interprétation musicale, elle s’oriente depuis quelques années vers une anthropologie philosophique de l’art et l’implication sociale de l’artiste.