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Dynamismes et expressivité

Pascale Criton
juin 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.370

Résumés   

Résumé

Vers quelles représentations du mouvement la musique peut-elle se tourner pour sensibiliser de nouvelles formes du temps ? Le mouvement, sous l’aspect qui nous intéresse ici, pose la question de rapports matériau-force qui président à l’individuation d’événements temporels
Les relations constitutives du mouvement concernent la composition musicale au niveau de l’écriture des données sonores, comme à celui du geste qui produit le son. Un point de vue dynamique et énergétique prendra en considération une distribution modulaire de variables et une expressivité transversale des champs esthésiques (abstraits, physiques, psychiques). Le mouvement se compose jusque dans l’écriture des relations à l’espace, de la projection-diffusion de l’événement sonore à sa propagation dans un espace de réception.

Abstract

To what representations of movement can music turn in order to sensitise listeners to new temporal forms? Movement, considered under the aspect that concerns us here, raises the question of the relationship between material and force, which governs the individuation of temporal events. The constituting relationships of movement affect musical composition, at the level of writing sonic figures, as well as the gestures that produce sound. A dynamic and energetic point of view will take into consideration a modular distribution of variables and a transversal expressivity of aesthetic areas (abstract, physical, psychic). Right down to the level of writing, movement creates relationships with space, from the projection-diffusion of the sonic event to its propagation in an area of reception.

Index   

Texte intégral   

1Certaines questions récurrentes se transforment au fil des époques et de l’écriture des œuvres. De nécessaires ou enfouies, ces questions tantôt s’écartent ou s’affirment et reviennent au premier plan. Cette insistance m’incite à établir des relations, à chercher des explications et à approfondir divers domaines de connaissance. Elles me poussent à la recherche de représentations, d’outils, de solutions techniques. Ainsi, la question du mouvement, par exemple, est-elle toujours présente, sous des formes variées qui se renouvellent selon les circonstances et les contextes. Je voudrais essayer ici d’en suivre la trace, de circonscrire le foyer de questions qui s’y réfèrent. Sans doute n’est-il pas possible de relier ensemble ces questions, autrement que par la musique elle-même. Mon propos concerne les « prédispositifs » de l’écriture, la recherche d’une posture envers l’énergie et les dynamismes. Vers quelles représentations du mouvement la musique peut-elle se tourner pour sensibiliser de nouvelles formes du temps ? Sans chercher à faire un point exhaustif, j’évoquerai ici quelques réflexions qui orientent mon travail en cours.

2La question du mouvement, dans son acception générale, traverse un champ sémiotique large et polymorphe, qui concerne la production de formes dans le temps. Il couvre aussi bien le domaine des « êtres physiques », que celui des « corps chimiques » ou des « réalités psychiques ». Pris d’innombrables façons, le mouvement pose la question, sous l’aspect qui m’intéresse, des rapports matériau-force qui président à l’individuation d’un événement temporel. Les systèmes de relation dans lesquels le mouvement prendra une certaine forme (et pas une autre) dépendra des modalités spatiales et temporelles qui caractérisent ce mouvement .1 L’événement matérialisé et la forme qu’il prend résultent de rencontres de données, de contraintes, de contingences, qui participent à la distribution de modalités énergétiques spécifiques.2 Cette « morphogénèse » m’intéresse du point de vue de sa potentialité expressive et de sa circulation du concret à l’abstrait, du physique au psychique. Il n’y a certes aucune transitivité « tangible » d’un registre à l’autre. En revanche, nous pouvons faire l’hypothèse d’une production expressive, une imitatio cinétique, topologique, qui chevauche ces catégories. Selon un ensemble de déterminations, une individuation se spécifie, un événement devient sensible : je vois comment s’élargissent les cercles que l’onde provoque sur l’eau au passage d’un bateau. J’entends comment le vent se propage dans les voiles. Je me représente comment le feu dévore la lande. Y aurait-il une dimension a-signifiante des dynamismes, qui interrogerait le comment et relèverait de pures relations de vitesses et de directions, indices intensifs pour une circulation expressive ?

3Il m’intéresse, par exemple, d’un point de vue que je pourrais nommer « prématériel » à la musique, d’établir des relations entre les forces des éléments dits de la « nature » et des figures mécaniques ou artificielles, entre une disposition d’ordre psychologique et l’énergie physique d’un geste instrumental3. S’il n’y a manifestement pas de transitivité logique ni matérielle, je peux cependant établir un rapport immédiat, une sorte de diagramme entre ces dynamismes de différentes catégories, qui peut m’être utile du point de vue de la composition musicale. L’expression de formes en mouvement relève d’une information et d’une description énergétique, constituante, évolutive. C’est pourquoi les processus de différenciation des cellules retiennent mon attention, autant que les déplacements de flux marins ou les plissements géologiques, non moins que les échanges de chaleur et leurs vitesses de propagation. Les matérialisations énergétiques, comme les modélisations thermodynamiques, nous instruisent par leur dimension topologique et morphodynamique. Ce point de vue dynamique et topologique nous permettra de considérer que c’est la force qui prend une certaine forme et non l’inverse. On a longtemps contraint la force à prendre une forme voulue. On peut désormais comprendre et expérimenter les forces du point de vue de l’énergie et des formes dont elles sont capables. Il en résulte que le matériau-forme qui se libère est en rapport direct avec des forces, c’est un matériau-force. Cette position est devenue plus juste, en ce qui me concerne, que le contexte de rapports matériau-forme. Les données du mouvement incorporent l’écriture musicale par un transfert d’information et par un patient travail d’autonomisation des signes. L’écriture s’oriente vers des fonctions diagrammatiques force-forme, la forme étant seconde.

L’espace simultané

4Le matériau-force est agité. Quelles sont les modalités de propagation qui l’habitent ? Où se place-t-on pour obverver-voir-entendre ? Une multiplicité de points d’écoute et de points de vue est-elle possible ?4

5Exercice 1-Ubiquités. Enfant j’étais très émue par les mobiles de Calder. Comment embrasser cet ensemble interdépendant ? L’œil s’exerce en vain à contenir des événements simultanés, impossible de les voir ensemble. L’attention passe d’une terminaison mobile au point d’équilibre dont elle dépend et remonte les embranchements successifs, en cherchant les rapports de cause et d’effet, surprenant des tournoiements qui s’inversent ou oscillent, tantôt à la faveur du relais vertical, tantôt à la faveur du relais horizontal. Il faut prendre du recul, se mettre en retrait, calmer l’impatience. Cohabiter avec ce mouvement pluriel, modèle abstrait d’un dehors bruissant, immense, infini.

6Exercice 2-Vertige de la simultanéité. Plaisir de prendre conscience des jeux de rapports qui nous entourent. Observation, reconstitution du mouvement, extraction de figures. Longuement j’ai observé l’agitation des feuilles et des branchages sous l’effet du vent en me remémorant les mobiles de Calder. Attention flottante, sécurité, bercements. Propagation de signes. Perception d’une directionnalité complexe autour d’une somme d’axes de rotations, latérales, verticales, en biais et dans toutes les directions en fait. Ensemble retenu, assemblé par l’élasticité des corps ligneux, si différents selon les espèces.

7Exercice 3 -Saisir comment ça bouge. Tableau d’articulations, de directionnalités. Scénarios : quels points d’observation ? Par-dessous, passant des respirations plus lentes, celles des branches porteuses, aux extrémités agitées, frénétiques, des petites terminaisons. Entre-deux, des ramifications en spatules, oscillent selon des vitesses différentes. Ainsi la masse tournoie, se dandine, ou se tord. Aujourd’hui, la question d’une variation (mobilité) infinie des événements dans l’espace imbriqué des structures et des matériaux. Dehors dedans. Une force se déplace. Vient-elle de l’extérieur ? Ou sort-elle d’innombrables ressorts internes ?

8À chaque individuation sensible la question du mouvement se présente de façon nouvelle. Les déterminations peuvent être précisément notées dans le domaine sonore numérisé, selon des échelles micro ou macro et de multiples opérations diagrammatiques. Les relations constitutives du mouvement peuvent se composer au niveau de l’écriture des données sonores, comme à celui du geste qui produit le son : le mouvement se compose jusque dans l’écriture des relations à l’espace, de la projection-diffusion de l’événement sonore à sa propagation dans un espace de réception.

Variabilité spatiale et temporelle

9Micro-tempéraments -Mon intérêt pour les transformations énergétiques m’a conduite à travailler sur les variations infimes du temps et du mouvement, pour des raisons avant tout expressives. Au cours des années 80, outre l’approche de la synthèse du son, les systèmes micro-tempérés m’ont permis de travailler en détail dans l’épaisseur timbrale, de produire des échelles de relation démultipliées5, si bien que les mouvements, jeu d’orientations, d’inflexions pouvaient être façonnés selon des directionnalités perceptibles. Car en terme d’énergie, une différence, aussi petite soit-elle, est toujours impliquée dans un équilibre en activité. Elle agit processuellement, en fonction d’un avant et d’un après. Ainsi des opérations infimes jouant sur la mobilité, la flexibilité et la fluidité et leur recomposition (réenchaînement) selon des vitesses d’écoulement et des flux directionnels devenaient possibles6. Ce travail de modelage des composantes (de durées, d’intensité, fréquences, enveloppes dynamiques) s’est enrichi avec la description des systèmes dynamiques non-linéaires, introduisant le temps de l’instabilité et de l’entropie : questions d’équilibres, de simultanéités qui donne forme au temps7. Dès Thymes (1985), des scénarios de jeu de forces et d’imperceptibles transformations qui modifient les relations à différents niveaux, constellent l’agencement de cette pièce pour piano et bande.8

10Comportements acoustiques -Plus récemment mon intérêt pour le mouvement s’est ouvert sur les comportements acoustiques, en particulier les frottements et les roulements. Depuis Artefact pour ensemble instrumental9, j’ai pris appui sur les qualités propres à des modes de jeu frottés-glissés réalisés sur les cordes tendues d’instruments acoustiques. Les propriétés physiques de ces modes de jeu et leur capacité à générer une activité sensible au sens physique du terme10, ont constitué un matériau de référence, un champ acoustique lié à l’énergie. Ces modes de jeux sont porteurs d’une information dynamique « complémentaire » caractérisée par la coexistence de deux lignes fréquentielles divergentes : on entend simultanément la fréquence du frottement (excitation) et son parcours dans le milieu excité selon une courbe inversée11. Ce comportement acoustique détenait pour moi un fort indice expressif : celui d’une force qui à la fois se défait et se reconstruit. Cette référence acoustique de « détermination réciproque » est devenue le support pour l’orchestration de dynamismes simultanés répartis par groupes d’instruments et le cadre de cohérence de l’ensemble de la pièce. Elle m’a permis de travailler sur les degrés « d’élasticité » d’un matériau spatio-temporel fait de vitesses, de dynamismes divergents, coexistants : une surface multiple, communicante, sans localité stable, propice à des matières multiples et changeantes.

11J’ai poursuivi cette expérimentation acoustique et approfondi une écriture « coextensive » à ce comportement pour des quatuors de guitares12. Le comportement acoustique « complémentaire » fait apparaître une progression logarithmique des fréquences, courbe inversée et non tempérée en regard de la progression régulée par la répartition des frettes sur la touche des guitares. Il m’est apparu intéressant d’associer les systèmes micro-tempérés aux variables du comportement acoustique13. J’ai cherché à établir une approximation de la variation non-tempérée des fréquences de cette courbe complémentaire en intégrant des « fenêtres » de systèmes d’accords micro-tempérés. Le comportement physique est porteur d’information dynamique et de cohérence. Je le considère néanmoins comme relatif et « recomposable », non-inféré à une représentation préalable.

Corps-mouvement : le geste

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Fig. 1. Geste frotté et comportement acoustique complémentaire (sonagramme).

12Dans un cycle de pièces intitulées Plis14, je me suis plus particulièrement penchée sur les conditions de production de ces variations acoustiques, du point de vue du geste qui les réalise. Je suis partie des frottements dont j’avais analysé les variables, selon les vitesses et l’amplitude des modes de jeu gestuels qui les produisent. En effet, le comportement acoustique « complémentaire » est plus ou moins perceptible et générateur d’événements selon les vitesses de frottements, les tensions, les trajectoires. Mais aussi selon les « complémenteurs » (bottleneck, tone-bar) et selon la longueur, la masse et la tension de la corde -suivant qu’il s’agit d’une guitare, d’un violoncelle ou d’une contrebasse. Tenant compte des différences ainsi obtenues, je me suis intéressée à l’organisation de ces rapports de vitesse et d’amplitude. Ces variations acoustiques liées aux conditions mêmes de leur production gestuelle ne pouvant être notées en termes traditionnels, je me suis orientée vers une topologie du geste et sa notation. Le geste lui-même est devenu cardinal, générateur, à la fois expression d’une force et régulateur du comportement acoustique recherché.

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Fig 2 : Plis pour deux violoncelles (syst. 13 et 14).

13Dans Plis pour deux violoncelles15, les gestes couplés effectuent des sortes de dramaturgies physiques qui doublent ou dédoublent la réciprocité du mouvement et du son.

14Agencement de mouvement et d’énergie, à la frontière du corps et de l’instrument, la scène dynamique passe du mécanique à l’élastique, de l’impulsion nerveuse à des flux plus abstraits. Elles imitent (redoublent) aussi les modes vibratoires feuilletés propres aux cordes, l’ombre du son en quelque sorte. Les vitesses, amplitudes et dynamiques sont précisément consignées : non plus pour obtenir des « notes », mais pour saisir la singularité de multiples états et intensités de mouvement : impulsions, va-et-vient plus ou moins stables ou détraqués, petits ressorts dont la flexibilité est tantôt latente, tantôt au bord de l’épuisement.

Inflexion et dynamismes croisés

15La mobilité, l’élasticité, la variation de fluidité et d’énergie relèvent, me semble-t-il, de l’expressivité abstraite de l’inflexion, qu’elle soit dans les éléments, les mots, les corps, les idées ou les sons. L’inflexion constitue un foyer intéressant, celui d’une action a priori non assignée, qui engendre une modification (plier, courber, incliner, renverser) et se comprend dans des ordres très divers allant du corps à la géométrie, de la plasticité de la ligne aux sons musicaux, des variations intonatives de la voix aux formes d’écoulement des fluides, d’artefacts mathématiques aux formes de caractères. L’inflexion est transcatégorielle. Dans ses ordres divers, elle opère des modifications dynamiques, si bien que des figures mécaniques ou artificielles côtoient l’accent instrumental et l’impulsion gestuelle, que l’inflexion du sens se corrèle à celle du son. S’il n’y a pas de transitivité logique ni matérielle d’un ordre à l’autre, des modalités diagrammatiques peuvent cependant mettre en relation des séries ou bords appartenant aux uns et aux autres. C’est d’un tel point de vue, que j’ai précédemment nommé « prématériel » à la musique, qu’il me semble possible de parler d’une mise en rapport de dynamismes entre eux.

16Dans une œuvre actuellement en cours d’écriture, suscitée par mes lectures de Nathalie Sarraute, je cherche à agencer une circulation « aspectuelle » de l’inflexion du son, aux mots, aux gestes. Dans Elle est mignonne16 la mobilité de l’inflexion joue en relais, à l’intersection du son, du sens et du jeu instrumental. Elle passe du geste à l’articulation son-voix, dans cet entre-deux de la langue, du son et du sens, que nous avons désigné avec Antonia Soulez par « jeu d’in-phonation »17. Les voix, tantôt solo dans les « monologues », tantôt imbriquées dans les « dialogues » sont indiscernablement mêlées aux fluctuations instrumentales. L’élasticité est l’enjeu technique qui transite d’un bord à l’autre des inflexions vocales, instrumentales et sémantiques, détournant l’information du sens au profit du son, faisant apparaître chaque « action » comme indice de mouvement18. Plutôt que prendre appui sur la continuité d’un texte, j’ai extrait des traits expressifs, bribes de mots, gestes, sensations, que j’ai soumis à des opérations d’empiètements réciproques. Si bien qu’une circulation « d’aspects » se réenchaîne dans un jeu de langage nouant intimement phonétique, propagation, gestes.

17Les gestes (modes de jeu instrumentaux associés à des comportements acoustiques) sont des « actions », des micro-événements, qui deviennent des motifs en eux-mêmes. Taillés dans leur durée, leurs directionnalités et leurs extensions caractéristiques extrêmement précises, ils prennent place dans le récit comme des doubles. On sait l’importance que recèle le geste chez Sarraute : de la répétition à l’« acting-out », la dimension psychique n’est pas dissociée de l’impulsion, toute aussi présente dans les « manières de dire » que dans l’expressivité du mouvement qui entraîne à telle situation, à telle répétition irrépressible.19 L’inflexion chevauche différents dynamismes, psychiques, physiques, organiques (impulsions musculaire, nerveuse), inorganiques (petits ressorts, mouvements pendulaires, mécaniques).20 Et l’on passe de l’un à l’autre : animalcules, corps composites, sortes de dramaturgies gestes-son-sens qui agencent une ligne vacillante, celle « des paroles reprises mille fois avec toutes leurs intonations... et puis ce qui n’est ni image ni parole, ni ton, ni aucun son... des mouvements plutôt, brèves détentes, bonds, rampements, repliements, tâtonnements...”.21 Tantôt impulsif, tantôt fluide et dépliant une trame aux directions mêlées, le geste instrumental emprunte son expression à ces mouvements imperceptibles qui agissent sous les mots…

18Ces multiples gestes expressifs, action-inflexions, micro-événements dynamiques sont ré-enchaînés dans une continuité de mouvement, variation humoristique d’une force quasi élastique qui se déplie et se ré-enroule sans cesse, s’étirant et se creusant, s’abandonnant au fil de figures fragiles, drôles.

19Qu’il s’agisse de la mobilité dans les relations et de leur distribution, de la variabilité plastique et gestuelle ou de l’inflexion dans un jeu de langage, le point de vue dynamique oriente l’articulation des données sonores vers un constructivisme de variables d’énergie. L’expressivité de « l’action en train de se faire » se déploie selon des déterminations spatiales et temporelles, ou « dramaturgies » de l’événement : la notion d’événement touche l’écriture musicale au niveau d’une approche diagrammatique et modulaire de variables, destinée à sensibiliser de nouvelles formes du temps.

Notes   

1  Pascale Criton, « Subjectivité et formes du temps », Filigrane n° 2, Delatour France, 2005.

2  Gilles Chatelet, Les enjeux du mobile , Mathématique, physique, philosophie, Paris, Seuil, 1993.

3  Gilles Deleuze évoque les racines pré-matérielles des dynamismes à l’œuvre dans les individuations esthétiques. « C’est l’imagination qui traverse les domaines, ordres et niveaux, abattant les cloisons, coextensive au monde, (...) conscience larvaire allant sans cesse de la science au rêve et inversement ». Gilles DELEUZE, Différence et répétition, PUF, 1968, p. 284. Voir aussi à ce sujet Gilles DELEUZE, « La méthode de dramatisation », Bulletin de la Société française de Philosophie, 61e année, n° 3, juillet-septembre 1967, rééditée dans Gilles DELEUZE, L’île déserte et autres textes (textes et entretiens 1953-1974), édition préparée par David Lapoujade, Minuit, 2002, p. 137.

4  Pascale Criton, projet de recherche « Modèles de frottements et écoute spatialisée », voir cycle « Synthèse sonore par modèles physiques », conférence Ircam/ France Culture,15 nov. 2004.

5  Rappelons qu’il faut 96 touches pour parcourir une octave sur un piano accordé en 1/16e de ton. Le tempérament en 1/12e de ton que j’ai utilisé sur des instruments à cordes frettés répartit l’octave en 72 intervalles.

6  Makis Solomos et Caroline Delume, « De la fluidité du matériau sonore dans la musique de Pascale Criton », dans « Le matériau, voir et entendre », Revue Rue Descartes n° 38, puf, 2003, pp. 40-53.

7  Pascale Criton, « Modèles physiques et temps interne », Modèles physiques, création musicale et ordinateur, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1994, vol. III.

8  Thymes (1988), pour piano et bande (synthèse numérique, Ircam) ; Ed Jobert. Enr. CD : Assaï (2003).

9  Artefact (2001) pour 11 instruments, enregistrement CD monographique Pascale Criton ( Assaï 2003).

10  Ilya Prigogine, Temps, physique et devenir, Paris, Masson, 1982.

11  Pour illustrer cette réalité, considérons par exemple un doigt en appui sur la touche d’une contrebasse. Selon la position du doigt en appui, la longueur de la corde se trouve allongée ou raccourcie et produit ainsi des sons de hauteur plus ou moins grave ou aigue. Pourtant, la partie restante de la corde, la partie « morte » située de l’autre côté du doigt, émet une fréquence propre, de faible amplitude, qui varie également selon la position du point de contact. La présence de cette composante acoustique seconde, « complémentaire » -souvent mise à l’écart car considérée comme perturbante, double en fait la réalité sonore.

12  Objectiles (2002) commande « Alla breve », Radio-France et Scordatura (2003)

13  Pascale Criton, « Variabilité et multiplicité acoustique » dans Manières de faire des sons, dir. Antonia Soulez et Horacio Vaggione, coll. Musique-Philosophie, Paris, L’Harmattan (à paraître)

14  Plis (2003-2006) pour instruments solistes (guitare, violoncelle, contrebasse) et Plis pour ensemble instrumental ( projet en cours), Editions Jobert.

15  Plis pour deux violoncelles, a été créé en juin 2006 à l’Eglise des Billettes (Paris), par David Simpson et Frédéric Baldassare, Ensemble 2e2m.

16  Elle est mignonne (2006), pour deux voix, soprano et baryton et guitare (45’) présentée au Musée d’Art Moderne et Contemporain (Strasbourg).

17  « Scénophonies », dialogue entre Pascale Criton et Antonia Soulez, revue Prétentaine, n° 20-21, Paris, 2006.

18  Présente dans l’intonation de la voix parlée, l’inflexion expérimente la souplesse phonatoire des résonateurs du conduit vocal (quelque soit la caractéristique de la technique : parlée, chantée, et tous ses intermédiaires), Antonia Soulez, « Elle est mignonne de Pascale Criton ou la voix intonée », revue Poésie, n° 120, Paris (à paraître 2007).

19  Françoise Asso, Nathalie Sarraute, Une écriture de l’effraction, Paris, PUF, 1995, p. 124-125.

20  Georges Didi-Huberman, Gestes d’air et de pierre, corps, parole, souffle, image, Paris, Minuit, 2005.

21  « Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir (...) Tandis que nous accomplissons ces mouvements, aucun mot -pas même les mots du monologue intérieur -ne les exprime, car ils se développent en nous et s’évanouissent avec une rapidité extrême, sans que nous percevions clairement ce qu’ils sont, produisant en nous des sensations souvent très intenses, mais brèves... Leur déploiement constitue de véritables drames qui se dissimulent derrière les conversations les plus banales, les gestes les plus quotidiens. Ils débouchent à tout moment sur ces apparences qui à la fois les masquent et les révèlent. » Nathalie SARRAUTE, L’ère du soupçon, Gallimard, 1956, Préface, Folio, pp. 8-9.

Citation   

Pascale Criton, «Dynamismes et expressivité», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Nouvelles sensibilités, mis à  jour le : 08/12/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=370.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Pascale Criton

Née en 1954 à Paris, Pascale Criton étudie la composition musicale avec Ivan Wyschnegradsky, Gérard Grisey et Jean-Etienne Marie. Elle suit une formation en électroacoustique (Cirm, 1980-82) et informatique musicale (Ircam,1986). Depuis 1980, Pascale Criton explore le son au niveau des techniques de jeu, d’accords micro-intervalliques et de la synthèse numérique. Elle a collaboré avec le Laboratoire d’acoustique (Ircam, Recherche Musicale,1989-91).le Centre International de Recherche Musicale (Cirm), le Laboratoire Ondes et Acoustique (Espci). Pascale Criton est actuellement compositeur en recherche à l’Ircam. Docteur en musicologie du XXe siècle, ses recherches font l’objet d’articles et de conférences sur l’esthétique musicale ainsi que la synthèse et les nouvelles lutheries. Un recueil d’entretiens et d’articles consacrés à son travail est paru dans la collection à la ligne : Pascale Criton, Les univers microtempérés (2e2m 1999), ainsi qu’un Cd monographique chez Assaï (2003). Ses œuvres sont créées en France et à l’étranger. Son catalogue est disponible aux Editions Jobert. Parmi ses œuvres récentes, citons Objectiles (commande de Radio-France, 2002), Gaïa, (commande de l’Etat, 2002) avec vidéo modifiée en temps réel, Plis (2003-2006) pour instruments solistes et Plis (2006) pour ensemble instrumental, électronique et dispositif visuel (commande de l’état).