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Une donnée immédiate
Jean Barraqué et le rythme (1948-1952)

Laurent Feneyrou
juillet 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.327

Résumés   

Résumé

De 1948 à 1952, Jean Barraqué, compositeur et analyste, puise volontiers aux sources musicales, théoriques et philosophiques de son maître, Olivier Messiaen, et s’inscrit dans la même archéologie que l’auteur du Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie : l’isorythmie de Guillaume de Machaut ; l’accentuation classique, mozartienne ; et l’organisation moderne du rythme, ouverte par le Sacre du printemps. À travers l’étude de notes de cours, de manuscrits inédits et des premières pages d’un Guide de l’analyse musicale rédigé en 1952, cet article met en évidence les trois phases du rythmé barraquéen : la cellule (ou création du matériau), le développement rythmique (ou variation cellulaire en circuit ouvert) et l’organisation (ou déroulement discursif en circuit fermé), Barraqué opposant à la juxtaposition des rapports entre les cellules et une synthèse. Une autre dimension persiste par conséquent, plus encore que chez Messiaen, et jusque dans l’invention rythmique de Stravinsky : les modèles de l’accentuation d’indyste, suscitant une épaisseur de l’analyse.

Abstract

Between 1948 and 1952, Jean Barraqué, a composer and musical analyst, sought musical, theoretical and philosophical inspiration from his master Oliver Messiaen, and situates his work within the same archeology as the author of Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie: Guillaume de Machaut’s isorhythms; classical, Mozartian stress; and the modern organization of rhythm, initiated by Sacre du Printemps. Using an analysis of lesson notes, unpublished manuscripts and the opening pages of Guide de l’analyse musicale written in 1952, this article highlights three phases of “Barraquean” rhythm: the cell (or creation of the material), rhythmic development (or cellular variation in open circuit), and organization (or discursive development in closed circuit). Barraqué opposes to juxtaposition the relations between cells and a synthesis. Another dimension thus persists, more than in Messiaen, and extending into Stravinsky’s rhythmic innovations: the models of indyste stress, fostering a thick and multi-layered analysis.

Index   

Texte intégral   

« Que le rythme soit une donnée immédiate du monde, il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour le constater. Il est en effet impossible d’échapper à la pensée du rythme. Nous baignons dans un univers de rythmes. Collectivement les guerres et les crises en sont les manifestations les plus frappantes. Tous nous sentons ces immenses pulsations cosmiques dont les battements du cœur sont un écho. Ces constatations ont amené un Léonard de Vinci à parler d’“ondulations”, Platon à formuler sa théorie de la “Grande Année”. Enfin, un des mythes les plus frappants à cet égard n’est-il pas celui de “L’Éternel Retour”.

Dans l’ordre des phénomènes astronomiques, le moins observateur des esprits peut constater l’alternance de la nuit et du jour, la cadence des saisons… Dans l’être humain, la vie physiologique est soumise à des périodes ; le groupement humain est lui soumis à des modes, des façons de vivre particulières à certaines époques. Les économistes parlent de “crises cycliques”, de périodes de décadence.

Dans le domaine de l’esprit, l’élément rythmique est moins facilement discernable. Il apparaît tout naturellement primordial dans la danse et la musique. Pour l’architecture, nous savons que les plus beaux édifices sont construits en rapport avec les proportions du corps humain. Le fameux “nombre d’or” est une manifestation directe et claire de l’élément rythmique dans cet art.

Quant à la vie spirituelle, dans ses manifestations les plus hautes, les grands mystiques ont éprouvé ces crises régulières de ferveur et de sécheresse.

L’élément statique n’existe pas dans la vie. La vie est un perpétuel devenir. Nous pensons à ce propos aux travaux de Marie Jaël et à l’importance qu’elle attache “au mouvement continu”. Comme l’a écrit saint Augustin, la vie est quasi magnum carmen ineffabilis modulatoris.

Nous avons tous senti que les plus grandes œuvres d’art sont un rapport entre notre rythme et celui du monde ».

1Dans ce texte inédit (sans date), destiné à un examen d’Esthétique et analyse musicales au Conservatoire de Paris1, Jean Barraqué paraphrase l’introduction des Rythmes et la Vie (1947), ouvrage collectif, à la morale chrétienne, que dirigea le professeur de médecine Paul Marie Maxime Laignel-Lavastine2 et qui porte sur le rythme dans la réalité physique et l’activité nerveuse, dans le social, l’historique et l’économique, dans la vie de l’esprit, l’art et la spiritualité. D’emblée, Barraqué en retient l’idée de rythme sans médiation aucune, « donnée immédiate », selon une terminologie bergsonienne alors en usage, dans laquelle s’inscrit cette introduction. « Nous baignons dans un univers rythmé, en vertu de phénomènes rythmés », y lit-on. Barraqué renonce à la notion de « phénomènes rythmés », tout en insistant sur ces « immenses pulsations cosmiques », lesquelles participent d’un sentiment océanique, sinon religieux. Ce qui est ici désigné par « donnée immédiate », c’est l’évidence naturelle, étonnamment visuelle (« ouvrir les yeux ») chez le musicien, l’expérience originaire de ce qui ne vient pas de l’objet et se distingue de toute élaboration conceptuelle. Or, cette expérience, selon l’Essai sur les données immédiates de la conscience de Bergson, est précisément celle de la durée pure. Et Barraqué d’articuler quelques précisions : « Il est en effet impossible d’échapper à la pensée du rythme », écrit-il – une phrase qui n’apparaît pas dans Les Rythmes et la Vie. Que dénote exactement cette « pensée » ? Ne conviendrait-il pas, dans un tel contexte, d’en mesurer le sens à l’aune de Descartes, selon qui la pensée est « tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants » (Méditations métaphysiques, Réponses aux secondes objections, « Raisons qui prouvent l’existence de Dieu », § 1) ? Volonté, entendement, imagination et sens seraient-ils des pensées, d’une connaissance immédiate ? S’agirait-il de cette présence immanente de la conscience à ses propres pensées ? Pour autant, un point sans doute révèle la modernité de Barraqué : l’esquisse, encore confuse (car associant l’œuvre d’art au corps humain), mais vers laquelle tendra son œuvre, à la suite de Foucault, d’une délivrance de la présomption organique et humaniste. Dans ce texte y participent diverses modifications, limitant l’emploi du mot « homme », absent ou remplacé par « esprit ». Avec Foucault s’accentuera cette critique de la subjectivité créatrice, cette crise radicale d’un sujet entendu comme conscience solipsiste et absolument libre. Mais entre les différents modèles et présupposés de ce texte, un tissu de contradictions se dessine, que Barraqué tardera à résoudre, à supposer qu’il le fît pleinement.

2Olivier Messiaen fut un autre lecteur des Rythmes et la Vie, qu’il cite à de nombreuses reprises dans le premier volume de son Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie3. Du temps et du rythme selon Messiaen, Barraqué avait une connaissance certaine, dont témoignent ses notes de cours et la suite du texte brièvement commenté à l’instant. Citons, dans l’ordre du Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie : temps physiologique et temps psychologique chez Alexis Carrel (dans L’Homme, cet inconnu) ; appréciations différentes du temps suivant l’âge ; loi des rapports attaque-durée, selon laquelle « un son bref suivi d’un silence est plus long ou paraît plus long qu’un son formé de l’addition des durées du son et du silence »4 ; déterminisme inversé de Jean Thibaud ; définitions du rythme selon Paul Valéry, Vincent d’Indy, Maurice Emmanuel, Boris de Schloezer, Pius Servien ou Jean Guitton5 ; métrique grecque ; rythmes hindous ; neumes ; lois d’indystes de l’accentuation… Barraqué écrira aussi un texte didactique (inédit), sur le rythme chez Messiaen, reprenant les principes de Technique de mon langage musical et analysant les rythmes à nombres premiers, le principe de la valeur ajoutée, les rythmes augmentés ou diminués, où les notions de mesure et de temps sont remplacées par le sentiment d’une valeur brève et de ses multiplications libres, ainsi que les rythmes non rétrogradables ou encore les polyphonies de pédales rythmiques.

3Nul doute donc, a priori, à la lecture de ces documents, que le rythme de Barraqué est pleinement tributaire, en ces années 1948-1952, des méthodes et des conclusions de son maître. À l’automne 1948, Barraqué entre en effet, en qualité d’auditeur libre, dans la célèbre classe d’Esthétique et analyse musicales, qu’il fréquentera jusqu’en 1952. Il compte, parmi ses condisciples, Karel Goeyvaerts, avec qui il est lié dès 1949 et jusqu’en 1951, Sylvio Lacharité et Michel Fano. Or, en 1948-19496, Messiaen donne un cours sur le rythme (plain-chant, rythmiques hindoue et roumaine, rythme impressionniste) et analyse Albeniz (Iberia), Bartók (Improvisation sur des chansons populaires, En plein air et Cinquième Quatuor à cordes), Claude Le Jeune (Le Printemps), Mozart (la Symphonie n° 39 et la « Jupiter »7, ainsi que Don Giovanni), Ravel (Daphnis et Chloé), Stravinsky (Sacre du printemps) et ses propres Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus8. Et, le 7 juin 1949, il reçoit John Cage qui donne, au Conservatoire, salle Gounod, ses Sonatas and Interludes. De Messiaen, qui traverse alors une période « d’austérité et de recherches », Barraqué retient une « inquiétude analytique »9, qui assouplit la théorie d’indyste et réadapte, à chaque cas, la « notion scholastique », vaste reconsidération du phénomène rythmico-mélodique et de son accentuation. Dans ce contexte, il établit, à l’invitation de Messiaen, des « dictionnaires » de mélodies, d’harmonies et surtout de rythmes, dont regorgent ses notes (voir figure 1 insérée en fin d’article), qui empruntent leurs exemples à Boulez (Deuxième Sonate), Debussy (La Mer, Nuages, Prélude à l’après-midi d’un faune), Jolivet (Mana), Messiaen (Turangalîla-Symphonie), Varèse (Arcana, Ionisation), Webern (Quatuor op. 22)…

4L’analyse rythmique du Prélude à l’après-midi d’un faune s’attache aux modifications des rythmes du thème dans quatre variations. Outre un « appel impressionniste » (mesures 7-10), sous lequel se glisse l’« idée » des cors, les rythmes du thème donné à la flûte culminent sur l’accent tonique, dernier temps de la mesure 3. Suivent les variations rythmiques 1 (chiffre 2), 2 (chiffre 8), 3 (cinq mesures après le chiffre 8) et 4 (une mesure après le chiffre 12, dont les trois dernières mesures sont une « augmentation » et un « alanguissement » de la fin du thème). Dans cette analyse du rythme, strictement dissocié des hauteurs mais non de la phrase, Barraqué note des nuances et des accents. Il en est de même des analyses de cellules d’Arcana ou des Trois Lieder op. 18, pour chant, clarinette en mib et guitare, de Webern (figure 2 insérée en fin d’article).

5Notre propos est de retracer, inégalement, l’archéologie de ce rythme en trois moments : l’isorythmie, l’accentuation classique et l’organisation moderne du rythme à travers l’analyse du Sacre du printemps, Barraqué excluant par ailleurs la musique mesurée à l’antique de Le Jeune, qui « ne représente pas une tendance musicalement valable, puisque le choix et l’organisation des éléments rythmiques se faisaient à partir d’une recherche extra-musicale ».

Isorythmie

6Quelques années avant la Sonate pour piano (1950-1952), la Sonate pour violon seul (1949) de Barraqué, sa première œuvre sérielle, présentait déjà une écriture du rythme dissocié de la hauteur : aucune cellule encore, aucune juxtaposition de cellules, comme chez Stravinsky ou Messiaen, aucun développement cellulaire, dont certains engendrements seront décrits par Boulez dans « Éventuellement… »10, puis par Barraqué dans « Rythme et développement »11, aucune organisation combinatoire, mais des phrases, aux rythmes irréguliers, alternant valeurs rationnelles et irrationnelles clairement identifiables dans leurs retours. En ce sens, et malgré l’usage de rétrogradations et de superpositions, la dissociation des rythmes et des hauteurs participait moins d’une rythmique sérielle que d’une isorythmie.

7Or, dans l’article « Rythme et développement », publié en 1954 mais reprenant des éléments écrits en janvier 1952, Barraqué analyse trois moments de la Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut qu’il étudie, la même année, dans la classe de Messiaen : le Kyrie, l’« Amen » du Credo et des éléments cellulaires de l’Agnus Dei, ainsi que leurs structures isorythmiques. « On appelle isorythmie un ensemble de groupes de cellules rythmiques distribuées symétriquement par rapport à un centre, sans que les notes épousant les figures rythmiques de la figure originale apparaissent dans la structure répétée. Il y a donc organisation d’un domaine rythmique dégagé du contexte purement musical »12. C’est bien d’un dégagement, d’une dissociation, d’une autonomie des paramètres, qu’il s’agit, comme chez les musiciens sériels d’alors. Mais d’autres éléments s’ajoutent à ce principe premier.

  1. Il y a des cellules constituées de brèves et de longues, dont une cellule-thème (noire, deux blanches, noire), sujet rythmique aisément reconnaissable dans ses modifications, mais aussi, dans l’« Amen » du Credo, un contre-sujet rythmique en contrepoint renversable.

  2. Ces cellules, génératrices, peuvent être variées : mobilité des valeurs à l’intérieur des cellules ; agglomération ou division d’événements (sons et silences) ; transformation d’un son en silence, et inversement ; rétrogradation d’une cellule ; diminution ; chiasmes cellulaires…

8Un exemple, extrait des mesures 29 et 30 de l’Agnus Dei (figure 3).

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Figure 3. Jean Barraqué, « Rythme et développement » (Polyphonie, nos 1-2 (1954), p. 52).

9La blanche de 2 correspond à l’agglomération de la première noire et du soupir de 1.

10Le demi-soupir de 2 correspond à la mobilité, dans la cellule, de la dernière croche de 1.

11Les trois croches de 2 correspondent à la division de la noire pointée de 1.

12Les deux noires de 2 correspondent aux deux noires, inchangées, de 1.

13On devine, à l’évidence, la variation cellulaire de Messiaen et des sériels.

143. L’addition des cellules constitue une phrase. Selon Barraqué, en effet, « l’isorythmie représente une organisation d’éléments rythmiques en phrases »13. Plus encore que dans l’analyse cellulaire qui précède, le discours se charge alors d’anachronismes analytiques saisissants. Dans l’« Amen » du Credo, la structure rythmique serait constituée de la sorte :

  1. Trois énoncés de l’isorythmie : M1, M2, M3 – l’exemple (figure 4) se limitant à M1.

  2. Chaque énoncé se divise en deux structures :

    • x (triplum et motetus).

    • x’ (tenor et contratenor), divisible en a et b.

    • Tenor: M1: a-b, M2: a-b, M3: b-a.

    • Contratenor: M1: b-a, M2: b-a, M3: a-b.

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Figure 4. Jean Barraqué, « Rythme et développement » (Polyphonie, n° 1-2 (1954), p. 49).

15Jusqu’ici, rien que de partagé par la plupart des analystes de l’époque. Mais, ajoute Barraqué, la structure rythmique, en x et x’, serait celle d’un antécédent-conséquent, avec « cellule cadentielle » au triplum. Cette même structure, dite aussi « proposition-réponse », sous-tend le premier Kyrie, dont la réponse (b), « vue squelettique » de la proposition (B), introduirait des variantes. À la lecture d’une telle terminologie, il est évident que l’un des modèles analytiques de Barraqué est la carrure du classicisme, de sorte que, dans cette analyse de la Messe de Notre-Dame, trois temporalités se superposent : la structure isorythmique du Moyen Âge, les principes organisant la phrase classique et la variation cellulaire sérielle.

Accentuation classique

16En ces années d’apprentissage s’opère en effet chez Barraqué une synthèse singulière entre le modèle rythmique de Vincent d’Indy, dont il conservera le vocabulaire jusqu’à ses magistrales analyses, bien plus tardives, de La Mer de Debussy ou de la Cinquième Symphonie de Beethoven, et la découverte du sérialisme. En témoignent les premières pages du Guide de l’analyse musicale, rédigé en 1952 et publié l’année suivante dans le Guide du concert14. Selon Barraqué, suivant d’Indy à travers Messiaen, le rythme, premier, primordial, universel, apparaît dans le mouvement des astres, la périodicité des saisons, l’alternance des jours et des nuits, la vie des plantes et des animaux… Le rythme est une périodicité ou une alternance, « manifestation essentielle de tout phénomène de la durée », précise le Guide de l’analyse musicale. « Alternance », le mot est emprunté à Jean Guitton : « Le rythme est une alternance : le passage du même à l’autre et de l’autre au même », définition que Barraqué cite dans son devoir du Conservatoire de Paris. En musique, en tant qu’« ordre et proportion dans le temps » (et non plus aussi dans l’espace), en tant que « rapports de temps établis par l’esprit humain »15, qu’expriment des nombres et que régissent des lois arithmétiques, ce qui alterne, c’est une tension (ou une contraction) et une détente, ou encore, selon la terminologie grecque, une arsis et une thesis. « Élan-repos, voilà le rythme dans sa notion foncière »16.

17Exprimé, tout rythme sera perçu17 – c’est, écrit d’Indy, une « nécessité de notre esprit ». Sa perception entraîne ceci que le rythme, dans ses répétitions, devient « un ensemble de rapport qui suppose l’inégalité »18. C’est le cas, dans la vie courante, de la prépondérance accordée à certains bruits au sein d’une succession de battements réguliers (pas, tic-tac, métronome…), à laquelle l’artiste donnera une dimension musicale – binaire ou, par « prolongation » ou « interruption » (silence), ternaire, toujours selon d’Indy. Il y a donc des temps légers et de temps lourds, que Barraqué distingue soigneusement des temps forts et de temps faibles de la mesure. Et, avec d’Indy encore, les sons s’additionnant dans le temps léger donnent le rythme masculin ; les sons s’additionnant dans le temps lourd, le rythme féminin19.

18Suit, dans le Guide de l’analyse musicale (figures 5 à 12 insérées en fin d’article), une schématisation de la rythmique grecque, ostensiblement empruntée non à Messiaen, mais à Jules Combarieu, dont est paraphrasée la synthèse20. « Parti du plus petit élément [le pied], nous allons parvenir, par ajouts successifs, à l’édifice formel qui n’admet plus d’additions ; expression la plus large englobant tous les phénomènes de la pensée rythmique grecque », annonce Barraqué : du pied au kôlon, à la césure ou au lien (synaphie) entre kôla, à la phase de deux kôla (protase et apodose), à la période de plus de deux kôla, à la strophe et à l’antistrophe qui, avec l’épode, aboutissent à la triade. Un écart, discret mais significatif, se manifeste néanmoins : les groupements de brèves et de longues « constituent la mesure » chez Combarieu, quand ils sont « d’authentiques cellules rythmiques » chez Barraqué – on devine là les conséquences sur le rythme sériel d’essence cellulaire. Comme Combarieu, n’était la terminologie, Barraqué trouve dans la rythmique grecque le modèle de la construction, additionnelle, de la phrase classique, à laquelle il applique la tripartition de Messiaen : anacrouse, comme « groupe de notes faibles placées au début d’un kôlon, avant le premier temps fort » (Combarieu), accent et désinence.

19Tout ensuite est strictement issu du Cours de composition musicale de Vincent d’Indy21, où le rythme s’applique non seulement à la durée, mais aussi à des relations d’intensité et d’acuité – « qualités qui dérivent aussi de l’idée de temps, puisqu’elles dépendent de l’amplitude ou de la rapidité des vibrations sonores dans un temps donné »22. Barraqué, à la recherche d’un substrat commun entre le langage parlé et le langage musical, à la recherche d’une prosodie où convergent hauteurs et durées internes à une entité23, reprend en outre la distinction entre accent tonique (qui porte sur une syllabe du mot) et accent expressif (qui marque le mot important d’une phrase). Son accentuation, dont la composition et la perception priment sur la mesure, apparaît comme un autre moyen de contrarier la métrique classique, jusque dans les œuvres du classicisme. Avec d’Indy encore, qu’il paraphrase, Barraqué étudie les relations de durée, d’intensité et d’intonation, la place de l’accent tonique dans le groupe mélodique, donne en exemple le commencement du deuxième mouvement de la Cinquième Symphonie de Beethoven, avant d’édicter les trois « lois » de l’accentuation, qui n’étaient encore que des « principes » chez d’Indy : « La place de l’accent tonique varie suivant la forme masculine ou féminine du groupe mélodique » ; « Il n’y a pas de mélodie qui commence par un temps lourd » ; « L’accent expressif l’emporte sur l’accent tonique ». Suivent quelques développements sur l’anacrouse, sur la période, sur l’Adagio du Quatuor à cordes n° 7 de Beethoven, sur la phrase et ses types, tous dans le sillage de d’Indy. Seules originalités, les analyses de thèmes mozartiens et du quatrième mouvement de la Première Symphonie de Brahms, mais selon une méthodologie strictement d’indyste. Par ailleurs, dans le texte de son examen au Conservatoire de Paris, toujours avec d’Indy dont Barraqué élargit notoirement le spectre – nous y reviendrons –, s’ajoutent à l’ordre quantitatif (durées : sons longs et brefs), l’ordre dynamique (densités et intensités : sons forts et faibles, crescendos et decrescendos, densités), qu’illustrent Varèse et Jolivet, l’ordre phonétique (timbres, attaques, résonances), avec la Klangfarbenmelodie de Webern ou le piano préparé de Cage, l’ordre mélodique (registres : sons aigus et graves) des dernières œuvres de Webern ou de la Deuxième Sonate de Boulez, et l’ordre cinématique (mouvements rythmiques, arsis et thesis, accentuations et tempos), celui notamment du chant grégorien comme des rubatos bartókiens.

« Danse sacrale »

20Pourquoi donc revenir sur une telle accumulation de modèles théoriques anciens, écrite par un musicien de vingt-cinq ans, tout juste sorti du Conservatoire de Paris, mais auteur, au même moment, d’une monumentale Sonate pour piano ? Inscrire l’avant-garde sérielle dans une continuité historique qu’elle ne cessait alors de dénier, arguant d’une tabula rasa d’autant plus factice que ces même modèles théoriques irriguent toute la production analytique ultérieure de Barraqué, constituerait-il un motif suffisant ? Une raison plus essentielle nous y incite, que l’analyse de la Messe de Notre-Dame laissait entrevoir et qu’un examen minutieux de l’analyse du Refrain de la « Danse sacrale » du Sacre du printemps confirme pleinement.

21L’article « Rythme et développement » s’ouvre sur une mise en garde contre la tyrannie du rythme seul et nie aux paramètres du son, que Barraqué nomme aussi des « composants », des « éléments » ou des « qualités », une existence en soi. Chacune des quatre virtualités abstraites (hauteur, durée, dynamique, timbre) ne prend son sens que par l’existence des trois autres, jusque dans leur obéissance, désormais, à un même principe premier, à un même ordre, à une même organisation, que tisse le compositeur et qui engendre un monde autogène : « Ce rapport, cette clef, source de vie rationnelle, de la construction sonore, on l’a certainement déjà compris, n’est autre que la série »24. Toute création est synthèse. Barraqué le démontre chez Debussy, où les interférences de l’écriture rendent arbitraires l’investigation rectiligne d’un seul domaine : l’harmonie se lie à une situation dynamique, rythmique, timbrique… Précisons d’ailleurs que Barraqué envisagera bientôt toute composition dans sa totalité formelle, jamais donnée mais conquise, et s’éloignera du démembrement de l’analyse par prélèvement, la jugeant subjective, « non seulement inutile, mais nuisible », indifférente au devenir, « contraire à une forme d’analyse qui voudrait vider l’œuvre de son contenu, de son message historique, dans son étape chronologique, pour lui donner une existence presque virtuelle, un aspect sans cesse à réviser, qui est son propre Destin historique ». En 1966, dans un rapport au CNRS, Barraqué écrit de l’analyse, « intéressante », du Sacre du printemps par Boulez qu’elle « est fondée sur le procédé du prélèvement, procédé qui semble convenir à cette partition, mais que la méthode que j’envisage récuse ». Mais il est vrai qu’il s’était déjà détourné de cette « œuvre d’avant-garde pour dames », à la faveur de La Mer ou de Jeux. Si l’analyse de Boulez (« Stravinsky demeure », publié en 1953, mais rédigé dès 1951) porte exclusivement sur cette œuvre de Stravinsky, dont les techniques d’écriture rythmique sont mises en évidence par degré de complexité croissante (« Glorification de l’Élue », « Danse de la Terre, « Danse sacrale » et « Introduction »), celle que Barraqué livre de la « Danse sacrale » dans « Rythme et développement », sous l’influence de Michel Foucault, s’inscrit dans une archéologie du rythme. L’un analyse les structures d’une œuvre ; l’autre, une structure présente, qui régit diverses œuvres à travers l’histoire, donnant une raison d’être, technique, à un passé avec lequel s’établissent des « ponts » le plus souvent inégaux. Car les maillons de la chaîne se nouent moins d’une génération à l’autre qu’à travers les siècles.

22Les notes que Barraqué prit du cours de Messiaen (figures 13 à 15 insérées en fin d’article) présentent, sans surprise, les conclusions du Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie25 : les symboles des Vieillards et de l’Élue tournant à la mort, le « bois » et le « tendre bourgeon » qui le perce, eux-mêmes symbolisés par les « personnages rythmiques », l’un croissant, l’autre décroissant, dont la source serait le développement par élimination de la Cinquième Symphonie de Beethoven et certains rythmes de Rimski-Korsakov ; l’identification de ces personnages par leurs durées, comme par une « marque sonore (groupe d’accords, d’un certain tour mélodique) », qui leur est affectée ; les attaques « sèches pour la plupart », mais avec des « tenues enflées » et des « attaques doubles suivies de silences » ; la caractérisation des personnages ou leur reconduction à des modèles de la rythmique hindoue et de la métrique grecque (A : vijaya ; B : çrîmandana ; C : bacchius), qui suppose non seulement que les silences prolongent le son, et ne le préparent pas, mais aussi que s’instaure une continuité du discours musical. D’après les notes de Barraqué, Messiaen soulignait aussi, ce qui n’apparaît pas dans le Traité, que les groupes rythmiques A et C entretiennent un lien de parenté : chaque rythme complétant les silences de l’autre. Puis s’ouvre la suite des cellules : A8, B7, A5, B7, A3, C8… Les principes sont identiques pour l’analyse des couplets et de la coda. Messiaen n’organise pas, il accumule. C’est le rythme en tant que nombre, principe quantitatif, décomposition extérieure en points juxtaposés, dont l’homogénéité, de nature constante et mesurable, introduit l’espace. Un tel rythme repose sur une unité de valeur, la double croche, assimilable, dans une certaine mesure, au chronos protos grec, une unité de valeur préalable qui s’additionne et sans laquelle aucune durée longue n’est appréciable. Mais un second niveau s’avère bien plus déterminant : A croît et décroît. Ce qui importe dans cette analyse de la « Danse sacrale », ce n’est plus la seule juxtaposition, ni la description des modes de transformation (par exemple, pour B4, l’élimination de la croche pointée initiale de B7). Il y a nombre naturellement, il y a même addition et soustraction. Mais le commentaire se réduit à l’accroissement et au décroissement des groupes, à la contraction et à la distension, à la fluctuation qui communique en un seul et même Temps, indivisible. Lorsque cesse l’évaluation numérique, l’essentiel est la durée.

23Entre Messiaen et Barraqué, nombre de différences apparaissent bientôt. Contrairement à son maître qui les excluait de ses cellules rythmiques grecques et hindoues, en raison de leur registre et de leur timbre, Barraqué intègre les « contre-attaques » ou « contrepoints bouche-silences » sur et fa des contrebasses, du tuba et des timbales (c’est un rythme absolu) et inscrit chaque cellule dans sa mesure (c’est une analyse rythmique et métrique), comme principe musical, engendrât-il la carrure et les règles spécieuses du temps fort et du temps faible, et contrariât-il l’expression du rythme musical, comme le souligne amplement le Guide de l’analyse musicale. La position métrique des cellules est déterminante pour leur assigner les marques d’anacrouse, d’accent et de désinence, exigeant aussi des paramètres rythmiques, mélodiques et harmoniques. Enfin, l’attribution du silence est déterminée par la carrure (ce n’est plus seulement un silence de prolongation, mais aussi un silence d’anticipation, à l’instar de la Sonate). Messiaen reprendra cette analyse, en maugréant qu’elle est une « concession aux faibles, pour leur prouver que je sais aussi penser comme eux, à l’occasion ». Commentons trois points, dont les principes rejoignent ceux de l’analyse de Machaut.

241. La cellule, ou la création d’un matériau.

  1. Suivant l’enseignement de Messiaen, c’est le découpage en trois « éléments », que Barraqué qualifie de « formules de constitution », à l’« état primaire », ou d’« événements », « marqués chacun par des agrégats harmoniques distincts »26 : A, B et C. Et comme chez Messiaen, ces trois éléments sont chiffrés, nombrés, car inventés à partir d’une pulsation de base, démultipliée, régulièrement ou non : la double croche. Deux présentations de A peuvent s’agglomérer et constituer un « complexe » : A présentant un accord précédé d’un grave des contrebasses, du tuba ou des timbales, si deux cellules A se suivent, la seconde avec élision ou non de ce grave, Barraqué assimile ces deux cellules. Ainsi, dès la mesure 2, nous avons une agglomération d’un A2 et d’un A3, qui forment un A5 (2+3). Il n’y a cependant pas d’Urrhythmus, d’idée d’un rythme abstrait, mais ce que nous nommerions volontiers une « concrétude rythmique ». Vient ensuite, préparé par A, B, immobile et hésitant entre deux formes, B7 et son élision en B4. Reste à déterminer si l’immobilité de B engendre un mouvement et si sa répétition déplacée a valeur de développement. Cadentiel, et venant équilibrer les deux premiers éléments, C est divisible en a (double croche / croche), a rétrograde (croche / double croche) et a contracté (double croche / double croche).

252. Le développement rythmique, ou la variation cellulaire.

26Dans le cas des éléments A et C, les techniques sont élémentaires. Citons, dans ce contexte, la réduction de A5 en A4 ou de C8 en C7 et C5, qui serviront au développement terminal, et où a droit et a rétrograde seraient superposés, le a contracté restant à l’identique (figure 16).

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Figure 16. Jean Barraqué, « Rythme et développement » (Polyphonie, nos 1-2 (1954), p. 55).

273. L’organisation, ou le « déroulement discursif » (figure 17).

  • Période 1 : A3-A5-B7 / A5 B7 A3 / C8.
    La première période est disposée symétriquement (A3 / A5 B7, rétrogradés en A5 B7 / A3 + C8, élément cadentiel), de sorte que B7, immobile dans sa constitution, est « movible dans son ordre d’apparition ». La variation porte non sur la cellule, mais sur la place de B7 à l’intérieur de la période. Barraqué introduit par ailleurs le modèle classique, mozartien, de l’antécédent (x) et du conséquent (x’) : x = A3A5B7 / x’ = A5B7A3C8. Cet antécédent est composé d’une anacrouse (A3+A5), d’une préparation d’accent (croche liée à la double croche de B7), d’un accent (B, la double croche liée, que soulignent les trompettes et les cors, puis les trombones et les cors) et d’une désinence (B, trois dernières doubles croches). La tripartition anacrouse-accent-désinence opère non pas sur des valeurs, mais sur des groupes.

  • Période 2 : A4-B7-C5.
    La courte deuxième période introduit seulement A4 et contracte C8 (3+3+2) en C5 : 3 (comme réduction du 3+3) + 2 (entité stable de l’événement rythmique, a contracté).

  • Période 3 : A5-[A4-B7-A3 = y]-A5-B4-A2-B4-[A3-A5-B4 = x]-C5-C7.

28Barraqué met en évidence :

  1. La variation de l’élément B7 en B4 (élision de la croche pointée initiale).

  2. Le renversement des ordres A et B de la première période – mais que faire alors du premier A5 de la période 3, qui pourrait aussi donner le AAB de la période 1 ?
    Période 1 : AAB ABA
    Période 3 : ABA (y) AAB (x)

  3. Le maintien du modèle antécédent (x), sans conséquent (x’ de la période 1), ce qui suppose une autre découpe : A5-A4-B7-[A3-A5-B4 = x]-A2-B4-[A3-A5-B4 = x]-C5-C7 – notons la confusion de la terminologie, x étant soit un groupe (dans le point précédent, y comme second groupe), soit l’antécédent (x’ comme conséquent).

  4. Les groupes C5 et C7, comme cadence agrandie de la première période.

29Puisque A4 apparaît pour la première fois dans la deuxième période, et que le C5 (2+3) de la troisième période rétrograde le C5 (3+2) de la deuxième période, alors, en conclut Barraqué, « la troisième, enrichie des éléments apportés par la deuxième, est la symétrie variée de la première ; la période centrale étant un exposé condensé des trois autres ».

30L’analyse de Barraqué est problématique, confuse, car essentiellement tournée non vers l’opposition du principe statique et du principe dynamique, non vers la métrique grecque antique ou la rythmique hindoue, quand bien même revisitées par Messiaen, non vers le découpage, les subtiles hiérarchisations et le tout articulé de Boulez, mais vers une ambivalence constitutive, vers une coexistence de deux niveaux sinon contradictoires, du moins conflictuels. C’est précisément ce conflit qui, selon nous, en détermine tout l’intérêt.

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31Figure 17. Jean Barraqué, « Rythme et développement » (Polyphonie, nos 1-2 (1954), p. 55).

321. Le classicisme mozartien, selon les catégories d’indystes de l’accentuation, au niveau de la phrase et de la période, de l’organisation en somme. Là encore, Barraqué est donc d’indyste, avec ou sans Messiaen, même s’il évite, pour la « Danse sacrale », la distinction entre accent tonique, dont la place varie suivant la forme du groupe mélodique, et accent expressif, ainsi que les notions de rythmes masculin et féminin, dont il fera grand usage dans ses analyses de la Cinquième Symphonie ou de La Mer. La division du Refrain de la « Danse sacrale » repose sur la notion de période, en tant que « succession de groupes mélodiques déterminant le point de départ et le point d’arrivée d’un mouvement. La période se comporte vis-à-vis de ses groupes comme les groupes eux-mêmes se comportent vis-à-vis de leurs rythmes constitutifs »27.

332. La cellule et ses variations, inspirées de Messiaen, et que Barraqué partage pour l’essentiel avec Boulez, même s’il met plus encore en évidence, dans l’analyse de ces cellules en soi, une esquisse de combinatoire (original et rétrogradation).

34Le premier niveau est-il celui de la perception, le second, celui de la composition ? Jamais Barraqué ne l’écrit ni ne le laisse entendre. Ces deux niveaux représentent-ils ce que Boulez a mis en évidence dans l’« Introduction » du Sacre : le tuilage28, le recouvrement des développements, des évolutions, et ici des modalités historiques, les uns par les autres ? S’il nous fallait citer un modèle théorique, ce serait le Foucault d’avant l’Histoire de la folie à l’âge classique, un Foucault pétri de lectures de Husserl, et déjà tendu vers le structuralisme, dont il ne cessera pourtant de se démarquer, le Foucault de Maladie mentale et personnalité, celui qui écrit :

« La maladie, dans sa spécificité, se situe donc entre la contradiction dans les structures de l’expérience sociale, et la conscience lucide de cette contradiction : elle s’insère dans cette zone où la contradiction n’est pas encore vécue sur le mode de la conscience, mais seulement dans les formes du conflit »29.

35Mais un tel conflit n’est pas à confondre avec les contradictions historiques et sociales du milieu, qui reconduiraient toujours, selon Foucault, à des éléments organiques. Il est « entre » et conserve sa spécificité propre. Dans l’article « Des goûts et des couleurs… et où l’on en discute » (1954), Barraqué appellera de ses vœux une histoire de la musique en tant que somme des expériences musicales et de leurs analyses. Le musicien encourre le risque de s’y perdre, quand la création, ainsi promise à l’inachèvement d’emblée, prétend atteindre, par la complexité intarissable de sa combinatoire, un inanalysable. « Penser une structure musicale uniquement dans l’impossibilité paraît le sommet de l’art ; l’artiste devrait arriver à un univers démentiel et impossible »30. Ou le délire, non à organiser selon le projet de Boulez, mais comme dessein même de l’organisation.

36De tels principes irriguent la Sonate. Nous en analyserons les rythmes du premier développement strict (6.1.1 à 7.5.131), à deux voix, divisible en quatre sections aux nuances moyennes et aux registres figés. Aux nuances moyennes échappent des , la, fa et sib ; aux registres, des do#, sol#, fa# et si, déterminant deux autres champs harmoniques et rythmiques.

  1. Alternance de deux tempos (AI, Modéré, p ; et AII, Très vif32, f) (6.1.1 à 6.4.1) ;

  2. Introduction du tempo AIII (Entre modéré et vif, pp) (6.4.2 à 7.1.1) ;

  3. Retour du tempo AII (7.1.2 à 7.3.3, p) ;

  4. Retour du tempo AI (7.3.4 à 7.5.1, f).

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Figure 18. Jean Barraqué, Cellules rythmiques du premier développement strict de la Sonate pour piano (Heribert Henrich, Das Werk Jean Barraqués. Genese und Faktur, Kassel, Bärenreiter, 1997, Abb. 8).

37Barraqué opère comme dans ses analyses : création du matériau (deux cellules) ; variation cellulaire ; organisation. Soient deux cellules, « principes unificateurs abstraits » : trois doubles croches en triolet, précédées d’une petite note (A) ; quart de soupir et deux doubles croches (B). Barraqué en déduit un ensemble pour la première cellule de vingt-quatre formes cellulaires, pour la seconde de vingt-deux formes, selon l’ordonnancement présenté dans la figure 18.

38Il apparaît clairement que les variations cellulaires abondent en techniques communes à Messiaen (dont sont exclus les canons rythmiques) et à Boulez (Deuxième Sonate, Livre pour quatuor et Polyphonie X), que l’article « Rythme et développement » recensait au même moment : transformation de valeurs rationnelles en valeurs irrationnelles, et inversement ; diminutions et augmentations régulières ou irrégulières, symétriques ou asymétriques ; ajout du point sur tout ou partie des valeurs ; interversion de valeurs de la cellule ; agglomérations ou scissions de valeurs ; ajout, retrait ou déplacement d’une petite note, d’un silence ou d’une valeur ; substitution d’un silence à une valeur, et inversement ; rétrogradation d’une cellule… En somme, Barraqué n’utilise pas, dans la Sonate, de chromatisme des durées, multipliant une valeur de base, mais des cellules caractérisées. L’enchaînement de ces cellules est le suivant :

39Section I

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40À AII sont affectées les cellules A et a ; à AI, les cellules B et b, dans l’ordre.

41Section II

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42La section II, mêlant a et A, ainsi que b et B, s’achève sur le recommencement du cycle.

43Section III

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44C’est un mouvement croisé des deux cycles sériels, l’un droit (a), l’autre rétrograde (b).

45Section IV

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46Dans cette dernière section, le mouvement de rétrogradation du cycle sériel B se double d’une rétrogradation du cycle sériel A, dont les cellules sont elles-mêmes rétrogradées.

47À l’issue de cette brève analyse, bien des questions se posent, relatives à l’organisation de la variation. Certes, le sérialisme a ruiné les structures du classicisme. Ici, a priori, nul antécédent, nul conséquent, nulle période, nul rythme masculin ou féminin, nul accent tonique ou expressif, une mesure n’imposant en rien cette « carrure absolument contraire à la véritable expression du rythme musical », comme Barraqué l’écrivait dans son Guide de l’analyse musicale, et une phrase désormais série limitée de cellules. La série en effet est ce qui limite, non que l’organisation classique se maintînt ouverte, mais sa clôture obéissait à une logique mélodico-harmonique, cadentielle, et guère à des principes rythmiques. Selon Barraqué, le compositeur est celui qui referme le « circuit ouvert » des variations cellulaires, d’un devenir cellulaire se refusant à tout statisme, celui intègre le matériau dans l’univers cohérent, rationnel, de la série, fondatrice de ses propres hiérarchies et d’une discursivité. « J’appelle compositeur le musicien qui organise des éléments à l’intérieur d’une limite »33, écrit-il, précisant vouloir signifier :

« que l’organisation se fait à partir de rapports abstraits et généraux agissant sur des éléments limités et donnant existence à un effet sonore. Je qualifie cette organisation d’abstraite, car ce n’est pas elle qui donne directement forme à l’œuvre, mais les éléments organisés. Il peut donc y avoir résultat sonore différent à partir d’une même volonté, un même parti pris d’organisation agissant sur des éléments différents »34.

48Le « compositeur » établira un « circuit fermé » – les autres ne seront que des « musiciens ». Par conséquent, cette série n’est pas une suite, fondamentalement illimitée. Barraqué ne peut se satisfaire d’une juxtaposition, à laquelle il oppose des rapports entre les cellules, établis non à l’écoute mais par la composition, et une synthèse – que lui offrait, sans doute de manière anachronique et inappropriée, les règles d’indystes de l’accentuation classique.

« Instituant la série comme la catégorie fondamentale de l’écriture musicale, Barraqué affirme que composer ne consiste pas à énumérer, agréger, juxtaposer, sommer, ni à suivre un parcours. La composition est pour lui un acte de synthèse, une synthèse délicate et enchevêtrée qui s’effectue au fil et au péril du temps »,

49écrit Hugues Dufourt35. Le musicien renoue avec la Règle VI de Descartes, selon laquelle, dans chaque série de choses, il convient de voir laquelle est la plus simple et comment toutes les autres « en sont plus, ou moins, ou également éloignées ». Aucune de ces cellules n’est donc considérée isolément, mais selon la connaissance qu’elle offre des autres. Ou, comme l’écrit Descartes : « C’est la nécessité de les distinguer que nous enseigne cette règle, ainsi que l’obligation d’observer leurs connexions réciproques et leur ordre naturel ».

50La leçon de d’Indy a-t-elle pour autant entièrement disparu ? À l’ordre quantitatif (les durées de chacune des cellules et leurs rapports) s’ajoutent toujours l’ordre dynamique (les f, sf et mf dans la nuance moyenne p, ou les ff, fff et sf dans la nuance moyenne f, mais aussi, négativement, les p, pp et ppp qui viennent trouer ces nuances moyennes), l’ordre phonétique (les attaques des notes dynamiquement en dehors), l’ordre mélodique (la registration de ces mêmes notes) et l’ordre cinématique (l’organisation du tempo). De même que Barraqué sérialisera bientôt ses séries de hauteurs, est ouverte une polyrythmie de rythmes de différentes natures, où l’abstraction des catégories d’indystes n’oblitère en rien leur reconduction. En outre, les notions d’arsis et de thesis n’opèrent plus sur un thème, mais demeurent, affectées au tempo, partant à la forme, ainsi rythmée. Ou plutôt, la forme et le rythme, en tant qu’inégalité et alternance (qui se fera bientôt balancement onirique, voire dissociation schizophrénique), élan et repos, sont des notions connexes. Le modèle classique, beethovénien, de la Sonate instaure une dialectique non plus thématico-harmonique, mais de tempos (et de styles), où la terrifiante tension du discours tient à un incessant devenir limité.

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Figure 1. Jean Barraqué, Notes (Association Jean Barraqué, Paris).

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Figure 2. Jean Barraqué, Notes (Association Jean Barraqué, Paris).

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Figure 5. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 10, p. 462).

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Figure 6. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 10, p. 463).

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Figure 7. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 11, p. 513).

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Figure 8. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 12, p. 562).

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Figure 9. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 14, p. 664).

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Figure 10. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 14, p. 665).

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Figure 11. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 15, p. 718).

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Figure 12. Jean Barraqué, Guide de l’analyse musicale (Guide du concert, 1953, n° 15, p. 719).

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Figure 13. Jean Barraqué, Notes du cours d’Olivier Messiaen sur le Sacre du printemps (sans date, Association Jean Barraqué, Paris).

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Figure 14. Jean Barraqué, Notes du cours d’Olivier Messiaen sur le Sacre du printemps (sans date, Association Jean Barraqué, Paris).

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Notes   

1  L’Association Jean Barraqué en conserve deux états : l’un, manuscrit, de onze pages présente, dans l’ordre, l’introduction citée ci-dessus, quelques définitions générales du rythme, les notions d’arsis et de thesis, la loi des rapports attaque-durée, d’autres notions autour du rythme musical, la rythmique grecque, le rythme dans le plain-chant, l’accentuation (théorie d’indyste), les valeurs rationnelles et irrationnelles, les personnages rythmiques du Sacre du printemps et les rythmes hindous ; l’autre, tapuscrit, de quatre pages s’arrête à la rythmique grecque.

2  Les premiers paragraphes paraphrasent l’introduction non signée, mais sans doute de Jean Guitton (pp. 10-11), tandis que le rappel de saint Augustin (Ep. 138.1.5), que Paul Claudel aimait à citer, est extrait de Jean Guitton, « Les rythmes et la vie », in Les Rythmes et la Vie, Paris, Plon, 1947, p. 17. Une première version de cet ouvrage, sous le même titre, mais sous la direction du docteur René Biot, et à l’initiative du Groupe lyonnais d’études médicales, philosophiques et biologiques, avait paru, chez Lavendier (Lyon), sans date (1933 ou 1934).

3  Voir la thèse de doctorat d’Yves Balmer, Édifier son œuvre. Genèse, médiation, diffusion de l’œuvre d’Olivier Messiaen, sous la direction de Joëlle Caullier, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2008. Yves Balmer y note les références aux articles du médecin René Biot, de l’économiste Jean Chevalier et du philosophe Gustave Thibon dans le traité de Messiaen, lecteur par ailleurs d’autres ouvrages d’autres auteurs de ce collectif, inscrits dans la Renaissance intellectuelle chrétienne : Jean Guitton, François Guillot de Rodes et Jean Thibaud.

4  Jean Barraqué, Note pour un devoir dans la classe d’Olivier Messiaen, Association Jean Barraqué (Paris).

5  Certaines de ces définitions figurent dans André Souris, « Quelques définitions du rythme ou les avatars d’un concept », in Polyphonie, Deuxième Cahier « Le rythme musical », 1948, pp. 3-4, dont Barraqué avait connaissance.

6  Voir Jean Boivin, La Classe de Messiaen, Paris, Christian Bourgois, 1995, 482 p.

7  Barraqué étudiera encore cette Symphonie « Jupiter », à la fin des années 1960, à travers l’analyse de Simon Sechter (dans la réédition de Friedrich Eckstein), Das Finale von W.A. Mozarts Jupiter-Symphonie, Vienne, Wiener Philharmonischer Verlag, 1923 ; et à travers l’analyse de Johann Nepomuk David, Die Jupiter-Symphonie, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1960 (quatrième édition), l’une et l’autre très annotées par ses soins.

8  La bibliothèque de Barraqué conserve un exemplaire de ces Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (1944). Parmi les œuvres de Messiaen les plus annotés par Barraqué, citons les Visions de l’Amen (1943), les Cinq rechants (1948-1949) et surtout les Quatre études de rythme (1949-1950), dont le célèbre Mode de valeurs et d’intensités.

9  Et Barraqué de souligner l’absence de certains compositeurs, dont Johannes Brahms, et le peu d’attachement à d’autres, parmi lesquels Maurice Ravel, dans les cours d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris.

10  Pierre Boulez, « Éventuellement… », in La Revue musicale n° 212, 1952, pp. 117-148 (Relevés d’apprenti, Paris, Seuil, 1966, pp. 147-182 ; Points de repère I. Imaginer, Paris, Christian Bourgois, 1995, pp. 263-295).

11  Jean Barraqué, « Rythme et développement », in Polyphonie, Neuvième et Dixième Cahiers « Inventaire des techniques rédactionnelles », 1954, pp. 47-73 (Écrits, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, pp. 87-114). Barraqué analysera ces développements cellulaires chez Webern, dans les Variations pour piano op. 27. Voir Jean Barraqué, « Les Variations pour piano op. 27 d’Anton Webern » (ca 1967), in Écrits, op. cit., pp. 231-245.

12  Jean Barraqué donne une autre analyse (presque identique) de la Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut dans « Résonances privilégiées, leur justification » (1954), in Ibid., pp. 77-78.

13 Ibid., p. 79 (nous soulignons). Barraqué reprend cette thèse dans « Rythme et développement », op. cit., p. 91.

14  Le tapuscrit de ce Guide de l’analyse musicale est conservé à l’Association Jean Barraqué (Paris).

15  « Par l’esprit humain », altère significativement Barraqué.

16  Jean Barraqué, Note pour un devoir dans la classe d’Olivier Messiaen, Association Jean Barraqué (Paris).

17  Ou, comme l’écrit Pius Servien, cité par Messiaen et par Barraqué : « Le rythme est une périodicité perçue. Il agit dans la mesure où pareille périodicité déforme en nous la coulée habituelle du temps ». Ce que Barraqué traduit ainsi : « Plus un rythme contrarie la régularité de notre rythme physiologique, plus il est efficace ».

18  Voir Jean Barraqué, « Guide de l’analyse musicale », in Le Guide du concert n° 10, 1953, p. 463.

19  La définition du neume qui précède l’exposé des notions de « rythme masculin » et « rythme féminin » (p. 513) est aussi empruntée à d’Indy (Cours de composition musicale, Livre I, Paris, Durand, 1912, p. 26), de même que la distinction avec temps fort/faible, temps léger/lourd. « La mesure est une figuration fort imparfaite du rythme. Elle aide à rendre plus saisissables certains rythmes libres d’une façon compliquée, qui les rend moins apparents, et en paralyse fréquemment l’exécution », avait souligné Barraqué dans son exemplaire (p. 27).

20  Voir Jules Combarieu, Histoire de la musique. Des origines au début du XXe siècle, vol. I, Paris, Armand Colin, 1930, pp. 95-97.

21  La synthèse de Barraqué porte sur les pages 23 à 46. Ses notes des cours de Messiaen présentent une synthèse des théories d’indystes, incluant l’analyse rythmico-mélodique du deuxième mouvement de la Cinquième Symphonie. Mais l’examen de sa bibliothèque, et notamment ses annotations du premier volume du Cours de composition musicale, atteste d’une connaissance directe. L’application de la théorie d’indyste à Mozart suit Messiaen, qui illustrait le rythme féminin avec des fragments de Don Giovanni ou de la « Jupiter ».

22  Vincent d’Indy, Cours de composition musicale, op. cit., p. 23. « Bien des peuples ignorent l’Harmonie, quelques-uns peuvent même ignorer la Mélodie ; aucun n’ignore le Rythme », ajoute même Barraqué, citant une fois de plus, sans le nommer, ce Cours de composition musicale de Vincent d’Indy (ibid., p. 21).

23  Voir, à ce sujet, Célestin Deliège, Les Fondements de la musique tonale, Paris, Lattès, 1984, p. 191 sq.

24  Jean Barraqué, « Rythme et développement », op. cit., p. 88.

25  Voir Olivier Messiaen, Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie, tome II, Paris, Leduc, 1995, pp. 124-137.

26  Jean Barraqué, « Rythme et développement », op. cit., p. 94.

27  D’Indy n’est pas loin : « Toute portion mélodique comprise entre le point où commence le mouvement et celui où il s’arrête constitue une période, laquelle se comporte, vis-à-vis de ses groupes, comme les groupes eux-mêmes vis-à-vis de leurs rythmes constitutifs » (Vincent d’Indy, op. cit., pp. 36-37).

28  Voir Pierre Boulez, « Stravinsky demeure », in Pierre Souvtchinsky (éd.), Musique russe, tome I, Paris, P.U.F., 1953, pp. 151-224 (Relevés d’apprenti, op. cit., pp. 75-145 ; Points de repère I. Imaginer, op. cit., pp. 81-143).

29  Michel Foucault, Maladie mentale et personnalité, Paris, P.U.F., 1954, pp. 91-92.

30  Jean Barraqué, Rapport au CNRS, 1962 (inédit).

31  Les chiffres désignent la page, le système et la mesure du système. Ainsi, 6.1.1 correspond à la page 6, premier système, première mesure, de la partition Bruzzichelli (Florence, 1965), rééditée par Bärenreiter (Kassel, 1993).

32  Dans la préface de la partition de la Sonate, Jean Barraqué précise : « En ce qui concerne le groupe des “tempos” rapides, l’interprète se fondera sur la vitesse la plus rapide (AII) qu’il pourra obtenir, sans nuire à la clarté de la polyphonie. Il s’agit plus de rapports relatifs que d’impératifs métronomiques absolus ».

33  Jean Barraqué, « Rythme et développement », op. cit., p. 88.

34  Ibid., p. 89.

35  Hugues Dufourt, « Figure de Jean Barraqué », in Jean Barraqué, Paris, Festival d’automne à Paris / Théâtre du Châtelet, 2004, pp. 8-9.

Citation   

Laurent Feneyrou, «Une donnée immédiate», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et rythme, mis à  jour le : 05/07/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=327.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Laurent Feneyrou

Laurent Feneyrou, après des études à la Sorbonne, à l’École des hautes études en sciences sociales et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, est successivement Boursier Lavoisier du ministère des Affaires étrangères, conseiller pédagogique à l’Ircam, conseiller musical auprès de la direction de France Culture et directeur adjoint de l’Institut d’esthétique des arts contemporains (CNRS/Paris-I). Actuellement chargé de recherches au laboratoire Sciences et technologies de la musique et du son (CNRS/Ircam), il dirige avec Frédéric Durieux le séminaire « Composition et musicologie contemporaines » (CNRS/CNSMDP). Éditeur des Écrits de Jean Barraqué (Paris, Publications de la Sorbonne, 2001) de Giacomo Manzoni (Paris, Basalte, 2006) et de Luigi Nono (Genève, Contrechamps, 2007), il dirige plusieurs ouvrages collectifs, notamment sur l’opéra et le théâtre musical moderne et contemporain (Musique et Dramaturgie, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003), sur les relations entre musique et politique au XXe siècle (Résistances et utopies sonores, Paris, CDMC, 2005), et sur Bruno Maderna (Paris, Basalte, 2 vol. , 2007 et 2009).