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De Bollywood au chant des mahar. Analyse d’un cas d’emprunt musical au Maharashtra, Inde

Julien Jugand
juillet 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.252

Résumés   

Résumé

Les mahār, (ex)intouchables du Maharashtra convertis au bouddhisme, ont élaboré un genre musical dénommé bhīmgīt. Il est apparu à la suite d’un mouvement social centré sur la question de la caste et mené par le leader mahār Bhimrao Ambedkar durant la première moitié du XXème siècle. Inscrits de manière complexe dans la continuité des pratiques musicales et littéraires de la région, ces chants centrés sur le personnage d’Ambedkar ont un rôle fédérateur chez les mahār. Mais certaines bhīmgīt peuvent être le produit d’emprunts musicaux parfois réalisés à partir de musiques de film de Bollywood. Quelles caractéristiques musicales permettent alors de qualifier le chant en question de bhīmgīt ? Par une analyse musicologique, cet article souhaite montrer comment l’étude d’un cas d’emprunt permet de réfléchir aux processus d’appropriation (essentiels dans la réflexion sur le concept d’identité) ainsi que d’offrir des clés de compréhension des caractéristiques musicales des bhīmgīt.

Abstract

The Mahār are a traditionally “untouchable” social group from Maharashtra, a number of whom converted to Buddhism. The musical genre bhīmgīt stems from the caste-based social movement lead by Bhimrao Ambedkar in the early 20th century. The genre maintains a complex relationship with local musical and literary traditions. It is inspired by the figure of Ambedkar and has a unifying function amongst the Mahār. But some bhīmgīt are the result of musical borrowing, sometimes from Bollywood film music. What are the musical features that characterize these songs as bhīmgīt? Through musicological analysis of a case of musical borrowing, this article aims to investigate processes of appropriation, a key notion when discussing the concept of identity, as well as to shed light on certain musical aspects of the bhīmgīt.

Index   

Texte intégral   

Introduction

1En Inde, le « nous » renvoie à des niveaux d’appartenance divers pouvant conduire à une définition « à tiroirs » de l’individu : la nation indienne, l’aire linguistique et culturelle, la caste ou la communauté religieuse, la famille, etc. Cette identité pronominale recouvre une réalité complexe qui nécessite une prise de distance importante par rapport aux approches classiques sur la question. Pour une grande partie de la population hindoue, le groupe d’appartenance par excellence est celui de la caste, traditionnellement définie, dans la littérature indianiste, comme un groupe endogame associé à un ensemble d’activités professionnelles particulières et occupant une position relative dans la hiérarchie du système hindou1. Le système des castes constituerait un cas particulier de ce que Barth désigne sous le nom de « système polyethnique complexe »2.

2Parmi les nombreux niveaux d’appartenance, le « nous » de caste influe particulièrement sur la définition du « je » : un nom de famille, un quartier d’habitation, une histoire collective (souvent de nature hagiographique) et surtout un hexis corporel3. Des travaux postérieurs à ceux de Louis Dumont ont nuancé la conception du système de castes comme institution religieuse hindoue. Ils remettent ainsi en cause la notion de pureté et d’impureté symbolique comme constitutive du système. Etudiant les rapports de caste dans les communautés musulmanes ou chrétiennes en Asie du Sud, ils présentent ce système comme une structure sociale autant associée aux questions politiques que religieuses4. Ainsi, en tant que groupes hétérogènes, les castes peuvent se définir dans le cadre de luttes au sein de l’espace social.

3Les détenteurs des savoirs et savoir-faire musicaux en Asie du Sud appartiennent le plus souvent à ces groupes sociaux endogames de bas statut social5. Cet état de fait a cependant tendance à s’atténuer dans le cas des musiques dites « savantes » (hindustani et carnatique) et des musiques contemporaines (pop, « film songs »), témoins respectifs de nouveaux modes de transmission institutionnalisés, d’une fragilisation des familles de spécialistes protégeant leur savoir musical (gharānā)6 et de l’affaiblissement des interdits de caste dans certains contextes urbains7. Bien que souvent destinées à un auditoire socialement différent des musiciens (ce qui implique des processus d’ajustement socio-musicaux), les musiques du sous-continent considérées comme « traditionnelles » ou « folk »8 sont fortement imprégnées d’un ensemble de référents culturels propres au groupe qui les pratique.

4L’objectif de cet article est de présenter la problématique d’un « Nous » musical à partir d’un répertoire chanté, les bhīmgīt9. Il est pratiqué par des intouchables convertis au bouddhisme, les mahār, et constitue un élément fédérateur exprimant l’héritage de leurs luttes sociales. Le cas d’une mélodie empruntée à une musique de film de l’industrie du cinéma de Mumbai (Bollywood) permettra de développer une analyse musicologique contribuant à caractériser une pratique musicale et l’esthétique qui y est associée.

5Cet article constitue la première étape « ethnomusicologique » d’un travail plus large réalisé en collaboration avec Joël Cabalion10. En effet, l’analyse du matériau musical ne peut se substituer à une étude structurelle du répertoire et de sa pratique qui sera mise en perspective avec les autres musiques intouchables et les musiques « populaires » du Maharashtra. Elle étayera ainsi un travail sociologique d’explicitation des pratiques culturelles en rapport avec les dynamiques sociales spécifiques aux mahār11.

6Contexte de l’étude et données socio-historiques :

Les bouddhistes mahār

7Les mahār vivent essentiellement au Mahrashtra, le deuxième État le plus peuplé de l’Inde avec plus de 96 millions d’habitants12. Il est situé au centre Ouest du pays et s’étend d’Ouest en Est de la côté de la mer d’Arabie, où se trouve sa capitale Mumbai (autrefois Bombay), jusqu’à la région considérée comme étant le centre géographique de l’Inde et dont la ville principale est Nagpur.

8L’histoire des mahār est emblématique des nombreux combats politiques anti-brahmanes des XIXe et XXe siècles13. Ils ont d’ailleurs depuis rejeté le terme de mahār, trop associé à leur statut antérieur dans la hiérarchie hindoue, pour lui préférer celui de « Bouddhistes » ou éventuellement celui de dalit (« écrasé » en marathi) qui s’inscrit dans un registre sociopolitique plus large et plus combatif14. Ils sont également connus pour leur conversion massive au bouddhisme en 1956, à Nagpur15, sous la houlette de Bhimrao Ambedkar que l’on considère comme le père de la constitution indienne, mais qui est avant tout le leader politique et le héros de leur caste.

9Avocat formé en Angleterre, Ambedkar est à la fois le rédacteur principal de la constitution et militant pour la sortie des intouchables du système de castes. Décédé en 1956, il est depuis devenu une figure emblématique de l’identité mahār, souvent même objet de culte16. La conversion massive au bouddhisme qu’il a organisée ainsi que la priorité donnée à l’éducation ont largement contribué au renforcement d’une élite urbaine et à de grands déplacements de population.

10Les bouleversements sociaux auxquels ont pris part les mahār au cours du XXe siècle ont également été accompagnés par l’affirmation de pratiques culturelles spécifiques : littéraires, musicales, etc. dont les contextes et les thématiques contribuent à leur ancrage dans la conscience politique et religieuse des mahār bouddhistes. Ainsi, les bhīmgīt représentent un très bon exemple de cette affirmation d’une identité culturelle et politique mahār.

Musiques mahār et bhīmgīt

11Les musiques dites mahār, à la différence des bhīmgīt, renvoient de manière explicite à des formes musicales hindoues, en particulier par leur contenu textuel. A en croire Indira Junghare, elles se déclineraient selon trois grands genres musicaux : les chants de la meule (ovi), les berceuses (pālanā) et les « chants populaires » (lokgīt, traduction littérale)17. Les chants de la meule, chants de travail des femmes intouchables du Maharashtra, ont été étudiés en profondeur par Guy Poitevin et Hema Rairkar qui décrivent l’émergence d’un sujet autonome dans la poésie des femmes mahār, souvent associé au personnage d’Ambedkar18.

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Un chanteur mahār professionnel,Parmeshwar

12Les bhīmgīt renvoient encore plus explicitement au mouvement historique des intouchables du Maharashtra. Elles constituent un élément fédérateur important dans l’affirmation d’une conscience politique des bouddhistes mahār. Elles sont issues du milieu urbain et essentiellement pratiquées par des hommes. Leurs textes chantés sont composés en marathi standard.

13Leur contenu, souvent politique, renvoie à l’émergence de la littérature « Dalit » Marathi que Sharankumar Limbale relie aux premières actions d’Ambedkar19. Cette littérature aspire à se distinguer des écrits des hautes castes par la perspective qu’elle donne sur les intouchables et par une prise de distance avec les références à l’univers culturel hindou au profit du bouddhisme20. Mais la tradition orale des intouchables du Maharashtra peut être retracée jusqu’au XIVe siècle avec Chokhamela. Poète associé au mouvement dévotionnel bhakti21 et originaire de la ville de Pandharpur au Maharashtra, il est associé au culte du dieu Vitobha dont il chante les louanges tout en dénonçant la condition intouchable et la domination des Brahmanes22. Récemment, les mahār ont pris une certaine distance avec Chokhamela et ce pour une série de raisons complexes. Toutefois le poète conserve une influence subtile sur l’œuvre littéraire actuelle23.

L’emprunt d’une mélodie de Bollywood

14Parmeshwar est issu de plusieurs générations de familles paysannes. Il chanta pendant de longues années dans un groupe de « spectacles » (traduction littérale de tamāśā), lors des fêtes calendaires hindoues et bouddhistes. Son répertoire se compose essentiellement de « poésies » (śāyarī, chantées lors des tamāśā) et de bhīmgīt.

15La pièce par laquelle il entame notre première séance d’enregistrement s’avère être inspirée d’une musique de film Bollywood. Il s’agit de la chanson « Tum dil kī dhakan mẽ » (« Toi, dans les battements de [mon] cœur »), tirée du film Dhakan24. Selon Parmeshwar, c’est un chanteur bouddhiste qui a transformé la chanson originale pour en faire une bhīmgīt, lui donnant un nouveau texte ; un grand nombre d’entre elles seraient d’ailleurs basées sur des musiques de films.

16En empruntant cette mélodie d’un film Bollywood, les mahār ne manipulent pas qu’un ensemble de hauteurs sonores, de rythmes et de mots. Ils s’approprient également des éléments symboliques ancrés dans le monde social ; il pourrait ici s’agir du prestige essentiellement suscité par l’énorme succès populaire de ces musiques et de leur diffusion jusque dans les endroits les plus reculés de l’Inde.

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Parmeshwar en enregistrement (Joël Cabalion, 2008).

17La littérature scientifique indianiste est assez fournie sur les processus socio-musicaux d’emprunts qui sont très courant dans la musique Bollywood, s’inspirant de diverses sources musicales et étant également objet de multiples emprunts25. Cependant, elle ne se penche que très peu sur les implications musicologiques de ces phénomènes. Derrière l’argument d’une prédominance du texte dans l’essentiel des « folk music » du sous-continent, les transformations musicales mises en œuvre dans les processus d’emprunts sont peu évoquées, voire passées sous silence.

18Cependant, une analyse musicologique comparée de l’objet et du produit de cet emprunt permet de mettre en évidence le processus d’adaptation d’un ensemble mélodico-rythmique (et éventuellement textuel) à des choix esthétiques et symboliques dans le cadre d’un répertoire et d’une culture donnée. La mise en évidence de caractéristiques stylistiques significatives par les permanences et les variations musicales et textuelles entre les deux pièces est rendue possible par l’étude de paramètres comme la structure rythmique, l’échelle, l’ornementation, les techniques vocales, les questions d’harmonie mais aussi par l’analyse d’éléments comme le timbre et le contenu textuel26.

Présentation des pièces analysées

Tum dil kī – La version Bollywood.

19La chanson Tum dil kī dhakan mẽ est construite autour de trois thèmes. Le premier, qui constitue l’introduction a cappella, est répété plus d’une dizaine de fois tout au long de la pièce. Quatre vers différents sont posés sur cette phrase mélodique. Cependant, seul le vers tum dil kī dhakan mẽ rahate ho rahate ho (« Tu habites les battements de mon cœur ») constitue le refrain de la pièce27 :

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20Elle est construite sur 8 temps et est élaborée sur une progression harmonique implicite. Un seul instrument harmonique, une mandoline, est introduit à la fin de la pièce, sur la phrase présentée-ci dessus. On peut schématiser son jeu ainsi : Ré - Ré - Do#m - Ré. Il se différencie de la transcription solfégique disponible dans un recueil de « film songs » publié en Inde. La progression harmonique de la phrase de refrain est indiquée comme : Ré - Mi/Ré - La/Mi - Mi/Ré. Le caractère harmonique est très fréquent dans le cadre des musiques de film qui ont été inspirées dès les années quarante par la musique harmonique des chrétiens de Goa (pour Bollywood) ainsi que par les musiques occidentales28.

Tum dil kī – La version Mahār

21La chanson Tum dil kī – sonulyā bāā re comporte trois phrases mélodiques distinctes mais seule la première d’entre elles reprend l’ensemble du déroulement mélodique du refrain de la chanson originale. Cette phrase est également construite sur 8 temps et reprise onze fois au cours de la pièce avec cinq vers différents :

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22Le vers qui semble faire office de refrain29 peut être translittéré ainsi : sonulyā āre vãdan kara tu vãdan kara (« Mon petit chéri, rend hommage »). Il est chanté six fois sur les onze variantes. Il constitue la référence de la transcription synoptique (annexe II) et, bien qu’il subisse de nombreuses transformations, la phrase mélodique associée à ce vers est similaire à la précédente du point de vue de la progression mélodique et des rapports de durée :

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23Les deux autres phrases mélodiques variées font références, de manière plus allusive, au « Tum dil kī » de Bollywood. La première est conclue par un mouvement mélodique similaire à celui emprunté :

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24Le second présente une variante évoquant la mélodie empruntée quand celle-ci « égrène » les notes d’un accord de Ré majeur (début du deuxième système sur la transcription) :

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Approches Comparatives

Hauteurs, tempérament musical et sentiment harmonique

25Une première écoute des deux pièces procure à l’auditeur « non-indien » un sentiment d’étrangeté provoqué par l’opposition entre une reconnaissance nette de la similarité mélodico–rythmique et la perception du contraste stylistique entre les deux versions. La monodie mahār nous surprend, là où la version de Bollywood nous entraîne sur un terrain perçu comme familier, « formaté » et, somme toute, assez neutre.

26Un des points parmi les plus marquants est l’absence de sentiment harmonique à l’écoute de la version mahār. Alors que la version Bollywood repose sur une progression harmonique assez simple, Parmeshwar, lui, ne semble pas tenir compte de ces repères et parait progresser dans le cadre d’une conception radicalement différente de la musique.

27La progression harmonique n’est pas toujours évidente à percevoir dans le cas d’une mélodie chantée a cappella. Cependant, le cas qui nous intéresse ici présente une particularité mélodique mettant clairement en évidence son caractère harmonique. Sur les temps 1 & 2 ainsi que sur les temps 5 & 6, le thème reprend les deux accords parfaits de la progression harmonique, ce qui la rend plus explicite encore :

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28La version mahār est élaborée à partir des mêmes notes sans toutefois susciter le même sentiment. Une analyse de leurs fréquences pour l’ensemble des onze variantes permet de corroborer l’impression initiale.

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29La mesure des hauteurs moyennes à partir des représentations du contour mélodique et leur transcription en cents permet de constater une forte variabilité des hauteurs et l’absence de régularité entre les rapports de quinte et de tierce. On ne peut ainsi dégager ce que l’on pourrait qualifier « d’accord parfait tempéré ».

30Apparaît alors une nette différence entre les deux versions, l’une s’attache à une grille harmonique, l’autre développe une approche purement mélodique. Il ne s’agit pas d’affirmer que les musiciens mahār se sont volontairement affranchis de ces intervalles qui les rattachaient à un genre musical bien différent du leur mais il semble que, dans le cadre de cette appropriation, leur écoute n’ait pas retenu ce critère musical comme pertinent, l’écartant « naturellement » par un traitement différent des hauteurs. Le tempérament de la version mahār est donc nettement distinct de celui de la version originale. Le sentiment harmonique, évident dans la musique de film (qui est, d’une certaine manière, « formatée » et très influencée par la musique « pop » occidentale), est ici absent.

31Le respect des intervalles de la version originale de « Tum dil kī » aurait conservé un caractère tempéré étranger à l’esthétique des bhīmgīt. De même, les échelles d’autres pièces chantées par Parmeshwar sont également non-tempérées, suggérant une approche modale ; hypothèse qui sera étayée dans la suite de l’analyse. Les divergences d’approche en matière de hauteurs sont loin d’être les seules et permettent d’entrevoir l’importance des mécanismes d’adaptations qui s’expriment dans le cadre de ce phénomène d’emprunt.

Présentation des textes et rapport à la phrase mélodique

32Le texte original se décline selon les thématiques classiques du genre filmique musical de la séduction et de l’amour30. La version mahār s’en éloigne radicalement ; le texte étant destiné à un enfant nommé Sopan à qui on narre le parcours d’illustres personnages de l’histoire de l’Inde qui ont lutté pour une certaine idée de l’égalité, s’opposant ainsi au système des castes hindoues. Ambedkar y tient une place centrale, inspiré dans son combat politique par d’autres personnalités telle Bouddha31.

33Le chanteur mahār ne reprend le texte du refrain de la pièce de Bollywood qu’à une seule occasion. Une fois cette première phrase chantée, Parmeshwar ne reviendra plus au texte original et passe de l’hindi – urdu au marathi. Comme dans la version Bollywood, les vers ne sont pas basés sur une métrique fixe. Ceci entraîne un certain nombre d’adaptations, d’ordre essentiellement rythmique.

34De ces variations découle une différence fondamentale de l’utilisation de la phrase mélodique. En effet, la version mahār se base sur une variante de la phrase empruntée (A2), et non sur la variante la plus proche de la version originale (A1)32. Elle présente de nombreuses différences rythmique et mélodique, par rapport à l’original. Faisant office de « refrain » et étant utilisé comme référent par rapport aux autres variantes (excepté pour A6 et A7, plus proches de A1), ce procédé permet d’accentuer la distinction entre l’objet et le produit de l’emprunt. Il contribue à renforcer la distinction de la version mahār par rapport à la pièce originale33, suggérant presque une utilisation de la mélodie de Bollywood sur le principe de la simple citation/évocation.

Procédés de variations et techniques ornementales

La version Bollywood

35L’analyse de la transcription paradigmatique de la version de Bollywood révèle d’emblée que le nombre de procédés de variation appliqués à la phrase mélodique étudiée est relativement réduit. C’est plutôt le texte qui apparaît être à l’origine de l’essentiel de ces procédés de variation. En effet, la répétition de la phrase mélodique sur le même vers est, bien souvent, reproduite à l’identique.

36Seule la note conclusive de la première section de la phrase (le fa# sur le quatrième temps) semble subir des procédés ornementaux indépendamment des changements de texte et relevant de l’ordre du « simple » embellissement. Ils sont de deux types : le premier consiste en un rapide aller et retour entre la note pivot et le ton supérieur (« mordant ») ; le second est caractérisé par un motif un peu plus complexe amenant à la note pivot.

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37Le monnayage rythmique constitue donc l’essentiel des variations. Il est strictement calqué sur la prononciation du texte et se limite à des transformations de rapports de durée de l’ordre de un pour deux. On peut également noter un cas de variation de hauteur au troisième temps de la variation 1 où un nombre plus limité de syllabes entraîne une présentation plus « synthétique » de la phrase mélodique, d’où l’éviction (ou le remplacement) du fa# au profit du mi. ; cette note constitue l’essentiel du mouvement mélodique amenant au fa# du quatrième temps : sol# - (fa#) - mi - fa#.

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Comparaison, dans la version Bollywood,
entre la phrase mélodique de référence
et un cas de monnayage rythmique.

La version mahār

38Comme exprimé précédemment, c’est sur A2 que se centre la version mahār :

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39La phrase mélodique conserve toujours l’essentiel du parcours mélodique caractéristique de la phrase, bien qu’incluant un nombre plus important de procédés d’ornementation que dans la variante A1. Plutôt que de procédés de monnayage rythmique ou de variation de hauteur à proprement parler, il semble s’agir de « modes d’approche » quasi systématiques des notes pivots de la phrase.

40Les procédés d’ornementation de la version mahār sont caractérisés par une approche de la hauteur pivot par un ensemble de micro-mouvements ascendants et descendants. L’ambitus de ces ornements dépasse rarement la seconde majeure (du ton au dessus au ton en dessous).

41Trois motifs ornementaux reviennent de manière récurrente dans la version mahār. Ils portent sur les temps 2, 4 et 6 :

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42Par rapport à l’ornementation de la version filmique qui semble très proche du « simple » embellissement, la version mahār présente une constance au fil des onze variantes. Ceci amènerait à supposer que, d’une manière proche des musiques classiques de l’Asie du Sud, les mouvements mélodiques que nous avons qualifiés d’ornementaux sont en réalité consubstantiels des hauteurs auxquelles elles sont associées. Cependant, cette hypothèse nécessite, pour être confirmée, que l’on prenne en compte le traitement des mêmes degrés dans les autres phrases mélodiques de la pièce mahār.

43Une seule des deux autres phrases mélodiques de cette version présente une ornementation aussi développée que dans la précédente, en voici deux variations :

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44Elle est répétée six fois pendant la pièce et comprend une ornementation autour du Fa#. On distingue trois possibilités, la seconde étant identique à l’ornement du temps 4 de la phrase étudiée précédemment, la première et la troisième fonctionnant « en miroir » l’une par rapport à l’autre :

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45L’étude d’autres bhīmgīt tend à corroborer l’idée d’un rapport étroit entre degré et mouvements ornementaux. La validation de cette hypothèse nécessitera cependant la poursuite d’un travail d’enquête plus large qui fera l’objet de futures publications.

46L’analyse des différents procédés de variations de la phrase mélodique dans la version mahār de « Tum dil kī » suscite deux remarques importantes :

  • Le texte a une influence déterminante sur le monnayage rythmique et la variation des hauteurs : D’un côté, les variations d’ordre mélodique au niveau des notes pivots sont peu nombreuses ; de l’autre, on assiste à de nombreux procédés de monnayage rythmique qui sont fortement corrélés aux changements de textes sur la phrase mélodique.

  • On distingue un certain nombre de procédés ornementaux relativement stables et non interchangeables, au sens où ils sont toujours situés sur le même segment de la phrase mélodique. Leurs mouvements sont relativement homogènes pour chaque degré concerné. Ce type d’approche de l’ornementation peut être mis en perspective avec la conception de l’ornementation comme mode d’approche des degrés, dans la musique classique indienne34.

47Ces procédés musicaux utilisés dans la version mahār contribuent à marquer une nette spécificité de la conception et de la progression mélodique par rapport à la version Bollywood.

Étude du « timbre causal »

48Cette analyse repose sur l’étude de deux phrases mélodiques aux textes similaires35 ; ce qui permet de mettre de côté un certain nombre de perturbations sur la composition du spectre.

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49    tum dil kī    dha- -kan-mẽ      raha-te ho  raha te ho.

Version Bollywood.

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50    tu-m di-l kī     dha--ka – n mẽ raha – te ho ra-ha te ho.

Version mahār.

51Les deux musiciens chantant en voix de poitrine, c’est avec la répartition de l’énergie sur l’ensemble du spectre que les sonagrammes nous fournissent quelques indices sur le timbre de la voix (du moins en temps que « timbre causal ») :

52Dans la version Bollywood, l’essentiel de l’énergie se situe au dessus de 4KHz (et est importante jusqu’aux alentours de 15KHz). Dans la version mahār, l’essentiel de l’énergie est située au dessous de 5KHz.

53Sur une échelle plus petite (spectre jusqu’à 1, 5KHz), dans la version Bollywood, c’est essentiellement la composante 1 qui concentre l’énergie. Dans la version mahār, c’est plutôt la composante 2, voire parfois la 3, qui concentrent le plus d’énergie.

54Ces deux faits ne sont probablement pas dus à des facteurs d’ordre formantique (qui dépendent de la prononciation des voyelles), mais plutôt à des raisons liées aux timbres des deux voix et aux techniques des deux chanteurs. Les différences constatées à 15KHz sont essentiellement dues au fait que le chanteur de Bollywood, dans la partie a cappella, est à la limite du chuchotement. Ce type de technique est caractérisé par un renforcement des hautes fréquences du spectre36.

55Sur le spectre resserré à 1, 5KHz les différences constatées sont, selon les acousticiens, en relation avec la formation vocale des chanteurs et de la nature de leur pratique musicale. Un musicien qui se trouve fréquemment confronté à des situations où il doit chanter en milieu extérieur ou dans de grandes salles, parfois sans amplification, doit recourir à des techniques de voix particulières, développant un « formant fixe » dans la zone de sensibilité de l’oreille37 ou renforçant la quinte correspondant à l’harmonique trois38. C’est ainsi que Parmeshwar chante avec la partie inférieure de son ventre. Sa voix étant renforcée sur les composantes les plus « puissantes » du spectre, ce qui permet une meilleure « portée » du son.

56Il n’est pas étonnant de trouver un profil différent chez un chanteur de Bollywood : musicien de studio que les technologies d’amplification ne confrontent pas à la même nécessité qu’un musicien, « exerçant » en milieu rural, a de développer sa puissance vocale.

Conclusion

57L’exemple musical étudié a permis d’étayer l’idée d’une pertinence du concept d’emprunt comme appropriation transformatrice d’une altérité musicale.

58En s’appropriant cette chanson de Bollywood, les musiciens mahār opèrent une conversion d’un système musical et littéraire vers un autre. Dans l’étude présentée, la transformation au niveau musical se caractérise par :

59Le passage d’un chant construit sur une base harmonique à une musique purement mélodique.

60La distanciation par rapport au thème d’origine en prenant comme référence une variante à l’organisation syllabique et musicale spécifique (A2).

61L’utilisation de l’ornementation dans une conception fondamentalement distincte de celle de l’embellissement.

  • Les éléments musicaux auraient, évidemment, pu être mis en valeur par une analyse musicologique systémique indépendamment de ce contexte d’emprunt. Cependant, elle n’aurait probablement pas permis d’en apprécier toute l’importance au sein du système musical des bhīmgīt.

  • Il ne s’agit pas simplement d’une « récupération » de mélodies populaires auxquelles seraient accolés de nouveaux textes, mais bien d’une forme musicale spécifique dont le concept d’harmonie est exclu, où l’ornementation constitue un des piliers de la structure mélodique et où les hauteurs sont nettement distinctes du système tempéré.

  • Cependant, la proposition méthodologique que constitue cet article ne saurait ignorer la multiplicité des paramètres d’ordre sociologique dans l’organisation de ces musiques et dans les enjeux sociaux de l’emprunt. Comme le contexte socio-politique particulier des bhīmgīt le suggère, il sera essentiel de poursuivre l’analyse de ce genre musical à travers la dynamique sociale à laquelle il appartient. L’élargissement de l’angle d’analyse et l’extension du travail d’enquête permettront également de préciser, dans de futurs travaux, les modes d’emprunt et les sources d’inspiration propres à l’élaboration des bhīmgīt.

Annexes

I. Traductions des chants

Version mahār :

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Version Bollywood39:

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II. Transcriptions paradigmatiques des deux versions de Tum dil kī

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Ex. II. a. Transcription des variantes de la phrase empruntée – version Bollywood

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Notes   

1  Cf. L. Dumont, Homo Hierarchicus, Gallimard, 2001 [1966].

2  F. Barth, Ethnic Groups and Boundaries, Scandinavian University Press, 1998 [1969], p. 19.

3  Sur cette notion, cf. P. Bourdieu, Le sens pratique, Les Éditions de Minuit, 1980, pp. 117 & 124.

4  Pour une discussion sur cette question, cf. D. Mosse, « South Indian Christians, Purity/Impurity, and the Caste System : Death Ritual in a Tamil Roman Catholic Community », The Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. II, N° 3, 1996, pp. 461-483. Pour des exemples dans le contexte de l’Islam en Asie du Sud, cf. M. Gaborieau, Un autre Islam : Inde, Pakistan, Bengladesh, Albin Michel, 2007.

5  Pour des exemples précis, on peut se référer à D. Neuman & Al., Bards, Ballads and Boundaries : An Ethnographic Atlas of Music Traditions in West Rajasthan, Berg, 2007 ; C. Guillebaud Le chant des serpents. Musiciens itinérants du Kerala, CNRS Éditions, 2008.

6  Tous les mots issus du hindi et du marathi ont été translittérés suivant la norme IAST (International Alphabet Sanskrit Transliteration) à l’exception des voyelles nasalisées qui seront indiquées suivant les standards actuels des indianistes par le symbole suivant : « ˜ ». Pour une vue d’ensemble sur la question, cf. A. Montaut, « Phonology », article en ligne : http://laurentmaheux.free.fr/linguistique/phonologie-hindi.pdf.

7  On le constate par exemple à travers la diversité sociale des personnes impliquées dans l’élaboration des musiques de film à Bombay, du moins du point de vue de l’appartenance religieuse et de la caste.

8  Ce dernier terme est couramment utilisé en Inde, aussi bien par les musiciens que par les musicologues.

9  Le term bhīm fait référence au prénom du leader historique Bhimrao Ambedkar ; gīt signifie « chant ».

10  Doctorant en sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), réalisant une thèse intitulée « Gestions politiques et conflits autour d’un barrage indien : les enjeux socio-économiques de la réorganisation sociale à Ambhora Khurd, village du Maharashtra », sous la direction de Catherine Servan-Schreiber et Marie-Caroline Saglio-Yatzimirski.

11  Cette étude a déjà été entamée dans la région de Nagpur et de Mumbai. Elle se déploiera entre 2009 et 2011 quand seront visitées plusieurs villes importantes du Maharashtra (Mumbai, Pune, Beed, Aurangabad, Nagpur, Kolhapur) dans l’objectif d’y procéder à des entretiens et enregistrements de répertoires chantés.

12  Ces données sont issues du recensement de 2001, dernier en date.

13  Cf. E. Zelliot, « The Nineteenth Century Background of Mahar and Non-Brahman Movements in Maharashtra », The Indian Economic and Social History Review, Vol VII, N° 3, 1970, pp. 397-415.

14  Pour une description ethnographique plus détaillée de cette « polyphonie des voix » au sein des mahār concernant les termes d’auto-désignation, cf. J. Beltz, Mahar, Bouddhiste et Dalit : conversion religieuse et émancipation socio-politique dans l’Inde des castes, Studia Religiosa Helvetica, 2001.

15  La région de Nagpur, que l’on désigne également sous le terme historique de vidarbha, est un lieu essentiel et symbolique des mobilisations anti-castéistes. Ce fait est en partie dû à la forte proportion numérique des mahār : 20 % dans cette région, contrairement à celle du Konkan où ils ne seraient que 3 à 4 %. Cf. Zelliot Eleanor, From Untouchable to Dalit, Manohar, 2001 [1992].

16  Sur Bhimrao Ambedkar, cf. C. Jaffrelot, Le docteur Ambedkar : leader intouchable et père de la constitution indienne, Presses de Science Po, 2000. Pour une sélection cohérente et riche de certains de ses textes principaux, cf. R. Valerian (Ed.), The essential writings of B.R. Ambedkar, Oxford University Press, New Delhi, 2002. Sur la question de la représentation d’Ambedkar, cf. N. Jaoul, « Learning the use of symbolic means. Dalits, Ambedkar statues, and the state in Uttar Pradesh », Contributions to Indian Sociology, vol. XL, n° 2, 2006, pp. 175-207.

17  Cf. I. Junghare, « Songs of the Mahars : an Untouchable Caste of Maharashtra, India », Ethnomusicology, vol. XXVII, N° 2, 1983, pp. 271-295 et « Dr Ambedkar : The Hero of the Mahars, Ex-Untouchables of India », Asian Folklore Studies, Vol XLVII, N° 1, 1988, pp. 93-121.

18  Cf. G. Poitevin, Le chant des meules : de la piété des paysannes à la philosophie de swamis, Kailash, 1997 et « Un stylo en or : Des paysannes intouchables chantent Ambedkar leur libérateur, Poétique d’une mémoire de soi », publié par Bernard Bel, en ligne,  http://hal.archives-ouvertes.fr/ccsd-00005792.

19  Cf. S. Limbale, Towards an Aesthetic of Dalit Literature : History, Controverses and Considerations, Traduit du Marathi par Alok Mukherjee, Orient Longman, 2004, pp. 24-25.

20  Cf. S. Limbale, op. cit., chapitre 4.

21  Le terme peut être lui même traduit par « dévotion ».

22  Sur l’œuvre de Chokhamela et de sa famille, cf. C. Vaudeville Myths, Saints and Legends in Medieval India, Oxford University Press, 1996, section II, chapitre 2.

23  Sur la place de Chokhamela dans les mouvements politiques et culturels actuels, cf. E. Zelliot, « Sant Sahitya and its Effects on Dalit Movements », in Intersections : Socio-Cultural Trends in Maharashtra, Meera Kosambi (Ed.), Hyderabad : Orient Longman, 2000, pp. 187-193.

24  Dhakan est un film réalisé en 2000 par Dharmesh Darshan. La musique a été dirigée par Nedeem Shravan.

25  Cf. par exemple G. Booth, Brass Baja : Stories from the World of Indian Wedding Bands, Oxford University Press, 2005 ; E. Grimaud, Bollywood Film Studio : ou comment les films se font à Bombay, CNRS Editions, 2003 ; I. Junghare, « Songs of the Mahars… », op. cit. ; P. Manuel, « Popular Music in India : 1901-86 », Popular Music, Vol VII, N° 2, 1988, pp. 157-176. et Cassette Culture : Popular Music and Technology in North India, The University of Chicago Press, 1993 ; S. Marcus « Recycling Indian Film Songs : Popular Music as a Source of Melodies for North Indian Folk Musicians », Asian Music, vol. XXIV, N° 1, 1993, pp. 101-110.

26  Sans toutefois faire l’objet d’une étude linguistique détaillée qui n’entrerait pas dans le cadre de cet article.

27  Les transcriptions dans cet article sont indicatives et données au lecteur pour appuyer une analyse qui a été réalisée à partir d’outils d’acoustique musicale. L’armure a été utilisée par convenance. Le logiciel ne permettant pas d’indiquer les textes chantés avec leurs diacritiques, les translitérations ne sont données qu’au fil de l’article et dans les annexes avec l’intégralité des textes. Toutes les transcriptions et autres références aux pièces ont été transposées sur le Ré initial de la version mahār.

28  T. Skillman, « The Bombay Hindi Film Song Genre : A Historical Survey », Yearbook for Traditional Music, vol. XVIII, 1986, 135.

29  En comprenant ici cette notion de la manière la plus large possible, comme une phrase mélodico-rythmique relativement fixe répétée tout au long de la pièce.

30  Cf. texte et traduction en annexe I.

31  Ibid.

32  Cf. Annexe II.b.

33  Cette idée fait écho à celles de N. Fernando, « La construction paramétrique de l’identité musicale », Cahiers d’ethnomusicologie, vol. XX, 2007, p. 59 et suivantes.

34  Pour une étude de la question en français, cf. F. Auboux, L’art du raga : la musique classique de l’Inde du Nord, Minerve, 2003, p. 79. Cependant, ces deux musiques sont historiquement et sociologiquement très distinctes. Il n’est donc pas question à ce stade de la recherche de supposer qu’elles puissent partager des éléments communs de structure musicale

35  Le refrain de la version Bollywood et la variante A1 de la version mahār.

36  Discussion avec Charles Besnainou, chercheur au Laboratoire d’Acoustique Musicale (LAM) de Jussieu, dans le cadre de la formation d’acoustique musicale du CNSMDP.

37  Cf. Castellengo « Cours d’acoustique musicale », formation du CNSMDP, 2002, p. 227

38  Discussion avec Charles Besnainou.

39  Texte réalisé à partir d’une traduction d’Angel Mumtaz, http://www.fantastikasia.net/bollywood-lyrics.php3 ?id_article =379&id_rubrique =26 ; page consultée le 8 mars 2007.

Citation   

Julien Jugand, «De Bollywood au chant des mahar. Analyse d’un cas d’emprunt musical au Maharashtra, Inde», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, L'individuel et le collectif dans l'art, mis à  jour le : 07/07/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=252.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Julien Jugand

Julien Jugand est en deuxième année de doctorat d'ethnomusicologie dans le cadre d'une co-direction entre l'université Paris X-Nanterre, sous la direction de G. Tarabout (DR, CNRS, CEIAS), et l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (SHP), sous la direction de F.'N.' Delvoye (DE, EPHE-SHP), rattaché à l'équipe EPHE EA 2719. Il est également membre du Centre de Recherche en Ethnomusicologie (CREM/LESC-UMR 7186). Son travail de thèse porte sur le patronage musical dans la plaine gangétique (essentiellement Bénarès) dans une perspective historique remontant jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Il travaille également sur des répertoires de musique Mahar au Maharashtra et sur les oeuvres occidentales de Ravi Shankar. Membre de l'association ethnomusiKa (ethnomusika.org), il est guitariste de formation classique, arrangeur et dirige un orchestre de guitares depuis plusieurs années. Il a commencé un apprentissage du sitar à Bénarès.