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World music : un objet virtuel ?

Christian Corre
mai 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.180

Résumés   

Résumé

On commence à mesurer aujourd’hui quels effets peuvent produire, dans le champ artistique, l’idée de « mondialisation » ; mais un seul art dispose déjà d’un vocable directement adapté à la situation : la musique, avec la catégorie de « world music ». Encore largement ignorée des musicologues –en raison de sa proximité ambiguë aussi bien avec la « variété » qu’avec les musiques dites encore « traditionnelles » - la « world-music est pourtant, en dépit de son extrême vulgarisation, un nouveau concept (au sens à la fois esthétique et commercial) qui demande à être pensé pour lui-même. Le présent article entend interroger, à travers lui, quelques formes inédites de collusion entre champ musical et (géo)politique, mythes post-modernes et réalités récentes (humanitaire, technologie). Il espère aussi y repérer la naissance d’un nouveau « symbole du monde » (au sens d’Eugène Fink), auquel seul le médium-musique peut donner consistance.

Abstract

Today, one can begin to gauge the effects of the notion of ‘globalisation’ in the artistic field; but, only one art has at its disposal a term directly adapted to the situation: music, with its category of ‘world music’. Largely ignored by musicologists up to now (due to its ambiguous proximity to commercial music as well as to traditional music), ‘world music’ is, in spite of its extreme popularisation, nevertheless a new concept (in the aesthetic and commercial meanings) that requires its own line of thought. The present article aims at querying through it some hitherto unprecedented forms of involvement between musical and (geo)political fields, between postmodern myths and recent realities (humanitarian, technological). It also hopes to situate here the birth of a new ‘world symbol’ (in the sense of Eugène Fink), to which only the medium of music can give substance.

Index   

Texte intégral   

À mes étudiants (Séminaire de Master 2005/2006)
« - À quand la samba serbe, le tango Inuit, les ragas scandinaves, le rap berrichon, le kabouki touareg, les maquams thaïlandais, le koto tzigane, le berbère-breizh…
- ça existe déjà !…
- Le blues mongol, le flamenco japonais…
- ça existe aussi ! »
Propos entendus au Satellit Café.

1La World Music n’est plus vraiment un phénomène nouveau dans notre univers musical ; on n’en dira pas autant du champ des études qui lui sont consacrées, et qui, peu à peu, est en train d’« émerger »1 sous nos yeux. En dépit du caractère hétérogène et très inégal du corpus, on assiste bien au dévoilement progressif d’un chantier intellectuel immense, mais dont le sol est loin d’être stabilisé. Le terme même de « World Music » prête à confusion. Il est commode de s’en tenir à ce qui, en lui, ne désigne qu’un secteur du marché du disque, une catégorie fourre-tout reflétant davantage les désirs du consommateur qu’une réalité musicale déterminée. Mais cela revient aussi à figer prématurément un objet encore mal défini. En même temps, l’idée de mondialisation, qu’il semble véhiculer malgré lui, rend problématique une approche musicologique pure. Avec Denis-Constant Martin, on la comptera plus volontiers au nombre des « objets politiques non-identifiés » (ou « OPNI »). Pour l’heure, et plus modestement, le présent texte se propose d’interroger le vocable en lui-même – World Music. Les échos éveillés par ce mini-syntagme sont infinis, indépendamment des innombrables cas qu’il recouvre ; ils résonnent en amont (du côté d’une histoire culturelle récente), et en aval, en direction de ce que nous tenterons d’approcher comme une utopie. Mais il faut au préalable rappeler quelques éléments de débat.

1

2World Music donc : au-delà du premier contact – vertigineux – le projet de compréhension du concept est d’abord intimidant pour des raisons internes, les moyens dont nous disposons, ou que le moment nous impose, ressemblant plus à des obstacles qu’à des outils d’interprétation. Même là où des localisations précises, des situations musicales spécifiques sont encore repérables, et susceptibles d’approches singulières, les notions de « métissage », « identité », « différence », « mondialisation » même, tendent à affaiblir, à force de banalisation, les problématiques dégagées. Slogans inéluctables dans la quotidienneté du journalisme politologique comme dans celle de la critique spécialisée, de tels maîtres-mots, transposés dans le verbe universitaire, gardent quelque chose de leur valeur incantatoire, aux dépends des vertus opératoires qu’on attendrait d’eux. C’est pourquoi, d’entrée de jeu, il importe de les suspecter comme vecteurs idéologiques. Le « métissage » surtout, dans lequel Philippe Gumplowicz a bien vu un « paradoxe constant », d’ailleurs moteur de son succès : l’apologie du nomadisme et du mélange ne cessant de reconduire, sous forme inversée, un fétichisme des racines et des « souches » toujours aussi douteux2. En revanche, les efforts de distinctions terminologiques poursuivis par Alexis Nouss (entre « métis » et multiculturel, transculturel, interculturel, hybride, etc…) permettent d’entrevoir un affinement prochain de la notion3.

3Autre difficulté, elle aussi soulignée de longue date : les frontières plus ou moins poreuses qui séparent – tout en les rapprochant – la World Music des autres musiques, et qui défient de plus en plus toute classification simple. Le cas des musiques « traditionnelles » peut être considéré comme le cas le plus proche – pas forcément le plus facile. Si le terme de « matériau » n’était pas un peu déplacé ici, il pourrait faire la différence. Mais que de présupposés ! L’écart qui sépare telle polyphonie centre-africaine sacralisée par les élites, du dernier tube de Manu Chao omniprésent dans les supermarchés apparaît bel et bien gigantesque. D’une complexité digne de l’Ars Nova aux stéréotypes latinos les plus éculés ou, dans d’autres cas similaires, de procédures d’improvisation ou d’agencements rythmiques sophistiquées à des produits platement standardisés, l’analyse technique – du moins si l’on tient à l’appliquer équitablement – est souvent rebutée par l’inanité de bien des musiques World : leur collusion avec la marchandise se fait trop fortement sentir. À l’instar de l’intérêt principalement « sociologique » qu’on a longtemps concédé au Rock ou à la Variété, les avatars les plus industriels de la World n’en posent pas moins la question de leur description objective – la maigreur de résultats musicologiques tangibles allant de pair avec l’absence de considération institutionnelle qu’ils rencontrent.

4C’est pourquoi les questions liées à la construction de l’objet, à la définition d’un point de vue clairement dégagé de contingences socio-économiques massives, l’emportent encore, en général, sur la description et l’analyse de telle ou telle production rattachée communément au genre World. D’autres urgences dictent leur loi : il importe d’interroger les stratégies discursives qui accompagnent leur diffusion, les conditions de possibilité d’un savoir spécifique, les disciplines nombreuses où elles adviennent : ceci n’apparaît pas moins prioritaire que les observations techniques et les enquêtes sur place – les bacs de la FNAC ou de Virgin Megastore valant désormais comme autant de nouveaux « terrains »4.

5Troisième niveau de difficulté : la recherche en ce domaine semble requérir une démarche particulièrement inventive. Non parce qu’elle serait la plus adaptée, face à la complexité d’une entité aussi protéiforme ; mais en tant que, « nouvel objet » par excellence, la World Music peut remettre en cause, à plus grande échelle, domaines réservés et partages des tâches – jusqu’aux questions épistémologiques posées à la science par tout nouveau problème, toute éventualité d’un nouveau paradigme. De ce point de vue, on ne peut en vouloir aux musicologues5 de bouder encore dans leur majorité un sujet si retors. La World Music impose en effet ses caractéristiques nouvelles dans un contexte non moins nouveau, le nôtre, depuis la fin du XXe siècle : à travers elle, se révèlent des formes inédites de production de sens, de construction du monde, qui contraignent les spécialistes à sortir d’eux – mêmes. Et quand bien même ils y consentent parfois, les problèmes qu’ils doivent assumer, une fois dépassé un certain stade d’abstraction, prennent vite leur indépendance pour rejoindre le champ auquel ils n’ont jamais cessé d’appartenir sur le fond : celui des sciences sociales.

6D’où la position cruciale de l’ethnomusicologie, qui jusqu’à présent opérait la jonction entre champ musical pur et anthropologie, en articulant de façon systématique les paramètres techniques mis à chaque fois en œuvre, aux pratiques, aux organisations et aux symboliques sociales correspondantes. L’idée que la musique, comme le rire, est le propre de l’homme, et intervient significativement dans toute société humaine va forcément de soi dans la profession : mais un pas de plus est franchi lorsqu’on considère que toute musique (y compris les musiques savantes historiques) est ethnique. John Blacking, on s’en souvient6, était déjà allé loin dans cette voie : l’homme, « animal musical », la musique, « son humainement organisé en structures socialement admises », l’ethnomusicologie : « une méthode générale, et pas seulement un secteur »… Sans compter l’égale pertinence anthropologique de tous les systèmes musicaux, l’universalité de nos compétences cognitives en matière de structures sonores. Tout cela, bien antérieurement à la World, révélait précocement un réel besoin, intérieur à la discipline : celui de s’éprouver aussi comme conception du monde. Cela ne prend peut-être tout son sens qu’aujourd’hui. Pourtant, face à « la standardisation mondiale des industries musicales » on peut aussi, comme François-Bernard Mâche, souhaiter l’avènement d’une « musicologie universelle » impliquant un vrai dépassement de l’ancienne « musicologie comparée » : il importe de rendre compte à la fois des processus de différenciation qui persévèrent dans le global, et des « traits universels communs qui ont facilité la standardisation ». À l’heure de la mondialisation, les universaux de la musique ne se sont jamais aussi bien portés7

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7Pour nous tous et d’emblée, les musiques World viennent encore le plus souvent se placer sous les regards croisés de l’ethnographe et du sociologue – volontiers confondus dans la même personne –, comme si la chose leur revenait de droit. Ceci relève par trop de l’habitude. Certes, le rapport de la World aux ci-devant musiques « extra-européennes » ou « folkloriques » ne saurait être occulté ; mais jusqu’à quel point peut-on considérer ce rapport comme inaliénable ? Les cas de figure sont innombrables, et la prolifération des emprunts et des greffes, la toute-puissance de la technique confèrent au phénomène le caractère d’un processus autonome. Le devenir-World de musiques naguère – ou encore – géographiquement bien différenciées introduit pour le chercheur la dimension de l’histoire, à plus ou moins court terme (qu’on songe à une durée allant de la fin de la période coloniale à nos jours, ou aux quelques années d’existence d’un groupe musical aussi bien). Le processus s’accompagne aussi d’un changement de statut : des trésors du patrimoine sonore mondial, approchés et recueillis à grand-peine, on passe à des biens de consommation aussitôt disponibles. Reste à savoir ce qui des deux, pour la pensée, est en réalité le plus éloigné. On n’en sait rien. Et en dépit d’une uniformisation tendancielle souvent dénoncée, proximité, simultanéité, convertibilité et mixage immodéré des produits renvoient peut-être à des années-lumière d’une compréhension claire le monstre polymorphe que représente la World dans son ensemble. La World est encore jeune, mais les questions qu’elle pose sont un peu plus âgées… et exigeantes.

8Ainsi, la question de l’Autre continue d’occuper une position centrale dans toute cette configuration : mais là encore, les références à Lévinas et à Lacan, relevées par exemple sur le site du Quai Branly, ont quelque chose d’académique et de triomphaliste, qui les dessert. On ne peut que souscrire à l’idée qu’il vaut mieux « considérer l’autre comme ce que je ne suis pas, plutôt que comme un simple semblable » ; mais à quoi bon se réclamer du « symbolique » et du « signifiant », si c’est pour aboutir au constat mirifique, mais suspect, que « l’autre nous est rendu toujours plus accessible grâce à la mondialisation et aux nouvelles technologies » ? On pensera plutôt que ces dernières modifient en profondeur notre expérience de l’altérité : loin de toute transparence communicationnelle, la World music le manifeste à sa manière – et il n’y a pas de quoi se montrer aussi optimiste. Enfin, c’est faire peu de cas de l’importante tradition philosophique ici sous-entendue8, et selon laquelle l’ouverture (silencieuse…) à l’Autre est aussi expérience de l’être-au-monde. Recourir à l’« Autre » – comme d’ailleurs à la « différence » – pour traiter de problèmes d’interculturalité n’est pas illégitime, mais implique inévitablement un aplatissement, pour ne pas dire une instrumentalisation abusive – de ces concepts. Les individus comme les peuples s’en aperçoivent tous les jours : l’Autre n’est pas si disponible.

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9Comme naguère les musiques traditionnelles, la World music véhicule tout un imaginaire des lointains et des altérités, qui fait partie de sa réception esthétique, même à ses confins (musiques de film, de publicité ou de divertissement). Le « monde » auquel nous donnent accès les musiques dites du monde, avant d’être celui du néo-libéralisme ou des nouvelles technologies, est encore, pour bien des consciences (le facteur générationnel n’est pas à exclure !) le monde actuel, même s’il n’est plus du tout celui de Paul Valéry. Depuis la fin du XIXe siècle, la prise de conscience de l’étranger – et de ses musiques – s’imposait peu à peu en Occident, qu’il s’agisse de l’assujettir ou d’accepter sa « différence » : la méconnaissance, puis l’intérêt passionné pour les cultures autres, étaient liés au développement de l’impérialisme européen, lui-même bientôt dépassé, parallèlement aux mouvements d’indépendance de l’ex-Tiers-Monde, par les grandes hégémonies qu’on sait. Aujourd’hui, toute cette histoire est derrière nous : mais elle projette encore son ombre dans les esprits.

10Par exemple : reste-t-il dans la World, ne serait-ce qu’au plan de sa réception, quelque chose de ces premiers états de conscience, comme un parfum de l’ancien exotisme, la survivance d’une aura ? Les racines ne sont pas partout coupées, et au cœur de notre présent sans profondeur, certaines musiques World conservent peut-être encore cette séduction propre à ce qui, en elles, sait encore renvoyer à des traditions, même distordues et composites. Des échos assourdis de l’ancien monde nous parviennent sans doute, fût-ce au travers de bricolages technologiques aussi complaisants que bigarrés. Pour bien des oreilles contemporaines, la World music n’est pas forcément sans mémoire, ne serait-ce que par l’emploi d’inusables échelles modales ou de schémas rythmiques intégrés d’avance. Les vertus mémorielles des stéréotypes assurent même au mieux cette fonction de relais avec un passé d’avant la globalisation.

11Mais las… Les grandes figures de l’aventure se sont bien effacées : Victor Segalen est loin, et contrairement aux célèbres spleens ethnographiques d’un Lévi-Strauss ou d’un Alfred Métraux, nous ne risquons plus d’être déçus : nous bougeons surtout dans nos têtes, et les joies de la découverte sont assurées à tous les coups. L’impression est plutôt celle d’une immersion totale, instantanée et jubilatoire dans la multiplicité des idiomes sonores, même s’il existe toujours plus d’un intégriste du flamenco ou des voix bulgares. – Non : par la grâce des musiques World, la collusion de l’intime (moi et mon casque d’auditeur) et de l’universel (les échos de partout me parvenant à discrétion) ne ressuscite que dans le fantasme les anciens prestiges du voyage. Le lieu commun mondialiste selon lequel le temps s’accélère et l’espace rétrécit, n’aide nullement à une perception rapprochée des autres cultures : il les projette au contraire dans un espace artificiel, où tout peut devenir interchangeable, et surtout déréalisé.

12À cet égard, l’industrie touristique, toujours experte en déréalisation, est exemplaire du type de rapport spécial que la World institue avec le monde. Telle musique locale, compagne obligée de nos vacances, par les traits distinctifs qu’elle rassemble et les connotations qui lui sont propres, vaudra comme substitut d’un lieu ou d’un séjour en réduction. Nul besoin de recourir à la puissance d’évocation ou de réminiscence qu’on suppose être celle de toute musique : le tour de passe-passe métonymique suffit. Et si le succès des musiques World peut reposer sur l’exploitation publicitaire de leurs vertus suggestives, c’est au prix d’un malentendu, bien éclairci par Clément Rosset9 : on oublie que la musique, y compris les musiques « à forte localisation géographique », est aussi une « réalité » à part entière, qui s’affirme comme telle hors de toute représentation, et ne renvoie qu’accidentellement à autre chose qu’elle-même : « le pouvoir de suggestion de la musique ne consiste pas à évoquer une réalité ambiante mais au contraire à effacer celle-ci pour concentrer l’attention autour de sa propre et unique réalité : moins donc une suggestion « du réel » qu’une suggestion de réel ». Et de même qu’Albeniz « n’évoque pas du tout l’Espagne, mais bien la musique espagnole », tel solo de Kutsi Erguner sur son ney ne renvoie pas à la « Turquie », mais à la musique Soufie en général. Du coup, les musiques les plus délocalisées et les plus hybrides, en rendant impossible ou superflu tout enracinement univoque, ne font qu’assumer jusqu’à l’absurde ce point de vue – et d’ailleurs, dans les meilleurs des cas, elles n’y perdent pas forcément en expressivité.

13Le voyage musical aujourd’hui, c’est d’abord un déplacement parmi la profusion de biens culturels – réalité extérieure incluse. Brian Eno – qui s’y connaît du reste en musiques d’aéroports – l’a bien compris :

« Quand l’histoire est remplacée par les histoires, le conservateur devient un conteur, et suit un chemin qui est une aventure à travers le paysage culturel, créant du sens et des résonances par combinaisons et juxtapositions. Pensez aux musiciens qui font du sampling [… Je vois…] un vrai fouillis d’objets culturels, reliés par les voyages que nous effectuons, qui sont les histoires que nous racontons, et qui les connectent les unes aux autres. Elles sont des méta-objets, des nodules supplémentaires dans un champ très dense […]. J’aime cette culture de la lisière, ce sentiment que tout peut arriver, que n’importe quelle connexion peut s’établir, que tout peut devenir brusquement important, plein de sens et de sentiments… »10.

14Or il faut explorer cet espace, serrer de plus près le devenir World. Rappelons-en quelques opérations caractéristiques : détachement d’avec les valeurs et les fonctions socio-religieuses initiales (non sans multiples variantes et transpositions ethnoscénologiques possibles) décontextualisation, reformatages divers, mixages en tous genres, éviction des procédures de transmission orale à travers la technologie, à nouveau refétichisation des instruments acoustiques les plus archaïques11… Sans oublier, dans bien des cas, la propension à l’innovation, voire à l’expérimentation revendiquée, à rebours du statut que les sociétés traditionnelles assignaient à l’« artiste », mais quelquefois avec l’alibi d’une préservation des originaux en péril… Toutes ces données induisent d’autres types d’attitudes : écoutes oublieuses et comme déresponsabilisées ; comportements variés, improbables, volontiers ludiques et que n’obsède plus du tout le fétichisme de l’authenticité. Aussi la prise en compte, dans ce cadre spécifique, de formes inédites d’intersubjectivité s’impose-t-elle comme une urgence méthodologique : pour Michael L. Naylor, de retour d’une enquête aux Seychelles,

« des siècles d’étiquetage et de catégorisation échouent à décrire la vraie nature et les vrais enjeux des cultures. Il faut une toute autre démarche pour redéfinir la perception humaine ; [nos analyses] tentent de décoder les origines de certains obstacles à une perception vraiment multiculturelle »12.

15Mais qu’est-ce à dire ? À ce problème, de précieux éléments de réponse ont été apportés par Andy Narcissian, grâce à la prise en compte de deux facteurs essentiels. D’une part, le caractère foncièrement polysémique de la signification musicale (qui favorise, et explique en partie, l’internationalisation des procédures de décodage vis à vis de n’importe quelle musique) ; et d’autre part – ceci renforçant cela – le fait que les capacités d’appropriation propres à l’art musical sont :

  • Plus que jamais à l’œuvre dans la World,

  • Inséparables de la dynamique globalisante13. Une aperception plurielle des musiques ne dépendra pas seulement de notre générosité ou de notre ouverture d’esprit : elle sera aussi, très largement, surdéterminée par le matériau et le contexte.

16Pour autant, ces nouvelles conditions n’échappent pas plus que les précédentes à l’attention scientifique. S’agissant d’un travail d’envergure sur la World, l’anthropologie des sociétés modernes – qu’elles soient dites post, sur ou hyper modernes, et non sans l’appui souhaitable d’une ethnomusicologie ambitieuse –, apparaît comme la discipline la plus hospitalière au chercheur. En effet : l’espace privé, les questions de « goût », la prise en compte des contextes et des logiques de réception, les contingences de l’observation et jusqu’au vécu de l’observateur lui-même, tout cela est devenu monnaie courante au sein des sciences sociales : conseillons donc au (jeune) chercheur World d’adopter le même style de déambulation érudite, la même propension à l’autobiographie spéculative que celles d’un Marc Augé, ou encore les mêmes attitudes culturelles « délinquantes » auxquelles invitaient naguère Michel de Certeau14. Le suivi et le commentaire théorique de multiples parcours, sans idées préconçues, au gré d’itinéraires aussi microscopiques que personnels, et assortie de scrupuleux comptes-rendus journaliers, seraient féconds, et envisageables à peu de frais : ainsi se rapprocherait peut-être de nous l’horizon encore chimérique de la World music.

17Au bout du compte, il n’est pas indifférent que les musiques territorialisées (nationales, régionales), ou en voie de déterritorialisation (World music), intéressent tout autant une discipline nouvelle venue en ce domaine : la géographie. Non plus au sens d’un contexte (au pire décoratif, au mieux explicatif ), mais pour autant que la musique, loin de toute pure « autonomie », vaut pleinement comme « géo-indicateur » des sentiments d’appartenance, des mobilités, des valeurs et comportements sociaux. Par ses capacités d’énonciation, d’évocation, de communion, la musique constitue aussi un agent performatif dans la construction (définition, délimitation, négociation) de territoires et de sense of place – comme y incite un programme récent. On invoquera dès lors une « géographie des pratiques », où les notions de « représentation » ou de « construction » d’espaces humainement investis viennent s’associer à celle, toujours aussi régulièrement convoquée, d’imaginaire.

18La géographie, science humaine, peut s’appuyer sur d’autres sens que le visuel pour appréhender ses objets : « smellscape » et « noisescape » ne sont plus seulement des hypothèses – ou des rêveries – esthétiques15. Mais à quelle étrange cartographie pourrait se soumettre la World ?

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19Dans tout ce qui précède, le « monde » auquel nous a invité la World music n’a pas cessé d’être pensé comme un monde de culture (fût-ce un monde des cultures du monde…) Mais qui soutiendrait que World, dans World music, n’éveille pas de plus amples répercussions ? Prêtons à nouveau l’oreille à sa puissance invocante. On le sait bien : tout le monde est musiquant, mais dans aucun autre concept actuel, la vieille idée d’universalité de la musique ne se voit à ce point reconduite, et même renforcée. Cette signification latente rejaillit sur la chose ; l’appartenance implicite de telle musique particulière à la musique du monde entier fait aussi partie de sa réception esthétique. D’où la propension répandue à reconnaître dans le blues ou le rebetiko une dimension « universelle » dépassant leurs frontières d’origine ; d’où, inversement, la tendance au zapping et à la boulimie. De fait, l’idée ancienne de la musique comme langue universelle est inlassablement déclinée par les discours World, et légitime d’avance toutes les « rencontres », tous les branchements, tous les mélanges. Célébration redondante de l’éternel bien-fondé des échanges humains, à l’heure où tout communique avec tout, mais également pour surmonter les recentrements identitaires qui se font jour un peu partout de façon virulente. De surcroît, l’universalisme World, implicitement porteur de valeurs humanistes, en rencontre un autre, moins sympathique : celui de la « musique mondialisée », laquelle renvoit moins à un genre (la variété industrielle) qu’à des procédures de commercialisation et de diffusion planétaires. Selon M.A. Lapierre,, qui s’attache à cette distinction, « la musique la plus mondiale fait justement partie des musiques qu’on exclut de la catégorie “World music” »16. Mais justement : qu’en est-il exactement de la mondéité des musiques du monde ?

20La musique appartient au monde : les contextes dans lesquels on la reçoit et où on la fait, s’entendent eux aussi, et peuvent faire partie de sa perception esthétique. Mais jusqu’à quel point cet accompagnement forcé est-il reçu comme musical ? L’idée qu’une œuvre puisse fonctionner comme fenêtre ouverte, modalité de laisser advenir librement les sons, est une idée contemporaine, elle appartient plus à John Cage qu’à la World. Pourtant, tel enregistrement ethnographique, réalisé dans des conditions difficiles, et où bruits de foule, de voitures ou d’animaux recouvrent aux deux tiers la prestation musicale recueillie, tire son charme de ces imperfections mêmes, et de ce qu’elles présentent d’involontaire. À l’opposé de la World industrielle aseptisée, et bien protégée de toute réalité parasite, prévaut ici « l’effet de réel » propre au document sonore plus ou moins brut. On y retrouve le même genre de plaisir éprouvé jadis en écoutant « Presque rien » de Luc Ferrari… Cependant, les propositions voisines d’un Murray Schafer (« Tout son est aujourd’hui en permanence susceptible d’entrer dans le domaine de la musique ») doivent être reconsidérées : il s’agissait alors – il y a trente ans – autant d’un parti-pris avant-gardiste que d’une revendication écologique17. Aujourd’hui, tout « compositeur vert » digne de ce nom (le concept a été forgé par Mitchell Morris à l’intention de John Luther Adams) est supposé concevoir son œuvre comme une forme de sauvegarde de l’environnement – les traditions musicales en faisant effectivement partie, au même titre que le murmure des ruisseaux ou le chant d’amour des baleines18.

21Mais la notion d’environnement est bien insuffisante. Certes, les musiques World participent bien, de par leur collusion fréquente avec l’omniprésente « variété », de notre fond sonore quotidien. Mais c’est à une rumeur plus vaste, non limitée aux bornes de la planète, que peut renvoyer, en musique, l’idée de mondialisation. Selon Michel Serres, il y aurait deux sortes de musique : celle du « signal », située du côté du « message articulé », proche du langage et des faits de culture ; et celle du « fond » justement, antérieur à toute communication, et qui « simule » le bruit (la « voix nue » des choses de la nature, autant dire au sens grec, de l’univers). Cette seconde musique (le modèle est ici Xenakis) est bien « universelle », en tant que, rendue enfin à elle-même, elle peut être entendue par tous : mais elle ne coïncide avec son essence qu’après avoir longtemps « cherché sa voie parmi la multitude des voix réputées primitives ou sauvages […] Africains, Balinais, Arabes et Hindous »19 : la position ethnologique – et sa propre prétention à l’universalité – se voit du coup incitée à plus de modestie. La World music, en multipliant et désindividualisant à la fois les trajectoires musicales croisées, introduit une dimension d’aléatoire inédite, propre à l’engendrement des hybrides – processus lui-même virtuellement infini. Les voix singulières des cultures ne se détachent plus du fond anonyme, mais tendent à se fondre en lui ; les messages « se tassent » et reconstituent à leur tour un maillage indifférencié de signaux de plus en plus impersonnels.

22Alors, la « musique du monde » : à mi-chemin de la musique des peuples et de la musique des sphères ? Situation intermédiaire en tous cas, et dont Stockhausen proposait naguère (1966) l’allégorie sonore avec Telemusik, qui se voulait un rassemblement généreux de musiques (encore originales et bien différenciées) par la grâce d’une technologie (encore expérimentale et avant-gardiste).

« Je souhaitais avancer dans la direction d’un rêve qui me poursuit depuis longtemps : ne plus composer “ma” musique, mais celle de toute la terre, de tous les pays, de toutes les races. Vous l’entendrez dans Telemusik, j’en suis certain… »20.

23C’est ici par la technologie que s’opère un saut qualitatif majeur : du « collage », toujours un peu primitif, à « une unité de niveau supérieur […], un universel de passé, de présent et d’avenir, de pays et d’espaces éloignés les uns des autres ». Mais on ne saurait dire si, trente ans après Telemusik, la World « achevée » relève encore de la problématique post-moderniste de la citation généralisée : ce n’est pas impossible21.

24Elle oblige, quoiqu’il en soit, à conserver une position intenable, devenue habituelle pourtant : la profusion des objets et de leurs mélanges incite autant à la reconnaissance de multiplicités nomades qu’à une fascination pour un grand tout sonore plus ou moins turbulent. La solubilité des musiques les unes dans les autres encourage l’hypothèse holistique : « une » seule musique mondiale existerait déjà, peut-être avec son « système », et susceptible même d’une « caractérisation musicologique »22 – et ce n’est pas a priori une pure fantaisie. Certaines publicités le confirment : la musique du groupe brésilien « Aquarela Carioca » est présentée comme « son global restreint, maîtrisé » : le type musical latino ne relève plus d’une figure de premier plan distinguée d’un fond, mais de la manipulation d’une nébuleuse unique à laquelle il appartient encore. D’où l’idée « un peu folle » – mais bien naïve… – soutenue par le « Music Genom Project » (depuis juin 2000) : promouvoir, pour « capter l’essence de la musique à son niveau le plus fondamental », un système général d’analyse d’après le « patrimoine génétique » des milliers de « mélodies » accessibles au monde : des boîtes de nuit aux studios, en passant par les stations-service !23

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25En musique, un nouvel état de conscience (conscience d’une globalisation indistincte mais éprouvée comme irréversible) semble accompagner ce qui se donne de plus en plus comme une « conception du monde » impossible à symboliser, encore moins à articuler. D’où le recours (superstitieux ?) à différents fantasmes d’Origine – origines du monde ou de l’humanité. On trouve cela dans certaines musiques non estampillées « musiques du monde », mais qui peuvent emprunter à celles-ci certains de leurs traits, selon des visées bien différentes, mais non sans raisons. En ces lieux où le « méta » et le « trans » abondent, l’inspiration cosmologique, la propension au mysticisme font bon ménage avec ce qui, dans notre éternel fond commun musical, touche au métaphysique ou au religieux, y compris sous les formes dégradées que leur confère souvent la phraséologie World.

26Ainsi peut-on remonter aux sources mêmes de la Création. Après avoir expérimenté les techniques de chant Mongol et Tibétain, David Hyckes entend retrouver l’énergie créatrice du Son – le « big ring » initial – et en recueillir, à force de concentration silencieuse, les lointaines radiations : musique transcendentale, du moins en intention, dont le médium sera bien sûr la voix, véhicule privilégié de toute spiritualité, en Occident comme en Orient. Étape suivante : la formation initiale des éléments. Pour W.A. Mathieu, qui présente l’album « Planet Soup » (1998), il s’agit aussi de remonter très loin,

« back to the pre-biotic chemical ocean that existed four billions years ago. […]. Choruses of hydrocarbon blues, new patterns and structures emerged : amino acid, DNA. […]. Entire orchestras of chemical searching for new alliances, life symphonies. […]. Now, we are in the soup again »24.

27Chacun des groupes World sélectionnés dans l’album rentre comme ingrédient de l’immense « potage » symbiotique dans lequel nous sommes dorénavant plongés.

28Enfin, plus en aval encore dans l’histoire de la terre, Bernhardt Flatischler et son équipe, à l’occasion du troisième millénaire, saluent la naissance de l’humanité : le son du didgeridoo, par delà les siècles, ressuscite la vision d’une communauté archaïque et heureuse, antérieure à tout partage culturel. Terra Nova25: la future harmonie des peuples est déjà présente grâce à la musique. Prières Yoruba, chants de Candomblé, tablas, gongs et tambours réquisitionnés pour la circonstance ne se font pas forcément entendre ensemble : mais leur rapprochement dans le même propos réalise en petit l’embryon d’une globalité qu’on ne peut que délirer à plus grande échelle. Le syncrétisme favorise l’évocation de l’Origine en proposant des images d’avant la séparation, donc supposées plus proches d’elle ; et un condensé, même artificiel, de civilisations peut symboliser sur un mode lyrique la Civilisation. D’ailleurs, le recours à des musiques et à des instruments traditionnels ne renvoie pas seulement à l’utopie d’un paradis perdu : on compte sur la puissance d’ébranlement due à leur atemporalité, à la valeur rituelle qui continue implicitement à leur être attribuée, et à tout ce qui, en eux, nous parle encore du Mythe.

29Et nous retrouvons le message en un tout autre sens : parvenues à ce stade, ces musiques se retrouvent d’elles-mêmes enrôlées sous diverses bannières : anti-apartheid, altermondialiste, humanitaire. De la défense des Navajos d’Amérique du Nord – non sans le soutien militant de Richard Gere – aux rodomontades messianiques d’un Jean-Michel Jarre – l’album « Révolutions »26 intègre un groupe de jeunes Maliennes dirigées par Sorry Bamba –, il s’agit d’annexer ces musiques moins au nom du son qu’au nom du sens. Mais paradoxalement, transplantées dans leur nouvel environnement technologique, mélopées ancestrales et rythmiques obsédantes peuvent bien avoir été rattrapées par l’idéologie occidentale : leur « battement immémorial » leur confère toujours cette « propriété vibratoire » que Lyotard attribue aux anciens « Grands Récits »27.

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30La dynamique mondialisante entraîne dans son sillage toutes les musiques ; et il est tentant de reconnaître dans la World music – le terme y invite – un effet particulièrement spectaculaire des processus économiques en cours sur les faits culturels, et sur l’idée même de Culture. On a vu par ailleurs que le succès évident du concept résidait en grande partie dans sa capacité à éveiller associations et symboles, dans une dimension qui était loin d’être uniquement matérialiste. Et de fait, les deux niveaux sont étroitement enchevêtrés, au point qu’on a pu voir dans la World non seulement une transcription éloquente de la situation générale, mais une figure peut-être prophétique valant, pour qui sait entendre, comme interprétation. Bob White, déjà cité, la formule de façon lapidaire :

« Quelle est la couleur de cette mondialisation ? Quel son produit-elle ? […]. Une manière de répondre à ces questions est de les observer par le prisme du phénomène mondial de la World music »28.

31Il faut prendre au sérieux cette formulation. Bien sûr : cela ne veut rien dire (de raisonnable) – mais ça veut bien dire quelque chose (qui insiste, et dont on ne sait pas ce que c’est). On a plus affaire à une incitation (à penser dans un certain sens) qu’à une hypothèse de travail vraiment constituée ; et le risque est grand d’accorder bien du crédit à une simple métaphore. La World music en viendrait ainsi à être comprise – à défaut de pouvoir être véritablement « entendue » – comme écho sonore de quelque chose, qui aurait partie lié non avec un concept, mais une réalité : ladite mondialisation. Ce qui réveille à la fois de vieux démons marxiens (l’art comme reflet des « structures » socio-économiques, la vocation planétaire du capitaliste achevé, jusqu’à son dépassement dialectique en « communisme », l’auto-production de l’humanité entière par elle-même, etc…29, et une réflexion d’inspiration phénoménologique (le mode d’être de la musique selon une perspective heideggerienne par exemple). Le couplage ne va pas de soi ! Mais la proposition de Bob White demeure précieuse : elle oblige à penser la question d’un point de vue plus librement esthétique, à bonne distance de l’anthropologie. Surtout, elle confère à notre objet une portée que personne à ce jour ne lui accordera les yeux fermés : une portée utopique… – Ou plus précisément : la World, comme image possible du monde mondialisé, autorise aussi à considérer les choses du point de vue de l’utopie, donc à élire d’autres références, d’autres postures méthodologiques. « Mondialisation » : le concept est sans doute plus esthétique qu’on ne le pense – auquel cas la World music pourrait apparaître comme une nouvelle forme d’esthétisation du monde, au sens de Gianni Vattimo30… mais sans oublier non plus que la terre est très loin d’être en paix.

32Ernst Bloch, au moment de la première guerre mondiale, adressait à Nietzsche ce reproche, assez injuste au demeurant : « tout en concevant l’inactualité historique de la musique », l’auteur du Zarathoustra « réduit par trop celle-ci au rôle de simple revenant, la ramène au passé en faisant la part trop belle à l’histoire, au lieu d’y projeter une lumière émanant du futur »31. Dans cette direction, ici même à peine esquissée, tout reste encore à faire.

Notes   

1  Selon l’expression de Bob White, « Présentation », in Cahiers d’études africaines n° 168, Paris, EHESS, 2002. (repris in Ethnologies comparées n° 168, 2003.).

2  Philippe Gumplowicz, « La musique, l’œil du monde », 2005, communication personnelle, à paraître.

3  Alexis Nouss, Plaidoyer pour un monde métis, La discorde, Textuel, 2005.

4  Parmi bien d’autres : Nicolas Jaujou : « Comment faire notre musique du monde » et Julien Mallet, « World-Music : Une question d’ethnomusicologie ? » in Cahiers d’études africaines n° 168, op. cit.

5  À propos des insuffisances croisées de la sociologie et de la musicologie en ce domaine, voir Timothy D. Taylor, Global Pop, World-Music, World Markets, New York/London, Routledge, 1997, p. 17.

6  John Blacking, Le sens musical, traduction de Éric et Marika Blondel, Paris, Éditions de Minuit, 1980.

7  François-Bernard Mâche, Musique au singulier, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 261.

8  Site du Quai Branly : www.quaibranly.fr (10/2006). Nous faisons allusion à tout l’héritage phénoménologique depuis Husserl et Heidegger, jusqu’à ses résurgences chez Lacan, ou aussi bien jusqu’aux réélaborations ultérieures de Sartre, Lévinas, Derrida, ou Ricœur (par exemple : Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 332. L’auteur y rejoignait les inquiétudes d’A. Finkielkraut concernant « l’apologie de la différence pour la différence »…)

9  Clément Rosset, L’objet singulier, Paris, Éditions de Minuit,1979, p. 64.

10  Brian Eno, « Une année aux appendices gonflés », in Journal, Paris, Le serpent à plumes, 1998, pp. 390-393.

11  Pour cet aspect, voir en particulier Habib Hassan Touma, « De la présentation des musiques extra-européennes en Occident », in Internationale de l’imaginaire, « La musique et le monde », n° 4, Arles, Actes Sud, 1995.

12  Michael L. Naylor, Image and Narrative, « Heeding the creole voice », n° 1, mars 2005. Disponible via http://www.imageandnarrative.be/worldmusica/michaellnaylor.htm

13  Andy Narcissian, « Postmodernism and Globalization » in Ethnomusicology : an epistemological problem, London, Sarecrow Press, 2002. pp. 5-26.

14  Nous renvoyons dans les lignes qui précèdent aux travaux de Marc Augé (Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Champs/Flammarion, 2006. ; Le sens des autres, actualité de l’anthropologie, Paris, Fayard, 1994.), et aux suggestions plus anciennes de Michel de Certeau (Inventions du Quotidien 1, Arts de faire, Paris, Seuil, 1980.). Pour la théorie du « Goût » musical : les travaux d’Antoine Hennion et de son équipe (Séminaires « Aimer la musique », École des mines, années 2004 et suivantes).

15  Cet aspect a fait l’objet d’une journée d’études, « Géographie et musiques », le jeudi 8 juin 2006, à l’université de Paris IV. Cf. www.A360.org

16  Marc Antoine Lapierre, World Music ou Musique mondialisée, Critical World, 16/11/2005 (participation au séminaire de Montréal dirigé par. Bob White). Cf. www.criticalworld.net

17  Murray Schafer, Le paysage sonore, traduction de Sylvette Gleize, Paris, Lattès, 1979 (réedit.1991).

18  Per F. Broman, N. A. Engebretsen, B. Alphonce, (éd.), Cross Currents and Counterpoints. Offerings in Honor of Bengt Hambraeus at 70, Gothenberg, University of Gothenberg, Department of Musicology, 1998.

19  Michel Serres, « Musique et bruit de fond », in L’interférence, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 184.

20  Karlheinz Stockhausen, pochette du disque, Wergo, 1967.

21  Approche tentée par Christian Corre, « Citation musicale et tradition ethnique », Colloque de Royaumont (Istanbul 1900-2000), Juin 2001. (Cf. www.royaumont.com/fond-abbaye/istanbul). Pour le rapport à la Postmodernité : voir Andy Narcissian, op. cit., note 13.

22  Selon les expressions de Julien Mallet, op. cit. note 4.

23  The Music Genome Project 2005-2006, Pandora Media, http://en.wikipedia.org

24  Album « Planet Soup » (3CD), USA, Ellipsis Arts, 1995.

25  Album « Terra Nova », Bernhardt Flatischler, enregistré en Suisse à l’occasion du « Mega Drums Millenium Tour », 12/1999.

26  Album « Révolutions », Jean-Michel Jarre, 1988.

27  J-F. Lyotard, La condition postmoderne, Paris, Éditions de Minuit, 1983, p 41.

28  Bob White, op. cit.,note 1.

29  Pour le concept de « production », voir Jean-Luc Nancy, La création du monde ou la mondialisation, Paris, Galilée, 2002, pp 18-23.

30  Gianni Vattimo, La fin de la modernité, Paris, Seuil, 1987, p. 59.

31  Ernst Bloch, L’esprit de l’Utopie, Paris, Gallimard, 1977, p. 59.

Citation   

Christian Corre, «World music : un objet virtuel ?», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et globalisation, mis à  jour le : 27/05/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=180.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Christian Corre

Christian Corre enseigne à l’Université de Paris VIII. Travaille sur l’histoire des idées en musique et sur l’imaginaire musicologique (XIXe et XXe siècle). A publié : « Écritures de la musique » (PUF, 1996), « Un lieu de mémoire : la Revue Musicale » (La part commune, 2002), et de nombreux articles.