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« The Long Night » ou la multiplicité sonore. 
De la relation entre son et musique dans Game Of Thrones.

Julie Mansion-Vaquié
décembre 2022

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.1295

Résumés   

Résumé

Les équilibres entre musiques, sound design et ambiances sonores participent aux aspects narratifs et sensitifs de l’épisode 3 de la dernière saison de Game of Thrones : « The Long Night ». En effet, celui-ci concentre les tensions d’une bonne partie de la série dans un combat qui, à l’écran, joue sur l’imperceptibilité des scènes. Ainsi, le son, dans toute sa multiplicité, prend une réelle importance dans la perception de la narration et de l’impact sur le spectateur.

Nous nous attacherons donc à montrer comment les différents éléments musicaux et, en particulier le sound design, œuvrent dans cet épisode. De la construction des identités sonores aux thèmes musicaux incarnés, des effets de mise en suspens à l’émotion du spectateur, le travail des sound designers12 et du compositeur accompagne la plongée du spectateur dans la diégèse paroxistique renforçant l’immersion spectatorielle. Le « son » des personnages, de leurs liens, de leur histoire, tant du point de vue de cet épisode que de la diégèse globale, possède une attention particulière signifiante. Tous ces éléments sont ici analysés dans le but de comprendre la construction sonore en lien avec le propos et l’image.

Abstract

The balance between music, sound design and acoustic ambiance contributes to the narrative and sensory aspects of episode 3 of the final season of Game of Thrones: ‘The Long Night’. This balance brings into focus tensions that have been in play for much of the series, in a combat which, in visual terms, plays upon the fact that the scenes are intentionally difficult to decipher. Thus, the sound, in all its multiple forms, takes on real importance in terms of how the narrative is perceived and its impact on the viewer.

We will therefore show how the different musical elements, in particular the sound design, function in this episode. The construction of sound identities, musical themes linked to characters, effects creating suspense and emotion in the viewer, the work of the sound designers3 and the composer (Ramin Djawadi), all plunge the viewer into paroxysmal diegesis, reinforcing spectatorial immersion in the episode. Thus, the ‘sound’ of the characters, and of their relationships and history, both in this episode and in the overall narrative, takes on particular meaning. All these elements are analysed here, with the aim of understanding the sound construction in relation to the language and the images.

Index   

Index de mots-clés : Musique, Conception sonore, Analyse, Narration, Game of Thrones, Immersion spectatorielle, Télévision complexe, The Long Night.

Texte intégral   

Introduction

1Adaptation de l’œuvre romanesque de fantasy4 de George R. R. Martin, la série télévisée Game of Thrones (2011-2019) a connu un succès populaire international récompensé par de nombreux prix (toutes catégories confondues) et elle a acquis une fanbase active. Située dans un univers fictif teinté de néo-médiévalisme, l’histoire mêle plusieurs intrigues principalement basées sur la conquête du pouvoir et l’arrivée inéluctable d’une menace imminente. Celle-ci atteint son paroxysme dans « The Long Night », épisode médian de la dernière saison (S8E3) dans lequel s’affrontent humains et non-humains pour leurs survies respectives. Les équilibres entre musique, conception sonore et ambiances sonores participent des aspects narratifs et sensoriels de cet épisode. En effet, celui-ci concentre les tensions d’une partie importante de la série dans un combat dont la représentation à l’écran joue sur l’imperceptibilité des scènes. Ainsi, le son, dans toute sa multiplicité, prend une réelle importance dans la perception de la narration et dans l’impact sur le spectateur.

2Nous nous attacherons donc à montrer comment les différents éléments musicaux et, en particulier, la conception sonore sont à l’œuvre dans cet épisode. De la construction des identités sonores aux thèmes musicaux incarnés, des effets de mise en suspens à l’émotion du spectateur, le travail des sound designers et du compositeur accompagne la plongée du spectateur dans la diégèse paroxystique, renforçant l’immersion spectatorielle. Ainsi, le « son » des personnages, de leurs liens, de leur histoire, tant du point de vue de cet épisode que de la diégèse globale, a fait l’objet d’une attention particulière signifiante. Tous ces éléments sont ici analysés afin de comprendre la construction sonore en lien avec l’intrigue et sa mise en image. Dans ce but, une première partie est dévolue au sound design de la série Game of Thrones en développant les éléments spécifiques présents dans l’épisode qui nous intéresse (dragons, Marcheurs blancs, armées, batailles…), soutenus par des analyses de scènes pertinentes. Puis on examinera la construction et la composition musicale de la série (instrumentation, processus créatif, thèmes). Enfin l’épisode intitulé « The Long Night » sera analysé à travers différentes scènes essentielles montrant la complexité et l’évolution subtile des équilibres de la construction sonore et narrative de cet épisode captivant et intense.

1. « Winter is Coming ». Récit et immersivité sonore : les ingrédients de Game of Thrones

1.1 De la télévision complexe…

3Game of Thrones (GoT), série télévisée développée par HBO5 entre 2011 et 2019, entre dans la définition de la « télévision complexe6 » développée par Jason Mittell. Pour lui, « une série télévisée crée un univers narratif durable, peuplé d’un ensemble cohérent de personnages qui vivent un enchaînement d’événements dans le temps7 ». Parmi les caractéristiques de cette nouvelle forme télévisuelle, la complexité narrative est au centre des préoccupations dans l’idée que « la télévision complexe utilise une série de techniques sérielles, avec l’hypothèse sous-jacente qu’une série est un récit cumulatif qui se construit au fil du temps, plutôt que de revenir à un équilibre stable à la fin de chaque épisode8 ».

4Ce type de séries, dont X-Files9 est un des premiers exemples notables, élaborent sur le long terme le développement des personnages et leurs relations entre eux. Pour Mittell, il joue sur une particularité essentielle : leur « caractère non conventionnel10 ». GoT, dans sa forme littéraire comme audiovisuelle, a bâti sa réputation11 sur les retournements de situations et la subversion des codes. Par exemple dans la première saison, les personnages principaux, archétypes des héros chevaleresques, meurent contre toute attente ; mais on peut aussi y trouver d’autres ingrédients originaux tels que les enjeux politiques, la question du genre, la violence, le sexe, etc.12. Cette idée est développée par Tanvi Mahlara13 qui met en relation la domination des réseaux des chaînes payantes, désignés par Deborah Jaramillo14 comme l’ère post-réseau, et la transformation du public et de ses attentes. En effet, le public de séries télévisées choisit maintenant le moment et le contenu de ce qu’il souhaite regarder15 sur le média de son choix16. L’indépendance de firmes comme HBO autorise une liberté créative17 permettant de produire des œuvres aux contenus « risqués18 » tout en racontant l’histoire d’une manière atypique. Enfin, d’après Malhara, si la télévision complexe se distingue en matière de public, censé être plus averti et astucieux que le spectateur lambda, elle se différencie aussi dans sa production.

5La télévision complexe induit une immersion dans le monde narratif inédit et non conventionnel, recherchée par les spectateurs et soutenue par la production visuelle et musicale. En faisant référence principalement aux travaux sur l’immersivité dans le jeu vidéo19, Hubert Bolduc-Cloutier20 s’intéresse à l’immersion spectatorielle dans les scènes de poursuites dans les films. Pour favoriser l’immersion, la sensation doit prévaloir sur la réflexion. Pour cet auteur, la musique y joue donc un rôle central. Dans le cadre de GoT, cette idée est développée par Leah Broad21 pour qui la musique de la série use de plusieurs stratégies, notamment les thèmes et les leitmotive, pour aider le spectateur à suivre le(s) récit(s) complexe(s) déployé(s) offrant des indications (de lieux, d’actions, d’allégeances…) et stimulant la mémoire. Pour Broad, le public de GoT est tripartite22 et la musique répond à ces différents niveaux d’attention. En développant l’étude du personnage de Peter Baelish, celle-ci démontre que certains éléments ne sont pas repérables au premier abord. Ainsi, « la partition de Djawadi contribue donc à l’“entraînement cognitif” que Steven Johnson identifie comme l’un des principaux plaisirs de la télévision complexe, et cet aspect de sa musique ne s’adresse qu’aux spectateurs les plus engagés23 ». Ce programme télévisé appartenant à la télévision complexe utilise différentes stratégies, dont l’immersion spectatorielle comprenant la musique et la conception sonore : leur équilibre est primordial.

1.2 … à l’innovation sonore

6Le terme de conception sonore (design sonore, sound design) introduit par Walter Murch24 en 1979, permet peu à peu une reconnaissance du rôle créatif du sonore, appuyé par la mise en place de la technologie Dolby multicanal. Pour Kevin Donnelly :

Il existe un clivage relativement solide : les musiciens et les compositeurs produisent la musique pour les films, tandis que les artistes Foley et les monteurs son sont chargés de construire une série conventionnelle d’effets sonores pour accompagner l’action à l’écran25.

7Cependant, il indique également qu’une séparation si tranchée n’existe pas dans la réalité de la culture audiovisuelle. Cette idée est exploitée par Danijela Kulezic-Wilson, soulignant le brouillage de plus en plus prégnant des démarcations entre musique et conception sonore dans les productions de ces dix dernières années, dont les œuvres de science-fiction et d’horreur sont les pionnières. Cette indétermination est liée à plusieurs facteurs, dont l’approche musicale du son issue de la musique contemporaine (paysage sonore, atonalisme, acousmatique, etc.). Ce changement majeur impacte les relations hiérarchiques entre parole, effets sonores et musique, redistribuant les rôles narratifs et expressifs26. Ces remarques sont au centre des préoccupations analytiques de l’épisode « The Long Night » dans lequel, nous le verrons, de nombreuses stratégies sonores accompagnent les narrations et favorisent l’immersion spectatorielle.

1.3 (Ir)Réalités sonores : conception sonore dans GoT

8Au-delà de la reconnaissance de la série par les récompenses, l’équipe chargée de la conception sonore s’est elle aussi illustrée par plusieurs prix notamment aux Emmy Awards27 (figure 1). Cette équipe, à partir de la troisième saison (2013), comprend deux personnalités importantes : Paula Fairfield (conceptrice sonore) et Tim Kimmel (superviseur du montage sonore). Ce dernier assure le mixage final entre conception sonore et musique28.

Figure 1 : Tableau des récompenses pour le son de la série.

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9Les sons utilisés dans la série GoT sont issus de plusieurs prises de son dont la nature est diversifiée. C’est le fruit du travail des bruiteurs ou artistes Foley29 tels que Jeffrey Wilhoit par exemple. La réalisation de ces sons est un processus dans lequel des objets réels ont été utilisés pour créer le son voulu et sont enregistrés dans une bibliothèque grandissante au fil des différentes saisons. Pour Sandra Pauletto, l’artiste Foley est un véritable performeur du son muni d’une intentionnalité permettant une émotion inaccessible dans les sons numériques. Ainsi, ses compétences résident dans la capacité à sélectionner, jouer l’accessoire pour produire le son mais aussi à le synchroniser avec l’image dans une visée30. Pour l’épisode « The Long Night », Tim Kimmel affirme :

Nous avons maximisé le nombre de pistes que nous avons pu utiliser sur le système que nous employons et qui, je crois, compte 720 pistes. Et cela uniquement pour les effets sonores, la conception sonore, les bruits et les toiles de fond. Donc je pense qu’en ce qui concerne les dialogues, il y avait probablement 200 autres pistes et une soixantaine d’autres pour la musique31.

10Les figures 2a et 2b représentent des captures d’écran d’une partie du montage des différents sons présents dans une unique scène de l’épisode « The Long Night ». On remarque que ceux-ci sont classés par catégories d’éléments présents à l’écran (Weather, Swarm) comme les sons d’armure, de boucliers, de chevaux pour les éléments en rouge par exemple. Elles montrent l’agencement piste par piste des différents éléments sonores présents sur un même intervalle de temps.

Figure 2 a/b : Montage des éléments sonores (source Movies Insider)

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11GoT appartient au genre de la fantasy et, à ce titre, plusieurs éléments visuels et sonores deviennent des clés narratives et de compréhension que l’on retrouve dans l’épisode « The Long Night » : les batailles, les créatures fantastiques et les Marcheurs blancs.

1.4 Les batailles.

12Dans toutes les saisons de GoT ont lieu des batailles (figure 3). L’épisode « The Long Night » est celui qui oppose les humains aux Marcheurs blancs, la bataille que l’on attend depuis la première saison. De façon générale, dans ce type de scène, selon Kimmel, le plus important et difficile à réaliser est de trouver les détails sonores permettant de ne pas avoir un amas acoustique. Walter Murch aborde ce problème de mixage et de couches sonores dans ses réflexions en apportant certaines solutions dont, par exemple, la spatialisation des sons32. D’ailleurs, les batailles sont pensées et réalisées comme des personnages : aucune armée ne sonne de la même façon33. De la même manière, dans une bataille, si l’accent est mis à l’image sur un personnage, Kimmel indique qu’il faut s’assurer « d’entendre l’épée spécifique d’un personnage principal qui attaque quelqu’un. Donc, même s’il y a 30 personnes autour de lui qui se battent, et que vous voulez le sentir, vous devez vous assurer que vous pouvez entendre les détails de la lutte et que son épée frappe l’épée de celui qu’il combat34 ».

Figure 3 : Les batailles dans Game Of Thrones.

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13Chaque personnage va donc lui aussi avoir ses propres sons dévolus et effets sonores de manière générale, et dans les combats, plus spécifiquement. Par exemple, Jaime Lannister possède la caractéristique d’avoir une fausse main en or pour remplacer la main qu’il s’est fait couper par Locke (S3E3). Le son de celle-ci a été réalisé avec une poêle à frire35. Enfin, pour entendre des sons de voix lors des batailles, des acteurs vocaux viennent en studio pour enregistrer tous les bruits de fond entendus dans ces scènes (murmures, cris, paroles plus ou moins distinctes). C’est ce que l’on appelle des loop groups36.

1.5 Les dragons et les créatures fantastiques.

14Paula Fairfield assure tous les éléments sonores fantastiques de la série, soit « les dragons d’abord et avant tout, les Wights37, les Marcheurs blancs, les loups, les avertissements, les rêves… tout cela38 ». Pour la conceptrice sonore, le son des dragons est un élément intéressant, car ils sont nés à l’épisode 10 de la saison 1 (« Fire and Blood ») et ont grandi au cours de la série pour devenir des adultes, dont certains meurent ou se transforment. Ainsi, il était important pour Fairfield que les sons utilisés pour les dragons soient les mêmes tout au long de la série39 avec un potentiel d’évolution40. Chaque dragon a d’ailleurs sa personnalité et donc des sons propres, par exemple certains sons de rhinocéros sont dédiés à Rhaegal41. Pour la conceptrice sonore, si l’équipe des effets spéciaux crée l’image de ces créatures mythiques de façon spectaculaire, le sound design doit donner l’impression de pouvoir les incarner. La construction musicale liée à la présence de ces créatures s’est faite par couches :

Dans la première saison, avant l’éclosion des dragons, chaque fois que nous voyons les œufs de dragon, j’utilise ce son étincelant dans les aigus, essayant juste de créer quelque chose de magique qui, dans la troisième saison, a gagné beaucoup de puissance. Et là, j’ai ajouté des cordes et d’autres instruments parce qu’ils deviennent de plus en plus forts à mesure qu’ils deviennent plus gros42.

15D’une manière générale, les sons des dragons sont réalisés à partir de multiples sons d’une trentaine d’espèces animales différentes dont le rhinocéros, la grue du Mississippi, des oursons, le chien de la conceptrice sonore et même sa propre voix. Pour réaliser certaines prises de son, Paula Fairfield s’est rendue dans deux endroits particuliers : le centre de conservation White Oak de Yulee en Floride dans lequel on trouve l’une des plus grosses réserves de rhinocéros, mais aussi des espèces en voie de disparition ou disparues à l’état sauvage, et à l’Institut écologique Cochrane situé à l’extérieur de Banff en Alberta (Canada), dans lequel sont réhabilités les animaux sauvages blessés ou ayant besoin de soins. Dans cet institut, la conceptrice sonore a principalement enregistré deux oursons orphelins dans un hibernaculum construit par l’institut :

Étonnamment, les ours étaient très occupés la nuit. Ils étaient censés hiberner, mais ils étaient debout la nuit, en train de grignoter. J’ai des enregistrements de quantités infinies de reniflements, de ronflements et de pets d’ours. J’ai même capturé un de leurs battements de cœur à un moment donné parce qu’ils se trouvaient juste devant l’enregistreur. Les enregistrements étaient fantastiques. Les reniflements de Drogon pendant qu’il encourage Dany et la pousse, et les petits gémissements qui s’y trouvent aussi, viennent des ours43.

16La démarche de Paula Fairfield s’apparente à une posture militante dans l’utilisation de ces sons :

Une des choses auxquelles j’aimerais que les gens prêtent attention, c’est que vous aimez les dragons et que vous croyez qu’ils sont réels. Ils sont vocalisés et leurs expressions sont exprimées par les voix, les sons et les voix des animaux qui sont sur notre planète que nous tuons et qui disparaissent. Ce que j’encourage les gens à faire, c’est d’y penser44.

17Dans le travail sonore lié aux dragons, un des aspects essentiels de cette création a été de donner aux créatures un caractère émotionnel45. L’utilisation des sons d’animaux contribue à rendre réels les dragons, mais aussi à traduire la sensibilité et les émotions de ceux-ci face aux différentes situations vécues et montrées dans la série tout au long de leur développement (extrait sonore 1 : l’évolution du son des dragons dans Game of Thrones).

18Pour Paula Fairfield, le dragon Drogon est la réincarnation de Khal Drogo (le mari de Daenerys) : leur relation est donc spéciale, sensuelle, voire sexuelle. C’est la mise en son réalisée par le sound design particulièrement, avec un résultat faisant penser à des ronronnements. On peut d’ailleurs retrouver un travail similaire dans la rencontre de Jon Snow avec ce même dragon (S7E5), ce qui, à ce moment de l’histoire, éveille un questionnement sur les origines de ce personnage46. Les sons utilisés pour Rhaegal sont principalement des sons de rhinocéros blancs et noirs, des sons de gémissements de poitrine, particulièrement quand Jon Snow le chevauche. Dans l’épisode 4 de la dernière saison, quand Rhaegal se fait tuer par les flèches ennemies, des cris de grue du Mississippi sont mis en avant.

19Dans la saison 8, les dragons sont omniprésents à l’écran en raison du dénouement de la série, mais aussi de la bataille entre eux. En effet, Viserion, tué par le Roi de la Nuit, est devenu un dragon de glace dans l’épisode « Beyond the Wall » (S7E6). Cette transformation a induit un travail particulier pour garder l’identité du dragon, tout en transformant son caractère. Dans une interview, la conceptrice sonore indique avoir construit un mobile d’os dans son studio pour incorporer des cliquetis d’os secs. Concernant les cris et le feu du dragon de glace :

Si [les cordes vocales de Viserion] sont gelées, elles s’entrechoquent. Vous avez donc cette vocalisation détériorée avec ce claquement qui se produit et le résultat final est vraiment intéressant parce qu'il doit passer d’un état vivant, vibrant et plein à une sorte d’émaciation… [avec] ce son de cliquetis méchant qui se fait entendre et qui est plus criard47.

20Par ailleurs, les scènes de combat aérien entre les différents dragons ont aussi demandé une attention particulière aux sonorités des ailes qui ont été réalisées avec « des parachutes, de la toile et des bâches. Il y a des torsades et des mouvements en cuir pour obtenir ce grincement48 » – ce que l’on entend parfaitement clairement dans la scène de bataille entre les trois dragons ayant lieu dans l’épisode « The Long Night » (extrait vidéo 1 : la bataille aérienne). Dans cette scène, Daenerys et Jon Snow chevauchant Drogon et Rhaegal poursuivent le Roi de la Nuit qui monte Viserion, ce qui les mène à un affrontement aérien spectaculaire. Cette scène propose une musique marquant les indications narratives49 : (1) l’attente construite sur l’utilisation de cordes dans le registre aigu et suraigu, nuance piano ; (2) l’attaque employant principalement le thème du Roi de la Nuit orchestré dans une dynamique forte. Celui-ci se caractérise par un mouvement mélodique descendant dans le registre grave50. Au niveau de la conception sonore, plusieurs éléments sont à remarquer. D’une part, le traitement des sons concernant Viserion bénéficie de plusieurs modifications : l’ajout de sons aigus et métalliques dans le feu qu’il crache ainsi que celui de sons osseux dans ses mouvements le distingue des autres dragons et souligne sa transformation. D’autre part, une attention particulière a été donnée aux sons de souffles, de râles, de gémissements des personnages (Jon et Daenerys) provoquant un effet de proximité51. Ce traitement sonore spécifique implique une immersion forte du spectateur, comme si celui-ci était au plus près des personnages principaux chevauchant les dragons, vivant le combat.

1.6 Les Marcheurs blancs

21Les Marcheurs blancs, aussi appelés « les Autres », sont dirigés par le Roi de la Nuit. Créés à l’origine par les Enfants de la Forêt dans le but de se défendre contre les Premiers Hommes, ces deux camps s’allient finalement pour vaincre ces créatures et les repousser au-delà du Mur lors de la Longue Nuit ou la Guerre de l’Aube. Il faut faire une distinction entre les Marcheurs blancs et les Wights, créatures assimilables à des morts-vivants commandées par le Roi de la Nuit. Les habitants de Westeros considèrent ces Marcheurs blancs comme un mythe. Néanmoins, le spectateur les rencontre dès la scène prégénérique du premier épisode de la première saison. Ainsi, ces créatures sont présentes dans toutes les saisons, et l’attente de l’hiver ainsi que de la grande bataille entre humains et non-humains que conte l’épisode qui nous intéresse est un des aboutissements de l’histoire racontée.

22David Benioff et D. B. Weiss, créateurs de la série, ont souhaité donner un langage aux Marcheurs blancs : le Skroth. Celui-ci a été développé par David J. Peterson52 en se basant sur l’indication présente dans le roman de George R. R. Martin décrivant la voix comme un « craquement de la glace sur un lac d'hiver53 ». Peterson détaille dans un document de travail54 comment il a construit cette langue, sonorisée par Peter Brown, qui sera finalement abandonnée dès la saison 2 au profit d’une conception sonore. D’après Paula Fairfield, le Skroth n’a pas été conservé car cela ne fonctionnait pas55. On peut néanmoins l’entendre dans l’épisode 10 de la saison 256 quand Samwell Tarly est épargné par un des chefs (extrait vidéo 2 : Le langage des Marcheurs blancs). Par ailleurs, les Marcheurs blancs gèlent tout sur leur passage quand ils marchent et contrôlent une partie des forces de la nature : avant de les voir, on les entend.

23La plupart des sons faits par ces Marcheurs blancs sont le résultat du travail de Kimmel57. Parmi les sons utilisés, beaucoup appartiennent à des chiens ou à sa propre voix avec un travail de postproduction important, dont de grandes manipulations et distorsions. Par exemple, les sons du Marcheur blanc montrés à Cersei dans la saison 7 sont issus de prises de son d’ourson. Beaucoup de sons ont été enregistrés dans une sonothèque et réutilisés au cours des différents épisodes, mais changent en fonction des scènes ou des actions de ces personnages et du but recherché58.

24En dehors des « cris » émis par les Marcheurs blancs, quand ils ont potentiellement des cordes vocales (ce n’est pas le cas pour tous), une de leurs caractéristiques sonores est leur mouvement. Ces sons sont réalisés par des bruiteurs utilisant de vrais objets, comme des os ou des objets en céramique, des objets métalliques pour les armures, ou des légumes pour la chair. Dans la bataille de Winterfell (S8E3), « l’un des plus grands défis était de capturer un son qui donnait vraiment au public l’impression de l’ampleur de cette armée59 ». Cette bataille se divisant en plusieurs vagues d’arrivée des Marcheurs blancs, il fallait gérer l’intensité sonore en lien avec l’image60.

25La conception sonore dans la série GoT apparaît donc comme un élément important du rapport au visuel, en particulier à la réalisation d’un univers fantastique, à la narration ainsi qu’aux rapports émotionnels avec le spectateur. Dans l’épisode « The Long Night », tout en gardant une logique patiemment suivie dans les précédentes saisons, certains éléments vont être à ces égards décisifs.

2. Musiques dans GoT : entre narration et émotion

26La musique de GoT est réalisée par Ramin Djawadi. Diplômé de la Berklee College of Music de Boston, il est embauché dans la société de Hans Zimmer, Remote Control Productions (RCP) comme compositeur additionnel, orchestrateur et assistant. Cet aspect est important à noter, car le « son » RCP est, d’après Benjamin Wright, façonné « en partie par le recours aux pratiques de notation classiques hollywoodiennes et par la synergie entre les structures musicales électroniques et orchestrales61 ». Wright décrit les implications de cette filiation62 en matière de savoir-faire63 et d’accès aux sonothèques d’échantillons numériques contenant des milliers de sons. Djawadi est crédité comme compositeur additionnel pour des productions telles que La Recrue (Roger Donaldson, 2003), Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl (Gore Verbinski, 2003), The Island64 (Michael Bay, 2005) et Batman Begins (Christopher Nolan, 2005). Il apparaît donc comme ancré dans cette esthétique RCP. Parallèlement, il construit sa carrière en composant des musiques de films et de séries, comme Prison Break (sélectionné aux Grammy Awards 2006). En 2011, il est à la tête du projet de série d’HBO : Game of Thrones, en 2016 on le retrouve comme compositeur pour la série Westworld.

2.1. Stratégies compositionnelles et musicales

27La place de la musique dans la série GoT, comme sa construction et son contenu, a évolué au fil des saisons. Leah Broad relève huit fonctions principales, liées à la complexité de l’intrigue et à l’implication du spectateur, présentes dans la série65.

28D’après le compositeur, les discussions au préalable avec les producteurs de la série ont abordé son ton global, l’approche thématique et le désir de partitions orchestrales avec des instruments solistes.

29L’utilisation des thèmes est progressive en raison du grand nombre de protagonistes, de maisons et d’intrigues. Comme le souligne Broad, globalement les thèmes musicaux sont associés aux principaux clans (Stark, Lannister, Baratheon) avec le cas particulier des Targaryen, représentés uniquement par Daenerys. Ainsi, il existe une indistinction sonore des personnages principaux au départ reliés à leur maison jusqu’à ce qu’ils deviennent importants pour l’intrigue, comme Theon Greyjoy (saison 2), ou qu’ils se détachent de leur filiation comme Arya quand elle acquiert son autonomie (cues « Needle » et « Valar Morghulis ») ou Jon Snow dans la saison 6. De la même façon, le thème de Daenerys, personnage central, s’étoffe au fur et à mesure des saisons à l’instar de son importance narrative. Broad s’attarde sur ce personnage musicalement riche et dont le thème est le plus complexe de la série, évoluant en fonction des alliances politiques ou d’autres éléments narratifs.

Exemple musical 1 : Les différents thèmes des personnages de GoT.

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30Dans l’épisode qui nous intéresse, le thème varié de Daenerys est employé ainsi que, principalement, ceux des personnages d’Arya et de Melisandre.

Exemple musical 2 : Les thèmes de Melisandre, Arya et le Seigneur de la Lumière.

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31D’autres thèmes apparaissent en lien avec l’action, les lieux ou les différents événements, comme le thème d’amour de Daenerys et Jon, mais aussi des notions plus générales mises en musique comme l’honneur ou la conspiration, qui permettent de situer les enjeux de la scène ou de l’épisode pour les spectateurs. Dans la création de ces thèmes, Djawadi explique66 qu’ils doivent contenir un potentiel d’évolution : « Quand je crée un thème pour un personnage ou une maison, il est important que je puisse l’adapter et le rendre fort, sombre et triste. Le thème doit contenir tous ces éléments dès le début sans forcément qu’on les entende tout de suite67. »

32Parmi les stratégies développées dans GoT, Broad indique qu’il arrive que le thème d’un personnage soit entendu alors qu’on ne le voit pas à l’écran, l’impliquant de fait dans l’intrigue (S3E7, S5E3)68. Par exemple dans l’épisode 7 de la saison 3, le thème de Daenerys commence alors que Tywin et Joffrey à Port-Réal discutent d’elle, avant de montrer celle-ci à Yunkaï. Certains épisodes nouent musicalement avec la subversion des codes69 comme l’épisode « The Winds of Winter70 » (S6E10) dans lequel le spectateur est guidé par une musique mise au premier plan, « Light of the Seven71 ». Dans la même idée, l’épisode « The Long Night » possède lui aussi cette même stratégie avec une musique spécifique intitulée « The Night King ». Enfin, la série utilise des musiques non thématiques pour accompagner les tensions émotionnelles, créer du suspens, etc., ce qui est aussi à l’œuvre dans « The Long Night ».

2.2 Styles musicaux et instruments utilisés

33Si les instruments utilisés évoluent au fil des saisons, le violoncelle, présent dans le thème principal présenté dans le générique est très courant dans l’ensemble des partitions de la série, car « il possède une large palette. Il peut être très sombre et lunatique, mais aussi beau et émotionnel à la fois, c’est parfait pour la série. Parce que c’est une série très sombre. Évidemment, parce que toutes ces familles ont leurs problèmes72 ».

34Le générique porte l’identité de GoT, Cook, Kolassa et Whittaker73 pointent l’influence du néo-médiévalisme74 tant dans sa construction musicale75 que sonore76. Pour ces auteurs, il est possible de trouver des éléments faisant référence aux tropes médiévistes, à la musique folklorique et aux chansons de ménestrels dans l’œuvre de Martin ainsi que dans son adaptation audiovisuelle. « The Bear and The Maiden Fair » ainsi que « The Rains of Castamere » en sont deux exemples représentatifs77 qui, par ailleurs, possèdent différents arrangements78 en fonction de leurs apparitions mais aussi et surtout un rôle diégétique79.

35Pour ne pas tomber dans le cliché fantasy/celtique80, la flûte a été très peu utilisée. Djawadi a employé différents instruments pour représenter des lieux comme des cloches graves pour souligner l’ambiance du Mur, ou l’orchestre symphonique pour les maisons situées au sud du Mur, le didgeridoo pour les Sauvageons81. Le taiko japonais et le duduk arménien ont été choisis pour leurs sonorités ethniques pour les Dothrakis. Certains instruments n’apparaissent que tardivement dans la série, c’est le cas par exemple du piano. Celui-ci n’est entendu en effet que dans la saison 6 (E6 à 10) lors du procès de Cersei : « Light of the Seven ». Il sera réutilisé par la suite, notamment dans un morceau qui nous intéresse particulièrement : « The Night King » (S8E3).

2.3. Processus créatif

36Bien que Ramin Djawadi préfère collaborer avec des instrumentistes, il indique dans une interview de 2013 qu’il travaille dans un premier temps avec des instruments virtuels et/ou des synthétiseurs :

37Les synthétiseurs ne vous sautent pas aux oreilles, mais ils fonctionnent vraiment bien. Je joue littéralement de chaque instrument sur le clavier – les timbales, puis je reviens au début et je joue de la ligne de cordes, puis du piano. J’ai superposé toutes ces pistes l’une après l’autre. Il y a plusieurs synthétiseurs, vous ajustez les boutons et modifiez le son de ceux-ci, vous les laissez faire partie de la palette sonore que je crée82.

38Le processus créatif décrit par le compositeur se déroule comme suit : il commence par regarder les images pour en trouver le tempo, puis commence à écrire en général pour un instrument seul (piano ou corde). Dans un second temps :

39J’esquisse la scène, quand j’ai l’impression d’avoir la bonne forme, j’y retourne et je commence à l’arranger et à l’orchestrer. Puis j’ajoute les différentes couches d’instrumentation. […] Dans l’attente que l’épisode soit monté, tout reste dans l’ordinateur, tout est juste fait numériquement. Une fois que le montage est verrouillé, alors je m’y mets et je l’enregistre concrètement avec de vrais musiciens83.

40Même si le compositeur privilégie le travail avec de vrais musiciens, il n’hésite pas à garder des sons synthétiques quand cela s’y prête. Par ailleurs, Djawadi est affilié au « son » RCP, le recours à la synthèse dans le but de créer une puissance sonore en est une caractéristique.

3. « The Long Night » : l’omniprésence du son

41Cet épisode a été largement critiqué lors de sa diffusion télévisée particulièrement pour sa définition visuelle jugée insuffisante, due pour beaucoup à la compression liée au support84. Cependant, il est intéressant de noter que celui-ci a été pensé pour surprendre le spectateur :

Le concept de « The Long Night » était de placer le spectateur dans une situation où il était désorienté, où tout était très sombre et où il n’était pas sûr. Et le son vous guide et vous aide. Mais il y a aussi toute cette désorientation due au temps et l’interférence avec la nuit, et le Roi de la Nuit peut aussi contrôler les forces météorologiques et créer cette tempête. […] Cela crée le sentiment de ce que cela aurait pu être de le vivre. […] C’est pourquoi, lorsque la série a été diffusée, les gens étaient mécontents qu’elle soit si sombre. Mais l’obscurité faisait partie de l’expérience85.

42Comme l’indique Paula Fairfield dans la même interview, le travail du son en collaboration avec l’image a été très minutieux86. Cet épisode est en effet basé sur deux éléments principaux : les repères sensoriels et l’émotion, où l’ouïe joue un rôle primordial comme on vient de le voir. L’émotion est largement provoquée par l’équilibre du son et de la musique, d’autant que les dialogues sont rares et les scènes collectives nombreuses.

43D’un point de vue sonore et de façon générale, quand les seuls sons entendus sont issus de la conception sonore, l’effet ressenti est celui d’un renforcement de l’anxiété. Plusieurs scènes sont construites avec cette visée, dont la scène de la bibliothèque dans laquelle Arya est piégée avec les morts-vivants (44:06-47:48), ainsi que le retour à la vie des morts quand le Roi de la Nuit, face à Jon Snow, s’apprête à rentrer dans Winterfell, soulignant ainsi le désespoir des combattants encore vivants (59:12-01:00:57). Cette séquence utilise des percussions et nappes aiguës de cordes pour renforcer l’ambiance anxiogène de la scène. Enfin, l’ensemble des scènes se déroulant dans la crypte jouent sur une angoisse « aveugle », car les personnages ne font qu’entendre. D’une part, elles accentuent les dialogues ayant lieu dans cet endroit, et, d’autre part et surtout, mettent en valeur l’attente impuissante des personnages confinés entendant les bruits étouffés venant de l’extérieur87 (cris, épées, etc.).

44La scène de la bibliothèque est remarquable à plusieurs égards (extrait vidéo 3 : la bibliothèque). D’un point de vue narratif, elle fait suite à l’arrivée des ennemis dans l’enceinte du château et visuellement à la bataille aérienne avec les dragons. Arya, dans le château, tente de trouver un refuge ou un endroit sûr pour reprendre haleine. Elle entre dans la bibliothèque et se rend compte qu’elle n’est pas seule : quelques morts-vivants y errent. Il lui faut traverser la pièce pour sortir du piège. Cette scène utilise quasiment exclusivement la conception sonore, mettant en exergue les bruits de pas, le craquement du plancher, le crépitement du feu, les mouvements des protagonistes, le souffle, les épées, etc. Cette stratégie sonore renforce la crédibilité de la situation et plonge le spectateur dans l’action au plus près du personnage. L’utilisation de textures à l’aide de nappes indéfinies88 met en valeur la prise de décision et l’action du personnage et son espoir de fuite. Elles soulignent aussi la tension de la scène : Arya, après avoir évité un mort-vivant de justesse, plonge sous une table. Tout en apercevant la sortie, des gouttes de sang mises en avant par le volume sonore perlent de son front sur le sol, alertant un ennemi et l’obligeant à renoncer (fin de la texture) ; elle trouvera une autre stratégie. Le traitement sonore de cette scène appuie la narration et l’immersion spectatorielle, en ce sens elle correspond aux productions contemporaines de la série.

3.1. Winter is coming : analyses des scènes de l’épisode « The Long Night »

45Parmi les scènes principales, pour comprendre le travail sonore mis en place dans la série et particulièrement dans cet épisode important d’un point de vue narratif, quatre retiennent ici notre attention.

46La première scène, « Le calme avant la tempête89 », utilise la conception sonore. Celle-ci se définit par un accompagnement rythmique produit par un mélange de sons synthétiques et de percussions étouffées dans le registre grave, pouvant s’approcher d’un battement de cœur. Ce rythme repose sur un enchaînement de base de croches sur laquelle s’adjoint parfois un dédoublement à la double croche90 assuré par un son un peu distordu amorcé par un premier temps accentué. Par ailleurs, se trouvent aussi des textures de synthèse pouvant ressembler à du vent. L’ensemble participe à une préparation angoissante de l’épisode. Du début de l’épisode jusqu’à 05:34, sont mis en avant les bruits de préparatifs, des armes, des pas, du vent, des chevaux, du feu et quelques rares paroles prononcées. L’ambiance sonore change quand Samwell Tarly rejoint Edd dans les rangs des combattants : l’aspect texturé et rythmique disparaît au profit d’une conception sonore basée sur les bruits de chevaux, de souffles, de vent, de craquements, etc. (extrait vidéo 4 : extrait de la scène « Le calme avant la tempête » – 5:34-6:56). Cette exclusivité donnée aux sons concrets permet une plongée dans l’intimité des divers personnages et de leurs attentes angoissantes, comme si le spectateur faisait partie de la bataille sur les trois plans disponibles à l’écran : avec l’infanterie, puis au-dessus de celle-ci avec les dragons, enfin sur les remparts du château. Cette même stratégie est utilisée quelques minutes plus tard (12:28-13:54) quand, après le premier assaut des Dothrakis, ceux-ci ont disparu dans les ténèbres. Une fois encore, l’utilisation des bruits que l’on pourrait entendre si les spectateurs étaient dans l’attente et dans la bataille est très prégnante : le souffle et la respiration des voisins, le bruit du vent, les cris étouffés des combattants Dothrakis, puis le bruit des morts-vivants. Tout cela est appuyé par une image volontairement très sombre. À ce propos, Kimmel indique que « les producteurs voulaient que ce soit de plus en plus silencieux. C’était plus effrayant parce que vous ne savez pas ce qui se passe91 ».

47Plongée dans l’attente, la scène suivante apporte le déclencheur de la bataille et comporte plusieurs éléments sonores narratifs importants dont des indices pour les spectateurs assidus (extrait vidéo 5 : extrait 2 de la scène « Le calme avant la tempête » – 10:28-14:25). D’une part, la présence de trois thèmes musicaux doit être remarquée : celui de Melisandre, prêtresse au service du Seigneur de la Lumière92, qui enflamme les épées des Dothrakis, puis après une confrontation avec Sir Davos, regarde Arya. Le thème de celle-ci s’enchaînant alors avec celui de Melisandre. Le troisième thème présent est celui de l’assaut, construit sur plusieurs motifs dont principalement celui du générique de la série (motif 193) superposé à un motif ascendant dans les graves (motif 2). L’architecture de cette séquence repose sur la superposition de différentes couches instrumentales des graves aux aigus, typique de l’esthétique de RCP, soutenue par des percussions, dans un crescendo général renforçant son caractère héroïque.

Exemple Musical 3 : Les motifs présents dans la lancée de la bataille.

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48Ce thème accentue le côté épique de l’attaque soutenu par une image saisissante des cavaliers (image 1 : Cavaliers premier assaut) et indique l’enjeu viscéral de cette bataille avec la série elle-même. En effet, depuis la première saison, l’énigme autour de l’arrivée de l’hiver (« Winter is coming ») mène à cette bataille inexorable et attendue. Celle-ci est donc un des composants principaux de la diégèse.

Image 1 : Les cavaliers premier assaut.

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49L’accent visuel comme sonore semble mettre en avant l’importance de la présence de ces deux personnages féminins dans la bataille. Celles-ci se retrouveront d’ailleurs dans une autre scène clé de ce même épisode avec le même enchaînement thématique (51:48-54:19). Alors qu’Arya, Sandor Clegane et Béric Dondarrion sont pourchassés dans le château par les morts-vivants, ce dernier se sacrifie pour faire rempart aux assaillants sur le thème du Seigneur de la Lumière. Peu de temps après est entendu le thème de Melisandre quand les personnages entrent dans une pièce où, on le découvre après, celle-ci est présente. Accompagnée de son thème, elle parle à Arya pour lui indiquer sa destinée94. Quand Arya comprend, son thème à elle prend alors le dessus. Ainsi, on saisit dès lors le rapport entre les deux protagonistes féminines et une piste narrative concernant le dénouement de l’épisode (voir exemple musical 3). Car les deux femmes se sont en effet déjà rencontrées (S3E6, « The Climb ») alors que la Prêtresse rouge cherche Gendry (bâtard de Robert Baratheon) qui a été sauvé par Arya dans l’épisode précédent. Melisandre, face à Arya, lui énonce une prédiction : « Je vois les ténèbres en toi. Et dans cette obscurité, des yeux qui me regardent. Des yeux bruns, des yeux bleus et des yeux verts. Des yeux que tu fermeras à jamais. » Arya apparaît donc déjà comme l’héroïne de l’épisode.

50Dans la plupart des scènes de bataille suivantes, il existe un équilibre entre sound design et musique qui fonctionne avec des vagues d’intensité en fonction du maintien de la tension du spectateur et surtout en lien avec le montage. Si on entend les bruits, le thème hypnotique de la bataille, par l’utilisation d’une rythmique régulière faisant penser au tic-tac d’une horloge ou d’un cœur battant, amplifie le stress de la situation. De plus, les effets musicaux employés s’appuient sur des cordes en trémolo, trilles, glissandi, voire des textures avec des dissonances et des crescendos soulignant certaines actions (extrait sonore 2 : sons dans la bataille).

51Comme l’affirme Kimmel, l’équilibre ou la mise en avant entre musique et conception sonore ont été pensés en matière de soutien à la narration95. Certains passages apparaissent plus effrayants sans musique : c’est le cas en particulier des différentes vagues d’assaillants morts-vivants au début de la bataille, où de nombreux sons sont utilisés pour donner une impression de submersion. À ce propos, Paula Fairfield96 indique s’être servie des sons emmagasinés dans la bibliothèque d’échantillons spécifiques aux morts-vivants et les avoir insérés dans le logiciel audio immersif pouvant générer des milliers de sons dans un monde audio virtuel en 3D, Sound Particules, afin de créer des mouvements et une sensation générale d’engloutissement. Cette stratégie a été corrélée avec des sons de voix des morts-vivants indéfinies mais aussi individuelles, et appuyée par une grande spatialisation (extrait sonore 3 : vague de morts-vivants).

52Le morceau illustrant cette bataille (« The Long Night ») utilise ainsi deux motifs qui parfois se superposent. Sur l’entièreté des combats, à partir du moment où les morts-vivants sont arrivés à l’écran (14:36) une percussion martèle un rythme rapide accompagnant la bataille. Si ce rythme connaît des variations de type de son ou de tempo, il accentue la tension tout comme les nappes de cordes (trémolo, glissandi, dissonances) et les nappes de basses qui l’accompagnent. L’impact sur le spectateur est ici très clair : provoquer l’immersion dans l’intensité de la bataille. Par ailleurs, il arrive que le thème de la série soit présent97, comme dans le premier assaut des Dothrakis, lors de la reprise de la bataille après la résurrection des morts-vivants, ou encore lors de la destruction de ceux-ci.

Exemple musical 4 : Les motifs utilisés dans la bataille.

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53Un effet assuré par la conception sonore mettant en exergue l’intériorité des personnages est utilisé à cinq reprises et semble appuyer le choc physique et mental de la situation dans laquelle chacun se trouve. Il se caractérise par l’utilisation d’une forte réverbération des sons ambiants et d’une compression des aigus, mettant en avant les bruits de respiration, du cœur, etc.98. Les sons sont étouffés comme pour donner au spectateur l’impression d’être à l’intérieur de la tête des personnages abasourdis99. Cet effet sera repris dans le montage alterné de l’arrivée du Roi de la Nuit devant Bran et des scènes de combat se poursuivant (extrait vidéo 6 : les scènes d’intériorité).

54Dans une des scènes, Bran prend la forme de la Corneille à trois yeux pour voir la bataille (33:14-34:07). L’environnement sonore y est complètement différent (extrait sonore 4 : La corneille). Il est construit sur des résonances de cloches, une ambiance sonore très présente dont certains sons sont étouffés (combats) pour laisser la place à d’autres plus importants pour la narration et liés au point de vue du protagoniste (dragons, corneilles, tempête). On y retrouve aussi le Roi de la Nuit chevauchant Viserion et activant les morts-vivants pour qu’ils traversent la barrière de feu érigée par Melisandre.

3.2. Les thèmes musicaux en lien avec la narration

55Comme nous l’avons vu, le cas des thèmes d’Arya et de Melisandre sont, dans cet épisode, intéressants, car ils soulignent la narration. Ces deux personnages se sont déjà rencontrés dans le passé (S3E6) et la prédiction de Melisandre s’accomplit lors de cette bataille. Deux scènes sont particulièrement importantes et soulignent le dénouement de l’épisode. Le premier extrait est celui que nous avons vu ainsi que leurs retrouvailles dans une salle du château. Les thèmes de Melisandre et d’Arya s’enchaînent à un moment précis : la Prêtresse rouge demande à Arya : « Que dit-on au Roi de la mort ? », celle-ci répond : « Not Today » et regarde Melisandre (53:40 et 54:08100)101.

Image 2 : Photogramme-Arya et Melisandre.

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56Le thème de Melisandre se confond avec celui du Seigneur de la Lumière, la différence essentielle étant la tonalité, la tessiture et l'orchestration utilisées. Ainsi quand Melisandre arrive devant l'infanterie, on décèle les notes d'introduction de la prêtresse (qui n'existe pas dans le thème du Seigneur de la lumière) puis le thème apparaît dans un registre aigu, quand elle enflamme les épées des Dothrakis, l'orchestration change et le thème se concentre dans les graves indiquant clairement la présence de l'entité invoquée.

Exemple Musical 5 : Le thème du Seigneur de la Lumière.

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57Celui-ci est en réalité très présent dans l’épisode ce qui semble indiquer son rôle dans la bataille et donc son importance. Ainsi Rh’llor102 est présent par l’intermédiaire de Melisandre103.

Exemple Musical 6 : Introduction et thème de Melisandre.

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58De la même façon, le motif du Roi de la Nuit (et des Marcheurs blancs) est présent assez souvent en toile de fond, sans que celui-ci ou les Marcheurs blancs soient à l’écran. Sous forme de petite cellule ou de motif un peu plus long, il est utilisé pour annoncer la présence des Marcheurs blancs et plus souvent celle du Roi de la Nuit.

Exemple musical 7 : Les motifs du Roi de la Nuit.

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59On le retrouve presque systématiquement lors de sa présence, mais aussi lors des changements météorologiques provoqués par lui ou l’arrivée des autres Marcheurs blancs dans l’enceinte du château. Ce motif tient donc à la fois le rôle de motif et de signal sonore pour désigner l’ennemi ultime104.

60Le traitement de la musique n’est pas toujours facile à déceler, car elle est parfois présente, mais mise au dernier plan sonore. Par ailleurs, certains passages sont plus des textures de soutien de la tension visuelle que des motifs réels. Ceux-ci soutiennent les moments les plus paroxystiques (comme les combats des différents protagonistes avant le début du morceau de l’épisode).

61La dernière scène (« Death has many face105 ») qui sera abordée maintenant est la plus longue, mais aussi l’une des plus remarquables de cet épisode, et ce, pour plusieurs raisons. Le thème « The Night King » commence par la prise en main de l’arme de Sansa aux côtés de Tyrion coincés dans la crypte envahie par les morts-vivants. La séquence dure un peu moins de neuf minutes et alterne au niveau visuel les scènes de combats (avec des focus sur les personnages principaux) et ce qui se déroule parallèlement près de l’arbre sacré où Bran est protégé par Theon Greyjoy. Le Roi de la Nuit vient d’arriver et, après avoir tué Theon, s’approche de Bran pour l’exécuter. Musicalement, la construction du morceau suit complètement la narration, ainsi le spectateur n’aura aucun mal à se remémorer cette séquence conclusive d’une partie de l’histoire de Game of Thrones, juste en écoutant ce morceau qui, dans la bande-son commercialisée – la BO officielle –, n’a pas été modifié (extrait : 1 :07 :03 – 1 :15 :45).

Figure 4 : Tableau des liens musique et narration sur la scène de dénouement, The Night King.

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62Au niveau sonore, la musique prend de plus en plus de place, tous les effets sonores, et le sound design sont très compressés, ce qui amplifie l’idée des dernières forces des personnages en train de se battre, l’impression de leur désespoir dans leurs cris, leurs souffles et leurs gémissements qui, eux, sont mis en avant. L’accent est clairement mis sur le développement de la musique accompagnant le sort funeste des protagonistes humains106. On notera la similitude de la tierce mineure utilisée dans le thème de l’épisode et celle du thème développé ici. Le morceau « The Night King » se finit donc sur une envolée non conclusive, c’est-à-dire sur un arpège non résolu. D’ailleurs, le morceau entier est construit sur la dramaturgie : une séquence de presque neuf minutes, respectant les changements de visuels dans la narration107, c’est-à-dire la dramaturgie du montage vidéo.

Exemple musical 8 : extrait de la partition du morceau « The Night King » réduction piano).

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63Trois détails essentiels sont à remarquer dans la conception sonore dans cette séquence : le souffle dans les cheveux d’un Marcheur blanc annonçant une action alors que le Roi de la Nuit s’apprête à tuer Bran, l’arrêt de la musique au moment de l’impact de l’arme d’Arya sur le corps du Roi de la Nuit mettant en exergue le seul son présent, surdéveloppé avec une réverbération : celui de la lame d’Arya glissant d’une main à l’autre et lui permettant d’anéantir l’ennemi (1:15:39-1:15:58).

Valar Morghulis, Valar Dohaerys

64L’analyse développée des différentes stratégies mises en œuvre par les concepteurs sonores et le compositeur de GoT montrent une multiplicité sonore accompagnant les enjeux narratifs, devançant l’action, prévenant le spectateur, mais aussi soutenant les émotions contenues et dégagées pendant l’épisode, permettant ainsi une immersion du spectateur dans un univers sonore cohérent, riche et pluriel.

65La mise en avant de la conception sonore sur des scènes sombres ou des situations angoissantes (attente de la bataille, submersion, bibliothèque, crypte) renforce là aussi l’immersion du spectateur et, par de forts effets de réel, le maintien dans un état anxiogène voulu par la production. Par ailleurs, cette conception sonore peut aussi être déterminante pour donner des indices ou pour renforcer la dramaturgie (scène Arya vs Roi de la Nuit).

66La musique montre, elle aussi, différentes facettes utilisant les thèmes des différents personnages, de la bataille, de la série ou de l’épisode lui-même, avec des desseins différents. Ainsi, de nombreuses stratégies mises au jour par Leah Broad se retrouvent ici : de l’identification du personnage au cadrage intradiégétique, des ponts sonores aux accentuations des scènes émotionnelles ou de tensions. Pour un spectateur assidu, certains thèmes apparaissent signifiants dans le dénouement de l’épisode et y soulignent aussi l’importance des protagonistes (Arya, Melisandre et le Seigneur de la Lumière).

67La question de frontière entre effets sonores et musique est ici prégnante, en particulier dans l’utilisation de textures ou d’effets orchestraux, de nappes ou encore d’effets de synthèse (comme les infrabasses ou des impacts dans les graves) dont certains éléments font partie de la bande originale signée par Ramin Djawadi. Par ailleurs, le mixage des plans sonores est une partie du travail de l’équipe de Tim Kimmel veillant à l’équilibre entre musique et conception sonore au profit de la narration. Ici, il est finement établi et au cœur du travail sonore, permettant de provoquer les émotions et l’adhésion du spectateur à cette bataille décisive.

Notes   

1 Paula Fairfield, Tim Kimmel.

2 Ramin Djawadi

3 Paula Fairfield and Tim Kimmel.

4 Le genre fantasy est un genre fictionnel regroupant de multiples sous-genres et expressions où dominent le merveilleux et le surnaturel. Mouvement littéraire dans un premier temps dont les pionniers sont George MacDonald ou encore William Morris, le genre fantasy gagne l’ensemble des expressions artistiques dont plusieurs films (Dark Crystal, 1982 ; l’adaptation du Seigneur des Anneaux sous forme de trilogie, 2001-2003) et séries télévisées (Merlin, 2008 ; Ragnarök, 2020 ; The Witcher, 2019). Voir Anne Besson, La Fantasy, Klincksieck, Paris, 2007.

5 HBO est un réseau américain de télévision payante (câble et satellite) détenu par le conglomérat multinational de médias et de divertissements Warner Media via Home Box-Office, Inc., société fondée par Charles Dolan.

6 Jason Mittell, Complex TV: The Poetics of Contemporary Storytelling, New York, New York University Press, 2015.

7 Ibid., p. 45 : « a television serial creates a sustained narrative world, populated by a consistent set of characters who experience a chain of events over time ».

8 Ibid., p. 66 : « Complex television employs a range of serial techniques, with the underlying assumption that a series is a cumulative narrative that builds over time, rather than resetting back to a steady-state equilibrium at the end of every episode. »

9 X-Files : aux frontières du réel, est une série américano-canadienne produite par Chris Carter (de 1993 à 2002) qui inaugure la construction narrative complexe décrite par Mittell en oscillant entre des épisodes autonomes et des épisodes de la mythologie ou « mytharc ».

10 Jason Mittel, op.cit., p. 66 : « in fact, complex television’s most defining characteristic might be its unconventionality ».

11 Avec le soutien d’une promotion.

12 Judith May Fathallah, « ‘I AM YOUR KING’: Authority in Game of Thrones », in Fanfiction and the Author, chapitre 4, Amsterdam University Press, 2017, p. 101-155 ; Anne Gjelsvik, Rikke Schubart (éd.), Women of Ice and Fire. Gender, Game of Thrones and Multiple Media Engagements, Bloomsbury Academic, 2016 ; Valerie Estelle Frankel, Women in Game of Thrones: Power, Conformity and Resistance, Jefferson, McFarland & Co Inc, 2014 ; Andreï Nae, « Remediating Pornography in Game of Thrones: Where Sex and Memory Intertwine », in [Inter]sections, vol. 6, no 18, 2015, p. 17-44 ; Gerald Poscheschnik, « Game of Thrones — A psychoanalytic interpretation including some remarks on the psychosocial function of modern TV series », in The International Journal of Psychoanalysis, vol. 99, no 4, 2018,
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00207578.2018.1425092, consulté en juin 2021.

13 Tanvi Malhara, « Conceptual Analysis of Game of Thrones », in International Journal of Innovative Research and Advanced Studies (IJIRAS), vol. 4, no 3, mars 2017, p. 263-268.

14 Deborah L. Jaramillo, « AMC: Stumbling Toward a New Television Canon », in Television&New Media, vol. 14, no 2, p. 167-183.

15 James Collins, « The use values of narrativity in digital cultures », in New Literary History, 44(4), 2013, p. 639-660.

16 Ce qui est désigné par Jenkins comme la convergence des médias. Henry Jenkins, Convergence culture: Where old and new media collide, New York University Press, 2016.

17 Le rapport aux thèmes jusqu’ici proscrits car censurables par les producteurs et diffuseurs, et donc la non-conventionalité est définie par DeFino comme l’effet HBO. Voir DeFino, D.J., The HBO Effect, Bloomsbury Publishing USA, 2013.

18 Tanvi Malhara, op. cit., p. 265 : « Paradoxically, the series’ respectability came to reply on familiar “Quality TV” ingredients like its jarring violence, its firm cynicism, and its frank portrayal of sexual acts. »

19 Gordon Calleja, « Revising Immersion. A Conceptual Model for the Analysis of Digital Game Involvment », in Proceedings of Situated Play, DiGRA Tokyo, 2007 ; p. 83-90.

20 Hubert Bolduc-Cloutier, « Musique et immersion spectatorielle dans les scènes de poursuite des films d’action du cinéma hollywoodien contemporain », in Chloé Huvet (éd.), « Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control », Revue musicale OICRM, vol. 5, no 2, novembre 2018, p. 48-78, https://doi.org/10.7202/1054147ar, consulté en mai 2021.

21 Leah Broad, « Game of Thrones: Music in Complex TV », in Music and Moving Image, vol. 13, no 1 (Spring 2020), p. 21-42.

22 Leah Broad, op. cit., p. 24 : « GoT, therefore, is catering for three audiences: the first are casual audiences, who have not read the books and watch the show without participating in fan communities; the second are semi-engaged audiences, who have read the books and watch the show without participating in fan communities; and the third are highly engaged audiences, who have likely read the books, participate in fan communities, and use the lacunae between episodes to analyze the episodes and theorize about multi-episode/series narrative arcs. »

23 Broad, Leah, op. cit., p. 33 : « Djawadi’s score therefore contributes to the “cognitive workout” that Steven Johnson identifies as one of the key pleasures of watching complex TV, and this aspect of his music caters only to the most highly engaged audience level. »

24 Dans le film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola pour lequel il est crédité comme « sound designer ».

25 Kevin Donnelly, Occult Aesthetics: Synchronization in Sound Film, Oxford University Press, 2014 ; p. 129 : « there has been a relatively solid divide: Musicians and composers produce music for film, and Foley artists and sound editors are responsible for constructing a conventional series of sound effects to accompany on-screen action ».

26 Danelija Kulezic-Wilson, « Sound Design and its interactions with Music. Changing Historical Perspectives », in Miguel Mera, Ronald Sadoff et Ben Winters (éd.), The Routledge Companion to Screen Music and Sound, Routledge, New York, 2017, p. 127-138 ; p. 135-136 (conclusion).

27 Pour l’épisode qui nous intéresse, elle a remporté les prix du Best Sound Editing et du Best Sound Mixing.

28 D’après Tim Kimmel, l’équipe son et le compositeur travaillent séparément, ainsi son équipe doit trouver l’équilibre des différents plans sonores. Voir « How the Battle scene sounds in Game of Thrones are made », in Movies Insider, 30 mai 2019, https://www.youtube.com/watch?v=m6-LQGmVmII, consulté le 30 mai 2021.

29 Nom venant de l’artiste Jack Foley, premier à enregistrer et créer des sons pour les œuvres audiovisuelles (Show Boat, 1929).

30 Sandra Pauletto, « The Voice delivers the Threats, Foley delivers the Punch. Embodied Knowledge in Foley Artistry », in The Routledge Companion to Screen Music and Sound, edited by Miguel Mera, Ronald Sadoff and Ben Winters, Routledge, New York, 2017 ; p. 338-348 ; p. 343.

31 « How the battle scene sounds in ‘Game of Thrones’ are made » Movies Insider, https://www.youtube.com/watch?v=m6-LQGmVmII, consulté le 27 mai 2021: «I know we maxed out the image and tracks amount of tracks we are able to use on the system we were using which I believe is 720 tracks. And that was just for sound effects, and sound design, and Foley, and backgrounds. So I think on the dialogue side there was probably another 200 tracks and another 60 tracks or so of music. »

32 Walter Murch, « Dense Clarity – Clear Density », in Transom Review, vol. 5, Issue 1, 2005, p. 7-23.

33 Voir à ce propos : “How The Battle Scene Sounds In ‘Game Of Thrones’ Are Made », Movies Insider, https://www.youtube.com/watch?v=m6-LQGmVmII&t=186s, consulté le 29 mai 2021.

34 Ibid. : « To hear the specific sword of a main character attacking someone. So even if there are 30 people around him fighting, and you want to feel him, you have to make sure that you can hear the details of the fight and that his sword hits the sword of the one he is fighting. »

35 A écouter par exemple dans S5E4.

36 Op. cit., « How The Battle Scene Sounds In ‘Game Of Thrones’ Are Made », Movies Insider.

37 Un « wight » est un cadavre réanimé, humain ou animal, élevé de la mort par les Marcheurs blancs en utilisant la nécromancie pour que les wights agissent comme leurs sous-fifres. Les morts-vivants sont souvent désignés collectivement comme l’Armée des Morts, ou simplement comme les Morts. Ce ne sont pas pour autant des zombies, lesquels répondent à une autre définition.

38 John Weiss, « Emmys 2019 : ‘Game of Thrones’ Sound Design Put An Emphasis On Endangered Species », Forbes, 9 septembre 2019, https://www.forbes.com/sites/joshweiss/2019/09/09/emmys-2019-game-of-thrones-sound-design-put-an-emphasis-on-endangered-species/?sh=26e918e86b34, consulté le 19 mai 2021 ; « My job on the show was all the fantastical elements. The dragons first and foremost ; the Wights ; the White Walkers ; the dire wolves ; the warging dreams—all that stuff. »

39 Interview Paula Fairfield « Sound Designer » FMX 2018-Stuttgart,
https://www.youtube.com/watch?v=tzbJnd5mryU&t=326s, dernière consultation le 9 juin 2021.

40 L’idée pour la conceptrice sonore était de pouvoir reconnaître chaque dragon en utilisant des sons spécifiques mais aussi pouvoir les faire évoluer et grandir par l’ajout et la modification des divers sons utilisés pour les incarner.

41 « I recorded three kinds and ended up using the black and white rhinos for Rhaegal, for his big barrel-chested moans when Jon is flying on him », in « Huge interview: Behind the Sound of the Final Season of ‘Game of Thrones’ ».

42 Victoria Ellison « Game of Thrones’s Composer Ramin Djawadi: I’m just trying to create something magical (Q&A) », in The Hollywood Reporter, 15 avril 2013, https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-news/game-thrones-composer-ramin-djawadi-437085/, dernière consultation le 29 mai 2021 : «In the first season, before the dragons hatched, whenever we saw the dragon eggs, I had this very high sparkling sound, just trying to create something magical that now in the third season has gained quite a bit of power. And now we’ve played with strings and other instruments because obviously they’re growing and getting stronger and stronger as they get bigger. »

43 Jennyfer Walden, « Surprisingly, the bears were very busy at night. They were supposed to be hibernating but they were up at night, having snacks. I have recordings of endless amounts of sniffing, snoring, and bear farts. I even captured one of their heartbeats at one point because they were right up against the recorder. The recordings were fantastic. The sniffs of Drogon as he’s nudging Dany and pushing her, and the little moan in there too, come from the bears », in « Huge interview: Behind the Sound of the Final Season of ‘Game of Thrones’ » https://www.asoundeffect.com/game-of-thrones-8-sound/, dernière consultation 19 mai 2021.

44 Josh Weiss, « Emmys 2019: ‘Game Of Thrones’ Sound Design Put An Emphasis On Endangered Species », in Forbes, 9 septembre 2019, https://www.forbes.com/sites/joshweiss/2019/09/09/emmys-2019-game-of-thrones-sound-design-put-an-emphasis-on-endangered-species/?sh=7a77cdd16b34, dernière consultation le 29 mai 2021 : « One of the things that I would like people to pay attention to is that you love the dragons and you believe that they’re real. They’re being vocalized and their expressions are expressed by the vocals and the sounds and the voices of animals that are on our planet that we are killing and that are disappearing. What I would encourage people to do is to think about that. »

45 La conceptrice est consciente de cet anthropomorphisme ; voir : Interview Paula Fairfield « Sound Designer » FMX 2018-Stuttgart, https://www.youtube.com/watch?v=tzbJnd5mryU&t=326s, dernière consultation le 9 juin 2021.

46 En effet, Jon Snow semble accepté par le dragon via les sons entendus, mais aussi par le fait qu’il se laisse caresser. Deux hypothèses peuvent alors être émises : Drogon accepte l’amour de Jon pour Daenerys ou il sent l’appartenance de Jon au clan Targaryen.

47 « If [Viserion’s vocal chords] are frozen then they’re clacking together. So, you’ve got this deteriorated vocalization with this clacking going on and the end result is really interesting because it has to move from being alive and vibrant and full to being kind of emaciated… [with] this nasty-ass rattling sound that comes through and it’s more screechy » in « Con of Thrones exclusive: Paula Fairfield on the importance of expanding mythology and the real voices behind zombie Viserion », juin 2018,
https://kevinalsoblogs.blogspot.com/2018/06/con-of-thrones-exclusive-paula.html, dernière consultation 9 juin 2021.

48 Jennyfer Walden, op. cit. : « The wings were parachutes, canvas, and tarps. There are leather twists and movement to get that creakiness. »

49 Dans cette séquence, les étapes sont binaires : l’attente (1) et l’attaque ou le combat (2). Ainsi, après l’attente, et le combat on revient à une forme d’attente (qui en fait une sorte de pause-retrouvaille).

50 Voir motif du Roi de la Nuit : exemple musical 6.

51 Ibid. : « The living dragons were fairly similar but each dragon has a few dozen smalls sounds, like wooshes, whomps, and leathery skin textures that get rearranged to emphasize that particular one. »

52 Il a par ailleurs développé les langues suivantes dans GoT : Dothraki, Haut Valyrien, Ghiscari bas valyrien (y compris les dialectes d’Astapori et de Meereenese), Mag Nuk (la langue des géants).

53 « The Other said something in a language that Will did not know, his voice was like the cracking of ice on a winter lake, and the words were mocking », dans le prologue de Game of Thrones de George R. R. Martin.

54 David J. Peterson, « Skroth Reference Grammar and Lexicon — David J. Peterson 1 », https://dedalvs.com/work/game-of-thrones/misc/skroth.pdf.

55 « The White Walkers, they had a language developed for them initially and they were going to speak and we tried, it just didn’t work and it felt like the White Walkers were above language », in Interview Paula Fairfield « Sound Designer » FMX 2018-Stuttgart.

56 Titre de l’épisode : « Valar Morghulis ».

57 Celui-ci a par ailleurs aussi réalisé le son du géant Wun Wun à partir d’une « une sorte de cri métal » op. cit., « Meet The Man Who Makes The Sounds For White Walkers & Wights On ‘Game Of Thrones’ | Movies Insider », https://www.youtube.com/watch?v=f13BBg5taZI, dernière consultation le 19 mai 2021.

58 « A lot of it has to be story-driven. If there’s one that’s right on top of a main character that you’re worried is gonna to kill them, we’ll find the most aggressive one we can find and really make the viewer worry », in « Meet the Man who makes The sound for White Walkers & Wights on Game of thrones », Art Insider ; https://www.youtube.com/watch?v=f13BBg5taZI, dernière consultation 19 mai 2021.

59 « Meet the Man who makes The sound for White Walkers & Wights on Game of thrones », Art Insider ; https://www.youtube.com/watch?v=f13BBg5taZI, dernière consultation 19 mai 2021 : « One of the biggest challenges was to capture a sound that really gave the audience the impression of the size of this army. »

60 Cet élément sera traité dans l’analyse de l’épisode. Par ailleurs, Kimmel a affirmé : « You had to get as big as you can for that first wave, so it just feels huge, but what was tricky in the shot was that first wave hits, and then you get to a reacher shot of the other part of the army, and then there's a second wave that comes in. » in Meet The Man Who Makes The Sounds For White Walkers & Wights On ‘Game Of Thrones’ | Movies Insider.

61 Benjamin Wright, « Music and the Moving Image. A Case Study of Hans Zimmer », in The Routledge Reader on the Sociology of Music, Ed. John Sheperd, Kyle Devine, 2015, p. 319-327 ; p. 319 : « by a reliance on classical Hollywood scoring practices, and a synergy between electronic and orchestral music structures. »

62 Ibid., p. 321 : « The composition of the Remote Control facility reflects a decentralized mode of production with a small staff of salaried composers, sound designers, orchestrators, technicians and a growing collective of composers who lease studio space in the facility including […], Ramin Djawadi. »

63 Voir à ce propos Chloé Huvet, « Interstellar de Hans Zimmer : plongée musicale au cœur des drames humains, par-delà l’infiniment grand. Pour une autre approche de l’esthétique zimmérienne », in Chloé Huvet (éd.), « Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control », Revue musicale OICRM, vol. 5, no 2, novembre 2018, p. 103-124, en particulier p. 105-106, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol5-n2/interstellar/, consulté en mai 2021.

64 Compositeur additionnel, programmateur de musique additionnelle et arrangeur.

65 Leah Broad, op. cit., p. 25 : « These functions are as follows: 1) intradiegetic framing, 2) character identification, 3) character growth, 4) bestowing power on characters, 5) signifying place, 6) sound bridges, 7) underscoring for tense/emotional scenes, and 8) subverting intrinsic norms. »

66 Inside Game of Thrones: A Story in Score (HBO), https://www.youtube.com/watch?v=rSMO4pHe3HE, dernière consultation 21 mai 2021.

67 « Composer la musique. Entretien avec Ramin Djawadi », p. 12-13, in Dans les coulisses de Game of Thrones. Le trône de fer, saisons 3&4, C. C. Taylor, Huginn & Muninn, Paris, 2014, p. 12.

68 Ce procédé est cependant assez fréquent.

69 Cette idée de subversion des codes présente dans GoT, comme globalement dans les productions HBO, est ici soulignée par l’usage d’une musique longue mise au premier plan de l’action.

70 Dans cet épisode doit se tenir le procès de Cersei au septuaire de Baelor qu’elle fait sauter, entraînant la mort de sept personnages principaux et le suicide de son fils, Tommen.

71 Morceau de presque 10 minutes, principalement composé de piano (instrument non utilisé jusque-là) et de chœur d’enfants.

72 « It can be very dark and moody, but also beautiful and emotional at the same time, and it’s just perfect for the sho. Because it’s such a dark show. Obviously, because all these families have their problems. » in « Game of Thrones’ Composer Ramin Djawadi: ‘I’m Just Trying to Create Something Magical’ (Q&A) »
https://www.hollywoodreporter.com/heat-vision/game-thrones-composer-ramin-djawadi-437085

73 James Cook, Alexander Kolassa, Adam Whittaker, « Music in Fantasy Pasts: Neomedievalism and Game of Thrones », in Alexander Kolassa, James Cook and Adam Whittaker eds. Recomposing the Past: Representations of Early Music on Stage and Screen, Ashgate Screen Music Series, Abingdon: Routledge, 2018, p. 229-250.

74 Umberto Eco est le premier à utiliser ce terme en 1986. D’après Cook, Kolassa et Whittaker ce terme a été défini par plusieurs auteurs dont l’utilisation de thèmes médiévaux et fantastiques permettrait une relecture du monde contemporain (particulièrement sociopolitique), voir p. 232.

75 Ibid., p. 237, « The exploitation of the interval of a fifth in the melody, alongside this chromatic instability, helps to give at least a flavour of modality — an instantly recognisable musical signifier for the rural medieval. The limited range of the theme itself is highly reminiscent of chant, perfectly occupying the authentic range of a chant with the lower leading-note extension. » Trad. : « L’exploitation de l’intervalle de quinte dans la mélodie, ainsi que cette instabilité chromatique, contribue à donner au moins un goût de modalité – un signifiant musical immédiatement reconnaissable pour le Moyen Âge rural. La gamme limitée du thème lui-même rappelle fortement le chant, occupant parfaitement la gamme authentique d’un chant avec l’extension de la note de tête inférieure. »

76 Ibid., p. 238, « We might also consider extra-musical sounds in the opening sequence as important to its medievalist texture: apparently diegetic sound effects (including burning and a metallic swish) which appear to emanate from a giant and floating three-dimensional astrolabe containing a sun and the GoT title card. Indeed, the presence of these sounds, in a sense, tussling with the music itself, is a visceral effect that works on a sublinguistic level — sounds, like a metal swish recalling a sword near the listener’s ear, are truly felt. » Trad. : « Nous pourrions également considérer les sons extra-musicaux de la séquence d’ouverture comme importants pour sa texture médiévale : des effets sonores apparemment diégétiques (y compris des brûlures et un bruissement métallique) qui semblent émaner d'un astrolabe tridimensionnel géant et flottant contenant un soleil et la carte-titre de GoT. En effet, la présence de ces sons, qui, en un sens, se mêlent à la musique elle-même, est un effet viscéral qui fonctionne à un niveau sublinguistique – les sons, comme un sifflement métallique rappelant une épée près de l'oreille de l’auditeur, sont vraiment ressentis. »

77 Jérémy Michot, « La prééminence du modèle chanté dans la musique de Game of Thrones : deux études de cas », in Hélène Machinal et Élaine Desprès (éd.), « L’Imaginaire en série I », Revue Otrante, no 42, 2017.

78 Liens avec le groupe de rock The National, générique de l’épisode « The Blackwater » (interprétation de « The Bear and the Maiden Fair », S2E9) et avec le groupe Sigur Ros, générique de l’épisode « The Lion and the Rose » (interprétation de « The Rains of Castamere » S4E2). Notons que le groupe joue dans cet épisode.

79 Les auteurs développent l’analyse de ces deux exemples dans leur article.

80 Voir « Inside Game of Thrones: A Story in Score » (HBO) :
https://www.youtube.com/watch?v=rSMO4pHe3HE, dernière consultation 21 mai 2021.

81 Idem, « Inside Game of Thrones: A story in Score ».

82 Victoria Ellison, op. cit. : « The synthesizers don’t jump out at you, but they really work well. I literally play each instrument or the keyboard – the timpani, then I go back to the beginning and play the string line, and then the piano. I layer all these tracks one after the other. There are various synthesizers, you tweak the knobs and modify the sound of it, let them become part of sound palette I create. »

83 « Inside Game of Thrones: A Story in Score » HBO : « I sketch out the scene, and then one I feel I have the right shape, then I go back and then I started arranging and orchestrating the scene. And then I add all the different layers of instrumentation. […]While the episode is still edited, everything just stays in the computer, and everything’s just done digitally. And once the picture is locked, then I go in and actually record it with real musicians. »

84 Voir par exemple : https://www.digitaltrends.com/home-theater/game-of-thrones-long-night-season-8-picture-quality-issues/, dernière consultation 24 mai 2021.

85 Paula Fairfield dans « Emmy interview: Paula Fairfield, Emmy-nominated sound editor of ‘Game of Thrones’ », Amanda Spears, 27 août 2019, https://awardswatch.com/emmy-interview-paula-fairfield-emmy-nominated-sound-editor-of-game-of-thrones/, dernière consultation 24 mai 2021 : « The concept of “The Long Night” was that it placed the viewer there it was kind of disorienting experience, Everything’s very dark and you’re not sure. And then sound leads you and helps with that. But, also there’s all this disorientation with the weather and the interference with the night and the Night King can control the forces of weather and creating that storm. […] It creates that whole sense of what it might’ve been like to experience that. […] Just such attention to detail from everybody. Which is why when it aired and people were upset that it was so dark. But the darkness was part of the experience of it. »

86 Idem, « You’ve got to have just multiple layers of textures and detail to continue to shift and change because otherwise you get hearing fatigue and after a while nobody hears anything and nothing is interesting. »

87 Scènes cryptes : 20:07-20:57/29:43-31:55/48:36-49:52/1:01:26-1:02:08 (cordes)/1:06:25-1:07:04 (début thème « The Night King »).

88 Probablement des cordes et des sons de synthèse.

89 Nom donné dans le découpage HBO.

90 Sans doute dû à un delay. Le delay est un effet audio qui enregistre un signal sonore pour le restituer selon une période définie. On peut ainsi l’utiliser pour créer un écho (répétition et atténuation dans le temps), ou dédoublement.

91 Tim Kimmel dans « Huge Interview: Behind the Sound of The Final Season of ‘Game of Thrones’ » in https://www.asoundeffect.com/game-of-thrones-8-sound/ : « As we went through it with the producers, they kept wanting it quieter and quieter. It was more frightening because you don’t know what’s happening. »

92 Aussi nommé comme la Religion de R’hllor issue de croyances d’Essos (l’un des continents de l’histoire versus Westeros).

93 Le motif 3 est issu du motif 1 et correspond à un réarrangement dédié à cette scène (en envolée pouvant symboliser la bravoure).

94 Voir le photogramme de la scène.

95 Huge interview, op. cit., « We did a lot of give-and-take between the music and sound design. Some moments, even though there is music there, the sound design will take over and vice versa. There were times when the music was doing a better job of telling the story and so the music would carry the moment. »

96 Idem.

97 11:18-12:30 – 41:48-41:52 (Arya/Clegane) – 1:04:25-1:04:56 – 1:16:17-1:16:50.

98 Ce genre d’effet est assez fréquent dans les scènes de bataille dans le cinéma dès les années 2000, citons par exemple Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (Peter Jackson, 2002) ou Gladiator (Ridley Scott, 2000).

99 Dans l’ordre d’apparition de cet effet : Jorah Mormont, Samwell Tarly, Ver Gris, Arya, Sandor Clegane.

100 Ces moments coïncident avec des mots prononcés par Melisandre dans le premier cas « blues eyes » et « Not today » par Arya dans le second.

101 Voir le photogramme de cette scène.

102 Nom du Seigneur de la Lumière.

103 Dans l’ordre d’apparition : Melisandre enflamme les épées des Dothrakis (08.19-9.02) – Melisandre enflamme les barrières de protection (28.47-29.17) – Sacrifice de Béric Dondarrion (51.48-52.18) – Mort de Melisandre (1.19.04-fin de l’épisode). Véritable personnage invisible, incarné par Melisandre, cette entité prend part à la bataille et semble disparaître avec la prêtresse une fois son rôle joué.

104 Parmi les autres thèmes présents une variation du thème de Daenerys et le thème des dragons.

105 Nom de la scène donné dans le découpage d’HBO.

106 Cette utilisation musicale et visuelle se retrouve dans l’épisode 10 de la saison 6 dans lequel Cersei a commandité l’explosion du Grand Septuaire avec du feu grégeois, se débarrassant ainsi des Tyrell et du Grand Moineau.

107 D’ailleurs, si l’on écoute la BO, ces musiques sont gardées telles quelles.

Citation   

Julie Mansion-Vaquié, «« The Long Night » ou la multiplicité sonore.  », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et design sonore dans les productions audiovisuelles contemporaines, Terreurs du surnaturel contemporain : à l’écoute des productions audiovisuelles horrifiques, mis à  jour le : 13/12/2022, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=1295.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Julie Mansion-Vaquié

Docteur en musicologie, spécialiste des Popular Music, Julie Mansion-Vaquié est Maître de conférences à l’Université Côte d’Azur. Elle s’intéresse particulièrement à la re-création scénique (performance, interprétation, création, supports d’existence de la musique) ainsi qu’aux rapports du son à l’image (sound design, musique à l’image…). Co-responsable du MSc Music Scoring for Visual Media and Sound Design, elle est membre du laboratoire CTELA, ainsi que de l’IASPM francophone, et participe au réseau universitaire sur la chanson (Les ondes du monde). Elle est aussi compositrice et réalise des vidéos-musique.Maître de conférences CTELA, Université Côte d’Azur, France. julie.mansion-vaquie@univ-cotedazur.fr https://univ-cotedazur.fr/annuaire/mme-julie-mansion-vaquie.