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Comment Christophe Héral dissout les frontières entre les catégories de sons

Laetitia Pansanel-Garric
novembre 2022

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.1278

Résumés   

Résumé

Christophe Héral est un créateur sonore, compositeur français pour le cinéma et le jeu vidéo, singulier dans le paysage de la musique de film en France en ce sens qu’il officie autant dans le film, la série d’animation, que dans le jeu vidéo.

Dans sa quête de l’authentique, tout est langage et musique pour le compositeur qui aime exploiter les ressources narratives de ce qu’il aime nommer « masse sonore » : l’enchevêtrement de matières pour ne faire qu’un. À travers l’analyse de quelques titres de la bande-son du film Le Voyage du Prince, cet article étudiera différents aspects des méthodes de travail de Christophe Héral et de son approche authentique du son. L’étude de la bande-son du film de La Queue de la souris de B. Renner et d’extraits de la bande-son des jeux vidéo Rayman Legends (2011) et Rayman Origins (2013) mettront en évidence la définition du terme « luthier sonore », expression et définition chère au créateur ainsi que sa vision des méthodes d’intégration dans le jeu vidéo.

Abstract

Christophe Héral is a French sound artist and composer for both cinema and video games, unique in the French film music world in the sense that he works on films and animated series as well as on video games.

In his quest for authenticity, everything is language and music for this composer, who likes to exploit the narrative resources of what he calls the ‘sound mass’: the mingling of materials to create one single material. By analysing several tracks from the soundtrack of the film Le Voyage du Prince, this article will study different aspects of Chrisophe Héral’s working methods, and his authentic approach to sound. Analysis of the soundtrack of the film La queue de la souris (A Mouse’s Tale, B. Renner) and of extracts from the soundtrack of the video games Rayman Legends (2011) and Rayman Origins (2013), will focus on the definition of the term ‘sound luthier’, an expression and definition very dear to Héral, and on his vision for methods of integration in video games.

Index   

Index de mots-clés : Sound design, Héral, Jeu vidéo, Lutherie sonore, Plug-in, Animation.

Texte intégral   

Introduction

1Il est difficile de définir précisément ce qu’est le sound design, ou design sonore, aujourd’hui. Cet art de « composer le bruit », d’imaginer son enveloppe dans l’espace et le spectre, s’intègre dans une variété de domaines dont le film, la musique, le jeu vidéo, la publicité et les autres médias visuels. Le sound design s’est imposé peu à peu dans l’architecture des films comme étant un socle sur lequel repose une grande partie de l’esthétique sonore et musicale du film. En perpétuelle évolution, il se développe encore et mute aujourd’hui vers de nouvelles formes plus complexes des bandes-son. Il s’immisce notamment au sein du domaine de la chanson, des musiques de film et des médiums contemporains. Il est parfois une teinte, un voile ou encore une signature qui identifie et définit un film. Le design sonore est ce qui a fait basculer le « cinéma sourd »1, dénomination de Michel Chion, vers un cinéma contemporain du sonore et du spectacle total.

2Création sonore abstraite, le sound design consiste à créer des sons utiles, originaux, réalistes ou non. Son action dans le film souhaite également rendre compte du meilleur contour de la sonorité de ces sons, même ceux les plus impalpables et les plus disgracieux. Les champs d’applications du sound design sont multiples et concernent les dialogues, la musique, les effets sonores de bibliothèques, les bruitages (dont font partie les ambiances et les sons interprétés2, bruits de pas, de vêtements, d’objets sur scène). Ric Viers, designer sonore américain, nous donne un premier éclairage pragmatique sur ce qu’est le sound design, les effets sonores et la mission des designers sonores :

Les effets de design sonores qui sont naturellement impossibles à enregistrer sont, dans la grande majorité des cas, façonnés à l’aide d’une station audionumérique3 dans le but de produire l’effet recherché. […] Les designers sonores sont des ingénieurs du son qui excellent dans la manipulation des ondes sonores, qui créent des sons à la fois artificiels et réalistes4.

3S’ajoute à cela une triple mission : être utile au film (avec la prise en compte de l’environnement de diffusion, de la cible du message, du niveau d’importance du message, du besoin de définir une image et un mouvement), susciter une émotion (quelle qu’elle soit) et enfin, être esthétique et « agréable » (faire en sorte que le son soit agréable et mis en valeur n’est pas toujours évident notamment lorsqu’il est question de sons tels qu’une alarme incendie, etc.). L’influence du goût, de l’acquis musical, de la culture cinématographique chez un créateur sonore, un musicien ou un designer sonore est réelle et va influer sur la manière de percevoir un mouvement narratif, une image et donc de concevoir son accompagnement sonore. Tout est lié.

4Depuis la fin du xxe siècle, période charnière d’expérimentation des premiers effets sonores enregistrés sur cylindre de cire à l’aide d’un phonographe, le sound design s’est développé au fil des mutations spectaculaires de l’industrie du cinéma. Des premières tables de montage (la Moviola5, la Kem6, etc.) aux dernières stations de montage numériques, jusqu’aux performances de l’informatique, le design sonore évolue sans cesse nécessitant une posture technique, créative et inventive mêlant art et esthétique par le travail de la matière sonore.

5Dans le domaine du jeu vidéo, le champ d’action du sound designer se voit complexifié par la mission interactive et narrative de la nature même de ce médium.

6Bounthavy Suvilay, autrice d’Indie Games7, nous apporte des précisions quant à la nature du poste de sound designer au sein de cette production sonore particulière :

Si la musique est un élément essentiel pour créer une atmosphère et communiquer des émotions, le jeu vidéo a surtout besoin de sound design pour bruiter l’univers fictif où se déroulent les actions des joueurs. Ce travail sonore essentiel est souvent confié à une autre personne que le compositeur, même si celui-ci peut s’en charger. Traditionnellement, en raison des anciennes limitations techniques, le bruitage des jeux était très sobre, voire minimaliste, un seul « bip » étant utilisé par élément, alors que, dans les médias audiovisuels, les sound designers avaient l’habitude de combiner plusieurs couches sonores pour une même action. Les sound designers sont pour ainsi dire les Géo Trouvetou de l’audio, car ils ont à cœur de dénicher des sons inédits afin d’étoffer leur palette de bruitages8.

7Dans le domaine de l’animation, Sébastien Denis va plus loin et parle d’une nécessité d’exagérer des mouvements et les traits, car « le son doit rendre compte de cette manière différente, et souvent non réaliste, de représenter le monde. Quoi qu’il en soit, […] la bande-son mélange bruitages et voix qui, bien souvent, ne sont en rien équivalents à ceux du monde réel »9.

8Il poursuit : « Il existe en fait autant d’univers sonores que de films, chaque histoire, chaque technique employée, chaque réalisateur induisant une particularité […]. Dans la fiction française, La Prophétie des Grenouilles (Girerd, 2003), L’Île de Black Mór (Laguionie, 2004), Azur et Asmar (Ocelot, 2006) développent un son présent et réaliste, à la limite de la fiction radiophonique, alors que Les Triplettes de Belleville ou l’Illusionniste (Chomet, 2003 et 2010), emploient un univers sonore composite proche de celui utilisé pour l’image »10.

9En somme, chaque film, chaque média a un son qui lui est propre, une technique de traitement sonore, un sound design particulier.

1. Christophe Héral, un compositeur du sonore

10Christophe Héral est un créateur sonore, compositeur français singulier dans le paysage de la musique de film en France en ce sens qu’il officie autant dans le film, la série d’animation, que dans le jeu vidéo. En effet, il est un des rares sociétaires de la Sacem à réaliser des bandes sonores de jeux vidéo à licence AAA11, notamment pour les éditeurs de jeux vidéo Ubisoft et Sony Entertainment.

11Avec la réalisation de plus de trente bandes originales de courts-métrages, trois longs-métrages d’animation, de multiples séries télévisées et la création sonore de véritables blockbusters du jeu vidéo, tels que Beyond Good and Evil (Ubisoft, 2003), Tintin et le secret de la Licorne (Ubisoft, 2011), Rayman Origins (Ubisoft, 2011), Rayman Legends (Ubisoft, 2013), ou encore Wild (Sony Interactive Entertainment) en cours de production, Christophe Héral signe une grande part de son identité musicale par une approche authentique du son, de la narration cinématographique et du design sonore indépendamment du média qu’il aborde.

12Christophe Héral enregistre l’authentique geste instrumental avec ses aspérités et sa vérité, orchestre le vent et les bruitages, confronte les archets, les instruments, les micros, les espaces, et les orchestres avec sa station audionumérique. Lorsque le projet le permet, il chante, joue, siffle, crie. Multi-instrumentiste de haut vol, il jongle entre les sonorités de ses instruments à cordes, de ses soufflants, de ses innombrables instruments exotiques et façonne ses trouvailles acoustiques par de longues heures d’expérimentations informatiques. Nous avons affaire à un explorateur passionné par le travail du son comme matière première.

13Dans son insatiable quête de l’authentique, tout est langage et musique pour ce luthier du sonore de génie. Il exploite les ressources narratives de ce qu’il aime nommer « masse sonore » : l’enchevêtrement de matières pour ne faire qu’une.

14Nous allons essayer de comprendre plus en détail quelle est l’approche singulière de ce créateur et orchestrateur sonore. Quelle est cette vision du son si singulière qui unit avec sincérité et authenticité le design sonore et la musique ? Au travers d’exemples issus de son travail musical dans les longs métrages d’animation Le Voyage du Prince, L’Île de Black Mór, dans les courts-métrages La Queue de la souris de Benjamin Renner, Chienne d’Histoire de Serge Avédikian ou encore dans les jeux vidéo Rayman Legend ou Rayman Origins, nous verrons plus en détail quelles sont les techniques, l’approche et la vision du son du créateur dans ses œuvres. Que ce soit musicalement, dans le traitement du son ou dans sa méthode de travail, le processus créatif du compositeur est ancré dans un désir d’exploration et d’authenticité du geste sonore. Nous verrons également que la réflexion et l’analyse que Christophe Héral peut mener vis-à-vis des projets qu’il aborde sont une réelle démarche d’auteur. Le sound design revêt une signification particulière pour ce créateur sonore inventif et engagé.

2. Textures acoustiques : la vision héralienne d’un son authentique

2.1 Un architecte du son

15Christophe Héral envisage son approche comme celle d’un architecte du son. Cette analogie entre un métier de construction et la création artistique revient de manière récurrente dans son discours.

16Le 4 décembre 2019, sortait le long-métrage de Jean-François Laguionie et de Xavier Picard Le Voyage du Prince, pour lequel Christophe Héral a signé la musique.

17Ce film raconte l’histoire d’un vieux prince qui échoue sur un rivage inconnu. Blessé et perdu, il est retrouvé par le jeune Tom et recueilli par ses parents, deux chercheurs contraints à l’exil. Le prince, guidé par Tom, découvre avec enthousiasme et fascination une société figée et sclérosée.

18La bande originale du Voyage du prince comporte plus de 22 titres allant de la chanson de rue à la musique instrumentale de cirque en passant par une ouverture symphonique. Certains titres décrivent une atmosphère nécessitant la présence de tableaux composites d’effets sonores, d’effets de sound design et de textures, tels que La Cité ou Sous la glace12.

19Pour Christophe Héral, il est important que la construction de textures sonores, de drones13, de pads14, parte « du vivant », c’est-à-dire de sons joués et interprétés.

20C’est après avoir effectué des prises de son d’instruments acoustiques (du violoncelle dans le titre Sous la Glace, ou de la voix dans La Canopée et dans la scène de La Forêt), qu’à l’aide d’outils de design sonore basés sur la synthèse granulaire15, il travaille « comme un sculpteur d’argile16 » sa matière musicale et élabore ses textures. Il effectue pour cela une recherche fondamentale de sonorités et de formes d’ondes préexistantes. Ce processus compositionnel coûteux en temps est, pour lui, nécessaire pour éviter l’uniformisation et faire vivre le son selon sa volonté. Chaque chantier d’exploration n’est pas toujours couronné de succès et cette démarche reste un pari sur le son et l’outil. « C’est un travail de mineur, un travail de l’ombre », me disait-il lors d’un entretien réalisé en novembre 2019. Le succès de ces phases de recherche n’est pas toujours au rendez-vous et malgré cela, Christophe Héral n’hésite pas à renouveler ce processus d’investigation pour approfondir sa réflexion globale par rapport au son, et dénicher le son qui lui semblera unique au film.

21Avec l’utilisation d’outils tels que Reaktor17, combinés à des plug-ins comme Cataliz18, Paul’s extreme sound Stretch19 ou encore des effets tels que le morphing20, Christophe Héral sculpte le son comme un luthier sculpte la table d’un violon à la gouge pour en façonner les résonateurs. Les plug-ins21 de synthétiseurs de toutes sortes existent sur le marché des outils de composition, mais certains éditeurs misent sur la simplification de la phase de programmation pour attirer un public de compositeurs peu enclin aux expérimentations de programmation et de câblage. Ces synthétiseurs sont des outils intuitifs et efficaces et permettent à une nouvelle génération de créateurs, attirée par l’attrait d’un résultat facilité, d’atteindre très vite un niveau de production musicale sans maîtriser pleinement les paramètres techniques et théoriques du métier et de ce qu’ils produisent et composent. À l’instar de l’image du compositeur évoluant dans un studio au milieu d’une nuée de câbles reliant des racks de synthétiseurs analogiques, échantillonneurs ou granulateurs en tout genre, il est question ici d’effacer toute trace de câblage, de connectique ou de recherche manuelle du son, par la création d’une interface simplifiée, accueillante et ludique du travail du son. Tout y est préprogrammé, prêt à consommer, prêt à l’emploi.

22Ainsi, aujourd’hui, de nombreux synthétiseurs virtuels peuvent générer des textures « prêtes à jouer et prêtes à bouncer »22. Ces outils sont mis à la disposition de tous les compositeurs par des éditeurs qui misent une part du succès de ces synthétiseurs sur la simplification de la phase de programmation (looping23, reverse24, sons déjà mixés, modulés en temps réel et mis en mouvement, de manière indépendante, etc.).

23C’est le cas de l’éditeur Spectrasonic et son synthétiseur Omnisphère ou encore Output25 (voir exemple 1) qui produit des synthétiseurs numériques aux sonorités denses, très travaillées et animées, et dont la prise en main est facilitée, voire ergonomique et ludique. La qualité du signal est exceptionnelle et pourtant l’action de programmation est réduite drastiquement. Il est néanmoins possible de moduler les sons mais les nombreux préréglages (presets26) créatifs donnent au compositeur une satisfaction immédiate dans sa quête de sonorités, et lui permettent de gagner du temps, de produire, avec un matériau sonore professionnel en réduisant l’effort de paramétrage. Néanmoins, une trame sonore réussie requiert un talent certain et de grandes compétences tant sur le plan compositionnel que narratif. Or, l’usage de ces synthétiseurs et de leurs presets facilite la phase de recherche de sonorités. Cela sonne presque immédiatement. Ainsi, les synthétiseurs virtuels phares : Rev, Portal ou encore Signal de l’éditeur Output, tous disponibles sous forme de plug-in VST, permettent à de nombreux compositeurs d’accéder à la production et au mixage musical de niveau professionnel.

Exemple 1. Interface d’Output Signal

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24Pourtant, pour Christophe Héral, l’importance de donner la matière au logiciel reste primordiale. Il faut « donner à manger au logiciel »27 (pour reprendre ses mots), et il préférera prendre le temps nécessaire à cette phase d’exploration sonore, et donc réduire le temps de production prévu dans son calendrier, pour obtenir la texture sonore unique et le geste authentique qu’il recherche. À l’écoute des titres Vers la forêt, Sous la glace, ou encore La Cité, on peut entendre une vie sonore riche en harmoniques et en densité spectrale, ce qui personnalise les lieux décrits et en accentue l’identification. Les mouvements des éléments constitutifs de la masse sonore ont chacun une voix dans le contrepoint sonore et la texture générale du mixage. Une volonté d’écrire le mouvement sonore s’entend réellement ici et permet à l’oreille d’en comprendre et d’en saisir la forme. Le procédé de la synthèse granulaire enrichit le spectre d’un son, favorise la perception de la matière sonore utilisée, qui paraît plus palpable, et définit et renforce alors l’incarnation musicale d’un élément visuel.

25Prendre le risque d’explorer, malgré les contraintes dues à des délais de production souvent courts et un carnet de commandes étoffé, démontre non seulement une grande connaissance et une technicité des outils de programmation mais aussi, disons-le, beaucoup de courage et d’intégrité artistique.

26« Connaissez les outils, pour pouvoir briser les règles »28. Ces mots de Viers résonnent en ce sens et démontrent bien qu’il est essentiel au créateur de s’émanciper des problématiques et des machines, pour accéder à la réalisation de sa pensée. Viers précise :

En tant que technicien/sound designer, vous vous rendrez compte que la créativité l’emporte toujours sur la technologie et la science qui se cache derrière notre métier, de manière à produire des effets sonores innovants et de qualité. […] Ne soyez donc pas intimidé par les nouveaux challenges. Au lieu de ça, appuyez-vous sur vos connaissances et votre savoir-faire. Mais le plus important est que vous ayez suffisamment confiance en vous pour expérimenter et explorer. C’est comme ça que vous cesserez d’être un technicien et que vous deviendrez un artiste29.

2.2 « Lutherie sonore »

27Le sound designer est un artisan du son, virtuose des outils de fabrication dont la connaissance technique et la confiance en ses processus de création doivent être réelles et solides. A contrario de ce constat, il doit rester lucide sur les besoins d’un projet, car le champ d’action est immense. C’est de l’idée et de la conceptualisation que doit partir la réflexion artistique autour du film pour induire un procédé d’application artistiquement viable.

La synthèse se donne, elle, pour projet de créer des objets musicaux, constitués de « faisceaux de critères », qui « mis en collection, puissent faire apparaître […] une structure de valeurs aisément perceptibles ». Pour cela, elle doit concevoir une lutherie nouvelle, ou « tablature », adaptée à une nouvelle théorie des structures musicales30.

28Pour un créateur sonore, le budget influence très souvent le choix d’instrumentarium et induit nécessairement la réflexion artistique sur le projet. Dans le film La Queue de la souris de Benjamin Renner31 dont Christophe Héral a signé la bande musicale, il fut question d’un budget quasi inexistant, réduisant à néant la marge de manœuvre dans la phase de production musicale. Le film raconte l’histoire d’un lion qui capture une souris et qui menace de la dévorer. C’est au cœur d’une forêt bruyante et obscure que celle-ci lui propose un marché. Le visuel du film ne laisse pas indifférent. Le parti pris du réalisateur est audacieux et tranché. On perçoit les formes des personnages en noir sur un fond rouge sang. De ce tableau glaçant, ne ressortent en blanc vif, que les dents, les yeux et le personnage de la souris.

29Christophe Héral a dû imaginer un univers sonore pour ce film et interpréter musicalement et avec le son les éléments visibles et les éléments hors-champ. Il a ainsi interprété et imaginé, un lion immense, emphatique, démesuré par l’ajout de fréquences graves, comme dilatées aux quatre coins de l’espace spectral. Nous entendons également des sons d’orage soumis au traitement du time stretch, procurant un sentiment d’inquiétude et d’effroi. On perçoit des pads lugubres et plusieurs grognements d’animaux retravaillés, filtrés et égalisés avec l’ajout de fréquences graves pour accompagner et déformer le moindre mouvement du lion.

30Nous sommes en présence d’une forêt au contour visuel inhospitalier et terrifiant (voir ex. 2). Les personnages ne sont perçus que par leurs ombres noires, sur fond rouge vif. Néanmoins, tout est pensé d’un point de vue sonore pour donner corps et mouvement à une histoire au-delà de ce que l’on perçoit. La forêt, sombre et statique, est ici entendue fourmillante de vie animale et on perçoit des sonorités de forêt tropicale de milieu de journée et non de nuit. Des sons de tonnerre sont entendus dans le grave du spectre sonore et complètent ce tableau sonore expressionniste.

Exemple 2. Visuel du film : La Queue de la souris de Benjamin Renner (2007)

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31Le budget proposé à Christophe Héral pour ce film n’a permis d’enregistrer qu’un seul musicien. Le choix d’une composition pour violon seul fut motivé par la correspondance entre la facture de l’instrument et le propos du film. La sonorité faite de bois et de cordes d’acier de l’instrument s’accordait parfaitement avec l’idée du fil rouge (blanc dans le film) entre les deux personnages et le spectateur. Par ce choix de description sonore intimiste, le lien métaphorique entre cette corde par laquelle la souris est attachée et les cordes d’un violon fait prendre corps aux personnages, à la corde elle-même et se dégage alors une grande force narrative.

32Christophe ne souhaitait pas donner vie au lion par l’emploi d’un échantillon (sample) de rugissement réaliste issu d’une banque de sons de bibliothèque, mais de décrire et interpréter réellement avec le son, et avec force, le contraste entre David et Goliath. Ainsi, les grognements de l’emphatique animal sont une synchrèse de bruitages de voix humaine, d’orage et de grognements d’animaux sauvages, le tout filtré, synchronisé et amplifié dans les fréquences graves.

33Le choix de sonoriser le moment où le lion se retrouve ficelé par la corde (TC de 3:18 à 3:32 du film) avec de simples crépitements de cordes de violon, et joués en technique de Foley par Christophe Héral lui-même, relève de l’interprétation même d’un son designé par détournement fonctionnel. L’instrument fait figure d’effet sonore, mais cette fois sans travail post-enregistrement. Le son du violon reste dans son état brut, sans design.

34Lorsqu’il est écrit et orchestré, le sound design apporte une force supplémentaire au message que le film tente de délivrer, une sonorité authentique au film. Le geste du créateur emporte le film vers un niveau de compréhension supplémentaire.

35Le sound design aujourd’hui est cette volonté de : « Donner de la masse à un énorme rocher en papier mâché »32.

36Le détournement timbrique du son de violon, l’entorse à la fonction instrumentale, est déjà en soi un geste de designer de l’effet sonore et c’est cette application du travail du son que Christophe Héral appelle : lutherie sonore. L’animation est le lieu par excellence où le créateur sonore va devoir définir un monde de sonorités.

37En effet, « en animation, beaucoup d’objets n’existent pas et n’ont donc pas de son littéral ; dès lors le son métaphorique est vital à la caractérisation et à la plausibilité de l’objet »33.

38Cette affirmation de Robin Beauchamp s’applique de la même manière dans le jeu vidéo, domaine dans lequel Christophe Héral a su développer au fil des années une riche collaboration avec le directeur artistique Michel Ancel (père de Rayman). Il a signé pour lui les bandes originales des jeux Beyond Good and Evil (qui fut notamment sélectionné dans le cadre de Video Games Live et nommé à l’Interactive Achievement Award34 pour la meilleure bande originale), la version ludo-interactive de Tintin et le secret de la licorne, et plus récemment, les versions de Rayman Origins et Rayman Legends.

39Héral est reconnu pour son style musical riche en motifs et en thèmes identifiables. Sa musique lyrique et expressive est teintée d’humour, parsemée de sons en tous genres, de bruitages et fourmillant d’inventivité. Rayman Origins – jeu de plateforme développé (Ubisoft Montpellier) – est significatif de ce phénomène.

40Ce jeu vidéo met en scène un héros sans bras ni jambes, dit Rayman, partant, dans cet opus, à l’aventure pour sauver son monde : « la croisée des rêves », du chaos. Durant le jeu, Rayman empruntera, à travers les différents niveaux, les chemins du monde de la musique.

41Christophe Héral explique qu’au sein du monde de la musique dans le jeu, il désirait : « de la musique »35 ! Il nous explique le phénomène :

Ce monde (niveau) de la musique est très particulier car tout est synchronisé, accordé, à tout moment du jeu sur les éléments graphiques […] tout est lié à une horloge générale, c’est vraiment un plus pour le joueur mais, je dois avouer, un exercice aussi difficile qu’exaltant à concevoir36.

42Nous verrons plus loin que l’idée de la synchronisation a germé dans d’autres jeux.

43Tout un monde de sonorités est créé ici et il n’est pas question de design sonore au sens technique et plastique, mais de design par le biais d’interprétation et de lutherie sonore. Les objets animés connaissent alors une personnification détournée. Les pas et gestes du personnage Rayman provoquent des bruits de percussions exotiques mêlés de bruissements de feuille de papiers, des sons de guimbarde ou encore des cris d’animaux fantastiques façonnés à la voix, etc. Le pitch est un des rares procédés de traitement utilisé ici, mais ce procédé ne dénature pas le timbre et respecte son geste originel. Il permet une immersion du joueur plus effective, sans filtre donc, ni teinte, un son authentique, un son acoustique. Du piano qualifié de « déglingué » (pour reprendre ses mots), au didjeridoo « tuyau », en passant par des sonorités de flûtes désincarnées, ce sont les effets instrumentaux, leur sonorité authentique et humoristique qui feront prendre corps à l’image et nous faire sourire tout au long de la phase de jeu. Cette bande sonore fourmille d’inventivité, de vie et il devient impossible autant qu’inutile de saisir ce qui est du domaine du son ou de la musique, car c’est un tout.

44Il a poursuivi une démarche similaire dans le court-métrage Chienne d’histoire qui a remporté la Palme d’or au festival de Cannes en 2010, et qu’il a « mis en son » 37, la bande originale étant signée par Michel Karsky. Dans ce film, le son et la musique ne font qu’un. Christophe s’explique ici : « Je me mets toujours au service du projet, j’aime l’idée de collaboration, d’enchevêtrement des matières pour ne faire qu’un »38.

45Le film évoque un épisode réel se déroulant dans le Constantinople de 1910. Des milliers de chiens errants peuplent alors les rues de la ville. Le gouvernement décide de s’en débarrasser en les déportant sur une île déserte sans eau ni nourriture.

46Les aboiements, les cris et les hurlements des chiens vont être l’élément sonore sensible et de grande importance dans ce film. Au premier visionnage du film, on est immédiatement saisi par une partition sonore déployant une très grande variété d’aboiements, de cris, de bruits de chiens. Ces gestes vocaux de chiens ont été d’abord recueillis, analysés, traités musicalement et déposés puis retravaillés dans le logiciel de montage son, avec une démarche similaire à celle d’un compositeur envers l’écriture d’une pièce instrumentale. En effet, il y a dans la partie des aboiements de chiens la présence de nuances, de mouvements mélodiques et rythmiques, des notes longues, courtes, des contrastes de registres, des modes de jeux diversifiés (trémolos, notes tenues, trilles, accents, etc.), etc. Les aboiements sont un instrument dans la partition du film, au même titre que le reste de l’instrumentarium (qui comprend un violoncelle, un kanun, un duduk, un kemantcha).

47Lors du début de la rafle et à l’arrivée des soldats, l’accompagnement instrumental se fait frénétique avec notamment l’utilisation d’ostinatos rythmiques, de notes répétées, des trémolos acides au violoncelle en accelerando et dans un registre progressant vers l’aigu. Ce passage musical imite manifestement l’aboiement des chiens (TC 6:30 à 6:40). Puis, à 6:40, après un long passage atonal et dans une écriture instrumentale brute, presque bruitiste et jouant sur l’exploitation de l’aspect sonore des instruments, on entend une polarité de mi mineur se dessiner peu à peu et notamment au violoncelle qui fait entendre des sixtes mineures dans le grave. La clarinette, le kanun, le duduk jouent alors des trilles frénétiquement pour accompagner le mouvement narratif alors très tendu. L’aboiement du jeune chiot qui se fait enlever (TC 6:41) est accordé sur un sol aigu, s’insérant parfaitement dans l’environnement de l’accord de mi mineur. Son aboiement aigu et strident se confond alors avec la ligne de clarinette (TC 6:45) au timbre dynamique dans un style de jeu proche du klezmer et des musiques turques. Son cri se déploie sur la note si, quinte de l’accord de tonique mi mineur. Les cris du chiot attrapé par un soldat à 6:43 font également entendre des glissandos sur un intervalle de tierce de sol à mi. À 6:48, la sensation d’une sous-dominante émerge et les aboiements suivent naturellement cette structure d’accord. De 6:51 à 7:00, les grognements de chiens sont imités par les trémolos de clarinette en nuance fortissimo. C’est tout un ensemble sonore qui se met alors à aboyer, et ce, jusqu’au coup de fusil sonnant la fin de la scène (TC 7:28). Les lignes des aboiements ont été musicalisées, orchestrées, tissées et sculptées par Christophe Héral pour soutenir et s’insérer parfaitement avec la musique instrumentale qui, elle-même, s’était faite gutturale et animale.

48Se mettre au service du film, proposer des pistes narratives, des solutions sonores, telle est l’entreprise de Christophe Héral. Alors qu’il n’était pas le compositeur du film mais monteur son et mixeur, c’est grâce à son travail de couturier sonore que la bande-son a pu entrer en communication avec la partition de Michel Karsky. À chaque début de production, il consacre une journée au visionnage des films en compagnie du réalisateur et du monteur son. Une pratique qui s’apparente aux spotting sessions39 américaines. Les questions essentielles sont posées : pourquoi la musique est-elle là, et que va-t-elle raconter ?

49Christophe Héral affectionne également travailler sur le concept art40 pour effectuer un travail de recherche sur ce que va pouvoir donner l’idée. Ce fichier de travail est commun à tous et permet des échanges autour du film. Un dessin de Jean-François Laguionie lui suffit par exemple pour raconter le reste musicalement. Il comprend la direction à prendre.

50Une phase d’analyse est néanmoins primordiale pour le compositeur et lui permet et de prendre du recul. Ainsi par cette méthode, il a été notamment décidé de ne pas mettre en musique la scène du baiser entre le Kid et Petit Moine dans le film L’Île de Black Mór. Pour rappel, le film raconte l’histoire du Kid, un jeune garçon grandissant dans un orphelinat, et qui rêve du pirate Black Mór dont il entend les récits par un des professeurs de l’orphelinat. Il finit par s’enfuir emportant avec lui une mystérieuse carte. Commence alors cette aventure en Cornouailles qui le mènera peut-être jusqu’à la mystérieuse île de Black Mór. Lors de la phase de réalisation de la bande musicale du film, la décision fut prise de ne pas ajouter de musique sur cette scène. Elle dévoile une scène intime où les deux personnages principaux, le Kid et Petit Moine se dévoilent l’un à l’autre. Pour ne pas rajouter d’élément fictionnel au récit et laisser le vent, les mouettes, le ressac et la mer parler d’eux-mêmes, cette scène romantique unissant les deux personnages principaux ne comportera pas de musique. Le son, les bruitages et le jeu des ambiances vont ici donner corps au récit. Ce parti pris narratif est un geste musical engagé peu rencontré en cinéma d’animation.

51C’est Christophe Héral qui a réalisé les prises de son des ambiances du film41 : de la mer, au vent, jusqu’aux grincements du bateau, aux cliquetis des mâts, sur un petit voilier quelque part en Bretagne. Le son ici est donc authentique ici. Le sound design, c’est également rendre la vérité au son.

2.3 La voix : au cœur du travail de Christophe Héral

52La voix est omniprésente dans le travail de Christophe Héral. Il l’utilise dans ses instrumentariums souvent par choix narratif mais aussi, comme on l’a déjà vu, pour des questions de budget. La voix s’invite dans ses instrumentations et lorsque l’image le permet, et notamment dans le jeu vidéo, il chante, il fait chanter et crée parfois même des langues imaginaires, comme ce fut le cas de manière significative dans le jeu Beyond Good and Evil. Pour le créateur, la voix est utilisée pour ses vertus instrumentales mais aussi comme objet sonore. Chloé Huvet42 évoque le processus créatif de Ben Burtt (sound designer de la première trilogie Star Wars) pour qui « la voix est appréhendée comme un objet sonore »43. Cette dernière nous explique, au chapitre 11 de sa thèse, qu’il s’est intéressé à la mise en voix et en langues des personnages fictionnels de la trilogie, au travail du son, des mots, de leurs résonances et de l’impact des phonèmes dans le spectre sonore.

53Nous allons voir plus en détail que ce processus semble s’apparenter à celui de Christophe Héral. Il y a en effet une volonté commune de jeu, de scénarisation, des sonorités des phonèmes et de leur musicalité.

54Comme le souligne Michel Chion : « La voix n’est-elle pas le premier des effets spéciaux – celui qui demande le moins d’accessoires, de technologie, d’argent ? Un bon acteur ou un imitateur comique, voire n’importe qui, à condition de suivre un apprentissage approprié, sont capables de déformer leur voix et de lui donner toutes les inflexions en utilisant les moyens que la nature leur a donnés »44. Les ressources vocales sont un réservoir de sonorités inouïes et accessibles à toutes et à tous.

55« En cessant d’être considérée comme “un élément naturel”, la voix travaillée, fabriquée, recomposée, se pare d’une musicalité nouvelle », nous indique Chloé Huvet45, qui poursuit : « Le caractère construit et ostentatoire des paroles suscite en retour une écoute particulière, focalisant l’attention sur leur débit et leur timbre particulier sous la couche signifiante du langage »46.

56Ce phénomène se traduit littéralement dans la bande sonore du jeu Beyond Good and Evil, où on peut entendre des voix imaginaires inventées pour l’occasion. Une musicalité particulière se dégage ainsi des parties chantées de la bande-son. Un chœur d’hommes (tous les amis et assistants de Christophe Héral furent enregistrés pour l’occasion), un chœur de femmes (doublage vocal des chœurs synthétiques) mais également des voix solistes, sélectionnées pour la particularité de leur signature vocale et pour leurs spécificités timbriques, parsèment la bande-son et lui donnent corps et relief. C’est le cas des musiques des courses en Hovercraft du jeu, où l’on peut entendre dans la première course, le frère du compositeur, Patrice Héral47, chanter dans un style proche du rock metal, un mélange d’inflexions vocales empruntées au raggamuffin. Les paroles sont ici une « éructation » de syllabes en onomatopées rappelant également certaines déclamations virtuoses du scat. Ces lignes vocales stridentes, aiguës et agressives sont proches de l’énergie du style speed et dark metal, des chanteurs Bruce Dickinson du groupe Iron Maiden ou encore Axl Rose des Guns N’Roses. Plus représentative encore, la course suivante, Juanito el Mecano, où l’on peut entendre un chœur dont les voix d’Aurélien Baguerre et de Yoan Fanise (alors assistants dans le studio du compositeur) répondent au chant lead alors interprété par Christophe Héral (dans un langage imaginaire et un style flamenco aux accents héraliens). Notons également qu’ils ont tous interprété les parties de palmas dans ce titre.

57En travaillant comme assistant pour le compositeur, il faut s’attendre à devoir jouer de multiples instruments : du cor (dans L’Île de Black Mór), du violoncelle (dans Beyond Good and Evil), mais également chanter, crier, taper sur des percussions en tout genre, faire grincer et détourner les instruments de leur fonction, et ce, pour certaines scènes des films et des jeux.

58Néanmoins, alors qu’un Ben Burtt procéderait en un prélèvement d’« échantillons issus de langues réelles qui sont exotiques et intéressantes »48 pour créer un langage à ses personnages, Christophe Héral procède, lui, à des improvisations vocales au gré des sonorités des mots, du flow vocal et spontané. Une fois le geste vocal figé et sculpté, vient une phase de vérification de ces nouvelles langues par l’éditeur Ubisoft.

59Comme nous l’avons vu, le budget dirige très souvent une stratégie de production musicale. Le choix de la voix s’impose de lui-même lorsque le médium le demande, comme ce fut le cas pour la chanson Au grand cirque de la peur dans le Voyage du prince : le budget ayant été raccourci de 10 000 euros, Christophe a dû interpréter la partie de chant accompagné de Maud Héral49, son épouse. Nous sommes en présence d’un très bel exemple de collaboration et un processus de production musicale cher au compositeur : le « fabriqué maison ». Comme un artisan va façonner l’essentiel de son travail dans son atelier, à la main avec ses outils, l’œuvre est ici en partie fabriquée par le créateur et ses collaborateurs, et de manière artisanale. Nous pouvons également entendre Maud Héral exécuter les parties de chœur en réponse au chant lead que le compositeur interprète. De nombreuses parties instrumentales furent jouées par le compositeur dans ce titre, en supplément des parties de percussions et de cuivres enregistrées. De manière moins évidente et plus subtile, il interprète également la mise en espace et en mouvement de l’atmosphère sonore et du brouhaha fantasmagorique de cette fête foraine. Il précisait que pour réaliser cet effet, il avait dû créer une session d’ambiance d’un grand nombre de pistes en layering50 pour imprégner le son d’un état, d’une époque, et générer ainsi un effet d’ambiance live et réaliste. Les sonorités concrètes et l’atmosphère sonore de la scène s’enchevêtrent ici avec la musique de la manière la plus fluide et la plus naturelle possible. La scénarisation de la musique et du son permet à la scène de s’inscrire dans un imaginaire sonore personnalisé, cohérent et poétisé. Cette mission habituellement confiée à l’ingénieur du son du film fut prise en charge par le compositeur lui-même. En tant que compositeur, il devient l’outil et le catalyseur idéal pour rédiger une écriture en contrepoint des événements musicaux et des événements sonores de la scène. La musique est ici acoustique, mais elle a subi un travail de design sonore qui dissout les frontières entre musique et sound design.

60« Pour le dernier boss (dans Rayman Origins), il s’agit de ma tante qui chante, nous explique Christophe Héral, et elle chante faux. Tu comprends qu’à chaque fois que tu perds et que tu redémarres le combat, cela t’exaspère », poursuit-il dans cette même interview accordée au journal Cinezik. Les expérimentations vocales dans le travail du compositeur sont monnaie courante, il affectionne tout autant d’exploiter les ressources sonores de la voix, des langues, des accents et de leurs sonorités que de mettre en scène les personnages sonores et leurs spécificités. Le compositeur se sert de tous les indicateurs temporels et géographiques que génère un usage créatif de la voix dans sa musique, tout autant qu’il aime l’instrumentaliser et en exploiter son potentiel timbrique et bruitiste.

61Michel Chion décrit très bien ce phénomène : « La voix n’est pas seulement véhicule du langage, mais aussi indice concret, bruit de l’autre. Si nous l’écoutons musicalement, nous y écoutons encore “autre chose”. Nous sautons donc constamment d’une écoute à l’autre, mais sans pouvoir faire de ces trois écoutes une seule. Ces trois domaines, non étanches, du discontinuum perceptif – écoute musicale, écoute causale ou anecdotique, écoute linguistique – le cinéma parlant les confronte en mettant sur un même support et en brassant, plus étroitement que n’ont jamais pu le faire le théâtre et le mélodrame, les trois éléments de parole, de musique et de bruit »51.

3. L’organisation du travail du son dans le jeu vidéo

62C’est certainement dans l’univers du jeu vidéo que Christophe Héral procède aux expérimentations sonores les plus audacieuses. Le temps de production d’un jeu vidéo est très long et s’étale dans le temps. Pour venir à bout d’une telle charge de travail, le travail en équipe paraît essentiel. Sur Beyond Good and Evil, il était entouré de deux monteurs sons et d’une assistante. Christophe Héral accorde du temps aux échanges et correspondances diverses avec les éditeurs de station numérique de travail pour faire évoluer les capacités des outils, allant même jusqu’à leur suggérer d’enlever, de remettre, d’inventer de nouvelles fonctionnalités. Actif sur les réseaux sociaux spécialisés en MAO52 et en sound design (soundesigner.org, audiofanzine, mac.org), il accorde une part importante de son temps au partage et à l’entraide entre compositeurs et sound designers.

63Christophe Héral travaille en équipe sur l’enregistrement de la musique ou sur la notion de la relation entre le sound design et la musique. Avec plus de 60 000 sons, il y a nécessairement besoin de la présence de plusieurs sound designers sur un jeu, postés aux quatre coins de planète.

64Néanmoins, il collabore étroitement avec les directeurs audios : Timothée Paulevé (depuis 2007), notamment sur le jeu Wild en cours de développement pour l’éditeur Sony Entertainment, ainsi qu’avec l’ingénieur Mathieu Pavageau sur le jeu Rayman Legends, ou encore Raphaël Joffre, directeur audio sur le jeu Beyond Good and Evil 2 pour Ubisoft. Ils ont créé un département sur la conception audio : tout ce qui se rapporte au son, excepté les voix et les phases de combats, sera géré au sein de ce département.

65Christophe Héral explique : « Vous pouvez faire une belle musique, si elle est mal intégrée, ce sera une belle bouse, et vous pouvez faire une belle bouse mais super bien intégrée, ça peut être pas mal »53. Ces propos décrivent avec toute la spontanéité héralienne la problématique complexe de l’intégration du son dans le monde du jeu vidéo.

66L’intégration des sons et des musiques fait partie d’un travail qui se doit d’être coordonné de manière rigoureuse avec l’équipe son. Le Jeu Rayman Origins fut le théâtre de prédilection d’expérimentations novatrices dans le domaine de l’intégration des sons dans Ubi Art Framework par l’équipe son du studio Ubisoft Montpellier.

67La sortie de ce jeu a en effet marqué le public, notamment par ses innovations sonores et son niveau musical. Son ambiance sonore singulière et inédite a reçu un tel succès que l’équipe de développement d’Ubisoft Paris a dépêché et mis à la disposition du studio de développement de Montpellier un ingénieur spécialisé dans le développement des outils d’intégration, et ce, pour la production du deuxième opus : Rayman Legends dont Christophe Héral a composé la musique.

68Damien Mecheri54 nous explique que « certains jeux convoquent l’univers de la musique au cours de leurs phases ou de niveaux bien précis, cela même si le sujet de base ne s’y prête pas totalement. Les boîtes de nuit par exemple sont parfois des prétextes habiles à l’utilisation de la musique source ayant le même objectif qu’un morceau de fond, surtout lorsqu’il s’agit d’un jeu d’action »55. Tout comme, Rayman Origins, Rayman Legends prévoit donc une part belle à la musique avec plusieurs niveaux musicaux hauts en couleur. Damien Mecheri en explique le phénomène :

Une démarche assez comparable que l’on peut retrouver dans Rayman Legends, qui dispose de plusieurs niveaux musicaux. Ils se jouent comme une fuite ininterrompue en avant, sans que le gameplay de plateforme ne change, mais où la particularité notable vient de la synchronisation entre les actions et le morceau. Les sauts, la récupération d’objet, ou encore les coups donnés aux créatures produisent les sons de la musique qui ont pour effet non seulement d’encourager à réussir un parcours parfait, mais aussi de guider le joueur grâce au tempo. Le tout dans une bonne marmite d’humour et de fun typique de Rayman. Il faut savoir que les musiques de ces niveaux sont en fait des reprises de chansons préexistantes. De quoi jubiler à l’écoute d’un Eye of the Tiger à la sauce mariachi, ou d’un Woo Hoo des The 5.6.7.8’s transformé en un “glouglou” désopilant56.

69Dans cette séquence de jeu, tout est interdépendant, et les idées de « mise en son », pour reprendre cette expression héralienne, fourmillent d’inventivité. Les accessoires et les percussions se succèdent à un rythme frénétique pour laisser place à des accords d’ukulélé endiablés sur fond d’harmonica et de kazoo déjanté. Le joueur est pris dans la tourmente de l’action de jeu et l’aventure, porté par un tempo rapide et progressant inexorablement. Tous les mouvements à l’image sont mis en son par des bruits musicaux alors que la musique se fait bruitage. Il n’y a plus de frontière. La musique est son, le bruit est musique. La pensée globale de cette séquence est un acte fort de design sonore.

70Le compositeur montpelliérain travaille actuellement sur la bande originale du jeu Beyond Good and Evil 2 et il est déjà question de développer et d’améliorer les méthodes d’intégration et ces outils de manière plus approfondie.

71L’objectif est de pousser le travail engagé dans les deux Rayman, et ainsi développer et améliorer les fonctionnalités des RTPC57 via le moteur WWISE. Ainsi, il a été possible d’emmener le logiciel plus loin encore dans la précision de l’intégration de la bande-son pour accroître la puissance du moteur et des algorithmes de calcul du programme d’intégration. Il fut notamment possible de réunir la musique sur la pulsation ou un élément rythmique présent à l’écran par le fait qu’une piste MIDI, présente dans le logiciel WWISE, soit alors renseignée avec précision par l’intégrateur. Il convient donc de renseigner le logiciel avec des accords MIDI qui seront des accords de référence quant à la fonction des notes : la tonalité, le tempo, la hauteur. Par exemple, des rythmes d’impulsion de pales de ventilateur pourront battre au tempo grâce à une piste MIDI. Ainsi, ils travaillent au développement même des fonctionnalités du logiciel d’intégration WWISE, plateforme utilisée par une grande partie des studios de développement de jeu vidéo dans le monde. L’objectif artistique de concevoir une masse sonore totalement en interaction avec le joueur, l’image, le jeu, fut atteint et a ouvert des perspectives nouvelles à l’ensemble du monde de l’intégration audio.

72Lorsque l’on demande à Christophe Héral ce qu’il pense des banques de sons, lisons sa réponse :

Je trouve si triste de créer une partition avec des « boîtes de conserve », ces banques de sons à consommer de préférence avant le… Il n’y a plus d’échange, de générosité, de notion de jeu, mais au-delà, il y a dans l’utilisation des banques de sons musicales, une forme de perfection qui me glace le sang, une justesse qui me terrifie, une reproduction à l’identique perpétuelle qui me fait penser à des époques peu reluisantes de l’humanité. Aucune banque de sons ne pourra proposer une articulation, un doigté, un vibrato comme a pu me le proposer, par exemple, un violoncelliste talentueux comme Cyrille Tricoire pour le long-métrage de Jean-François Laguionie, L’Île de Black Mór58.

Exemple 3. Album de L’Île de Black Mór

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Conclusion

73Pour le compositeur Christophe Héral : « Dès lors qu’un compositeur utilise une matière préconçue pour créer une nouvelle sonorité, le compositeur devient alors sound designer »59.

74Tout comme Ben Burtt souhaite « mettre en valeur le décloisonnement des métiers du son et la circulation des pratiques sonores60 », le travail de Christophe Héral s’inscrit dans la même mouvance. Il n’y a pas de frontière entre musique et sound design, et le créateur doit se mettre au service d’un projet, d’une image, d’une histoire ; il n’hésite pas à laisser faire chanter le vent lorsque cela est nécessaire et narrativement pertinent. « C’est un travail sous la terre »61, comme il aime le décrire.

75Avec l’avènement d’une pensée industrialisée des instruments virtuels, le sound design immerge peu à peu nos images, nos écrans, nos écoutes, notre oreille. Le goût pour une matière acoustique authentique deviendrait-il peu à peu un acte de lutte, en marge d’une uniformisation du son ? Les frontières se dissolvent parallèlement à la définition d’un nouvel ordre du son mondial où sound design et musique seraient une seule et même entité et où le compositeur n’aurait plus l’intégralité des commandes.

Notes   

1 Michel Chion, Un art sonore, le cinéma : histoire, esthétique, poétique, Paris, Cahiers du cinéma, 2003, p. 11.

2 « Le bruitage (ou Foley) est l’art de jouer des effets sonores. Cet art tire son nom du pionnier des effets sonores, Jack Foley, qui travaillait pour Universal Pictures, dans les années trente. Traditionnellement un bruiteur (ou Foley Artist) joue pendant qu’il regarde les images à l’écran. Aujourd’hui, le terme bruitage désigne généralement des effets sonores accomplis par des humains, mais pas nécessairement à l’image. Cela inclut donc les sons tirés de banques de sons que l’on connaît aussi comme “sons en boîte” ». Ric Viers, Le Guide ultime du Sound designer : comment créer et enregistrer des effets sonores pour le cinéma et la télévision, Paris, Jean-Pierre Fougea, Dixit éditions, 2016, p. 111.

3 Une station numérique (de l’anglais DAW, Digital Audio Workstation) est une interface informatique qui permet l’acquisition et le traitement numérique du son.

4 Ric Viers, Le Guide ultime du Sound designer : comment créer et enregistrer des effets sonores pour le cinéma et la télévision, Paris, Jean-Pierre Fougea, Dixit éditions, 2016, p. 24.

5 Créée en 1924 par Iwan Serrurier, la Moviola est une des premières tables de montage qui permet le montage du son sur des images. https://moovee.tech/les-outils-du-montage-de-la-colleuse-a-scotch-aux-debuts-du-montage-lineaire-partie-1/, consulté en 10-2021.

6 La KEM (Keller-Elektro-Mechanik) est une des premières tables de montage à plat inventée par le constructeur allemand Steenbeck dans les années trente.

7 Bounthavy Suvilay, Indie games : histoire, artwork, sound design des jeux vidéo indépendants, Paris, Bragelonne, 2018, p. 194.

8 Bounthavy Suvilay, Indie games : histoire, artwork, sound design des jeux vidéo indépendants, Paris, Bragelonne, 2018, p. 194.

9 Sébastien Denis, Le Cinéma d’animation : techniques, esthétiques, imaginaires, Paris, Armand Colin, 2017, p. 123.

10 Sébastien Denis, Le Cinéma d’animation : techniques, esthétiques, imaginaires, Paris, Armand Colin, 2017, p. 124.

11 Dans l’industrie du jeu vidéo, AAA ou triple A est un terme de classification utilisé pour les jeux vidéo dotés des budgets de développement et de promotion les plus élevés.

12 Notons que ce titre est indisponible dans la bande originale mais présent dans le film.

13 Le drone est le terme anglais employé pour désigner un bourdon. Il s’agit d’une ou plusieurs notes tenues formant une texture sonore autonome, mais sur laquelle peuvent aussi se développer une ou des lignes mélodiques.

14 Un pad est un son instrumental synthétique ou non (construit avec une ou plusieurs notes superposées) s’étirant sur la longueur et conçus pour être au second plan de la pièce musicale. Les pads sont souvent créés à l’aide de synthétiseurs pour envelopper ou élargir l’harmonie.

15 Le premier principe de la synthèse granulaire est que le son peut être divisé en particules minuscules appelées « grains » […], c’est-à-dire des échantillons sonores de l’ordre de la milliseconde (10 à 100 ms). […] Un certain nombre de manipulations intéressantes sont possibles en faisant appel à cette méthode de synthèse. […] L’étirement du temps (time stretching). Les grains peuvent être envoyés en sortie plus ou moins vite que leur homologue de l’échantillon d’origine. Le changement de hauteur de note (pitch shifter). Les modifications apportées à la tonalité de chaque grain permettent de faire varier celle d’un échantillon sans affecter pour autant sa cadence. En modulant la tonalité ou la position de panoramique de chaque grain, il est possible de créer des effets spatiaux et de « flou ». Il est également possible d’escamoter l’ordre dans lequel les grains sont lus pour produire des effets allant d’un flou modéré à une altération extrême. Cette méthode est idéale pour la création de sons en perpétuelle évolution et de tonalités résolument uniques. Définition consultée le 15 avril 2021 sur le site https://support.apple.com/fr-fr/guide/logicpro/lgsife419a20/mac

16 Damien Deshayes, « Christophe Héral, compositeur » in https://www.resmusica.com/2010/01/09/christophe-heral/, consulté en 04-2021.

17 Reaktor – Modular Digital Signal Processor (DSP) Lab, est un logiciel accessible en Standalone et sous forme de plug-in dans la station audionumérique. Il permet de concevoir des synthés, des samplers, des effets et outils de sound design personnalisés, ainsi que des instruments aux sonorités inédites notamment grâce à son système de patching modulaire en rack à l’aide de blocks.

18 « Paul’s Extreme Sound stretch » est un plug-in de pitch shifting et de time stretching de la marque Nasca octavian Paul.

19 Cataliz est un synthétiseur granulaire et beatlooper disponible sous forme de plug-in, et édité par Blinksonic.

20 Le morphing est un procédé consistant à créer un son original en mélangeant les propriétés de plusieurs sons existants selon des algorithmes spécifiques.

21 Terme équivalent en français : Plugiciel employé notamment au Québec.

22 Le terme bounce, qui signifie « rendu », est le processus par lequel les DAW Logic ou Protools transforment les éléments d’un projet (pistes audios, données midi, données d’automation, échantillons audios avec plug-ins d’effets, etc.) en un fichier stéréo ou un fichier multicanal. Le terme peut différer selon les DAW. On peut trouver les termes : Mixdown dans Cubase, ou encore Render dans Reaper, etc.

23 Looping : procédé permettant la mise en boucle d’un élément sonore.

24 Le reverse consiste à lire un échantillon à l’envers.

25 Output est une entreprise éditrice d’instruments virtuels et de matériel audio.

26 Les plug-ins étant souvent édités en langue anglaise, le terme anglais presets est plus couramment employé et signifie, un ensemble de préréglages prévus et pensés pour faciliter l’utilisation.

27 Propos recueillis lors d’une interview réalisée en novembre 2019.

28 Ric Viers, Le Guide ultime du Sound designer : comment créer et enregistrer des effets sonores pour le cinéma et la télévision, Paris, Jean-Pierre Fougea, Dixit éditions, 2016, p. 24.

29 Ric Viers, Le Guide ultime du Sound designer : comment créer et enregistrer des effets sonores pour le cinéma et la télévision, Paris, Jean-Pierre Fougea, Dixit éditions, 2016, p. 24.

30 Michel Chion, Guide des objets sonores : Pierre Schaeffer et la recherche musicale, Paris, Buchet/Chastel, 1995, p. 105.

31 Court-métrage de Benjamin Renner sorti en 2007 et produit par La Poudrière – École du Film d’Animation. Il a reçu de multiples récompenses dont une nomination aux Césars 2012 pour le meilleur film d’animation.

32 Ric Viers, Le Guide ultime du Sound designer : comment créer et enregistrer des effets sonores pour le cinéma et la télévision, Paris, Jean-Pierre Fougea, Dixit Éditions, p. 24.

33 Sébastien Denis, Le Cinéma d’animation : techniques, esthétiques, imaginaires, Paris, Armand Colin, 2017, p. 214.

34 Les Interactive Achievement Awards sont des récompenses annuelles décernées par l’Academy of Interactive Arts and Sciences (AIAS) depuis 1998 aux jeux vidéo.

35 Sylvain Rivaud, « Interview BO/Christophe Héral », in Cinezik, https://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20200707163218, consulté en 05-2021.

36 Sylvain Rivaud, « Interview BO/Christophe Héral », in Cinezik, https://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20200707163218, consulté en 05-2021.

37 Sylvain Rivaud, « Interview BO/Christophe Héral », in Cinezik, https://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20200707163218, consulté en 05-2021.

38 Sylvain Rivaud, « Interview BO/Christophe Héral », in Cinezik, https://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20200707163218, consulté en 05-2021.

39 Le spotting est un processus créatif se déroulant vers la fin du tournage. […] Le réalisateur et le compositeur regardent l’intégralité du film, en notant les scènes qui nécessitent de la musique originale. Au cours de ce processus, le compositeur prendra des notes de synchronisation précises afin de savoir combien de temps doit durer chaque intervention musicale, où elle commence, où elle se termine, et des moments particuliers d’une scène avec lesquels la musique peut avoir besoin de coïncider de manière spécifique. Ce processus est connu sous le nom de « spotting session ». Traduction personnelle de : « Spotting is a creative process that the composer usually enters towards the end of filming, during the editing process. The director and composer will watch the entire movie, taking note of which scenes require original music. During this process, the composer will take precise timing notes so that he or she knows how long each cue needs to last, where it begins, where it ends, and of particular moments during a scene with which the music may need to coincide in a specific way. This process is known as “spotting”. »

40 Étape incontournable du processus créatif, le concept art est un outil de préproduction. Il permet de construire et d’affiner l’univers visuel d’un film, d’une série ou d’un jeu vidéo, tout en garantissant sa cohérence en matière d’époques, de lieux, d’ambiances et de styles. https://blog.institutartline.com/introduction-au-concept-art

41 Notons que le montage son fut confié à Christine Webster.

42 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, Université Rennes 2/Université de Montréal, thèse soutenue en 2017, p. 467.

43 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, Université Rennes 2/Université de Montréal, thèse soutenue en 2017, p. 467.

44 Michel Chion, Un art sonore, le cinéma : histoire, esthétique, poétique, Paris, Cahiers du cinéma, 2003, p. 301.

45 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, Université Rennes 2/Université de Montréal, thèse soutenue en 2017, p. 466.

46 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, Université Rennes 2/Université de Montréal, thèse soutenue en 2017, p. 466.

47 De tessiture ténor, Patrice Héral a un timbre léger. Un léger voile, véritable signature vocale, teinte sa voix et procure une sonorité partiellement éraillée.

48 Bounthavy Suvilay, Indie games : histoire, artwork, sound design des jeux vidéo indépendants, Paris, Bragelonne, 2018, p. 129.

49 Elle est également autrice des paroles de la chanson.

50 Un son peut être constitué d’un ou de plusieurs échantillons superposés afin de donner plus de richesse au son. Les layers sont ces couches d’échantillons ; in https://fr.audiofanzine.com/glossaire/a.play,word.Layer.html, consulté en 04-2021.

51 Michel Chion, La Musique au cinéma, Paris, Fayard, 2e édition revue et augmentée 2019, p. 200.

52 Musique assistée par ordinateur.

53 Damien Deshayes, « Christophe Héral, compositeur », in Res Musica,

54 Damien Mecheri, VGM Video game music : histoire de la musique de jeu vidéo, Toulouse, Pix’n love, 2014, p. 156-157.

55 Damien Mecheri, VGM Video game music : histoire de la musique de jeu vidéo, Toulouse, Pix’n love, 2014, p. 156-157.

56 Damien Mecheri, VGM Video game music : histoire de la musique de jeu vidéo, Toulouse, Pix’n love, 2014, p. 158.

57 Real time parameter control.

58 Damien Deshayes, « Christophe Héral, compositeur », in Res Musica,

59 Propos recueillis lors d’une interview réalisée en novembre 2019.

60 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, Université Rennes 2/Université de Montréal, thèse soutenue en 2017, p. 462.

61 Propos recueillis lors d’une interview réalisée en novembre 2019.

Citation   

Laetitia Pansanel-Garric, «Comment Christophe Héral dissout les frontières entre les catégories de sons», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et design sonore dans les productions audiovisuelles contemporaines, Hybridités musico-sonores : repenser l’écoute cinématographique, mis à  jour le : 28/11/2022, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=1278.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Laetitia Pansanel-Garric

Diplômée de l’University of Southern California en composition pour les musiques de film, en écriture et en composition pour les musiques à l'image au CNSMD de Lyon. Elle enseigne la programmation, le sound design et la composition pour les musiques à l'image au sein du master Maaav.Doctorante depuis 2018, elle travaille sur la musique des films français de cinéma d'animation de ces 20 dernières années. Elle partage sa vie entre l'enseignement, la direction d'orchestre, la recherche et la composition pour les musiques de film (près de 70 bandes originales). PRAG titulaire Passages XX-XXI, Université Lumière Lyon2, France. contact@laetitia-pansanel.com http://laetitia-pansanel.com/