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L’opéra bourgeois1

Theodor W. Adorno
juin 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.127

Index   

Notes de la rédaction

Autres ouvrages d’Adorno publiés par Contrechamps :

Theodor W. Adorno, Introduction à la sociologie de la musique, trad. Vincent Barras et Carlo Russi, 1994.

Theodor W. Adorno, Moments musicaux, traduction et commentaire de Martin Kaltenecker, 2003.

Texte intégral   

1Centrer aujourd’hui des réflexions sur le théâtre autour de l’opéra ne trouve certainement pas sa justification dans l’actualité immédiate de ce dernier. Non seulement la crise de la forme qui sévit en Allemagne depuis trente ans – c’est-à-dire depuis la grande crise économique – est universellement connue et inchangée. Non seulement la place et la fonction de l’opéra dans la société actuelle sont devenues problématiques, mais l’opéra en soi a pris de surcroît, indépendamment de sa réception, un aspect périphérique et de peu d’intérêt, que combattent tout au plus et de façon quelque peu forcée des tentatives d’innovation qui s’arrêtent la plupart du temps à mi-chemin, ce qui n’est pas un hasard, surtout dans le médium musical. S’il convient de parler de l’opéra, c’est bien plutôt parce que, à plus d’un égard, il constitue un prototype du phénomène théâtral lui-même, et précisément de ce qui se trouve aujourd’hui ébranlé. Il s’y manifeste, au stade de l’effritement, des moments qui appartiennent à la couche fondamentale de la scène. C’est peut-être dans son rapport au costume qu’on perçoit le plus fortement ce phénomène. Le costume lui est essentiel : à la différence du théâtre dramatique, un opéra sans costumes serait un paradoxe. Si les gestes eux-mêmes, que les chanteurs puisent en quelque sorte dans un fonds, représentent déjà une part du costume, la voix, elle, est entièrement costume, que l’homme « naturel » revêt pour ainsi dire sitôt qu’il monte sur la scène de l’opéra. L’expression américaine cloak and dagger, l’idée de la scène où deux amants chantent en duo pendant que guettent les meurtriers derrière les colonnes de droite et de gauche, traduit, dans toute son excentricité, quelque chose d’essentiel à l’opéra, cette aura de simulation, de mime, qui attire l’enfant au théâtre, non qu’il veuille aller voir une œuvre d’art mais parce qu’il aimerait y trouver la confirmation du plaisir qu’il prend à la dissimulation. Plus l’opéra est proche de sa propre parodie, plus il est proche, en même temps, de son élément véritable.

2Cela pourrait expliquer que la plupart des opéras les plus authentiques, tels que Le Freischütz mais aussi La Flûte enchantée et Le Trouvère, ont leur vrai droit de cité dans l’imagination des enfants, alors qu’ils font honte à l’adulte qui s’estime trop intelligent pour eux, simplement parce qu’il ne comprend pas leur langue d’image. Cependant, tout grand théâtre comporte des traces de cette dimension propre à l’opéra et partout où ces traces, tel l’ultime souvenir de la roulotte verte, ont été victimes de l’intellectualisation, surgit un désaccord avec l’acte du jeu théâtral, sans que pourtant l’appel à la naïveté parvienne à réduire au silence le mot d’ordre de l’intellectualisation. Le discours du Directeur, dans le Prélude sur le théâtre, constituait déjà un appel de cet ordre et c’est la raison pour laquelle Goethe l’a placé sous le signe de l’ironie. Faust oscille sur la fine arête qui sépare le naïf du spirituel et il exprime la conscience qu’il en a. Dans les œuvres les plus puissantes et les plus spirituelles qui ont été léguées au théâtre, tel Hamlet, on peut percevoir cette dimension caractéristique de l’opéra, un côté pour ainsi dire Simon Boccanegra, et s’il venait à disparaître, le contenu de vérité que renferme le drame de l’individuation et de l’aliénation s’évanouirait.

3L’opéra est tout entier régi par l’élément de l’apparence, que l’esthétique de Benjamin distingue de celui du jeu. L’expression « Spieloper », réservée à un genre particulier, témoigne précisément de la primauté de l’apparence en mettant en relief une caractéristique qui, dans les autres cas, passe à l’arrière-plan. L’opéra est en crise parce que cette forme ne peut se défaire de son apparence sans se sacrifier elle-même. Et c’est pourtant ce qu’elle doit vouloir. L’opéra se heurte à la limite esthétique de l’objectivation. Quand, blasé par d’innombrables astuces de décor, on propose un Lohengrin où le cygne est remplacé par un faisceau lumineux, la conception de l’ensemble est à ce point mise à mal qu’elle devient superflue. Si l’animal fabuleux devient insupportable, on se rebelle alors contre l’horizon imaginaire de l’action, et le cygne abstrait vient encore le souligner. L’enfant se sent à juste titre frustré du meilleur si, lorsqu’il va voir Le Freischütz, la gorge aux loups est ravalée au rang d’un symbole de la nature. Inéluctablement, l’opéra objectivé est menacé par le métier artistique, par la stylisation qui vient se substituer au style réduit en miettes : la modernité qui n’intervient pas au cœur de la chose elle-même devient pure et simple façade, modernisme. Mais cela n’empêche pas que le metteur en scène se voie contraint de recourir sans cesse à toutes sortes d’interventions désespérées.

4Cependant, les limites de la démystification sont encore plus flagrantes dans la production que dans la mise en scène. Quand, au nom du vérisme, on a commencé il y a plus de soixante ans à démystifier l’opéra, on a maintenu en toute innocence les principes du roman de cape et d’épée. De cela, Cavalleria rusticana et Paillasse donnent quelques illustrations. Mais la Nouvelle Musique non plus, où l’opéra réfléchit sur lui-même, n’a pas surmonté cette barrière. Non seulement Schoenberg, comme compositeur d’opéras, s’en tient au domaine de l’opéra expressif et, partant, de la musica ficta, de l’apparence, pour ce qui est de l’esthétique comme du rapport au texte, mais Alban Berg aussi, certainement le seul compositeur d’opéras authentique du siècle nouveau, a gardé avec habileté et avec un doigté subtil le caractère illusionniste de l’opéra, qui se distancie de l’existence empirique. Dans Wozzeck, le monologue schizophrénique du héros à demi fou crée un décalage onirique où se fondent le spectacle du coucher de soleil et la conspiration imaginaire des francs-maçons. La stylisation de Lulu tend au cirque, au sens où l’entend Wedekind, chez qui vivait un sentiment proche de celui de l’opéra, à savoir la conscience du mutisme de la parole proférée, et la voix de soprano colorature de Lulu doit exécuter un véritable ballet vocal qui empêche toute confusion entre les évènements qui se déroulent sur la scène et ceux du quotidien, ce qui, assurément, rend l’exécution éminemment difficile. Stravinsky a lui aussi frayé avec le cirque, sous l’influence des peintres cubistes probablement, dans ses œuvres scéniques les plus productives, Renard et L’Histoire du soldat, lui qui a par ailleurs évité l’opéra non sans raison et tenté de le maîtriser finalement en recourant à la pure copie stylistique ; le cirque y est art « corporel », selon l’expression de Wedekind, et échappe par conséquent à l’envoûtement de l’« expressivité », tout en étant néanmoins totalement détaché de la réalité empirique. C’est précisément quand l’opéra cherche à s’identifier avec la réalité, quand il s’efforce de représenter concrètement des « problèmes sociaux » par exemple, comme l’a fait Max Brand dans Machiniste Hopkins, qu’il donne dans un symbolisme désemparé et proche du kitsch.

5La limite de la démystification de l’opéra s’est peut-être révélée de la façon la plus criante lorsque Brecht, ennemi mortel du Romantisme, s’intéressa à l’opéra — lui qui, en son temps, déclarait à propos de Cardillac de Hindemith, même dans sa version concertante : « C’est du Tannhäuser ! ». Dans ses recherches dramaturgiques menées en collaboration avec Kurt Weill, il a soulevé la question de savoir si la musique scénique devait être « froide » ou communiquer une certaine « chaleur » aux événements : tous deux ont opté pour la seconde solution et laissé à sa place l’« expression », si déchiquetée et parodique fût-elle, dans des œuvres telles que l’Opéra de quatre sous. Ce fut probablement la condition du vaste succès remporté auprès du public, l’un des derniers réservé à une œuvre d’avant-garde, au plan dramaturgique tout au moins, dans le domaine du théâtre musical.

6Mais on passerait à côté de l’essence de l’opéra comme de celle du Romantisme si, au nom de cet élément, on le qualifiait de forme tout simplement romantique. Son histoire a bel et bien participé à toutes les différenciations stylistiques subsumées sous les concepts de « classique » et de « romantique ». Même le drame musical wagnérien, que l’histoire de la musique classe dans le Romantisme tardif, regorge de traits antiromantiques, parmi lesquels le caractère technique a peut-être la primauté. Il serait juste d’interpréter l’opéra comme la forme spécifiquement bourgeoise qui, paradoxalement, cherche à préserver l’élément magique de l’art au sein d’un monde désenchanté en usant des moyens de ce monde même. Pour plus d’une raison, la thèse du caractère bourgeois de l’opéra a quelque chose de provocant : en effet, la tendance esthétique générale de l’époque bourgeoise a toujours été une tendance inverse, désillusionnante, depuis que Prospero déposa sa baguette magique et que Don Quichotte rencontra les réalités essentielles dans des moulins à vent. Mais la tendance positiviste de l’art bourgeois, si l’on peut dire, n’a jamais régné à l’état pur et sans contestation. De même que l’enchantement esthétique lui-même contient quelque chose de démystifiant, en renonçant à toute prétention à une vérité immédiate et en justifiant l’apparence comme sphère à part, de même l’art bourgeois, pour être seulement possible en tant qu’art, a fait resurgir de lui-même une magie métamorphosée, et l’opéra s’y prêtait d’autant plus que la musique transfigure la réalité préexistante. De l’ostentation, archétype de tout paraître à l’opéra, sont nés, en corrélation avec l’embourgeoisement de l’art, d’autres genres encore, qui vont jusqu’au modèle de la cathédrale à en croire des théories récentes. Horkheimer a exposé, dans son Egoismus und Freiheitsbewegung [Égoïsme et mouvement de libération], le rôle significatif de l’apparat pour toute idéologie bourgeoise, apparat dans lequel on pourrait voir une sécularisation ou un substitut du faste des rites cultuels. L’ostentation séculière, représentation matérielle, en quelque sorte, de la puissance et de la grandeur irrationnelles de la classe qui proscrivait dans le même temps l’irrationalité, a été essentielle pour l’opéra, tout au moins depuis un stade ancien de son évolution jusqu’à Richard Strauss : le costume à l’opéra est difficilement séparable de l’ostentation.

7Historiquement parlant aussi, on a tout lieu de mettre l’opéra au compte de la bourgeoisie plutôt que de la culture de cour à laquelle le rattache la convention. Rien que la plénitude sonore et la masse des chœurs sont l’indice d’un cercle beaucoup plus vaste que celui des aristocrates qui privilégiaient les loges de l’avant-scène en laissant aux bourgeois les fauteuils d’orchestre, espace véritable du spectateur d’opéra. On pourrait se demander d’ailleurs si un art aristocratique au sens strict a seulement jamais existé ; si les aristocrates, qui n’avaient que mépris pour tout travail artisanal, ne l’ont pas toujours fait exécuter par les bourgeois, et si ne s’est pas constamment imposée en art la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave, qui reconnaît la libre disposition de l’objet à qui le travaille, de sorte que les artistes bourgeois travaillant sur ordre de leurs supérieurs s’adressaient davantage à leurs semblables qu’à leurs clients. Le modèle des rapports aristocratiques tel que le reproduisent les œuvres d’art depuis les temps homériques présuppose déjà que ces rapports ne soient plus acceptés immédiatement : d’une certaine manière, ils font pour eux-mêmes problème. Les vrais aristocrates n’ont pas coutume de penser en « restaurateurs » : ceux qui le font sont au contraire, depuis Platon jusqu’à De Maistre, des sujets autonomes, à la pensée spéculative rationnelle, cherchant des justifications pour une situation déjà passée ; et de même les féodaux qui, rois ou héros, constituent les sujets de l’art ancien, ne sont sans doute pas en mesure de donner en même temps forme à ces sujets en prenant de la distance. Volker von Alzey est l’ami de Hagen, mais il n’est pas Hagen2.

8Les origines de l’opéra sont en tout cas marquées par une affirmation et une construction rationnelles, voire par quelque chose d’abrupt qui se laisse difficilement concilier avec nos représentations du traditionalisme aristocratique. À l’instar de formes technologiques ultérieures comme celle du cinéma, l’opéra est le résultat d’une décision qui se réclame certes d’une correspondance historique, la résurrection de la tragédie antique, mais qui, mis à part l’opéra-madrigal tout à fait rudimentaire, ne s’inscrit pas dans une continuité historique. Comme le dit le titre d’un essai de Hanns Gutman écrit voilà trente ans, ce sont des hommes de lettres qui ont inventé l’opéra vers la fin du XVIe siècle, un cercle florentin de connaisseurs, écrivains et musiciens ascètes et réformistes. Cette forme a connu son premier épanouissement dans la République de Venise, c’est-à-dire dans le contexte social d’une bourgeoisie évoluée : c’est dans ce contexte que se rangent les premiers grands compositeurs d’opéras tels que Monteverdi, Cavalli, Cesti. On ne jugera guère fortuit que la mode allemande de l’opéra soit née dans la ville hanséatique de Hambourg, à l’instigation de Reinhard Keiser. La véritable période de l’opéra de cour, la fin du XVIIe et le XVIIIe siècle, le monde des maestri, des prime donne et des castrats, qui s’est développée à partir de l’École Napolitaine, marque déjà la phase absolutiste tardive où, dans l’ensemble de la société, l’émancipation de la bourgeoisie était suffisamment avancée pour que l’opéra ne pût guère s’isoler d’elle. C’est vers cette époque aussi que la bourgeoisie a trouvé dans l’intermezzo la matière lui permettant de faire son entrée sur la scène musicale.

9L’opéra ne partage pas seulement avec le cinéma la soudaineté de son invention, il partage aussi nombre de ses fonctions. Mentionnons la mise en valeur du patrimoine culturel pour les masses ; de même, le caractère imposant des moyens mis en œuvre est disposé à des fins précises, comme au cinéma, dans le matériau de l’opéra, et apparente celui-ci, depuis le milieu du XIXe siècle au moins, si ce n’est plus tôt, à l’industrie culturelle moderne. Meyerbeer déjà a mêlé les guerres de religion et de grandes intrigues historiques, et les a neutralisées en les personnalisant, dans la mesure où plus rien ne restait de la substance des conflits – catholiques et huguenots de la nuit de la Saint-Barthélémy sont admirés côte à côte comme dans un panoptique. Le cinéma en a fait ensuite son canon, le cinéma en technicolor surtout. Soit dit en passant, il est étonnant de voir que les plus mauvais procédés qu’on reproche aujourd’hui à l’industrie culturelle s’annoncent de bonne heure dans l’opéra, précisément là où celui qui jette un regard rétrospectif naïf attend quelque chose comme la pure autonomie de la forme : le texte du Freischütz est déjà une adaptation comme on en produit à Hollywood, et Kind, le scriptwriter, a transformé en happy end la fin tragique de la nouvelle originale sur le thème romantique du destin – probablement pour ménager le public Biedermeier qui veillait avec inquiétude à ce que les héros ne manquent pas de s’épouser. Même le wagnérien Humperdinck, las de l’interdit jeté sur tout aspect commercial par les fondateurs de Bayreuth, a fait des frères Grimm un produit consommable : les parents de Hänsel et Gretel ne répudient plus leurs enfants, comme dans le conte, parce qu’à la fin du XIXe siècle, il ne faut nullement porter atteinte au respect dû au bon père de famille. On voit dans ces cas à quel point l’opéra, comme bien de consommation – proche parent du cinéma sur ce point aussi – est inextricablement lié à des spéculations sur le public. On ne peut passer outre en traitant ce fait comme extérieur à la réflexion sur l’autonomie esthétique. Le public a une participation immanente à la forme dramatique, conformément à sa signification même. L’idée d’un théâtre en soi serait absurde, quand celle de poèmes en soi, ou de musique en soi, peut être légitime.

10Toutefois, cette signification de l’opéra, depuis les expériences des Florentins et tout au long d’une sécularisation progressive, est restée liée au mythe. Ce rapport au mythe ne signifie pas simplement que le discours mythique soit repris par un discours musical – une telle conception fut peut-être fatale à Wagner – mais qu’à l’opéra la musique vient changer le cours naturel, aveugle et sans issue du destin tel que le représentent les mythes occidentaux – le public est alors convoqué comme témoin, si ce n’est même comme cour d’appel. Cette intervention est déjà préfigurée dans l’un des grands mythes grecs, le mythe d’Orphée, qui atténue par la musique le terrible pouvoir de l’enchaînement cyclique qui lui a fait perdre Eurydice, pour tomber ensuite lui-même entre les mains du destin parce qu’il n’a pu détacher son regard fasciné du royaume auquel il était en train d’échapper avec Eurydice. Le premier opéra authentique, l’Orfeo de Monteverdi, s’est précisément inspiré de ce mythe. La réforme de Gluck est remontée à Orphée comme à l’archétype même de l’opéra, et il n’est guère exagéré de dire que tout opéra est un Orphée, et que le drame musical wagnérien est le seul à le renier.

11Les opéras qui répondent le mieux aux lois du genre corrigent presque toujours le mythe par la musique. Aussi vaut-il mieux, plutôt que de dire que l’opéra participe du mythe, dire qu’il participe de l’ensemble du mouvement social que représente l’Aufklärung. Cela n’est nulle part plus évident que dans la Flûte enchantée, où la magie se marie avec la franc-maçonnerie, si bien que les puissances de la nature, l’eau et le feu, deviennent impuissantes face au son de la flûte, laquelle rompt le sortilège de l’éternel retour du même. La sphère de Sarastro se dégage du royaume des mères et de son imbrication mystérieuse du juste et de l’injuste. Sarastro ignore la vengeance, dont Nietzsche, mythologue et homme des Lumières, déclarait vouloir avant tout délivrer le monde. Mais la fanfare de Fidelio parvient à son tour à forcer presque rituellement l’éternel enfer du cachot pour mettre fin à la domination de la violence. C’est cette imbrication du mythe et de l’Aufklärung, de l’emprisonnement dans un système aveugle et non conscient de lui-même d’une part, et de l’idée de la liberté qui se fait jour au sein de l’œuvre d’autre part, qui définit l’essence bourgeoise de l’opéra. Sa métaphysique ne peut être dissociée de cette dimension sociale. La métaphysique n’est d’ailleurs pas un domaine invariant dont on pourrait prendre possession par un regard jeté au travers des fenêtres grillagées de l’Histoire. Elle est l’éclat d’une lumière qui, si impuissant soit-il, pénètre dans la prison même, d’autant plus puissant quand ses idées s’immergent dans l’Histoire, d’autant plus idéologique quand elle l’affronte abstraitement. L’opéra, peu atteint par la philosophie, a davantage conservé cette métaphysique que le drame, dont le contenu a été contaminé par des thèmes intellectuels et qui a perdu la philosophie signifiée objectivement en lui en l’abandonnant à des philosophèmes qu’il veut signifier lui-même.

12L’unité entre teneur de vérité et contenu historique peut être montrée concrètement dans les opéras dont les textes ou, pour être plus exact, les livrets ont été discrédités depuis que Wagner en fit la critique, c’est-à-dire les opéras du XIXe siècle. On ne saurait pas davantage nier le caractère conventionnel, spectaculaire et niais de ces livrets que leur affinité avec le marché, ce caractère de marchandise qui leur a effectivement valu de préparer en quelque sorte la place du cinéma à venir. Mais il faut tout autant reconnaître que s’ils ne sont pas vraiment de la « littérature » mais des stimuli de la musique, ils contiennent, dans l’idée de la toute-puissance du destin, telle que Le Trouvère et La Force du destin l’incarnent jusqu’au ridicule – et ce précisément en vertu de leur asservissement à une bourgeoisie qui se magnifie elle-même et manifeste déjà sa soif impérialiste – un facteur antimythologique, « éclairé », en exacte proportion de cette strate mythique « sécularisée ». Or, la figure antimythologique qui se trouve dans les livrets du XIXe siècle est l’exogamie, alors qu’inversement, et en toute logique, Wagner, qui livra l’opéra en proie au mythe, plaça l’inceste au centre du rituel de l’opéra. Dès L’Enlèvement au sérail de Mozart, la voix de l’humanité – voix qui parle – est celle du tyran exotique qui retient en captivité le couple européen pour le libérer ensuite avec l’humeur apaisée d’un Thoas3. L’amour, depuis, n’a de cesse à l’opéra de se vouer à tout ce qui est de sang étranger ou de quelque façon « exogène ». La Juive de Halévy, L’Africaine de Meyerbeer, La Dame aux camélias dans la version de Verdi, la princesse égyptienne Aïda, Lakmé de Delibes et, pour parachever le tout, la procession des gitans qui culmine dans Le Trouvère et Carmen : autant d’étrangers et de proscrits pour lesquels s’enflamme la passion qui entre alors en conflit avec l’ordre établi.

13Comparativement à ce rituel de la tentative d’évasion, Wagner, hostile aux conventions, est resté beaucoup plus conventionnel, et de loin, que les librettistes dont il faisait fi : avec la sagesse primitive de Wotan, « tout être existe selon son espèce », il a conforté la société bourgeoise dans son immanence et barré la route de l’évasion, servant même à foison un véritable « ragoût » biologique là où les couples incestueux choquent en apparence le parterre. La transfiguration en mystère quasi religieux de ce qui est simplement « selon son espèce », simplement « là », cette métaphysique qu’il croyait à tort si supérieure aux intrigues politiques du grand opéra, résulte de ce que chez lui, pour la première fois, l’esprit bourgeois renie l’impulsion qui pousse à l’évasion et se résigne à un état dont elle pressent qu’il est voué à la mort. Au XIXe siècle, le désir bourgeois de liberté s’était réfugié dans le spectacle d’apparat de l’opéra comme il s’était réfugié dans le grand roman dont la facture se retrouve à maint égard dans l’opéra. Wagner, chez qui le mythe triomphe de la liberté, est le premier à s’être montré totalement soumis aux exigences du réalisme bourgeois résigné et froid, en écrivant des drames musicaux irréalistes. Il faut attendre l’ère de l’impérialisme à son apogée, avec Madame Butterfly de Puccini, pour voir régresser le motif de l’exogamie, avec l’image de la jeune fille abandonnée, tandis que l’officier de marine qui a fait un mariage « racialement pur » ne se sent pas attiré le moins du monde par sa Japonaise. Si l’opéra a pu refléter si fortement la tendance selon laquelle évoluait la société bourgeoise, c’est parce que sa fonction de récréation bourgeoise a fait qu’il ne s’immisçait pas dans les conflits sociaux du XIXe siècle. Alban Berg appose à son œuvre le sceau de l’authenticité quand, s’en remettant à l’instinct ludique et au sens du déguisement propres à l’opéra, il choisit une fois encore, dans Lulu, son second opéra, le thème de l’exogamie et de l’évasion. Elle est irrésistible, cette jeune fille sans père ni mère, et quiconque entre dans son cercle aimerait partir avec elle, à l’instar de Don José avec la bohémienne : mais la vengeance de l’ordre établi les rattrape tous, la vengeance finit par engloutir l’image même de la beauté, qui est autre et connaît sa victoire suprême au moment où elle s’abîme. Dans l’opéra, le bourgeois se transcende en être humain.

14Les livrets d’opéras ne font que suggérer tout cela. Ce qui est décisif, c’est le rapport de la musique au texte ou plutôt à la scène et aux protagonistes – le texte d’opéra étant en effet depuis longtemps déjà ce qu’avoue être le scénario d’un film de Hollywood : un support. La contradiction entre les personnages en chair et en os qui parlent, comme dans le drame, et le medium du chant dont ils usent en même temps, est universellement connue. On a toujours cherché à la contourner ou à l’estomper, que ce soit dans la monodie florentine, la réforme de Gluck ou le Sprechgesang wagnérien, afin de favoriser la forme close, pure, parfaite, non dialectique de l’opéra. Mais la contradiction est trop profondément gravée dans la forme elle-même pour pouvoir être aplanie par des demi-mesures telles que le récitatif qui, il est vrai, trouve sa justification formelle dans les contrastes qu’il engendre. Si l’opéra a un sens, s’il est plus qu’un simple agrégat – ce qu’on est en droit de supposer quand on en connaît les grands moments – il faut chercher ce sens dans la contradiction elle-même au lieu d’essayer vainement de l’abolir au nom d’une unité esthétique trop parfaite, laquelle, sous couvert de symbolisme, prospère en eau trouble.

15Cela nous rappelle la définition qu’a donnée Lukács, il y a quarante ans, de la forme complémentaire de l’opéra, le roman. D’après son essai, le roman pose, au sein d’un monde désenchanté, la question suivante : comment la vie peut-elle devenir « essentielle » ? Et c’est bien une réponse qui est tentée dès qu’un homme vivant se met à chanter sur scène. Sa voix voudrait apporter à la vie nue quelque lueur de sens. Sans doute l’élément spécifiquement idéologique de l’opéra, son élément affirmatif, réside-t-il là. Les héros de la tragédie attique, dont l’opéra est séparé par un abîme au regard de la philosophie de l’histoire, n’avaient pas besoin de chanter : le sens, l’émancipation du sujet hors du contexte de la nature, s’épanchait sans médiation dans la manière dont le mythe omniprésent était traité par le processus tragique, et personne n’aurait eu l’idée de confondre les héros de la scène tragique avec les hommes du monde empirique puisque ce qui s’accomplit en eux et par eux n’est autre que la représentation de la naissance de l’homme lui-même.

16L’opéra, en revanche, tout autant marqué par le christianisme que par la rationalité des temps nouveaux, a d’emblée affaire à des hommes du monde empirique, réduits en l’occurrence à leur seule condition naturelle. Voilà qui est au principe de leur étrange déguisement : des mortels sont déguisés comme s’ils étaient des dieux ou des héros, et ce déguisement est du même ordre que le fait qu’ils chantent. Le chant les élève et les transfigure. Ce processus devient véritablement idéologique parce que la transfiguration touche le monde quotidien ; de sorte que tout ce qui est purement et simplement se présente comme si sa pure et simple existence était déjà plus, comme si les institutions de la société telles que les reflète la convention de l’opéra étaient identiques à l’ordre de l’absolu, celui du monde des idées. Cette nature idéologique première de l’opéra, qui en constitue le plus grand vice, se perçoit dans des aspects de dégradation extrême ; par exemple cet air à la fois important et comique dont s’entourent les chanteurs qui fétichisent leur voix comme si elle était vraiment un don de Dieu, selon la formule consacrée. La raison véritable de cette idiosyncrasie qu’on appelle crise de l’opéra est que cette dimension idéologique est devenue insupportable, que le non-sens, présenté comme doté de sens, aboutit à la dérision pure d’un monde où la simple existence, l’aveuglement de l’apparence, menace d’engloutir les hommes.

17Mais l’opéra, pas plus que l’apparence esthétique en général, ne s’arrête à ce seul aspect idéologique. L’apparence esthétique est tout à la fois embellissement de ce qui existe et reflet de ce qui pourrait être autre ; succédané d’un bonheur refusé aux hommes et promesse du vrai bonheur. Tandis que le geste inhérent au chant des personnages dramatiques dissimule le fait que, malgré la stylisation, ils n’ont pas plus de raison que de possibilité véritable de chanter, se fait entendre simultanément quelque espoir de réconciliation avec la nature : le chant, utopie de l’existence prosaïque, est aussi le souvenir d’un stade de la création antérieur au langage, indivis, tel qu’il retentit dans le plus beau passage du Ring de Wagner, les paroles de l’oiseau de la forêt. Le chant de l’opéra est le langage de la passion : il n’exalte pas seulement l’existence en la stylisant, il signifie également que la nature s’affirme dans l’homme à l’encontre de toute convention et de toute médiation, il conjure l’immédiateté pure. Depuis l’existence de la basse continue et de l’opéra, il existe aussi une théorie des affects de la musique, et l’opéra se trouve dans son véritable élément partout où son souffle s’abandonne à la passion. C’est dans cet abandon à la nature que résident ses affinités électives avec le mythe tout autant qu’avec le roman, rejeton moderne de l’épopée. Mais du fait que la passion chantée reflue, pareille à un écho, tandis que le son de l’immédiat qui s’élève au-dessus de toutes les médiations de la vie sclérosée est réfléchi, la passion qui trouve ce son est dans le même temps réconciliée avec le monde et elle-même ; il en va de même pour l’existence contrainte de ceux qui chantent à l’opéra comme s’ils étaient libres. Aussi l’opéra ne copie-t-il pas simplement le mythe : il le corrige par le medium de la musique qui est à la fois l’élément naturel et l’image reflétée qu’en donne l’esprit. Le chant à l’opéra donne libre cours à la passion qui incorpore les hommes à la nature. Simultanément, les hommes s’y perçoivent comme ce contre quoi se rebiffe leur attachement à la nature : ils s’y perçoivent comme nature et l’élément mythique, la passion, peut alors être adouci. Leur liberté ne se situe pas dans l’esprit s’élevant en souverain absolu au-dessus de la création. Au contraire, en tant que musique, l’esprit devient semblable à la nature, et cette ressemblance lui vaut de se défaire de son caractère dominateur.

18La forme de l’opéra célèbre ce processus à travers le chant d’êtres humains qui, en tant que tels, ont à vrai dire honte de chanter, et doivent en avoir honte. Elle atteint peut-être son plus haut degré de perfection quand elle sacrifie elle-même toute prétention à l’expression de l’âme et se fait voix de la nature par ses propres artifices. La colorature n’est pas simplement une forme d’exagération extérieure ; c’est au contraire son caractère extrême qui peut faire apparaître dans toute sa clarté l’idée de l’opéra. Nulle part Wagner n’en fut plus proche que dans la partie de l’oiseau de la forêt. Berg fut inspiré par le génie de l’opéra quand il dota Lulu, nature destructrice avec laquelle nous réconcilie son opéra, d’une partie colorature sans pour autant tomber dans le plagiat d’époques de l’opéra à jamais révolues.

19Que Berg n’ait pu achever l’instrumentation de l’œuvre est révélateur des problèmes posés par la forme. Depuis la fin de la grande bourgeoisie qui en assurait le plein déploiement, la situation de l’opéra est devenue précaire. L’ébranlement interne de la forme et son manque de résonance auprès du public sont corollaires, sans qu’on puisse déterminer facilement ce qui est cause et ce qui est conséquence. L’opéra reposait sur tant de conventions qu’il ne trouve plus d’écho sitôt que l’auditeur ne se voit plus garantir ces conventions par la tradition. Le novice le méprisera, en barbare bientôt blasé, lui qui n’a pas appris dès l’enfance à s’étonner à l’opéra et à respecter ses exigences. Quant au public qui a une certaine culture, il ne sait plus réagir spontanément devant un répertoire limité d’œuvres qui a perdu sa valeur en devenant une collection de bibelots pour petits-bourgeois, à l’instar des tableaux de Raphaël dévalorisés par les innombrables reproductions qui en ont été faites. Et du côté des créateurs, les difficultés formelles immanentes, qui vont toujours croissant, le refoulement d’une tension interne surtout, qu’on peut observer dans l’ensemble de la pratique contemporaine de l’art, ont empêché jusqu’ici que l’opéra retrouve une nouvelle actualité. De fait, l’opéra ressemble aujourd’hui le plus souvent à un musée, y compris pour ce qui est de sa fonction positive : celle d’aider à survivre ce que menace une réduction au silence. La plupart du temps, la scène d’opéra est comme un musée d’images et de gestes passés auxquels se raccroche le besoin de regarder en arrière.

20C’est ce besoin qui caractérise le genre de public d’opéra qui veut toujours entendre la même chose, qui subit l’inhabituel avec hostilité ou, pire encore, avec passivité et manque d’intérêt, simplement parce que l’abonnement l’y condamne. La situation de l’opéra n’est pas enviable au sein d’une humanité administrée qui, quel que soit son système politique, ne se soucie plus de libération, d’évasion et de réconciliation, comme les donnait à voir l’opéra de la bourgeoisie d’autrefois : elle se bouche convulsivement les oreilles pour ne pas entendre la voix de l’humanité afin de pouvoir, satisfaite, gaie et résignée, tenir le coup dans l’agitation générale. Jadis, la bourgeoisie était porteuse d’une critique de la mythologie et, en même temps, de la pensée d’une réinstauration si longtemps attendue de la nature. Aujourd’hui, cette critique lui est devenue aussi étrangère que cette nostalgie, elle s’est accommodée de sa propre aliénation comme de l’apparence d’immutabilité qui l’entoure : seconde mythologie. Tant que dureront cet état d’esprit et la situation sclérosée qui l’impose, l’opéra n’aura pas grand chose à espérer.

21Sa situation changera peut-être s’il parvient à se défaire de son caractère idéologique qui transfigure l’existence pure et simple pour dévoiler son autre face, dont les traits antimythologiques sont source de réconciliation. Mais peut-on avoir l’un, le positif, sans l’autre, le négatif ? Toute démystification du théâtre au moyen de principes constructifs reste toujours limitée en raison des hommes vivants auxquels elle doit recourir. Si le théâtre renonce au faux-semblant de l’immédiateté humaine, à la psychologie privée, il risque de se transformer en banderoles, et projeter arbitrairement dans l’existence empirique sa volonté de la magnifier, tolérable à la seule condition de laisser de côté tout ce qui, de cette existence, lui vaut sa précision et sa force. Le problème ne sera pas résolu quand on aura éliminé tout ce qui a été proscrit comme trop romantique, en optant pour une ascèse dont la ligne de conduite est bien souvent celle de la moindre résistance, celle d’une composition régressive et simpliste. La technique empruntée à Stravinsky – qui est bien loin du niveau de souveraineté du compositeur – consistant à briser les sortilèges de l’opéra en alignant une pauvre série de motifs qu’on agrémente de quelques décalages rythmiques stéréotypés, sans aménager de réelle progression, cette musique antidramatique qui accompagne le drame musical irradie aujourd’hui une monotonie et un ennui tels qu’une seule chose nous étonne, l’absence de révolte de la part des compositeurs, Stravinsky compris. On est en droit d’exiger au moins que la recherche, à l’opéra, d’une musique dépourvue d’idéologie et d’apparence n’empêche pas de conserver une écriture suffisamment différenciée et complexe ni de se défaire d’un culte superstitieux des origines.

22Il faut composer « au marteau », comme Nietzsche voulait faire de la philosophie au marteau, c’est-à-dire marteler légèrement les formes pour que l’oreille critique en détecte les parties creuses, mais non pas les briser en confondant débris et avant-garde, sous prétexte que ces débris font songer à des villes bombardées. Le poncif usé de cette période de pénurie que traverse la musique, celui d’une objectivité qui se dispense de tout effort d’imagination et se prévaut d’une facilité présentée comme une victoire remportée sur ce qu’on n’est pas, a fini par s’établir aujourd’hui comme seule la convention du théâtre de cour avait su le faire, sans que pour autant la magie propre au théâtre, sauvegardée dans la fuite devant le cinéma, jouisse d’une survie incontestée. Mais plus la construction des œuvres théâtrales se fait riche, polymorphe, contrastée, plurielle, plus ces œuvres, par leur justesse artificiellement virtuose et, si l’on veut, « sans fenêtre », prendront part à une signification qu’elles n’entendent plus exprimer par elles-mêmes, comme le voudrait le cliché. Ce n’est qu’au moment où la plénitude des moyens musicaux répondra à une visée digne de l’homme, et ressuscitera une part de cette tension entre le médium musical et le médium scénique qui fait totalement défaut au théâtre d’aujourd’hui, que l’opéra pourra recouvrer la force d’une image de son temps.

Notes   

1  Theodor Wiesengrund Adorno, « L’opéra bourgeois », in Figures sonores, écrits musicaux I, Genève, Contrechamps, 2006. Trad. Marianne Rocher-Jacquin avec la collaboration de Claude Maillard. Claude Maillard a traduit les textes « Anton Webern » et « Alban Berg ». L’ensemble des textes a été relu par Vincent Barras (I, II, III, IV), Martin Kaltenecker (V, VI, VII, VIII, IX), Jean Lauxerrois (VIII, X), Peter Szendy (XII) et Philippe Albèra. Filigrane remercie les Éditions Contrechamps d’avoir autorisé la publication de cet article.

2  Personnages de la grande épopée médiévale allemande des Nibelungen dont Wagner s’est inspiré pour sa Tétralogie. (N.D.T.)

3  Il existe plusieurs Thoas dans la mythologie grecque. Il s’agit ici du Roi de Tauride à l’époque où Iphigénie y devint prêtresse. (N.D.T.). Adorno parle ici du couple européen, mais en réalité, il y a dans L’Enlèvement au sérail deux couples prisonniers, celui de Constance et de Belmonte d’une part, et celui de Blonde et Pedrillo d’autre part. (N.D.É.)

Citation   

Theodor W. Adorno, «L’opéra bourgeois1», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, La société dans l’écriture musicale, mis à  jour le : 16/06/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=127.

Auteur   

Theodor W. Adorno