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Tristan Murail, Modèles et Artifices, textes réunis par Pierre Michel, Presses Universitaires de Strasbourg, 2004, 223 p.1

Olivier Class
janvier 2012

Index   

1Publiés entre 1980 et 2000, les textes de Tristan Murail sélectionnés et réunis par Pierre Michel comportent un aspect éminemment pédagogique : le compositeur y explique sa démarche et ses principes d’écriture, en les situant dans un contexte esthétique et historique précis.

2Les trois premiers articles, « La révolution des sons complexes », « Spectres et lutins » et « Questions de cible » se veulent résolument techniques, en expliquant comment le compositeur prend les propriétés acoustiques du son comme modèle et point de départ de ses œuvres. Et c’est bien pour cela qu’on le qualifie de compositeur « spectral », encore qu’il faille utiliser ce terme avec de beaucoup de précautions, et que lui-même reste très réservé quant à cette appellation. Ces trois textes pourraient être considérés comme une sorte d’introduction à un cours de composition. Deux d’entre eux sont d’ailleurs des retranscriptions de conférences prononcées aux Ferienkurse de Darmstadt en 1980 et 1982. Il s’agissait justement de présenter ces nouveaux procédés dans le temple de la musique sérielle qui était en train de s’essouffler, et envers laquelle Murail adoptait une attitude très ironique : « Petit rappel à l’attention des sérialistes impénitents : il y a tout de même 479001600 séries différentes possibles, il vous reste de beaux jours » (« Spectres et lutins », p. 31).

3On trouvera ensuite deux témoignages sur Giacinto Scelsi. Ce dernier a fortement marqué plusieurs membres du collectif Itinéraire, dont Murail fut un membre fondateur, et qui ont eu l’occasion de le rencontrer lors de leurs séjours à la Villa Médicis à Rome dans les années 1970. L’Itinéraire a beaucoup contribué à défendre la musique de Scelsi, que ce soit en la programmant en concert ou à travers des articles musicologiques. Malheureusement, ceux-ci restent encore trop marginaux, et d’une manière générale, il n’existe que peu de documents en français sur le compositeur. La publication de ces deux essais, dont « Scelsi, dé-compositeur », jusqu’alors inédit en français, se révèle ainsi extrêmement précieuse.

4La deuxième partie de l’ouvrage présente la retranscription de la longue conférence prononcée en 1992 au Centre Acanthes à Villeneuve-lès-Avignon. On retrouve ici Murail pédagogue, mais dix ans plus tard. Le temps a passé, le langage a évolué, le contexte historique n’est plus le même, et le compositeur parle de pièces plus récentes. Mais les principes restent les mêmes ; simplement, l’évolution de la technologie permet de les aborder sous des jours nouveaux, notamment grâce à l’évolution de l’informatique musicale et de la composition assistée par ordinateur, qui offrent des perspectives tout à fait nouvelles.

5Enfin, le livre se clôt, encore dix ans plus tard par une sorte de réflexion éthique sur le rapport du compositeur à son public, et un regard jeté en arrière sur l’ensemble de son œuvre et du contexte dans lequel elle s’est développée.

6Le livre, récompensé par un « Coup de Cœur » de l’Académie Charles Cros en septembre 2004, constitue un ouvrage phare pour des étudiants en composition, des compositeurs, des chercheurs musicologues, des interprètes, qui désirent entrer de manière approfondie dans le monde musical de Tristan Murail.

Notes   

1  Compte rendu originellement publié dans L’enveloppe, Lettre d’information et d’analyse de musique contemporaine n°5, novembre-décembre 2005.

Citation   

Olivier Class, «Tristan Murail, Modèles et Artifices, textes réunis par Pierre Michel, Presses Universitaires de Strasbourg, 2004, 223 p.1», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Traces d’invisible, Numéros de la revue, Comptes rendus de lecture, mis à  jour le : 30/01/2012, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=117.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Olivier Class

Doctorant en musicologie, université Strasbourg 2