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Le processus artistique, vecteur de citoyennetéThe artistic process as vector of citizenship
El proceso artístico como vector de ciudadanía

Nathalie Poisson-Cogez
décembre 2015

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.719

Résumés   

Résumé

Comment passer de la démocratisation culturelle à la démocratie culturelle ? De quelle manière certaines initiatives permettent-elles des modalités différentes d’accès aux œuvres ? En quoi la résidence d’artiste en territoire -  tant urbain que rural – autorise-t-elle la mise en œuvre d’une création partagée avec les habitants ? Pourquoi et comment cette présence artistique permet-elle de générer des métamorphoses tant individuelles que collectives qui favorisent le convivialisme et la citoyenneté ?

Abstract

How to pass from a cultural democratization to a cultural democracy? In what manner do certain initiatives allow different methods of access to artworks? In what way does an artist's residence, urban or rural, allow the implementation of a creative project shared with the inhabitants? Why and how does this artistic presence allow to generate transformations, individual as well as collective, permitting conviviality and citizenship?

Extracto

¿Cómo pasar de la democratización cultural a la democracia cultural? ¿De qué manera algunas iniciativas permiten modalidades diferentes de acceso a las obras? ¿En qué medida la residencia de artistas en territorio –tanto urbano como rural- permite el desarrollo de una creación compartida con los habitantes? ¿Por qué y cómo dicha presencia artística permite generar metamorfosis tanto individuales como colectivas que favorecen la convivialidad y la ciudadanía?

Index   

Texte intégral   

1Comment passer de la démocratisation culturelle à la démocratie culturelle ? À travers un certain nombre d’expériences issues du champ des arts visuels, il s’agit d’interroger la façon dont l’habitant est associé à certains types de projets artistiques. Quelles sont les modalités d’accès aux œuvres en dehors des espaces institutionnels identifiés que sont les musées ou les centres d’art ?  Quels sont les différents niveaux d’implication qui permettent au spectateur de prendre part au processus de création ? En quoi cette approche modifie-t-elle la notion même de « public » ? Comment au-delà de l’objet artistique ces expériences contribuent-elles à l’émancipation de l’individu et à la construction de son identité ? Qu’est ce qui se joue à l’échelle individuelle et collective pour la société ? Pour répondre à ces différentes interrogations, deux exemples mis en œuvre dans le Nord de la France, l’un en zone urbaine : des résidences d’artistes dans le quartier de la Bourgogne et La Marlière à Tourcoing ; l’autre en zone rurale : La Chambre d’eau, structure de résidences d’artistes installée dans l’Avesnois seront étudiées. D’autres expériences viendront alimenter le propos qui explore tout d’abord des modalités alternatives d’accès aux œuvres pour aborder ensuite les enjeux des processus participatifs. Il s’agira enfin d’appréhender en quoi l’art peut être un facteur d’émancipation individuelle et de développement de la citoyenneté favorisant le vivre-ensemble.

Des modalités alternatives d’accès aux œuvres

2Comment le paradigme posé en 1959 par André Malraux dans la fondation même du Ministère des Affaires culturelles, à savoir : « rendre accessible au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent » est-il repensé à l’aune de la mondialisation et des mutations sociétales actuelles. Si les grands équipements culturels qui génèrent une attractivité touristique d’envergure concentrée essentiellement dans la capitale  (Le Louvre, le Centre Georges-Pompidou, le Musée d’Orsay, l’Opéra Bastille) sont complétés en vertu de la politique de décentralisation d’antennes régionales (Louvre-Lens, Centre Pompidou Metz, L’Institut du Monde Arabe en Nord-Pas de Calais), il n’en reste pas moins qu’une grande partie du public reste éloigné de ces espaces de diffusion. Le processus de démocratisation culturelle se poursuit  par le maillage du territoire et par le développement au sein des musées et équipements culturels de services chargés des projets culturels et des publics, notamment des publics dits « spécifiques ». Dès lors, de nouvelles formes expérimentales de médiation se mettent en place, à l’instar de la plateforme Veduta1, émanant de la Biennale d’art contemporain de Lyon par laquelle, depuis 2007, des médiateurs travaillent à la rencontre d’autres publics par des dispositifs inspirés par le principe de l’université́ populaire. Depuis 2007, des médiateurs travaillent à la rencontre d’autres publics. Inspirés par le principe de l’université́ populaire, « L’Ecole de l’amateur » propose une découverte de l’art contemporain en engageant des discussions qui permettent de s’approprier le discours sur les œuvres d’art. Pour « Le porte-à-porte », des médiateurs proposent aux habitants une discussion improvisée autour de l’art contemporain. Enfin « les rencontres autour d’une œuvre » sont activées en 2013 par la dissémination d’œuvres de l’exposition internationale dans soixante-dix appartements et maisons, dans lesquelles est organisée une rencontre privée ou publique. Enfin, pour « Les protocoles d’artistes » le public active lui-même une œuvre d’art en suivant les instructions laissées par leur auteur. Autant de modes opératoires qui tendent à désacraliser l’œuvred’art et à rendre poreuse la rencontre entre le public et les œuvres en repensant les modalités de diffusion et de réception. En région parisienne, l’Association Décider, quant à elle, déploie le concept de personnes-relais qui permet à des habitants du quartier de Grigny-La-Grande-Borne formés spécifiquement à l’histoire de l’art d’offrir l’opportunité à d’autres concitoyens d’accéder au Musée du Louvre en les accompagnant. Cette formulation semble plus pertinente que celle adoptée au musée des Beaux-arts de Lille dans le cadre de la seconde édition d’Open Museum (10 avril – 5 juillet 2015). Grâce aux quatre-vingts pièces réalisées par le collectif allemand Interduck qui a affublé une série de copies d’œuvres emblématiques de l’histoire de l’art, dont quatre issues de la collection du Musée (Bosch, Donatello, Goya, Rodin), de têtes de canards, le musée se targue d’avoir touché 60% de primo-visiteurs, des doutes subsistent néanmoins sur l’impact réel d’une telle action en matière d’action à l’art.

3Un certain nombre d’initiatives tendent à repenser le rapport entre public et œuvres, en imaginant non plus de déplacer les visiteurs vers les institutions mais dans un mouvement inverse de déplacer les œuvres vers les habitants des territoires. Tel est le cas du MuMo2, le musée mobile, créé en 2011 par un fonds de dotation. Un container transporté par camion sillonne la France, l’Europe de l’ouest et le continent Africain. Posé dans les cours d’écoles ou sur les places publiques, il se déploie en quatre salles pour présenter les œuvres de quinze artistes de renommée internationale parmi lesquels : Ghada Amer, Daniel Buren, Pierre Huyghe, Paul McCarthy, James Turrell, Lawrence Weiner...  Le public ciblé est composé d’enfants de 6 à 12 ans qui souvent expérimentent leur première visite au musée (62% en zones rurales, 44% en  ZUS3). Les équipes du MuMo s’appuient sur les structures et les personnes ressources implantées dans le territoire que sont l’éducation nationale (conseillers pédagogiques), les associations telles qu’ATD Quart Monde ou encore des centres d’art ou des structures artistiques. Le principe est de confronter les enfants à des œuvres originales, généreusement mises à disposition par les artistes et de générer autour de cette rencontre un travail de médiation et d’ateliers pratiques favorisant l’accès à l’art. Ainsi, en juin 2015, La Chambre d’eau a-t-elle organisé le parcours du MuMo dans dix communes de l’Avesnois, lors du déploiement final sur la place du Favril des enfants ayant bénéficié de la visite dans leur école et venus montrer le musée à leurs parents.

4Une autre expérience, celle du Musée Précaire Albinet mis en œuvre par l’artiste suisse Thomas Hirschhorn en 2004 en collaboration avec les Laboratoires d’Aubervilliers, montre comment le principe de diffusion peut être pensé en corrélation directe avec les destinataires prioritaires que sont les habitants. Durant huit semaines, les œuvres originales issues des collections du Musée National d’Art Moderne - Centre Georges Pompidou et du FNAC (Fonds National d’Art Contemporain) ont été exposées dans un musée temporaire implanté en plein cœur du quartier du Landy à Aubervilliers. Huit artistes4 historiques ont été choisis par Thomas Hirschhorn pour leur impact sur les changements du monde : « L’idée de base est de réaliser un projet avec des voisins, les impliquer dans ce qui est important pour moi : c’est-à-dire l’art, et particulièrement dans ce que je trouve beau dans l’art, c’est-à-dire cette extraordinaire volonté et ce pouvoir de changer le monde et la vision du monde. »5  La singularité du projet réside dans la façon dont les habitants de la Cité des Albinet ont été associés à toutes les phases de mise en œuvre : installation des modules préfabriqués, manipulation des œuvres, gardiennage, médiation. Ces différentes missions ont été portées notamment  par un programme de formation professionnelle pour les jeunes du quartier accueillis au sein des équipes muséales.
Ces expériences témoignent de l’importance de la confrontation directe aux œuvres, non pas à des fac-simile ou des reproductions mais bien aux originaux, avec tous les enjeux liés aux questions de conservation ou d’assurance que cela suppose. Cependant, dans les exemples cités ci-dessus, les œuvres préexistent, elles figurent au catalogue d’un patrimoine commun déjà identifié. Un autre type de dispositif permet aux habitants eux-mêmes d’initier la création d’une œuvre originale : l’action Nouveaux commanditaires6. Depuis 1991, plus d’une centaine de projets ont été initiés par la Fondation de France qui « permet à des citoyens confrontés à des enjeux de société ou de développement d’un territoire d’associer des artistes contemporains à leurs préoccupations par le biais d’une commande. Son originalité repose sur une conjoncture nouvelle entre trois acteurs privilégiés : l’artiste, le citoyen commanditaire, le médiateur culturel, agréé par la fondation de France, accompagnés  de partenaires publics et privés réunis autour du projet. » Des artistes de renommée internationale s’impliquent dans un processus de coproduction qui questionne la place de l’art dans la Cité. L’objet artistique n’est donc pas parachuté in situ mais s’inscrit en cohérence avec son environnement sur les plans historique, géographique, symbolique et social. Ainsi, à Belencontre, un quartier populaire de Tourcoing en cours de rénovation urbaine, un collectif d’habitants adhérents du centre social fédéré par la personnalité de Gérard Chaubiron, directeur du centre, a passé commande d’une « œuvre qui évoque l’histoire et l’avenir du quartier dans l’esprit de partage et du bien vivre ensemble, un projet de rencontre »7. Le relais médiation étant assuré par Artconnexion8 qui assure le suivi d’une douzaine de projets de ce type dans les régions Nord-Pas de Calais, Picardie, Normandie, ainsi que dans le Nord de l'Europe. Pour le quartier de Belencontre, c’est l’artiste Emilio López-Menchero9 (né en 1960), artiste espagnol vivant en Belgique, qui a été choisi. Baptisé BelRencontres, le projet – en cours de finalisation -  articule trois éléments : un boulodrome couvert dont le toit évoquera les sheds10 d’usines textiles ; une table d’orientation sur laquelle sera gravée un plan du quartier tel qu’il était dans les années 1960 ; une statue de marbre du sculpteur belge Georges van der  Staeten (1856-1941) trouvée à proximité dans le Parc Clémenceau et qui sera restaurée et installée devant la nouvelle médiathèque du quartier. Les parties mutilées (tête et bras) de cette femme assise rebaptisée La penseuse seront remplacées par un marbre polychrome veiné en hommage à la figure emblématique de La Tigresse, femme du quartier qui hante la mémoire collective11. L’artiste François Hers, fondateur du dispositif Nouveaux Commanditaires explique dans le protocole : « En s'engageant dans un partage d'égales responsabilités, l'ensemble des acteurs accepte de gérer par la négociation les tensions et les conflits inhérents à la vie publique en démocratie. L'œuvre d'art devient non plus l'expression emblématique d'une seule individualité mais celle de personnes autonomes qui, en donnant un sens commun à la création contemporaine, font société. »12

5Ces trois exemples, le MuMo, le Musée Précaire Albinet et le programme Nouveaux Commanditaires laissent entrevoir la façon dont l’accès aux œuvres peut être envisagé en dehors des établissements institutionnels que sont les musées. Néanmoins, il s’agit de dispositifs dans lesquels les artistes gardent la maîtrise totale de leur processus de réalisation, ce sont les modes opératoires de diffusion singuliers qui consistent à déplacer les œuvres originales au sein des espaces identifiés comme des  « déserts culturels ».

La création partagée

6Au-delà des modes spécifiques de diffusion évoqués précédemment, dans lesquels les habitants bénéficient de l’accès à des œuvres originales ou en déclenchent la réalisation, d’autres dispositifs leur permettent d’être partie prenante de l’acte de création. Il s’agit d’interroger la façon dont l’artiste va impliquer plus ou moins directement des personnes tierces au processus de l’œuvre. Plusieurs modes opératoires de participation du public existent. Dans le cas présent, l’attention est portée sur le public a priori défini par les instances ministérielles comme « public éloigné » ou « public empêché », qui habite les zones de retrait que sont la banlieue, les zones rurales… Dès lors, élargissant le concept même de « public », qui induit une certaine passivité « l’habitant » devient un acteur à part entière dans un processus de création partagée.Nicolas Roméas, directeur de la revue Cassandre/Hors Champs affirme : « Il ne s’agit pas de donner accès à l’art et à la culture à ceux qui n’en n’ont pas les clefs, mais de fabriquer avec eux l’art et la culture. »13
Ces modalités de création partagée sont particulièrement mises en œuvre dans le cadre des résidences d’artistes en territoire pour lesquelles se distinguent deux types de dispositifs les résidences-missions et les résidences de création. Les résidences-missions  ressortissent plutôt d’un modèle de médiation spécifique. À partir de son travail, l’artiste va générer une sensibilisation de populations ciblées, à l’instar du public scolaire avec des dispositifs comme le CLEA (Contrat Local d’Education Artistique) ou A.R.T.S. (Artiste Résidence Territoire Scolaire). Pour ce faire, la notion de « geste artistique » a été déployée : « L'intérêt du geste artistique n'est pas dans le résultat de l'action, mais dans l'action elle-même. Il n'a pas pour but de dire, mais il prend sens dans sa réalisation. Le geste artistique doit être au maximum co-créé avec les publics pour lequel il a été imaginé »14. Ce type de dispositif, s’il reste ambigu quant au rôle de l’artiste (créateur ou médiateur ?),  a néanmoins le mérite de mobiliser les personnes relais que sont les enseignants, les animateurs…  La présence de l’artiste agit dès lors comme un déclencheur de processus multiples d’éducation artistique tant sur le plan pratique que réflexif. Dans le second cas, celui des résidences dites de recherche ou de création, il s’agit davantage d’interroger la façon dont les artistes travaillent en prise avec les habitants et les nuances qui s’opèrent dans leur interaction avec le territoire. Quelle place et quel rôle pour l’habitant ? Qu’est ce qui est mis en œuvre par la présence de l’artiste ? Qu’est ce qui fait œuvre ? S’agit-il de faire pour les habitants ? Faire à partir des habitants ? Faire avec les habitants ? En réponse à ces interrogations multiples et complexes qui touchent tant le champ artistique que celui du social et du politique, l’ouvrage Quartier, les projets participatifs au cœur de la [politique de la] ville15 apporte le témoignage et les réflexions de différents protagonistes que sont non seulement les artistes et les acteurs culturels mais également les représentants de l’Etat, des techniciens des collectivités territoriales, des travailleurs sociaux, des élus, des chercheurs et des citoyens anonymes16. Ce document a été publié collectivement en janvier 2012 par ARTFactories/Autre(s)pArt17 (plateforme internationale de ressources de projets culturels de créativité artistique et sociale) ; Actes-IF18 (réseau solidaire de lieux artistiques et culturels franciliens) ; Banlieues d’Europe19 (réseau d’acteurs culturels, d’artistes, de militants, de travailleurs sociaux, d'élus et de chercheurs, ayant pour objectifs de croiser les pratiques, d’échanger des informations, de sortir de l’isolement pour valoriser les projets d’actions culturelles dans les quartiers populaires et auprès des populations mises au ban) ; le COUAC (Collectif d’urgence des acteurs culturels, espace de rencontres, de ressources et de débats en région toulousaine)  et  HorsLesMurs (centre national des ressources des arts de la rue et des arts du cirque). Ces structures ont pour mérite non seulement d’agir, mais également de mettre en œuvre des réflexions qui  offrent des outils d’analyse pour des projets similaires. Aussi, nous nous proposons de poursuivre notre réflexion en évoquant deux exemples de résidences d’artistes expérimentés l’une en zone urbaine, l’autre en zone rurale.

7Au cours de quatre années consécutives, la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Tourcoing a porté la mise en œuvre d’une résidence d’artiste sur les quartiers de la Bourgogne, de la Marlière et de la Croix-Rouge. Des appels à projet sur le thème de « La frontière » (2011-2012-2013) puis de la « Ville en jeu »(2014) ont amené quatre artistes à arpenter successivement ce territoire singulier. Au travers de ces expériences, il s’agit d’appréhender la façon dont cette présence artistique permet de contribuer à la fabrique d’un commun dans ce quartier à l’histoire complexe marqué aujourd’hui par l’exclusion sociale et un cadre de vie spécifique liés aux problématiques urbaines qui génèrent zones de non-droit et trafics illicites. Durant plusieurs mois, l’artiste sélectionné investit le quartier de la Marlière et celui de la Bourgogne. Sa démarche progresse en trois étapes : une phase d’immersion et de repérages, une phase de recherche-création et d’actions, une phase de restitution suivant des modalités spécifiques au projet. Le cadre de la résidence est constitué de deux entités urbaines différentes. L’une historique, composée de petites maisons  de briques amassées autour de l’église de La Marlière qui marque le passage de la frontière belge vers Mouscron. L’autre, une Z.U.P. installée de toute pièce sur un champ agricole dans les années 1960 par un vaste programme de construction rassemblant près de 10 000  habitants dans des maisons individuelles, des barres et des tours qui ménagent néanmoins des zones de circulations et des espaces verts. Pour Tourcoing, c’est une période faste : les usines textiles de la VPC (vente par correspondance) embauchent à tout va  (La Redoute, Les Trois Suisses, Vert Baudet, etc.). Cependant, dans les années 80-90, Le quartier subit de plein fouet la crise économique, le taux de chômage explose pour atteindre 20% de la population locale. La mixité sociale s’étiole, les cadres moyens désertent les lieux. Le quartier subit la stigmatisation renforcée par les médias, comme dans l’affaire Mehdi Nemmouche - accusé du meurtre au Musée juif de Belgique à Bruxelles en 2010. En effet, il a grandi à la Bourgogne et les journalistes ont déboulé sur place : «Ce genre de fait divers rejaillit sur tout le quartier de manière négative, alors que beaucoup de choses positives sont faites ici. Et toute la société pourrait s‘en inspirer» ne décolère pas Harold Georges, le directeur du centre social.20  En 2014, la résidence est attribuée à Marion Fabien21, artiste française née en 1984 qui vit à Bruxelles. Son travail est basé sur des interventions urbaines qui génèrent la rencontre avec les habitants. Lors de son séjour à Tourcoing, elle explique : « Mon idée c’était de me balader dans le quartier avec des habitants pour qu’ils me montrent un autre point de vue que la réputation du quartier à problèmes. Comme j’ai du mal à rencontrer les habitants, je suis allée au café, à la boxe, là où ils sont. »22

8Dans le cadre de cette résidence Marion Fabien a mis en œuvre deux types d’interventions dans l’espace public : La ligne bleue et Les architectures fantômes. La ligne bleue, pourrait être envisagée comme un geste artistique, une trace au sol parcourt l’allée Charles Quint, zone piétonne clôturée par les barrières peintes en bleue qui serpente à travers les immeubles. Cette ligne n’est pas sans rappeler la performance The Green Line - Sometimes doing something poetic can become political and sometimes doing something political can become poetic(4 – 5 juin 2004) de Francis Alÿs, artiste belge installé à Mexico. Marchant pendant deux jours à travers Jérusalem, il laisse couler d’un pot un filet de peinture verte. Son chemin suit la ligne d’armistice dessinée en 1949 entre Israël et la Transjordanie qui marque aujourd’hui la frontière entre l’est et l’ouest de Jérusalem. Si l’intervention de Marion Fabien s’inscrit dans un contexte géopolitique moins chargé. Cette ligne n’en comporte pas moins une portée poétique. Il s’agit plus d’un prétexte pour générer la rencontre, le dialogue, les questionnements de passants alors que le rouleau à la main l’artiste opère, aidée parfois par des enfants, des habitants. Que fais-tu là ? Pourquoi ? « J’ai rencontré lors de mes balades un grand nombre de personnes. Des enfants, seuls ou avec leurs parents, des jeunes, à pied, en scooter, en vélo ou en voiture, des moins jeunes. Des travailleurs sociaux, des médiateurs. Des hommes, des femmes. Des français, des Marocains, des Algériens, des Portugais, des Espagnols, des Sénégalais, des Tunisiens, des Belges. Des habitants, des usagers ou tout simplement des visiteurs, même si il y en a peu. »23 Simultanément, l’artiste entame un travail de mémoire avec les habitants sur des édifices disparus, délabrés ou modifiés : la piscine Tournesol ; les tables de ping-pong ; le skate park ; le terrain de foot synthétique ; la crèche ; le module de jeux pour enfants ; la tour Delroeux sur l’emplacement de laquelle se trouve le nouveau centre social ; les bâtiments H.B.M dans lesquels a été tourné le film La vie est un long fleuve tranquille24… Elle réalise dans son atelier à Bruxelles des maquettes en céramique, reconstitutions à petite échelle de ces architectures fantômes qu’elle va installer in situ. Le jour du parcours-vernissage, une poignée de gens découvre les vestiges des céramiques brisées et éparses, ruines dont Marion relève des traces photographiques. Seule la piscine Tournesol, un peu isolée au bord de la route a été épargnée, elle sera finalement subtilisée par un passant anonyme. Marion affirme que cela lui plait bien de savoir que peut-être quelqu’un conserve cette sculpture chez lui. À la fin de la résidence, une exposition est organisée dans un appartement de la Z.U.S. On sonne à l’interphone. On grimpe à pied les escaliers. On croise au passage le voisin de palier qui rentre avec son gamin. La fenêtre du salon donne sur le parking devant. Celle de la chambre, sur l’arrière, vers l’allée bleue. On voit la trace qui serpente et se perd au détour des immeubles. L’ensemble du projet est baptisé Monumenta, contre-pied volontaire à la manifestation biannuelle qui se déroule au Grand-Palais à Paris25. La sonorité évoque aussi le rendez-vous de la Documenta de Kassel, foire internationale d’art contemporain. Ici, pas de geste ostentatoire, la ligne bleue s’est effacée, les architectures fantômes ont disparu. Comme le souligne Virginie Devillier, il s’agit pour Marion d’« envisager l’œuvre d’art comme un interstice social producteur de lien plus que de chefs-d’œuvre. »26 Par contre, le processus même demeure. Notamment les rencontres humaines que Marion a consignées dans une publication. Des témoignages de cette expérience vécue. La parole est donnée aux habitants : Pecker - le mécano, et son épouse Renée - femme de ménage, habitants d’une petite maison ; Abdel et Kamel, qui abordent sans complexe les pratiques communautaires ; Jean-Pierre Balduyck, maire socialiste de la ville de 1989 à 2008 qui habite le quartier depuis 1971 ;  Malika, jeune fille de 17 ans en service civique au Centre social qui veut devenir animatrice. Des schémas de déambulation accompagnent les textes qui sont autant de micro-récits de vie. Ce que les gens ont accepté de lui confier le temps d’une promenade à pied dans le quartier. Ils évoquent le présent, le passé, peu de projection vers l’avenir... L’artiste se place dans la posture d’apprenant. Qu’est ce que toi tu peux me dire de ta vie ? De ton quartier ?  De tes savoirs et savoir-faire ? Le livre comporte aussi des images qui révèlent une attention au réel, inspirée par Georges Perec, comme une « tentative d’épuisement de l’espace »27. Beaucoup d’images, sur lesquelles, singulièrement, les gens – hormis les gamins qui jouent au foot dans le stade - ne figurent pas.  Un ballon de foot crevé, des feuilles mortes, une chaise posée contre un mur… Dans Art contemporain et lien social, Claire Moulène confirme : « Si l’artiste contemporain apparait aujourd’hui plus que jamais soucieux de saisir la complexité du monde qui l’entoure (reléguant au passage la figure désuète de l’artiste reculé, créateur génial retiré du monde, ou à l’opposé celle de l’artiste littéralement engagé au service d’une cause), sa mission ne consiste pas à proprement parler à résoudre les conflits sociaux et économiques qui sous-tendent la société. En revanche, il est celui qui emboite le pas à la société, celui qui l’accompagne, la dissèque, la décrypte et offre au passage des alternatives, souvent critiques, qui permettent  de penser autrement le réel. »28 Hamida, médiatrice sociale et culturelle, animatrice d’insertion, chargée du relais événementiel du quartier, souligne bien l’importance dans cette résidence de l’articulation du sociologique et de l’artistique. Comment la présence de l’artiste est en prise avec les acteurs sociaux mais surtout comment, par le contact direct avec les habitants, Marion a réussi à faire bouger sensiblement quelques lignes dans leurs schémas de représentations.

9Dans ce rapport de l’artiste aux habitants, d’autres enjeux spécifiques au monde rural, sont révélés par La Chambre d’eau qui  « se singularise par sa volonté de mettre en relation la création artistique contemporaine pluridisciplinaire avec les territoires en créant les conditions nécessaires à des processus de création artistique fondés sur un échange entre artistes, territoires et habitants. »29 Depuis plus de dix ans, la structure accueille des artistes en résidence au cœur de l’Avesnois dans le Nord de la France. Si certains artistes s’attachent au paysage ou au patrimoine architectural, nombreux sont ceux qui offrent une place singulière aux habitants appréhendés de façon individuelle ou collective. Parmi les différents protocoles de recherche, certains artistes vont à la rencontre des habitants. Ils puisent les fondements de leur réflexion sur des témoignages qui sont ensuite valorisés par des formes artistiques spécifiques. Ainsi, Chantier humain (2012), un film de l’artiste Simone Cinelli, est issu de la rencontre avec différents acteurs du territoire : un agriculteur, un couple d’apiculteurs, un cheminot, un éleveur…  L’artiste réalise des portraits vidéo : un plan fixe sur un décor de fond qui fait lien avec les fonctions du « modèle » qui pose immobile face à la camera tandis que son témoignage défile en voix off. À travers cette œuvre, l’artiste italien interroge l’incidence des bouleversements contemporains sur l’agriculture, le commerce, l’industrie, la production et la distribution des biens de consommation. « Poétiquement et modestement, j’ai cherché à représenter les effets de la crise mondiale au niveau local, dans la vie des gens ordinaires, en mettant l’accent sur la lenteur, sur le temps nécessaire pour écouter. Ce projet n'est qu'au début de son voyage. Je souhaite maintenant le réaliser ailleurs pour le confronter à d'autres formes de tensions, de questions, de solutions et d'utopies environnementales et humaines. Ce travail est pour moi nourri de la nécessité de partager et de travailler à une prise de conscience des questions urgentes, non pas limitées à notre seul voisinage restreint mais étendues à la superstructure commune et mondiale. »30 Autre exemple, le film Brame (2014) de Sophie-Charlotte Gauthier et Anne Loubet, qui se jouent des  « clichés » popularisés par le film Bienvenue chez les cht’is31 pour qui connait le Nord : la ducasse, les majorettes, les géraniums aux fenêtres, la baraque à Frites et l’accent tiré. Au-delà de ces images d’Épinal, le film plonge plus précisément au cœur de la famille Brassard, des agriculteurs, le grand-père – décédé depuis, les filles, les petits-enfants partis faire leurs études ailleurs mais qui reviennent toujours aux sources. Le film questionne : « Qu’est ce qui vous tient en vie ? Qu’est ce qui vous anime ? »  Pour connaître de façon familière les protagonistes, j’avoue l’étrangeté de voir comment chacun des personnages dans son individualité est représentatif aussi de questionnements génériques sur le devenir de notre monde et de la société. Anne-Loubet, affirme « ce n’est pas ethnographique, ni sociologique, c’est une déambulation. C’est plutôt poétique. »32 Cela permet en fait à ses œuvres fortement  ancrées dans le territoire de pouvoir aussi le dépasser, en sortir pour porter une parole qui échappe à l’anecdotique afin d’envisager des problématiques universelles. Cela garantit aussi la pérennité des œuvres en dehors de leur contexte de création, leur diffusion possible ailleurs. Ces rencontres humaines, ont été sans doute plus distanciées dans le cas du film Opus Incertum de Pierre-Yves Brest qui pose sa caméra dans l’allée bleue lors de sa résidence à Tourcoing en 2013. S’intéressant particulièrement à l’architecture de Jean de Willerval, il filme les passants comme des figurants sans pour autant que le dialogue ne soit vraiment rendu possible. L’image procède par occultations : peu de femmes voilées, peu de jeunes hommes et de jeunes filles. Des enfants, des gens plus âgés dont certains évitent la caméra ou se cachent le visage. Pierre-Yves Brest met ces images actuelles en perspective avec des photogrammes en noir et blanc tirés du film Le Joli mai de Chris Marker (1962). Il mesure l’écart entre les utopies de Parisiens dans les années 60 – dans le contexte particulier de la guerre d’Algérie - et celles des gens d’aujourd’hui. « Je plaçais mon appareil au nord de l’allée et j’attendais. Je ne me cachais pas. Je portais un gilet fluo. Les gens me repéraient, me prenaient parfois pour un professionnel de la voirie et passaient leur chemin. J’étais présent tôt le matin, à l’heure où le quartier se réveille. J’y restais jusqu’à ce que le premier groupe de jeunes venus me fasse déguerpir. Il est compliqué de filmer dans les espaces de trafic, les guetteurs sont là. »33 Suite à cette expérience, Pierre-Yves Brest reconnait l’échec d’une rencontre avec les habitants, mais son travail nous dit finalement quelque chose du quartier.

10Avec Chantier humain ou Brame – projets portés par la Chambre d’eau et évoqués précédemment – les habitants occupent le statut de « figurants » voire d’ « acteurs ». Par contre, Coïncidences (2014), une conférence-performance présentée au Musée des évolutions de Bousies opère davantage sur le mode de l’appropriation. Lors des différentes étapes d’une résidence croisée, Leena Kela (finlandaise) et Jean-Léon Pallandre (français) ont rencontré des gens sur trois territoires, dans l’Avesnois, dans le massif de Belledonne et dans le village d’Ansemanseutu en Finlande où ils étaient accompagnés respectivement par La Chambre d’eau, Scènes obliques et une association d’habitants. Les rencontres programmées grâce au rôle facilitateur des structures artistiques ont permis aux artistes de répondre à la question : « Que font les gens dans ces territoires ? » Leena Kela, performeuse, a opéré une collecte des gestes tandis que Jean-Léon Pallandre, phonographe, a enregistré des sons. « En laissant de côté le discours comme mode d’échange, et participant en revanche au quotidien des habitants avec le langage des gestes, je pense que nous avons trouvé des informations beaucoup plus intéressantes sur les gens et les caractéristiques de la région. »34 Ces différents matériaux ont été retranscrits par les deux artistes dans un spectacle performatif comme autant de signes symboliques évoquant les enjeux des mutations écologiques, économiques et sociales des trois territoires traversés. Dans ces différents exemples, la fonction documentaire est délibérément évacuée par le processus de recherche artistique, qui donne une valeur poétique au quotidien des habitants. La création artistique génère son propre langage et confère au-delà des singularités un sentiment d’appartenance à une profonde humanité : ici et ailleurs.

11Poussée à l’extrême, la démarche de co-construction peut aboutir à une fusion entre le projet artistique et la contribution participative des usagers. C’est ce qui est mis en œuvre par lesarts communautaires, qu’Eve Lamoureux consigne – de façon sans doute trop limitative - comme des « pratiques de résistance artistique interpellées par la souffrance sociale ». « Les arts communautaires permettent à des gens généralement inaudibles et invisibles de mener un processus de subjectivation (qui peut devenir politique), d’apparaitre dans l’espace public et de présenter leurs revendications et leurs propositions d’alternatives culturelles, sociales, politiques, économiques. »35 Suivant le même principe de subjectivation, Pia Bartsch assure la mission de community artist au sein de la Fondation Saari, implantée en Finlande36.

12Néanmoins, ce qui se joue entre l’artiste et les habitants nécessite une vigilance constante pour ne pas confondre art et travail social. Cette mission, corollaire au travail de création, figure dans l’appel à  projet de la ville de Tourcoing, à savoir : travailler en implication avec les structures éducatives et sociales du territoire que sont le collège, l’Institut Médico-professionnel, la Médiathèque, la Ludothèque, le Pôle multimédia ou les centres sociaux. Dès lors, se déclinent des activités connexes : ateliers d’arts plastiques, médiation, fabrication d’un journal web, etc. Placé en Zone Urbaine Sensible (ZUS), par la politique de la ville entre 1996 et 2014, puis en  Zone de Redynamisation Urbaine (ZRU), le quartier de la Bourgogne figure depuis le 1er janvier 2015 sur la liste des Quartiers prioritaires. Le financement de la résidence porté notamment par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé)37 dont l’objectif essentiel est de développer des «actions de prévention de la délinquance et des discriminations » et d’ « améliorer chaque jour la vie des habitants des quartiers prioritaires », témoigne d’une certaine stratégie politique. Philémon Vanorlé, qui a bénéficié de la résidence en 2012, explique que ce temps de médiation a été réellement chronophage, même s’il lui a permis de générer des rencontres humaines d’une grande richesse et de stimuler son propre projet artistique. Pour la réalisation d’un film intitulé Papageno, il a mis à contribution l’atelier couture du centre social. Les participantes de l’atelier lui ont confectionné un costume de pigeon utilisé dans le film.  Non sans humour, il questionne sa présence dans le quartier et les enjeux inhérents à cette résidence : « Dans le cas de Papageno, ma mascotte pigeon était à la fois un hommage à la colombophilie (lecture littérale) mais posait en filigrane la question de l'artiste dans ce contexte. Artiste dans son costume ridicule, qui comme Papageno est là pour enchanter le monde dans un paysage de cité désœuvrée, dans lequel il est perdu, et duquel cet oiseau-peluche ne peut pas s'envoler. (…) C'était aussi pour moi une façon de dire que je n'étais pas forcément dupe, un geste tragi-comique, pathétique, pour dire que j'endossais vraiment mon rôle de mascotte au service d'une politique de la ville. »38 Ce risque d’instrumentalisation est interrogé par le sociologue Hugues Bazin dans plusieurs textes sur la corrélation entre « création sociale » et « travail artistique »39. Dans le projet du Musée Précaire Albinet, Thomas Hirschhorn établit un lien avec les travailleurs sociaux du quartier mais il affirme : « Je suis artiste, je ne suis pas un travailleur social. Le Musée Précaire Albinet est une œuvre d’art, ce n’est pas un projet socioculturel. Cette affirmation est que l’art peut seulement en tant qu’art obtenir une vraie importance et avoir un sens politique. L’art seulement n’exclut pas l’autre. L’œuvre d’art seulement possède la capacité universelle d’engager un dialogue d’un à un. Du spectateur à l’œuvre et de l’œuvre au spectateur.»40 Ce qui est nécessairement posé, c’est la capacité de l’artiste à s’investir dans un processus relationnel : au-delà de ses savoir-faire, c’est son savoir-être qui est engagé.

L’art comme vecteur de convivialisme et de citoyenneté

13Parmi les expériences alternatives qui se développent en marge des circuits institutionnels, des artistes, des collectifs, des associations se mettent en marche pour établir un nouveau paradigme du rapport à l’art et aux œuvres. Loin de considérer que leur rôle consiste à confronter le public à une œuvre préexistante qui sera diffusée dans un lieu ad hoc : le musée, la salle de théâtre ou de concert, les artistes investissent des « espaces autres » : un pré, une grange, une usine désaffectée, un appartement, métamorphosés le temps d’un rendez-vous. Les participants sont transportés dans un univers singulier, expérimentation transitoire et éphémère de l’hétérotopie comme de l’hétérochromie de Michel Foucault : « Dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l'institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l'on peut trouver à l'intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. »41
Sous des formes multiples aux échelles variables, ces moments artistiques privilégient souvent une jauge de petite capacité plus propice aux échanges et aux rencontres interpersonnelles. En général, les temps de diffusion, de restitution d’étapes de travail sont prolongés par des temps de discussion. Le partage d’un repas sous la forme parfois de l’auberge espagnole s’avère un parfait vecteur de convivialité. Dès lors, la gastronomie est envisagée comme élément culturel à part entière, à l’instar de la tarte au Maroilles et de la bière des Jonquilles dans l’Avesnois. Cette entrée culturelle, voire interculturelle a été mise en œuvre par La Chambre d’eau, lors des échanges avec les délégations étrangères, à l’occasion notamment des programmes européens Leader et Grundtvig.
La structure est fortement impliquée dans des projets de développement local et s’inscrit simultanément dans un contexte international à l’échelle de l’Europe et des relations établies en Amérique latine, plus spécialement au Mexique. Ainsi, lors du second séjour en Finlande lié à la résidence croisée évoquée précédemment les membres de la délégation française ont souhaité rencontrer de façon plus intime les familles finlandaises. Une soirée a donc été organisée au cours de laquelle les Français ont été reçus par groupes de deux dans plusieurs familles pour le partage d’un repas ponctué de vodka et d’une séance de sauna. La visée touristique du voyage organisé est donc décalée au profit d’une immersion réelle dans le territoire visité qui déjoue les barrières de la langue. De même, en 2014, lors de la biennale Eclectic campagne(s), les délégations étrangères venues d’Italie, d’Espagne, de Finlande, du Danemark, du Mexique ont bénéficié d’ateliers initiés par des habitants du Favril et des environs. Plusieurs bénévoles ont ainsi proposé de prendre en charge un petit groupe de quatre à cinq personnes pour les emmener à la découverte de la région : une marche en forêt, un atelier de céramique ou de cuisine, la visite de Landrecies, une promenade en calèche…  Autant d’expériences mises en partage par les différents participants à leur retour. Ces principes sontà mettre en corrélation avec la notion de convivialisme  définie comme « art de vivre ensemble (con-vivere) qui valorise la relation et la coopération, et qui permette de s’opposer sans se massacrer, en prenant soin des autres et de la Nature. »42Cet extrait est issu du Manifeste convivialiste - Déclaration d’interdépendance, signé en 2013 par une quarantaine d’auteurs internationaux, ce texte défend des initiatives alternatives à l’économie de marché et au néolibéralisme qui conduisent le monde et la société à sa perte si une prise de conscience n’affleure pas rapidement. Au sein du milieu culturel et artistique prônant l’idée que l’art va au-delà de l’expérience solipsiste, que la culture génère des relations interpersonnelles d’une grande richesse, plusieurs collectifs s’attachent à défendre une idée autre de la Culture et contribuent à organiser réflexions et débats sur ces questions pour tenter d’infléchir les politiques publiques.

14En février 2014, le collectif « On est un certain nombre », qui réunit une dizaine de directeurs de structures culturelles signale que : « L’exigence artistique se conjugue avec l’exigence relationnelle. Le faire ensemble devient la condition du vivre ensemble. »43 Parmi les signataires de ce manifeste figure Fred Sancère, membre fondateur et actuel Directeur de Derrière le Hublot, structure  installée depuis 1996 à Capdenac dans la région Midi-Pyrénées. Dans Une utopie de proximité, petites et grandes histoires d’un territoire44, la journaliste et critique Anne Gonon revient sur les expériences menées par cette association dont le projet est défini comme « une dynamique de partage, mêlant l’ambition de l’action culturelle, l’idéal de l’éducation populaire, le militantisme associatif et l’exigence artistique. »45 Au fil de l’année, Derrière le Hublot met en œuvre les principes d’une démocratisation culturelle à travers la diffusion de spectacles ainsi que des actions de médiation notamment en milieu scolaire pour que, dans la région, l’art et la culture deviennent aussi incontournables que la pétanque ou le rugby. Outre ses missions de diffusion, la structure accueille des résidences d’artistes. Pour La Trilogie gastronome, deux artistes Kristof Guez et Marc Pichelin – respectivement phonographe et photographe de la compagnie Ouïe-Dire46 ont arpenté pendant cinq ans le secteur. Estofinades (2008), Cochonnailles (2009) et Potages et potagers (2013), sont issus de leurs rencontres avec les habitants comme André le charcutier, Yvette, Gaston… Des cartes postales sonores ont ensuite été diffusées dans l’ensemble des boites aux lettres de Capdenac. Fred Sancère souligne que ce projet a permis d’ «aller dans des territoires où on n’était pas allés »47 et que dans ce cas « l’existence sociale de l’œuvre est plus importante que le résultat »48. Un autre dispositif, celui des Greeters se rapproche de l’esprit « convivialiste » énoncé précédemment. En 2013, une douzaine de personnes ont ainsi été sollicitées par Derrière le Hublot en partenariat avec l’Office de Tourisme pour accueillir bénévolement des visiteurs afin de leur faire découvrir des facettes singulières du territoire. Accompagnés pour leurs premières visites par les artistes Yannick Jaulin et Valérie Puech, ces habitants poursuivent aujourd’hui cette activité en toute autonomie. Selon Fred Sancère, ils n’apportent « pas autre chose que ce qu’ils sont ou ce qu’ils font »49. La charte internationale précise : « Les réseaux de Greeters favorisent l’enrichissement mutuel et les échanges culturels entre individus pour un monde meilleur. »50 Si au final l’impact de telles actions est difficilement  mesurable, ces expérimentations mettent en jeu la question de « l’expertise d’usage des habitants »51 que Philippe Henry juge spécifique aux démarches artistiques et culturelles partagées. Cela engendre une approche complexe basée sur les porosités entre professionnel et amateur, apprenant et sachant, théorisées notamment par Jacques Rancière52.

15Plusieurs manifestes revendiquent le développement de ces nouvelles relations entre art, territoire et populations. Ainsi, les neufs principes actualisés qui fondent l’action d’ARTFactories/Autre(s)pArt53 sont-ils finalisés en décembre 2012. Les quatre premiers principes définissent le cadre idéologique et conceptuel  des « démarches artistiques et culturelles partagées ». Premièrement,  elles sont basées notamment sur le concept des droits culturels qui permettent l’accès aux « ressources immatérielles qui fondent le développement de toute personne ou communauté ». Cependant cette reconnaissance de l’hétérogénéité culturelle implique le développement concomitant de l’interculturalité. Deuxièmement, de tels projets induisent la co-construction et l’« immersion interactive » des artistes nécessitant une constante adaptation des moyens matériels et humains. Troisièmement, les mutations sociétales engendrent la nécessité d’opérer par « hybridation » des pratiques, incluant notamment le numérique. Quatrièmement,  si l’art demeure un mode d’expression subjectif, il s’agit cependant  pour chaque « mise en œuvre poétique » de permettre à chacun d’établir « son propre rapport symbolique à lui-même, aux autres et au monde » articulant « le personnel et le collectif » tout comme « le sensible et le réflexif ». Les quatre principes suivant définissent les moyens d’action. Cinquièmement, donc, l’association souhaite être un « espace collectif de réflexions et d’échanges » en opérant un travail de repérage  en Europe des initiatives de ce type de façon plus prononcée en milieu urbain sans pour autant exclure le milieu rural. Sixièmement, les modalités d’évaluation doivent être basées sur une « vigilance réflexive et qualifiante » portée par « l’expertise plurielle des acteurs impliqués » à partir « d’outils de nature collaborative ». Septièmement, l’inscription dans le champ de l’économie sociale et solidaire ainsi que la continuité des droits sociaux sont revendiquées. Huitièmement, des modes de gouvernance spécifiques sont mis en œuvre dans une perspective de « démocratie délibérative et contributive ». Enfin, le dernier principe définit l’objectif global : « Cette conception politique et plurielle de la culture – et de pratiques artistiques qui en sont une de ses composantes avec ses enjeux et ses effets spécifiques – renvoie à l’idée qu’il nous faut constamment inventer d’autres demeures, d’autre usages, d’autres territorialités si nous voulons que chacun soit plus à même de s’épanouir là où il vit, tout en cultivant toujours davantage son hospitalité vis-à-vis de l’autre qui ne lui ressemble pas. »54

16De fait, loin du concept de « l’art pour l’art », sans pour autant s’enliser dans l’instrumentalisation, l’art joue un rôle dans l’épanouissement de l’individu et l’équilibre sociétal.  Cette conviction est sous-tendue par la définition, depuis quelques décennies, du concept des « Droits culturels », déjà énoncé ci-dessus. En 2007, le groupe de Fribourg, coordonné par Patrice Meyer-Hisrch a publié la Déclaration des droits culturels55 dont l’historique et les enjeux sont repris dans Itinéraires Du droit à la culture aux droits culturels, un enjeu de démocratie56, publié en juillet 2015 par L’Observatoire de la diversité et des droits culturels (IIEDH) et Réseau culture 21. Ce texte accentue la notion de « droit de participer à la vie culturelle » présente dans l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) et l’article 15 du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels (1966) promulgués par l’UNESCO. Cela relève aussi de la notion anglo-saxonne d’empowerment étudiée notamment par la sociologue Marie-Hélène Bacqué traduite sous le terme d’« encapacitation », qui renvoie aussi à la notion de « capabilité » défendue par Amartya Sen. L’objectif est de permettre aux individus d’exercer leurs capacités individuelles -  notamment de choix – dans un but d’émancipation.
Au-delà des dispositifs artistiques participatifs évoqués précédemment, c’est à travers notamment les modes de gouvernance que les structures artistiques mettent en pratique les concepts de « Droits culturels » et de « capabilité ». Dans les structures, le choix des artistes ou des programmes relève généralement de la direction artistique, dont l’exigence qualitative ne tolère aucune ingérence. Il en est de même dans le programme des Nouveaux commanditaires dans lequel le choix de l’artiste incombe au médiateur. Cependant à Tourcoing, la Direction des Affaires culturelles a opéré le choix de l’artiste pour la quatrième édition en concertation avec les structures locales amenées à participer à son accueil Alors que l’année précédente Pierre-Yves Brest avait été missionné directement, autrement dit « parachuté », Marion Fabien a été choisie de façon collégiale. Quant aux modes opératoires de la vie associative, des structures engagées dans les dispositifs participatifs, ils suivent souvent eux-mêmes les préceptes de l’éducation populaire. La Chambre d’eau, dont les membres du Conseil d’administration sont pour partie cooptés, pour partie élus parmi les membres actifs, définis comme «
les personnes qui participent régulièrement à l’organisation et à la vie de l’associationet qui ont manifesté leur volonté d'adhérer au plus tard lors de la première assemblée plénière annuelle », organise outre l’assemblée générale annuelle, des assemblées plénières parfois subdivisées en commissions thématiques. Derrière le Hublot fait le pari d’un conseil d’administration ouvert sans limitation maximale piloté par cinq co-présidents en fonctions de compétences distinctes mais complémentaires. Ainsi, au-delà des sollicitations de la création artistique partagée, les habitants sont-ils conviés à exercer pleinement leur citoyenneté.

17Pour conclure, les dispositifs alternatifs évoqués au cours de cet article abordent le concept de « public » et celui de « spectateur » non plus dans une acception captive et passive mais bien par la reconnaissance des capacités individuelles de chaque individu. Dès lors, tout projet artistique inscrit dans un territoire spécifique nécessite-t-il la prise en considération du contexte dans sa globalité et donc dans sa complexité. L’écueil du parachutage impromptu d’une œuvre ou d’un artiste est évité par une réelle inscription qui prend en compte les données d’ordre historique, géographique et sociale. Cela nécessite d’une part des temporalités longues, d’autre part la présence de personnes ou de structures pérennes qui assurent le tuilage des différents projets. La récurrence des rencontres permet alors de créer un habitus, tout en générant la nouveauté par la singularité des différentes  propositions artistiques. Celles-ci permettent de tenir en éveil les questionnements sur le monde par la voie poétique et symbolique. Qu’il soit issu du territoire ou de passage, l’artiste peut ainsi s’appuyer sur l’expertise des habitants dont les savoirs, savoir-faire et savoir-être sont une véritable ressource valorisable de multiples façons. Au-delà de l’œuvre elle-même, c’est sans doute davantage le processus de création qui génère des effets de transformation de la perception, du sentiment, de l’identité des uns et des autres ; des uns par rapport aux autres. Ces expériences de résidences en prise avec les territoires n’autorisent pas l’application de recettes préétablies. Au contraire, elles exigent le renouvellement constant des modalités du processus en fonction du contexte. Les modes de gouvernance doivent si possible privilégier des modes opératoires horizontaux où le collectif laisse conjointement place à chacun individuellement. Au final, les différentes expériences relatives au mode de diffusion, de commande, de participation dans le rapport établi entre les artistes et les habitants mettent en avant différents concepts qui apparaissent essentiels, au prétexte de l’art, pour une mise en partage véritable. Ces fondamentaux sont soulignés par Jean Hurstel dans son ouvrage Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe. Il affirme : « Ces projets produisent au moins cinq effets majeurs : Ils prônent la participation et non pas seulement la consommation. Ils assurent la promotion du sentiment d’appartenance à une ville au-delà des critères d’origine, de race, de religion. Ils permettent une dynamique créative, une critique effective, un autre monde. Une autre société est possible. Ils constituent des formes démocratiques de base dans lesquelles les idées, les paroles de chacun sont confrontées aux autres pour aboutir à une décision finale. Ils ouvrent un champ de formation mutuelle du processus artistique plus efficace que l’explication scolaire. »57 Cela ouvre un infini champ des possibles.

Notes   

1  http://www.biennaledelyon.com/veduta/veduta-intro.html

2  http://www.musee-mobile.fr

3  Résultats enquête impact MuMo auprès de publics bénéficiaires.

4  Marcel Duchamp, Kasimir Malevitch, Piet Mondrian, Salvador Dalí, Joseph Beuys, Le Corbusier, Andy Warhol, Fernand Léger.

5  Entretien Guillaume Désanges / Thomas Hirschhorn dans le catalogue Thomas Hirschhorn, Musée Précaire Albinet, Editions Xavier Barral/ Laboratoires d’Aubervilliers, Paris, 2004.

6  http://www.nouveauxcommanditaires.eu/ voir également Jean-Paul Fourmentraux, L’œuvre commune affaire d’art et de citoyen, Les presses du réel, 2012. Faire art comme on fait société Les Nouveaux commanditaires, Les Presses du Réel, 2013.

7 http://www.artconnexion.org/espace-public-public-realm/313-emilio-lopez-menchero--quartier-belencontre

8  www.artconnexion.org

9  http://www.emiliolopez-menchero.be

10  Un shed (XIXe siècle, anglicisme), en français académique toiture à redans partiels, est une toiture en dents de scie formée d’une succession de toits à deux versants de pente différente, le plus court étant généralement vitré, couvrant en général un atelier industriel. wikipedia.org/wiki/Shed_(architecture).

11  Voir à ce sujet : Maryline Migot, Un entretien avec Emilio López-Menchero, projet Belrencontres à Tourcoing, La Société des Nouveaux commanditaires/Les presses du réel, 2013.

12 François Hers, Protocole Nouveaux Commanditaires (1991). http://www.artconnexion.org/images/stories/Protocole.pdf

13  « Entretien avec Nicolas Roméas, directeur de Cassandre », Ent’revues, 7 mai 2015. http://www.entrevues.org/gros-plan/entretien-avec-nicolas-romeas-directeur-de-cassandre/

14 Glossaire. http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Ile-de-France/ACTION-TERRITORIALE/Education-artistique-et-culturelle

15  Quartier, les projets participatifs au cœur de la [politique de la] ville,  janvier 2012.

16 Ibid. p. 5.

17 http://www.artfactories.net

18 http://www.actesif.com

19 http://www.banlieues-europe.com

20  « Affaire Mehdi Nemmouche : à la Bourgogne, les habitants s’estiment «aussi» victimes », La Voix du Nord, 03 juin 2014. http://www.lavoixdunord.fr/region/affaire-mehdi-nemmouche-a-la-bourgogne-les-habitants-ia0b0n2181981

21  http://marionfabien.com

22  Témoignage de l’artiste recueilli par Laura et Alissia, élèves de 3e du collège Lucie Aubrac, « Comme un OVNI dans le quartier », YOLAU, le webmagazine du collège Lucie Aubrac. http://www.yolau.com/#!marion-fabien/c16sc. [consulté le 10 juillet 2015].

23  Monumenta, projet de résidence (6 mois) sur le quartier de la Bourgogne, Tourcoing, Fr. Architectures fantômes, Céramique, décembre 2014.

24  Etienne Chatiliez (1988).

25  « Monumenta 2007-2014, la démesure par six », Le Monde.fr, 10 mai 2014.

26  Virginie Devillier, Monumenta, Edition, 149 pages, couleurs, 22 x 24 cm, 4 exemplaires, textes de Camille Nicolle et Virginie De Villers, Collaboration avec Yoan Robin pour la composition graphique, 2015, p. 9.

27  Georges Perec, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, Paris, 1982.

28  Claire Moulène, Art contemporain et lien social, Editions Cercle d’art, Paris, 2006, p. 19.

29  http://www.lachambredeau.com

30  Simone Cinelli. http://www.theatredechambre.com/performances_presentation.php?chantier

31  Dany Boon (2008).

32  Propos rapportés par Giulia de Meulemeester, « « Brame », Voyage en sensations au cœur des terres fragiles de l’Avesnois », La Voix du Nord, mercredi 25 mars 2015, p. 12.

33  Pierre-Yves Brest, entretien avec Marie-Thérèse Champesme, propos recueillis entre juin et septembre 2013. Feuillet de l’exposition Opus Incertum, Galerie Nadar, Médiathèque André Malraux, Tourcoing, 15 novembre 2013 – 9 janvier 2014, n.p.

34  Leena Kela,  témoignage dans Taidepolku, Bonjour ! échos d’une coopération culturelle internationale 2012-2014, Scènes obliques, Les Adrets, 2014, p. 28.

35  Eve Lamoureux,  « Les arts communautaires : pratiques de résistance artistiques interpellées par la souffrance sociale »,  AMNIS, septembre 2010, p. 7.  http://amnis.revues.org/314

36  Voir l’article consacré à son travail dans le présent numéro de Filigrane.

37  Elle s’arrête au 31 décembre 2015, la gestion des subventions étant reprise par le CGET et les services de l’Etat déconcentrés concernés.

38  Philémon, courriel, 15 février 2014.

39  Hugues Bazin, « Entre forme artistiques et sociales, les ateliers-résidences d’artistes », Migrant Formation, n° 111, 1997, p. 14-28. Article consultable sur http://biblio.recherche-action.fr/document.php?id=461.

40 Thomas Hirschhorn, 15 mai 2004. http://archives.leslaboratoires.org/telechargements/jdl2hirschhorn.pdf

41  Michel Foucault, « Des espaces autres », conférence, 1967.

42  Collectif, Manifeste convivialiste, déclaration d’interdépendance, Le Bord de l’eau, 2013, p. 14.

43  http://onestuncertainnombre.com/ [consulté le 10 juillet 2015].

44  Anne Gonon, Derrière le Hublot, Une utopie de proximité, petites et grandes histoires d’un territoire, 2014.

45  Fred Sancère Ibid., p. 2.

46 http://ouiedire.com

47  Rencontres culturelles obliques : Artistes, acteurs culturels sous l’emprise ou dans l’invention des territoires ?, Les Adrets,  4-5 juillet 2014. http://rencontres-culturelles-obliques.blogspot.fr

48  Idem.

49  Idem.

50  http://www.globalgreeternetwork.info/

51  9 principes actualisés qui fondent l’action d’ARTFactories/Autre(s)pART, p. 2.

52  Jacques Rancière, Le maître ignorant : Cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, Fayard 1987 - 10/18 Poche,  Paris, 2004 -  Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique, Paris, 2008.

53 Issue de la fusion en 2007 des deux associations Autre(s)pARTs et ART-Factories.

54  9 principes actualisés qui fondent l’action d’ARTFactories/Autre(s)pART, p. 4.

55  http://droitsculturels.org/ressources/wp-content/uploads/sites/2/2012/07/DeclarationFribourg.pdf

56  Patrice Meyer Bisch, Johanne Bouchard, Christelle Blouet, Irène Favero, Anne Aubry (Dir.), Itinéraires Du droit à la culture aux droits culturels, un enjeu de démocratie, IIEDH et réseau Culture 21, Fribourg, Juillet 2015.

57  Jean Hurstel, Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe. Editions de l’attribut, Collection La Culture en questions, Toulouse, 2009, p. 107.

Citation   

Nathalie Poisson-Cogez, «Le processus artistique, vecteur de citoyenneté», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Edifier le Commun, I, Tiers-Espaces, mis à  jour le : 01/06/2016, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php/lodel/lodel/docannexe/image/591/docannexe/image/682/index.php?id=719.

Auteur   

Nathalie Poisson-Cogez