Logo du site de la Revue d'informatique musicale - RFIM - MSH Paris Nord

La musique électroacoustique au GRM : un art plastique ?

Gaël Tissot
juin 2013

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.549

Index   

Texte intégral   

Introduction

1« Comment demander à la musique concrète […] de se définir comme une nouvelle musique ou comme une anti-musique ? Peut-être fallait-il la baptiser du nom de musique plastique ou de plastique sonore1 ? ». Cette question surprenante, posée par le fondateur de la musique électroacoustique Pierre Schaeffer, semble établir un parallèle entre d’une part une musique où rien n’est donné à voir (les instrumentistes-mêmes ne sont pas présents sur scène), et d’autre part des arts basés sur la vue, un art plastique se référant par définition à une discipline pouvant donner une représentation des formes et des volumes. Cette notion de plasticité semble par ailleurs imprégner une grande partie de la réflexion du GRM, le Groupe de Recherches Musicales fondé par Pierre Schaeffer. Presque cinquante ans plus tard, François Bayle affirme ainsi qu’une pièce électroacoustique est non seulement une œuvre musicale, mais également « une œuvre de topologie, une œuvre de philosophie, une œuvre de plasticité, une œuvre de sculpture2 ».

2Cette question de la plasticité semble particulièrement intéressante à mettre en regard avec le travail des pionniers de l’électroacoustique, puisque l’utilisation du terme par le Groupe de Recherches Musicales se dessine au moment-même de la naissance de la musique concrète. C’est donc de cette émergence de la notion de plasticité, parmi les compositeurs de la première génération à travailler au GRM, dont il sera question (Pierre Schaeffer, Bernard Parmegiani, François Bayle, Francis Dhomont, Luc Ferrari, etc.).

3L’idée de plasticité repose sur la possibilité de percevoir et d’apprécier des formes. Si cette définition est sans ambiguïté dans le domaine visuel, elle soulève en revanche de nombreuses questions du point de vue sonore : qu’est-ce qui délimite un volume, une forme sonore ? Quelles peuvent être ses caractéristiques ? De nombreux travaux de psychoacoustique tentent d’établir certains jalons d’un point de vue purement physiologique3. Cette dimension de la perception du son, pour importante qu’elle soit, ne sera cependant pas abordée ici. Dans une perspective historique, il importe davantage de comprendre le mécanisme d’association effectué par les compositeurs entre plasticité visuelle et plasticité sonore, plutôt que son fonctionnement intrinsèque. La problématique principale ne cherche donc pas à donner une définition figée de la plasticité et des formes sonores, mais à approfondir la question suivante : que nous apprend la translation du concept de plasticité du domaine visuel au domaine sonore sur les partis pris esthétiques des compositeurs du GRM ? La lecture des écrits des différents compositeurs se révèle particulièrement riche de ce point de vue.

La composition électroacoustique comme organisation de morphologies sonores

4De manière concordante, les formes sonores sont décrites par les compositeurs comme des unités courtes, dont la durée peut être fixée entre environ une seconde et une dizaine de secondes. Ce peut être le son d’une toupie et son ralentissement suivant François Bayle4, une note de guitare suivant Francis Dhomont5. Un premier aspect implicite de la plasticité musicale au GRM est donc l’intérêt porté au travail avec des unités courtes et délimitables. Ainsi, ce que l’on désigne habituellement par le terme de « forme musicale », et qui renvoie à la structure générale d’une œuvre, ne correspond pas au sens qui lui est donné au GRM. Afin d’éviter toute confusion, il est préférable d’utiliser le terme « morphologie », par ailleurs utilisé en parallèle avec le terme « forme sonore » par les compositeurs du GRM pour désigner la même réalité.

5Le rôle du compositeur de musique électroacoustique peut alors être considéré, au moins en partie, comme la création et l’organisation de ces formes. Bernard Parmegiani note ainsi à propos de Lumière noire la mise en place d’une « organisation [qui] donne lieu à des oppositions ou des convergences de forces, […] évoluant vers des formes encore fragiles et constamment avortées6 ». Les oppositions, l’évolution, le fait d’« avorter » des formes sont bien des éléments d’organisation compositionnelle décidés par le compositeur.

6Un premier parallèle entre plasticité visuelle et plasticité sonore est donc la mise en place de moyens de segmentation d’une donnée perceptive brute : de la même manière que le monde visuel peut être segmenté en formes, le monde sonore peut être découpé en morphologies. On comprend alors mieux l’intérêt des compositeurs pour une plastique qui permet d’introduire une segmentation dans le discours musical, là où le matériau de base de la musique électroacoustique (l’enregistrement) se donne avant tout à entendre comme un flux continu. Néanmoins, le phénomène de segmentation d’un flux n’est pas le propre d’une plasticité sonore : quel éclairage nouveau apporte le terme de morphologie par rapport à des termes plus neutres tels que motif, événement ou unité ?

La morphologie, unité sonore continue

7Un élément clé de la morphologie, tel qu’il apparaît à la lecture des différents écrits, est l’idée de continuité. Une morphologie est perçue comme une unité si les changements brusques de chacun de ses paramètres sont évités. Dans le cas contraire, plusieurs entités seraient perçues. Une morphologie semble donc définie par l’évolution continue de ses différents paramètres (tels qu’intensité, hauteur ou spectre sonore) qui constituent autant de « contours ». Cette conception qui émerge de manière sous-jacente, si elle ne repose sur aucun élément directement et précisément mesurable (l’appréciation de la continuité dépend de nombreux facteurs, tels le contexte d’apparition du son ou la concentration de l’auditeur), trouve un intérêt pratique certain. En permettant un travail sur ces contours-mêmes, tels que modifications continues des profils d’intensité ou de spectre, elle introduit de nouveaux modes de compréhension musicale.

8Une des manifestations les plus évidentes de ce travail morphologique est le développement au G.R.M. d’outils agissant précisément sur ces contours, en mettant en place des transformations continues plutôt que discrètes. C’est le cas par exemple du « lecteur de formes optiques » construit par Francis Coupigny7 en 1964. Des formes étaient dessinées sur une bande de papier, avant d’être converties en modulations d’amplitude. Ces modulations continues suivaient de manière analogique les contours de la forme dessinée8. Plus récemment, les GRM-Tools, suite de divers outils de transformation du son, s’attachent avant tout à une transformation des profils des différents paramètres sonores plus qu’à une transformation radicale du son initial. Ce mode de fonctionnement est rendu encore plus perceptible par la présence d’un système d’interpolation : il est possible de demander au logiciel de passer de manière continue entre deux réglages différents. Un état initial en filtrage ne laissant passer que les aigus peut ainsi progressivement être amené à un second état ne laissant passer que les graves. Comme le note Hugues Vinet9 : « [le son initial] peut avoir ses propres éléments de forme, mais la morphologie de l’outil, de l’algorithme, va se superposer, va moduler en quelque sorte cette forme de départ10 ».

9Les valeurs discrètes, ainsi qu’une pensée basée sur des éléments individuels et finis, sont généralement évitées, de sorte que l’idée d’échelle n’a que peu de sens dans cette conception. Ainsi, même si des échelles de timbres ou d’intensités sont rendues possibles par les outils employés, et même si elles peuvent potentiellement aboutir à des réussites, elles se situent au-delà des préoccupations esthétiques des pionniers du G.R.M. Dans ce contexte, un moyen de développement musical fréquemment utilisé est la réitération d’une morphologie dont les contours changent à chaque présentation. C’est par exemple particulièrement clair dans Petite polyphonie de François Bayle, pièce dans laquelle les courtes impulsions du début sont à chaque fois modifiées et dont la variété des contours contribue à la richesse de la pièce.

10Cette conception continue de l’unité de base sonore reflète, dans les années 1950, une distance avec la composition instrumentale, pour laquelle la plupart des aspects étaient pensés en terme de discontinuités. La divergence apparaît d’autant plus grande que le sérialisme de cette époque tend à proposer une division discrète de chaque paramètre sonore, induisant par là une divergence presque philosophique entre une pensée héraclitienne du monde (substance unique et malléable de la musique concrète) et une pensée héritée de Démocrite (monde atomiste de la musique sérielle des années 1950).

Dualité forme/matière

11La notion de forme/morphologie est intimement liée à l’idée de matière. Celle-ci est intuitive du point de vue visuel : c’est la substance brute qui est sculptée ou découpée, et qui donne naissance à la forme. Cette dualité complémentaire et inséparable entre forme et matière est également très tôt adoptée dans le domaine de la musique électroacoustique, comme le remarque Pierre Schaeffer en 1948 :

Si j’extrais un élément sonore quelconque et si je le répète sans me soucier de sa forme, mais en faisant varier sa matière, j’annule pratiquement cette forme.11

12Cette constatation du compositeur met en évidence une conception du couple matière/forme beaucoup moins intuitive que celle des arts plastiques, puisqu’elle met en jeu le déroulement temporel et la répétition d’éléments. Pierre Schaeffer précise plus loin sa pensée :

Matière et forme sont faites, en musique, des mêmes éléments : fréquence, intensité, durée, mais ces éléments offrent l’aspect contradictoire d’être permanents et de varier. En ce qu’ils restent permanents, dans un court espace de temps, ils constituent une matière ; en ce qu’il évoluent, dans un espace de temps seulement dix fois plus grand, ils donnent naissance à des formes. En définitive, tout phénomène sonore, la musique comprise, peut et doit être analysé de cette façon-là.12

13Relèveraient donc de la forme les paramètres qui évoluent, alors que relèveraient de la matière les éléments constants au cours du temps. Or tout son, considéré de manière physique, possède un début et une fin, ne serait-ce que parce qu’à un certain moment l’auditeur cesse de l’écouter. L’idée de constance d’une matière sonore est donc une abstraction, jamais réalisée effectivement, de ce que serait un son fixe de durée infinie. C’est précisément cette abstraction qui offre un point de passage avec l’idée de matière au sens visuel du terme. Toute matériau brut destiné à être sculpté ou découpé possède bien une forme, que ce soit le parallélépipède de marbre ou le rectangle de la feuille de papier. Néanmoins, la matière « marbre » ou « papier » est pensée en faisant abstraction de cette forme, en pensant la matière dans un infini spatial. La matière, aussi bien visuelle que sonore, présente le double aspect d’être à la fois un élément concret (il est possible de voir, de toucher, d’entendre une matière) et une abstraction qui ouvre la porte aux jeux de ses variations internes, les formes.

14On comprend mieux le recours à la notion de matière sonore si l’on prend en compte la confrontation des compositeurs de musique électroacoustique dès l’origine à des catégories de sons qui n’évoluent pas, qui dépassent la durée de la note habituelle et qui peuvent théoriquement se poursuivre durant un temps infini à l’échelle humaine. Le son d’une cascade pensée dans son infinité temporelle est ainsi une matière, dont le compositeur peut extraire un bloc (l’enregistrement) en vue de modifier ses contours et créer des formes.

15Cette dualité matière/forme, permanence/variation, transparaît clairement dans le Traité des objets musicaux13, publié en 1966 par Pierre Schaeffer. Cet ouvrage, rédigé en grande partie sur des expérimentations et des réflexions menées au GRM, ne pouvait manquer d’influencer fortement les compositeurs travaillant au sein de l’institution. La réflexion sur ce thème s’est ainsi étendue aux compositeurs de la première génération (née dans les années 1920), mais également aux compositeurs de la génération suivante, déjà à l’œuvre dans les studios. La dualité matière/forme est donc explorée par de nombreux compositeurs, de manière plus ou moins implicite et plus ou moins commentée, et le traitement particulier de cette problématique constitue un élément important de l’esthétique de chacune de leurs œuvres. Pierre Schaeffer, François Bayle et Bernard Parmegiani expriment ainsi trois conceptions différentes de la dualité matière/forme.

16Pour Pierre Schaeffer, la morphologie d’un son semble avant tout liée à son intensité. Comme le note Michel Chion dans le Guide des objets sonores, le terme « forme » est le plus souvent employé par l’auteur comme synonyme de contour d’intensité14. Dans cette optique, la matière d’un son est constituée par son contenu spectral, donnée a priori constante, tandis que les variations d’intensité constituent la morphologie. En conséquence, dans le Traité des objets musicaux, une morphologie apparaît comme une unité délimitée par des silences, et la forme d’un son comme le parcours de son intensité du silence au silence. Ceci est clairement perceptible dans l’Étude aux objets de Pierre Schaeffer, dans laquelle la plupart des unités peuvent être séparées par des silences.

17Si l’intensité joue un rôle majeur dans la conception de la morphologie selon Pierre Schaeffer, François Bayle semble opérer une sorte de généralisation. Les morphologies peuvent émerger non seulement des profils d’intensité, mais également des contours d’autres données sonores telles que spectre ou vitesse. Les différentes unités ne sont pas nécessairement séparées par des silences pour être perceptibles. C’est le cas par exemple dans Éros bleu15, pièce basée en grande partie sur la modulation d’un son unique dont les partiels aigus sont soumis à un jeu d’apparitions/disparitions toujours changeantes, constituant autant de morphologies distinctes. C’est peut-être l’intérêt de François Bayle pour les sons longs, supports de modulations autres que celles liées directement à l’intensité, qui conduit Pierre Schaeffer à commenter ainsi le travail du compositeur : « J’entrevois ce qui vous intéresse : de “gros objets” qui n’en finissent pas, qui évoluent ; pas des objets qui meurent mais des objets qui durent ».16

18Bernard Parmegiani quant à lui semble davantage intéressé par les processus de multiplication de morphologies dans un court espace de temps, dans l’optique de brouiller l’audition qui se situe alors entre perception d’une matière granuleuse et perception d’une myriade de morphologies. Le compositeur montre alors un intérêt particulier quant à la densité des éléments constituant ces situations sonores, ainsi qu’à leur évolution temporelle globale.

Des morphologies émergeant d’un fond

19À la lecture des écrits des différents compositeurs, un corollaire de la dualité matière/forme apparaît : l’idée de fond où d’arrière-plan. Si la morphologie est une variation ponctuelle de certaines caractéristiques sonores, un événement sur la ligne temporelle, certains sons en revanche s’étendent largement dans la durée, avec peu ou pas de modifications. Décrits par des termes tels que « surface temporelle », « trame » ou « climat », il est possible de les regrouper sous le terme plus générique de fond. À la manière du fond d’un tableau en effet, ils apparaissent plus ou moins uniformes et leur disparition ne semble due qu’aux limites physiques de l’œuvre (le bord de la toile, la fin de la pièce, d’une partie). À la manière du fond pictural, ils possèdent également une importance perceptive moindre en présence d’une figure qui occupe alors le premier plan.

20L’utilisation du terme fond pour désigner ces sons trouve également sa justification dans le fait qu’une part importante de la réflexion au GRM s’articule autour des questions soulevées par la reconnaissance de formes émergeant d’un fond. En effet, que ce soit dans le domaine visuel ou sonore, toute forme, toute morphologie apparaît en définitive en surimpression d’un contexte. Même les cas perçus comme absence de fond (la toile blanche, le silence) peuvent être considérés comme des cas particuliers de fond. La problématique de la perception des formes n’admet néanmoins pas de réponse simple, notamment car elle repose sur des données individuelles (perception, connaissances de l’auditeur, etc.). Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le GRM ait marqué un intérêt particulier pour les disciplines relevant de l’étude de la perception, parmi lesquelles la phénoménologie a sans doute eu la plus grande influence.

21L’écoute réduite proposée par Pierre Schaeffer est souvent comparée à l’époché décrite par Edmund Husserl. Dans les deux cas, une distance est prise avec ce qui semble naturellement donné : la croyance naïve en un monde extérieur où se trouveraient des objets-en-soi uniques causes de la perception. Il s’agit alors d’opérer un déconditionnement, seul à même de conduire à la compréhension de sa propre perception. L’influence de la philosophie de Maurice Merleau-Ponty est peut-être encore plus forte, notamment parce qu’elle montre des liens explicites avec la Gestalt-Theorie17. Cette théorie, connue principalement par les travaux des psychologues de l’école de Berlin (Max Wertheimer, Wolfgang Köhler et Kurt Kofka), cherche à dégager certaines lois générales des formes et de leur organisation. Les questions de délimitation de formes et de distinction du fond y ont une grande importance, et rejoignent dans le domaine visuel les préoccupations sonores des compositeurs du GRM.

22L’existence de morphologies apparaissant au premier plan d’un fond traduit la perception d’éléments différenciés se déroulant dans le même temps. De même, au sein d’une même pièce, plusieurs groupes de morphologies (chacun ayant des caractéristiques de contour propres) constituent autant de strates superposées. Une conception particulière de la polyphonie semble alors se dégager, dans laquelle la continuité de timbre des différentes voix de la polyphonie instrumentale serait remplacée par une continuité morphologique. La polyphonie électroacoustique n’est plus constituée d’une superposition de phrases musicales, mais d’une combinaison de fonds et de formes différenciés.

La plasticité musicale, un mode de l’écriture électroacoustique

23Si l’idée d’une musique plastique apparaît comme le point de convergence de nombreuses recherches, il serait néanmoins faux de donner une image totalement unifiée du GRM. D’autres directions ont été prises, notamment par Luc Ferrari qui s’oriente vers une musique davantage liée à la narrativité, à travers le concept de musique anecdotique. Luc Ferrari, en tant que collaborateur de Pierre Schaeffer de 1957 à 1966, connaissait au moins de manière implicite les grandes directions d’une musique morphologique. L’Étude élastique, composée en 1958, se révèle ainsi être d’inspiration réellement schaefferienne. Néanmoins, le compositeur admet que la phénoménologie ou la Gestalt-theorie n’ont jamais été des sources d’inspiration pour lui, et après la composition de la première pièce anecdotique Hétérozygote en 1964, il prend soin de garder ses distances avec le GRM.

24Même parmi les compositeurs les plus impliqués dans une vision morphologique de la musique électroacoustique, plusieurs principes peuvent cohabiter. Sur ce point, Francis Dhomont apparaît particulièrement lucide quand il définit à propos de sa musique un style « abstrait », qui correspond au travail morphologique, et un style « figuratif » qui prend en compte des principes de narrativité18 et qui pourrait se rapprocher du travail de Luc Ferrari. Deux autres types d’écriture – dont il conviendrait de développer davantage l’étude – peuvent également être évoqués : la prédominance de séquences enregistrées mettant en valeur le geste, le jeu avec un corps sonore (la « séquence jeu » de Guy Reibel) et l’exploration des possibilités de superposition et de mixage de différentes couches sonores.

25En tenant compte de ces multiples directions, évoquer le GRM comme une école unie autour de l’idée de plasticité musicale apparaît comme un contre-sens. Les compositeurs le constituant ont su prendre en compte de manière personnelle les différentes orientations qui se présentaient à eux. De ce point de vue, la plasticité apparaît alors comme un style, une technique d’écriture musicale plus qu’une esthétique caractéristique. Le GRM à ses débuts a joué dans ce domaine un rôle majeur, dont les répercussions se sont étendues bien au-delà du groupe de recherches et trouvent un écho jusqu’à nos jours, de la pratique des arts plastiques par le compositeur Gilles Racot aux spectromorphologies de Denis Smalley.

Notes   

1  Schaeffer Pierre, À la recherche d'une musique concrète, Paris, Seuil, 1952, p. 115.

2  Interfaces homme-machine et création musicale, sous la direction de Hugues Vinet et François Delalande, Paris, Hermes Sciences Publications, 1999, p. 234.

3  Voir par exemple Bregman Albert, Auditory scene analysis: The perceptual organization of sound, Cambridge (Massachusetts), The MIT Press, 1990, 773 p.

4  « [Les toupies] ont une énergie qui se déploie dans le temps et qui leur donne une très jolie forme », Bayle François, François Bayle: parcours d'un compositeur, Lien : revue d'esthétique musicale, sous la direction de Chion Michel, Musiques et recherches, Ohain, 1994, p. 93

5  « [Dans En cuerdas, on] reconnaît le timbre de la guitare, mais ces morphologies instrumentales sont souvent traitées avec des moyens électroniques. », DHOMONT Francis, 'Abstraction et figuration dans ma musique', E-contact 11.2, revue en ligne, http://cec.sonus.ca/econtact/11_2/dhomont_abstraction.html.

6  Livret du disque La création du monde, Paris, INA-GRM, 1986, p. 4 ; référence commerciale INA C 1002.

7  D’abord technicien au GRMC, Francis Coupigny a ensuite été directeur du groupe de recherches technologiques, une des composantes du Service de la Recherche mis en place par Pierre Schaeffer.

8  Coupigny Francis, « Sous la direction de Pierre Schaeffer : repères pour un parcours inventif », in Du sonore au musical, cinquante années de recherches concrètes (1948-1998), actes du colloques de 1998, compilé par Dallet Sylvie et Veitl Anne, Paris, l'Harmattan, 2001, p. 59

9  Hugues Vinet a été ingénieur en chef au sein du GRM de 1987 à 1994.

10  Vinet Hugues, « Entretien », in Tissot Gaël, Couleur, morphologie et espace dans la musique électroacoustique de François Bayle, thèse de doctorat, université de Toulouse, 2011, p. 365.

11  Schaeffer Pierre, op. cit., p. 21.

12  Schaeffer Pierre, op. cit., p. 52.

13  Schaeffer Pierre, Traité des objets musicaux : essai interdisciplines, Paris, Seuil, 1966.

14  Chion Michel, Guide des objets sonores, Paris, Buchet-Chastel, 1983, p. 53.

15  Éros bleu fait partie d'un ensemble de pièces ajoutées postérieurement au cycle Érosphère, qui se superposent au moins partiellement aux pièces constituant celui-ci, afin de servir de transition. Les sons employés, obtenus à l'aide de l'ordinateur PDP 11.60 dans le studio de synthèse digitale du GRM, sont basés sur l'utilisation de filtres résonants. Ces derniers agissent sur un son en augmentant de manière importante l'intensité sonore de fréquences précises, correspondant à celles des filtres, comme si ces fréquences entraient en résonance.

16  Schaeffer Pierre, cité par Bayle François, in Bayle François, « Hasard et nécessité », interviewé par Gayou Évelyne, Portraits polychromes, no 6, 2003, Paris, Éditions TUM-Michel de Maule, p. 42.

17  Voir par exemple le premier chapitre de la Phénoménologie de la perception.

18  Dhomont Francis, op. cit

Citation   

Gaël Tissot, «La musique électroacoustique au GRM : un art plastique ?», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et Arts plastiques, mis à  jour le : 28/06/2013, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php/lodel/docannexe/image/516/lodel/docannexe/file/651/index.php?id=549.

Auteur   

Gaël Tissot