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L'Ethnographie

Voir pour croire

Substances hallucinogènes et dynamique de l’adhésion

Seeing to believe. Hallucinogenic substances and belief dynamics

David Dupuis

Octobre 2020

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.726

Résumés

Cet article propose une mise en perspective anthropologique des modèles de l’adhésion mobilisés par les pouvoirs publics français et les associations de lutte contre les sectes depuis le début des années 2000 face à la globalisation des pratiques rituelles mobilisant l'usage des hallucinogènes. En m’appuyant sur une enquête ethnographique conduite en Amazonie péruvienne et en Europe ainsi que sur une approche anthropologique du sujet croyant, j’explore ici la nature de l’adhésion suscitée par l’expérience hallucinogène. Loin du modèle d’inspiration behavioriste de la « manipulation mentale » mobilisé par les pouvoirs publics français, cette dernière apparaît comme hautement dynamique. Soutenue par les propriétés remarquables de l’expérience hallucinogène, l’adhésion apparaît comme tissée de doute et d’ambivalence réflexive, dépendant en dernière instance des interactions sociales dans lesquelles s'inscrit le sujet croyant ainsi que des bénéfices qu’il espère tirer des pratiques auxquelles il se livre.

In this article, I discuss the concept of belief as it has been mobilized by the French public authorities since the early 2000s, in the face of the globalization of ritual practices of shamanic inspiration mobilizing the use of hallucinogens. Based on ethnographic survey conducted in the Peruvian Amazon and in Europe and an anthropological approach to the believing subject, I explore here the nature of the belief generated by the hallucinogenic experience. Far from the model of the "mind control" mobilised by the French public authorities, the latter appears to be highly dynamic. Supported by the properties of the hallucinogenic experience, belief also appears to be woven with doubt and reflexive ambivalence, ultimately depending on the social interactions in which the believing subject is involved as well as the benefits he hopes to derive from the practices he engages in.

Texte intégral

1L’engouement croissant du public occidental pour les pratiques rituelles des peuples autochtones des Amériques a conduit dans les dernières décennies à la globalisation de ces pratiques1. Des institutions proposant des services d’inspiration « chamanique » à une clientèle internationale se sont récemment multipliées, notamment en Amazonie péruvienne2. Le succès de ces pratiques, sous-tendu par l’importance croissante de la dimension « expérientielle » au sein des formes contemporaines de religiosité occidentale3, repose notamment sur la place accordée aux substances hallucinogènes, telles que l’ayahuasca4. Je me propose dans cet article de discuter le regard porté sur ce phénomène par les pouvoirs publics français et les associations de lutte contre les sectes au début des années 2000, alors que ces pratiques rencontraient un succès inédit auprès du public occidental.

2L'émergence du « tourisme chamanique » a alors été abordée au prisme du motif des « dérives sectaires » et les substances hallucinogènes ont dans ce contexte été perçues comme des supports de « manipulation mentale » ou de « soumission chimique »5. Cette approche, inspirée par les associations de lutte contre les sectes, a été à l'origine d’importantes prises de position légales et politiques au plan national, qui ont conduit à une série de procès et à la prohibition de l’ayahuasca6. En m’appuyant sur les données ethnographiques collectées en Amazonie péruvienne et en Europe ainsi que sur une approche anthropologique du sujet croyant, j’explorerai dans cet article la dynamique de l’adhésion suscitée par l’expérience hallucinogène. Je montrerai ici que loin du modèle d’inspiration behavioriste de la « manipulation mentale » mobilisé par les pouvoirs publics, cette dernière apparaît comme hautement labile. Nous verrons ainsi que si l'adhésion est fortement soutenue par l’intensité sensorielle et émotionnelle propre à l’expérience hallucinogène, elle apparaît également comme tissée de doute et d’ambivalence réflexive. Le destin de cette adhésion dépendra alors en dernière instance des interactions sociales dans lequel s’inscrit le sujet croyant ainsi que des bénéfices qu’il tire de ces pratiques.

Globalisation de l'usage des substances hallucinogènes et émergence du « tourisme chamanique » en Amazonie péruvienne

3L’engouement pour les substances dites « hallucinogènes » ou « psychédéliques » ainsi que l’imaginaire primitiviste7 associé aux populations autochtones et à la forêt « primaire » a conduit depuis les années 1990 un nombre croissant de voyageurs occidentaux à se rendre en Amazonie péruvienne, en vue de participer à des pratiques rituelles inspirées du chamanisme indigène et métis de la région, au premier rang desquelles figure l’usage ritualisé du breuvage hallucinogène ayahuasca8. Le développement de ces pratiques a récemment été analysé par les anthropologues comme le fait de l'émergence d’un tourisme « chamanique »9, « ethnomédical »10, « mystique » ou « spirituel »11.

4Les clients de ces pratiques, hommes et femmes d’un âge fluctuant entre vingt et soixante ans, proviennent majoritairement des classes moyennes et supérieures des milieux urbains d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Amérique latine. Ils rapportent fréquemment un parcours marqué par le cumul et la répétition de différents registres de l’infortune (décès, douleurs ou pathologies chroniques, accidents, difficultés scolaires ou professionnelles, « perte de sens »), dont la résolution est présentée comme le principal motif de leur venue. La résistance de ces difficultés aux traitements proposés par la médecine et les formes de psychothérapie dominantes (psychanalyse, comportementalisme, etc.) a le plus souvent initié un parcours d’expérimentation de thérapies alternatives12 dont le séjour en Amazonie constitue une étape. Ces séjours s'inscrivent également dans une forme de religiosité caractéristique de la modernité occidentale, reposant sur l’accumulation d’« expériences spirituelles » empruntées à divers horizons culturels ainsi que sur une pratique modulable et individuelle13.

5De multiples lieux d’accueil destinés à cette clientèle ont été édifiés en bordure des métropoles de la région. Ces « centres chamaniques »14, reposent habituellement sur le partenariat entre étrangers et locaux métis ou autochtones. Ils proposent sous forme de « stages » des activités rituelles d’inspiration amazonienne, articulant des éléments issus du chamanisme indigène et métis de la région, de la psychothérapie, du développement personnel et de nouvelles formes occidentales de religiosité (« New Age »). Ces services se présentent désormais sous une forme relativement standardisée. Rassemblant quelques dizaines de personnes pour une durée de plusieurs jours ou semaines, ces stages impliquent le plus souvent des séances d’ingestion de plantes émétiques, des rituels impliquant l’usage de substances hallucinogènes végétales (ayahuasca, mais aussi parfois cactus San Pedro, Peyotl ou champignons psilocybes) et une retraite de quelques jours dans la jungle impliquant la consommation d’autres préparations végétales (dieta). Ces activités sont accompagnées de conférences introductives, de groupes de paroles et d’entretiens individuels et impliquent le respect de diverses prohibitions alimentaires (porc, condiments piquants, alcool), relationnelles et sexuelles.

Le regard des pouvoirs publics français : les substances hallucinogènes, supports de « manipulation mentale » et de « dérives sectaires »

6L’intérêt croissant du public occidental pour les substances hallucinogènes végétales telles que l’ayahuasca a suscité des réactions contrastées, en Occident comme en Amérique latine. Autour de ces substances et de la globalisation de leur usage, divers acteurs sociaux (groupes religieux, États, organismes internationaux, associations, etc.) se sont mis en branle au cours des dernières décennies pour porter diverses revendications15 : valorisation de leurs propriétés thérapeutiques, défense de leur usage dans un cadre religieux, prohibition ou dénonciation de « dérives sectaires ».

7Si le principe actif présent dans la décoction (diméthyltryptamine, dit « DMT ») est en effet classé comme stupéfiant depuis la convention sur les substances psychotropes de 1971, l'ayahuasca comme tel n’apparaît toutefois pas dans cette convention, de sorte que la législation en la matière dépend de chaque État. Ce vide juridique a récemment conduit les États à se positionner, devant la diffusion de l’usage de l’ayahuasca, sur la légalité de ces usages.

8En France, l’émergence des « centres chamaniques » et le succès rencontré par les pratiques rituelles mobilisant l'usage des substances hallucinogènes ont suscité une vive inquiétude auprès des pouvoirs publics, qui ont vu là une source potentielle de « dérives sectaires ». Ces préoccupations se sont notamment manifestées par « l’affaire Takiwasi », qui a conduit l’un des principaux centres chamaniques d’Amazonie péruvienne à faire l’objet de poursuites judiciaires et d’accusations l’assimilant à un « groupe sectaire »16. Entre 2000 et 2003, des membres d’associations françaises liées à cette institution sont l’objet d’une plainte déposée par un habitant de la région de Pau, inquiet pour l'une de ses proches, traitée par des psychothérapeutes proposant des services inspirés de ceux de Takiwasi. Cette plainte conduit à une enquête concluant que la jeune fille était en prise à un réseau recrutant des citoyens français afin de les envoyer en Amazonie péruvienne en vue de consommer de l’ayahuasca. Une enquête judiciaire est ouverte en 2002 pour « abus frauduleux de l’état de faiblesse » et violation de la loi sur les stupéfiants. Il s'agit alors de l'une des premières applications d'une loi adoptée en 2001 visant à répondre aux inquiétudes des associations de lutte contre les sectes en renforçant la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère « sectaire ». La loi ambitionne en ce sens de condamner les procédés de « manipulation mentale », constitutifs des « dérives sectaires » dans l’esprit du législateur, au titre « d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse »17.

9Entre 2002 et 2004, les faits sont relayés par des articles de presse jugés diffamatoires par les accusés, associant Takiwasi aux termes de « secte », de « manipulation mentale », de « suicides potentiels », d’« abus » ou de « fraude ». En janvier 2004, Jacques Mabit – le médecin français fondateur de Takiwasi – ainsi que les psychothérapeutes concernés sont mis en examen dans le cadre d’une procédure judiciaire maintenant le chef d’accusation d’abus frauduleux de l’état de faiblesse. L’accusation, qui conduit finalement à un non-lieu18, est ensuite requalifiée en « acquisition, détention, transport, offre, cession de produits stupéfiants, escroquerie, et abus d’un état de sujétion commis par les dirigeants d’un groupement ». Cette accusation a toutefois conduit à une nouvelle impasse, dans la mesure où l’ayahuasca n’était alors pas classé au tableau des stupéfiants19.

10Si le processus judiciaire n’a donc pas conduit à la condamnation des prévenus, la mobilisation des médias aura de graves conséquences pour l’image publique de l’institution, et plus largement, des pratiques rituelles mobilisant l'usage de substances hallucinogènes. Dans les années qui suivent, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes20) présente en effet Takiwasi dans plusieurs de ses rapports (200521 et 200922) comme un « produit dérivé du néochamanisme et (de) son exploitation en France et en Europe »23, dénonçant les modes de recrutement de la clientèle ainsi que l’usage de « drogues puissantes » impliquant des « risques de manipulation »24. Les procès des années 2000 conduiront finalement en 2005 à la décision d'inscrire au tableau des stupéfiants français l’ensemble des plantes et substances susceptibles de participer à la composition de l’ayahuasca25. Cet arrêté, qui dote le juge d’outils à même de sanctionner les groupes qui feraient usage de l’ayahuasca, souligne les risques de déstabilisation psychologique entraînés par sa consommation ainsi que sa possible utilisation comme outil de « soumission chimique », notamment par des groupes « sectaires ». Les associations « Liberté du Santo Daime » et une association liée à Takiwasi forment alors une demande d’annulation de l’arrêté pour excès de pouvoir, en contestant le caractère toxique et addictif de l’ayahuasca ainsi que les dangers sanitaires et sociaux attribués à sa consommation et en appelant au respect du principe de liberté de conscience. Ce recours sera toutefois rejeté en 2007 « au regard des préoccupations de santé publique ».

Les substances hallucinogènes, vecteurs de l'adhésion ?

11Si l’approche des pouvoirs publics portant sur les « dérives sectaires » et la « manipulation mentale » a fait l’objet de travaux critiques de la part des chercheurs en sciences sociales26, les observations sur l’efficace des substances hallucinogènes dans la dynamique de l’adhésion ne sont pas sans faire écho à l’observation ethnographique.

12L’enquête comparative que j'ai conduit depuis une dizaine d'années au sein de divers centres chamaniques d’Amazonie péruvienne suggère en effet que les éléments culturels (tels que les savoirs cosmologiques et étiologiques) ainsi que les traits des dispositifs rituels propres à ces institutions influent fortement sur les caractéristiques formelles des hallucinations perçues par les participants au cours des rites hallucinogènes27. L’expérience hallucinatoire est alors souvent vécue par les participants comme la vérification concrète et tangible des savoirs cosmologiques, étiologiques ou thérapeutiques locaux, qui s’incarne notamment dans la rencontre d’entités surnaturelles culturellement postulées, survenant de manière privilégiée par le biais de « visions ». Si ces hallucinations visuelles sont initialement perçues par les participants comme le signe de la présence d’agents à l’identité indéterminée, cette dernière tend progressivement vers une correspondance aux entités surnaturelles postulées par les savoirs locaux : démons, esprits de la nature, entités du panthéon chrétien, ancêtres, etc.

13Ces éléments soulignent le fait que les caractéristiques phénoménologiques des hallucinations sont fortement influencées par le contexte social de leur émergence. Bien que cette thèse ait gagné les faveurs des anthropologues, les vecteurs par lesquels les savoirs culturels et les interactions sociales façonnent l'expérience hallucinogène sont toutefois restés jusqu’ici peu explorés. Je me suis récemment attaché à éclairer la nature de cette opération, que j’ai proposé de désigner sous le terme de « socialisation des hallucinations »28. J’ai ainsi montré que l'expérience rituelle hallucinogène consacre la surimposition des attentes et des savoirs acquis sur l’environnement perceptif, conduisant de ce fait à l’émergence de perceptions dont le contenu même est informé par le contexte de leur émergence. Le rituel psychotrope constitue en ce sens un patron qui préside ensuite à la stabilisation des inférences qui président à la catégorisation et l’interprétation de l’expérience quotidienne. L’expérience hallucinogène, en autorisant la vérification concrète et tangible de certaines propositions culturelles (théories cosmologiques, étiologiques, etc.) et en affectant durablement les procédures qui gouvernent l’appréhension de l’expérience, apparait ainsi comme un support privilégié de transmission culturelle et un puissant vecteur d’affiliation au groupe social. Les substances hallucinogènes jouent donc bien, en ce sens, un rôle moteur dans la transmission des savoirs culturels et dans la dynamique de l’adhésion et de la conversion. C’est semble-t-il le rôle central des substances hallucinogènes dans cette dynamique qui a conduit les défenseurs de ces pratiques à en vanter les vertus « thérapeutiques » et « transformatrices », et ses détracteurs à dénoncer des vecteurs de « manipulation mentale ».

14Le cas particulier des substances hallucinogènes souligne par ailleurs le poids de l’expérience sensible et corporelle dans l’économie de l'adhésion. C’est en effet parce qu’elle est auréolée de l’évidence des sens que l’expérience hallucinogène est susceptible de soutenir avec force l’adhésion aux savoirs culturels qui l’entourent. Les composantes de l’expérience perceptive, en ce qu’elles présentent pour ceux qui les expérimentent un caractère d’évidence difficile à remettre en question29, constituent des vecteurs privilégiés d’adhésion.

15La place centrale accordée à l’expérience sensible dans la dynamique de la conversion, qui apparaît avec force dans le cas des rites hallucinogènes, a par ailleurs été relevée par les travaux ethnographiques dans diverses aires culturelles30. Bien qu’elle ne soit donc pas restreinte aux mouvements religieux propres à la modernité occidentale, elle en constitue toutefois l'un des traits caractéristiques31, particulièrement saillant dans les pratiques d’inspiration New Age32. Ces dernières entourent en effet le plus souvent les pratiques rituelles de séquences discursives explicitant les savoirs cosmologiques, étiologiques et thérapeutiques associés à ces pratiques, tout en soulignant paradoxalement l’importance de l’expérience sensible de l’individu, qui tient ici lieu de critère normatif33. L’adhésion aux savoirs exposés au cours des séquences discursives est alors soutenue par l’expérience corporelle, chargée d’intensité sensorielle et émotionnelle, suscitée par la participation aux pratiques proposées. Cette économie singulière de l’adhésion, que j’ai proposé de désigner sous le terme de « vérification expérientielle »34 caractérise une modernité religieuse occidentale marquée par l’importance croissante de l'expérience individuelle et le rejet d’une adhésion strictement propositionnelle35 qui soutenait jusque-là les « identités religieuses héritées »36.

16Si dans ce contexte de reconfiguration des formes de religiosité occidentales, les substances hallucinogènes apparaissent donc bien comme de puissants vecteurs d'adhésion, cette dernière semble toutefois loin des motifs de la « manipulation mentale » ou de la « soumission chimique » mobilisés par les pouvoirs publics français et les associations de lutte contre les sectes. Ces modèles puisent en effet dans un imaginaire automatiste inspiré des théories behavioristes de l’apprentissage37 et livrent une conception de la conversion religieuse inspirée du réflexe conditionné38, qui a été popularisée dans les dernières décennies sous le motif du « lavage de cerveau ».

17Au cours de l’enquête comparative conduite en Amazonie péruvienne, l’adhésion des participants aux savoirs liés aux pratiques rituelles hallucinogènes m’est au contraire apparue comme singulièrement labile, tissée de réflexivité et d’ambivalence. La compréhension de la dynamique de l’adhésion à l’aune du modèle d'inspiration béhavioriste de la « manipulation mentale » apparaît donc comme loin de l'expérience des participants. D'abord parce que cette approche, en refusant au sujet une agentivité propre, néglige le dynamisme actif constitutif de toute transmission culturelle. Les sciences sociales - et notamment les travaux du mouvement culturaliste américain39 - ont pourtant montré que l'individu se socialise toujours sur une base sélective ; réagissant en fonction de divers facteurs idiosyncrasiques, il participe de ce fait à la dynamique de l’évolution culturelle.

18Dans le contexte des rites hallucinogènes proposés par les centres chamaniques, la perception des visions stéréotypées relatives aux savoirs culturels locaux, bien que largement partagée, est ainsi loin d’être automatique. L’expérience psychotrope ne saurait en ce sens être considérée comme un conditionnement réduisant le participant à subir passivement une série de déterminismes40. L’adhésion suscitée par l’expérience hallucinogène apparaît plutôt comme le fait d’un apprentissage progressif, réalisé de manière plus ou moins rapide et complète selon les participants, et qui ne sera d’ailleurs jamais accompli par nombre d’entre eux. J’explorerai plus avant dans la suite de cet article les singularités de la dynamique de l’adhésion propre aux rites hallucinogènes, en m'appuyant sur le parcours des clients de Takiwasi, l’un des principaux centres chamaniques d’Amazonie péruvienne.

Takiwasi, un centre chamanique d’Amazonie péruvienne

19Takiwasi est l’un des centres chamaniques d’Amazonie péruvienne qui rencontre le plus de succès auprès de la clientèle internationale41. Fondée en 1992 – sous l’égide du médecin français Jacques Mabit en collaboration avec trois Péruviens et un Espagnol –, cette communauté thérapeutique est à la fois une clinique de traitement des addictions et l’un des principaux lieux d’accueil pour les voyageurs occidentaux qui se rendent dans la région afin d’y « rencontrer l’ayahuasca ». Les locaux sont situés à la périphérie de la ville de Tarapoto, chef-lieu de la région de San Martín, sur un terrain de deux hectares, bordé par une clôture végétale et la rivière Shilcayo. Outre un bâtiment central – comprenant des locaux administratifs et de réception, un auditorium et une bibliothèque –, on y trouve les logements des patients toxicomanes résidents, une cuisine, deux malocas42 où se déroulent les rituels, divers ateliers (menuiserie, boulangerie), une chapelle, un laboratoire de production de produits phytothérapeutiques, une boutique et un jardin botanique dans lequel sont cultivées les principales plantes médicinales utilisées à Takiwasi. L’association est par ailleurs propriétaire d’une parcelle de 54 hectares de forêt située à quelques kilomètres de là, au sein de la réserve naturelle de la Cordillera escalera, où se trouvent une quinzaine de cabanes d’isolement (tambos) utilisées lors de retraites (diètes), ainsi qu’une maloca à l’intérieur de laquelle sont réalisés des rituels d’ayahuasca.

20Depuis sa création, l’institution a développé un dispositif à visée thérapeutique caractérisé par la réappropriation d’éléments de la pharmacopée indigène, tels que les plantes émétiques ou l’ayahuasca43. Une équipe de médecins, de psychologues et de spécialistes rituels (dont Jacques Mabit et d’autres curanderos locaux formés à Takiwasi ou recrutés ponctuellement par l’institution) propose un accompagnement psychologique, un suivi médical, ainsi que des pratiques ritualisées d’inspiration amazonienne, articulant des éléments pragmatiques et discursifs issus du chamanisme indigène et métis de la région, du catholicisme et de nouvelles formes de religiosité occidentales (« New Age »). Ces services sont offerts selon trois modalités : un traitement des addictions – qui implique un internement de neuf mois –, un traitement ambulatoire et des stages à destination de la clientèle étrangère appelés « séminaires d’évolution personnelle ». Rassemblant une quinzaine de personnes pour une durée de deux semaines, les séminaires consistent en des sessions d’ingestion de plantes émétiques, des rituels d’ayahuasca et une retraite de quelques jours dans la jungle impliquant la consommation d’autres préparations végétales (diète). Ces activités, accompagnées de conférences introductives, de groupes de paroles et d’entretiens individuels, impliquent le respect de diverses prohibitions alimentaires (porc, condiments piquants, alcool), relationnelles et sexuelles.

21L’institution se caractérise par un corps de représentations cosmologiques et étiologiques originales qui se distinguent tant de celles propres au curanderismo péruvien que de celles du tourisme chamanique. L’élément central de cette théorie est le concept d’« infestation ». Emprunté à la théologie catholique, ce concept désigne habituellement un mode d’influence démoniaque plus mineur et plus courant que la possession, caractérisé par la présence d’une entité démoniaque malmenant le sujet en affectant sa santé, sa foi ou ses pensées44. À Takiwasi, l’infestation est pensée comme une relation de type parasitaire entretenue avec un ou plusieurs êtres surnaturels malveillants de nature démoniaque. Cette affection, décrite comme une sorte de contamination à l’origine de troubles physiques et de perturbations psychologiques, serait la conséquence de la transgression de tabous (consommation de drogue, sexualité, pratiques magiques, spiritisme, etc.), de contacts avec des lieux ou des personnes pollués, ou encore du fait d’une transmission par le biais de la filiation. Ce mal est ici vu comme nécessitant un traitement spécifique, consistant en la purification du sujet par le biais de l’absorption de préparations émétiques, de l’ayahuasca ainsi que de pratiques proposées par l’Église catholique, telles que l’exorcisme.

22La contamination par ces agents habituellement invisibles se manifeste de manière concrète et tangible au cours des rituels d’ayahuasca, qui sont fréquemment le théâtre d’expériences décrites par les impétrants comme le fait d’une « possession ». J’ai analysé ailleurs45 l’apprentissage social qui sous-tend l’émergence de ces expériences culturellement prescrites. Au cours des « séminaires », l’expérience hallucinogène est ainsi progressivement déterminée par le jeu réverbérant des récits d’expériences des participants et des commentaires des spécialistes rituels, qui l’inscrit progressivement dans le jeu de langage propre aux pratiques proposées. L’implication dans les interactions rituelles et discursives implique ainsi une éducation de l’attention et un apprentissage associatif qui transforme progressivement les inférences gouvernant l’appréhension de l’expérience. Les participants apprennent de ce fait à repérer les signes de la présence et de l’identité d’entités culturellement postulées d’abord dans le contexte rituel, puis dans leur vie quotidienne.

Doutes et réflexivité : les dynamiques de l’adhésion

23Cette dynamique, le plus souvent initiée par un « diagnostic d’infestation » formulé par les spécialistes rituels aux participants, est toutefois loin de susciter une adhésion automatique. Adrien, un jeune français venu participer à un séminaire proposé par Takiwasi afin de « découvrir la médecine traditionnelle amazonienne », se montre ainsi très critique du diagnostic d’infestation qui lui a été proposé par Jacques Mabit, l’autorité rituelle de l’institution, qu’il attribue d’abord à une « paranoïa » des officiants ainsi qu’à des intentions mercantiles :

Plus tu crois aux démons, plus tu les attires, plus t’es dans la protection, plus t’attires le mal. (…) Enfin, c’est que des suppositions, moi j’en sais rien, une sorte de parano par rapport aux attaques (…) J’en ai vu moi des gens, qui sont spécialistes, les démons ils adorent ça, ils se sentent toujours possédés, bah du coup forcément ils sont possédés ! (…) C’est bien aussi de dire « t’es possédé, t’es possédé », ça veut dire qu’il y a du travail à faire, des devises qui rentrent !46

24Malgré ces critiques, le jeune homme évoque toutefois au cours de notre entrevue la possibilité d’être l’objet d’une « infestation », dont il ne semble par ailleurs pas contester l’existence. Cette adhésion partielle au diagnostic proposé par les spécialistes rituels s’appuie sur l’expérience du précédent rituel d’ayahuasca :

Je veux bien croire qu’il y ait des trucs (…), vu qu’il y a des esprits qui sont sortis des champignons, des visages que j’avais vus en prenant des champignons qui sont sortis à la dernière session d’ayahuasca.

25La prise de conscience du caractère contaminant de l’usage de psychotropes, qui avait été plus tôt suggéré par les spécialistes rituels au cours des conférences et des groupes de parole, semble d’ailleurs avoir initié chez lui une enquête sur l’origine de ces entités parasites :

J’ai fait pas mal de rituels, j’ai travaillé au niveau spirituel sur des choses que je ne maîtrise pas. Par exemple j’ai eu des cours avec quelqu’un que je ne connaissais pas bien, des cours avancés de guérison au niveau spirituel. Il a fait des rituels que moi je ne pratiquais pas, mais que j’ai enseignés, et que j’ai pratiqués du coup. Et là, j’ai peut-être chopé des trucs. Peut-être aux Philippines avec les guérisseurs, je ne sais pas.

26Adrien semble ainsi occuper une position ambivalente, oscillant entre doute et adhésion. S’il semble au premier abord très critique, on voit qu’il ne rejette cependant pas l’existence d’entités démoniaques ou d’actes de sorcellerie. Il semble ainsi osciller de manière indécidable au sujet du diagnostic qui lui a été proposé, ce que révèle la plaisanterie qu’il livre au début de notre entrevue : « Oui je veux bien discuter un peu. Enfin sachant que je suis possédé… Donc ce que je dis c’est une projection de mes démons (rires) ! »

27Cet état n’est pas sans rappeler le mode négatif de fixation de la croyance formulé par Carlo Severi47, qui propose de considérer l’état mental de la croyance davantage comme « un dubitatif ne pas savoir si ... que par un savoir que. » Si certains participants, à l’image d’Adrien, affirment « ne pas croire » au diagnostic proposé au sens d’une adhésion pleine et entière, ils font toutefois le plus souvent preuve d’une indétermination oscillante entre doute et adhésion. On comprend du récit d’Adrien que cette réticence à ne pas croire s’appuie sur la « constellation incomplète d’indices »48 tissée par l’expérience rituelle hallucinogène, dont certains aspects sont, comme nous l’avons vu, fort susceptibles d’être interprétés comme la vérification tangible du diagnostic proposé.

28Cette adhésion ambiguë caractérise notamment les participants se présentant comme circonspects ou opposés à la possibilité de l’existence d’entités surnaturelles. La position qu’ils affichent évoque le motif du « Je sais bien… mais quand même »49 dont Jeanne Favret-Saada50 a montré la pertinence dans l’intelligibilité des diagnostics d’ensorcellement. Certains aspects de l’expérience rituelle hallucinogène semblent ici à même de semer le doute, de faire achopper les certitudes du sujet, le contraignant par-là à envisager la possibilité de la pertinence du diagnostic des officiants, quand bien même celui-ci serait fondé sur des propositions auxquelles le participant affirme « ne pas croire ».

29Notons que l’objet de cette singulière adhésion est désigné par Adrien de manière floue (« des trucs »). Cette évocation approximative rappelle le caractère mystérieux des propositions des spécialistes rituels qui mobilisent des signifiants (tels qu’ « énergie », « corps énergétique », « démon », « entité parasite », « sorcier ») dont le contenu ne semble jamais entièrement saisi par les participants. L’adhésion aux propositions des spécialistes rituels rappelle en ce sens les « croyances réflexives »51. À la différence des croyances « factuelles », plus intuitives car attachées à des ancrages perceptifs qui tendent à les rendre indubitables, le contenu des croyances réflexives n’est pas entièrement saisi par ceux qui les entretiennent : dans la mesure où elles sont transmises par des autorités, elles sont toutefois supposées vraies et conservées au moyen de « guillemets ».

30Du fait même de ce caractère mystérieux, le diagnostic proposé par les spécialistes rituels suscite le plus souvent un processus évocatif chez le participant, qui cherche à en éclairer le sens. Face aux déclarations partiellement énigmatiques des spécialistes rituels, le participant explore ainsi diverses interprétations possibles afin de déterminer celle qui sera la plus pertinente pour lui. Ce champ d’interprétation est relativement libre : si le parcours est certes balisé par les propositions des spécialistes rituels et les contraintes normatives évoquées plus haut, il reste toutefois propre à chaque individu.

31Le caractère vague et insaisissable des signifiants transmis par les spécialistes les drape d’une indétermination qui leur permet ainsi de recouvrir des interprétations variées et flexibles, parfois même contradictoires. J’ai par exemple pu observer au cours de l’enquête une grande variété des représentations portant sur les « démons » parmi les participants. Certains y voient une métaphore désignant des complexes affectifs ou comportementaux, alors que d’autres font preuve d’une adhésion plus entière aux propositions des spécialistes rituels portant sur l’existence d’entités invisibles. Comme l’illustre le témoignage de ce patient toxicomane péruvien en fin de traitement, d’autres encore envisagent cette possibilité tout en considérant qu’il peut s’agir aussi, et en même temps, du produit de mécanismes projectifs :

Les autres (patients) parlent de démons mais je ne crois pas que ça m’ait beaucoup influencé, ils ne m’en parlaient pas vraiment à moi. J’ai dû voir des démons huit ou neuf fois en sessions d’ayahuasca. Ça a commencé vers le deuxième ou troisième mois de traitement. Le plus souvent, ils m’observaient, se cachaient et tentaient de m’intimider ou de me séduire. (…) Je suis un peu dubitatif devant les récits de visions de certains compagnons. Certains m’ont l’air de se raconter des histoires ou de projeter leurs trucs qu’ils prennent trop au sérieux. Jeremy a un problème digestif et, pour lui, c’est une entité. Je ne le crois pas, c’est probablement une bactérie ou un parasite. Jeremy voit beaucoup d’entités et de démons, moi je suis plus prudent sur ces questions. Je sais que la possession est possible, ça existe. Mais honnêtement, je n’ai pas l’expérience ou la connaissance pour discerner, savoir ce qui en est ou pas.

32C’est ainsi que la majorité des participants balance de manière irrésolue entre la possibilité qu’il existe des entités démoniaques invisibles et celle que le « démon » soit une métaphore permettant de mieux se connaître ou de personnifier leur souffrance et leur infortune52. Les signifiants composant le système d’interprétation des spécialistes rituels constituent ainsi des termes plastiques aisément appropriables et auxquels peuvent être aisément attribués une signification idiosyncrasique et mobile. Ces signifiants ont de ce fait l’avantage de permettre de socialiser l’expérience sans nécessiter un strict consensus des acteurs sur le sens de celle-ci. Comme en témoigne ce participant, leurs propriétés permettront éventuellement au sujet de se maintenir dans cet état d’indécidabilité sans ressentir la nécessité de trancher définitivement sur la nature de son expérience :

Enfin je ne sais pas, je ne peux pas être sûr, vraiment savoir si ce sont des entités ou des projections psychologiques. On ne sait jamais. Des fois, en session d’ayahuasca, je vois un aigle et j’ai l’impression que c’est la protection spirituelle de ma grand-mère, mais en fait j’en sais rien. Mais quand même, quand je vois les démons c’est très clair, ce ne sont pas de vagues ombres ou mon imagination, je les vois nettement.

33La généralisation progressive de l’usage des catégories propres à la théorie étiologico-thérapeutique locale est donc loin de révéler l’adoption d’une signification univoque et entière de ces savoirs. L’appropriation du système interprétatif n’est, comme on le voit, pas exempte de doutes, de critiques, ou du maintien d’interprétations concurrentes, voire contradictoires. Les participants, même lorsqu’ils critiquent le diagnostic proposé, semblent toutefois incapables d’exclure la potentialité de sa pertinence. La position d’Adrien illustre ainsi celle de la plupart des participants qui, loin de faire preuve d’une adhésion pleine et définitive aux propositions des spécialistes rituels, semble davantage contraint par leur participation au dispositif à envisager, au moins à titre temporaire, la possibilité de la pertinence de ces propositions.

Croire, parier, s’engager

34Les participants sont donc loin de faire preuve d’une adhésion unanime et égale aux propositions étiologiques, thérapeutiques et cosmologiques qui entourent les rites hallucinogènes. Leurs témoignages semblent bien davantage évoquer l’« attitude de croyance » telle qu’elle a été décrite par Roberte Hamayon, laquelle « s’accommode de l’expression du doute (…) (et de) l’absence de certitude »53. Dans la lignée de ces travaux, Nathalie Luca a souligné l’instabilité du « croire » en le définissant comme « l’oscillation entre « être » et ne « pas être » (…) la marge entre les deux »54, qui caractérise ici la position de nombreux participants face aux propositions des spécialistes rituels. On l’a vu, la participation au dispositif proposé suscite en effet l’adhésion, mais sous une forme oscillante et incertaine. Le dispositif proposé apparaît en ce sens comme invitant à la « mise en acte d’une attitude de croyance »55, laquelle joue un rôle central dans l’implication ultérieure du participant. Le doute et l’ambivalence constituent en effet paradoxalement un puissant moteur d’engagement. L’incertitude qui caractérise la position de la plupart des participants jouent en effet ici un rôle « dynamique » ayant pour conséquence de « pousser à l'acte, à la mise à l'épreuve, (les) objets de croyance disponibles » et par-là de « susciter l’engagement dans l’acte rituel »56.

35La participation au rituel induit en ce sens une position d’indécidabilité portant sur les propositions des spécialistes rituels, qui n’est pas sans évoquer les situations de dissonance cognitive décrites par la psychologie sociale57. Dans ces situations, le sujet fait l’expérience simultanée d’éléments de connaissance ne s’accordant pas, expérience qui entraîne une tension en raison de leur caractère inconciliable. Cette position conduit alors le sujet à tenter de faire s’accorder ces éléments de connaissance en vue de maintenir une cohérence et de réduire la tension psychologique induite par l’indécidabilité.

36Comme l’illustre la réaction d’Adrien au terme de notre entrevue, cette stratégie se concrétise le plus souvent par une recherche de vérification de la proposition suscitant l’indécidabilité, ici l’infestation par des entités parasites :

je l’aurais vu, je l’aurais cru, je vais peut-être le voir, j’en sais rien (…), j’espère que je vais voir, lui il a vu, moi j’ai pas vu ! (…) J’attends de voir, c’est le cas de le dire !

37Le jeune homme, lorsqu’il déclare « ne pas croire », n’exclut ainsi pas la possibilité de la véracité du diagnostic, mais affirme refuser d’y adhérer sans opérer à son égard une vérification qui passe par un « voir », la dimension expérientielle déterminant ici le critère décisif de validation de cette vérification. Or, cette recherche de vérification est présentée par les spécialistes rituels comme susceptible d’être réalisée par la participation au dispositif, décrite comme à même d’apporter des preuves de leurs propositions. Les spécialistes rituels invitent ainsi fréquemment les participants à « vérifier par eux-mêmes dans l’ayahuasca » les savoirs qu’ils exposent au cours des interactions discursives. Cette invitation apparaitra comme d’autant plus attractive que la possibilité d’une vérification expérientielle du diagnostic s’incarne dans la figure du spécialiste rituel, qui présente ici l’origine de son savoir comme strictement empirique.

38Comme l’a souligné Roberte Hamayon, la « mise en acte de l’attitude de croyance » implique également des motifs plus pragmatiques qui inviteront les participants à s’engager dans la suite du dispositif en les conduisant à « parier sur son efficacité rituelle »58. Comme l’illustre ce témoignage d’un participant, la persistance d’un mal ayant résisté aux propositions thérapeutiques antérieures invite ainsi de nombreux participants à adopter ce système étiologique à titre temporaire afin d’éprouver son efficacité, intéressés surtout par les éventuels bénéfices de la cure :

Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, de ces histoires de démons, de transgénérationnel (…). Donc j’en sais rien, mais bon de toute façon, je ne peux pas rester comme ça, donc, bon, je joue le jeu et on verra bien le résultat. De toute façon j’ai rien à perdre à essayer !

39Ces calculs d’intérêt semblent bien souvent primer sur la question de la véracité des propositions des spécialistes rituels et conduire la plupart des participants à suivre leurs invitations et recommandations, quand bien même ils restent ambivalents quant à leurs prémisses initiales. Malgré ses doutes, Adrien se résout en effet à participer à la suite du dispositif afin de bénéficier des propositions thérapeutiques fondées sur le diagnostic d’infestation :

Apparemment, le curé, il a vu aussi que j’étais parasité. Pour ça qu’ils me proposent après la messe, un truc de libération. Bon, on va faire ça … (…) je fais le truc jusqu’au bout.

40C’est ainsi qu’au cours de l’enquête, j’ai vu de nombreux participants se rendre aux messes proposées au cours du séminaire, alors même qu’ils se déclaraient athées ou se montraient très critiques des propositions des spécialistes rituels portant sur les « démons ». Ce comportement, qui illustre de manière frappante le caractère paradoxal de l’attitude du « croire », semble reposer sur un calcul d’intérêt qui n’est pas sans évoquer une forme de « pari pascalien » :

Hier, je suis allé à la messe avant la session d’ayahuasca. Je ne suis pas vraiment croyant, en tout cas pas chrétien, et en plus à l’origine ma famille est luthérienne ! Mais je ne sais pas, c’était sympa d’être avec tout le monde. Et je crois aussi que je me suis dit que si toutes ces histoires sont vraies, c’est toujours mieux d’être du bon côté. Et puis de toute façon, ça ne va pas me tuer d’aller à la messe !

Conclusion : les destins variables de l’adhésion

41Au cours du dernier entretien qu’il m'accorde au terme du séminaire, Adrien présente les deux semaines passées en Amazonie comme une enquête initiée par le caractère partiel et mystérieux du diagnostic d’infestation proposé par les spécialistes rituels. L’origine de l’infestation est finalement imputée à l’usage « sauvage » de substances psychotropes et à des pratiques « magiques » impliquant l’ouverture de « tunnels » que le participant n’avait jamais pris soin de refermer. On reconnaît là les grands traits de la théorie étiologique locale : ouverture du « corps énergétique » ou encore modèle du parasitisme et de la contamination, qui sont ici imputés à la réalisation d’infractions socio-morales. S’il présente ces éléments comme des hypothèses, le jeune homme affiche toutefois sa détermination à ne pas reproduire les actions qui sont à ses yeux susceptibles d’avoir causé l’infestation. C’est ainsi qu’au cours de notre conversation, il évite de reproduire devant moi le geste qu’il considère comme potentiel vecteur de contamination, qui consiste à tracer de ses doigts un pentacle supposé « ouvrir des tunnels énergétiques ». Au terme du séminaire, le jeune homme se présente donc comme ayant finalement compris et vérifié le diagnostic proposé par Jacques Mabit. La méfiance envers ce dernier au cours de notre premier échange laisse finalement place à la reconnaissance.

42Le parcours d’Adrien témoigne ainsi de la dynamique de la transmission de la théorie étiologique mobilisée au cours du séminaire. La vérification du diagnostic d’infestation conduit ensuite fréquemment les participants, à l’invitation des spécialistes rituels, à tisser des relations durables avec des entités surnaturelles protectrices, au premier rang desquelles les entités du panthéon catholique, qui seront convoquées par le biais de la prière. Certains d'entre eux décrivent en ce sens leur participation au séminaire comme l’occasion d’un éveil de la foi et d’une redécouverte des vertus de la pratique religieuse, qui s’inscrit le plus souvent dans le cadre du christianisme. Ces cas de conversion religieuse reposant sur l’expérience hallucinogène ne doivent toutefois pas masquer d'importantes variations interindividuelles. Les témoignages des participants soulignent en effet une grande diversité dans l’importance accordée aux divers éléments composant le dispositif proposé, qui est loin de se réduire au seul motif de l’infestation. Certains d’entre eux se montrent en outre déçus par le dispositif proposé. Comme l’illustre les témoignages de participants affirmant qu’il « ne reviendront plus à Takiwasi », la proposition du séminaire, et notamment la place centrale accordée au motif de la possession démoniaque, suscite chez certains une opposition vive et définitive.

43Au cours des entretiens qu’ils m’ont accordé, la majorité des participants semble toutefois ne pouvoir écarter définitivement l’éventualité de la pertinence du diagnostic proposé à Takiwasi. En m'entretenant avec certains d’entre eux plusieurs années après leur voyage en Amazonie, j’ai été frappé par le fait qu’ils étaient le plus souvent maintenus dans une oscillation indécidable entre doute et adhésion au diagnostic d’infestation, et ce même en cas d’échec de la mise à l’épreuve du dispositif thérapeutique proposé. Si, comme j’ai pu l’observer par le biais du suivi au long cours des participants, le maintien d’une forme forte d’adhésion semble suspendu à la poursuite et à la régularité de la participation au dispositif proposé, les parcours de la plupart des participants témoignent également du fait que « l’attitude de croyance »59 est susceptible de survivre durablement à l’échec de sa mise en acte60.

44Si donc la dynamique de l’adhésion s’appuie ici sur les propriétés remarquables des substances hallucinogènes, la mobilisation du modèle de la « manipulation mentale » ou d’une « soumission chimique » pensée sur le mode d’un conditionnement de type behavioriste interdit de saisir adéquatement cette dynamique. L’appropriation des savoirs locaux, bien que largement partagée, est en effet loin d’être automatique. Nous l’avons vu, elle apparaît plutôt comme le fait d’un apprentissage progressif, réalisé de manière plus ou moins rapide et complète selon les individus. Tissée de doutes et d’ambivalence réflexive, elle pourra d’ailleurs chez certains ne jamais être accompli.

45Le maintien au long cours de l’adhésion est en outre soumis à une grande variabilité. La spécificité du contexte français, dont on a vu qu’il est marqué par l’association de ces pratiques à des « dérives sectaires » par les pouvoirs publics joue ici un certain rôle. À leur retour en France, les participants se montraient souvent saisis par le doute : avaient-ils vécu une expérience spirituelle et thérapeutique, ou avaient-ils été l'objet de « manipulations sectaires », illusionnés par des substances « hallucinogènes » ? L'observation au long cours du parcours des participants montre que le destin de l’adhésion est alors suspendu à la fréquence et au maintien de la participation aux pratiques qu’ils ont expérimenté au Pérou. Pour préserver l’adhésion, les participants doivent donc continuer à participer à des pratiques réprouvées dans leur propre pays et ainsi prendre le risque de rompre avec les représentations dominantes de leur groupe social d’origine, et par-là d’être soumis à une identité socialement stigmatisante : celle d’adepte d'une « secte ». Nombre d'entre eux abandonneront de ce fait, après quelques temps, les représentations adoptées lors de leur séjour au Pérou. Au-delà du cas particulier qui nous occupe, ces observations soulignent donc, tout autant que la puissance de l’expérience hallucinogène dans la dynamique de persuasion, le rôle central des interactions sociales et des institutions dans le maintien de l’adhésion.

Notes

1 Caiuby Labate Bia et Jungaberle Henrik (eds.), The internationalisation of the ayahuasca, Zurich, LIT Verlag Munster, 2011.

2 Dupuis David, Les murmures de l’ayahuasca. Parcours rituel et transmission culturelle à Takiwasi, thèse de doctorat en Anthropologie sociale, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2016.

3 Hervieu-Leger Danièle, Le pèlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999.

4 Le terme ayahuasca désigne une liane (Banisteriopsis caapi) ainsi que le breuvage dont elle est l’ingrédient principal. Cette boisson aux effets psychotropes et émétiques utilisée en Amazonie occidentale dans le cadre du chamanisme indigène et métis est en France classée sur la liste des stupéfiants depuis 2005.

5 Miviludes, Rapport au Premier Ministre 2005, Paris, La documentation française, 2006 ; Miviludes, Rapport au Premier Ministre 2009, Paris, La documentation française, 2010.

6 Dupuis David, « Prácticas en búsqueda de legitimidad: el uso contemporáneo de la ayahuasca, entre reivindicaciones terapéuticas y religiosas », Salud Colectiva, 14, n°2, 2018, p. 341-354.

7 Chabloz Nadège, Peaux blanches, racines noires. Le tourisme chamanique de l’iboga au Gabon, Louvain-la- Neuve, L’Harmattan-Academia, 2014.

8 Labate et Jungaberle, 2011.

9 Chabloz, 2014 ; Dupuis, 2016.

10 Jervis Francis, “Ethnomedical Tourism in the Amazon: more than drugs and desperation?”, Apresentação oral na Assembleia Anual da Sociedade de Antropologia da Consciência, 2010.

11 Demanget Magali, “Reconstruction of the shamanic space and mystical tourism in the mazatec region (Mexico)”, in: Francfort P. & Hamayon R. (orgs), The concept of shamanism: uses and abuses, Budapeste, Akadémiai Kiadó, 2001 ; Basset Vincent, « Le tourisme mystique: entre quête de soi et initiation religieuse », RITA, n°3, 2010 ; Holman Christine, Spirituality for sale: An analysis of ayahuasca tourism, thèse de doctorat, Tempe, Arizona State University, 2010.

12 Parcours qui mobilise fréquemment des formes de psychothérapie élaborées aux États-Unis à partir des années 1960 (psychologie « humaniste », gestalt-thérapie, thérapie primale, rebirth, psychologie transpersonnelle, etc.).

13 Hervieu-Léger, 1999 ; Hammer Olav, Knowledge. Strategies of Epistemology from Theosophy to the New Age, Leiden, Brill, 2004.

14 Losonczy Anne-Marie & Mesturini Cappo Silvia, « Entre l'’Occidental’ et l'’Indien’. Ethnographie des routes du chamanisme ayahuasquero entre Europe et Amériques », Autrepart, n°56, 2010.

15 Dupuis, 2018.

16 Labate et Jungaberle, 2011 ; Del Bosque Enrique, « Le Centre Takiwasi : cadres sociaux d’un mouvement religieux-thérapeutique articulé autour de la consommation rituelle d’ayahuasca », Paris, mémoire présenté pour l’obtention du Master Recherche mention Sciences Sociales des Religions, École Pratique des Hautes Études, 2011.

17 Portée par Catherine Picard et Nicolas About, la loi n°2001-504 du 12 juin 2001 est adoptée après deux commissions d'enquête parlementaires sur les affaires économiques et financières de groupes dits « sectaires », dans un contexte marqué par des affaires qui avaient fortement marqué le public (suicide collectif des membres de l'Ordre du Temple solaire en 1994 et 1995, attentat au gaz sarin dans le Métro de Tokyo en 1995). Cette loi vise à renforcer la prévention et la répression sur des mouvements portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales par l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions, menant notamment à leur dissolution. Elle limite également la publicité des mouvements dits « sectaires » et réprime les abus de l'état d'ignorance ou de l'état de faiblesse des individus. Estimant que la législation ne permettait plus de lutter efficacement contre les sectes, un nouveau délit de « manipulation mentale » avait été proposé dans le projet de loi initial, et défini ainsi : « Le fait, au sein d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou psychique des personnes qui participent à ces activités, d'exercer sur l'une d'entre elles des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer son jugement afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou une abstention qui lui est gravement préjudiciable ». Devant les oppositions, notamment portées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, les députés ont finalement abandonné la notion de « manipulation mentale » pour retenir une formulation complétant « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse » existant (article 313-4, livre III du Code pénal). Ce délit y est défini comme suit : « Art. 223-15-2. - Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. ». Esquerre Arnaud, « La manipulation mentale, cette mauvaise soumission », L'Unebévue, 20,‎ 2002, p. 47-64.

18 La jeune femme – qui n’avait par ailleurs pas elle-même déposé plainte – ne s’était jamais rendue à Takiwasi et n’avait pas absorbé d’ayahuasca.

19 Cours d’appel de Pau, 2 déc. 2005, dossier n°2005/00384, arrêt n°665/2005.

20 La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires est un organisme de l'État français, créé en 2002, qui a pour fonction d’observer et d’analyser le « phénomène sectaire », de coordonner l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives sectaires, et d’informer le public sur les risques et les dangers auxquels il est exposé. Depuis 2020, la Miviludes a été rattachée au ministère de l'Intérieur sous la présidence du secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), pour animer les politiques publiques « sur la lutte contre le séparatisme et sur les actions préventive et répressive à l’encontre des dérives sectaires ».

21 Pages 46-49 du rapport 2005 de la Miviludes publié le 26 avril 2006 (Op. cit.). Le document émet notamment « de sérieuses inquiétudes au sujet de ces pratiques. La violence des méthodes utilisées pour le sevrage des toxicomanes interroge également les risques courus par ces patients très vulnérables » (p. 47).

22 Op. cit.

23 Rapport de la Miviludes pour l’année 2005, p. 50.

24 MIVILUDES, 2005, p. 62.

25 Arrêté du 20 avril 2005 modifiant l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des plantes et substances classées comme stupéfiants, JORF du 3 mai 2005.

26 Hervieu-Leger Danièle, La religion en miettes ou la question des sectes, Paris, Calmann-Lévy, 2001 ; Esquerre Arnaud, La manipulation mentale : Sociologie des sectes en France, Fayard, 2009 ; Luca Nathalie, Individus et pouvoirs face aux sectes, Paris, Armand Colin, 2008 ; Ollion Étienne, Raison d’État : Histoire de la lutte contre les sectes en France, Paris, La Découverte, 2017.

27 Dupuis David, « Apprendre à voir l’invisible. Pédagogie visionnaire et socialisation des hallucinations dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne », Cahiers d’anthropologie sociale, n°17 : « Images visionnaires », Paris, Éditions de l’Herne, 2019.

28 Dupuis, 2019 ; Dupuis David, “The socialization of hallucinations. Cultural priors, social interactions and contextual factors in the use of psychedelics”, Transcultural Psychiatry, à paraître.

29 Bem Daryl, Beliefs, Attitudes, and Human Affairs, Belmont, Brooks/Cole, 1970 ; Csordas Thomas, The Sacred Self: A Cultural Phenomenology of Charismatic Healing, Berkeley, University of California Press, 1994 ; Clément Fabrice, Les Mécanismes de la crédulité, Genève, Droz, 2006.

30 Huang Caroline, “Weeping in a Taiwanese Buddhist Charismatic Movement”, Ethnology, 42 (11), 2003, p. 73-87 ; Mahmood Saba, Politics of Piety: The Islamic Revival and the Feminist Subject, Princeton, Princeton University Press, 2005.

31 Luhrmann Tanya, When God Talks Back: Understanding the American Evangelical Relationship With God, New York, Alfred Knopf, 2012.

32 Luhrmann Tanya, Persuasions of the Witch’s Craft: Ritual Magic in Contemporary England, Cambridge, Harvard University Press, 1991 ; Grison Benoît (dir.), Bien-être / Etre bien ?, Paris, L’Harmattan, 2012.

33 Hammer 2004 ; Houseman Michael, Le rouge est le noir. Essais sur le rituel, Toulouse, Presses Universitaires du Miral, 2012.

34 Dupuis, 2016.

35 Latour Bruno, Sur le culte des dieux faitiches. Suivi de Iconoclash, Paris, Empêcheurs de penser en rond, 2009.

36 Hervieu-Léger, 1999.

37 Watson John, Psychology as the behaviorist views it. Psychological Review, 20, 1913, p. 158-177 ; Pavlov Ivan, Conditioned reflexes, London, Routledge and Kegan Paul, 1927 ; Skinner Burrhus, The behavior of organisms, New York, Appleton-Century-Crofts, 1938.

38 Sargant William, Battle for the mind: a physiology of conversion and brainwashing, London, Heinemann, 1957.

39 Linton Ralph, The Cultural Background of Personality, New-York, Appleton, 1945 ; Kardiner Abram, L'Individu dans sa société : essai d'anthropologie psychanalytique, Paris, Gallimard, 1969.

40 Bonhomme Julien, « À propos des usages rituels des psychotropes hallucinogènes », Ethnopsy, n°2, 2001, p.171-199.

41 Au sein duquel j’ai réalisé une enquête ethnographique de 2008 à 2013.

42 Construction traditionnelle d’Amazonie, de forme ovale et au toit conique.

43 Dupuis David, « Pharmacopées indigènes et évolutions du curanderismo péruvien : le cas de Takiwasi (Haute-Amazonie) », Cahiers d’anthropologie sociale, 14, Guérir/Tuer, Paris, L’Herne, 2017, p. 171-185.

44 Tournyol Du Clos Philippe, Peut-on se libérer des esprits impurs ? Un guide pratique vers la délivrance, Beyrouth, Éditions de l’Archistratège, 2001.

45 Dupuis David, « L’ayahuasca et son ombre. L’apprentissage de la possession dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne », Journal de la société des américanistes, 104, 2018.

46 Les entretiens dont les passages présentés dans cet article sont extraits ont été recueillis au cours d’une enquête ethnographique conduite à Takiwasi de 2008 à 2013.

47 Severi Carlo, Le principe de la chimère : une anthropologie de la mémoire, Paris, Rue d’Ulm/Musée du Quai Branly, 2007, p. 242.

48 Idem.

49 Mannonni Octave, « Je sais bien, mais quand même », Clefs pour l’imaginaire ou l'Autre Scène, Paris, Seuil, 1969.

50 Favret-Saada Jeanne, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977.

51 Sperber Dan, “The epidemiology of beliefs”, in: C. Fraser & G. Gaskell (eds.), The Social Psychological Study of Widespread Beliefs, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 37.

52 Levi-Strauss Claude, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958.

53 Hamayon Roberte, « L'anthropologue et la dualité paradoxale du “croire” occidental », Revue du MAUSS, n°28, 2/2006, p. 438.

54 Luca Nathalie, « L'entre-deux temps du croire », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 16, 2/2013, p. 35.

55 Hamayon 2006, p. 440.

56 Ibid., p. 438.

57 Festinger Leon ; Riecken Henri ; Schachter Stanley, When Prophecy Fails: A Social and Psychological Study of a Modern Group that Predicted the Destruction of the World, University of Minnesota Press, 1956 ; Festinger Leon, A theory of cognitive dissonance, Stanford, Stanford University Press, 1957.

58 Hamayon, 2006, p. 440.

59 Ibid.

60 Festinger, 1956.

Pour citer cet article

David Dupuis, « Voir pour croire », L'ethnographie, 3-4 | 2020, mis en ligne le 26 octobre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=726

David Dupuis

Docteur en Anthropologie Sociale (EHESS, Paris), David Dupuis est chercheur post-doctoral au département d'Anthropologie de l'Université de Durham et l’équipe hearing the voice (Durham). Appuyés sur des enquêtes conduites en Amérique latine et en Europe depuis une dizaine d'années, ses travaux portent sur la globalisation de l'usage des substances hallucinogènes. Plus largement, ses recherches explorent dans une perspective comparatiste les relations entre les cultures, les substances hallucinogènes et leurs effets.