Haiti http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=1076 Entrées d’index fr 0 Les faux-semblants du discours sur l’état de droit : les visages de la paix en Haïti http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=1023 Les justifications de l’ingérence internationale dans les affaires domestiques haïtiennes qui dominent les espaces politiques, médiatiques et diplomatiques prennent le plus souvent la forme de discours portant sur la « construction de la nation », « l’état de droit » et le « maintien de la paix ». Au cours des deux dernières décennies, le vocabulaire de l’État social, de la solidarité, de l’égalité économique, de la justice sociale, a fait place à celui de l’État de droit, de la stabilisation et de la sécurité. Cette logique est claire : la loi garantit l’ordre, l’ordre assure la sécurité, et la sécurité la stabilité ; celle-ci mène à la paix, et la paix facilite la transition vers une nation démocratique, prérequis d’un commerce international avantageux. Cependant, cette rhétorique légitime des pratiques guerrières. En effet, les Nations unies se sont mises à occuper le terrain institutionnel et géographique de ce pays connu pour avoir enduré l’une de forces de maintien de la paix les plus importantes et longues de l’histoire. En adoptant une nouvelle stratégie réglée par le chapitre VII, « Actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » de la Charte des Nations unies, la présence internationale a souvent pris la forme d’offensives militaires contre-insurrectionnelles menées conjointement par la police et l’armée. Dès lors, il semblerait plutôt que, dans les faits, la paix promue ait le visage de la violence. Cet article, rédigé à partir d’une recherche ethnographique sur la relation entre la justice d’État et différentes formes de justice alternative, menée en Haïti entre 2016 et 2021, prend position et vise à faire entendre un autre récit de la violence et de la paix en Haïti. Sa vocation critique consiste à démêler, d’une part, les discours qui justifient des formes de violence spécifiques au nom de la paix et, d’autre part, les discours culturalistes qui dépeignent la violence et l’anarchie en Haïti comme des caractéristiques à la fois culturelles et endémiques. Parce que la souffrance qu’endure la population n’est ni fortuite ni propre à sa culture, et que l’extrême instabilité politique qui mine Haïti aujourd’hui n’est pas accidentelle : elles sont le produit d’une histoire où la communauté internationale est impliquée au plus haut point. “The Fallacy of the Rule of Law Discourse: The Faces of Peace in Haiti”The justifications for international interference in Haitian domestic affairs that dominate political, media and diplomatic spaces most often take the form of a rhetoric about “nation building,” “rule of law” and “peacekeeping.” Over the past two decades, the vocabulary of the social state, of solidarity, of economic equality, of social justice, has given way to that of the rule of law, of stabilization and security. The logic is clear: law guarantees order, order ensures security, and security ensures stability, which leads to peace, and peace facilitates the transition to a democratic nation, a prerequisite for beneficial international trade. However, this rhetoric legitimizes warlike practices. Indeed, the United Nations began to occupy the institutional and geographical terrain of this country, known for having endured one of the largest and longest peacekeeping forces in history. Adopting a new strategy regulated by “Chapter VII: Actions with Respect to Threats to the Peace, Breaches of the Peace, and Acts of Aggression” of the UN Charter, the international presence has taken the form of counterinsurgency military offensives conducted jointly by the police and the army. It would seem, therefore, that in reality, the peace being promoted has the face of violence. This article, based on ethnographic research conducted in Haiti between 2016 and 2021 on the relationship between state and non-state justice, aims to voice an alternative narrative of violence and peace in Haiti. Its critical vocation is to disentangle, on the one hand, the discourses that justify specific forms of violence in the name of peace and, on the other, the culturalist discourses that portray violence and lawlessness in Haiti as both cultural and endemic. Because the suffering that the population endures is neither accidental nor culturally specific, and the extreme political instability that undermines Haiti today is not accidental: it is the product of a history that involves the international community to the greatest extent. mar., 06 juin 2023 17:36:08 +0200 mer., 05 juil. 2023 11:34:00 +0200 http://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=1023