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L'Ethnographie

Construction d’un regard sur l’ « exotisme »

Témoignage d’un parcours doctoral depuis une posture d’artiste-chercheuse et pédagogue

Carolane Sanchez

Juillet 2021

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/ethnographie.950

Résumés

À partir d’une posture d’étudiante de flamenco à Séville, de pédagogue en art du mouvement à l’Université de Bourgogne Franche-Comté et d’interprète de flamenco lors d’une résidence artistique en Chine, Carolane Sanchez tend à restituer les façons par lesquelles elle s’est confrontée entre 2012 et 2020 à la représentation de son « corps exotique » en tant qu’interprète flamenca, et comment ses diverses expériences, passant par le corps vécu, l’ont conduites à une exploration de la catégorie d’ « exotisme » au prisme de préoccupations épistémologiques relevant de l’ethnoscénologie et de la recherche-création. 

Texte intégral

1Cet article témoigne d’un des aspects de la construction de mon cheminement d’artiste-chercheuse et de pédagogue durant le doctorat, au regard de la façon dont mon exploration fut travaillée par le concept d’ « exotisme ». En effet, par le fait d’être interprète de flamenco et de faire du flamenco mon objet d’étude, j’ai interrogé durant ma recherche doctorale, à partir d’une perception située, mon « corps vécu exotique » dans le milieu artistique, et j’ai prolongé ce champ d’investigation à travers l’acte de transmission, au contact des étudiants, dans le milieu universitaire. La poïétique doctorale est ainsi toute traversée par le processus de rétro-alimentation entre recherche, création et pédagogie, et c’est à travers cet entrecroisement que j’ai expérimenté une méthodologie de recherche et d’enseignement, à la croisée des théories et ressources élaborées depuis l’ethnoscénologie et la recherche-création. L’article se fait ainsi le relais d’un témoignage s’agençant en six mouvements de pensées :

- la mise en réflexivité du corps-vécu et démarche méthodologique

- interroger l’angle « extra-européen » à l’aune de l’approche ethnoscénologique dans la formation pédagogique

- expérimenter l'exotisme dans la recherche-création puis pousser la réflexion par l’acte de transmission pédagogique

- constat d’une hiérarchie entre les disciplines et tentative de décloisonnement

- aller-retour entre recherche doctorale et enseignement

- interroger les processus d’ « appropriation » par la création

Étape 1. Mise en réflexivité du corps-vécu et démarche méthodologique

2Lorsque je me suis inscrite en doctorat, j’ai été invitée à appréhender mon projet de thèse comme un possible cadre me permettant de générer de la dialectique en réponse à ce qui me posait question dans le champ de ma pratique, en l’occurrence : la performance flamenco. Bien que mon sujet de recherche fut circonscrit à la façon dont les corps flamenco actualisent la notion de tradition au présent, dans le contemporain, la proposition d'une charge d'enseignement dans le cadre de mon contrat doctoral me liant au département d'Arts du spectacle de l'Université de Bourgogne Franche-Comté, m'a incitée d'une part à envisager le doctorat dans son intrication étroite à la formation d'enseignant/e-chercheur/se et d'autre part, à tirer profit de l'espace pédagogique comme médium favorisant une ouverture à cette cloison étroite que représentait parfois pour moi l'hyperspécialisation sur un sujet, incombant à l'exercice de la thèse. Bien que la formation proposée à Besançon embrasse un large spectre de connaissances des arts de la scène en Europe, dans une perspective historique, théorique, esthétique et analytique, son master Recherche intitulé « Pratiques scéniques et Théâtres du monde » affiche une identité forte dirigée vers la défense d'une dynamique interculturelle dans l'appréhension 

des théâtres du monde et les diverses formes spectaculaires prises entre tradition formelle et métissages contemporains, en relation étroite avec les dynamiques de la vie sociale.1

3Au regard de l'histoire du département2, de la singularité des chercheurs/ses titulaires le portant3, et des axes pédagogiques qu’il m'était proposés d'investir au sein de cette formation4, je pressentais que mes charges d’enseignement m’inviteraient à explorer les possibles croisements entre approche anthropologique et esthétique. Très rapidement, me fut proposé d’y intégrer une dynamique recherche-création.

4Sur le plan de la recherche, sans être anthropologue de formation, ni me réclamant l'être, j’avais pour point de départ au doctorat une approche documentée et réflexive vis-à-vis d’un terrain. Mes expériences vécues m'engageaient en tant qu'observation participante et participation observante et j’étais très investie sur la question des méthodologies d’entretien. Par ailleurs, sensible dès le début du doctorat aux différents questionnements épistémologiques qui travaillent le champ de la recherche-création, sans être encore assurée de vouloir en début de parcours m’inscrire sous ce « label », je me suis toutefois employée très rapidement à appréhender mon sujet à partir d'une posture d’artiste-chercheuse relevant d'une démarche pragmatique et empirique vis-à-vis de l’objet flamenco. Ma posture allait vite s’appuyer sur une enquête d’approches inductive et déductive, en filiation à la pensée de John Dewey5, mais je m’inspirais également de William James6, qui fonde sa démarche d’étude sur une analyse des conséquences, événements et résultats. Je me mis en quête d'une écriture située, engagée à la première personne, pour mettre en perspective mon regard avec les perceptions d'autres acteurs, protagonistes (artistes, intellectuels, programmateurs du flamenco), dans le souci de multiplier les points de vue sur ce qui pouvait venir caractériser le genre flamenco, une pratique qui me semblait sédimentée par une série de différentes catégories, révélant une forme de résistance chez ses acteurs à l'heure de revendiquer le sentiment d'appartenir à un même dessein culturel, identitaire.

5Mon année de séjour en Chine, dans le cadre d'une résidence artistique où j'étais invitée pour collaborer sur un projet de rencontre entre la culture flamenco et les arts martiaux et calligraphiques chinois, m’avait incitée à me servir de la création artistique pour amorcer un processus de recherche-création afin de penser les « gestes » flamenco à l'aune d'une approche interculturelle ; une expérience ayant favorisé en moi une réflexion sur la représentation du corps exotisé de l'andalouse. Dans cette dynamique d’itinérance portée par la pratique et l'approche réflexive, se profilait un processus doctoral visant à placer au cœur de mon intérêt d'étude les différentes modalités de l'enquête (posture, approche expérimentale du terrain, entretiens, traitement multimodal des données, etc.) mais aussi une approche réflexive et culturelle portant sur la spectacularisation du féminin dans la culture andalouse. De façon intriquée à ces deux axes, j'étais également pleinement mobilisée par cette volonté d'explorer le corps vécu du performer, dans mon cas d'étude le performer flamenco, au prisme d'une réflexion sur les méthodes d'analyse du geste. Cet intérêt pour l'étude de l'analyse du mouvement me permettait alors d'interroger « d'où part le mouvement » afin de questionner sa portée kinésique lors des enjeux de réception. Cette piste m'outillait également pour penser les trainings d'exploration du corps dansant, afin de réfléchir sur les modes d’incorporation de la corporéité flamenco, dans le souci de penser comment aller au-delà d'une approche stéréotypée de la forme. Pour explorer, observer et traduire le mouvement, j'affectionnais une sensibilité aux outils d'analyse qualitative du geste du Laban-Bartenieff mais aussi du Body-Mind Centering, afin d’appréhender une lecture du geste tant intéroceptive qu’extéroceptive. Comme je souhaitais que ma recherche nourrisse ma pédagogie, c’est dans cette synergie que s’est élaborée une prémisse de gouvernail épistémologique, visant à explorer comment faire fructifier cet interstice disciplinaire entre esthétique et anthropologie, dans une démarche de recherche-création.

Étape 2. Confrontation au milieu universitaire et nécessité d’affirmer l’angle ethnoscénologique

6Nous sommes en août 2016, je prépare ma rentrée de septembre. Je regarde sur une feuille de papier mes intitulés d'enseignement, ainsi que le vide qui les entoure imposant avec urgence une amorce de « prise en main » de ma part. Devant tous mes post-it, polycopiés, éclats de mémo des lectures amassées durant l'été, un intitulé d'enseignement est entouré en rouge, il m'interpelle, me questionne, il s'appelle : « Théâtres extra-européens ». Cette invitation à penser la catégorie d'« extra-européen » me stimula pour penser ce qui est considéré comme « extra », « en-dehors » d’une certaine tradition académique. L'année précédant mon doctorat, j'avais été stimulée par la synergie intellectuelle générée au sein des ateliers des doctorants en danse de Nice, visant à questionner les soutenants épistémologiques derrière l'usage des catégories. Je m'interrogeais sur l'efficience de cette porte d'entrée pour classifier les savoirs selon leur zone géographique de rattachement et la vigilance ténue à maintenir en tant que chercheuse pour ne pas basculer dans la dérive ethnocentrique à l'heure d'élaborer un discours sur ce que l'on positionne comme lointain de soi. L'invitation à mener ce cours m’invitait à interroger les régimes perceptifs portant sur le corps, en tant que catalyseurs constitutifs des discours sur l’altérité. Lors de mon mémoire de Lettres Modernes, j’avais amorcé une étude analytique du regard se portant sur le lointain, par l’analyse des perceptions des voyageurs romantiques des corps des danseuses espagnoles au XIXe siècle, à travers l’étude des écrits de leurs carnets de voyage. Cette amorce réflexive induite par la perspective pédagogique en début de doctorat, m’invita à penser comment traiter de mes expériences artistiques dans ma propre recherche, afin d'interroger ce corps exotique vu de l'extérieur certes, mais aussi celui pratiqué, vécu du dedans. Cette pensée visant à appréhender la danseuse flamenco, l'andalouse, en tant qu’incarnation d’un certain imaginaire, de projections et fantasmes, ou en tant que corporéité aux attributs kinesthésiques propres, venait indiscutablement m’interroger sur mes propres expériences biographiques avec le flamenco.

7En effet, mes premiers voyages vers l'Espagne pour m’y former, ont été motivés par des enjeux enfouis de fantasmes identitaires, tant j'entretenais avec l'Andalousie un lien affectif, désireuse de répondre à une histoire familiale marquée par le déracinement. Mon histoire biographique avait installé en moi une sorte de préjugé naïf, celui de « porter » plus facilement la coloration de cette expression. Cependant, une fois installée à Séville, je me suis heurtée à des résistances internes et externes à l'heure de « jouer » la flamenca. Je percevais bien que la pratique flamenco était l'enjeu d'une certaine texture de geste, qui relevait d'une attitude culturelle, d’habitus, que je peinais à incorporer, voire, qui me donnait l’impression parfois de devoir jouer un certain « flamenco carte postale ». Le fait donc, d'éprouver cette forme de distanciation au sein de ma propre pratique, qui venait en plus contrarier mon horizon d'attentes entre ce que je projetais « familier » dans l'idée, et qui ne l'était pas tant dans la pratique, me fit m'interroger sur les stéréotypes de représentation qui peuplent le paysage référentiel du champ culturel propre au flamenco. Inspirée par l'article « An Anthopologist Looks at Ballet as a Form of Ethnic Dance7 » de l'anthropologue Joann Wheeler Kealiinohomoku, et son invitation à envisager le ballet comme une danse ethnique, mettant ainsi en perspective la catégorie d’« ethnique » au regard de son ethnocentrisme anthropologique et ses gageures à favoriser l’émergence de stéréotypes, je m'enquis d'investir ces enjeux de décentrement du propos exotique, dans ma recherche et dans la pédagogie. J’élaborais alors des enseignements portant sur la structuration du genre artistique flamenco du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui, passant par l’étude des carnets de voyage des romantiques, aux relations entre les flamencos et le Paris des avant-gardes début XXème, pour aborder ensuite les étapes du flamenco « nouveau », « pop », « fusion » à la catégorie de « flamenco contemporain », afin que les étudiants esquissent une approche de la pluralité des acteurs du panorama flamenco et qu’ils cernent à travers cette mise en évidence de la diffraction des regards, l’élaboration et la codification du stéréotype de l’ « espagnole exotique » depuis le prisme de l’étranger. Cette intention pédagogique stimulait mes propres volontés de traiter en cours des préoccupations thématiques ayant travaillé mes processus d’expérimentations artistiques endurés avant et pendant le doctorat, tant l’exercice d’écriture de la thèse permettait de rendre saillant les problématiques réflexives ayant accompagné ma formation et pratique du flamenco.

Étape 3. Expérimenter l'exotisme dans la recherche-création puis pousser la réflexion par l’acte de transmission pédagogique

8Avant d’en arriver au partage de types de situations pédagogiques liées à mes préoccupations de recherche, j’aimerais témoigner encore d’expériences arpentées dans l’artistique, qui sont alors venues par la suite induire des partis-pris pédagogiques. En effet, durant ma recherche doctorale8, en épousant le sentier de la recherche-création, j'ai finalement fait le choix d’assumer que mon corps puisse être parfois le terrain de jeu d'une série d'actes artistiques, ce qui m’a conduit à questionner, dans la pratique, l'imaginaire véhiculé par la représentation de l'andalouse. Pour citer quelques exemples d'explorations entreprises durant mon parcours artistique, parties prenantes de la matière d’étude doctorale, lors d’un séjour en Chine par exemple, j'ai tiré profit de la dynamique de déplacement, pour favoriser l'émergence d'un laboratoire d'étude du geste à la croisée de la technique flamenco et des arts martiaux. Ce processus « pratique » m'a conduit à identifier la dynamique de la spirale et la cinétique des fluides comme des éléments prototypiques de la forme flamenco, tout en portant une attention privilégiée à la qualité du flamenco qui recourt plus spécifiquement à l'action de « tordre9 », ce qui lui donne « caractère », et génère une qualité gestuelle qui est ensuite interprétée en « émotion » selon le point de vue. Dans le cas du flamenco, cette qualité spécifique de mouvement peut être interprétée comme une esthétique de l’« excès10 ». J'ai souhaité explorer dans mes travaux cette piste perceptive, en mettant en exergue le prisme culturel à partir duquel on l'identifie, et l'exotisme dont on le charge, mettant à profit ma situation incongrue d'être française, dansant le flamenco en Chine.

9La chorégraphe chez qui je demeurais en résidence, construisait une communication visuelle autour des shows dans lesquels j’étais intégrée, dont les partis-pris m’interrogèrent sur les projections fantasmatiques qui auréolaient l’imagerie de la flamenca (femme fatale, passion, sensualité, caractère). J’ai donc décidé de questionner depuis la Chine, par des créations propres, ce regard distancié que je commençais à nourrir à l’égard de ses mises en scène dont je me sentais à la fois l’objet et l’actrice, la participante. Dans une performance comme Rewriting par exemple, proposée au sein du restaurant Sabor de Azahar du Foshan Creative Community, j'avais proposé une pièce vidéo-performance, où j’évoluais parmi les cuisines, circulant entre les gens qui mangeaient, jusqu'à me mettre en scène devant la vitrine, pour y jouer le rôle d'une femme, qui, après avoir été abandonnée à son rendez-vous galant, dansait entre désespoir et colère son affront d'avoir été éconduite. En même temps que je faisais du contact improvisation avec ma fumée de cigarette ou que je dansais entre les chaises et les gens avec un couteau dérobé par un passage en cuisine, se mêlaient à la performance théâtrale et dansée, des projections d'extraits de films comme Femmes au bord de la crise de nerf (1988) de Pedro Almodóvar, Cet obscur objet du désir (1977) de Luis Buñel et une séquence de l'actrice hong-kongaise Grace Chang, interprétant Carmen et dansant le flamenco dans The wild wild rose (1960) de Wong Tin-Lam, des films qui mettaient en scène certaines projections que je pouvais me faire de l'image de la représentation du tempérament andalou, un tempérament fort, entre stéréotype et fantasme. Alors que je fis du stéréotype une approche plus esthétique dans le cadre de la création, je souhaitais aller plus loin dans celui de la pédagogie en introduisant auprès des étudiants -après leur avoir partagé mes explorations de recherches artistiques- les travaux du sociologue Erving Goffman qui dans son article « La ritualisation de la féminité » nous invite à considérer la représentation que les publicitaires donnent de la femme en procédant « par standardisation et exagération d'expressions et de comportement qui dans la réalité sont déjà fortement ritualisés11 ». L’espace pédagogique devenait alors pour moi un cadre intriqué à la recherche doctorale, me permettant, par la préparation des enseignements menant à l’acte de la transmission, de pousser avec rigueur certaines intuitions artistiques. C’est ainsi qu’avec les étudiants, nous nous attelions à expérimenter des outils d’analyse, dans le contexte du cours, pour aiguiser notre perception des modes de représentation qui peuplent notre imaginaire des corps féminins. Les étudiants mettaient en pratique les méthodes d’analyse du geste, à partir d’une identification du traitement des stéréotypes en tant que ressources servant le travail d’interprétation scénique, pour identifier les principes de mouvement d’une technique culturellement codifiée, afin de s’ouvrir à la façon dont le recours au stéréotype peut devenir non seulement un outil critique mais aussi un espace de jeu privilégié.

10Dans un premier temps, pour s'essayer donc à cette traduction analytique du corps en mouvement, en portant une attention à ce qui meut/ et comment se meut le performer, il y eut beaucoup à puiser dans les travaux des approches qualitatives du mouvement, particulièrement investies dans les études en danse, qui confèrent entre autres, des portes d'entrée permettant une compréhension fine des mécanismes sur lesquels reposent la technique d’une discipline corporelle (la technique induisant ensuite une esthétique). Dans un article intitulé « Carmen ou la spectacularisation de l'autre », acte du colloque La femme fatale12, j'avais déjà fait état des expériences menées lors de dispositifs pédagogiques avec les étudiants où nous interrogions dans le cadre d’un des cours, les modalités de lecture à investir pour saisir d'où se meut la forme, comment s’organise le corps du dedans, pour ne pas justement rester dans une approche superficielle du geste. J’invitais alors les étudiants à réaliser une analyse interculturelle de l’interprétation de Carmen selon son adaptation par des cinéastes provenant d’ancrages géographiques distincts. Lors de cette exploration pédagogique (résultant de la création artistique et servant alors ma recherche doctorale), m’intéressait de dialoguer avec l’approche artistique de Juan Carlos Lérida -un artiste flamenco empirique dont la pédagogie a fait l'objet dans ma thèse d’un documentaire intitulé Corps flamenco13-, qui invite à considérer dans ses ateliers comment utiliser le stéréotype pour « ouvrir » le corps, et non pour le « fermer ». C’est-à-dire, en le projetant dans sa possibilité d'émergence de choix d'intentionnalités musculaires, toniques, tout en étant alerte sur ce qu'il y a de représentation cachée, tant les images véhiculées au stéréotype sont arrimées d'une quelconque façon avec une armature politique et donc idéologique. Dans une perspective d’enseignement théorico-pratique, les étudiants sont ainsi invités à faire l’expérience dans leur corps et dans le studio, de ce qu’ils perçoivent comme stéréotypes de gestes, pour mieux comprendre, interroger ce qui, derrière le stéréotype, signe une forme d’idiosyncrasie gestuelle (relative à la technique et l’habitus). Après l’analyse des extraits filmiques, et le passage dans le studio à pratiquer le flamenco avec moi, de telles questions sont ainsi posées aux étudiants :

Le flamenco te semble sexuel, cela te renvoie à un imaginaire de « femme fatale », d’accord… Mais pourquoi est-ce que cela te fait ça ? Pourquoi le ressens-tu ainsi ? Qu’est-ce qui se crée dans ton corps quand tu bouges les hanches de telle façon, que tu actives pleinement ton bassin, que ton sexe s’engage, que tu frappes au sol avec cette qualité du poids ferme ? Derrière le stéréotype, quel état de corps le sous-tend et qu’est-ce que toi tu viens projeter dessus ? Quelle incarnation de l’imaginaire ? Pourquoi ? Quelle est la part d’animalité qui sous-tend l’émergence de ce que toi tu interprètes comme un apparent excès ?

11Par ailleurs, si derrière l’imaginaire que l’on se fait d’une figure comme Carmen, on se projette un système de référents de gestes invitant à une apparente première approche essentialiste, la véhiculant aussi à la représentation de la flamenca, comment apprendre à regarder plus finement, pour discerner alors les variances dans l’interprétation de la forme convenue, témoignant de la coloration particulière du mouvement, induite par la personnalité de celui/celle qui le porte14 ? Telles sont les explorations qui ont été développées dans la thèse, grâce à l’exploration faite dans les cours avec les étudiants. Les sessions d’enseignement m’ont permis de stimuler dans le doctorat, d’une façon encore plus réflexive, une recherche sur le stéréotype de représentation et ses modes d’incorporation, à partir de l’analyse du mouvement et de la pratique artistique. Ainsi, par ces procédés, j’explorais comment en tant qu'interprète d’une pratique apparemment codifiée, on peut choisir les types de corporéités que l’on souhaite défendre.

Étape 4. Constat d’une hiérarchie entre les disciplines et tentative de décloisonnement

12Dans cet exercice du témoignage, je me permets ici de jouer avec le temps, pour entraver l’apparente linéarité temporelle de mon récit, afin de revenir sur ces toutes premières impressions qui me parcoururent, face au public d’étudiants, en tant qu’enseignante-néophyte, arrivant au sein d’un département en Arts de la scène. En effet, dans les lignes précédentes, j’ai rendu compte d’expériences artistiques autour de la thématique du « corps exotique flamenco », et la façon avec laquelle la création s’est trouvée injectée dans les préoccupations pédagogiques, venant ainsi nourrir ma recherche sur les savoirs incorporés et la conscientisation de l’action lors de choix d’interprétation. J’ai ainsi partagé ici, une première approche de la catégorie d’exotisme envisagée de façon circonscrite à l’interprétation flamenco. Mais j’aimerais dans les lignes qui suivent, jouer de façon élastique avec le rapport de distanciation que permet l’arrivée de la jeune doctorante au sein du milieu universitaire, pour témoigner à présent de ce que je percevais d’exotique au sein de l’Université, tout en ne perdant pas le fil de ce qui nous tient ici, à savoir cette construction du regard de l’artiste-chercheuse, pédagogue, se questionnant sur les modes d’études du corps convoqué dans un lointain.

13En parallèle à ma réflexion sur l’ « exotisme » dans ma pratique, durant mon activité de pédagogue au sein de l’Université, une autre observation que je me fis rapidement au contact du public étudiant d’Arts du spectacle auprès de qui j'enseignais, fut de constater très tôt que ma proposition de travailler à partir du flamenco était relayée souvent de façon péjorative par des étudiants aux « études en danse ». Ce champ disciplinaire semblait renvoyer pour certains à une forme d’exotisme dans son pur sens étymologique, en tant qu’« exo », telle que perçue comme une créature « en dehors de soi ». Je percevais une forme de hiérarchie dans les attentes des étudiants entre « théâtre » et « danse » et que l’on puisse déprécier l'un par rapport à l'autre, sous couvert de ne pas y être sensible, me surprenait. Je faisais l’hypothèse d'un préjugé qui pouvait s’expliquer par une absence de sensibilisation à la danse dans le cursus scolaire avant l’entrée à l’Université. Ce constat me laissait perplexe, d'autant plus que mon faisceau d'appréhension recherche/pédagogie visait à aborder le corps en représentation, dans un large spectre de possibles. Avec le flamenco, le performer est instrumentiste dans sa danse, il sculpte le rythme sur scène par son mouvement, fait usage de body percussions et marque l’espace audible par son taconeo15. Il « joue » également un personnage dans son interprétation. Le performer flamenco endosse souvent un scénario tragique dans l’interprétation et les mouvements qui caractérisent cette gestuelle, embrassent différents registres : tant la pantomime qu'une expression chorégraphique technique, voire virtuose. Son geste s’expose donc au spectaculaire dans une visée à la fois dansée mais aussi musicale et théâtrale. Je m'empressais alors dès mes premiers cours de les inviter à aiguiser d’une part l’apport des études en danse dans les sciences humaines, pour sa contribution à l’édification de connaissances fines sur la corporéité en mouvement et en présence, mais d’autre part, à ouvrir leurs esprits, afin d’appréhender plus généralement une vision des arts du spectacle sous la focale d'une « scénologie générale », se destinant à l'étude des « pratiques et [des] comportements humains spectaculaires organisés des divers groupes ethniques et communautés culturelles du monde entier16 », tel que l’invite à voir Jean-Marie Pradier, au prisme de la démarche ethnoscénologique, dans son article « Ethnoscénologie : la chair de l'esprit ». Par ailleurs, dans ce projet d'une « scénologie générale », en plus de ce constat parfois hiérarchique des disciplines entre elles au sein de l'Université, je remarquais également une persistance de scission axiologique entre « art populaire » et « art savant ». Dans ce projet visant à penser ici des approches pédagogiques expérientielles issues de la dynamique ethnoscénologique, l’attribut qu’un référé soit dit « populaire » m’interpellait pour ses soutenants de discours17. Il m'importait donc de venir chercher les étudiants sur ce qu'ils pouvaient entendre sous cette catégorie, avant de la mettre en dialectique dans un second temps avec celle d'« exotique », tant je commençais à me demander si faire étudier le « populaire » à l’Université ne relevait pas là aussi d’une forme d’exotisme (des formes « hors-académiques »), invitant l’étudiant à opérer ainsi une forme de pratique du décentrement. Maxime Cervulle, au sujet des Cultural studies, rappelait d’ailleurs combien « le projet même des Cultural studies, dont Stuart Hall constitue l'une des figures majeures avec Raymond Williams et Richard Hoggart, est celui d'un

décentrement, d'une expérience de déplacement devant ouvrir la voie à une pratique de la théorie comme intervention politique, comme modalité de reconfiguration des concepts et représentations des dynamiques sociales.18

14Comment alors inviter les étudiants, au sein de l'espace des cours, à pratiquer ce « décentrement du regard19 », marqué par une dynamique transdisciplinaire, pour questionner les rapports de domination et de soumission d'une culture sur une autre, par l'étude des logiques de représentation ?

15En effet, comment donc, dans la recherche et l'enseignement, élaborer des dispositifs favorisant une approche pratique et critique des rapports hiérarchiques opérant lorsqu'il y a enjeu de distribution des savoirs ? De quelle façon inviter le regard de l'étudiant à interroger ce que lui fait l'autre, l'inconnu, pour mieux se regarder soi-même ? Du point de vue de l'enseignant, de l'accompagnateur, quelle est l'adresse du discours à explorer pour induire du mouvement dans la réflexion de l'étudiant, sans fabriquer pour lui une modélisation de sa pensée ? Cette pensée, au-delà de sa transcription par la parole, peut-elle être également restituée par le geste artistique ? Et si oui, en quoi cette transfiguration de la parole à l'abstraction artistique permet-elle à l'étudiant de mieux incorporer les savoirs en jeu, lors de la transmission ?

Étape 5. Du doctorat à l’enseignement : circonscrire puis ouvrir

16Par le processus de formation de la pédagogue, avec l’intuition au gouvernail, je me mis à ouvrir la focale thématique pour que mes cours proposés lors des années de l’avenant à l’enseignement embrassent un plus large spectre que celui du flamenco, nous permettant ainsi en cours de questionner les dynamiques d’exotisme dans les arts de la scène de façon plus ample. Cette invitation lors de la pédagogie, à circonscrire à son sujet de recherche de thèse, puis ensuite ouvrir la focale par l’enseignement, m’apparait comme une étape riche dans la construction du doctorant, qui se trouve contraint par l’exigence, la rigueur que demande l’acte de transmission, à inscrire sa spécialité de recherche en résonnance à un corpus plus large, s’arrimant à l’exigence de la contextualisation des discours. Dans la mesure où m’intéressait l’étude des constructions de regard portant sur l’ailleurs lors des enjeux de réception (étape prototypique à la formalisation des stéréotypes), j’ai ouvert dans mes enseignements à la période du XIXe siècle, afin d’introduire aux courants intellectuels et artistiques invitant à penser l'orientalisme dans les arts, au prisme du concept d'ethnocentrisme. Différentes cartographies problématiques s’élaboraient alors, donnant lieux à de nombreux échanges, débats avec les étudiants : où se situe la limite au-delà de laquelle l'objet devient « exotique » ? Cette frontière est-elle d'ordre spatiale, temporelle, physique, culturelle ? En quoi cela vient-il nous parler des logiques de représentation du corps et la réception, voire le jugement de ses attributs spécifiques ? Dans ce souci d’arborer une approche « large » des spectacularisations de l’autre, m’exerçant à l’approche interdisciplinaire, nous passions des travaux de Pascal Blanchard, mais aussi de Nicolas Bancel, Gilles Boëtsh, Eric Deroo et Sandrine Lemaire20 sur les « Zoos humains », à leur généalogie de filiation, dans la visée de comprendre comment ont pu se produire de telles manifestations. Il me fallait ainsi introduire aux chambres des merveilles des cours européennes au XVIe siècle, à la multiplication des cabinets de curiosités au XVII et XVIIIe siècles, à cette période de la « marchandisation de la monstration de la différence » au XIXe dans les cirques, les foires, les expositions, les carnavals, jusqu'aux ethnic shows. Ce cheminement visait à exposer une dynamique diachronique des exhibitions de la différence sur le sol français, métropolitain, ayant édifié une certaine forme de « tradition » de la spectacularité de l'exotisme, pour arriver au rôle qu'a joué l’exhibition des danses voire pratiques dites exotiques lors des expositions universelles. Les travaux des chercheuses en danse que sont Anne Décoret-Ahiha21 et Claudia Palazzolo22 sont là indispensables pour saisir l'émergence de ce phénomène et nous inviter alors à interroger des processus d'acculturation ayant régi des dynamiques de transferts culturels. Là encore, un tel axe problématique, après son balayage historique, nous invite à considérer combien la perception que l'on a pu porter sur le corps dans un tel contexte et les discours qui en ont résulté, viennent travailler l'imaginaire avec lesquels nous auréolons encore aujourd'hui ces pratiques scéniques venues d'ailleurs. Comment situer au présent notre regard sur cette grande catégorie des « danses du Monde » ? Comment faire parler les imaginaires persistants du présent qui reposent encore sur ces fantômes-gravures de la rue du Caire, ces pavillons Khmères, ces danseuses du palais de l'Andalousie ? Mon intention était à la fois de mettre en lumière les rapports de pouvoir orchestrant les modalités de représentation de l'autre, mais aussi d’interroger comment le stéréotype de représentation peut être récupéré par la synergie de la création, dans différents milieux artistiques, afin de questionner les modes d’appropriation des représentations des attributs identitaires. Les étudiants étaient alors invités à partager des sujets d’étude en dialogue avec toutes ces questions, afin qu’à travers des exercices d’écritures automatiques, la réalisation d’enquêtes, de micros-trottoirs, des réalisations filmiques, compositions musicales, ils interrogent de façon sensible, située et collective, la façon dont le contenu du cours pouvait venir les questionner sur les constructions de discours portant sur l’autre, l’étranger, au regard de l’actualité.

Étape 6. Interroger les processus d’ « appropriation » par la création

17Au-delà de cette étude diachronique et synchronique questionnant les mécanismes de construction des regards portant sur le corps exotisé en Europe, je trouvais intéressant que les étudiants interrogent aussi plus spécifiquement les motivations d’artistes d’aujourd’hui, les poussant à interpréter leur /ou un héritage, se livrant, par le processus de création, à l’édification d’un regard réflexif sur les images symboliques qui peuplent un paysage référentiel identitaire. En effet, dans un cours intitulé « l’exotisme dans les arts de la scène », des étudiants ont travaillé par exemple sur les travaux de la photographe Ayana V. Jackson, photographe et cinéaste américaine qui travaille sur la représentation du corps noir et le rôle qu'a eu la photographie ethnographique dans la construction des identités, en annulant la perception subjective de ce même corps froidement exposé dans le contexte des expositions coloniales. Pour dialoguer avec ce sujet, des étudiants ont eu recours à la photographie artistique pour s’essayer eux-mêmes à des photos-montages, interpellant les rapports de domination identitaire dans les médias. Dans cette dynamique, celle visant à vouloir investir le stéréotype d’image comme catalyseur critique pour s’affranchir par la création, nous avons étudié en cours la façon avec laquelle divers auteurs traitent de la triste histoire de Saartje Baartman, appelée la Vénus Hottentote. Après une analyse comparative des travaux de la chorégraphe Nelisiwe Xaba, du cinéaste Abdellatif Kechiche et de la metteuse en scène Suzan Lori Parks ayant tous les trois travaillé sur la spectacularisation du corps de cette femme23, une étudiante a entrepris la création d’un monologue de théâtre sur ce même sujet, prétexte à aiguiser sa propre perception au contact de ces regards croisés. Ce type d’incorporation des savoirs, par le biais cognitif à sa traduction sensible par l’acte artistique, me semble un exemple fécond de restitution type « recherche-création ». L’étudiant est invité à restituer sa connaissance par le geste artistique, pour mieux incarner la portée critique, tout en formalisant une approche intérieure du savoir.

18De plus, lorsque nous étudiions la récupération de traits particuliers d’une culture pour l’injecter dans la création artistique, surgissait très rapidement l'épineuse question de l'appropriation culturelle, et ainsi, de l'exotisme, on passe aux mécanismes d'appropriation de cet exotisme. Là encore, il est bien plus question d'ouvrir, de débattre. Qu’est-ce qu’une « appropriation » et comment aborder cette question sans segmentariser les positions, fracturer les replis identitaires ? Bien rapidement, les étudiants ramènent les réflexions à « aujourd’hui », aux figures qui peuplent leur paysage référentiel, et s’amorce ainsi, par ce biais, la passionnante question de la pop culture, nous ouvrant ainsi aux champs des cultural et visual studies -bien qu’ils tendent chacun à leur autonomie épistémologique-. Les étudiants sont attirés par la mise en perspective de ces sentiers réflexifs avec des référents contemporains, habitant leurs univers musicaux proches, allant du cas d'Eminem, rappeur blanc dans un milieu au sein duquel s’illustrent les rappeurs noirs, à l’usage du Voguing par Madonna, jusqu'au cas plus récent des interprétations artistiques des origines de la culture afro-américaine qu’opère la chanteuse pop américaine Beyoncé Knowles qui après avoir découvert l'existence d'un lointain aïeul propriétaire d'esclaves24, s'est employée à vouloir défendre la réhabilitation de la représentation du corps noir dans une Amérique où les traces de ségrégation sévissent encore dans les paysages de violences policières. Il me semble passionnant d’inviter les étudiants à s’interroger sur ces questions, de leur rappeler les enjeux de « domination » dont il faut être alerte, sans tomber non plus dans le piège fractionniste, tout en déjouant les paradoxes sévissant dans le politiquement correct auréolant cette notion complexe et parfois vidée de ses signifiants de départ, qu’est devenue celle d’« appropriation culturelle ». L’exercice n’est pas simple, et les sentiers parfois périlleux, mais il faut entrer dans ces questions, aujourd’hui plus que jamais, et encore plus dans les formations en arts de la scène se spécialisant sur la question des théâtres du monde,

tant l'art malgré sa position idéaliste affirmant que rien de ce qui est humain ne nous est étranger, n'échappe pas toujours aux dangers d'une pensée essentialiste et universaliste trop souvent ethnocentrée.25

Approche conclusive

19Ce témoignage s’est essayé à une restitution de fragments d’explorations, observations, ayant été entrepris dans la recherche et la pédagogie, pour partager combien les expériences de doctorante/chercheuse, d’artiste et de pédagogue, peuvent trouver un réseau d’irrigation réflexif conjoint, favorisé par la dynamique de distanciation que procure l’acte de créer, étudier et transmettre. La recherche puise ainsi dans la création artistique et ses milieux d’expansion, pour impulser des dynamiques réflectrices dans l’enseignement, afin qu’à partir d’un même axe (ici, questionner la catégorie d’ « exotisme ») se pense la corporéité à l’aune des prismes du corps vécu et du corps perçu. Cette recherche d’une pensée incarnée, critique et en mouvement, mettant à profit la croisée des milieux artistiques, de recherche et d’enseignement, pour pratiquer des postures de décentrement des savoirs connus, me semble une des pistes fertiles possibles à envisager pour penser une ethnoscénologie stimulée par la recherche-création.

Notes

1 Extrait de la plaquette de formation du Master « Pratiques scéniques et Théâtres du monde », année 2020-2021, Université de Bourgogne Franche-Comté, UFR SLHS.

2 La portée interculturelle du département Théâtres au sein de l'Université de Besançon a été impulsée par le combat militant mené par la Professeure émérite Lucile Garbagnati, puis lui succéda Françoise Quillet, Professeure alors spécialisée dans les relations interculturelles entre les théâtres occidentaux et les théâtres du monde.

3 Le département repose à ce jour sur trois titulaires : Guy Freixe, Professeur en histoire et esthétique, spécialiste du masque, metteur en scène, formé à l’École Jacques Lecoq ; Christine Douxami, MCF HDR, anthropologue, spécialisée dans le Théâtre noir brésilien, théâtre politique ; et Aurore Després, MCF HDR, dont le travail porte sur les logiques de la perception et du geste, du temps et de l’archive dans le champ de l’art chorégraphique contemporain et des nouvelles esthétiques de la danse à la croisée de l'art performance.

4 Trois axes d’enseignement majeurs ont été dispensés durant le contrat doctoral -bien que leurs intitulés aient parfois variés selon les années-, un premier intitulé « Regards anthropologiques de la scène contemporaine » (Lic. 3), un second « Percevoir et écrire le geste » (Lic. 3), et enfin, « Exotisme dans les arts de la scène » (Lic. 2).

5 DEWEY John, Logique : La théorie de l’enquête, Paris, puf, 1993, p. 693.

6 LAPOUJADE David, JAMES William, Empirisme et pragmatisme, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, Le Seuil, 2007, p.152 .

7 WHEELER KEEALINOHOMOHU Joann, « An anthropologist looks at ballet as a form of ethnic dance », in Moving History / Dancing Cultures : a Dance History Reader, Wesleyn UP, 2001, pp. 33-43.

8 SANCHEZ Carolane, « Ce qui fait flamenco : palimpseste d’une recherche-création avec Juan Carlos Lérida », thèse sous contrat doctoral dirigée par Guy Freixe et Aurore Després, Université de Bourgogne Franche-Comté, soutenue le 19 novembre 2019.

9 « Tordre », en tant que verbe d’action utilisé par Rudolf Laban dans sa théorie de l’Effort-shape. Cf. LABAN Rudolf, La maîtrise du mouvement, traduit de l’anglais par Jacqueline Challet-Haas et Marion Bastien, Actes Sud, 1994.

10 Voir PLAZA ORELLANA Rocío, El flamenco y los románticos, un viaje entre el mito y la realidad, Séville, fundación el Monte, Bienal de Arte Flamenco de Sevilla, 1999.

11 GOFFMAN Erving, « La ritualisation de la féminité », in Présentation et représentation du corps, actes de la recherche en sciences sociales, vol. 14, avril 1977, pp. 34-50. ; voir aussi du même auteur Les rites d’interaction, Paris, les éditions de minuit, 1974, 230 p.

12 SANCHEZ Carolane, « Carmen, ou la spectacularisation de l'autre », in La femme fatale, de ses origines à ses métamorphoses plastiques, littéraires et médiatiques, Cyril Devès (dir.), Lyon, Association Emile Cohl / Centre de Recherche et d'Histoire Intermédias de l'école Emile Cohl, 2020, pp. 243-254.

13 ARTRU Julien (dir., prod.), SANCHEZ Carolane (co-auteure), Corps flamenco, film documentaire, 52 min., 2017.

14 Au sujet de la variabilité sensible à l’œuvre dans l’interprétation de techniques dites traditionnelles, voir les travaux de Federica Fratagnoli sur l’étude de la singularité kinesthésique d’Akram Khan dans sa façon d’habiter l’esthétique Kathak. Cf. FRATAGNOLI Federica, « L’Hybride à l’Épreuve du Corps Dansant : étude de créations de la scène contemporaine anglo-saxonne », Rev. Bras. Estud. Presença, Porto Alegre, v. 4, n° 3, sept./déc. 2014.

15 Jeu de pieds flamenco, provoqué par la frappe des talons de la chaussure contre le bois.

16 PRADIER Jean-Marie, « Ethnoscenology : the Flesh is Spirit », New Approaches to Theatre Studies and Performance Analysis, Günter Berghaus, The Colston Symposium, Bristol, Max Niemeyer Verlag, Tübingen, 2001, pp. 61-81.

17 Sous cette dénomination, faisons-nous référence aux couches les plus modestes de la société, qui seraient alors des non-peuples au regard d'élites cultivés ? Est-ce que le « populaire » relève d'une identité d'un peuple par dissociation à d'autres ? L'art populaire relève-t-il du non-professionnel ? Ou bien invoquons-nous par cette catégorie l'art de masse, ce qui a été popularisé par les grands moyens de communication ? Tant de questions qui seront sans nul doute investies dans le prochain n°9 de la revue en ligne Recherches en danse « Danse(s) et populaire(s) », à paraître en 2020.

18 Stuart Hall, édition établie par CERVULLE Maxime, Identités et cultures 2, Politiques des Différences, Paris, Editions Amsterdam, 2013, p. 10.

19 Ibid., p. 9

20 BANCEL NicolasBLANCHARD Pascal, BOËTSCH Gilles, et al.Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines. La Découverte, Poche/Sciences humaines et sociales, 2004, 490 p.

21 DECORET-AHIHA Anne, Les danses exotiques en France (1880-1940), Pantin, Centre national de la danse, 2004, p.317.

22 PALAZZOLO Claudia, Mise en scène de la danse aux expositions de Paris _ 1889-1937, Paris, Une fabrique du regard, L'œil d'or, coll., Essais et entretien, p. 290.

23 Cf. Approche croisée entre KECHICHE Abdellatif et son film La Vénus noire (2010), le texte de la pièce de PARKS Suzan-Lori Venus (1995) et le solo They Look At Me & That’s All They Think (2006) de la chorégraphe Nelisiwe Xaba.

24 Beyoncé, Créole in love in Louisiane, ARTE (prod.), série Invitation au voyage, documentaire, 14 min., 2019.

25 Op. cit., p. 12.

Pour citer cet article

Carolane Sanchez, « Construction d’un regard sur l’ « exotisme » », L'ethnographie, 5-6 | 2021, mis en ligne le 20 juillet 2021, consulté le 18 mai 2024. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=950

Carolane Sanchez

Carolane Sanchez est docteure en Arts de la scène depuis 2019, auteure d'une thèse intitulée « Ce qui fait flamenco : palimpseste d'une recherche-création avec Juan Carlos Lérida » (Université Bourgogne Franche-Comté). Elle est actuellement ATER au sein du département Arts du spectacle de l’Université Bourgogne Franche-Comté. Elle mène de façon entremêlée à sa recherche universitaire son activité de pédagogue et artiste-chercheuse. Plus d’informations sur : https://www.carolane-sanchez.com/